Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, aucune des 134 études qui ont été réalisées ne tient compte de l'état réel et actuel des cuvelages.

Il faut le savoir, sans cette étude complémentaire, les élus locaux, les associations et la Collectivité européenne d'Alsace n'auront de cesse de réclamer que leur soit restituée la terre saine qui était la leur avant que l'on n'y entrepose les déchets les plus dangereux du pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. André Reichardt. Bravo !

frères musulmans à marseille

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

M. Stéphane Ravier. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

La semaine dernière, on apprenait qu'il existait des islamistes en France… Une découverte pour beaucoup, mais pas pour moi ! Car, depuis des années, j'alerte sur les agissements des Frères musulmans dans notre pays, dans l'indifférence médiatique et politique. Mon « islamophobie » prétendue d'hier est devenue la réalité d'aujourd'hui. Dont acte.

En 2019, je tenais une conférence de presse dans le parc Chanot à Marseille, où était organisée la « rencontre annuelle des musulmans du sud » par l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), la branche des Frères musulmans en France. Dès 2019, je demandais que cette réunion de radicaux soit interdite, une demande classée verticale poubelle par le préfet.

À cette époque déjà, je mettais en lumière les liens entre cet événement et l'UOIF, devenue, par une opération de dissimulation, Musulmans de France. Sous ce nouveau nom, ils déclaraient que l'imam islamiste Iquioussen était un homme de paix et de dialogue, au moment même où il était expulsé de France : cet Iquioussen qui nie le génocide arménien, qualifie Ben Laden de grand défenseur de l'islam et affirme que les attentats de Merah étaient en réalité des pseudo-attentats dirigés contre les musulmans !

Sans hasard, le président de cette instance n'est autre que Mohsen Ngazou, directeur du collège-lycée Ibn-Khaldoun, dans le quinzième arrondissement de Marseille, établissement ciblé par le fameux rapport. Et cela n'a pas empêché le maire de Marseille, Benoît Payan, flanqué de sa troisième adjointe, Samia Ghali, de lui rendre visite.

Pourtant, déjà à l'époque, ce lycée avait reçu des fonds de l'Arabie saoudite, pays qui n'est pas réputé pour respecter les principes de la République française. De plus, son directeur faisait la promotion du voile islamique comme un signe de liberté, et non de soumission. Voilà qui dirige Ibn-Khaldoun ! Vous ne pouvez plus l'ignorer, monsieur le ministre.

Je ne vous demande pas de dissoudre les Frères musulmans. Nous savons, vous et moi, qu'ils agissent via des associations-écrans ou satellites. C'est à elles qu'il faut s'attaquer ; vous avez raison. Et je vous en offre deux sur un plateau : d'une part, le collège lycée Ibn-Khaldoun ; d'autre part, l'association Musulmans de France. Voilà deux étendards, deux structures des Frères musulmans. C'est simple, c'est clair, c'est précis.

Allez-vous entamer des procédures pour fermer ce collège-lycée et dissoudre Musulmans de France ? Allez-vous passer des paroles aux actes ? (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Ravier, avoir le verbe haut ne suffit pas !

Depuis de nombreuses années, nous avions progressivement décelé les actions des islamistes les plus radicaux. Encore convenait-il de pouvoir procéder à des vérifications et de contrôler quels étaient leur organisation et leurs moyens.

Le rapport qui vient de nous être remis à la demande du Président de la République permet à notre pays de documenter la situation avec précision. C'est absolument fondamental. Il était indispensable de réunir tous les éléments matériels susceptibles de démontrer qu'une organisation essaie à bas bruit de détruire notre République.

Nous pourrons désormais agir – d'ailleurs, nous le faisons d'ores et déjà –, soit par des mesures législatives dont le Parlement sera bientôt saisi, soit par des enquêtes et instructions qui permettront de confirmer ce que vous et d'autres avancez. C'est le travail que nos services effectuent actuellement.

