Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Mérillou, votre question touche à deux principes qui sont chers aux yeux de tous les élus locaux, me semble-t-il : la solidarité et la péréquation.

Lorsque le Gouvernement a supprimé la taxe d’habitation, il s’est engagé à compenser les collectivités concernées, ce qui est bien normal, en commençant par attribuer aux communes une part départementale de la taxe foncière.

Ensuite, ce seul transfert ne suffisant pas, il a fallu assurer l’équité entre les communes ; je pense que personne, ici, n’en voudra au Gouvernement, surtout les sénateurs issus de vos rangs.

Certaines communes ont été surcompensées, tandis que d’autres ont été sous-compensées. Voilà pourquoi nous avons instauré un mécanisme de coefficient correcteur, pour garantir l’équilibre de la compensation à l’euro près.

Certes, la péréquation fait des perdants et des gagnants, mais c’est le principe même de la solidarité. La vertu de ce dispositif est de permettre de nous adapter aux dynamiques des territoires, plutôt que de figer pour l’éternité des montants qui existaient lors de la suppression de la taxe d’habitation.

Par ailleurs, la liberté des communes est préservée. Je rappelle qu’elles peuvent user de leur pouvoir de taux sans que cette décision influe sur le coefficient correcteur.

Au-delà du remplacement de la taxe d’habitation par la part départementale de la TFPB, je rappelle que l’État participe à la compensation des collectivités à hauteur de 728 millions d’euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Brault. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Jean-Luc Brault. Madame la ministre, demain, pourra-t-on continuer à vivre dans nos campagnes ? Aujourd’hui, 40 % des Français y résident. Pourtant, nos communes rurales, notamment dans le Loir-et-Cher – je vous remercie de vous y être rendue ce matin –, se trouvent parfois délaissées, déclassées, voire abandonnées.

Nombre de leurs habitants se sentent comme des citoyens de seconde zone, même si je sais très bien combien vous avez défendu les zones de revitalisation rurale (ZRR), ce qui dont je veux vous remercier.

Insertion professionnelle, accès à la formation, aux services publics, aux soins, mais aussi aux loisirs et aux activités culturelles : les besoins sont importants. En tant que chef d’entreprise, j’ai vu nombre d’apprentis parcourir chaque matin des dizaines de kilomètres en mobylette pour apprendre les métiers de plombier, de chauffagiste ou d’électricien.

La mobilité est un élément essentiel, la base de la satisfaction de tous ces besoins et la condition préalable au développement économique et social de nos campagnes. Un Français sur quatre a déjà refusé un emploi faute de moyen de transport.

Les politiques publiques doivent permettre le développement de transports complémentaires et alternatifs.

Si nous entendons désenclaver nos campagnes et empêcher que les jeunes soient assignés à résidence et les moins jeunes contraints à l’exode, il nous faut résorber la fracture entre les territoires en renforçant la mobilité.

Pour cela, avant de développer de nouvelles solutions, soutenons ce qui fonctionne. Je souhaite ainsi vous faire part du dernier cas concret d’absurdité sur mon territoire du Loir-et-Cher, dont Bernard Pillefer peut témoigner également : la décision unilatérale, voire condescendante, de la SNCF de supprimer le train de huit heures cinquante-deux à Vendôme, sur la ligne Poitiers-Châtellerault-Tours-Vendôme-Paris.

Lors de nos échanges avec la SNCF, il n’a jamais été question du quotidien des travailleurs, de ceux qui ont des enfants à faire garder, des élus qui se battent chaque jour pour maintenir les entreprises locales et en attirer de nouvelles. Il n’a été question que de chiffres et de courbes, jamais de la place de la mobilité dans les territoires ruraux !

Madame la ministre, demain, pourra-t-on continuer de vivre à la campagne ? Quelles sont les priorités du Gouvernement pour développer les mobilités, au pluriel, dans les territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Bernard Pillefer et Jean-Marc Boyer applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Jean-Luc Brault, permettez-moi de vous saluer chaleureusement, ainsi que le sénateur Bernard Pillefer, car nous avons passé la matinée ensemble sur votre territoire, et la question de la mobilité a été au cœur de nos échanges.

Je tiens à vous rassurer : oui, nous continuerons à vivre à la campagne. Je ne nourris aucune inquiétude à ce sujet, mais plutôt une ambition, qui me semble faire écho à la vôtre.

