M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un droit d’exception continuera-t-il, oui ou non, de s’appliquer à Mayotte ?

Les élus du groupe communiste ont toujours défendu la convergence parfaite des droits appliqués dans l’Hexagone et à Mayotte. Mais, après l’étude de ce projet de loi et du projet de loi organique, nous devons malheureusement le constater : cet objectif est encore loin d’être atteint. Pourtant, des efforts ont été accomplis pour lutter contre cette inégalité de traitement, des efforts que nous saluons, monsieur le ministre.

Les membres de notre groupe demandaient depuis longtemps l’extension du statut de département-région à Mayotte : cette importante avancée est assurée par le présent texte.

En plaçant Mayotte au même niveau institutionnel que la Martinique ou la Guyane, nous réaffirmons la compétence du territoire en matière de coopération régionale, courroie de transmission indispensable au développement de l’île. Ce changement permet aussi d’adapter le cadre budgétaire aux enjeux financiers de Mayotte, afin que ce territoire puisse mieux affronter ses difficultés.

Par ces dispositions, vous répondez aux demandes des élus locaux et de la population mahoraise.

De même, ce projet de loi fait converger les droits applicables en matière sociale à Mayotte et dans l’Hexagone. Nous ne pouvons que saluer cette avancée, que nous demandions depuis longtemps.

Pour rappel, Mayotte est le département le plus pauvre de France. Au total, 77 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté. Son produit intérieur brut (PIB) est le plus faible et son taux de chômage est le plus élevé – il s’élève à 37 % de la population active.

Nous regrettons toutefois que le projet de loi ne détaille pas ces mesures, lesquelles font l’objet d’une simple habilitation du Gouvernement. De même, nous regrettons évidemment le choix de l’horizon 2031, bien trop lointain pour nombre de Mahorais.

Nous déplorons en outre le manque de convergence de certaines mesures. S’il est légitime de donner la priorité aux mesures relatives au travail, il semble absurde de ne pas prévoir, de manière simultanée, une convergence pour le revenu de solidarité active (RSA) et l’allocation aux adultes handicapés (AAH), dont les montants sont aujourd’hui 50 % plus faibles que dans l’Hexagone, ou encore pour les prestations familiales, dont la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje).

De ce fait, vous laissez sur le carreau beaucoup trop de personnes en difficulté, ce qui freine l’ambition de faire drastiquement baisser la pauvreté, ce fléau bien trop présent dans l’île.

Enfin, nous regrettons que l’aide médicale de l’État (AME) soit exclue de la convergence des droits sociaux, alors que les besoins de santé à Mayotte y sont si importants.

Nos regrets quant à ce texte ne s’arrêtent malheureusement pas là. La volonté de convergence des droits entre Mayotte et l’Hexagone, observée sur certains aspects, est en effet contrebalancée par le souhait de donner un statut d’exception à ce territoire.

Mes chers collègues, les habitants de Mayotte ne sont toujours pas traités à égalité avec les autres personnes vivant sur le territoire français, et pour cause : leurs abris d’infortune peuvent être détruits sans que la puissance publique soit tenue d’assurer le moindre relogement.

Il y a quelques semaines, vous leur avez interdit d’acheter de la tôle sans carte d’identité : ceux qui n’ont pas été mis à la rue par le cyclone Chido le seront désormais par le cyclone Manuel Valls ! (Exclamations.) De plus, leurs enfants peuvent être enfermés dans des centres de rétention, malgré les huit condamnations que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a infligées à la France à ce sujet.

Les frères, sœurs et parents d’enfants condamnés pour une infraction très floue d’atteinte à l’ordre public peuvent être jetés dans une précarité administrative pour des actes qu’ils n’ont pas commis.

Les titulaires de titres de séjour et les enfants étrangers sont confinés dans l’île. Leurs titres de séjour territorialisés et leurs documents de circulation pour étrangers mineurs les condamnent eux-mêmes à l’isolement, comme Mayotte tout entière.

