Sommaire
Présidence de M. Xavier Iacovelli
Secrétaires :
Mme Céline Brulin, M. Fabien Genet.
Question n° 560 de Mme Laurence Garnier. – Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville ; Mme Laurence Garnier.
travaux de consolidation de la rd 900
Question n° 570 de M. Jean-Yves Roux. – Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville ; M. Jean-Yves Roux.
construction de logements sociaux dans la commune de châteauneuf-sur-isère
Question n° 592 de M. Bernard Buis. – Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville.
Question n° 583 de Mme Olivia Richard. – Mme Sophie Primas, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement.
suppression du tarif « livres et brochures » de la poste
Question n° 336 de M. Christophe Chaillou. – Mme Sophie Primas, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement ; M. Christophe Chaillou.
Question n° 568 de M. Alexandre Basquin. – Mme Sophie Primas, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement ; M. Alexandre Basquin.
Question n° 587 de Mme Sylviane Noël. – Mme Sophie Primas, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement.
fin de la gratuité de l’autoroute a40 sur le tronçon reliant annemasse à saint-julien-en-genevois
Question n° 564 de M. Cyril Pellevat. – Mme Sophie Primas, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement ; M. Cyril Pellevat.
dérogation au calendrier d’intervention pour l’entretien des rivières
Question n° 575 de Mme Anne-Sophie Romagny. – Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique ; Mme Anne-Sophie Romagny.
dysfonctionnements de la responsabilité élargie du producteur dans le secteur du bâtiment
Question n° 492 de M. Jean-Baptiste Lemoyne, en remplacement de M. Didier Rambaud. – Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
mise en œuvre de la loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique
Question n° 487 de M. Michaël Weber. – Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique ; M. Michaël Weber.
Question n° 553 de Mme Karine Daniel. – Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique ; Mme Karine Daniel.
Question n° 544 de M. Jean Sol. – Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique ; M. Jean Sol.
accompagnement des étudiants internationaux dans l’enseignement supérieur en france
Question n° 514 de M. Akli Mellouli. – M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
Question n° 502 de Mme Colombe Brossel. – M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
cadre réglementaire de l’accueil familial
Question n° 304 de Mme Michelle Gréaume. – M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
Question n° 520 de M. Dany Wattebled. – M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
gestion des déchets d’activités de soins à risques infectieux
Question n° 525 de Mme Mireille Jouve. – M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
Question n° 534 de Mme Amel Gacquerre. – M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins ; Mme Amel Gacquerre.
accès limité aux traitements contre la drépanocytose
Question n° 546 de Mme Marie-Laure Phinera-Horth. – M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
développement des traitements de nouvelle génération de la dépendance aux opioïdes
Question n° 547 de M. Franck Menonville. – M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
situation des urgences hospitalières dans le calvados
Question n° 584 de Mme Corinne Féret. – M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
prise en charge des molécules onéreuses
Question n° 586 de Mme Agnès Canayer. – M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins ; Mme Agnès Canayer.
nouveau barème de sanctions concernant les bénéficiaires du revenu de solidarité active
Question n° 589 de Mme Pauline Martin. – M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins ; Mme Pauline Martin.
Question n° 517 de M. Éric Kerrouche. – Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Éric Kerrouche.
alerte sur les coupes budgétaires de la filière de l’agriculture biologique
Question n° 577 de M. Rémi Cardon. – Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
suppressions de postes dans l’enseignement agricole public
Question n° 590 de M. Daniel Salmon. – Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Daniel Salmon.
difficultés des aviculteurs face à la salmonelle
Question n° 545 de Mme Frédérique Puissat. – Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Frédérique Puissat.
Question n° 580 de M. Olivier Henno. – M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. Olivier Henno.
moyens dédiés à la sécurité publique dans le pas-de-calais
Question n° 566 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
financement européen de l’islam radical
Question n° 153 de Mme Nathalie Goulet. – M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Nathalie Goulet.
Question n° 157 de Mme Agnès Evren. – M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Agnès Evren.
difficultés d’accès à l’examen du permis de conduire
Question n° 543 de M. Jean-Marc Delia. – M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
problèmes assurantiels des services départementaux d’incendie et de secours
Question n° 591 de M. Jean-Baptiste Blanc. – M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
statistiques pénales en matière de contrebande de tabac
Question n° 549 de M. Laurent Burgoa. – M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. Laurent Burgoa.
prolifération des faux salons de massage
Question n° 474 de Mme Catherine Dumas. – Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ; Mme Catherine Dumas.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
2. Impact environnemental de l’industrie textile. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Explications de vote sur l’ensemble
Adoption, par scrutin public solennel n° 303, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
3. Mise au point au sujet d’un vote
4. Organisation, gestion et financement du sport professionnel. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 25 de M. Jean-Jacques Lozach. – Rejet.
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
Amendement n° 63 rectifié de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.
Amendement n° 81 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public n° 304.
Amendement n° 105 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 51 rectifié de M. Ahmed Laouedj. – Rejet.
Amendement n° 16 rectifié de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Amendement n° 68 de M. Jean-Raymond Hugonet. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 83 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 61 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.
Amendement n° 86 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 82 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 28 de M. Philippe Folliot. – Retrait.
Amendement n° 67 de M. Jean-Raymond Hugonet. – Devenu sans objet.
Amendement n° 3 rectifié bis de M. Paul Vidal. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 106 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 22 de M. Jean-Jacques Lozach. – Rejet.
Amendement n° 97 rectifié de M. Didier Rambaud. – Rejet.
Amendement n° 112 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 35 de M. Philippe Folliot. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 53 rectifié de M. Bernard Fialaire. – Rejet.
Amendement n° 87 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 52 rectifié de M. Bernard Fialaire. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 9 rectifié de M. Jean-Jacques Lozach. – Rejet.
Amendement n° 58 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.
Amendement n° 57 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.
Amendement n° 99 rectifié bis de M. Pierre Jean Rochette. – Rejet.
Amendement n° 19 de M. Adel Ziane. – Adoption.
Amendement n° 18 de Mme Laurence Harribey. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 27 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Amendement n° 24 de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 62 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 88 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 13 de M. Jean-Jacques Lozach. – Rejet.
Amendement n° 107 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 59 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.
Amendement n° 76 de M. Jean-Raymond Hugonet. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 89 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 4 rectifié bis de M. Paul Vidal. – Adoption.
Amendement n° 7 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Retrait.
Amendement n° 78 de M. Jean-Raymond Hugonet. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article 8 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 109 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 91 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 11 de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Amendement n° 92 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 10 de M. Jean-Jacques Lozach. – Rejet.
Amendement n° 54 rectifié bis de M. Bernard Fialaire. – Adoption.
Amendement n° 113 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 20 rectifié de M. Adel Ziane. – Rejet.
Amendement n° 104 rectifié bis de M. Michel Masset. – Rejet.
Amendement n° 1 rectifié de Mme Béatrice Gosselin. – Rejet.
Amendement n° 108 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 110 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 39 de M. Philippe Folliot. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Adoption de l’article.
Amendement n° 115 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture
Adoption, par scrutin public n° 306, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
5. Mise au point au sujet de votes
6. Renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 9 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 30 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 10 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 3 rectifié ter de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.
Amendement n° 17 rectifié quinquies de M. Bernard Delcros. – Retrait.
Amendement n° 2 rectifié bis de M. Rémy Pointereau. – Adoption.
Amendement n° 22 rectifié quater de M. Bernard Delcros. – Adoption.
Amendement n° 19 rectifié quinquies de M. Bernard Delcros. – Retrait.
Amendement n° 5 de M. Paul Toussaint Parigi. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 24 de M. Serge Mérillou. – Rejet.
Amendement n° 23 rectifié quater de M. Bernard Delcros. – Adoption.
Amendement n° 16 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 6 rectifié quater de M. Serge Mérillou. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 15 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 12 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 14 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 7 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 25 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 26 rectifié ter de Mme Pauline Martin. – Adoption.
Amendement n° 8 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 29 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Adoption, par scrutin public n° 308, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure
compte rendu intégral
Présidence de M. Xavier Iacovelli
vice-président
Secrétaires :
Mme Céline Brulin,
M. Fabien Genet.
1
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
conséquence du classement en zone agricole dans le cadre de l’élaboration d’un plan local d’urbanisme
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, auteure de la question n° 560, adressée à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Laurence Garnier. Madame la ministre, quand les maires élaborent leur plan local d’urbanisme (PLU), ils sont incités, parfois contraints, à déclasser des espaces à urbaniser, classés « U » dans leurs documents d’urbanisme, pour les basculer en espaces agricoles, classés « A ».
Cette bascule a vocation à préserver les espaces naturels et agricoles dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, dite zéro artificialisation nette (ZAN), laquelle exigerait d’ailleurs quelques évolutions ; c’est l’objectif de la proposition de loi sénatoriale visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), mais je ne m’y attarde pas.
Ces changements de classement ont des conséquences très importantes pour les finances des communes concernées. En effet, lorsqu’une parcelle relève d’un classement en zone à urbaniser, sa vente entraîne la perception de droits de mutation, dont une partie abonde les finances communales. Au contraire, lorsqu’elle est basculée en zone agricole, les communes sont privées de ces droits de mutation au profit de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer).
C’est le cas, par exemple, de la commune de Saint-Molf, dans la Loire-Atlantique, dont le maire a dû convertir des espaces à urbaniser en espaces agricoles. Ce faisant, il enrichit la Safer et appauvrit sa propre commune. Voilà la forme de schizophrénie que l’on exige de nos élus locaux…
Madame la ministre, comment comptez-vous corriger cette anomalie, afin de redonner à nos communes l’autonomie financière nécessaire pour mener à bien leurs projets ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Madame la sénatrice Laurence Garnier, comme vous le savez, l’urbanisme est l’une des compétences principales des collectivités locales. Ainsi, les décisions qui sont prises pour l’élaboration des PLU s’appuient sur le code de l’urbanisme et sur les lois que vous avez citées, mais ces choix sont aussi et surtout pris en fonction de l’appréciation de la configuration des lieux et des circonstances locales.
En l’occurrence, en ce qui concerne les hameaux existants, le choix de leur zonage doit faire l’objet d’une justification précise dans le rapport de présentation du PLU. Le juge administratif en contrôle les erreurs manifestes d’appréciation. Le classement d’un hameau en zone A ne peut ainsi se justifier qu’en cas de potentiel agricole, par exemple en raison de la qualité du site ou de son éloignement de l’enveloppe urbaine.
Dans son projet de PLU, arrêté en janvier dernier, la commune de Saint-Molf, que vous évoquez, a fait le choix de classer certains hameaux en zone A, avec un sous-secteur Aap spécifique. Cette décision a été prise, parce que la collectivité avait déterminé qu’un certain nombre de ses hameaux devaient être protégés au vu de leur potentiel de continuité écologique.
Du reste, le classement en zone A d’un terrain ne signifie aucunement une perte automatique de la perception par les collectivités des droits de mutation à titre onéreux en cas de vente ; cela signifie simplement que les Safer peuvent y exercer leur droit de préemption, comme sur une zone délimitée naturelle et forestière, une zone agricole protégée ou encore un périmètre de protection des espaces agricoles et naturels périurbains. Plus globalement, les Safer peuvent exercer leurs prérogatives – préemption, mais surtout acquisitions amiables par substitution – sur les biens ruraux, terres et exploitations agricoles, impliquant ainsi une exonération pour les acquéreurs de versement des droits de mutation.
Si les Safer sont effectivement intervenues en 2023 sur 20 % des terrains vendus, ces opérations sont soumises à contrôle strict des commissaires de gouvernement chargés de l’agriculture et des finances, qui vérifient précisément la légitimité de l’intervention des Safer au regard des missions de services et de l’absence de perception de ces droits.
Le Gouvernement se réfère donc à ces textes de loi et aux opérations de contrôle menées par lesdits commissaires.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour la réplique.
Mme Laurence Garnier. Je vais prendre le temps de relire votre réponse, qui est très technique – c’est toujours le cas en matière d’urbanisme. Je me permets toutefois de vous faire part du désarroi du maire de Saint-Molf et de nombre de ses collègues devant cette situation. Ils estiment qu’il s’agit plus d’une contrainte que d’un choix libre.
Les communes ne perçoivent plus la taxe d’habitation et ont perdu leur autonomie financière ; il est temps de restaurer leur autonomie fiscale.
travaux de consolidation de la rd 900
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 570, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
M. Jean-Yves Roux. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur l’avenir de l’une des routes les plus stratégiques des Alpes-de-Haute-Provence, la route départementale 900, dite route de la Rochaille.
La RD 900, axe majeur de liaison entre la France et l’Italie, relie la vallée de la Durance, notamment la ville de Barcelonnette, à l’Italie, via le col de Larche, en traversant des communes comme Saint-Paul-sur-Ubaye et Val d’Oronaye. Ce tronçon est vital pour les habitants des villages de la haute vallée de l’Ubaye, car il s’agit de leur principal accès aux services essentiels et au reste du département.
La RD 900 est surtout une route d’échanges quotidiens : elle facilite les échanges économiques, le transport routier européen et international, ainsi que le tourisme alpin. La perspective des jeux Olympiques de 2030 n’aura d’ailleurs échappé à personne…
Or cet axe majeur est particulièrement vulnérable. Le 7 février 2018, un énième éboulement de 1 500 mètres cubes de rochers a paralysé l’économie durant de nombreuses semaines. Depuis lors, le département des Alpes-de-Haute-Provence investit chaque année entre 1 million et 2 millions d’euros.
Pourtant, malgré les travaux réguliers, ce secteur reste exposé à de nombreux risques naturels et géologiques, comme des chutes de blocs, des coulées de boue, des glissements de terrain, des risques sismiques et des avalanches, intensifiés par le dérèglement climatique.
Pour l’année 2025, un investissement exceptionnel de 50 millions d’euros est prévu pour renforcer la protection de cet axe, mais, alors que ce tronçon est indispensable à l’économie nationale et européenne, la charge de ces travaux repose très majoritairement sur le conseil départemental, qui peut très difficilement assumer seul cette responsabilité.
Madame la ministre, il s’agit d’une route exceptionnelle et d’une situation exceptionnelle ; cela appelle donc une intervention exceptionnelle de l’État. Celui-ci sera-t-il aux côtés des Alpes-de-Haute-Provence au titre de la solidarité pour faire face à cette opération d’envergure ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, Le Gouvernement a bien conscience des problématiques liées à la nécessaire sécurisation de la RD 900.
Vous l’avez dit, cette route départementale, qui relie la vallée de la Durance à l’Italie par le col de Larche, revêt une importance certaine pour les échanges transfrontaliers et pour l’accès aux services des habitants de la haute vallée de l’Ubaye.
Avant toute chose, je souhaite rappeler qu’il s’agit d’une route départementale qui ne relève de l’État ni en gestion, ni en suivi, ni en financement. En cas de besoin exceptionnel, celui-ci peut néanmoins apporter un soutien : 11 millions d’euros ont ainsi été attribués via la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSECG) à la suite des intempéries de décembre 2023 ; 3 millions d’euros ont par ailleurs été versés via des financements européens pour des travaux d’urgence, tels que la sécurisation des parois et la préparation du futur chantier.
Aujourd’hui, l’enjeu principal réside dans le financement de la dernière phase du chantier. L’analyse des offres de marché est en cours pour déterminer exactement les besoins. Ce dossier a évidemment été très bien identifié par le préfet, en lien avec le conseil départemental. Des travaux ont été lancés sur l’analyse technique du programme à mettre en place, avec l’appui des services de l’État, pour définir un projet budgétairement soutenable. Le cabinet du préfet ne manquera pas de vous tenir informé, monsieur le sénateur, des avancées de ces travaux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour la réplique.
M. Jean-Yves Roux. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J’espère que nous aurons le soutien de l’État, car, pour un petit département rural, il est très difficile de sortir 50 millions d’euros pour l’entretien des routes.
construction de logements sociaux dans la commune de châteauneuf-sur-isère
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 592, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.
M. Bernard Buis. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur la construction de logements sociaux dans la commune de Châteauneuf-sur-Isère.
Cette commune drômoise d’environ 4 000 habitants est membre de l’agglomération Valence Romans Agglo, qui compte plus de 225 000 personnes. Soumise aux obligations imposées par l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), la commune doit garantir une proportion de 25 % de logements sociaux sur son territoire.
Or les contraintes topographiques et la répartition démographique particulière de cette commune limitent considérablement la construction de tels logements : d’une part, la configuration et la taille de son centre-ville de moins de 1 000 habitants réduisent la possibilité d’en construire de nouveaux ; d’autre part, la commune est couverte par une zone agricole protégée, limitant de fait toute extension urbaine.
En outre, seulement 40 % de la population est située dans une zone urbanisée disposant d’une réelle accessibilité et le taux de logements sociaux atteint déjà plus de 30 % dans le centre-bourg. Toutes ces difficultés ont poussé l’ancien maire de la commune, M. Frédéric Vassy, à démissionner le 30 janvier dernier.
Depuis lors, les élus municipaux, dont Mme Agnès Jaubert, ancienne adjointe devenue maire, font face à une situation intenable en raison des risques juridiques et financiers qui pèsent sur la ville. Avec un taux définitif de logements sociaux atteignant 12,68 %, la commune connaît un important déficit par rapport au taux cible de 25 %. Les objectifs triennaux de la période 2023-2025 ont été atteints et les dépenses engagées pour la production de logements sociaux devraient conduire, selon l’administration, à un prélèvement nul en 2025 et en 2026. Toutefois, ce délai de report de surplus des dépenses déductibles après l’année de l’exercice de prélèvement, fixé à deux ans par l’article L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation, risque d’être insuffisant pour la commune.
Madame la ministre, quelles pistes pourraient être envisagées pour limiter le rythme de rattrapage de la commune de Châteauneuf-sur-Isère ? De plus, serait-il opportun de modifier le délai de report du surplus des dépenses déductibles ? Dans quelle mesure les objectifs de la loi SRU pourraient-ils faire l’objet d’aménagements pour les communes similaires qui sont membres d’une communauté d’agglomération ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Bernard Buis, je vous remercie de cette question très technique sur le dispositif SRU, dont le principe est simple : développer une offre de logement social équilibrée sur le territoire national, dans un objectif de mixité sociale.
Ses mécanismes sont en revanche plus complexes. Le dispositif prévoit tout d’abord, pour les communes qui n’atteignent pas le taux cible de 20 % ou 25 % de logements sociaux, une trajectoire de rattrapage qui se traduit en objectifs de production de logements sociaux sur trois ans. Il prévoit ensuite un prélèvement sur les dotations des communes, calculé en fonction du nombre de logements sociaux manquants. Lorsque les communes engagent des dépenses pour soutenir la production de logements sociaux, ces dépenses sont déduites des prélèvements. Le dispositif est également assorti de mécanismes de report, pour les objectifs de réalisation comme pour les dépenses déductibles.
Nous souhaitons rassurer de nouveau Mme la maire de Châteauneuf-sur-Isère, ainsi que les élus qui sont dans la même situation, en précisant le mécanisme de report du dispositif SRU. Cette commune a atteint, sur la période 2020-2022, 185 % de son objectif de cinquante-neuf logements sociaux, un résultat particulièrement remarquable. Les cinquante logements sociaux ainsi réalisés en plus de l’objectif seront naturellement comptabilisés dans la réalisation de l’objectif de production de la commune pour la période 2023-2025 : cet objectif s’établissait à cinquante-neuf logements, il est donc ramené à neuf logements sociaux supplémentaires à produire par la commune en trois ans.