La problématique des mobilités est un vrai sujet, j’en suis pleinement consciente. Nous avons évoqué de multiples solutions, car celles-ci existent. Certaines d’entre elles sont très lourdes, mais à la campagne, ce sont surtout des microsolutions qui s’imposent, car il n’est pas envisageable de mettre en place des lignes de bus cadencées comme en milieu urbain. L’enjeu est d’innover pour assurer la mobilité du premier et du dernier kilomètre.

Vous soulevez la question des trains. J’ai eu l’occasion de répondre au sénateur Daniel Laurent précédemment et je vous invite à suivre de près les travaux d’Ambition France Transports, pilotés par votre ex-collègue, le ministre Philippe Tabarot, et par Dominique Bussereau.

Vous appelez mon attention sur un sujet spécifique au Vendômois. L’évolution qui suscite votre contrariété, je l’entends, illustre parfaitement les adaptations que la SNCF, gestionnaire de ce service, se doit de mettre en œuvre. Le cœur du problème réside dans la saturation du premier TGV, qui arrive à Paris à huit heures trente-six. Ce train est pris d’assaut par les voyageurs, alors même que celui qui le suit affiche un taux de remplissage inférieur de moitié environ.

Face à ce constat, la SNCF souhaite expérimenter pendant six mois une nouvelle offre visant à accroître la capacité du train de huit heures trente-six en y adjoignant une seconde rame, ce qui implique la suppression du train de neuf heures trente-six, qui n’était qu’à moitié plein. Au total, cette réorganisation se traduira par une augmentation globale du nombre de places disponibles, à hauteur de 650 places supplémentaires sur l’ensemble de la matinée.

Cette expérimentation a été menée à la suite de discussions avec les élus locaux ; je vous encourage vivement à vous y associer et à prendre part à cette réflexion collective.

En toute sincérité, il ne me semble pas qu’une augmentation de capacité de 650 places aux heures de pointe puisse être interprétée comme le signe d’un abandon de la ruralité, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Demas. Madame la ministre, notre débat de ce soir m’invite à considérer la problématique sous l’angle du numérique et de l’accès aux services publics.

M. Patrick Chaize. Très bien !

Mme Patricia Demas. J’ai la conviction profonde que, si nous ne laissons personne au bord des chemins de la connexion dans la ruralité, alors nous pourrons affirmer avec certitude que nos politiques publiques sont efficientes.

L’accès au très haut débit par la fibre optique est essentiel pour la ruralité, nous le savons tous. Cependant, au-delà de la disponibilité de l’infrastructure, se pose avec acuité la question de l’accès effectif et abordable pour tous les foyers.

Pour ne prendre qu’un seul exemple, dans mon département, l’analyse de la situation sur un échantillon de huit communes rurales révèle que, bien que la couverture en fibre atteigne environ 96 %, la somme des lignes filaires effectivement actives, en additionnant cuivre et fibre, n’atteint qu’environ 32 %.

Cela signifie que 68 % des logements de ces communes rurales ne disposent à ce jour d’aucun service filaire actif et devront, à l’avenir, se tourner vers la fibre optique pour répondre à leurs besoins.

Une question essentielle se pose aujourd’hui pour ces nombreux logements, dont le cas de figure est loin d’être isolé : alors que le réseau cuivre est voué à disparaître, quelles garanties le Gouvernement peut-il apporter quant à l’effectivité du raccordement des foyers restants au moment du décommissionnement et dans la période qui suivra ?

Plus précisément, comment s’assurer que ce raccordement s’opérera dans des conditions financières équitables et stables, y compris dans les cas techniques complexes, et que l’effort demandé aux citoyens de la ruralité pour accéder à ce service essentiel, notamment en lieu et place d’un service universel, demeurera maîtrisé et prévisible ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Patricia Demas, votre question porte sur un sujet important : il est primordial que la ruralité bénéficie aujourd’hui de ces technologies.

Force est de constater que la situation est très inégale selon les départements. Certains d’entre eux affichent une performance remarquable, tandis que d’autres, pour des raisons parfois indépendantes de la volonté de leurs élus, accusent un certain retard.