Je le répète, les personnes étrangères en situation irrégulière vivant à Mayotte restent exclues du droit à l’AME, malgré les problèmes de santé publique que cette situation entraîne pour tous les habitants de l’île, quelle que soit leur nationalité.

Enfin, les habitants de Mayotte peuvent se voir exproprier de 300 hectares de terres agricoles par l’État français pour la construction d’un aéroport, imposée sans leur consultation et contre leur volonté.

Monsieur le ministre, j’insiste sur ce dernier point. Lorsque le Président de la République et vous-même vous êtes rendus à Mayotte en début d’année civile, les élus locaux et la population vous ont fait part du projet, à l’étude depuis vingt ans, de prolongement de la piste de l’aéroport de Petite-Terre. Vous avez annoncé vouloir aller contre leurs avis pour construire un nouvel aéroport à Grande-Terre.

Dans cet hémicycle, la semaine dernière, vous avez accusé les élus mahorais d’avoir manqué à leurs responsabilités. Vous auriez, par voie de conséquence, été contraint d’outrepasser leur avis.

Pourtant, c’est l’inverse qui s’est produit : les élus ont pris une délibération, le 17 avril 2025, à l’unanimité, pour vous demander de construire une piste longue à Petite-Terre. Ce choix responsable et démocratique ne vous convenant pas, vous avez déposé un amendement en séance publique pour le contrer. Puis, lorsque votre amendement a été rejeté, vous avez usé du règlement du Sénat pour imposer votre volonté, contre l’avis des élus, donc du peuple mahorais.

Si les passages en force sont à la mode depuis plusieurs gouvernements, s’ils se multiplient depuis quelques jours, nous regrettons que la chambre des territoires ne se soit pas rangée du côté des territoires et des élus locaux ; qu’elle ait préféré obéir à un gouvernement plutôt que d’écouter les élus et la population locale.

Malgré ces regrets, inspirés tant par le fond que par la méthode, nous ne voterons pas contre ces textes. En effet, ils contiennent tout de même quelques avancées importantes, que j’ai évoquées plus tôt.

Nous n’en resterons pas moins vigilants. Nous continuerons de lutter pour que les droits de l’homme soient aussi appliqués à Mayotte et pour obtenir, au plus vite, une réelle convergence des droits avec l’Hexagone. En effet, c’est en sortant les gens de la misère que nous construirons, pour toutes et tous, un avenir meilleur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Antoinette Guhl. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je suis allée à Mayotte il y a quelques semaines avec plusieurs membres de la commission des affaires économiques, dont je tiens à saluer la présidente. Je remercie également l’administration du Sénat, qui nous a fort bien accompagnés, ainsi que le préfet du département.

Nous avons vu. Nous avons écouté. Nous avons arpenté les villages et les bidonvilles. Nous avons visité les installations et rencontré les acteurs de terrain. Chacun en a tiré sa propre analyse, mais nous avons, toutes et tous, vu un territoire en crise, placé face à un défi de grande ampleur.

Pour ma part, j’estime que trop peu de dispositions de ce projet de loi répondent à l’urgence de la situation.

Où est donc la refondation dont on nous parle ? Crise de l’eau ; crise de l’école ; crise de l’habitat ; crise de la République : où sont les réponses à la hauteur de ces enjeux ?

Tout d’abord, j’insisterai sur l’eau. Aujourd’hui, 29 % des Mahorais ne disposent pas à leur domicile d’un raccordement à l’eau. Dans ces conditions, les bornes-fontaines jouent un rôle essentiel.

À Mayotte, les services d’eau ne fonctionnent que de manière discontinue – les habitants vivent 36 heures avec, puis 36 heures sans ! Il est donc urgent de développer des infrastructures, des retenues d’eau et des usines de dessalement à même d’assurer un service continu. Je rappelle que la continuité du service public est un principe constitutionnel.