Au début du mois de juin, la campagne d’exemption du dispositif SRU pour la période 2026-2028 a été lancée par ma collègue chargée du logement. Les remontées des collectivités seront donc étudiées avec attention, afin que les obligations pour la prochaine période triennale ciblent bien les communes où le besoin est réel et avéré.
dysfonctionnements de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger dans le versement des bourses
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, auteure de la question n° 583, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Olivia Richard. Ma question s’adressait initialement à M. le ministre délégué chargé des Français de l’étranger, mais je vous remercie d’être là pour y répondre, madame la ministre.
Sans les écoles homologuées et partenaires, il n’y aurait pas de réseau d’enseignement français à l’étranger. Ces écoles accueillent une part importante d’élèves boursiers. Elles perçoivent à cet égard une enveloppe budgétaire versée par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).
Depuis plusieurs mois, les conseillers des Français de l’étranger nous font remonter des dysfonctionnements alarmants. Après plusieurs campagnes rendues compliquées par des problèmes techniques, cette année bat tous les records, avec la mise en place d’un nouveau logiciel, Scolaide, marquée par de nombreux bugs. Et je ne parle pas des délais de versement des bourses pour les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) – dans ce domaine, hélas ! les difficultés ne sont pas nouvelles…
En outre, certains établissements connaissent des retards de paiement inacceptables. C’est le cas, par exemple, d’un établissement en Turquie, mais il y en a d’autres. Ainsi, en septembre, cet établissement partenaire situé à Istanbul a pu accueillir en catastrophe plusieurs dizaines d’élèves qui ne pouvaient faire leur rentrée au lycée français international, dans un contexte politique particulièrement difficile, que vous n’ignorez pas.
Pourtant, malgré les investissements réalisés par les établissements, la part du contrat qui revient à l’opérateur public n’est pas respectée, les bourses ne sont pas versées.
Je veux ici rendre hommage à l’engagement de Florence Ogutgen, conseillère des Français de l’étranger, qui n’a cessé d’alerter les parlementaires à ce sujet. Grâce à elle, dès le 18 février dernier, j’ai pu écrire à la directrice de l’AEFE. Deux semaines plus tard, on m’a expliqué qu’une solution serait apportée « avant la mi-mars » et que les versements surviendraient « dans les prochaines semaines ». Puis, plus rien. Le 16 avril suivant, j’ai relancé l’AEFE ; de même, le 26 mai : toujours rien…
Aujourd’hui, l’Agence accuse un retard de plus de neuf mois dans le versement des acomptes et de plus de trois mois dans le versement du solde des montants des bourses dues. Aucune communication, aucune information : l’incertitude est totale pour les établissements. Aujourd’hui, cette école envisage de licencier du personnel.
Tout cela n’a pourtant pas empêché un autre service de l’AEFE de réclamer le paiement de la participation aux frais de fonctionnement du réseau. Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, quand ces dysfonctionnements graves seront réglés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, chère Olivia Richard, la rapidité de la mise en paiement des aides à la scolarité reste une priorité pour l’AEFE, en dépit de la situation compliquée que vous décrivez. Pour ce qui concerne la campagne 2024-2025, l’Agence a rencontré, dès l’automne 2024, des difficultés pour la mise en paiement de certains premiers acomptes dus aux établissements scolaires.
La mise en paiement de ces aides à la scolarité reste en effet tributaire de la réactivité des établissements dans la transmission de bilans fiabilisés et d’éléments de paiement valides, ce qui a pu parfois ralentir les procédures.
En ce qui concerne le versement des premiers acomptes, les difficultés rencontrées n’ont concerné qu’une partie – heureusement – des établissements du réseau. Ainsi, sur les 30 millions d’euros dus au titre du premier acompte sur les bourses 2024-2025, plus de 19 millions d’euros ont pu être versés aux établissements dès l’automne 2024.
Pour ce qui est des établissements situés en Turquie, des difficultés se sont accumulées sur les paiements des premiers acomptes, en raison d’abord d’une turbulence dans l’organisation de l’AEFE, mais aussi de la réception tardive de certains bilans comptables émanant des établissements. Pour ce qui concerne plus particulièrement l’établissement La Petite École d’Istanbul, bien que le bilan ait été traité rapidement, il y a eu par la suite certaines difficultés dans les échanges entre l’Agence et l’établissement pour obtenir les documents comptables signés, nécessaires à la mise en paiement.
L’Agence a par ailleurs dû déployer la nouvelle plateforme Scolaide, à laquelle vous avez fait référence. Cet outil, qui doit répondre aux besoins de sept types d’utilisateurs, est particulièrement complexe et a présenté beaucoup d’anomalies techniques lors de son lancement. Le prestataire responsable a été mobilisé pour mettre en place des correctifs. L’Agence a également sollicité des renforts, notamment auprès du ministre des affaires étrangères, afin de l’assister dans cette période difficile. Le prestataire a, de son côté, renforcé son équipe.
Par ailleurs, les postes consulaires et les établissements scolaires ont pu bénéficier d’un accompagnement soutenu et individualisé. L’ensemble de l’AEFE, madame la sénatrice, est mobilisé pour répondre à ces questions, qui sont à la fois techniques et humaines, mais qui dépendent aussi de la réactivité des établissements.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. En tout état de cause, cette situation fait l’objet d’une grande attention de notre part.
suppression du tarif « livres et brochures » de la poste
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, auteur de la question n° 336, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Christophe Chaillou. Madame la ministre, permettez-moi d’appeler votre attention sur la suppression, à compter du 1er juillet 2025, de la tarification « Livres et brochures » de La Poste.
Ce service est très prisé des maisons d’édition distribuant leurs ouvrages à l’international, car il permet d’expédier des livres et des brochures à un coût proportionnel au poids de l’envoi. Ce tarif a été initialement instauré pour renforcer l’influence culturelle de la France à l’étranger et promouvoir la francophonie.
Cette suppression porte un coup très dur aux libraires et aux éditeurs indépendants. Elle risque par ailleurs d’accentuer le déséquilibre existant avec les grandes plateformes, qui disposent de solutions pour limiter les effets de cette suppression.
En effet, cette disparition entraînerait, pour l’envoi postal d’un ouvrage de 400 pages, une hausse du prix, qui passerait de 1,74 à 37,30 euros, soit une augmentation de près de 2 000 %. Il deviendrait alors impossible à de nombreux éditeurs de maintenir cet envoi, d’où la préoccupation très forte des acteurs concernés.
Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement et les mesures envisagées pour soutenir les entreprises du secteur confrontées à la disparition de ce tarif et pour préserver l’influence de la culture française et de la francophonie au plan international.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, cher Christophe Chaillou, en octobre 2023, l’Union postale universelle a décidé de rendre facultative, à compter du 1er janvier 2025, la fourniture du service de sacs spéciaux contenant des documents imprimés. À la suite de cette annonce, La Poste a annoncé l’arrêt de la commercialisation de l’offre que vous venez de décrire.
Cette décision s’explique par plusieurs facteurs, au premier rang desquels figure la difficulté croissante d’assurer l’acheminement des envois, près de 90 % des opérateurs postaux dans le monde ayant déjà annoncé la suppression de cette offre et de sa prise en charge. La Poste n’était donc plus en mesure de garantir la distribution des colis, qui devenait techniquement irréalisable. À cela s’ajoute une diminution continue des volumes expédiés au titre de l’offre « Livres et brochures », de nature à compromettre la soutenabilité de celle-ci.
Le Gouvernement reste attentif à la situation du réseau des librairies francophones de l’étranger, qui concourt en effet au rayonnement de notre culture. C’est ainsi qu’il a développé une politique de soutien à la circulation des livres français à l’étranger. En passant par les librairies locales, l’acheminement des livres bénéficie de solutions de groupage de transport qui le rendent plus économique et, au passage, plus écologique.
Dans ce contexte, l’État concourt à réduire significativement les charges de transport pesant sur les librairies francophones dans plusieurs pays du monde, de façon à leur permettre de proposer sur place la diversité éditoriale française au plus grand nombre de nos ressortissants et des populations étrangères. Il agit également via les aides du Centre national du livre (CNL) au réseau des librairies francophones.
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour la réplique.
M. Christophe Chaillou. Je vous remercie, madame la ministre, de ces éléments de réponse, mais tout cela ne permettra malheureusement pas de compenser la disparition de ce qui représentait un soutien apprécié et adapté à l’influence culturelle et à la francophonie.
Vous nous avez fait part de votre vigilance et de votre attention, mais je crains que ces mesures ne permettent pas de garantir pleinement ce que nous souhaitons tous : continuer de diffuser la culture française et la francophonie.
audiovisuel public
M. le président. La parole est à M. Alexandre Basquin, auteur de la question n° 568, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Alexandre Basquin. Madame la ministre, le Gouvernement ne cesse, hélas ! de diminuer les crédits affectés à l’audiovisuel public. Dans les entreprises concernées, les salariés éprouvent les plus grandes difficultés à atteindre les objectifs qui leur sont assignés. Partout, les moyens des rédactions de l’audiovisuel public régressent et leurs missions sont réduites, quand elles ne sont pas purement et simplement supprimées.
Le projet de holding que Mme la ministre de la culture a annoncé avec le regroupement de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) va au-delà de cette baisse constante de moyens : il remet purement et simplement en cause l’indépendance budgétaire et peut-être, à terme, éditoriale de chaque composante de l’audiovisuel public. En effet, cette holding n’est-elle pas, comme le craignent les syndicats, un premier pas vers des synergies éditoriales ?
Les représentants syndicaux s’interrogent également sur le risque d’ingérence du futur responsable de cette nouvelle structure, s’agissant d’une holding exécutive placée sous l’autorité d’un PDG aux commandes des différentes filiales.
Pourtant, nous pourrions emprunter une autre voie, avec un investissement beaucoup plus important dans l’audiovisuel public, comme le fait l’Allemagne. Alors que les fake news, la désinformation et les ingérences se multiplient, tout devrait être mis en œuvre pour renforcer les médias publics, seuls véritables garants d’une information fiable, précise, sourcée, vérifiée et indépendante des lobbys privés.
La bonne santé de ces médias est indispensable pour notre démocratie et pour notre République. Il est regrettable que le Gouvernement aborde la question à rebours de ce qu’il faudrait. Comment comprendre, par exemple, la disparition de la radio Mouv’, pourtant destinée à un jeune public ? Pourquoi déstabiliser la rédaction de France Inter, radio pourtant la plus écoutée de France ?
Nous ne pouvons continue d’aller dans ce sens. Le Gouvernement doit avoir conscience que la lutte contre la désinformation, si forte de nos jours, passe par un engagement massif en faveur de l’audiovisuel public.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Alexandre Basquin, dans la situation extrêmement contrainte de nos finances, il a été demandé aux entreprises audiovisuelles publiques, comme à l’ensemble des administrations et des opérateurs de l’État, de contribuer à l’effort de maîtrise de la dépense publique. Tous les pans de l’action publique sont concernés ; il n’y a pas de raison pour que l’audiovisuel public s’y soustraie.
Pour France Télévisions comme pour Radio France, ces efforts n’ont pas déstabilisé l’équilibre des comptes de 2024, grâce aux efforts d’économie de ces entreprises. Ces dernières ont pu poursuivre l’accomplissement de leur mission de service public et la mise en œuvre de leur stratégie. Pour ce qui concerne 2025, le dialogue continue entre les entreprises et les administrations de tutelle, afin de déterminer les modalités d’absorption de l’effort demandé cette année.
C’est la trajectoire budgétaire 2024-2028, arbitrée à l’automne 2023, qui doit en revanche être révisée, afin de tenir compte du nouveau contexte budgétaire. Des échanges ont été engagés en ce sens et ils conduiront, pour le PLF 2026, à une redéfinition du triennal de dépenses.
Au-delà du seul cadre budgétaire, nous sommes toujours persuadés de la nécessité de mener à bien la réforme de la gouvernance du secteur audiovisuel public. Vous semblez craindre que cette réforme n’affaiblisse le secteur ; or l’ambition du Gouvernement est exactement contraire : permettre à ce secteur de se renforcer en étoffant son offre éditoriale pour nos concitoyens et en organisant son action de manière plus efficiente. C’est tout particulièrement le cas, et vous l’avez souligné, en matière de lutte contre la désinformation, qui reste une priorité incontournable.
Vous évoquez enfin la disparition de Mouv’ du groupe Radio France. Il s’agit plus exactement d’une transformation de cette antenne, qui a vocation à devenir une offre musicale exclusivement disponible en numérique. Plus généralement, Radio France va enrichir ses offres destinées au jeune public, via ses podcasts pour la jeunesse, le renouvellement de ses formats et écritures et la recherche de nouvelles incarnations à l’écran. Ces évolutions stratégiques se feront bien sûr dans le respect du personnel actuellement en poste dans cette radio.
M. le président. La parole est à M. Alexandre Basquin, pour la réplique.
M. Alexandre Basquin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais j’y décèle une véritable contradiction : d’un côté, vous voulez lutter contre la désinformation ; de l’autre, vous réduisez comme peau de chagrin les moyens de l’audiovisuel public.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Nous le rendons plus efficace !
conséquences des fouilles archéologiques préventives dans les projets d’aménagements portés par les collectivités territoriales
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 587, adressée à Mme la ministre de la culture.
Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les fouilles archéologiques préventives préalables à la réalisation de travaux d’aménagement.
Aux termes du code du patrimoine, les opérations d’aménagement, de construction d’ouvrages ou de travaux qui, en raison de leur localisation, de leur nature ou de leur importance, affectent ou sont susceptibles d’affecter des éléments du patrimoine archéologique entraînent des mesures de détection et, le cas échéant, de conservation et de sauvegarde du patrimoine.
Or la réalisation de ces fouilles archéologiques préventives affecte sérieusement le calendrier d’exécution des projets d’aménagement. Beaucoup de maires se retrouvent à attendre leur diagnostic archéologique, réalisé dans la grande majorité des cas par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Ce dernier, très sollicité, n’est pas en mesure de réaliser ces fouilles rapidement et il n’est pas rare de devoir attendre deux à trois années pour avoir le résultat des fouilles et pouvoir démarrer les travaux.
Ce retard, qui vient s’ajouter aux lourdes procédures d’urbanisme, est particulièrement pénalisant pour les collectivités locales, puisqu’il s’agit souvent de projets d’intérêt général majeur, tels que la construction d’hôpitaux, de collèges, de casernes pour les forces de l’ordre ou encore de programmes de logement. Ce retard peut parfois aller jusqu’à rendre caduques les offres de marché ou remettre en cause les subventions accordées aux projets concernés. Cela a également une incidence économique sur l’emploi et les entreprises dans un contexte déjà très difficile.
L’État doit prendre conscience de ces difficultés avérées sur le terrain et proposer des solutions pour mieux accompagner les collectivités locales confrontées à ces fouilles archéologiques préventives. Je souhaiterais donc savoir quelles actions seront mises en place par le Gouvernement pour mieux soutenir les collectivités territoriales confrontées à ces fouilles archéologiques, afin de concilier au mieux le développement économique et social de nos territoires avec ces exigences de conservation de notre patrimoine culturel.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Sylviane Noël, vous m’interrogez sur un sujet qui revient de façon récurrente ici au Sénat, celui des fouilles archéologiques préventives préalables à la réalisation de travaux d’aménagement.
Vous conviendrez avec moi de l’importance, à la fois théorique et pratique, de ces mesures préventives. Vous l’avez dit, elles visent à assurer la détection, la conservation ou la sauvegarde des éléments du patrimoine archéologique national qui peuvent être affectés par la réalisation de travaux d’aménagement.
Aujourd’hui, l’Institut national de recherches archéologiques préventives est chargé de caractériser la présence éventuelle d’éléments de patrimoine archéologique sur le site inspecté, dans le cadre d’une phase de « diagnostic ». Toutefois, vous l’avez dit également, dans un contexte de fort dynamisme en matière d’aménagement du territoire depuis 2020, les services engorgés de l’Inrap peinent à effectuer cette mission dans des délais raisonnables. En 2024, 2 000 diagnostics ont été réalisés, mais plus de 3 000 restent en stock.
Face à ces tensions, les services du ministère de la culture apportent un soutien aux collectivités territoriales qui réalisent des diagnostics d’archéologie préventive, via un dispositif de subvention révisé en 2022. C’est ainsi que soixante-trois services de collectivités territoriales, dont trente et un départements, sont aujourd’hui habilités par le ministère de la culture pour réaliser des diagnostics et des fouilles. Quelque 20 % des diagnostics prescrits par les directions régionales des affaires culturelles (Drac) sont réalisés par les services de collectivités territoriales. Par ailleurs, de 2017 à 2025, les subventions allouées pour les diagnostics ont augmenté, passant, en exécution, de 9,8 millions d’euros en 2017 à 12,3 millions d’euros en 2025.
Enfin, le projet de loi de simplification de la vie économique, en cours d’examen à l’Assemblée nationale, permettra d’alléger cette procédure pour les projets d’intérêt national majeur.
Soyez assurée, madame la sénatrice, que l’État s’efforce de concilier le développement économique et la conservation du patrimoine de nos territoires : je vous renvoie, pour vous en convaincre, au projet de loi de simplification de la vie économique.
fin de la gratuité de l’autoroute a40 sur le tronçon reliant annemasse à saint-julien-en-genevois
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 564, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
M. Cyril Pellevat. Ma question concerne la fin de la gratuité de l’autoroute A40 sur le tronçon reliant Annemasse à Saint-Julien-en-Genevois, décision récemment actée par l’Autorité de régulation des transports.
Cette mesure aura un impact direct et négatif sur des milliers d’usagers, notamment les travailleurs frontaliers, qui empruntent chaque jour cet axe structurant pour leurs déplacements domicile-travail. Elle risque d’aggraver la congestion déjà préoccupante de la RD 1206, de reporter le trafic sur les routes secondaires et d’accroître les nuisances qui affectent les riverains.
Au-delà de la question de la mobilité, ce nouveau péage représente une charge supplémentaire pour les ménages, dans un contexte économique déjà difficile. Il remet en cause l’accessibilité du territoire et fragilise son attractivité, tant pour les habitants que pour les entreprises locales.
Selon un sondage réalisé par le Groupement transfrontalier européen auprès de 1 500 frontaliers, 83 % des répondants se disent opposés à cette mesure et près de la moitié d’entre eux envisagent de modifier leur itinéraire. Les élus locaux, quant à eux, ont exprimé unanimement leur désaccord et demandent un retour à la gratuité.
Dans ce contexte, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement envisage de revenir sur cette décision ? À défaut, quelles mesures concrètes entend-il mettre en place pour préserver la mobilité, le pouvoir d’achat et la qualité de vie des habitants concernés ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Cyril Pellevat, la section de l’autoroute A40 qui se situe entre Annemasse et Saint-Julien-en-Genevois n’a jamais été gratuite.
Entre 1991 et 2016, les frais d’exploitation étaient pris en charge par le département de Haute-Savoie. Celui-ci n’a pas souhaité proroger cette convention, ce qui a conduit à une situation de non-droit dénoncée par la Cour des comptes en 2019. Le Gouvernement a voulu prendre le temps de la concertation pour régulariser le péage qui doit être mis en place sur cette section. Toutefois, une telle mesure est inéluctable en son principe, comme l’a encore rappelé tout récemment l’Autorité de régulation des transports.
