Dans la Somme, le département dont votre collègue M. Somon est élu, pour faire face à la baisse de la démographie, des communes ont par ailleurs inventé un dispositif extraordinaire assurant un accueil mutualisé des enfants, y compris sur le temps périscolaire.
Il nous faut accompagner l’élaboration de telles solutions, car elles sont très attendues. Tel est l’engagement de l’État. Tels sont aussi l’engagement et la mission des départements, des caisses d’allocations familiales (CAF) et des caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA).
Je souhaite en particulier que les CAF s’assurent que les collectivités pourront assumer les charges, parfois très lourdes, qu’emportent les normes qu’elles imposent. Je souhaite également – et je vous invite à mener ce combat à mes côtés, monsieur le sénateur – qu’au sein des caisses d’allocations familiales départementales, une représentante des élus accompagne la mise en œuvre des solutions d’accueil de la petite enfance. (M. Bernard Buis applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Il serait bon que, dans le cadre de l’affectation de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), des crédits soient alloués de manière prioritaire aux projets de crèches ou de maisons d’assistants maternels. Or ce n’est pas toujours le cas.
Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à Mme Anne Ventalon, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Ventalon, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la diversité de vos interventions ce soir montre qu’il existe non pas une seule ruralité, mais bien des ruralités.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 88 % de notre territoire est situé en zone rurale. La ruralité fait face aux nombreux défis que vous avez rappelés, mes chers collègues : l’accès aux services, qu’il s’agisse des écoles, des commerces ou des centres de santé, la mobilité, le vieillissement de la population et le départ des plus jeunes, et enfin la nécessité de rénover le bâti tout en accompagnant la transition énergétique.
Depuis quelques années, sous l’impulsion du plan France Ruralités, plusieurs programmes, notamment Villages d’avenir et Petites Villes de demain, ont été mis en place afin de répondre de manière adaptée aux besoins des territoires ruraux. Je salue du reste la mission flash que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a décidé de consacrer au bilan du programme Petites Villes de demain, cinq après sa mise en œuvre, et qu’elle a confiée à nos collègues Nicole Bonnefoy et Louis-Jean de Nicolaÿ.
Jugeant qu’il est essentiel de renforcer la gouvernance de proximité et d’appuyer pleinement l’action des élus locaux, le Sénat a voté plusieurs propositions de loi allant dans ce sens.
Je me réjouis que nous ayons adopté, en mars dernier, la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, dite proposition de loi Trace. Au-delà de la volonté d’œuvrer pour rendre la politique de réduction de l’artificialisation des sols plus supportable, ce texte instaure une meilleure prise en compte des réalités locales et rurales, lesquelles diffèrent bien souvent d’un département à un autre. Ce texte permet ainsi de redonner la main aux communes en matière de développement comme de maîtrise des enjeux démographiques et économiques.
Plus récemment, nous avons voté à une large majorité en faveur de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires. Alors que 87 % du territoire est classé en désert médical, nous connaissons tous des exemples concrets de difficultés d’accès aux soins dans nos départements.
Les obstacles sont nombreux : éloignement géographique, pénurie de professionnels, fermeture de services, délais d’attente déraisonnables pour consulter un spécialiste, etc. Pour y faire face, des mesures fortes ont été retenues, telles que la reconnaissance des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ou encore un encadrement mieux ciblé de l’installation des professionnels dans les zones sous-dotées.
Dans un autre domaine, le déploiement, depuis 2020, de plus de 2 750 maisons France Services sur l’ensemble du territoire constitue un véritable atout. Permettant à chaque Français d’effectuer ses démarches administratives à moins de vingt minutes de chez lui, ces maisons constituent une réponse concrète à la fracture numérique et administrative qui affecte de trop nombreux citoyens. Nous devons nous assurer que les moyens nécessaires à la poursuite de leur action seront alloués à ces maisons.
Il me paraît également indispensable de maintenir nos écoles rurales. Dans de nombreux départements, les fermetures de classes et les suppressions de postes se multiplient, souvent sans réelle concertation avec les élus. En ce domaine comme dans d’autres, il est donc essentiel de renforcer la gouvernance locale, pour que les décisions prises reflètent pleinement les réalités concrètes des territoires ruraux.