Je souhaite insister ici sur la nécessité pour chacun, élu, fonctionnaire ou citoyen, d'avoir bien conscience de la réalité de la situation et des méthodes employées : pour qui agit à bas bruit, le silence est évidemment le meilleur rempart. Il est donc nécessaire de révéler, de signaler et, surtout, de documenter.

Car le respect du principe « un argument, une pièce à conviction », qui m'a guidé tout au long de ma carrière professionnelle, est, me semble-t-il, le seul moyen sérieux de mener une lutte ferme et implacable contre ceux qui veulent détruire la République. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 4 juin 2025, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Xavier Iacovelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.

Mme Béatrice Gosselin. Lors du scrutin public n° 292 sur l'ensemble du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, mes collègues Sabine Drexler, Elsa Schalck et Michel Savin souhaitaient voter pour.

Lors du scrutin public n° 293 sur l'ensemble du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte, mes collègues Alexandra Borchio Fontimp, Florence Lassarade, Sylvie Goy-Chavent et Michel Savin souhaitaient également voter pour.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l'analyse politique des scrutins concernés.

5

Terres rares et matériaux critiques : quel potentiel dans les territoires français et quelle stratégie pour renforcer notre approvisionnement ?

Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : « Terres rares et matériaux critiques : quel potentiel dans les territoires français et quelle stratégie pour renforcer notre approvisionnement ? »

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l'orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Madame la ministre déléguée, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé une place dans l'hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. Philippe Grosvalet, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Philippe Grosvalet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium, lutécium,…

M. Daniel Salmon. Aquarium ! (Sourires.)

M. Philippe Grosvalet. … scandium et yttrium : voilà donc les dix-sept terres dites rares – leur terminologie vous était, je présume, inconnue – du fait de leur densité dans les sols et dont l'extraction est coûteuse, polluante, et se fait en faible quantité.

Tout l'attrait des terres rares réside dans des propriétés magnétiques et catalytiques exceptionnelles qui les rendent incontournables pour les technologies de pointe.

Les matériaux critiques renvoient, quant à eux, à un groupe plus large de matières premières, identifiées et actualisées par l'Union européenne.

Cet ensemble de ressources, invisibilisé, constitue la base de notre modernité. Par exemple, le secteur du numérique repose, pour ses écrans, ses disques durs, sa fibre optique ou ses puces électroniques, sur un panel resserré de ces ressources.

Le secteur de la défense en a besoin pour ses alliages, ses aimants haute performance et ses capteurs de précision. Celui de la santé en nécessite pour son imagerie médicale et ses lasers chirurgicaux.

Ces ressources concentrent aussi tous les espoirs de transition pour l'avènement d'une nouvelle modernité énergétique, industrielle, économique ou environnementale.

À cet égard, l'aimant permanent, utilisé aussi bien pour l'éolien que pour la voiture électrique, fabriqué à partir de terres rares et permettant la conversion d'une énergie mécanique vers une énergie électrique et inversement, symbolise à lui seul l'ensemble des espoirs et des enjeux sur les transitions à mener.

De ces matières dépend véritablement notre capacité à transiter vers les technologies bas-carbone, et donc le développement et la pérennité de nos tissus industriels et économiques à l'échelle nationale et européenne.

La première des approches sur les terres rares et les matériaux critiques est géopolitique : qui en possède ? qui les raffine ? qui les exporte ?

La production mondiale de terres rares, qui a atteint 394 000 tonnes en 2024, soit cinq fois plus qu'en 1995, se répartit principalement entre la Chine, puissance hégémonique du secteur, les États-Unis, la Birmanie et l'Australie.

La situation quasi monopolistique de la Chine, qui extrait 69 % de ces métaux et en raffine 90 %, entraîne des dépendances qui peuvent s'avérer totales sur certaines catégories de métaux. L'Union européenne, par exemple, dépend à 100 % des exportations chinoises pour les éléments de terres rares lourdes.

Côté matières premières critiques, les liens de dépendance font aussi apparaître des vulnérabilités importantes : la Turquie fournit ainsi 99 % de l'approvisionnement européen en bore, si précieux pour le secteur éolien notamment, et 71 % des besoins de l'Union européenne en platine sont assurés par la seule Afrique du Sud.