La régularisation du péage sur la section conduira à une tarification plus juste, corrigeant la situation actuelle dans laquelle certains usagers empruntant la section ne paient pas quand d’autres paient sans l’emprunter, ce qui est pour le moins curieux…
À la suite de la concertation, des mesures d’accompagnement seront par ailleurs mises en œuvre.
Premièrement, la remise à péage est accompagnée d’un abattement exceptionnel de 35 %, dès le premier trajet, pour les usagers disposant d’un badge, auquel s’ajoutent les réductions destinées aux usagers fréquents classiquement proposées par le concessionnaire ATMB. Ainsi ces usagers fréquents paieront-ils moins de 1 euro leur trajet entre Annemasse et Saint-Julien-en-Genevois.
Deuxièmement, les conditions de circulation des usagers seront améliorées par des aménagements réalisés aux deux extrémités de la section, au niveau et de Saint-Julien-en-Genevois et d’Étrembières.
Enfin, concernant le réseau secondaire, toutes les études de trafic démontrent un impact infime, de l’ordre de 3 % du trafic actuel. Malgré tout, une enveloppe de 750 000 euros sera consacrée par ATMB à l’accompagnement des aménagements qui pourraient être entrepris par les gestionnaires sur le réseau secondaire en lien avec cette opération.
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.
M. Cyril Pellevat. Je vous remercie, madame la ministre, pour l’ensemble de ces éléments.
Du point de vue des usagers, l’autoroute était bien gratuite. On sait très bien que c’est le département de la Haute-Savoie qui payait. J’avais dénoncé cette situation dès 2015 et ma collègue Sylviane Noël ici présente avait fait de même : il serait possible de considérer cet aménagement comme une autoroute de contournement du Grand Genève et je regrette qu’aucune réunion à ce sujet n’ait été organisée avec nos homologues suisses. En ajoutant aux fonds émanant de la partie française les fonds genevois et les fonds suisses, nous aurions pu trouver les 300 millions d’euros dont il est question.
Si le prix annoncé est inférieur à 1 euro, les frontaliers ne sont pas les seuls à emprunter ce tronçon et nous regrettons que les autres travailleurs ne soient pas pris en compte ; leur pouvoir d’achat est moins important et va s’en trouver affecté.
Les études montrent, dites-vous, que le report sera de 3 %. Mais ce sera forcément davantage, car la population de notre département augmente chaque année de 15 000 à 17 000 habitants, cette croissance se concentrant de surcroît sur les points névralgiques que sont le Genevois haut-savoyard, le Chablais et le bassin annécien.
Pour toutes ces raisons, il importe que nous trouvions des solutions susceptibles de sécuriser les élus et les usagers. (Mme Sylviane Noël applaudit.)
dérogation au calendrier d’intervention pour l’entretien des rivières
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, auteure de la question n° 575, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Anne-Sophie Romagny. Ma question est d’une urgence primordiale ; elle fait suite aux deux questions écrites que j’avais déposées sur le même sujet, restées sans réponse.
À cause des précipitations et des crues intenses, les syndicats d’aménagement des rivières et les riverains rencontrent des difficultés pour l’entretien annuel des cours d’eau.
D’une part, les berges et rives étant sous l’eau depuis quelques années du fait des crues répétitives, les techniciens de rivière ne peuvent intervenir pour mener à bien les travaux d’entretien.
D’autre part, les entreprises compétentes en matière de travaux de rivière se faisant de plus en plus rares, elles doivent allonger leur période d’intervention pour répondre à toutes les demandes, qui ne tiennent plus dans le calendrier.
En effet, pour les raisons que j’ai évoquées, et depuis plus de deux ans, la période d’intervention, limitée à quelques mois par le calendrier préconisé dans les arrêtés de déclaration d’utilité publique, ne permet pas l’entretien des rivières et des ripisylves, puisqu’elles sont immergées aux dates concernées.
Madame la ministre, ma demande est simple : il est impératif de déroger à l’interdiction d’intervention sur les rives de mars à octobre.
Je compte sur votre pragmatisme pour donner une réponse claire et favorable aux élus locaux qui entretiennent les cours d’eau, souvent en lieu et place de l’État et des riverains, dans le but de protéger les biens et les personnes contre les inondations.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l’intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, vous signalez que les intempéries, qui s’étalent sur une période de plus en plus longue allant de la fin de l’hiver au printemps, empêchent les syndicats chargés de l’entretien des cours d’eau de respecter les dates d’intervention sur les ripisylves préconisées dans les arrêtés de déclaration d’intérêt général (DIG).
Comme vous, nous voulons faciliter la réalisation de ces interventions d’entretien des cours d’eau et, plus largement, de restauration de leurs fonctionnalités. Nous partageons votre souhait d’une adaptation des périodes d’intervention au cas par cas, en fonction de la situation pluviométrique et hydrologique.
Néanmoins, cette possibilité existe déjà.
Tout d’abord, seuls l’article D. 614-52 du code rural et de la pêche maritime et l’arrêté ministériel relatif aux règles de bonnes conditions agricoles et environnementales prévoient une interdiction de tailler les haies et les arbres entre le 16 mars et le 15 août, période de nidification de nombreuses espèces d’oiseaux.
Cette interdiction réglementaire stricte ne s’adresse toutefois qu’aux agriculteurs qui bénéficient de la politique agricole commune (PAC).
Ensuite, les dates figurant dans les arrêtés de DIG sont souvent « préconisées » et rarement obligatoires. Elles sont parfois souples, aucun jour précis n’étant mentionné. Il est donc déjà possible de ne pas strictement respecter ces périodes et d’adapter le calendrier aux conditions de l’année en cours.
Enfin, ces prescriptions peuvent faire l’objet de modifications et d’adaptations à la demande du bénéficiaire ou sur l’initiative du préfet. Tous les syndicats de rivière peuvent donc d’ores et déjà demander au préfet de fixer des modalités d’adaptation du respect de ces préconisations en cas d’intempéries et de conditions défavorables à des interventions indispensables sur les ripisylves.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour la réplique.
Mme Anne-Sophie Romagny. Ma question porte sur l’entretien des rivières et non sur la taille des haies…
Si la possibilité est déjà donnée aux préfets d’accorder en la matière un peu plus de souplesse, je souhaite que l’État encourage positivement les préfets à exercer ce pouvoir de dérogation.
En ce qui concerne l’entretien des barrages, par exemple, on en arrive à des situations où les travaux sont bloqués depuis deux ans ; en conséquence, voilà deux ans que nous risquons des inondations ! Si certains barrages cèdent, c’est la population vivant en aval qui sera touchée. Il faut plus de souplesse et il faut encourager les préfets à accorder ces dérogations !
dysfonctionnements de la responsabilité élargie du producteur dans le secteur du bâtiment
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, en remplacement de M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 492, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je pose cette question au nom de mon collègue Didier Rambaud, empêché ce matin.
Il souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les dysfonctionnements du dispositif de la responsabilité élargie du producteur (REP) dans le secteur du bâtiment.
Depuis mai 2023, ce secteur est pleinement assujetti à cette fameuse « REP », en vertu des dispositions de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec). L’objectif de ce dispositif est vertueux : il s’agit d’améliorer le recyclage des déchets de chantier en assurant notamment une reprise gratuite et simple des matériaux, en contrepartie d’une écocontribution.
La REP impose aux producteurs de matériaux – fabricants, distributeurs et importateurs – de financer la collecte et le recyclage de ces déchets, dans un secteur qui en génère près de 46 millions de tonnes par an.
Toutefois, madame la ministre, force est de constater aujourd’hui que le système vertueux qui avait été promis ne correspond pas à la réalité du terrain : d’une part, les performances de collecte pour les déchets de catégorie 1 sont identiques à celles qui prévalaient avant la mise en place de la REP ; d’autre part, seuls 7 % des déchets de catégorie 2, qui incluent le bois, le métal et le plâtre, sont effectivement repris.
Par ailleurs, la majorité des volumes ne sont couverts ni par les points de collecte existants ni par les dispositifs de reprise sur chantier.
Plus inquiétant encore, les entreprises qui versent des contributions élevées à des éco-organismes privés estiment ne bénéficier d’aucune réelle contrepartie en termes de service rendu. Or ces structures augmentent leurs tarifs sans préavis ni transparence, ce qui rend toute anticipation impossible pour les artisans et les entreprises.
Dans ce contexte, la fédération du bâtiment et des travaux publics (BTP) de l’Isère appelle à une correction en profondeur du dispositif, fondée sur la transparence et sur une gouvernance équilibrée associant les acteurs de terrain.
Malgré un moratoire, malgré plusieurs annonces relatives à la refondation de la REP et en dépit de l’adoption par le Sénat, le 15 mai dernier, d’une proposition de loi introduisant un critère d’écomodulation pour les produits et matériaux biosourcés renouvelables, les professionnels craignent une réforme purement cosmétique.
Madame la ministre, quelle réforme le Gouvernement pourrait-il envisager pour rétablir la confiance dans ce dispositif, garantir la transparence de l’usage des écocontributions et permettre enfin une reprise effective et opérationnelle des déchets de chantier ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l’intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, vous nous alertez sur les difficultés rencontrées par les acteurs de la filière REP des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment.
Cette filière a été créée par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire en vue de répondre à un triple objectif : lutter contre les dépôts sauvages en créant un réseau de points de collecte ; développer le recyclage ; développer l’écoconception des matériaux de construction pour en faciliter le réemploi ou le recyclage.
Cette filière était très attendue, notamment par les collectivités territoriales, qui supportent un coût non négligeable pour la gestion des déchets – les dépôts sauvages, à eux seuls, représentent une charge d’environ 400 millions d’euros par an.
Le déploiement de la filière repose sur la gratuité de la reprise des déchets lorsqu’ils sont triés et sur le développement d’un maillage resserré de points de collecte. Pour assurer cette gratuité, les éco-organismes soutiennent financièrement les opérateurs qui collectent les déchets afin de couvrir les coûts de ces opérations. Toute personne qui en fait la demande peut bénéficier de ce soutien, sans discrimination, dès lors qu’elle accepte de souscrire aux contrats types élaborés par les éco-organismes.
Toutefois, en dépit de cette ambition, la mise en œuvre de la filière à responsabilité élargie du bâtiment s’est heurtée à des difficultés qui ont dégradé la maîtrise des coûts et ralenti le déploiement des points de collecte.
Le 20 mars dernier, ma collègue Agnès Pannier-Runacher a donc annoncé un moratoire sur les mesures qui devaient entrer en vigueur en 2025, que vous avez rappelées. Elle a également lancé une consultation de l’ensemble des acteurs de la filière.
Le périmètre exact du moratoire et les orientations de la refonte du cahier des charges seront précisés à la fin du mois de juin. L’objectif est de mettre en place un nouveau cahier des charges avant la fin de l’année.
mise en œuvre de la loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, auteur de la question n° 487, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Michaël Weber. Ma question porte sur la date de publication du décret d’application de la loi du 14 mars 2025 visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique. J’espère cette date prochaine comme j’espère ce décret issu d’une concertation avec les acteurs de la filière apicole.
Chaque année, la pression de cette espèce exotique invasive sur les colonies d’abeilles s’intensifie, au point d’être devenue l’une des principales causes de la surmortalité et du déclin des populations d’abeilles domestiques. Cette situation, extrêmement pénalisante pour la filière apicole et nuisible à la biodiversité, s’aggrave ; elle exige des pouvoirs publics une réactivité et une réponse qui soient à la mesure de l’urgence.
Une entrée en vigueur rapide de la loi est très attendue par la filière. Tout retard dans l’exécution de ces mesures risque d’amplifier les dégâts causés par cette espèce, donc le danger qu’elle fait peser sur la biodiversité, sur l’agriculture et sur la santé publique.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous confirmer la publication prochaine de ce décret et, le cas échéant, nous en préciser la date ? Pouvez-vous également nous assurer qu’un travail de concertation avec les acteurs socio-économiques concernés est bien engagé en vue de son élaboration ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l’intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, vous nous alertez sur l’importance d’une mise en œuvre rapide de la loi du 14 mars 2025 visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole.
Je tiens en premier lieu à vous assurer de l’attachement du Gouvernement à ce texte adopté à l’unanimité par le Parlement. Il doit apporter des réponses concrètes à une problématique qui touche nombre de nos concitoyens et dont l’impact est plus insupportable encore pour nos producteurs de miel.
Le Gouvernement n’a d’ailleurs pas attendu cette loi pour agir. Je rappelle qu’un plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation a été lancé, qui prévoit un travail sur l’efficacité des outils de lutte, ou encore que le fonds vert finance des actions de lutte aux côtés des collectivités.
Cette nouvelle loi est une avancée significative pour la protection des apiculteurs français ; elle illustre la volonté du Gouvernement de lutter contre les espèces exotiques envahissantes. Comme vous le rappelez, elle prévoit l’adoption d’un plan national qui sera décliné de telle manière que sa mise en œuvre se fasse au plus près des réalités locales.
Un décret d’application permettra de préciser les conditions d’adoption dudit plan. Il est en cours de préparation par les services du ministère de la transition écologique et de la biodiversité, en lien avec ceux du ministère de l’agriculture. Nous le publierons au plus vite.
La mise en œuvre de la loi, ses déclinaisons locales et les mesures concrètes à activer seront précisées lors de l’élaboration du plan national. Ce travail sera mené dans un esprit de concertation élargie, qui garantira pertinence et pragmatisme.
Vous pouvez compter sur la mobilisation d’Agnès Pannier-Runacher et de l’ensemble du Gouvernement pour mettre pleinement en œuvre, dans les délais que nous souhaitons les plus brefs, la loi de lutte contre le frelon asiatique ou frelon à pattes jaunes.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour la réplique.
M. Michaël Weber. Je vous remercie, madame la ministre, de ces éléments de réponse.
Je souscris à vos propos sur l’utilité du plan Pollinisateurs, qui contribue à accompagner la profession et à maintenir la population d’abeilles en France. Cela n’est toutefois pas suffisant, vous le savez.
Je prends acte du temps que le Gouvernement consacre à la rédaction de ce décret. J’espère que ce délai est justifié par de bonnes raisons et qu’il n’est pas une façon de se cacher derrière l’ambiance pour le moins inquiétante qui prévaut aujourd’hui sur les sujets environnementaux en général.
Vous l’avez souligné, ce texte a été adopté à l’unanimité. Soutenu sur tous les bancs du Parlement, il doit absolument se traduire par une action concrète le plus rapidement possible, car il y va de la biodiversité et, par conséquent, de la vie sur notre planète.
pass numérique
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, auteure de la question n° 553, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Karine Daniel. Ma question porte sur le pass numérique et sur l’échec de l’opérateur Aptic.
Voilà plus d’un an maintenant que nous avons assisté à la liquidation de la société Aptic, qui éditait le pass numérique, destiné notamment à lutter contre l’illectronisme. Alors que 13 millions de nos concitoyens sont éloignés du numérique, 400 000 d’entre eux avaient bénéficié de ce dispositif.
Aujourd’hui, les structures qui ont dispensé les formations et agi en faveur de l’inclusion numérique restent sans nouvelles de la société Aptic, dont elles sont créancières : elles n’ont pas été rémunérées et, pour certaines, elles sont en grande difficulté. Nous attendons une réponse à ce sujet, et une issue favorable.
Quel est le dispositif censé remplacer le pass numérique en 2025 ? Est-ce aux collectivités locales de s’y substituer, sachant que leur situation financière est difficile et que, le cas échéant, se poserait la question de l’équité d’accès à cette politique de lutte pour l’inclusion numérique ? Quelle égalité d’accès peut-on assurer dans un tel contexte ?
En somme, quelle est la pérennité du dispositif ? Quelles compensations financières sont prévues pour les structures concernées ? Quelle politique pour l’inclusion numérique ? Quelle égalité d’accès ? Il y va de la cohésion sociale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l’intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, la lutte contre l’illectronisme est un enjeu majeur, sur lequel le Gouvernement se mobilise depuis plusieurs années et auquel je suis particulièrement attachée, notamment à l’heure de l’intelligence artificielle.
Le pass numérique était un dispositif visant à former aux usages du numérique. Il fut généralisé en 2019 grâce au soutien apporté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) aux collectivités territoriales pour l’achat de ces pass. Au total, plus de 21 millions d’euros – 11,6 millions de l’État, 10,2 millions des collectivités – ont été mobilisés dans l’objectif d’accompagner 440 000 personnes éloignées du numérique.
Cependant, malgré les efforts consentis, le dispositif s’est heurté à de nombreuses difficultés. La crise du covid-19 a entraîné la fermeture des lieux d’accueil durant dix-huit mois ; des contraintes juridiques obligeaient les collectivités commanditaires à constituer des régies de distribution ; des délais de latence ont été observés dans la labellisation des lieux et la distribution des pass ; le dispositif était gourmand en ressources humaines.
Dans les faits, les crédits parvenaient difficilement aux structures et seules 40 000 personnes, sur les 440 000 visées, ont pu bénéficier du pass : c’est dix fois moins que l’objectif initial. Face à l’accumulation des critiques envers le modèle proposé par Aptic, il a donc été annoncé, fin 2023, qu’aucun nouvel appel à projets ne serait lancé.
Cela étant, le Gouvernement reste très engagé dans la lutte contre l’illectronisme et déploie de nombreux autres dispositifs.
Je pense au dispositif des conseillers numériques, lancé dès 2021 pour former les Français au numérique du quotidien.
C’est un succès : 5 millions d’accompagnements ont été dispensés par les près de 4 000 conseillers numériques en poste. À l’occasion de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, vous le savez, nous avons beaucoup œuvré pour maintenir une enveloppe de 40 millions d’euros visant à préserver ce réseau dans un contexte budgétaire très difficile. Cette enveloppe permettra de préserver la présence sur le terrain de près de 3 000 conseillers numériques. Le renforcement des modèles économiques des structures de médiation numérique reste une priorité pour assurer leur pérennité, compte tenu du contexte budgétaire que je viens d’évoquer.
Vous pouvez compter sur la mobilisation du Gouvernement et sur mon implication personnelle pour accompagner les collectivités dans cette démarche et dans ces réflexions.
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour la réplique.
Mme Karine Daniel. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre.
Cela étant, vous évoquez un chiffre de 3 000 conseillers numériques pour l’ensemble du territoire : voilà manifestement soulevée la question de l’accès – et de l’égalité d’accès – à ce dispositif, notamment pour les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Par ailleurs, lorsqu’un dispositif ne marche pas ou se révèle perfectible, on cherche comment l’améliorer. Sa simple suppression ne saurait être une fin en soi, d’autant qu’elle crée des difficultés pour les structures d’accompagnement – je note qu’à cette question vous n’avez pas vraiment répondu.
persistance des conséquences négatives de la réforme de la taxe d’aménagement pour les collectivités locales
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, auteur de la question n° 544, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics.
M. Jean Sol. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la persistance des conséquences négatives de la réforme de la taxe d’aménagement pour les collectivités locales.
La loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a redéfini les modalités de perception de cette taxe, organisant notamment le transfert de sa gestion des directions départementales des territoires vers la direction générale des finances publiques (DGFiP), dans un objectif de simplification.
Cependant et malheureusement, les collectivités continuent de faire état de difficultés qui semblent en partie liées à la modification des règles de perception. La taxe d’aménagement n’est en effet désormais exigible qu’à l’achèvement des travaux, sur déclaration volontaire des contribuables. Des retards de perception et des pertes de recettes ont ainsi été constatés, malgré les contrôles de la DGFiP, ce qui impose aux collectivités un effort supplémentaire de contrôle.