Si la ruralité est aujourd’hui trop souvent associée à un manque d’attractivité, le développement de la ruralité positive permet de valoriser le cadre de vie et de créer une dynamique grâce à une variété de services, d’activités et d’initiatives locales. Cette ruralité vivante qui offre une qualité de vie renforcée attire autant de familles que d’entreprises.
Il nous faut toutefois améliorer les offres de mobilité – vous êtes nombreux à l’avoir souligné, mes chers collègues. J’ajouterai que l’amélioration de ces offres doit tenir compte de l’accès à la culture. Nous devons en effet valoriser la diversité culturelle et patrimoniale des territoires ruraux en encourageant le tourisme. C’est ainsi que nous pourrons soutenir le développement local de nos territoires et préserver leur identité, tout en assurant la transmission de ce patrimoine aux plus jeunes et le maintien du lien intergénérationnel.
Notre ruralité est une terre d’audace. Loin d’être figée, elle se réinvente et innove. Lors de vos déplacements dans nos départements, notamment en Ardèche où je suis élue, vous avez pu constater, madame la ministre, la richesse et la diversité de nos territoires, mais aussi la volonté commune des élus, des habitants et des acteurs locaux de les faire vivre.
Lors de ce débat ont été rappelés les défis majeurs auxquels les zones rurales sont confrontées. Les politiques publiques jouent un rôle déterminant pour y répondre, sous réserve toutefois qu’elles soient adaptées aux réalités locales, d’une part, et qu’elles soient menées de manière concertée, d’autre part.
N’oublions pas que le monde rural n’est pas un problème à résoudre, mais bien une opportunité dont il nous appartient de nous saisir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Michel Masset applaudit également.)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Bravo !
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Comment nos politiques publiques peuvent-elles contribuer à relever les défis auxquels sont confrontées les zones rurales de notre pays ? ».
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Avenir du groupe La Poste
Débat organisé à la demande de la commission des affaires économiques
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires économiques, sur l’avenir du groupe La Poste.
Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.
Madame la ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l’hémicycle.
Dans le débat, la parole est à M. Patrick Chaize, au nom de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Patrick Chaize, au nom de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe La Poste, société anonyme à capitaux 100 % publics depuis 2010, se trouve aujourd’hui à un moment charnière de son histoire.
En premier lieu, parce qu’il verra sa gouvernance prochainement renouvelée. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe depuis 2013, quittera en effet son poste à la fin du mois de juin. Je tiens à saluer son implication dans la réorganisation de l’entreprise et son souci de préserver un climat social serein durant celle-ci. Je souhaite bonne chance à son successeur.
Dans les prochaines semaines, le Président de la République devra par conséquent proposer le nom de celui ou de celle qui le remplacera et, conformément à la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution, ce choix sera soumis à l’approbation des commissions des affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Il s’agit, en second lieu, d’un moment charnière parce qu’au cours des dernières années, le groupe La Poste a profondément transformé son modèle, ce qui doit nous conduire à réfléchir au bilan de ces évolutions et à notre vision de ce groupe chargé de plusieurs missions de service public essentielles pour notre cohésion sociale.
Deuxième employeur public de France après l’État, avec plus de 225 000 collaborateurs en 2023, dont plus de 60 000 facteurs, La Poste est présente partout ou presque, au plus près de nos concitoyens et au cœur de leur quotidien. Elle incarne indirectement la présence de l’État et des services publics, en particulier dans les territoires ruraux.
Historiquement, les recettes issues de la distribution du courrier, puis de la livraison de colis, constituaient la plus grande partie du chiffre d’affaires du groupe La Poste. La baisse du volume de courrier, accélérée par la crise économique et sanitaire de la covid, par la numérisation des échanges et par l’ouverture à la concurrence du marché de la distribution du courrier en 2011, est désormais une tendance de long terme.
Afin de faire face à ce défi majeur, La Poste, devenue en 2021 une entreprise à mission, a accéléré sa stratégie de diversification en développant des activités de téléphonie mobile, de banque-assurance, de livraison internationale de colis ou encore de services de proximité et à domicile, comme la livraison de repas auprès des personnes âgées.
Cette stratégie de diversification a notamment conduit au rapprochement entre La Banque postale et CNP Assurances en 2020. Détenant désormais 66 % des participations, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) est devenue à cette occasion l’actionnaire majoritaire et de contrôle du groupe La Poste, l’État conservant les 34 % restants.