Afin de sécuriser davantage son accès à ces ressources, l'Europe s'est fixé, à l'horizon 2030, des objectifs ambitieux en matière de raffinage et de recyclage en capacité propre, doublés d'une diversification des approvisionnements.

Néanmoins, les dépendances actuelles restent autant de leviers de pression que les puissances étrangères ne rechignent pas à utiliser, et qui font naître des risques géopolitiques et économiques importants.

Voilà quinze ans déjà, en pleine crise diplomatique autour de questions territoriales, la Chine faisait pression sur son voisin japonais en suspendant ses exportations de terres rares.

À la fin d'avril 2025, quelle a été la réponse chinoise aux surenchères de taxes douanières auxquelles s'est livré le président Trump ? Un contrôle accru des exportations sur sept terres rares dont Pékin maîtrise quasiment l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement !

Enfin, les terres rares ukrainiennes sont aujourd'hui au cœur des négociations entre Washington et Kiev pour la continuité du soutien militaire américain dans la guerre contre la Russie.

Pour nos sociétés technologiques en route vers les transitions écologique et numérique, ces ressources constituent donc un vecteur majeur d'indépendance et de souveraineté. Elles posent la question centrale du lien, c'est-à-dire du rapport de forces, entre le consommateur et l'approvisionneur.

Dans ce contexte, et en lien direct avec les débats sur la réindustrialisation de nos territoires et la résilience de nos tissus économiques, la question de la maîtrise européenne de l'extraction et du raffinage de ces ressources se pose de façon urgente.

La France reste un géant minier en sommeil et possède dans son sous-sol, en concentration plus ou moins élevée, du tungstène, du manganèse, du zinc, du germanium et de l'antimoine.

Côté européen, le sujet est identifié depuis le début des années 2010, quand la Commission européenne a dressé une liste, réactualisée tous les trois ans, des matières premières critiques.

Plus récemment, en 2020, la création de l'Alliance européenne pour les matières premières (ERMA) est venue fédérer les industriels du secteur afin d'identifier des projets d'extraction et de recyclage de terres rares en Europe.

En mars 2024, le Conseil adoptait la réglementation européenne sur les matières premières critiques, alors qu'une hausse exponentielle de la demande de terres rares est attendue dans les années à venir. Et le 25 mars dernier, Bruxelles approuvait quarante-sept projets sur le sol européen pour l'extraction, le traitement et le recyclage de terres rares et métaux stratégiques.

Face à ces enjeux de souveraineté et de dépendance se pose évidemment l'enjeu du coût environnemental. L'extraction de ces ressources et leur traitement ne sont pas des activités « propres », et posent de multiples défis environnementaux.

L'un d'entre eux consiste à déterminer la quantité de roche à extraire du sol, alors que les rendements miniers sont déjà décroissants. Un second défi est le traitement post-utilisation des acides servant à purifier les métaux, quand on connaît les catastrophes sanitaires et environnementales que ces substances peuvent causer une fois dans la nature. Un troisième défi, enfin, est celui des besoins hydriques immenses que nécessitent les activités minières.

Alors que la transition énergétique exige un doublement de la production de métaux rares dans les quinze prochaines années, alors que l'humanité consommera lors des trois prochaines décennies autant de métaux que depuis son avènement, ces enjeux environnementaux doivent nous interroger sur notre manière de consommer comme sur le sens des mots de sobriété, d'efficacité énergétique et de recyclage.

En ce qui concerne en particulier le recyclage des terres rares, le chemin à parcourir est énorme. Seulement 1 % de celles-ci sont recyclées, les processus de recyclage restant trop énergivores, coûteux, polluants, et non viables économiquement.

Les préoccupations environnementales renvoient ainsi à l'épineuse question du partage des coûts et des bénéfices de la transition, tant sur le plan économique que sur les plans industriel et social.

Alors, quels choix stratégiques opérer ? Sur quelles dépendances devons-nous agir ? Faut-il réimplanter une activité minière en France ? Pour quels bénéfices stratégiques et à quel coût ? Tout cela soulève des questions éminemment politiques et démocratiques.