L’État a investi plus de 3,5 milliards d’euros dans le plan France Très Haut Débit. Vous l’avez souligné, certains raccordements se révèlent complexes, et il incombe à l’opérateur de les mettre en place. Un dispositif, piloté par la direction générale des entreprises (DGE), sera expérimenté à partir de septembre prochain dans 3 141 communes où la fermeture du réseau cuivre est prévue d’ici à 2027. Il vise à aider les très petites entreprises (TPE) et les particuliers les plus vulnérables à financer les travaux qui leur reviennent.

Par ailleurs, l’État a mis en place le dispositif Cohésion numérique des territoires, qui permet de financer l’équipement en solution de substitution hertzienne, par exemple par satellite, dans l’attente du déploiement de la fibre dans certains territoires.

S’agissant de la fermeture du réseau cuivre, il convient de rappeler qu’elle est soumise à de strictes conditions : la fibre optique doit être disponible sur la zone, des délais de prévenance suffisants doivent être respectés, enfin, une obligation de transparence sur le calendrier de fermeture et de partage d’informations s’applique. Au niveau local, des comités organisés sous l’égide des préfets assurent le suivi du plan de fermeture sur le territoire.

Je vous invite ainsi, madame la sénatrice, à contacter votre préfet pour suivre l’évolution des progrès que vous attendez et qui me paraissent légitimes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas, pour la réplique.

Mme Patricia Demas. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur une pratique préoccupante de certains opérateurs qui imposent des coûts prohibitifs aux citoyens souhaitant se raccorder.

Le Gouvernement devrait assurer un suivi étroit de cette situation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.

Mme Denise Saint-Pé. Madame la ministre, je souhaite associer à ma question notre collègue Bernard Delcros, défenseur infatigable de la ruralité.

Avec plus de 70 % des trajets en milieu rural effectués en voiture individuelle, contre 54 % en milieu urbain, les territoires ruraux se caractérisent par une dépendance très forte à ce moyen de locomotion. Cette réalité est loin d’être anodine : les véhicules particuliers sont responsables de plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports, lequel représente lui-même environ un tiers des émissions annuelles de notre pays.

Cependant, les solutions de rechange à la voiture individuelle peinent à voir le jour dans le monde rural. Le maillage en transports en commun, plus coûteux qu’en zone urbaine, n’est pas satisfaisant ou trop irrégulier ; les mobilités actives, comme le vélo ou la marche, sont peu adaptées aux territoires concernés et à certains usagers ; enfin, les espaces clés pour la multimodalité sont souvent éloignés.

C’est pourquoi l’annonce en 2023 par le Gouvernement de la création d’un fonds de soutien de 90 millions d’euros sur trois ans à la mobilité en zone rurale, abrité dans le fonds vert, constituait une réponse intéressante. Cette ouverture budgétaire a permis d’accompagner les autorités organisatrices de la mobilité rurale et leurs partenaires, dont les associations, dans le déploiement d’une offre de mobilité durable, innovante et solidaire, dite du dernier kilomètre.

Alors que ces crédits ont été intégralement consommés pour 2024, je souhaite savoir, d’une part, madame la ministre, si vous êtes déjà en mesure d’apporter un éclairage sur l’utilisation de ce fonds, et, d’autre part, si celui-ci est menacé dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2026.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Denise Saint-Pé, je vous remercie de votre question, qui aborde la problématique de la mobilité et apporte des précisions à la fois sur les attentes des collectivités et sur l’action de l’État, rendue possible grâce au vote, notamment par le Sénat, des 90 millions d’euros du fonds vert qui sont dédiés aux expérimentations de mobilité.

Je le répète en toute lucidité : nous pouvons le regretter, mais la voiture reste, et restera longtemps encore, la solution du premier ou du dernier kilomètre dans les territoires ruraux.

L’enjeu est de développer des solutions innovantes d’autopartage et de covoiturage. C’est précisément l’objet de ces 90 millions d’euros, soit une enveloppe de 30 millions par an. Le plan France Ruralités constitue à ce titre un signal fort. Cette somme a été utilement dépensée pour accompagner cette mobilité du dernier kilomètre, souvent mise en place par les intercommunalités.

L’État a ainsi accompagné 225 projets en 2024, et une soixantaine d’autres sont encore en cours d’examen, pour un taux moyen de subvention par projet qui s’élève à 80 000 euros, afin d’initier un processus de solutions souples et agiles. Ce montant est significatif au regard du coût de mise en œuvre de ces solutions.