Le plan intitulé « La Poste 2030, engagée pour vous » accélère cette diversification autour de plusieurs axes stratégiques et thématiques, même si les nouveaux services de proximité représentent actuellement moins de 2 % du chiffre d’affaires du groupe.
Désormais groupe international, puisque 44 % de son chiffre d’affaires est réalisé à l’étranger, mais aussi multi-activité, La Poste a enregistré en 2024 des résultats en progression. Son chiffre d’affaires s’est en effet établi à 34,6 milliards d’euros et son résultat net, en progression, s’est élevé à 1,4 milliard d’euros.
C’est donc un groupe en pleine mutation que Philippe Wahl laissera à son successeur. La tâche est bien sûr loin d’être achevée, car le groupe devra continuer d’évoluer pour prendre en compte les changements économiques et sociaux profonds qui affectent son modèle d’activité.
Je souhaiterais à cet égard que vous nous fassiez part, madame la ministre, de la vision du Gouvernement quant à l’avenir du groupe La Poste, et que vous nous indiquiez les grandes lignes de la feuille de route qu’établira l’État à l’attention de son futur dirigeant.
Au-delà du modèle économique global, qui conditionne évidemment la bonne santé financière, nous sommes bien sûr tout particulièrement sensibles ici, au Sénat, aux missions de service public confiées au groupe La Poste, qui sont dans notre pays à la fois plus nombreuses et plus exigeantes que dans d’autres pays européens.
En particulier, la loi du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales a désigné La Poste en tant que prestataire du service universel postal pour une durée de quinze ans à compter du 1er janvier 2011, soit jusqu’au 31 décembre 2025.
Le service universel postal consiste notamment en une levée et une distribution six jours sur sept sur l’ensemble du territoire national pour les envois de correspondance jusqu’à deux kilogrammes, et de colis postaux jusqu’à vingt kilogrammes.
La Poste a également l’obligation de maintenir un maillage très fin comportant au moins 17 000 points de contact sur les territoires.
Compte tenu de ces exigences, de l’articulation du service universel postal avec les autres missions de service public confiées au groupe La Poste, mais également du caractère structurellement déficitaire de ce service public depuis 2018, il est évident que La Poste est la plus à même d’offrir la meilleure qualité de service public aux usagers tout en offrant les coûts les plus faibles pour les collectivités.
La désignation du groupe en tant que prestataire du service universel postal n’a d’ailleurs soulevé aucune objection lors de la consultation publique qui s’est tenue du 7 mars au 7 avril dernier sur le site internet du ministère de l’économie.
J’ai beaucoup plaidé ces derniers mois pour que la reconduction du groupe La Poste en tant que prestataire du service universel postal fasse l’objet d’un projet de loi. Un tel texte nous aurait permis de légiférer sur d’autres sujets concernant La Poste, en particulier le cadre et le contenu des services publics qui lui sont confiés. Son examen aurait également été l’occasion d’ouvrir des pistes d’évolution.
Or il semble que le Gouvernement a demandé au Conseil constitutionnel de déclasser au niveau réglementaire les dispositions de l’article 2 du code des postes et des communications électroniques, lesquelles prévoient la désignation du prestataire du service universel postal. Le groupe La Poste serait ainsi désigné prestataire du service universel postal pour une durée de dix ans, à compter du 1er janvier 2026, par un simple arrêté.
Si j’ai bien conscience de l’urgence et du contexte politique particulièrement difficile, madame la ministre, je déplore évidemment un tel choix conduisant à un dessaisissement du législateur. J’estime même qu’il s’agit d’une erreur politique, car il importe que La Poste ait le soutien et la compréhension du Parlement. Or procéder par voie réglementaire irait à l’encontre de cet objectif.
M. Damien Michallet. Très bien !
M. Patrick Chaize. Quoi qu’il en soit, en cette fin du moins de mai, pourriez-vous nous indiquer quelle option juridique a été retenue par le Gouvernement pour garantir dans les meilleurs délais la continuité du service public postal au-delà du 31 décembre 2025 ? Pouvez-vous, par ailleurs, nous expliquer le choix de fixer à dix ans la durée de cette attribution, précédemment fixée à quinze ans ?