« Le Moyen-Orient a son pétrole, la Chine a ses terres rares », énonçait Deng Xiaoping en 1992. Mes chers collègues, le groupe RDSE vous pose la question : à l'aune d'une troisième révolution industrielle, celle des technologies vertes, que choisiront d'avoir l'Europe et la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Philippe Grosvalet, vous avez cité les dix-sept éléments métalliques qui constituent les terres rares.

Ces ressources indispensables se situant dans des gisements très localisés, leur exploitation pose un certain nombre de questions d'ordre géopolitique. La situation quasi monopolistique dans laquelle nous sommes entraîne en effet des risques de dépendance.

J'aurai l'occasion de m'exprimer sur la stratégie française en la matière, mais vous avez posé également des questions sur le chemin à parcourir au niveau européen. Si la France est active et à l'initiative, elle ne peut engager ni poursuivre seule une telle dynamique, qui doit donc être impulsée à l'échelle européenne.

Nous voulons aller beaucoup plus loin, en introduisant notamment des critères de contenu local sur le modèle de l'Inflation Reduction Act (IRA) américain. Ces critères sont la condition de la viabilité à long terme de la filière française des métaux stratégiques et terres rares.

Nous voulons également aller plus loin que la mise en place d'une certaine préférence européenne. Cette évolution est indispensable si nous voulons soutenir nos filières industrielles et nos emplois, en réduisant notre dépendance aux importations de métaux recyclés dans des produits clés pour notre avenir et notre transition écologique, comme les batteries électriques.

Notre réponse doit être à la hauteur des enjeux. L'Europe ne doit pas être un simple marché intérieur de consommateurs ; elle doit redevenir une puissance industrielle de producteurs.

Nous voulons faire de l'Europe – c'est l'engagement de la France, qui pousse en ce sens – une zone économique prospère et souveraine, où l'on produit, l'on recycle et l'on exporte des biens, des services et des métaux. C'est tout l'enjeu de notre stratégie nationale.

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure du développement écrasant de l'intelligence artificielle, le besoin en matières premières critiques n'a jamais été aussi important.

Un article récent d'un journal allemand confirme qu'aucune autre technologie ne consomme autant de ressources que l'intelligence artificielle. Et de préciser que certains craignent l'avènement d'une « guerre froide » autour des matériaux quand d'autres prévoient d'exploiter des mines sur la lune.

Dans cette compétition annoncée, la Commission européenne a dévoilé une liste de quarante-sept projets stratégiques pour mieux exploiter ses terres rares et matériaux critiques, sécuriser ses approvisionnements et garantir son indépendance. Elle a ainsi fixé comme objectif à l'horizon 2030 qu'au moins 10 % de matières stratégiques soient extraites, 40 % transformées et 25 % recyclées sur son territoire.

Cette prise de conscience s'est accélérée dans le contexte de course aux terres rares qui fait rage entre les grandes puissances mondiales.

Le défi qui nous attend à l'échelle européenne est donc colossal : nous réapproprier la production des ressources, les transformer, et renforcer notre outil de recyclage des métaux rares dans une optique aussi bien environnementale que stratégique.

Notre savoir-faire technologique progresse et la France peut se féliciter de compter parmi les nations les plus avancées en la matière.

Notre continent présente quant à lui de nombreux atouts : le Groenland posséderait à lui seul plus de 12 % des ressources mondiales et d'autres gisements significatifs ont été découverts ces dernières années en Suède et en Norvège. Deux sites français d'extraction de lithium sont par ailleurs identifiés dans les projets stratégiques.

L'Europe, en devenant un acteur majeur de la production mondiale, pourra prétendre à plus d'indépendance et de souveraineté.

Cette dynamique soulèvera, nous le savons, de multiples enjeux environnementaux, industriels et stratégiques.

L'exploration et l'exploitation minière sont des activités par nature très polluantes. Elles produisent des zones d'accumulation de déchets, en plus de détruire les milieux naturels et leur biodiversité.