Vous connaissez bien cela, madame la sénatrice, puisque votre territoire a été tout à fait innovant dans ce domaine : la communauté de communes du Béarn des Gaves a sollicité le fonds vert et a obtenu 70 000 euros pour faciliter la mise en œuvre d’un dispositif qui fonctionne bien et donne satisfaction.

Je forme le vœu que nous continuions à soutenir ces solutions de mobilité, de même que le plan Vélo.

Par ailleurs, 20 millions d’euros sont prévus pour les autres projets en 2025. J’ai la conviction que de nouvelles solutions pour dégager des ressources existent.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. J’en ai parlé à Ambition France Transports et j’espère que le Sénat nous suivra sur cette voie.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrice Joly. Madame la ministre, nos territoires ruraux glissent inexorablement, d’élection en élection, vers le populisme, vers un vote de colère et de désespoir qui menace jusqu’aux fondements de notre République.

Pourquoi ? Parce que, même si le sujet des territoires ruraux est revenu dans le débat public ces dernières années, malgré de nouveaux dispositifs, la politique nationale ne prend pas suffisamment en compte notre ruralité française.

Les habitants des campagnes voient leurs écoles fermer, leurs commerces disparaître, leurs services publics s’éloigner ; ils voient leur avenir se rétrécir. Ce sentiment d’abandon n’est pas une simple impression ; il correspond à une réalité palpable.

Il n’agit non pas seulement d’une question de justice ou d’équité, mais de la survie de notre démocratie. À force de laisser ces territoires s’enfoncer dans la défiance et le ressentiment, nous ouvrons grand la porte à ceux qui prospèrent sur la colère, à ceux qui promettent tout et n’apportent rien, sinon la division et la haine.

Il est urgent d’agir, d’investir et de redonner espoir et perspectives à ces millions de Français.

Ne nous trompons pas de diagnostic : les territoires ruraux sont non pas des poids morts ou des freins au progrès, mais bien des atouts majeurs pour relever les défis du XXIe siècle. Ils nourrissent la France, ils produisent de l’énergie, ils préservent nos ressources naturelles. Ils inventent déjà les solutions de demain et, pour cela, ils ont besoin d’être soutenus, reconnus et valorisés.

Les dispositifs actuels, aussi louables soient-ils, comme Action cœur de villes, Petites Villes de demain ou encore Villages du futur, sont loin d’être suffisants. Ils apportent principalement un soutien en ingénierie, mais pas un euro de plus, ou si peu.

Il faut prendre des mesures fortes et courageuses en matière d’accès à la santé, de mobilité, de revitalisation économique, de logement, et accorder enfin des moyens à nos collectivités rurales.

Madame la ministre, le temps n’est plus aux demi-mesures.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur, je connais votre attachement à la ruralité, mais, avec tout le respect que j’ai pour vous, je ne partage pas la tonalité avec laquelle vous en parlez et ce que vous dites de l’absence de mesures de la part de l’État. Or je vous connais suffisamment bien pour savoir que nous pourrions partager une certaine objectivité à ce sujet.

Je me suis rendue dans votre département, en présence également de votre collègue Nadia Sollogoub. Comme moi, vous avez entendu les élus évoquer leurs difficultés. Vous m’avez entendue dire que celles-ci étaient réelles, mais j’ai aussi souligné combien les maisons France Services me semblaient utiles. En disconvenez-vous ?

Elles sont plébiscitées, avec 35 millions de demandes traitées et un taux de satisfaction de 95 %. C’est un service public qui n’a jamais existé auparavant, y compris dans les grandes villes.

Les Villages du futur, les Petites Villes de demain, les maisons de santé, etc., cela existe. Monsieur le sénateur, vous êtes honnête, comme moi. Vous ne pouvez donc pas soutenir que rien n’est fait et que nous nous contentons de pleurer sur le sort de la ruralité !

Souvenez-vous que nous avons constaté ensemble la réussite magnifique de l’entreprise Nexson, positionnée sur des niches exceptionnelles, que même les Chinois nous envient. Or celle-ci se trouve chez vous, en pleine ruralité ! Cela montre bien que ces zones recèlent des pépites. Si nous ne parvenons pas à les mettre en valeur, comment voulez-vous que des entreprises de ce calibre tout à fait exceptionnel souhaitent s’installer chez nous ?