Par ailleurs, outre de nombreuses omissions ou erreurs déclaratives – il arrive ainsi fréquemment qu’un bien soit déclaré comme résidence principale au lieu de l’être comme résidence secondaire –, beaucoup d’oublis sont relevés, notamment de la part de propriétaires étrangers, ce qui prive les collectivités concernées des recettes correspondantes.
Dès lors, une réforme des modalités déclaratives est-elle envisagée, par exemple dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026 ? Quid, par exemple, d’un report de l’obligation déclarative du contribuable vers la collectivité concernée, commune ou établissement public de coopération intercommunale (EPCI), qui s’en acquitterait au moment de la délivrance du permis de construire ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l’intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur, la gestion de la taxe d’aménagement a été transférée à la DGFiP, qui n’en assurait jusqu’alors que le recouvrement. Ce transfert s’est accompagné du report de la date d’exigibilité de la taxe à la date de réalisation définitive des travaux, unifiant ainsi les obligations déclaratives fiscales applicables en matière foncière et en matière d’urbanisme. Un système d’acompte a également été créé afin de neutraliser les effets du décalage de l’exigibilité de la taxe sur les ressources des collectivités, effets qui peuvent apparaître dans le cas de grands projets s’étalant sur plusieurs années.
La liquidation de la taxe d’aménagement s’appuie sur la dématérialisation des déclarations, la création d’un référentiel des délibérations des collectivités locales et l’automatisation du calcul des taxes d’urbanisme.
Cependant, des dysfonctionnements ont en effet pu être observés. Afin d’éviter l’envoi de titres de paiement erronés, la DGFiP a mis en œuvre un système de vérification préalable qui a, de fait, freiné la fluidité du système.
Depuis le 3 février 2025, la DGFiP propose donc un parcours rénové pour rendre plus lisible le processus déclaratif. Elle a aussi commencé à sécuriser les éléments déclarés en 2024 en vue de la taxation de ces dossiers et a relancé les redevables n’ayant pas déposé la déclaration attendue. Aussi les collectivités bénéficieront-elles bel et bien in fine, même en cas de décalage dans les reversements, de la recette générée par l’achèvement des constructions.
Le report de la ressource est également lié à ce changement de processus et au renvoi du paiement à l’achèvement des travaux, dans un contexte d’allongement des délais de construction dû à divers paramètres extérieurs.
La diminution des montants collectés est par ailleurs fortement liée à la baisse du nombre d’autorisations d’urbanisme, qui a atteint 11 % en 2022 et 21 % en 2023.
Enfin, le décalage de calendrier et l’alignement de la taxation ont permis d’éviter l’émission de taxes pour des projets abandonnés. Les situations de ce genre induisaient auparavant des annulations de taxation a posteriori, insatisfaisantes tant pour les usagers que pour les collectivités, qui devaient, le cas échéant, reverser des sommes indûment perçues.
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour la réplique.
M. Jean Sol. Je vous remercie, madame la ministre, de vos réponses.
Cela étant, une évaluation du dispositif serait la bienvenue pour remédier aux dysfonctionnements que signalent nos élus de manière récurrente.
accompagnement des étudiants internationaux dans l’enseignement supérieur en france
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, auteur de la question n° 514, transmise à M. le ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Akli Mellouli. Chaque année, la France accueille des milliers d’étudiantes et d’étudiants internationaux, attirés par la qualité de notre enseignement supérieur et par l’idée que l’université française est un lieu d’émancipation, d’égalité et d’ouverture au monde.
Cette belle vitrine cache pourtant une sombre réalité : ces jeunes, parfois venus de très loin avec d’immenses espoirs, se heurtent dès leur arrivée à une succession d’obstacles qui transforment leur parcours universitaire en parcours du combattant.
Avant même leur entrée sur le territoire, ils affrontent les lenteurs et les incohérences de Campus France : refus non motivés, délais interminables, informations erronées, notamment en matière de logement. Ce système, censé être un outil d’accompagnement, devient une première barrière.
Une fois en France, l’épreuve ne fait que commencer. Pour beaucoup d’entre eux, obtenir ou renouveler un titre de séjour est un cauchemar administratif. Les rendez-vous en préfecture sont rarissimes et les délais d’attente inacceptables. Un simple redoublement ou un changement de formation, et c’est la menace d’expulsion !
À cette précarité juridique s’ajoute la précarité sociale. La plupart de ces étudiants ne sont éligibles ni aux bourses des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ni aux logements universitaires. Beaucoup doivent travailler pour survivre, au détriment de leurs études. Ils suivent des cours entièrement en français sans réelle aide linguistique. Éloignés de leur famille et souvent sans soutien proche, ils voient leur isolement social aggravé par l’absence de dispositifs d’intégration efficaces.
L’université française, lieu censé garantir l’égalité des chances, devient alors un espace de sélection injuste : une sélection sociale, mais aussi raciale, car ce ne sont pas les étudiants issus de pays européens ou plus généralement de pays riches qui en subissent les pires conséquences. Ceux que notre système rejette avec le plus de violence symbolique et matérielle sont souvent ceux qui sont issus de pays plus pauvres.
Monsieur le ministre, ces politiques discriminatoires trahissent les principes de notre République ; elles sapent notre prétention à l’universalisme ; elles fragilisent notre image au plan international.
Que comptez-vous faire pour changer cette réalité ? Allez-vous enfin mettre un terme à la tarification discriminatoire applicable aux étudiants non européens ? garantir un titre de séjour pluriannuel pour toute la durée des études sans conditionnalité abusive ? ouvrir l’accès aux aides sociales à tous les étudiants, sans distinction de nationalité ?
Monsieur le ministre, l’université ne doit pas être un privilège réservé à certains, elle doit devenir un levier d’émancipation pour toutes et pour tous. À vous de faire de cette promesse une réalité !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur Mellouli, je vous prie tout d’abord d’excuser le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Vous attirez son attention sur la situation des étudiants internationaux dans l’enseignement supérieur en France, en dressant un constat qui – pardon de le dire – me paraît trop sombre et qu’il importe vraiment de nuancer.
Pour ce qui est des frais de scolarité, ceux dont sont redevables les étudiants internationaux en France comptent parmi les plus faibles au monde, en particulier dans les établissements publics. Les droits différenciés, introduits en 2019 dans la réglementation, n’ont pas modifié cet état de fait. Au regard de la qualité de l’enseignement reçu, les établissements français restent particulièrement attractifs pour nombre d’étudiants internationaux.
L’étudiant en mobilité qui vient en France est supposé pouvoir subvenir à ses besoins matériels ; il y a là, d’ailleurs, un critère décisif pour l’obtention d’un visa pour études. Si l’enjeu de l’attractivité est primordial, nous devons veiller à n’accueillir ces jeunes que si et seulement si toutes les conditions sont réunies pour assurer le meilleur déroulement de leur séjour.
Le ministère de l’enseignement supérieur s’investit de manière continue pour améliorer les conditions d’accueil des étudiants en mobilité. Les politiques d’accueil qualitatives sont encouragées, notamment au travers du label « Bienvenue en France ». Ce dispositif a fait ses preuves en permettant une montée en qualité importante ; les établissements eux-mêmes le plébiscitent.
Les droits différenciés acquittés par les étudiants internationaux ont précisément pour objet de soutenir les politiques d’accueil des établissements. Ces derniers peuvent choisir dans le cadre de leur stratégie internationale de délivrer des bourses aux plus méritants.
Le ministère continue de travailler avec l’ensemble des parties prenantes de la politique d’accueil des étudiants internationaux. Son objectif est clair : simplifier les démarches, au bénéfice autant des étudiants que des établissements d’accueil. Les outils de candidature sont ainsi en cours de refonte et de simplification. Les premiers résultats de ces actions nouvelles devraient se faire sentir dès la rentrée 2026.
suppressions de postes dans le premier degré et moratoire sur les décharges pour les directrices et directeurs d’école sur l’académie de paris
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, auteure de la question n° 502, adressée à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Colombe Brossel. Ma question s’adresse à la ministre de l’éducation nationale.
Depuis plusieurs mois, nous sommes nombreux à vous interpeller, élus, enseignants, directrices et directeurs d’école, parents d’élèves, sur la situation de l’école publique à Paris. Nous ne pouvons que nous étonner du silence qui règne aujourd’hui autour de la question de la décharge des directeurs d’école et des fermetures de classes, et ce à quelques jours du conseil départemental de l’éducation nationale (CDEN).
Pourquoi un tel silence sur les fermetures de classes ? Alors que Paris demeure l’académie la plus ségréguée de France, ce sont aujourd’hui une centaine de classes qui sont menacées de fermeture. Leur maintien n’est pourtant ni une charge ni un privilège, mais une opportunité à saisir afin de faire baisser les effectifs dans toutes les classes.
Les éléments de langage répétés en boucle sur le nombre moyen d’élèves par classe qui serait plus faible à Paris qu’ailleurs n’y changeraient rien : cela reste une moyenne. Dans une académie où près de 30 % des écoles sont en éducation prioritaire, le dédoublement des grandes sections, CP et CE1 en réseaux d’éducation prioritaire (REP) fait baisser cette moyenne sans pour autant décharger les autres classes.
Comment également interpréter le silence de vos services concernant la décharge des directrices et directeurs d’école, alors que leur combat, que nous soutenons et accompagnons depuis plusieurs mois, continue de mobiliser ? Un moratoire a certes été décrété pour la rentrée prochaine, mais la concertation promise commence à se mettre en place très doucement. Elle peine à associer les principaux acteurs concernés et aucune échéance n’est fixée, alors que même la Cour des comptes vante aujourd’hui les mérites des directeurs d’école à temps plein.
Madame la ministre, les derniers mois de mobilisation sur ces sujets vous envoient un message clair : les parents d’élèves, les personnels de l’éducation nationale et les élus parisiens n’accepteront pas une école publique au rabais, privée de ses moyens. Nous savons l’importance de celle-ci pour l’avenir de chacun des élèves, car c’est bien au sein de l’école de la République que se crée la mixité sociale et scolaire dont notre école et notre pays ont tant besoin.
Selon quelles modalités avez-vous prévu de faire avancer les concertations annoncées sur le sujet de la décharge des directrices et directeurs d’école à Paris, et avec quel calendrier ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Brossel, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de l’éducation nationale.
La convention de 1982 lie l’État à la ville de Paris en accordant aux directeurs d’école un régime dérogatoire les déchargeant de leurs fonctions d’enseignement à partir de cinq classes contre douze ailleurs en France.
Dans ce cadre, la ville remboursait chaque année à l’État la différence entre le régime de droit commun et le régime dérogatoire. À compter de 2019, la ville a cessé de rembourser ces sommes. Vous le savez, puisque vous étiez alors adjointe à la mairie de Paris. Le manque à gagner s’élevait à 120 millions d’euros à la fin de l’année scolaire 2024.
C’est pourquoi la Cour des comptes s’est saisie de ce dossier en septembre dernier et a enjoint à l’État de mettre fin à ce régime dépourvu de base légale ou réglementaire, qui entraîne une rupture d’égalité par rapport aux autres communes.
Élisabeth Borne a donc demandé à la rectrice de Paris, au secrétaire général de son ministère ainsi qu’à la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) d’engager une concertation avec la ville. Elle a également décidé un moratoire pour la rentrée prochaine.
Trois réunions se sont déjà tenues et les échanges se poursuivent pour aboutir à une solution pérenne dans les meilleurs délais.
Concernant les fermetures de classes, l’académie de Paris possède déjà le meilleur taux d’encadrement métropolitain avec en moyenne vingt élèves par classe dans le premier degré public. De même en éducation prioritaire, où huit élèves sur dix sont scolarisés dans des classes de moins de vingt élèves.
Compte tenu de la baisse démographique plus forte à Paris qu’ailleurs, 3 200 élèves en moins sont prévus dans le premier degré à la rentrée prochaine.
À ce jour, 167 fermetures de classes sont prévues et les moyens consacrés au remplacement ont été augmentés. Chaque situation sera étudiée au cas par cas et pourra faire l’objet d’ajustements en juin, en fonction des effectifs.
cadre réglementaire de l’accueil familial
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 304, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le ministre, mes chers collègues, la pratique de l’accueil familial permet aujourd’hui à des particuliers d’accueillir à leur domicile, contre rémunération, des personnes âgées ou en situation de handicap. Un contrat est ainsi conclu entre les deux parties et les conseils départementaux chargés de l’agrément et de la formation des accueillants.
Souvent méconnu, l’accueil familial offre une solution de qualité, aux avantages nombreux, notamment en matière de préservation de liens sociaux et géographiques, et ce dans un contexte de manque de places et de moyens dans les établissements d’hébergement de personnes âgées et les établissements médico-sociaux.
L’accueil familial connaît une baisse d’activité préoccupante et peine à recruter. Le nombre d’accueillants familiaux – dont 48 % sont âgés de 60 ans et plus – est en diminution constante. Les raisons de ce constat sont connues depuis longtemps : complexité du statut ; défauts du cadre réglementaire ; absence de lisibilité et d’uniformité d’un dispositif mal connu, peu compréhensible et peu repérable au sein de l’offre sociale et médico-sociale ; précarité et absence d’attractivité des conditions financières.
La rémunération oscille autour de 25 euros net par jours, congés payés inclus. Pour un engagement de vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, ce montant est dérisoire !
Cette situation, connue du Gouvernement, attend encore des réponses concrètes et adaptées malgré quelques timides avancées – je pense notamment à l’annonce d’un plan d’action et de réforme.
Le temps me manquerait pour détailler ici les mesures réglementaires et législatives nécessaires. Je me limiterai à insister sur quelques dispositions d’urgence pour les accueillants.
Tout d’abord, il conviendrait de réviser le contrat d’accueil. Ce socle juridique qui encadre l’activité des accueillants date de 2010. Obsolète, inadapté et source d’interprétation, il place de nombreux accueillants familiaux dans une insécurité juridique.
Il faudrait ensuite prévoir une revalorisation significative du plancher de la rémunération journalière pour services rendus et de l’indemnité représentative des frais d’entretien, bloqués depuis vingt et un ans.
Enfin, il serait nécessaire d’ouvrir des droits à l’assurance chômage pour les accueillants familiaux de gré à gré.
Voilà autant de mesures qui permettraient de « déprécariser » cette activité et d’accroître son attractivité.
M. le président. Il va falloir conclure, chère collègue.
Mme Michelle Gréaume. Vos réponses précises à ces demandes sont attendues avec impatience.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Gréaume, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap, qui ne peut être présente aujourd’hui.
Vous appelez son attention sur la situation de l’accueil familial. Je vous remercie de souligner, à juste titre, l’importance de ce mode d’accompagnement, qui offre aux personnes âgées ou en situation de handicap un cadre de vie à la fois familial, chaleureux, stable et sécurisant, tout en permettant un accompagnement individualisé. À ce titre, l’accueil familial constitue une réponse pleinement légitime aux défis que pose le handicap ou la perte d’autonomie.
Reposant à l’origine sur des arrangements informels entre familles d’accueil et personnes accueillies, l’accueil familial bénéficie depuis 1989 d’un encadrement réglementaire spécifique. Ce cadre a été régulièrement amélioré pour renforcer la qualité et la sécurité des accueils, tout en améliorant les conditions d’exercice des accueillants familiaux.
En raison de ses spécificités, l’accueil familial relève d’un régime dérogatoire au droit du travail. La relation entre la personne accueillie et l’accueillant familial repose sur un contrat d’accueil et non sur un contrat de travail.
Ce contrat constitue le socle juridique de l’activité et garantit des droits essentiels aux accueillants : une rémunération minimale indexée sur le Smic, des congés payés, une couverture sociale, ainsi que des indemnités destinées à couvrir les frais liés à l’accueil – entretien et mise à disposition du logement.
Les accueillants bénéficient par ailleurs de l’assurance chômage lorsqu’ils sont employés par une personne morale.
Le Gouvernement est pleinement conscient des limites actuelles du dispositif. C’est pourquoi une démarche de consolidation de l’accueil familial a été engagée. Elle a notamment conduit à la mise en place d’un formulaire Cerfa harmonisé pour la demande d’agrément, disponible depuis novembre 2024, qui facilite et unifie les démarches sur l’ensemble du territoire.
En parallèle, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) soutient activement le développement de l’accueil familial à travers un programme pluriannuel déployé dans plus de soixante départements.
Les difficultés que vous évoquez sont bien identifiées.
M. le président. Il va falloir conclure, monsieur le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. J’arrête donc là, monsieur le président.
hausse des cotisations pour les employeurs publics affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, auteur de la question n° 520, transmise à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. Dany Wattebled. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le décret n° 2025-86 du 30 janvier 2025, qui impose une hausse des cotisations des employeurs publics affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Cette mesure représente une charge considérable pour nos collectivités locales, déjà confrontées à des budgets contraints.
Prenons un exemple dans le Nord : la ville d’Hazebrouck devra assumer un surcoût de 180 000 euros par an jusqu’en 2028, soit un total de 700 000 euros ; Coincy connaîtra quant à elle un surcoût de 250 000 euros par an. Ces sommes auraient pu être investies dans la rénovation des écoles, la transition écologique ou la sécurité… Cette situation concerne 36 000 communes.
Ce décret pose un sérieux problème juridique.
Tout d’abord, il remet en cause le principe d’autonomie financière des collectivités, garanti par l’article 72 de la Constitution, en augmentant les charges des communes sans compensation. L’État leur impose une contrainte budgétaire qui limitera leur capacité d’action. Les communes devront-elles augmenter leurs taxes foncières ?
Par ailleurs, il crée une inégalité entre les employeurs publics et privés en instaurant un surcoût du travail plus élevé pour les collectivités locales, sans justification d’intérêt général suffisant.
Enfin, aux termes de l’article 34 de la Constitution, il revient à la loi de fixer les principes fondamentaux de la sécurité sociale, y compris les régimes de retraite. En modifiant les règles de financement du régime spécial de la CNRACL sans habilitation législative, le Gouvernement prend une décision qui aurait dû relever du Parlement : ce n’est pas acceptable.
Monsieur le ministre, alors que les finances locales sont déjà sous tension, pourquoi imposer une charge supplémentaire aux communes sans respecter le cadre constitutionnel ? Allez-vous revoir ce décret ou attendre qu’il soit contesté devant la justice ? Nos collectivités méritent des réponses claires et des décisions justes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur, je vous remercie pour votre question concernant le décret n° 2025-86 du 30 janvier 2025 relatif au taux de cotisations vieillesse des employeurs des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Comme vous le savez, la situation financière de la CNRACL est très détériorée en raison de la dégradation du ratio démographique entre cotisants et pensionnés. Son déficit pour 2024 s’élève à 3,8 milliards d’euros et monterait à 10 milliards d’euros à l’horizon de 2030 – sur un déficit total de 14 milliards pour la branche vieillesse –, en l’absence du décret du 30 janvier 2025 relatif à la CNRACL.
La publication de ce décret fait suite à un long travail de réflexion de la part du Gouvernement, qui a missionné l’inspection générale des affaires sociales (Igas), l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale de l’administration (IGA) pour rendre un rapport, publié en septembre dernier.