On nous parle d’un projet de dessalement, présenté comme la solution miracle, mais il faudra deux à trois ans pour qu’il voie le jour. Aujourd’hui, il n’y a même pas de ligne à haute tension pour le raccorder : ce n’est pas encore seulement un projet. Et que dire de l’impact environnemental d’un tel chantier ? L’usine serait implantée dans le lagon, au cœur d’un joyau de biodiversité. Les rejets de saumure bouleverseraient un écosystème unique composé de coraux, de mangroves et d’herbiers.

Il faut certes une seconde usine de dessalement, mais au bon endroit. Une nouvelle retenue collinaire est également nécessaire. Il faut, en fait, un véritable plan d’urgence pour l’eau, seul à même d’assurer l’application du principe d’égalité.

En matière d’habitat, l’île se trouve également dans l’impasse. Ce que nous avons vu, ce sont des bidonvilles en pente, des chemins de tôle et des quartiers sans voirie construits sur des sols instables.

Or que fait ce texte ? Il renforce les pouvoirs de la police contre les habitats informels. On entreprend de les détruire, comme si le cyclone Chido ne l’avait pas déjà fait, bien plus efficacement que n’importe quelle police au monde… D’ailleurs, tout a été reconstruit à l’identique.

De même, on ne dit rien de l’aménagement, rien du relogement digne, rien du logement social dans ce texte. On détruit, mais on ne construit pas. Nous sommes face à une impasse sociale et urbaine.

Il faut un plan de résorption de l’habitat insalubre : des toitures sécurisées, des ruelles éclairées, des latrines dignes et des sols stabilisés. On ne peut tout résoudre avec des bulldozers !

Quant à l’éducation, elle est au bord du gouffre. En tout, 1 200 classes manquent : ce n’est pas nouveau, ce n’est pas une surprise. On connaît les chiffres et les besoins. Or que prévoit-on avec ce texte ? La fin de la rotation scolaire, en 2031… Comme pour la convergence sociale, l’objectif fixé est bien trop lointain, bien trop vague et dépourvu de plan d’investissement.

Pour renforcer l’attractivité du territoire, on mise sur des exonérations fiscales et des primes pour les fonctionnaires. Mais, en multipliant les exonérations, on risque avant tout de provoquer un effet d’aubaine sans pour autant provoquer de développement structurant.

Soyons clairs : ce n’est pas parce que l’on paiera un fonctionnaire plus cher qu’il viendra, si son enfant n’a pas d’école, si son conjoint ne trouve pas de travail, s’il ne peut pas se loger ou s’il n’est pas prioritaire lors des affectations à venir.

Pendant ce temps, on durcit la répression. En 2023, le nombre d’expulsions a atteint 22 000 : il s’agit là d’un record ! J’ajoute que, trop souvent, ces mesures sont décidées au mépris du droit. On décide ainsi de renvoyer des mineurs par simple association avec un adulte, afin de contourner la loi.

C’est l’article 8 qui a donné lieu aux discussions les plus choquantes. On prévoit de retirer un titre de séjour à des parents de mineurs qui troublent l’ordre public s’ils ont manqué à leurs obligations éducatives. Il s’agit là d’un dispositif sans précédent, comme l’a dit Mélanie Vogel, tout en rappelant un principe fondamental : la responsabilité pénale est individuelle. On ne peut pas être puni pour des faits que l’on n’a pas commis soi-même.

Notre collègue a posé la véritable question : « Que pensez-vous qu’il va se passer ? On va retirer un titre de séjour aux parents, et ensuite quoi ? » Il s’agit là d’une simple mesure de punition, de répression. Ce n’est pas une solution acceptable pour nous, membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Monsieur le ministre, cette mesure ajoute de la peur à la précarité, de l’exclusion à la violence : est-ce là réellement la société que nous voulons ?