Outre le service universel postal, le législateur a confié au groupe La Poste trois autres missions de service public : le transport et la distribution de la presse, une contribution à l’aménagement du territoire et l’accessibilité bancaire.
Ces missions de service public sont soumises au droit européen de la concurrence, qui autorise la France à verser une compensation financière pour couvrir tout ou partie des coûts qu’elles emportent. Le montant de la compensation au titre du service universel postal est compris entre 500 et 520 millions d’euros par an. La poste française est ainsi celle qui, en Europe, reçoit le montant le plus élevé, tandis que la majorité des opérateurs postaux européens ne reçoivent aucune compensation au titre du service universel postal.
En dépit de cette compensation, le coût supporté directement par le groupe s’est établi à environ 480 millions d’euros en 2023. En raison du montant élevé des coûts fixes afférents aux services postaux, un tel déficit devrait également être constaté dans les années qui viennent.
La mission d’aménagement du territoire, qui est l’une des plus exigeantes, a vu son coût croître de 100 millions d’euros entre 2018 et 2023, alors même que la fréquentation du réseau n’a cessé de diminuer.
Enfin, la mission d’accessibilité bancaire bénéficie d’une compensation élevée – son montant s’est établi à 303 millions d’euros en 2023 –, qui ne couvre toutefois pas toutes les charges supportées par le groupe.
Je n’aborderai pas la mission de distribution de la presse, dont le coût dérive lui aussi.
La rentabilité des missions de service public s’est donc dégradée au cours des dernières années, sans que la hausse de la compensation par l’État n’enraye la détérioration des soldes. Je voudrais par conséquent savoir, madame la ministre, quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement pour permettre au groupe La Poste de continuer à assurer les missions de service public qui lui ont été confiées par le législateur, tout en maîtrisant l’impact de celles-ci sur les finances publiques.
Je reste, pour ma part, convaincu qu’il faudra prévoir rapidement une nouvelle loi postale afin de réexaminer dans le détail le contenu de ces différentes missions de service public et de les ajuster au mieux aux évolutions de l’économie et de la société française, ainsi qu’aux attentes des élus locaux.
Je crains que ce gouvernement n’ait, une fois encore, raté une occasion de bien faire, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville et Mme Guylène Pantel applaudissent également.)
M. Damien Michallet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis d’autant plus heureuse de débattre avec vous de l’avenir du groupe La Poste qu’il y a quelques années, alors que j’étais députée, je siégeais – à vos côtés, monsieur Chaize – au sein de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP).
Je m’efforcerai de répondre rapidement mais clairement aux deux questions que vous m’avez posées.
Philippe Wahl a mené un travail remarquable à la tête du groupe La Poste, qui a vu le volume de son activité principale, la distribution du courrier, être divisé par deux en dix ans. Si l’élaboration de la feuille de route de son successeur n’est pas tout à fait terminée, les axes en sont connus et attendus : l’amélioration de la qualité des missions de service public ; l’amélioration de la couverture territoriale ; la consolidation de la soutenabilité de la trajectoire financière ; l’amélioration de la rentabilité des nombreuses activités qui ont été développées ; la capitalisation sur le développement des activités qui génèrent de la valeur, notamment la livraison de colis et les activités bancaires.
Je souhaite insister sur la couverture territoriale. Jusqu’à nouvel ordre, la loi postale fixe à 17 000 le nombre de points de contact et d’accès aux services postaux. Le respect de ce cadre sera une exigence forte pour la prochaine équipe dirigeante.
Vous m’interrogez par ailleurs, monsieur le sénateur, sur la forme que prendra la délégation du service universel postal. Il est fâcheux que du fait de ce que j’appellerai pudiquement des péripéties politiques, nous n’ayons pas pu débattre de cette question au second semestre 2024, comme le prévoyait le calendrier initial. Avec le soutien du député Stéphane Travert, le Gouvernement a récemment proposé qu’une disposition soit introduite dans le projet de loi de simplification de la vie économique, mais pour des raisons légistiques, celle-ci n’a pas pu prospérer.