Pour rétablir les comptes de la CNRACL, ce rapport concluait à la nécessité d’une hausse du taux de la contribution employeur de 10 points dès 2025 et de 8 points supplémentaires à horizon de 2030. Ce n’est pas la solution qu’a retenue le Gouvernement, puisque la hausse de cotisations induite par le décret du 30 janvier est de moindre ampleur, étalée sur quatre ans à raison de 3 points de cotisations supplémentaires chaque année jusqu’en 2028.
Le décret du 30 janvier 2025 est conforme à l’ordre juridique et constitutionnel en vigueur : selon l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les principes fondamentaux de la sécurité sociale et renvoie au pouvoir réglementaire la détermination des modalités d’application, notamment les paramètres techniques comme les taux de cotisation.
Or c’est précisément l’objet de l’article L. 711-12 du code de la sécurité sociale, qui renvoie au pouvoir réglementaire la détermination du taux de cotisation des régimes spéciaux, dont celui de la CNRACL.
Le Gouvernement est conscient des défis financiers auxquels sont confrontées les collectivités locales. Un nouveau rapport a été commandé afin de préciser les orientations.
gestion des déchets d’activités de soins à risques infectieux
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, auteure de la question n° 525, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le ministre, c’est avec une réelle inquiétude que je m’adresse aujourd’hui à vous au sujet de la révision du guide spécifique à la gestion des déchets d’activités de soins à risques infectieux (Dasri), qui doit être publié prochainement.
Vous le savez bien mieux que moi, ces déchets – matériels contaminés en laboratoire de recherche ou d’analyses biologiques, pansements, objets de soin coupants, piquants ou tranchants – proviennent des opérations réalisées par les professionnels médicaux, les vétérinaires ou encore par des patients en autotraitement.
Ils représentent aujourd’hui près de 165 000 tonnes par an et leur traitement est quatre à huit fois plus cher que celui des ordures ménagères.
Par leur nature et les risques d’infection qu’ils présentent, ils constituent des déchets dangereux. Ils sont dangereux pour les professionnels de santé, pour les patients, mais aussi pour les personnels des sociétés de nettoyage, de collecte et de transport. Il est donc indispensable, afin d’éviter tout contact cutanéo-muqueux, piqûre, coupure, inhalation ou ingestion, de respecter strictement les bonnes pratiques.
Si personne ne discute aujourd’hui de l’opportunité de la révision par la direction générale de la santé (DGS) dudit guide, dont la dernière version date de 2009, force est de constater que de nombreux acteurs de terrain et opérateurs de traitement de déchets s’inquiètent de son contenu.
D’aucuns allèguent qu’il appartiendrait désormais aux professionnels de santé de définir le caractère infectieux et risqué de leurs déchets, ce qui induirait deux problèmes substantiels : les gestes de tri seraient plus complexes pour ces professionnels ; les risques seraient accrus pour les opérateurs chargés de la collecte, du traitement et du tri de la filière déchets.
Monsieur le ministre, ma question est simple : quelles mesures entendez-vous prendre pour rassurer les entreprises et les personnels qui assurent la collecte des déchets d’activités de soins à risques infectieux ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice Jouve, la gestion des déchets d’activités de soins à risques infectieux est un enjeu crucial de santé publique tant pour la sécurité des professionnels de santé, des opérateurs de collecte, que pour celle de la population et de l’environnement.
C’est précisément pour répondre à l’évolution des pratiques de tri que la direction générale de la santé a engagé dès 2022 une révision complète du guide national de 2009.
Ce nouveau guide, fruit d’un travail collaboratif avec l’ensemble des acteurs concernés – professionnels de santé, experts du risque infectieux, fédérations hospitalières, opérateurs de collecte – sera publié très prochainement. Il se veut à la fois pédagogique et rigoureux sur les obligations réglementaires, avec des outils concrets d’aide au tri.
Sur la question de la responsabilité, je tiens à rappeler que l’évaluation du risque infectieux repose sur le producteur du déchet, conformément au code de la santé publique et au code de l’environnement. Ce principe n’est pas nouveau et ne doit pas être remis en cause compte tenu du fait que le producteur du déchet est le plus à même d’apprécier la nature du déchet produit en fonction du contexte dans lequel il évolue.
Cela ne signifie pas pour autant un isolement des professionnels de santé : le guide, appuyé par les avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) rendus en 2023 et en 2024, fournit des critères objectifs et des exemples pour sécuriser les décisions. En cas de doute, la règle est claire : le déchet doit être orienté vers la filière Dasri.
Par ailleurs, des formations de terrain, appuyées par les agences régionales de santé (ARS), viendront accompagner les professionnels dans la mise en œuvre de ces nouvelles recommandations.
Soyez assurée, madame la sénatrice, que notre priorité est de garantir à la fois la sécurité des professionnels et celle de toute la chaîne de gestion des déchets.
conséquences financières de la non-compensation de la prime ségur pour les maisons d’accueil et de résidence pour l’autonomie
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, auteure de la question n° 534, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Amel Gacquerre. Monsieur le ministre, ma question concerne les conséquences financières de l’extension du Ségur dans le secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif, dans les maisons d’accueil et de résidence pour l’autonomie (Marpa).
Dans le Pas-de-Calais comme ailleurs, les Marpa jouent un rôle essentiel pour le bien-vieillir en milieu rural en offrant un habitat adapté, sécurisé et inclusif à des personnes âgées en perte d’autonomie.
Toutefois, la mise en œuvre de l’accord du 4 juin 2024 sans compensation financière durable de l’État place ces structures en grande difficulté économique. Pour exemple, dans le Nord-Pas-de-Calais, l’impact budgétaire annuel moyen du Ségur est estimé entre 25 000 euros et 30 000 euros par établissement.
Cette charge supplémentaire pourrait contraindre les Marpa à en reporter le coût sur les résidents. Cela correspondrait à une augmentation de plus de 100 euros par mois par résident, soit près d’un mois de loyer, ce qui remettrait en cause l’accessibilité de ces logements pour les personnes âgées les plus modestes. Cela pourrait également contraindre les structures à opérer des licenciements, voire à arrêter leurs activités.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, quelles mesures sont envisagées par le Gouvernement pour assurer la viabilité financière des structures concernées, pérenniser leurs activités et ainsi permettre à nos aînés de choisir de bien vieillir dans nos communes rurales ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice, l’attractivité des métiers des secteurs sanitaire, social et médico-social constitue une priorité inscrite au cœur de la feuille de route gouvernementale.
En partenariat avec les conseils départementaux, les professionnels du secteur ont bénéficié de revalorisations à hauteur de 4 milliards d’euros, pris en charge par les financeurs de la branche.
Cette mesure a bénéficié à près de 700 000 salariés, dont environ 500 000 dans le cadre des dispositifs issus du Ségur de la santé et de la mission Laforcade, avec une revalorisation mensuelle nette de 183 euros. À la suite de la conférence des métiers sociaux du 18 février 2022, ces revalorisations ont été étendues à 200 000 professionnels de la filière socio-éducative.
L’accord du 4 juin 2024 étend, quant à lui, le Ségur à l’ensemble des professionnels de la branche de l’action sanitaire et sociale. La branche autonomie, en tant que financeur majoritaire des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), a d’ores et déjà financé la mise en œuvre de cet accord à hauteur de 300 millions d’euros dès juillet 2024.
Cet accord a été agréé par le Gouvernement après avis de la commission nationale d’agrément, dont sont membres de droit trois présidents de conseils départementaux. Cet agrément rend l’accord opposable aux financeurs. Les résidences autonomie associatives, au nombre desquelles figurent les Marpa, financées par les départements, sont concernées par cet accord.
Le Gouvernement a pris en compte les difficultés de financement de l’accord du 4 juin par certains départements. Avec Catherine Vautrin, la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq est parvenue à un accord avec Départements de France sur le financement de l’accord du 4 juin 2024, dit Ségur pour tous, lors du comité des financeurs des politiques sociales du 29 avril dernier.
Dès 2025, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) apportera un soutien pérenne aux départements à hauteur de 85 millions d’euros, soit 50 % du coût annuel du financement de l’extension du Ségur pour les structures financées par les départements.
Cet accord permettra d’assurer aux structures, notamment les Marpa, d’être financées à hauteur de leurs dépenses liées à l’extension de la prime Ségur, dans l’intérêt des personnes en situation de handicap, des personnes âgées en perte d’autonomie et des enfants placés auprès des départements.
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour la réplique.
Mme Amel Gacquerre. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse concrète qui, je l’espère, rassurera les Marpa. Je salue le fait que l’extension du Ségur ne remette nullement en question la revalorisation du personnel. Vous convenez qu’il importe, à l’heure actuelle, d’apporter un soutien massif à ces structures, et je vous en remercie.
J’en profite pour rappeler la nécessité d’une loi sur le grand âge, que nous attendons tous. En 2030, un Français sur quatre aura plus de 65 ans. Il est temps de prendre ce sujet à bras-le-corps et d’aller plus loin, car il y a de vraies attentes pour notre population et nos aînés.
accès limité aux traitements contre la drépanocytose
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, auteure de la question n° 546, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le ministre, au début de cette année, deux jeunes femmes sont mortes dans les services des urgences, en région parisienne, alors qu’elles attendaient des soins. Qu’avaient-elles en commun ? Une maladie génétique. Nous parlons de la drépanocytose, la maladie génétique la plus répandue en France.
Près de 400 000 personnes seraient porteuses du trait drépanocytaire et environ 30 000 d’entre elles vivent avec une forme majeure de la drépanocytose, les exposant à des crises douloureuses similaires à celles que connaissent ces jeunes filles.
Cette maladie génétique, qui touche principalement les populations d’origine subsaharienne, méditerranéenne, antillaise et maghrébine, reste peu connue des professionnels de santé.
Il y a deux ans, les acteurs de la lutte contre la drépanocytose remettaient au Gouvernement un livre blanc proposant des mesures concrètes pour améliorer la prise en charge de la maladie.
En premier lieu, ils avaient surtout réclamé une généralisation du dépistage néonatal à tous les nouveau-nés, sans ciblage ethnique. Je me réjouis que cette demande ait été satisfaite depuis le 1er novembre dernier.
D’autres priorités, tout aussi essentielles, restent aujourd’hui encore non traitées.
Je pense au renforcement de la formation dispensée aux professionnels de santé, car les symptômes et la prise en charge que nécessite la drépanocytose ne sont pas bien connus de l’ensemble du corps médical et paramédical.
Je pense aussi à l’amélioration de la lutte contre les discriminations et les inégalités d’accès aux soins, notamment dans les territoires ultramarins. Malgré une forte prévalence en Guyane, les patients rencontrent des difficultés pour accéder aux soins.
Enfin, je voudrais parler de l’amélioration du parcours de soins des patients, en facilitant l’accès aux traitements innovants et aux thérapies émergentes.
À l’approche de la journée mondiale de lutte contre la drépanocytose, célébrée le 19 juin, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles actions concrètes le Gouvernement entend mettre en œuvre pour améliorer la prise en charge des personnes atteintes de cette maladie, qu’elles vivent en France hexagonale ou dans les outre-mer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice, en tant que ministre de la santé et médecin, je suis naturellement très attentif à votre question.
Elle lève le voile sur une inégalité sanitaire flagrante : la drépanocytose est la première maladie génétique en France, et pourtant elle reste reléguée aux marges du système de santé. C’est un scandale silencieux. Trop longtemps, cette pathologie a été ignorée, mal connue, mal dépistée, mal soignée. Cette réalité, il est temps de la regarder en face.
Depuis le 1er novembre 2024, une avancée majeure a été franchie : le dépistage néonatal de la drépanocytose est désormais généralisé à tous les nouveau-nés en France, mettant fin à l’approche ciblée auparavant en vigueur en métropole.
Ce dépistage, réalisé entre le deuxième et le troisième jour de vie, via un prélèvement sanguin au talon, permet d’identifier précocement cette maladie grave et fréquente. La Haute Autorité de santé a recommandé cette mesure en 2022 face à l’augmentation continue de l’incidence : 684 cas ont été dépistés en 2022 contre 431 en 2016. Il s’agit de cas avec des conséquences graves dès la petite enfance comme les accidents vasculaires cérébraux.
Cette généralisation s’inscrit dans l’extension progressive du plan national de dépistage néonatal (PNDN), qui concerne désormais treize maladies contre cinq en 2018. Elle permet une prise en charge plus rapide et plus équitable sur tout le territoire.
La recherche a par ailleurs permis la commercialisation de plusieurs médicaments favorisant la fixation de l’oxygène sur l’hémoglobine ou réduisant les risques cardiovasculaires et vaso-occlusifs.
Le troisième plan national maladies rares (PNMR3) a soutenu seize projets sur la drépanocytose pour près de 3,7 millions d’euros. Des approches innovantes comme la thérapie génique ou l’érythraphérèse répétée sont en cours d’évaluation et certaines sont déjà accessibles via des autorisations compassionnelles.
Le quatrième plan national maladie rare (PNMR4) vise à prolonger cette dynamique, à renforcer le diagnostic, à améliorer l’accès à l’innovation, à mieux former les professionnels de santé et à promouvoir le dépistage néonatal, notamment grâce à l’articulation avec le plan France Médecine génomique 2025 (PFMG2025).
Madame la sénatrice, il n’y aura pas de République en santé tant qu’une partie de notre population restera invisible dans les politiques publiques.
développement des traitements de nouvelle génération de la dépendance aux opioïdes
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, auteur de la question n° 547, transmise à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Franck Menonville. Monsieur le ministre, ma question porte sur le développement des traitements de nouvelle génération pour lutter contre la dépendance aux opioïdes. Ce fléau frappe tous les territoires, occasionnant des dégâts humains et financiers considérables.
Les traitements de première génération, comme le Subutex et la méthadone, démontrent leurs limites en matière de sevrage. Leur trafic est en forte progression, ce qui est des plus inquiétant.
Dans le cadre des évolutions thérapeutiques, de nouveaux traitements ont vu le jour. Le Buvidal, traitement à libération prolongée, contribue à améliorer l’offre de soins qui n’a pas connu d’évolution depuis 1995. Il permet de passer d’une prise quotidienne à une injection par semaine, voire par mois, selon le profil des patients. Cette dernière ne pouvant être effectuée que par un médecin, elle évite donc tout trafic.
Disponible et remboursé dans plusieurs pays européens, mais aussi aux États-Unis et en Australie, il permettrait, selon l’étude Opale 2, d’éviter chaque année en France plus de 300 décès, plus de 5 000 hospitalisations et plus de 2 000 réincarcérations.
Cependant, le modèle de financement du traitement repose sur des crédits non reconductibles accordés par les agences régionales de santé. Or, selon les régions, l’accès à ce traitement est très inégal. La région Grand Est réserve ce traitement aux seuls patients en sortie de détention, alors même qu’une nouvelle instruction de la direction générale de la santé l’ouvre à toutes les personnes en ayant besoin. Aujourd’hui, seuls 700 patients dépendants aux opioïdes y ont accès sur 180 000 personnes qui pourraient en bénéficier.
Ma question est simple, monsieur le ministre : quelles sont vos intentions pour déployer ce traitement sur tout le territoire et pour lui assurer un financement pérenne ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur Menonville, je vous remercie pour votre question. Vous mettez le doigt sur une vérité dérangeante : la dépendance aux opioïdes progresse en France et, avec elle, l’incapacité de notre système à offrir des réponses à la hauteur de la crise.
Ce n’est pas une dérive marginale. C’est un fléau qui traverse tous les territoires, des grandes villes aux zones rurales, et qui coûte chaque année des vies, des hospitalisations, des réincarcérations. Ce drame humain se double d’un désastre social.
Vous l’avez rappelé avec justesse : les consommations d’opioïdes sont en forte progression dans notre pays, avec des conséquences humaines, sociales et économiques dramatiques.
Il s’agit non pas seulement d’un problème de médicaments, mais bien d’une problématique complexe, multifactorielle, qui exige une mobilisation globale, cohérente et durable de l’ensemble des acteurs.
Le Gouvernement partage pleinement votre constat, lequel a justifié le lancement, en mars 2023, d’une stratégie interministérielle contre la conduite addictive. Celle-ci s’inscrit dans une logique d’action jusqu’en 2027 et repose sur trois piliers : prévention, prise en charge et réduction des risques et des dommages.
Ce cadre d’action donne toute sa place aux innovations thérapeutiques lorsqu’elles apportent des réponses plus adaptées à certains profils de patients.
Vous avez raison de souligner le potentiel du Bividal, forme de buprénorphine à action prolongée. Il constitue, selon de nombreux professionnels, une avancée thérapeutique utile pour certains patients, en complément de l’offre existante. C’est pourquoi le ministère de la santé, s’appuyant sur les équipes de la direction générale de la santé, suit avec attention son développement, son évaluation et son accessibilité.
Je tiens à souligner qu’une première enveloppe pérenne de 1 million d’euros a été mise en place dès l’an dernier afin de soutenir les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) volontaires pour amorcer le déploiement de ce traitement dans les territoires. Cette enveloppe a été répartie en fonction des besoins exprimés localement.
Nous sommes toutefois lucides : cette première étape ne permet pas encore de répondre à l’ensemble des besoins, notamment pour garantir une équité d’accès sur tout le territoire. Les disparités régionales que vous mentionnez sont bien réelles et préoccupantes.
Le Gouvernement entend y remédier ; c’est le sens des travaux qui ont été engagés pour réexaminer les modalités de financement du traitement dans le cadre d’arbitrages budgétaires concernant les crédits alloués aux Csapa. Vous pouvez compter sur ma détermination dans ce dossier.
situation des urgences hospitalières dans le calvados
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, auteure de la question n° 584, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins.
Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, je souhaite vous interpeller sur la situation des urgences hospitalières dans le Calvados.
Ce week-end, le centre hospitalier de la Côte fleurie à Cricquebœuf a dû une nouvelle fois fermer son service des urgences, alors qu’il y avait déjà eu des interruptions lors des ponts du mois de mai. Cette situation suscite l’inquiétude légitime des élus locaux, surtout pour cet été.
Récemment, à Caen, les urgences de la Polyclinique du parc et de l’Hôpital privé Saint-Martin ont été fermées la nuit, occasionnant un surcroît d’activité très difficile à absorber pour le centre hospitalier universitaire (CHU).
À chaque fois, la raison principalement invoquée pour justifier ces fermetures est la difficulté à trouver des médecins et autres personnels qualifiés pour assurer la continuité des soins.
De plus, régulièrement, les urgences du centre hospitalier Robert-Bisson, à Lisieux, comme celles du CHU de Caen doivent accueillir un grand nombre de patients, dont des personnes âgées souffrant de pathologies nécessitant bien souvent une hospitalisation.
Faute de lits disponibles, les malades sont mis en attente en dehors des boxes, devant parfois attendre sur des brancards dans les couloirs pendant plusieurs heures.
Pour que ces situations ne se reproduisent plus, il conviendrait sans doute de rendre le Calvados attractif pour les professionnels de santé. Surtout, l’agence régionale de santé appelle à développer la coopération public-privé.
Il faut aussi travailler sur la cohérence des rémunérations versées pour éviter les surenchères entre établissements.
En définitive, la fixation de règles de répartition de la patientèle dans l’accès aux urgences, mais aussi des règles de continuité et donc d’ouverture des urgences doit être notre objectif.
Vous le savez, le système hospitalier est en proie à des difficultés majeures. À l’approche de l’été, période durant laquelle la population de certaines communes est multipliée par dix et les besoins en soins explosent, de nombreuses questions se posent.