Pour nous, c’est une ligne rouge. Il n’y a aucune politique d’accueil à Mayotte ; pas de centre pour demandeurs d’asile ; pas d’allocation pour vivre ; pas de contrat d’intégration : c’est le vide total. Comme l’a dit la Défenseure des droits, « on crée une zone d’expérimentation du recul des droits ». Vous durcissez les règles et vous laissez de côté l’État de droit.

Une véritable refondation supposerait un plan d’aménagement global, comprenant les routes, le logement, l’eau et l’électricité ; un service public de l’eau digne de ce nom ; un rattrapage éducatif d’urgence – à cet égard, l’objectif de 1 200 classes n’est pas une option, mais un devoir ; la fin de la territorialisation des titres de séjour ; un accompagnement pour les personnes en situation régulière, supposant de mettre l’accent sur l’hébergement, l’intégration et la dignité de ces femmes et de ces hommes ; enfin, une politique écologique à la hauteur de l’exceptionnelle biodiversité de l’île, qu’il s’agisse de la reforestation, de la gestion des déchets ou de la préservation du lagon.

Je suis allée à Mayotte. J’ai vu un territoire qui se bat, qui résiste, mais qui n’en peut plus.

Ce texte ne répond pas aux principes de la République. Il n’assure pas davantage le développement digne auquel les Mahorais devraient avoir droit. On ne refonde pas un territoire avec des centres de rétention et des exonérations fiscales. On le refonde avec de la justice, de l’égalité et de la dignité.

Ce ne sont pas ces textes qui changeront les choses : nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Saïd Omar Oili. Monsieur le ministre, lors de l’examen de ces deux textes, vous nous avez brossé un paysage singulier de Mayotte. Vous avez décrit une végétation qui revient et des activités qui redémarrent.

Or, au même moment, dans un message au Président de la République, des acteurs économiques de Mayotte donnent à voir une autre image de notre archipel : « Après cinq mois, Mayotte s’épuise, lasse des promesses de l’État. Les caisses des collectivités sont vides. Les chantiers sont à l’arrêt. La colère monte. »

Les signataires de ce courrier ne sont ni des excités ni des incontrôlés. Ce sont des responsables d’associations d’élus, des maires et présidents d’intercommunalités, des délégués du Mouvement des entreprises de France (Medef), de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et de la chambre de commerce et d’industrie (CCI).

Votre attitude me fait étrangement penser à une chanson des années 1930 : « Tout va très bien, madame la marquise » ! (Sourires.)

En février dernier, nous avons voté un texte d’urgence pour Mayotte. Je vous ai transmis un tableau de suivi des mesures contenues dans cette loi dès sa publication, en précisant que j’attendais un retour : depuis lors, silence…

Lors du vote du projet de loi d’urgence, vous vous êtes engagé à mener une concertation sur les textes d’application, notamment sur les ordonnances. Force est de constater que vous ne tenez pas vos engagements.

J’ai découvert l’ordonnance relative à l’établissement public chargé de la refondation de Mayotte en parcourant le Journal officiel de vendredi dernier. Je ne vous ferai pas l’affront de penser que le contenu de cette ordonnance explique votre silence, même si ce texte innove de façon assez singulière en matière de gouvernance.

En effet, le président du conseil départemental doit présider le conseil d’administration de l’établissement public, composé à parts égales de représentants de l’État et de représentants des collectivités territoriales. Or – je l’ai découvert avec surprise –, en cas d’égalité de votes, c’est le vice-président représentant l’État qui aura voix prépondérante ; et, en vertu d’un amendement retenu au titre du projet de loi de refondation, ce représentant de l’État sera sous la responsabilité de la mission Facon, rue Oudinot, à Paris.

Monsieur le ministre, à ce propos, deux citations me viennent à l’esprit. La première est une célèbre phrase de Mandela : « Ce qui est fait pour nous sans nous est fait contre nous. » La seconde est attribuée à Napoléon Bonaparte : « On peut gouverner de loin, mais on n’administre bien que de près ».