Afin d’assurer un service universel postal au 1er janvier 2026 pour les Français, il nous faut prendre des dispositions avant le 1er juillet 2025. De manière pragmatique et un peu contrainte, le Gouvernement prévoit donc de le faire par décret. Pour autant, nous n’entendons nullement contourner le Parlement – c’est du reste la raison de notre présence ici ce soir –, et nous sommes évidemment conscients que les parlementaires doivent être en mesure de contrôler et d’évaluer cette mission essentielle.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre. S’il est exact que nous avons siégé ensemble au sein de la Commission supérieure du numérique et des postes, je tiens à préciser que le présent débat a été organisé à la demande non pas du Gouvernement, mais de la commission des affaires économiques du Sénat.
J’entends que des péripéties politiques ont contrarié le calendrier et qu’il faut aller vite, mais j’attends du Gouvernement qu’il nous assure que le débat viendra. S’il faut pour l’heure garantir l’effectivité du service public de la distribution postale au 1er janvier 2026, ce débat n’en est pas moins impératif pour la survie même de La Poste, oserai-je dire. Je ne suis en effet pas convaincu que le budget de l’État pourra continuer de compenser financièrement les déficits chroniques qu’emportent les délégations de service public. Un jour ou l’autre, l’équation deviendra impossible.
Je souhaite donc que vous vous engagiez devant nous, madame la ministre, à déposer un projet de loi dont le Parlement pourra débattre.
Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis la création des relais de poste, au XVe siècle, le groupe La Poste n’a cessé d’évoluer.
Aujourd’hui, La Poste est chargée de quatre missions de service public indispensables au bon fonctionnement de notre société : le service universel postal, le transport et la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire et l’aménagement du territoire. Ainsi, alors qu’elle connaît une profonde mutation de son système économique, sa présence dans tous les territoires demeure l’un de ses aspects les plus stratégiques, qu’il faut préserver.
En effet, l’accès de tous les Français à des services publics de qualité et de proximité est un principe fondamental de notre République, et c’est justement ce à quoi La Poste contribue avec ses 17 000 points de contact situés à moins de vingt minutes en voiture pour 97 % de la population française, comme en atteste le dernier rapport d’accessibilité présenté à l’Observatoire national de la présence postale (ONPP) en janvier 2023.
La Poste incarne donc ce lien quotidien entre le service public et les citoyens, dans nos villes comme dans nos territoires ruraux, à Valence comme à Die, à Luc-en-Diois comme à Buis-les-Baronnies ; cette présence permet de garantir un service postal à l’ensemble de la population et de faciliter la distribution du courrier six jours sur sept, une exception en Europe.
Néanmoins, ce modèle est désormais sous tension. La fréquentation du réseau diminue, tandis que le coût des missions de service public augmente. Dans le même temps, les métiers historiques de La Poste, notamment ceux qui sont liés à la distribution du courrier, ont vu leur poids s’effondrer : alors qu’ils représentaient plus de 50 % du chiffre d’affaires en 2010, cette proportion était tombée à 15 % en 2023.
Par conséquent, si nous souhaitons préserver ce service public indispensable dans nos villes comme dans nos territoires ruraux, il est impératif de repenser le financement du service public postal. Avec un chiffre d’affaires de 34 milliards d’euros en 2023, selon une lettre de la Cour des comptes publiée le 5 décembre 2024, force est de constater que, grâce à de nouvelles acquisitions, le groupe La Poste connaît encore une relative croissance. Toutefois, sa rentabilité, elle, diminue.
Dans ce contexte financier, le groupe ne peut s’exonérer de réaliser des économies. Néanmoins, la coupe budgétaire de 50 millions d’euros sur le budget de La Poste pour les territoires, annoncée en 2024, menace les agences communales, à l’image de la commune de Souleuvre en Bocage, dans le Calvados, qui risque de perdre son dernier bureau de poste.
Or, je le répète, les économies budgétaires ne doivent pas remettre en cause le maillage territorial de La Poste et sa présence dans les zones rurales. Rappelons que les compensations publiques ne couvrent plus entièrement le coût des sujétions de service public. Par ailleurs, l’expiration du mandat du service universel postal, le 31 décembre 2025, nous impose une réflexion urgente et lucide sur l’avenir du groupe.