Aussi, je souhaiterais savoir quelles actions vont être mises en place pour prévenir les fermetures répétées des services d’urgence des hôpitaux calvadosiens, mais aussi pour réduire les temps d’attente aux urgences et améliorer la prise en charge globale des patients.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le président, je ne parviendrai pas à répondre en deux minutes à la question de Mme la sénatrice. Me permettez-vous de dépasser mon temps de parole ?
M. le président. Si chacun formule une telle requête, monsieur le ministre, nous n’y arriverons plus ; je vous invite donc à essayer de respecter votre temps de parole.
M. Yannick Neuder, ministre. Le problème des urgences ne se réglera pas en deux minutes, monsieur le président…
Madame la sénatrice, vous mettez en lumière un sujet que je prends très au sérieux. Ce que vous décrivez n’est malheureusement pas isolé. C’est le reflet d’un défi national et j’entends prendre ce dossier à bras-le-corps.
Dans votre territoire, une équipe médicale de territoire s’est mise en place autour du CHU de Caen pour mieux répartir les ressources en médecine d’urgence. Une charte de solidarité interhospitalière, signée en février par les groupements hospitaliers de territoire (GHT), la Fédération hospitalière de France (FHF) et l’ARS, vise à renforcer le recrutement, à mieux gérer les internes et à éviter les concurrences entre établissements. En outre, chaque quinzaine, les acteurs du territoire se réunissent pour ajuster l’organisation en temps réel.
Nous allons encore plus loin cette année, en lançant un plan permettant la mobilisation de l’ensemble du système de santé pour gérer la période estivale. Une instruction, adressée aux ARS, va être publiée dans le courant de la semaine pour organiser dès maintenant la réponse de terrain, y compris avec les conseils de l’ordre, en vue d’assurer la continuité des soins.
Ce plan prévoit un schéma territorial d’ouverture des urgences et services mobiles d’urgence et de réanimation (Smur), adapté aux ressources disponibles ; le renforcement des points de garde libéraux, notamment sur la côte ; le déploiement de Smur paramédicaux dans les zones les plus en tension ; enfin, une régulation médicale préalable à l’entrée des urgences pour orienter les patients, soulager les équipes et garantir un accès rapide aux soins vitaux.
Ces mesures s’inscrivent dans une grande transformation structurelle : la réforme des autorisations de médecine d’urgence adoptée à la fin de l’année 2023, qui va permettre de moderniser l’organisation des services, avec une introduction des antennes de médecine d’urgence, la possibilité d’une réorientation à l’accueil, notamment grâce au protocole relatif aux infirmiers d’accueil, une primo-prescription autorisée pour les infirmiers en pratique avancée (IPA), conformément au décret que j’ai signé en avril dernier, et un déploiement progressif des unités mobiles paramédicalisées.
Des guides pratiques ont été publiés ou sont en cours de diffusion sur la réorientation à l’accueil, les Smur paramédicalisés et, très prochainement, le fonctionnement des antennes de médecine d’urgence.
Surtout, nous devons désormais changer d’échelle. Les urgences sont le centre de gravité de notre système de santé. Il faut répondre à l’enjeu de façon pragmatique.
C’est le sens de la nouvelle étape de stratégie nationale que je lance sur cet aval des urgences, avec deux priorités : premièrement, le développement de solutions de substitution aux urgences, notamment les admissions directes non programmées, le renforcement de l’hospitalisation à domicile et les accueils de crise en psychiatrie ; deuxièmement, la fluidification des parcours après les urgences, grâce à la généralisation des dispositifs de bed management et la mise en place de cellules d’ordonnancement territorial couvrant tous les parcours de soins, de l’entrée jusqu’à la sortie de l’hôpital.
Je recevrai au ministère, le 16 juin prochain, l’ensemble des acteurs de l’activité de médecine d’urgence pour que le plan se décline correctement sur le terrain. J’ai adressé des courriers aux acteurs de la santé concernés, afin de relayer vos actions.
Madame la sénatrice, notre responsabilité collective est claire : agir pour garantir l’accès aux soins, y compris en période estivale. Tous les leviers sont mobilisés, dans le Calvados comme partout ailleurs.
prise en charge des molécules onéreuses
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 586, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le ministre, la santé mentale est la grande cause nationale de cette année 2025. Elle touche toutes les parties de la population, mais particulièrement les enfants qui sont confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Ces enfants sont souvent sujets à de doubles vulnérabilités, parce qu’ils ont été maltraités ou abandonnés dans leur famille d’origine et parce qu’ils sont fréquemment victimes de troubles du comportement, des pathologies rares et des troubles psychiatriques nécessitant une prise en charge spécifique, souvent sur la base de molécules dites onéreuses, qui viennent grever largement les budgets des établissements prenant en charge ces enfants.
Je pense notamment au Bercail Saint-Denis, dans mon département, qui accueille plus de 80 % d’enfants en situation complexe : la prise en charge des molécules onéreuses représente une part approchant 60 % du budget global, au détriment de l’accompagnement des autres enfants et obligeant parfois à faire des choix qui conduisent à exclure certains enfants de ces traitements, faute de budget.
L’ARS de Normandie travaille à trouver des solutions, mais ne dispose malheureusement pas aujourd’hui de réponse définitive.
Monsieur le ministre, comment aider les établissements de l’ASE à accompagner et à prendre en charge de manière renforcée les enfants qui bénéficient de traitements à base de molécules onéreuses ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question extrêmement importante sur l’accès aux molécules onéreuses pour les enfants placés à l’ASE. C’est un sujet essentiel.
Vous le savez, les enfants protégés par l’aide sociale à l’enfance sont parmi les plus vulnérables de notre société. Beaucoup d’entre eux ont connu des parcours de vie marqués par l’instabilité, la maltraitance, parfois même la violence. Ces expositions précoces ont des effets profonds sur leur développement, leur santé physique et mentale et leur capacité à accéder à des soins de manière continue. Ainsi, nombre de ces enfants présentent des troubles chroniques ou des troubles du neurodéveloppement ou sont en situation de handicap, notamment de polyhandicap.
Dans ce contexte, il est de notre devoir collectif de garantir non seulement leur protection, mais aussi leur accès plein et entier à des soins de qualité, y compris aux traitements les plus innovants, souvent coûteux et non substituables.
Je veux redire ici l’engagement de mon ministère à bâtir une politique de santé plus juste pour ces enfants. Dès 2026, nous engagerons la généralisation des expérimentations Pégase et Santé protégée, avec le déploiement systématique des bilans de santé à l’entrée de l’ASE.
Cette dynamique s’appuiera notamment sur les centres d’appui à l’enfance, pour mieux structurer la coordination entre acteurs sociaux et professionnels de santé.
Je partage pleinement vos préoccupations sur le sujet de la charge financière des molécules onéreuses. Les établissements qui accueillent ces enfants ne peuvent porter seuls le poids budgétaire de traitements qui, pour certains, représentent jusqu’à la moitié de leurs charges. Cela n’est ni soutenable ni équitable.
Des solutions doivent être explorées avec pragmatisme. Parmi elles, le conventionnement entre établissements et caisses primaires d’assurance maladie, permettant un remboursement selon les mêmes modalités qu’en ville, constitue une première piste.
Nous travaillons également avec les agences régionales de santé et l’assurance maladie pour définir des modalités opérationnelles, dans le respect des exigences de sécurité et de pertinence des soins.
Enfin, au-delà de ces réponses techniques, c’est bien une vision que nous défendons, celle d’un État qui tient sa promesse de solidarité envers les enfants les plus fragiles en leur garantissant un égal accès à l’innovation thérapeutique et à la dignité des soins.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.
Mme Agnès Canayer. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Vous avez raison, donner une deuxième chance à ces enfants particulièrement vulnérables et leur permettre d’accéder à ces traitements, au même titre que tous les enfants français, est un enjeu de justice et de solidarité.
nouveau barème de sanctions concernant les bénéficiaires du revenu de solidarité active
M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, auteure de la question n° 589, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, depuis le 1er janvier 2025, avec la réforme du revenu de solidarité active (RSA) et l’instauration de quinze heures d’activité hebdomadaires obligatoires, un nouveau barème de sanctions s’applique aux bénéficiaires.
En cas de refus de contractualiser, de mise à jour ou de non-respect des engagements, l’organisme référent – notamment le conseil départemental – peut suspendre tout ou partie du RSA pour une durée déterminée. Or la lecture du décret instaurant ce nouveau barème fait naître un doute : celui-ci respecte-t-il réellement l’esprit de la loi votée par le Parlement ? ou traduit-il un infléchissement, voire un assouplissement des sanctions initialement prévues ?
La comparaison entre l’ancien et le nouveau barème montre un basculement d’une logique de suppression vers une logique de suspension.
En effet, si le nouveau barème prévoit une suspension de 30 % à 100 % pendant un à quatre mois, il permettrait au bénéficiaire de recouvrer rétroactivement son allocation s’il régularise sa situation. On voit ainsi s’instaurer une forme de droit au rattrapage, là où nous voulions affirmer des obligations claires, assorties de conséquences fermes.
Monsieur le ministre, ce décret ne risque-t-il pas de vider la loi de sa portée effective ? Plus largement, ne crée-t-il pas un décalage préoccupant entre l’intention du législateur et sa traduction réglementaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Madame la sénatrice, vous vous demandez si le décret du 30 mai 2025, qui rénove le barème de sanction des demandeurs d’emploi, est bien fidèle à l’esprit de la loi pour le plein emploi.
Vous vous interrogez notamment sur le nouveau mécanisme de suspension-remobilisation, qui permet la suspension de l’allocation en cas de manquement et prévoit le reversement des sommes dues en cas de remobilisation du demandeur d’emploi.
Je vous rappelle que la loi est particulièrement précise en matière de sanctions et que le décret en a surtout traduit les orientations.
Pour ce qui concerne les bénéficiaires du RSA, c’est bien la loi qui prescrit cette mécanique en cas de premier manquement, ainsi que le reversement des sommes dues en cas de remobilisation, dans la limite de trois mois. Les débats parlementaires, sur ce point, ont été nourris.
Le décret étend cette mécanique à tous les demandeurs d’emploi, qu’ils soient ou non bénéficiaires du RSA. Cette extension n’est pas prévue en tant que telle par la loi, mais elle est fidèle à son esprit : celui d’une équité entre tous les demandeurs d’emploi, ce qui implique d’harmoniser les barèmes.
Le décret fixe aussi les bornes dans lesquelles peut s’exercer cette possibilité, de 30 % à 100 %. Vous conviendrez que l’on peut difficilement aller au-delà de ce dernier taux…
De manière générale, nous avons travaillé étroitement sur ce barème avec les acteurs et opérateurs qui seront chargés de sa mise en œuvre, à savoir les départements, France Travail et les missions locales. Nous avons souhaité laisser de vraies marges de manœuvre aux acteurs pour adapter les décisions de sanction aux situations, qui sont diverses.
Par ailleurs, le conseiller qui aura décidé d’une suspension aura évidemment son mot à dire quant aux conditions qui permettent de reprendre le versement : ce peut être, par exemple, la présence à un rendez-vous ou la participation à une action précise d’insertion.
En réalité, le décret peut être perçu comme un assouplissement sur certains points et comme un durcissement sur d’autres. Mais, encore une fois, il ne fait que reprendre, sur de nombreux points, ce qu’a prescrit le législateur de manière assez précise.
Surtout, en prévoyant un barème harmonisé, en privilégiant toujours la remobilisation à la radiation, en laissant des marges de décision aux acteurs de terrain, nous pouvons dire qu’il est fidèle à l’esprit de la loi pour le plein emploi.
M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour la réplique.
Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, je connais bien la pathologie qui contamine les ministères, consistant à modifier la substance du remède. J’en appelle donc à votre vigilance.
coupe budgétaire sur le dispositif national d’accompagnement des projets et initiatives des coopératives d’utilisation en commun de matériel agricole
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, auteur de la question n° 517, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Éric Kerrouche. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Elle concerne la coupe budgétaire intervenue sur le dispositif national d’accompagnement des projets et initiatives (DiNA) des coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma).
Je rappelle, madame la ministre, que ce dispositif permet, au-delà du rôle premier des coopératives, qui est de partager les machines, le développement des projets collectifs des Cuma, au service de l’emploi rural, du renouvellement des générations en agriculture, de la réduction des produits phytosanitaires, ainsi que de l’adaptation au changement climatique et de la souveraineté alimentaire et énergétique.
Ayant fait l’objet d’un rapport, d’une concertation entre le réseau des Cuma et la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) en 2022-2023 et d’une nouvelle mouture en 2024, ce dispositif est articulé avec les enjeux de politique publique et permet de démultiplier l’impact des projets, via les collectifs d’agriculteurs.
Cette aide à l’accompagnement stratégique est unique en son genre dans l’agriculture. Elle est mobilisée par plus de 600 Cuma chaque année à l’échelle nationale et implique plus de 14 000 agricultrices et agriculteurs.
Comme vous le savez, madame la ministre, la mise à mal du déploiement du dispositif, pourtant récemment refondu avec votre administration, suscite l’inquiétude et l’incompréhension de l’ensemble du réseau Cuma.
Au vu de l’efficience du DiNA et compte tenu du montant de l’enveloppe, qui reste modeste au regard d’autres dispositifs de soutien alors que l’accompagnement des agricultrices et des agriculteurs est un sujet central, quelle ambition portez-vous pour ce dispositif, seule ligne budgétaire consacrée spécifiquement aux Cuma ?
M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Éric Kerrouche, votre question atteste du fait que nous partageons la même préoccupation : celle de maintenir une capacité d’accompagnement des projets des Cuma.
Néanmoins, vous n’êtes pas sans connaître le contexte budgétaire de notre pays. Mon budget, comme celui de mes collègues, doit connaître une réduction sensible – mais, soyez-en assuré, maîtrisée par mes soins.
Malgré cette situation, nous poursuivons nos efforts et déployons des moyens importants pour soutenir l’agriculture en France. Ainsi, pour vous répondre en transparence, mon ministère prévoit évidemment de maintenir le dispositif DiNA-Cuma en 2025, mais avec des moyens nécessairement moindres. Pour rappel, mis en place en 2016 à la suite des aides à l’investissement matériel sous forme de prêts à moyen terme spéciaux, le DiNA-Cuma a permis d’accompagner environ 30 % des Cuma – parmi ceux qui ont réalisé un conseil stratégique, un quart en ont réalisé au moins deux et 6 % en ont réalisé au moins trois.
Certes, nous envisageons une réduction d’un tiers, par rapport au réalisé 2024, de l’enveloppe déléguée aux directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf), qui passerait de 1,2 million d’euros à 800 000 euros, soit une réduction très proche de celle qui a été votée pour le programme 149.
Malgré cette diminution des crédits alloués au DiNA-Cuma, le dispositif peut continuer d’accompagner les Cuma en priorisant les dossiers déposés, notamment pour accompagner les coopératives n’ayant jamais été financées par un conseil stratégique. À ce titre, une grille de priorisation a été rédigée lors de la révision de l’instruction technique en 2023, en étroite collaboration avec la Fédération nationale des Cuma.
Une solution consisterait à diminuer le taux d’aide publique de ce dispositif à 80 % ou 70 %, sachant qu’il est aujourd’hui de 90 %, ce qui permettrait de continuer d’accompagner un nombre important de Cuma sans critère de priorisation.
Quoi qu’il en soit, nous travaillons en étroite collaboration avec la Fédération, afin d’atterrir au mieux avec elle.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour la réplique.
M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, vous connaissez la place des Cuma dans les réseaux agricoles et l’importance particulière de ces initiatives, notamment dans les départements ruraux.
J’entends les difficultés financières, mais elles ne sauraient remettre en cause la dynamique des Cuma. Je vous remercie d’y faire attention.
alerte sur les coupes budgétaires de la filière de l’agriculture biologique
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la question n° 577, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Rémi Cardon. Madame la ministre, votre prédécesseur se vantait, lors d’une audition, que l’objectif était de tendre vers 18 % de bio d’ici à 2027, que l’on allait allouer 5 millions d’euros à l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique (Agence Bio) pour mener des campagnes de communication et que le fonds Avenir Bio serait doté de 10 millions d’euros.
Force est de constater que, depuis cette audition de M. Fesneau, vous avez décidé de quasiment tout raboter !
Vous privez la filière bio de quelque 15 millions d’euros, en dépit des efforts de nos agriculteurs depuis quarante ans pour essayer de faire perdurer ce label.
Vous avez décidé de faire de la filière bio un bouc émissaire. Pourquoi pas, mais encore faut-il le justifier !
Je rappelle que la filière bio emploie 30 % de salariés de plus que l’agriculture conventionnelle et représente plus de 60 000 fermes. Pourtant, vous lui retirez 15 millions d’euros pour attribuer 30 millions à la filière de la noisette, qui ne compte que 365 exploitants. Je dois dire que la cohérence m’échappe…
Au reste, je ne vous cacherai pas que des projets, comme la fABrique à sucre, dans ma région, risquent de ne jamais voir le jour à cause de telles mesures.
Il convient d’y regarder de près tout en prenant un peu de hauteur.
À cet égard, l’Agence Bio dénonce une baisse de 39 % à 24 % en dix ans des aides de la politique agricole commune (PAC) à la filière. Cette évolution est très inquiétante.
Allez-vous, madame la ministre, revoir vos objectifs ? Allez-vous réviser votre stratégie ? Au-delà des coups de rabot, vous interrogez-vous ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, deux contre-vérités ne font pas une vérité.
Vous dites que nous allons supprimer tous les budgets du bio. Savez-vous que les montants fléchés sur le bio en 2025 représentent, au total, 700 millions d’euros ?
Vous dites que nous avons supprimé une aide exceptionnelle, mais il s’agissait d’une aide fléchée, pour deux ans, sur la planification écologique, avec des crédits dont mon ministère ne dispose plus.
Au demeurant, où avez-vous vu que nous donnions 30 millions d’euros à la filière noisette ?
Il faut être sérieux quand on énonce des chiffres, monsieur le sénateur !
La filière bio est une grande filière et il est hors de question pour moi d’y porter le moindre coup, le moindre préjudice. Du reste, c’est parce que la filière est importante que le crédit d’impôt est maintenu et revalorisé, à hauteur de 142 millions d’euros par an.
L’Agence Bio bénéficiera bien, en 2025, des 5 millions d’euros que vous avez évoqués pour déployer sa communication.
Je viens d’annoncer 10 millions pour les plans alimentaires territoriaux. Savez-vous que la part de 20 % d’alimentation biologique de ces plans représente 120 millions d’euros ?
En outre, les jeunes agriculteurs (JA) qui font du bio bénéficieront comme les autres des aides aux JA revalorisées sur le reliquat du plan stratégique national (PSN). La part européenne de leur revenu sera revalorisée de 25 %.
Nous avons obtenu que le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) puisse soutenir les mises aux normes des jeunes agriculteurs – dont ceux qui font du bio.
Il faut donc cesser de raconter des contre-vérités, monsieur le sénateur ! Non seulement je soutiens la filière bio, mais je compte continuer de la soutenir ardemment.
Certes, la diminution des budgets emporte des conséquences budgétaires, mais comment faire autrement ?