Lors de l’examen du projet de loi de refondation de Mayotte, sur lequel nous nous prononcerons dans quelques instants, j’ai détaillé les priorités de notre groupe : la fin des cartes de séjour territorialisées ; la suppression de l’article 19, relatif aux expropriations ; un calendrier plus resserré des mesures de convergence sociale. Au total, le compte n’y est pas.

La fin des cartes de séjour territorialisées, que demande l’ensemble de la classe politique mahoraise, n’a pas été votée. Nous le regrettons très vivement.

Ce refus jette le discrédit sur la politique gouvernementale à l’égard des Mahorais. Votre prédécesseur s’était engagé par écrit : il avait promis que cette mesure serait mise en œuvre après la réforme du droit du sol, qui vient d’être votée. Dans ces conditions, comment voulez-vous que la parole publique soit crédible ?

Pour lutter contre l’immigration clandestine, vous défendez des mesures dérogatoires au droit commun. Mais, en la matière, on constate beaucoup d’effets d’annonce et peu de résultats. J’en veux pour preuve deux exemples.

Premièrement, les résultats obtenus en 2024 au titre de l’opération Wuambushu et de l’opération place nette ne sont guère satisfaisants : les reconduites à la frontière ont été moins nombreuses que les années précédentes. On en a dénombré 16 000, au lieu de 25 000 habituellement.

Deuxièmement, lors du vote du projet de loi d’urgence, j’avais exprimé le scepticisme que m’inspirait l’interdiction de vente des tôles aux personnes en situation irrégulière. Je tiens à votre disposition les photos du bidonville de Kawéni, aujourd’hui émaillé de tôles flambant neuves. Soit il n’y a plus de clandestins dans ce secteur, soit une telle mesure est tout simplement inopérante.

En outre, l’article 19, qui déroge au droit commun pour les procédures d’expropriation, est maintenu dans sa rédaction initiale. Faites d’abord une vraie réforme foncière, ne mettez pas la population mahoraise en insécurité sur ses terres : comme on a coutume de le dire chez nous, « vous avez mis la charrue avant les zébus » ! (Exclamations amusées.)

Enfin, en matière de convergence sociale, le compte n’y est pas. La perspective de 2031 n’est pas acceptable. Pourtant, des mesures concrètes peuvent être prises rapidement au titre des minima sociaux, d’autant que certaines n’auront qu’un impact financier limité. Je pense par exemple aux pensions de retraite, qui ne sont qu’au nombre de 5 000 : le coût de leur alignement s’élèverait à 1,5 million d’euros. Pour les 4 000 minima sociaux, cette mesure ne coûterait que 800 000 euros.

Nous avons déposé trente amendements sur le rapport annexé, afin de préciser certaines mesures. À cet égard, j’ai déploré le contenu de certaines réponses qui m’ont été apportées.

Ainsi, j’ai déposé un amendement visant à créer un observatoire du volcan Fani Maoré. En réponse, vous m’avez indiqué que le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte (Revosima) assurait déjà cette mission.

Un observatoire sismovolcanique a deux vocations : mener des études scientifiques et appliquer un dispositif de surveillance.

J’ai pu mesurer toute la qualité du précieux travail mené par les scientifiques de l’institut de physique du globe de Paris (IPGP) pour nos territoires ultramarins.

Le Revosima est bien le référent sur le volet scientifique, mais, aujourd’hui, la surveillance du volcan Fani Maoré est bien assurée par l’observatoire du piton de la Fournaise, à La Réunion. Je me suis rendu sur le site de cet observatoire : son équipe, au demeurant très compétente, m’a expliqué comment elle surveillait le Fani Maoré, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Lors de l’examen de ce projet de loi, une petite musique revenait à mes oreilles – la chanson du chanteur réunionnais Tonton David, qui clamait : « Je suis sûr, sûr qu’on nous prend… » – je vous laisse deviner la suite, mes chers collègues !

Ce rapport annexé renferme une série de mesures qui pourraient constituer une véritable feuille de route pour le développement de Mayotte. Toutefois, il souffre d’une absence de financements consolidés et ne tient pas compte des évaluations de la mission interinspections, qui s’élèvent à 3,5 milliards d’euros.