L'extraction, le traitement et la séparation des terres rares requièrent en outre une consommation de plus en plus forte en énergie, en eau et en produits chimiques.

Enfin, les gisements les plus riches n'en contiennent qu'environ 5 %, ce qui implique de traiter d'immenses volumes de roche pour n'obtenir qu'une faible quantité de matière exploitable.

Ainsi, l'enjeu écologique doit être au cœur de notre stratégie d'exploitation minière et d'optimisation des procédés de traitement.

Face à des concurrents aux méthodes moins vertueuses, notre pays a la possibilité de devenir un leader de l'exploitation responsable des matières premières critiques.

Il recèle déjà des outils de pointe, comme la première usine française de recyclage, Caremag, située à Lacq, dont l'ambition est de produire d'ici à 2027 pas moins de 15 % des besoins mondiaux en terres rares.

Notre technologie s'appuie sur un savoir-faire minier et métallurgique qui répond depuis longtemps aux exigences environnementales.

Je pense notamment à l'usine Imerys de Beyrède-Jumet-Camous, dans les Hautes-Pyrénées, leader européen pour la production d'alumine-zircone, dont l'expertise plus que centenaire lui permet de réduire ses externalités négatives et de valoriser ou recycler 99 % de ses déchets de production et qui, malgré cela, est menacée par la concurrence chinoise.

Les enjeux environnementaux et industriels ne peuvent être pensés que de concert et il en est de même des défis technologiques et stratégiques.

L'industrie de l'armement est d'ailleurs une grande consommatrice de ces métaux, dont l'exploitation permettra à la France de renforcer sa souveraineté technologique et stratégique.

Nous devons donc participer pleinement à la construction d'une Europe des terres rares. Notre pays, qui compte neuf sites sélectionnés dans le programme européen et répartis sur l'ensemble du territoire, peut s'imposer comme l'un des leaders dans cette aventure collective.

Nous devons nous préparer à la révolution technologique et environnementale en gestation. Notre paradigme économique doit évoluer vers une relance des industries minières et métallurgiques. La création de l'Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (Ofremi) ainsi que l'élaboration d'une feuille de route technologique en sont les premières étapes.

Afin de ne pas être le colosse aux pieds d'argile de cette course aux terres rares, la France, avec ses partenaires européens, doit préparer un nouvel Airbus des matières premières critiques pour que, de leur extraction jusqu'à leur recyclage, l'Union européenne soit non seulement indépendante, mais aussi leader des industries de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Stéphane Fouassin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Maryse Carrère, vous avez souligné la nécessité d'agir en Européens sur un certain nombre de dispositifs.

Je rappelle que le gouvernement français a fortement contribué au Critical Raw Materials Act du 11 avril 2024 porté par la Commission européenne. Ce règlement a fixé le cap de la réduction de la dépendance de l'Europe en matières premières critiques, dont vous avez souligné le risque, avec des objectifs ambitieux – 10 % d'extraction locale, 25 % de recyclage et 40 % de raffinage – sur l'ensemble de la chaîne de valeur.

Plusieurs outils ont été annoncés, parmi lesquels la mise en place d'une plateforme d'approvisionnement en métaux stratégiques. La France soutient cette initiative tout en demandant à la Commission européenne d'apporter des garanties supplémentaires sur le plan opérationnel. Il s'agit en effet de combiner l'ensemble des enjeux environnementaux, économiques et stratégiques.

Ce dispositif sera utile et efficace s'il permet d'assurer sur le long terme des achats groupés à des prix préférentiels, mais également de constituer des stocks stratégiques ou encore de financer des projets industriels d'envergure pour atteindre les ambitions que nous nous sommes fixées au niveau européen.

Vous avez fait état, madame la sénatrice, du nombre de projets français labellisés, neuf sur les vingt et un qui avaient été déposés. C'est un taux de succès important qui mérite d'être souligné.

M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye.

M. Ludovic Haye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes plus que jamais à un tournant décisif.

En effet, la situation géopolitique et les bouleversements technologiques dans les domaines de l'énergie, de la mobilité, de la défense, du numérique ou encore de l'intelligence artificielle nous obligent à une adaptation urgente et – n'ayons pas peur des mots – existentielle.