Madame la ministre, le Gouvernement envisage-t-il de renouveler le mandat du service universel postal au-delà de 2025 ? Quelles solutions pouvons-nous envisager pour financer durablement les missions de service public de La Poste, afin de préserver le rôle de celle-ci dans l’aménagement du territoire et sa présence dans les zones rurales ? Compte tenu des difficultés financières du groupe, ne faut-il pas renforcer la part de l’État à son capital ?
Enfin, comment évoquer l’avenir du groupe La Poste et la diversification de ses missions sans penser à la révolution numérique et technologique du XXIe siècle ? À l’heure où l’intelligence artificielle se développe dans nos entreprises et dans nos modes de vie, cette révolution doit être pleinement intégrée aussi dans les services publics.
La Poste a pris part à cette dynamique, en lançant des initiatives ambitieuses. Je pense à la messagerie sécurisée Dalvia Santé, un outil innovant développé par Docaposte, la filiale numérique du groupe, qui permet aux professionnels de santé d’échanger des données sensibles dans le respect de la confidentialité et des exigences réglementaires strictes. Je pense également à l’automatisation du tri postal et du suivi des colis, rendue possible grâce à l’intelligence artificielle (IA) et à l’exploitation des données en temps réel.
Ces innovations permettent à la fois d’améliorer la traçabilité et la rapidité des livraisons, source d’importants gains de productivité, mais aussi d’apporter une réponse aux attentes des citoyens en matière de qualité de service et de suivi individualisé. L’intelligence artificielle peut optimiser la productivité, améliorer l’expérience de l’usager et renforcer l’efficacité opérationnelle. Elle peut aussi être stratégique dans le développement de nouvelles activités, notamment dans le numérique et les services de confiance, tout en renforçant la cybersécurité et la fiabilité des services bancaires.
Toutefois, cette transformation ne doit pas nous faire perdre de vue l’essentiel : avant d’être une entreprise, La Poste est un service public. L’intelligence artificielle doit non pas remplacer l’humain, mais être à son service, afin de permettre au groupe de se recentrer sur ses missions fondamentales.
En ce sens, madame la ministre, comment garantir le développement et l’usage de l’intelligence artificielle dans les activités de La Poste sans que cela nuise à l’emploi et à l’humain ? Plus globalement, l’usage de l’IA dans ces services publics permet-il d’engendrer des économies durables, sans pour autant dégrader leur qualité ?
Madame la ministre, mes chers collègues, il nous revient collectivement de garantir la pérennité de La Poste dans ses missions historiques, tout en l’accompagnant vers l’avenir. Pour y parvenir, trouvons ensemble le juste équilibre entre innovation technologique et ancrage territorial. (Mme Guylène Pantel applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Beaucoup de questions dans votre intervention, monsieur le sénateur !
La première chose positive que l’on peut dire, c’est que La Poste s’est diversifiée et qu’elle a réussi à rentabiliser son réseau unique – ses 17 000 points de contact – en développant de nouvelles activités, notamment de proximité, au service par exemple des personnes âgées ou dépendantes.
En ce qui concerne le numérique, Docaposte, filiale – remarquable – du groupe, a développé des offres dans le numérique de confiance, via des services que beaucoup de nos concitoyens connaissent, comme l’identité numérique sécurisée, ou au travers des services liés à la santé, que vous avez évoqués. Le meilleur moyen de défendre collectivement l’aménagement du territoire, la présence locale, consiste à soutenir la diversification et la rentabilité des activités du groupe.
Par ailleurs – je le sais d’autant mieux que je suis également ministre chargée des comptes publics –, l’État s’engage à stabiliser son financement ; il n’y a pas de projet visant à réduire notre soutien à ces missions essentielles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 21 mai dernier, La Poste organisait dans quelques-uns de ses bureaux la Fête de l’écrit, une initiative aussi poétique que symbolique destinée à remettre en lumière le lien entre les mots, les citoyens et l’acte d’écrire, dans un monde désormais saturé de numérique. Cette manifestation nous rappelle une vérité fondamentale : la mission de La Poste dépasse le simple transport d’objets ou de messages ; La Poste est un vecteur de lien social, de proximité et de continuité républicaine.
Dans un contexte de transformation profonde de ses activités, La Poste est confrontée à une tension structurante : concilier adaptation économique et maintien de son activité, capitale, de service public. Cette tension prend un relief particulier dans nos territoires ruraux, que je souhaite aujourd’hui placer au centre de notre réflexion.