Le projet de loi de refondation de Mayotte, tel qu’il est nous est soumis, ne répond pas aux priorités des Mahorais. Quant à la feuille de route pour la refondation de Mayotte, elle reste trop floue, notamment au titre des moyens financiers dédiés aux investissements.

C’est pourquoi les élus de notre groupe s’abstiendront. Ce texte ne répond décidément pas aux urgences de ce territoire de la République, français depuis 1841. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, depuis le cyclone Chido, nos compatriotes l’ont bien souvent entendu : Mayotte, c’est la France. Pourtant, cinq mois après la catastrophe, les regards comme les caméras se sont détournés, et la sollicitude du pays a laissé place à la solitude des Mahorais.

Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, disons-le d’emblée, traduit des intentions louables, mais il ne suffira sûrement pas à répondre aux attentes des Mahorais. Ce texte pourra rassurer à Paris, mais le fera-t-il pour les habitants de l’archipel ? Pour beaucoup, tout cela ressemble aux autres promesses qui se sont perdues entre les couloirs ministériels et la réalité du terrain…

Oui, nous saluons certaines avancées, telles que le durcissement des conditions de séjour, la rétention des mineurs délinquants dans des structures adaptées et la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité. Oui, la centralisation des actes d’état civil à Mamoudzou et le contrôle des transferts d’argent sont des signaux positifs.

Mais comment croire que l’on peut refonder Mayotte sans s’attaquer à la racine du mal ? Le texte ne comprend rien sur la suppression du droit du sol, alors même que, en 2022, trois enfants sur quatre y naissaient de mères étrangères. Rien non plus sur la priorité nationale dans l’accès aux soins, à l’école, à l’emploi, dans un territoire où les Mahorais, Français à part entière, sont désormais minoritaires chez eux.

Ainsi, ce texte se borne à limiter timidement une submersion migratoire qu’il se garde bien de nommer. Il contourne le sujet et le masque derrière des dispositifs techniques, comme si l’urgence à Mayotte n’était qu’une question de procédure ou de gestion administrative.

Qu’attendons-nous ? Pourquoi n’y a-t-il toujours aucune frégate stationnée en permanence au large de Mayotte ? Pourquoi aucune base militaire dotée de radars ne contrôle-t-elle le canal du Mozambique ?

Quant à l’absence persistante de cadastre, comment peut-on prétendre aménager un territoire quand l’État ne sait pas à qui appartiennent les parcelles de terrains ? Aujourd’hui, à Mayotte, on bâtit sans droit ni titre, on s’approprie des terrains dans la plus totale opacité et l’État recule, faute de savoir où il peut agir. Tant que cette situation perdure, aucune politique d’aménagement ou de refondation n’est possible.

Les Mahorais, eux, souffrent. Ils veulent la République, dans toute sa force. Ils veulent de la justice. Ils veulent de l’ordre. Ils veulent une présence visible et concrète de la France.

Alors, oui, ce texte est un pas, mais un pas timide, technocratique, qui n’est pas à la mesure de l’urgence. Nous aurions voulu que le projet de loi aille plus loin, qu’y soient nommées les choses avec plus de clarté et qu’il permette d’agir avec plus de fermeté.

Toutefois, dans la situation dramatique que traverse Mayotte, ne rien faire serait, bien évidemment, pire. Aussi saluons-nous la volonté de donner enfin à l’île les infrastructures stratégiques qu’elle demande depuis des années, particulièrement la nouvelle piste pour l’aéroport qui dessert l’archipel.

Bien des sujets devraient encore être traités, tels que l’autonomie alimentaire, le développement économique local et la protection des productions agricoles locales, pour faire de ce texte le nouveau départ dont Mayotte a besoin. Mais nous refusons l’immobilisme.