Je viens de répondre à une question sur les Cuma…
M. le président. Il va falloir conclure, madame la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Des fonds ont diminué dans de nombreux domaines. Je n’ai plus les fonds de la transition écologique. C’est une réalité !
suppressions de postes dans l’enseignement agricole public
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, auteur de la question n° 590, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, la loi d’orientation agricole (LOA) votée en début d’année visait à favoriser la transmission des exploitations agricoles. Dans le cadre de ce texte, le Parlement a voté l’objectif d’accueillir et de former 30 % d’actifs supplémentaires d’ici à cinq ans et d’accompagner ainsi la montée en compétence des professionnels des métiers du secteur agricole, un objectif essentiel pour répondre au renouvellement des générations, que le Gouvernement a soutenu.
Pour être atteignable, cet objectif requiert des moyens en personnel et un renforcement des formations dans l’enseignement agricole public. Cependant, en contradiction totale avec cet enjeu majeur, vous prévoyez la baisse de la dotation horaire globale, ce qui va entraîner la réduction de quarante-cinq postes d’enseignants équivalents temps plein (ETP), dont vingt-cinq rien que pour les établissements publics pour la rentrée 2025.
Ces mesures, prises sans concertation, menacent directement la bonne tenue des formations dans de nombreuses régions, notamment en Bretagne, et ont des conséquences concrètes et immédiates pour les élèves et leurs enseignements : fermetures ou fusions de classes, réduction de l’offre pédagogique, voire disparition de certains enseignements.
Alors que l’État devrait au contraire soutenir la formation publique pour former la bifurcation écologique du secteur, cette baisse de moyens est catastrophique – je pèse mes mots – pour l’enseignement agricole public. Elle altère sa capacité à assurer une formation de qualité pour les apprenants et compromet un projet pédagogique ambitieux en faveur de l’agroécologie.
Ma question est simple, madame la ministre. Comment comptez-vous assurer l’objectif de 30 % d’apprenants supplémentaires en coupant drastiquement les financements nécessaires ? Alors que l’on estime que deux tiers des établissements publics locaux sont en difficulté, vous engagez-vous à rectifier la trajectoire dans le cadre d’un prochain texte budgétaire ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, la préparation de la rentrée scolaire 2025 s’organise dans un contexte où mon ministère, à l’instar de ceux de mes collègues, a dû contribuer à l’effort de la Nation pour la maîtrise des dépenses publiques.
Comme vous l’indiquez, cet effort se traduit par une diminution, au niveau national, de quarante-cinq équivalents temps plein, répartis entre le public et le privé, soit un demi-poste par département.
Mon ministère s’efforce de répartir les moyens de la dotation globale horaire sur des bases renouvelées, plus équitables entre les territoires, grâce à deux critères objectifs : l’évolution des effectifs dans chaque région au cours des dernières années et le taux d’encadrement, c’est-à-dire le nombre d’heures par élève dans chacune des régions.
Je vous rejoins : cette diminution de quarante-cinq ETP en 2025 n’est pas une bonne nouvelle. Cela n’empêche cependant pas de porter un objectif ambitieux pour l’avenir.
Cette année 2025 est celle de la mise en œuvre de la LOA. Pour former 30 % d’apprenants supplémentaires à l’horizon de 2030, nous allons développer plusieurs outils : un plan national de découverte des métiers agricoles, pour que chaque élève puisse bénéficier d’une sensibilisation dès l’école primaire et effectuer des stages en milieu agricole au collège et au lycée ; le volontariat agricole, dans le cadre du service civique, afin d’attirer de nouveaux profils vers nos formations et nos métiers ; un « bachelor agro », de niveau bac+3 ; les contrats territoriaux, pour mobiliser l’ensemble des acteurs dans chaque région, en vue d’objectiver les besoins en formation à l’horizon de 2030 et ouvrir de nouvelles classes ou renforcer celles à petits effectifs.
Sachez enfin que je me bats pleinement au sein du Gouvernement pour que l’enseignement agricole puisse être doté des effectifs adaptés aux besoins en 2026.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, se donner des objectifs et ne rien faire pour les atteindre devient une marque de fabrique de ce gouvernement.
Comment peut-on écrire dans la loi qu’il faut 30 % d’apprenants supplémentaires et ne pas s’en donner les moyens ? Nous sommes en train de fermer des filières en agroécologie, alors même que de nombreux jeunes sont en attente dans ce domaine !
difficultés des aviculteurs face à la salmonelle
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 545, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Frédérique Puissat. Madame la ministre, je souhaite vous interpeller sur les fortes contraintes pesant sur les aviculteurs confrontés à un épisode de salmonelle et sur les importantes difficultés qui en découlent.
Je vous sais au fait de ce dossier et sensible à ces situations, mais je me permets de vous rappeler que, dès lors qu’une analyse sur l’exploitation se révèle positive à la salmonelle, l’ensemble du cheptel doit être abattu, ce qui est source d’une grande détresse pour les aviculteurs. Les conséquences financières sont lourdes en raison de règles d’indemnisation insuffisantes, auxquelles s’ajoutent un préjudice moral important et une perte d’exploitation considérable, qui peut mettre en péril leur activité.
Dans l’ensemble, les aviculteurs ne sont pas sereins dans l’exercice de leur métier, en particulier à cause de règles en matière d’abattage qui pourraient être aménagées.
En effet, lorsqu’un lot est déclaré contaminé, celui-ci peut partir à l’abattoir avant même qu’un second prélèvement confirmant la présence de salmonelle ne soit effectué, en vertu d’un arrêté d’août 2018 qui a supprimé les tests de confirmation systématiques.
Ce procédé est parfois tragique et surtout contre-productif lorsqu’un second prélèvement ne confirme pas la présence de salmonelle.
En outre, les aviculteurs font face à des difficultés liées à leur indemnisation. L’offre assurantielle est rare en la matière et parfois hors de la portée de certains aviculteurs. Quant à l’indemnisation par les pouvoirs publics des aviculteurs adhérents à la charte sanitaire, elle n’est pas toujours suffisante pour assurer la continuité de leur activité.
Madame la ministre, j’ai bien lu la réponse que vous avez adressée le 26 mars 2025 à mon collègue Christian Klinger. Où en est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur l’optimisation des méthodes actuelles de prélèvement ? Quand aurons-nous connaissance de ces travaux, qui rendront, je l’espère, un peu d’espoir à cette filière, l’une des rares où la France est en situation de souveraineté alimentaire ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Frédérique Puissat, vous avez raison, la salmonellose, comme toute autre maladie animale, fait peser sur les éleveurs, en l’occurrence les aviculteurs, de fortes contraintes, avec pour conséquence un préjudice à la fois moral et économique.
Dans la situation que vous évoquez, on distingue deux vecteurs majeurs de ces contraintes : le dépistage de la maladie et l’abattage.
Tout d’abord, des difficultés liées au test de confirmation de la maladie sont en effet observées, notamment sur les méthodes de prélèvement.
Une volaille est un porteur sain de la bactérie, qui est excrétée de façon intermittente dans l’environnement par les fientes. Cette intermittence de l’excrétion rend difficile la détection des salmonelles.
C’est pour cette raison scientifique que la réglementation a supprimé les prélèvements de confirmation : un prélèvement positif suffit désormais à démontrer la présence de salmonelle.
Concernant les modalités de dépistage des salmonelles dans les élevages de poules pondeuses, une étude de l’Anses est en cours afin d’optimiser les méthodes de prélèvement. La restitution des travaux aura lieu au début de l’automne 2025.
Une fois les conclusions de ce rapport connues, les modalités de prélèvement pourront évoluer, afin que les aviculteurs français exercent leur activité de manière plus sereine et que l’État puisse garantir aux consommateurs la sécurité sanitaire qui leur est due.
Vient, ensuite, la question de l’abattage. Vous le savez, la lutte contre les maladies animales réglementées, en particulier les salmonelloses, impose, dans certains cas, l’abattage des animaux sur décision de l’administration.
L’abattage de ces animaux, au-delà du crève-cœur que vous évoquez, constitue une réelle perte pour leurs propriétaires. L’État prévoit donc qu’ils bénéficient d’une indemnisation. En 2024, le montant des indemnisations allouées aux éleveurs dans le cadre des abattages en raison de la présence de salmonelle s’élevait à près de 8 millions d’euros.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.
Mme Frédérique Puissat. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir diligenté cette enquête. Ses résultats sont attendus avec impatience, en particulier par les professionnels qui sont en demande de solution.
Vous l’avez dit, l’abattage est obligatoire. Pourtant, ce sont souvent les aviculteurs eux-mêmes qui doivent s’en charger, faute d’équarrissage.
polices municipales
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, auteur de la question n° 580, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, selon un récent sondage, 48 % des maires considèrent que la sécurité est un enjeu important et 56 % d’entre eux expriment un sentiment d’abandon par l’État sur ce sujet.
C’est pour ces raisons, et parce qu’ils sont en première ligne, confrontés à la montée de la délinquance au quotidien, que nombre de maires font le choix d’investir dans le domaine de la sécurité – policiers municipaux, équipements et, de plus en plus fréquemment, caméras de vidéoprotection et centres de supervision urbaine.
Or, du fait des limites juridiques des capacités d’intervention des polices municipales, les maires, élus locaux et policiers municipaux eux-mêmes constatent, avec regret, un manque d’efficacité sur le terrain et une déperdition des moyens affectés – au risque d’alimenter une forme de déception chez les citoyens.
Les lois qui encadrent la police municipale datent d’un quart de siècle. La France a beaucoup changé. À l’évidence, il y a urgence à remettre à plat ces lois afin de mieux adapter les missions des policiers municipaux à la réalité du terrain et de la délinquance.
Aussi, monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant l’accès à certaines données et la revendication du statut d’officier de police judiciaire (OPJ) – qui soulève assurément des enjeux juridiques complexes – émanant de nombreux maires ?
C’est à un véritable dépassement que les maires vous invitent : il s’agit d’augmenter leurs prérogatives sans entraîner un dessaisissement de leur autorité au profit du procureur de la République. Le Gouvernement prépare-t-il un projet de loi sur les polices municipales ? Quel en serait le calendrier ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Henno, je vous le confirme : le Gouvernement a préparé un texte, dont j’ai d’ailleurs relu la première version la semaine dernière. Nous avons procédé à quelques arbitrages et j’espère qu’il sera présenté en conseil des ministres au mois de juillet pour être débattu au Parlement à l’automne prochain.
Vous savez combien le Gouvernement est convaincu, comme vous, de l’importance du rôle des polices municipales en vertu du principe de continuum de sécurité. Les polices municipales représentent la deuxième force de sécurité intérieure, après la police nationale et les gendarmes.
Les concertations du Beauvau des polices municipales, qui avait été lancé en avril 2024, ont repris au mois de janvier, après une période de vicissitudes politiques. Nous avançons désormais clairement dans ce sens.
Il ressort de ces discussions un large consensus sur la nécessité de renforcer les moyens d’action de nos policiers municipaux, tout en préservant leur rôle de police de proximité, absolument essentiel, qui doit rester à la main du maire.
À ce titre, plutôt que d’envisager un statut d’officier de police judiciaire, le Gouvernement est partisan d’un élargissement des compétences judiciaires. Cette solution me paraît répondre davantage à la demande des maires de disposer de plus de prérogatives, sans entrer en concurrence avec les forces de sécurité intérieure. Nous éviterions ainsi de nous heurter à la question permanente du rôle du procureur de la République et de sa potentielle mainmise sur nos polices municipales.
Nous envisageons donc plutôt ce dispositif juridique, en vertu des dispositions de l’article 15 du code de procédure pénale, ce qui devrait être bien plus simple.
Si les compétences judiciaires des policiers municipaux sont élargies, la consultation de fichiers plus importants est également prévue. Je pense en particulier au système d’immatriculation des véhicules, au système national des permis de conduire, au système d’information des fourrières, au fichier national unique des cycles identifiés, ainsi qu’au fichier des objets et véhicules signalés, dans certaines limites, auxquels les policiers municipaux ont actuellement un accès restreint et qu’il leur sera désormais possible de consulter intégralement.
Nous voulons permettre rapidement ces avancées.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Elle ne m’a pas vraiment surpris, plusieurs articles de presse ayant laissé entendre récemment qu’un texte était en préparation. Je me satisfais cependant de vous entendre confirmer ces informations.
Ce projet de loi est incontestablement attendu. Beaucoup de communes consacrent des moyens très importants à la police municipale. Le cadre juridique doit donc être sinon changé, du moins adapté.
moyens dédiés à la sécurité publique dans le pas-de-calais
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 566, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, à compter de fin juillet 2025, le centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil accueillera un peu plus de 100 détenus impliqués dans le narcotrafic en France.
Le 14 mai dernier, le chef de l’État est venu en personne annoncer cette transformation de l’établissement, un an jour pour jour après l’assassinat d’Incarville, lors duquel deux surveillants pénitentiaires ont trouvé la mort à l’extérieur de la prison, tombés dans un guet-apens.
Cette annonce, monsieur le ministre, me conduit aujourd’hui à vous interroger sur la question de l’insécurité dans nos villes, à proximité de la prison où seront concentrés les chefs de réseau les plus dangereux, mais également ceux qui ont le plus de moyens financiers et humains.
Nous le savons, les trafiquants de drogue quittent les métropoles pour les villes moyennes. Par ailleurs, mon département dispose de deux ports, outre le grand port maritime de Dunkerque. Ajoutons que les axes routiers et autoroutiers denses concentrent les trafics légaux et illégaux. L’extérieur, c’est précisément là où nos concitoyens vivent ; or ils ont le droit à la tranquillité et à la sécurité.
Quels moyens supplémentaires seront affectés à la police nationale de l’arrondissement de Lens et aux alentours ? Quelles forces seront présentes lors du transfert de détenus s’il faut, par exemple, conduire l’un d’entre eux à l’hôpital un soir de match ou pendant une manifestation importante ?
Depuis des années, les effectifs de police et de gendarmerie restent insuffisants, que ce soit en milieu urbain ou rural. Quels moyens supplémentaires comptez-vous apporter aux forces de l’ordre du Pas-de-Calais ?
Insécurité, sentiment d’insécurité ? Je ne rentrerai pas dans le débat. Ce que je sais, en revanche, pour le constater au quotidien, c’est que les élus sont de plus en plus victimes de violences physiques, verbales et morales. Une part non négligeable des démissions enregistrées depuis 2020 s’explique par des situations d’agression des maires ou d’élus. Quels moyens le Gouvernement prévoit-il pour assurer la sécurité des citoyens et de leurs élus dans mon département ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, nous sommes tous conscients des attentes de nos compatriotes en matière de sécurité des biens et des personnes. L’actualité du jour nous le rappelle durement.
Concernant la situation dans votre département, au 31 mars 2025, la direction interdépartementale de la police nationale (DIPN) du Pas-de-Calais disposait de 3 247 agents. Fin 2016, à périmètre identique, cet effectif s’élevait à 2 923 agents. On constate donc une progression importante.
Il en va de même pour la zone de compétence de la gendarmerie. Les effectifs du groupement de gendarmerie départementale du Pas-de-Calais ont augmenté de trente-trois équivalents temps plein entre 2015 et 2024. Dans le cadre du plan 239 brigades, la création de cinq unités a été retenue pour le département entre 2024 et 2027. Ces unités densifient le maillage territorial de la gendarmerie et contribuent à renforcer la tranquillité publique.
Conformément aux objectifs de la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), le nombre de réservistes opérationnels a doublé ces dernières années pour atteindre 780 en 2024.
Cette mobilisation déterminée des gendarmes d’active et de réserve a permis d’augmenter la présence de voie publique de 30 % entre 2023 et 2024 sur le département. Ces policiers et ces gendarmes sont sur le terrain chaque jour.
Enfin, madame la sénatrice, vous évoquez les atteintes aux élus. C’est un sujet d’extrême importance. Il est vrai que le Pas-de-Calais figure, avec le Nord et la région parisienne, parmi les territoires les plus touchés.
Là encore, nos forces se mobilisent. Outre la conduite des investigations et des procédures judiciaires, la gendarmerie propose des actions de formation. En lien avec la cellule négociation du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), ce sont ainsi 27 000 élus qui ont été formés à la gestion des incivilités et des conflits depuis 2021.
Je ne reviens pas sur la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, qui avait été adoptée à l’unanimité dans cet hémicycle.
À l’approche des élections municipales de 2026 et au vu de l’évolution des faits de violences et d’agressions envers les élus, le Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calae) et les forces de sécurité intérieure développent également un « pack nouvel élu ». Distribué à l’ensemble des nouveaux élus, il servira de boîte à outils pour permettre une réaction rapide en cas de difficultés.
financement européen de l’islam radical
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 153, transmise à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je suis désolée si je donne le sentiment de harceler le Gouvernement sur la question des financements européens bénéficiant à l’islam radical et aux Frères musulmans.
M. François-Noël Buffet, ministre. Je ne me sens aucunement harcelé ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. J’ai adressé au Gouvernement nombre de questions écrites, transformées, pour certaines, en questions orales, et ai interrogé vos collègues à plusieurs reprises, notamment il y a quelques semaines, dans le cadre des questions d’actualité.
Les financements européens de l’islam radical et des Frères musulmans me préoccupent, comme nombre de mes collègues. La subvention, à hauteur de 10 millions d’euros, d’un Coran européen est la dernière frasque en date, parmi les centaines de milliers d’euros distribués à des associations en lien avec l’islam radical et les Frères musulmans…
La Cour des comptes européenne a rendu un rapport alarmiste sur le total de 7,4 milliards d’euros de subventions allouées à des organisations, sans qu’il soit possible de tracer ces financements, alors qu’une partie de cet argent appartient au contribuable européen.
Monsieur le ministre, quelles mesures ont été prises depuis que nous avons tiré la sonnette d’alarme sur ces financements et ces dysfonctionnements ? Quelles dispositions nouvelles entendez-vous prendre pour les endiguer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, la position du ministère de l’intérieur est très claire : la Commission européenne doit faire preuve d’une attention accrue et la décentralisation de la gestion de fonds européens à des États tiers implique de redoubler de vigilance quant à leurs modalités d’attribution et d’exécution.
Conformément au nouveau motif d’exclusion qui figure dans le règlement financier de l’Union européenne, la Commission européenne a suspendu la procédure d’attribution de contrats pour la convention de subvention relative à l’université islamique des sciences et technologies de Gaziantep. Cette décision inédite témoigne du travail d’influence mené par les autorités françaises depuis plus de deux ans.
En effet, la France a été motrice tout au long des négociations sur le nouveau règlement financier. Désormais, il est prévu, à son article 6, que « lors de l’exécution du budget, les États membres et la Commission veillent au respect de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne […] et respectent les valeurs de l’Union consacrées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne ».
À l’avenir, les institutions de l’Union européenne devront se montrer plus vigilantes qu’elles ne le sont aujourd’hui. Cela implique notamment de renforcer la procédure de filtrage des projets et d’éviter ainsi tout financement, direct ou indirect, de mouvements politiques ou religieux hostiles aux valeurs européennes.
Nous avons enjoint à la Commission européenne d’exercer un réel contrôle sur l’utilisation par un pays tiers des enveloppes budgétaires décentralisées. Il nous apparaît ainsi indispensable d’établir un meilleur contrôle a priori des lauréats de projets financés.
La Commission européenne s’est ainsi récemment dotée d’outils pour guider les services instructeurs dans l’attribution de subventions aux porteurs de projets. Un modèle annoté de convention d’attribution de subvention, par exemple, a été publié en mai 2024.
Par ailleurs, sur la suggestion des autorités françaises, la Commission a engagé une réflexion et une étude de faisabilité afin de prévoir des mécanismes d’échange d’informations avec les États membres. Il doit être possible à ces derniers de signaler directement à la Commission des organismes défavorablement connus.