Cette transition, pour être crédible, repose toutefois sur des fondations matérielles très concrètes : des batteries, des éoliennes, des circuits électriques, des supercalculateurs, des capteurs, des aimants de plus en plus nombreux et de plus en plus puissants.

Toutes ces technologies – je dis bien « toutes » – sont extrêmement consommatrices en terres rares et en matériaux critiques.

C'est l'ensemble des dix-sept éléments chimiques et matériaux critiques rappelés précédemment qu'il nous faut aujourd'hui sécuriser, afin de ne pas couper nos industries dans leur élan et de réussir notre transition énergétique, numérique et industrielle.

Ces éléments sont devenus le pétrole du XXIe siècle. Sans eux, pas de souveraineté énergétique, pas de puissance numérique, pas d'industrie civile et de défense moderne.

Mes chers collègues, la course aux matières premières est en marche et les grandes puissances l'ont parfaitement compris.

Les États-Unis ont récemment signé un accord stratégique avec l'Ukraine afin de sécuriser l'accès à ses gisements de lithium, de titane et de terres rares.

Le Groenland, territoire immense, riche en ressources minières, suscite de plus en plus d'appétit. On se souvient que le président Trump a même évoqué récemment son rachat, preuve du caractère hautement stratégique que prennent désormais ses ressources.

Côté européen, la prise de conscience s'est accélérée, mais force est de constater que nous sommes dans une situation de dépendance quasi totale.

Ainsi, 90 % du raffinage mondial des terres rares est contrôlé par un seul pays, la Chine, qui détient un quasi-monopole sur certaines étapes clés de la chaîne de valeur.

Cette concentration n'est pas uniquement économique ; elle est aussi politique. Elle est utilisée comme levier d'influence et parfois comme arme géopolitique.

Continuer dans cette voie, c'est exposer notre souveraineté industrielle, technologique et écologique à des risques majeurs.

Si nous voulons que la France et, plus largement, l'Europe restent des puissances crédibles sur la scène internationale, nous devons retrouver la maîtrise de nos approvisionnements.

Pour y parvenir, les investissements publics et privés doivent être massivement mobilisés – vous l'avez rappelé, madame la ministre –, et accompagnés d'une politique offensive d'autonomie stratégique.

Des initiatives structurantes ont été engagées, mais elles doivent être amplifiées et accélérées.

Au niveau national, tout d'abord, plusieurs signaux encourageants ont été envoyés. Je pense particulièrement aux deux appels à projets ciblés sur les métaux critiques, lancés par Bpifrance dans le cadre du plan France 2030. Ils visent à soutenir l'ensemble de la chaîne de valeur : exploration, extraction, transformation, recyclage et substitution.

Si des dizaines de projets industriels ont émergé, les besoins sont encore loin d'être couverts. On estime par exemple que la demande mondiale en lithium sera multipliée par quatre en 2040. Pour les terres rares utilisées notamment pour les aimants permanents, indispensables aux moteurs électriques et aux éoliennes, elle pourrait être multipliée par sept.

Sur le plan européen, ensuite, la Commission européenne a adopté en 2023 un projet de règlement devenu le Critical Raw Materials Act, qui fixe des objectifs clairs à l'horizon 2030 : au moins 10 % de l'approvisionnement en matières critiques doivent provenir de l'extraction européenne, 15 % du recyclage et 40 % de la transformation.

La stratégie européenne s'est affirmée avec la sélection récente de quarante-sept projets stratégiques concernant les matières critiques dans treize États membres, dont la France.

Toutefois, pour faire face à l'ampleur des défis, nous devons aller bien plus loin, en adoptant une stratégie multidimensionnelle.

La première priorité consiste à mieux utiliser ce que nous avons déjà, c'est-à-dire mobiliser les bonnes industries, et pour les bonnes raisons.

Il faut également rationaliser la conception. En effet, beaucoup de nos procédés industriels utilisent des métaux rares sans nécessairement optimiser leur usage. Les industriels doivent être accompagnés pour concevoir des produits plus sobres by design, dès la conception.