Nous voterons donc ce texte, non pas par adhésion pleine et entière, mais parce qu’il faut bien commencer quelque part et parce que l’inaction serait une insulte de plus faite à ces Français qui, eux, n’ont jamais cessé de croire en la France.

projet de loi de programmation pour la refondation de mayotte

M. le président. Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte dans le texte de la commission, modifié.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 292 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 243
Pour l’adoption 226
Contre 17

Le Sénat a adopté.

projet de loi organique relatif au département-région de mayotte

M. le président. Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte dans le texte de la commission, modifié.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 293 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 274
Pour l’adoption 258
Contre 16

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le ministre d’État.

M. Manuel Valls, ministre dÉtat, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à remercier l’ensemble des membres du Sénat des débats que nous avons eus et, plus particulièrement, des votes qui viennent d’avoir lieu.

J’ai toujours dit que notre action se ferait en trois temps.

Premièrement, nous nous sommes consacrés à la gestion de la crise. Sans aller jusqu’à dire que celle-ci est terminée, par conséquent les urgences vitales, nous avons beaucoup avancé, même s’il reste bien des défis à surmonter.

Deuxièmement, nous avons enclenché la reconstruction avec la mission Facon et, bien sûr, la loi du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte, que vous-mêmes avez votée, mesdames, messieurs les sénateurs.

Troisièmement, nous nous attelons à la refondation, qui trouve aujourd’hui un point de départ. Je ne dirai jamais que tout va bien à Mayotte, mais nous jetons les bases d’une refondation et d’une reconstruction que nous devons notamment à votre travail.

Je veux remercier les rapporteurs de leur engagement : Olivier Bitz et Agnès Canayer pour la commission des lois, Micheline Jacques pour la commission des affaires économiques, Christine Bonfanti-Dossat pour la commission des affaires sociales et Stéphane Fouassin et Georges Patient pour la commission des finances, ainsi que, bien évidemment, les présidents des différentes commissions, impliqués, comme beaucoup d’autres sénateurs.

Ainsi, les travaux des commissions ont permis de compléter et de préciser le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Je pense à l’amélioration de l’article 10, pour mieux lutter contre les bidonvilles, ou encore à l’article 1er bis, avec le renforcement des pouvoirs du préfet pendant la reconstruction.

En séance, plusieurs amendements ont été adoptés, y compris sur l’initiative de sénateurs d’opposition, comme Saïd Omar Oili ou Mélanie Vogel, pour préciser la stratégie présentée dans le rapport annexé. Nous avons aussi renforcé les mesures de lutte contre l’immigration, grâce aux rapporteurs et à la sénatrice Marie-Do Aeschlimann.

Madame la sénatrice de Mayotte, chère Salama Ramia, je voulais également vous remercier de votre implication et des travaux que vous avez menés. Au-delà de nos désaccords, votre engagement a été utile. Il faut être constructif, sans être dans la démagogie, et regarder la réalité en face. En particulier, sur l’initiative du Gouvernement, nous avons précisé et complété le travail de programmation financière, atteignant presque 4 milliards d’euros pour Mayotte. Je sais que, sur place, cela fait des années, voire des décennies, que l’on attend de tels montants.

Des décisions sont prises. Elles provoquent forcément des débats, comme sur l’avenir de l’aéroport. Mais jamais – jamais ! – un gouvernement ne s’était engagé sur de telles sommes. Cela correspond aux engagements qui sont attendus. Évidemment, maintenant, il convient de les matérialiser, de sorte que nous puissions en voir concrètement les répercussions sur Mayotte.

Ceux qui ont voté pour le texte, ceux qui l’ont enrichi recevront à un moment ou un autre, me semble-t-il, la reconnaissance des Mahorais, à qui nous devons tant, car nous connaissons leur engagement pour la France.

Maintenant, c’est à l’Assemblée nationale de poursuivre ce travail. Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à vous, nous avons accompli un pas très important, et même décisif, pour la reconstruction de Mayotte. Je tenais, très sincèrement, à vous en remercier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)