Certes, des difficultés existent, admettons-le et retroussons nos manches. Pour autant, monsieur le sénateur, je ne sais certes pas chanter comme Jacques Brel, mais « gémir n’est pas de mise » !

Nous devons agir ensemble, et je compte sur vous, comme nous comptons les uns sur les autres, pour susciter de l’espérance pour nos territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.

M. Patrice Joly. Madame la ministre, je vous entends bien, et je n’ai pas gémi ! Je ne prétends aucunement que rien n’a été entrepris et je ne nie pas le dynamisme de nos territoires, bien au contraire.

Pour autant, nous sommes loin du compte, au regard des volumes et des engagements indispensables pour nos territoires ruraux.

L’enjeu n’est rien de moins que l’avenir de la République. Je le répète, nous assistons à un glissement inquiétant vers des votes qui remettent en cause ses fondements mêmes. Or elle ne saurait survivre sans les campagnes, c’est une évidence, mais elle ne saurait davantage perdurer sans justice territoriale.

Il est impératif d’agir à la hauteur des défis, et sans tarder, afin que la ruralité demeure une chance et non un risque pour notre avenir commun. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jeanne Bellamy.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. Madame la ministre, l’un des défis majeurs de notre ruralité est l’accès à l’éducation et à la culture.

À la rentrée 2024, près de 30 % des élèves du premier degré étaient scolarisés en zone rurale. En dix ans, la ruralité a perdu 13 % de ses effectifs, contre 3 % en zone urbaine.

Je m’interroge sur le maillage territorial des établissements scolaires et sur les critères retenus pour l’établir. Ne pourrait-on pas mettre en place un principe de sectorisation, imposant aux familles de scolariser leurs enfants là où elles résident et non sur leur lieu de travail ?

Nos écoles rurales se vident, pas seulement en raison d’une baisse de vitalité, mais de plus en plus à cause d’un déplacement des populations. Or nos communes rurales ne doivent pas devenir de simples communes dortoirs.

Par ailleurs, en 2025, quelque 1 200 communes ont conservé le rythme scolaire de droit commun de quatre jours et demi, pour 600 000 élèves. L’État devait contribuer au financement de leurs activités périscolaires via un fonds dédié, lequel a été supprimé à la rentrée 2025.

Contrairement aux promesses de Gabriel Attal, cela n’a donné lieu à aucune concertation, et aucun dispositif recentré sur les communes qui en ont besoin n’a vu le jour. Nous connaissons celles-ci, pourtant : il s’agit des communes rurales et des écoles situées en zone d’éducation prioritaire (REP), qui concentrent les indices de position sociale les plus bas.

Sans ce fonds, ces communes ne pourront pas maintenir ces activités, fragilisant encore davantage l’offre éducative et culturelle à destination des jeunes ruraux, qui souffrent déjà d’un accès limité à ces services.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir l’équité entre les territoires et maintenir, voire développer, une offre éducative et culturelle ambitieuse dans nos territoires ruraux ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Marie-Jeanne Bellamy, nous avons eu l’occasion d’aborder le sujet que vous évoquez lors de ma visite dans votre département de la Vienne. Vous l’avez souligné, le sujet de l’éducation est prioritaire. Il inclut l’école, mais aussi l’ensemble du périscolaire.

La loi avait institué l’obligation de nouveaux rythmes, l’État créditant les communes d’une aide à la mise en place de ce temps périscolaire. Cette obligation a été supprimée et la liberté rendue aux communes de décider, en concertation avec les parents et les équipes éducatives, de revenir au rythme ancien.

L’État a maintenu jusqu’à cette année une dotation destinée aux communes qui choisissaient librement de le faire, mais celle-ci va effectivement être supprimée. J’entends parfaitement vos propos. Je tiens toutefois à rappeler que nous évoluons dans un contexte budgétaire global extrêmement difficile.

L’action en faveur de l’éducation des enfants demeure prioritaire. Je travaille, avec Élisabeth Borne, pour développer les territoires éducatifs ruraux (TER), grâce auxquels une aide supplémentaire est apportée, afin de prendre en compte l’environnement périscolaire.