Le deuxième levier est sans doute le plus sensible. Il s'agit de la réouverture des capacités minières et métallurgiques sur notre territoire.

Soyons clairs : nous ne pourrons pas sortir des énergies fossiles et garantir notre autonomie stratégique sans accepter un minimum d'extraction en France.

Il faut en finir avec cette hypocrisie qui consiste à rejeter toute activité extractive en Europe, tout en externalisant la pollution, les atteintes aux droits humains et les dégâts environnementaux dans d'autres pays, notamment en Afrique et en Asie.

C'est une question non pas d'idéologie, mais de cohérence et de justice environnementale. L'Europe doit montrer l'exemple d'une extraction responsable.

Il faudra, pour cela, mener à bien une bataille culturelle et résoudre un certain nombre de paradoxes. Comment expliquer avec pédagogie, par exemple, que certaines mines sont indispensables pour produire localement des technologies dites vertes et que certaines usines de raffinage sont des maillons clés de notre souveraineté industrielle ?

Un autre moyen d'action est le développement du recyclage. Aujourd'hui, moins de 1 % des terres rares sont recyclées dans le monde, et ce pour une raison simple : le cours des métaux est trop bas et l'industrie du recyclage est à la fois énergivore et coûteuse en main-d'œuvre, donc non rentable.

N'attendons pas pour autant une crise des marchés et une politique de rétention de la Chine qui viserait à nous déstabiliser pour réagir.

Nous devons justement faire de l'Europe et de la France des leaders du recyclage des matériaux stratégiques, batteries de véhicule électrique, équipements électroniques ou encore aimants.

Cela suppose évidemment de nouvelles filières industrielles, de nouvelles compétences et des infrastructures adaptées, mais aussi des centres de tri spécialisés, des usines de séparation et des laboratoires de décontamination.

Et lorsque nous avons des capacités industrielles, comme pour le traitement des panneaux photovoltaïques usagés, il nous faut passer d'une logique de gestion des déchets à une logique d'approvisionnement en ressources critiques, en adaptant les indicateurs de performance, qui sont trop souvent basés sur le volume plutôt que sur la rareté des métaux.

Certains disaient, à juste titre, que nous avons moins un problème de ressources rares qu'un problème de poubelles pleines. Il est l'heure de répondre à cet enjeu et d'arrêter d'exporter nos déchets électroniques vers l'Asie ou l'Afrique au mépris de la convention de Bâle de 1989.

Le quatrième levier est la diversification de nos approvisionnements. Il est évident que nous ne pourrons pas produire 100 % de nos besoins en France ou même en Europe. Il nous faut donc diversifier nos partenaires, en nouant des accords durables, équitables et sécurisés avec des pays amis – c'est ce qu'on appelle le friendshoring. Je pense notamment au Canada, à l'Australie ou au Chili, ainsi qu'à nos partenaires asiatiques et africains. Il est de notre devoir de faire notre possible pour éviter une relation de dépendance exclusive avec la Chine.

Ces partenariats commencent par une logique d'importation, mais ils doivent aller au-delà. Ils doivent intégrer des dimensions de formation, de transfert de technologies et de développement durable. L'Union européenne a tout intérêt à se doter d'une véritable diplomatie des matériaux stratégiques, comme elle a su le faire avec l'énergie.

Enfin, le dernier levier que je tiens à évoquer avec vous est celui de la recherche scientifique. Il faut investir massivement dans la recherche pour trouver des substituts à ces terres rares, pour découvrir de nouveaux usages de certains matériaux ou encore pour développer la chimie verte et les procédés de transformation à faible impact.

La France dispose d'excellents laboratoires publics, d'écoles d'ingénieurs de très haut niveau et de start-up innovantes. Il faut leur donner les moyens d'inventer les technologies de demain, car la véritable souveraineté, ce n'est pas seulement d'extraire ce que d'autres possèdent, c'est aussi d'inventer ce que d'autres n'ont pas encore imaginé.