Pour renforcer l’école dans nos ruralités, comme je souhaite ardemment que nous le fassions, et garantir sa qualité, nous devons parvenir à rendre la ruralité encore plus attractive. Or 30 % de l’industrie y est déjà implantée ; il est impératif d’y attirer encore des habitants et, pour cela, plus d’entreprises. Ainsi, nous redynamiserons les écoles et nous offrirons aux enfants une éducation susceptible de leur ouvrir des perspectives.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. La pandémie de covid-19 a fait germer au sein du grand public l’idée d’un retour vers le rural, suscitant l’espoir, avec des projections de déménagement vers une ruralité de nouveau connotée positivement.

Cinq ans plus tard, le constat est plus terne : l’exode urbain s’est modestement matérialisé et le fameux « monde d’après » demeure très largement structuré autour des métropoles.

Parmi les raisons qui peuvent expliquer ce constat finalement peu enthousiasmant pour les campagnes, se trouve probablement le fait que la relégation au second plan de ces territoires persiste, voire s’accentue. Entre fermetures de classes, désertification médicale, offre de transport insuffisante et éloignement progressif de la plupart des services publics, les zones rurales subissent de plein fouet les effets de la rationalisation de l’État dans les territoires.

Il ne s’agit pas de prétendre que les politiques publiques d’accompagnement des territoires ruraux n’existent pas, mais plutôt de souligner qu’elles ne parviennent pas à enrayer le phénomène, le plus souvent en raison d’un sous-investissement.

Parmi les politiques publiques volontaristes qui semblent fonctionner, le dispositif France Ruralités Revitalisation (FRR) offre un véritable levier en termes d’attractivité. Toutefois, madame la ministre, ainsi que je vous l’ai écrit, le zonage établi fait apparaître de réelles disparités entre les territoires concernés, parfois au sein même d’une communauté de communes.

Dans mon département de la Loire, par exemple, plusieurs communes des communautés de communes de Charlieu-Belmont et des Monts du Pilat ont été exclues du dispositif sans possibilité de rattrapage par le préfet, quand d’autres y participent. Il est pourtant clair que toutes ces communes partagent des réalités économiques, fiscales, sociales, démographiques et culturelles homogènes, qui justifient précisément leur appartenance à une communauté de communes.

Partant d’une idée louable, le dispositif FRR conduit, dans ces situations précises, à un dumping administratif et fiscal injuste. Je conviens que la réalisation d’un tel zonage n’est pas chose aisée, mais la situation actuelle n’est pas acceptable pour les communes écartées.

Aussi, madame la ministre, comptez-vous revoir les situations particulières issues du zonage FRR ? Que répondez-vous à ces communes délaissées ? Et envisagez-vous d’ajouter au dispositif un critère de continuité territoriale ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Tissot, je me doutais bien qu’il ne pouvait y avoir de débat sur la ruralité sans que soit abordée la question des zones de revitalisation rurale (ZRR) et des zones FRR.

Parlons franchement : ce dispositif, qui comptait au départ 12 000 communes, en englobe aujourd’hui 19 000. La situation actuelle s’appuie sur une solution hybride qui ne donne pas entière satisfaction, puisque deux critères ont été retenus : au-delà des caractéristiques de chaque commune, le pôle de bassin de vie ou l’intercommunalité est pris en compte.

Ainsi, entre deux communes de même profil, l’une peut se retrouver classée FRR, tandis que l’autre ne le serait pas. Voilà ce que j’ai constaté en arrivant au ministère.

Nous le savons bien ici, la situation est tellement compliquée qu’il a été décidé de réintégrer dans ce dispositif 2 168 communes qui auraient dû en sortir, mais que l’on a maintenues au titre de la prolongation des ZRR jusqu’en 2027. Celles qui sont classées FRR, au nombre de 12 000, bénéficient, quant à elles, d’un dispositif courant jusqu’en 2029 et certaines sont classées FRR+. Leur liste sera très prochainement publiée, le décret ayant été examiné et approuvé par le Conseil national d’évaluation des normes.

Je m’y engage : il n’y aura pas de modifications concernant la carte adoptée, non plus que les deux dispositifs. Les communes ZRR pour lesquelles l’État s’est engagé jusqu’en 2027 ne seront pas touchées, tout comme celles qui bénéficient du dispositif jusqu’en 2029.

Cela dit, j’entends vos remarques. Il fut un temps où, quatre fois par semaine, un maire ou un sénateur m’appelait pour me dire : « Ce n’est pas normal, ma commune n’est pas classée ! ».