Ces sujets sont régulièrement évoqués avec le Commissaire européen aux affaires intérieures et à la migration, Magnus Brunner, qui est très convaincu de leur importance. La France défend plusieurs initiatives en ce sens.
Je ne peux vous en dire davantage dans le temps qui m’est imparti. Sachez cependant, madame la sénatrice, que la mobilisation du Gouvernement sur le sujet est totale.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Ces annonces sont une très bonne nouvelle. Il nous reste quelques mois avant l’examen du budget. Dans cette perspective, nous avons besoin de renseignements concrets.
Le signalement de personnes indésirables, en particulier, est une excellente initiative. Cependant, cette situation ne concerne pas uniquement les pays tiers. Certaines de ces associations sont installées en Belgique. C’est notamment le cas du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), depuis son interdiction dans notre pays.
L’Union européenne doit donc assurer un suivi des financements accordés à des organisations des pays européens. L’université islamique de Skopje, par exemple, a bénéficié d’un programme Erasmus. Nous sommes en très bonne voie pour limiter le financement de ces dispositifs.
Je resterai très vigilante jusqu’à l’examen du budget : s’il faut suspendre une partie des contributions françaises, nous essaierons d’obtenir satisfaction.
trafic de drogue à paris
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, auteure de la question n° 157, transmise à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre, la loi sur le narcotrafic offre enfin un cadre législatif robuste pour durcir les peines et renforcer les moyens des forces de l’ordre. Désormais, ce texte doit être décliné concrètement sur le terrain.
Nos concitoyens, notamment les plus précaires, en ont ras le bol que les narcotrafiquants leur pourrissent la vie. À ce titre, le maire du XVe arrondissement de Paris et moi-même attirons votre attention sur la situation de plusieurs secteurs de notre quartier, notamment aux alentours de Falguière et de Beaugrenelle.
Règlements de compte, rixes, trafic dans les halls d’immeubles, mineurs impliqués : le narcotrafic gangrène et empoisonne nos quartiers.
Pour lutter contre ce phénomène, il faut réduire la circulation de drogue. Cela revient à démultiplier les saisies. Je salue le travail des forces de l’ordre, qui ont saisi 200 grammes de cannabis rue Balard, il y a à peine un mois.
Malgré ces efforts, je constate que l’État n’est pas aidé à Paris : la Ville ne remplit pas sa part du contrat et n’a pas suffisamment secondé la police nationale dans les opérations de proximité contre les narcotrafiquants. Ce laxisme est une invitation à recommencer adressée aux narcotrafiquants. C’est inadmissible !
Quelles mesures concrètes seront déployées pour intensifier la lutte contre le narcotrafic ? Quels seront les effectifs déployés à Paris et dans le XVe arrondissement ? Quelles actions sont prévues pour assécher le modèle économique des narcotrafiquants ?
Les habitants de nos quartiers n’en peuvent plus et attendent du changement !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Agnès Evren, la lutte contre les stupéfiants et la criminalité organisée est une priorité du Gouvernement.
La proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, qui tire ses origines de cette assemblée, est actuellement examinée par le Conseil constitutionnel, mais elle devrait être prochainement promulguée, apportant ainsi des moyens supplémentaires à nos services de police.
Chaque semaine, des opérations de police d’ampleur sont menées à Paris, sous l’autorité du préfet de police, dans le cadre du plan d’action d’agglomération de restauration de la sécurité du quotidien. L’objectif est double : démanteler les réseaux et réaffirmer la présence constante de l’État dans les quartiers. Ces opérations sont prolongées par une occupation visible de l’espace public et des contrôles administratifs ciblés.
La lutte contre les trafics en ligne s’intensifie également, avec la création, au sein de la préfecture de police, de quatre groupes d’enquêteurs affectés spécifiquement à la lutte contre les cyber-stupéfiants, afin d’identifier et de démanteler les filières numériques.
Je veux également insister sur l’importance du travail partenarial de proximité au sein de l’agglomération parisienne. En 2024, plus de 1 800 réunions ont été tenues, permettant de résoudre 20 % des situations signalées, notamment en matière de trafic de stupéfiants.
Les résultats sont là : entre 2021 et 2024, les affaires traitées par la préfecture de police ont augmenté de 43 % et celles qui sont liées aux trafics, de 22 %.
Dans le secteur Modigliani-Balard, un point de revente demeure autour de la fontaine des Polypores. Plusieurs individus impliqués font l’objet d’un suivi renforcé, avec des procédures judiciaires en cours. Depuis janvier dernier, les faits élucidés ont bondi de 150 %, illustrant l’engagement soutenu des services.
Par ailleurs, le point de deal du quartier des Périchaux, qui a fait l’objet d’opérations « place nette », s’est déplacé vers les allées de la cité, jusqu’à la porte Brancion. Depuis janvier 2024, cinq affaires majeures ont été résolues par les services – trois trafics de stupéfiants, une rixe entre bandes et une affaire d’enlèvement avec séquestration. D’autres investigations sont en cours.
Le ministère, au travers de la préfecture de police, et avec les moyens dont il dispose, ne manque pas d’agir au quotidien, notamment à Paris, pour relever les défis auxquels sont confrontés nos territoires. Nous partageons fermement l’objectif de lutte contre le narcotrafic.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour la réplique.
Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse très éclairante. Je sais votre engagement et celui de Bruno Retailleau dans la lutte contre le narcotrafic qui gangrène nos quartiers. Les premiers résultats sont déjà là.
Cependant, la consommation de drogue alimente le narcotrafic. Nous avons récemment appris la décision de la maire de Paris de prolonger l’expérimentation des salles de shoot, qui devait arriver à son terme à la fin de l’année. Ces pratiques représentent un risque de nuisance pour les riverains. J’y vois, en outre, un mauvais signal envoyé à notre société, en particulier à nos jeunes.
difficultés d’accès à l’examen du permis de conduire
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Delia, auteur de la question n° 543, transmise à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Jean-Marc Delia. Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur les difficultés d’accès à l’examen du permis de conduire.
Depuis l’entrée en vigueur de la réforme permettant de passer le permis de conduire à l’âge de 17 ans, les auto-écoles constatent une forte augmentation du nombre de candidats et un allongement préoccupant des délais d’attente pour obtenir une date d’examen. Pour les candidats ayant échoué une première fois, on parle de six à douze mois d’attente.
En 2024, le nombre de présentations à l’examen a fortement augmenté par rapport aux années précédentes, principalement en raison de l’arrivée de cette nouvelle tranche d’âge, la réforme n’ayant pas été accompagnée.
Beaucoup de jeunes sont freinés dans leurs différents projets, qu’ils soient étudiants, professionnels ou personnels, surtout dans des zones où les transports en commun restent limités.
Les élèves sont découragés : ils sont dans l’obligation d’accumuler des heures de conduite supplémentaires pour ne pas perdre le bénéfice de leur formation, le temps de retrouver une date d’examen. Cette situation alourdit considérablement le coût du permis de conduire.
Des enseignants de la conduite ainsi que des responsables d’auto-écoles de mon département des Alpes-Maritimes confirment que le système de réservation des places pour participer à l’examen, conjugué au manque d’inspecteurs, rend l’accès aux dates d’examen très difficile, aussi bien pour le premier passage que pour les autres présentations.
Cette situation suscite l’inquiétude des professionnels du secteur, qui constatent une recrudescence de comportements agressifs de la part de personnes excédées, pour qui l’obtention du permis de conduire constitue un enjeu majeur d’insertion sociale.
Je souhaiterais donc connaître les mesures que le Gouvernement envisage pour renforcer les effectifs d’inspecteurs du permis de conduire et améliorer la plateforme de réservation « Rendez-vous Permis », afin de garantir un accès équitable et rapide à l’examen du permis de conduire sur l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Jean-Marc Delia, le département des Alpes-Maritimes se situe globalement dans la moyenne des indicateurs nationaux annualisés du mois d’avril 2025.
Le seuil des formateurs, qui s’élève à 5,3 dans ce département, est, il est vrai, légèrement inférieur au seuil national de 5,9.
Le délai médian, qui désigne le délai de passage de la deuxième épreuve pratique après un échec à la première, y est de quatre-vingts jours, contre soixante-dix-neuf au niveau national.
Enfin, le taux de réussite à l’examen est de 60,29 % dans votre département, contre 59,06 % au niveau national : on réussit mieux l’examen dans les Alpes-Maritimes, semble-t-il.
Vous avez néanmoins raison de souligner la tension conjoncturelle sur les délais. Elle résulte à la fois d’une hausse des inscriptions au permis liée, notamment, à la poussée démographique du début des années 2000 et à l’abaissement de l’âge du permis à 17 ans dès le 1er janvier 2024. Cette année 2024 a ainsi été charnière, puisqu’il a fallu recevoir deux classes d’âges entrantes – les 17 ans et les 18 ans – à l’examen du permis de conduire.
L’adéquation entre l’offre et la demande de places d’examen fait l’objet d’une attention particulière du Gouvernement. Au cours des deux années précédentes, les postes budgétaires d’inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR) ont augmenté de quinze équivalents temps plein en 2023 et de trente-huit en 2024, répartis dans les départements les plus concernés par des délais d’attente importants.
L’effectif d’IPCSR du département des Alpes-Maritimes vient ainsi d’être rééquilibré à sa cible, à savoir vingt ETP, dans la mesure où un poste vacant a été pourvu par un lauréat du premier concours d’IPCSR 2025.
Dans ce souci de renforcement des effectifs, le Gouvernement vient d’autoriser, au titre de l’année 2025, l’ouverture exceptionnelle d’une seconde session de concours externe et interne pour le recrutement d’IPCSR. Ce sont a minima 103 inspecteurs du permis de conduire et à la sécurité routière qui seront recrutés en 2025.
Enfin, monsieur le sénateur, certains IPCSR retraités volontaires peuvent continuer de réaliser des examens sous couvert d’une convention. C’est précisément le cas de l’un d’entre eux, dans le département des Alpes-Maritimes.
Telle est la stratégie mise en place pour répondre à la demande croissante et limiter au maximum les délais.
problèmes assurantiels des services départementaux d’incendie et de secours
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 591, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur une difficulté majeure qui touche l’ensemble des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), en particulier dans mon département du Vaucluse.
Dans un contexte budgétaire déjà très tendu, les Sdis doivent faire face à une envolée spectaculaire des coûts d’assurance : certaines compagnies se retirent du marché, les primes explosent – parfois de plus de 80 % pour des garanties identiques – et les franchises augmentent sensiblement.
Dans mon département, en 2022, les primes ont augmenté de 62 % pour le risque statutaire, de 61 % pour les dommages aux biens et de 37 % pour la responsabilité civile. Pour 2025, une nouvelle hausse de 10 % est annoncée pour les dommages aux biens, malgré une franchise – déjà élevée – de 5 000 euros. Pire encore : leur contrat de cybersécurité ne sera tout simplement pas renouvelé.
Cette situation n’est pas sans rappeler celle que vivent de très nombreuses communes de France, sujet dont s’est emparé le Sénat, comme chacun le sait. Elles sont confrontées à des difficultés croissantes pour s’assurer correctement et à des conditions raisonnables. Le marché assurantiel des collectivités locales est en crise et les Sdis ne sont pas épargnés.
Ces derniers, confrontés à l’absence d’offres compétitives, sont désormais contraints à des négociations de gré à gré, souvent dans des conditions inacceptables. Cela menace directement leur capacité à couvrir efficacement les risques auxquels ils sont exposés, au détriment de la sécurité de nos concitoyens.
Le Gouvernement entend-il repenser, au niveau national, le modèle assurantiel des Sdis ? Cette réflexion pourrait-elle intégrer une redéfinition du rôle et des responsabilités des assureurs dans la protection civile ?
Il y a urgence à apporter une réponse structurelle et pérenne à cette crise, qui fragilise des acteurs essentiels de la sécurité civile.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Blanc, la sinistralité croissante liée, notamment, à la recrudescence des aléas climatiques et l’apparition de risques nouveaux ont incité certains assureurs à quitter le marché de l’assurance des collectivités, dans un contexte d’offre assurantielle réduite et marquée par des équilibres techniques difficiles à trouver pour les acteurs présents.
Nous ne pouvons en rester là, car la situation n’est pas satisfaisante. Le Gouvernement a engagé une importante concertation sur l’assurabilité des collectivités locales et des établissements publics.
La mise en œuvre d’une politique ambitieuse de prévention et de protection contre les risques est donc une première étape pour réduire le coût de l’assurance. On constate notamment une corrélation forte entre l’existence d’un plan de prévention du risque inondation sur un territoire et la fréquence des sinistres, de la même manière que la mise en place d’un plan de prévention des inondations se traduit, en moyenne, par une réduction de 28 % du coût des sinistres.
À ce titre, il existe des dispositifs permettant d’accompagner les collectivités dans leurs efforts de protection contre les risques. L’État a ainsi porté à 300 millions d’euros, dans la loi de finances pour 2025, le budget alloué au fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, qui peut être mobilisé par les collectivités pour financer des dépenses d’investissement. C’est notamment le cas à Mandelieu-la-Napoule, et plus largement dans le Var, récemment confronté à des inondations.
Dans le but d’éviter une augmentation excessive du montant des primes en cours d’exécution du contrat, les collectivités peuvent aussi prévoir une clause permettant de réduire les risques à garantir en cas de hausse anormale de la sinistralité. Elles peuvent également prévoir une clause de sauvegarde permettant de résilier le contrat sans indemnité si l’augmentation de la prime dépasse un certain montant ou pourcentage.
Le Sénat a produit en mars 2024 un rapport d’information relatif aux problèmes assurantiels des collectivités territoriales. En avril 2024, Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès, missionnés par le Gouvernement, ont également remis un rapport sur l’assurabilité des biens des collectivités locales et de leurs groupements.
Ces rapports n’étudient pas spécifiquement la situation des Sdis. Néanmoins, leurs constats et leurs recommandations conduisent à apporter des réponses visant à améliorer le fonctionnement du marché des assurances et les relations entre assureurs et établissements publics locaux, parmi lesquels les Sdis.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre. Au-delà du diagnostic qu’ils dressent, ces rapports comprennent diverses recommandations dont le Gouvernement se saisira pour répondre au mieux à la question de fond que vous posez.
statistiques pénales en matière de contrebande de tabac
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 549, adressée à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la réponse pénale apportée à la contrefaçon et à la contrebande de tabac en bande organisée. Je suis élu du Gard, département particulièrement touché par ce trafic.
Selon une étude de KPMG datant de septembre dernier, en 2023, 16,8 milliards de cigarettes consommées en France étaient issues de la contrebande et de la contrefaçon. Au-delà du réel risque sanitaire pour les consommateurs, ces trafics illicites représenteraient un marché de 2,3 milliards d’euros par an pour des organisations criminelles, le manque à gagner fiscal étant estimé à 3,8 milliards d’euros.
Selon le dernier bilan des douanes, 26 % des réseaux de criminalité organisés démantelés en 2024 relevaient de la fraude sur le tabac et 37 % du trafic de stupéfiants.
Or, depuis 2019, aucune donnée récente n’est accessible pour ce qui concerne les poursuites judiciaires, les condamnations et l’application des peines encourues pour les délits liés à la contrefaçon et à la contrebande de tabac en France.
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir communiquer les données annuelles établies sur le fondement de ces délits douaniers depuis 2019. Combien d’affaires ont-elles été traitées, combien de condamnations définitives, de peines d’emprisonnement ferme ou avec sursis ont-elles été prononcées ? Combien de peines d’emprisonnement ferme sont-elles en attente d’exécution au 1er janvier 2025 ? En outre, quel est le total du montant des amendes infligées ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Laurent Burgoa, les filières de criminalité organisée exploitent, parmi leurs activités illégales, la contrebande de tabac. Celle-ci cause un préjudice important en matière de santé publique, de fraude fiscale et de concurrence déloyale vis-à-vis de nos fabricants et des bureaux de tabac.
De mémoire, l’activité illégale représente entre 30 % et 40 % de la vente totale de tabac. Le Gouvernement, mobilisé contre ce fléau, a considérablement renforcé les moyens de lutte. Le bilan de son action entre 2019 et 2024 en témoigne.
Le nombre de personnes mises en cause et orientées pour une infraction douanière liée au tabac a été multiplié par 2,6, passant de 893 personnes en 2019 à 2 314 en 2024. Je ne vous précise pas les chiffres annuels de cette hausse extrêmement importante.
Le nombre de condamnations prononcées pour une infraction liée à la contrebande de tabac par les juridictions pénales a augmenté sur la même période, passant de 474 à 1 099 condamnations. Les juridictions pénales et les procureurs se mobilisent.
En 2024, 298 peines d’emprisonnement ferme ont été prononcées et le quantum d’emprisonnement ferme augmente par rapport aux années précédentes, progressant à 8,7 mois.
Enfin, en 2024, 552 peines d’emprisonnement avec sursis total ont été prononcées. Là encore, ce chiffre est en augmentation. Par ailleurs, 923 peines d’amende ferme ont été prononcées en 2024, avec une moyenne de 134 927 euros.
Ces données chiffrées sont extraites du système d’information décisionnel, source statistique produite par la sous-direction des statistiques et des études du secrétariat général du ministère de la justice à partir des données enregistrées par les utilisateurs de l’application Cassiopée.
Cette source ne permet pas de disposer du total des peines d’emprisonnement ferme en attente d’exécution au 1er janvier 2025 pour le contentieux que vous évoquez. Monsieur le sénateur, voilà la réponse la plus précise que je puisse vous donner.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir éclairé notre lanterne. Nous connaissons la volonté que vous partagez avec le ministre d’État, ministre de l’intérieur pour mener une lutte acharnée contre ces trafiquants. Soyez assuré de notre entier soutien.
prolifération des faux salons de massage
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteur de la question n° 474, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, depuis trop longtemps, un phénomène aussi discret qu’inquiétant prospère au cœur de nos villes : la prolifération de faux salons de massage.
À Paris, le phénomène est préoccupant en matière tant de sécurité que de dignité humaine. Aujourd’hui, près de 430 établissements sont recensés dans la capitale, 50 d’entre eux se trouvant dans le XVIIe arrondissement, qui me tient à cœur.
Derrière une simple façade commerciale, ces établissements dissimulent trop souvent des réseaux de traite d’humains, de proxénétisme, qui induisent un climat d’insécurité et des nuisances pour les riverains.
Je tiens à rendre hommage à la mobilisation des forces de l’ordre, mais leurs interventions se heurtent systématiquement à un vide juridique. Lors de leurs opérations, elles ne peuvent bien souvent retenir à l’encontre des établissements concernés ni les faits de trafic de stupéfiants, ni même ceux de proxénétisme, faute d’éléments à charge ou de preuves suffisantes.
Ces commerces peuvent être ouverts sans condition particulière. Même lorsqu’une enquête judiciaire est en cours, leur fermeture reste temporaire.
Madame la ministre, l’objectif de la fermeture totale de ces établissements avait été fixé dans un projet de circulaire interministérielle pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Pouvez-vous indiquer quelles sont les mesures concrètement envisageables pour combler l’absence de cadre réglementaire et réguler ces activités illégales ? Quels moyens supplémentaires seront attribués aux forces de l’ordre pour atteindre cet objectif ambitieux ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice Catherine Dumas, permettez-moi de saluer votre engagement en tant qu’élue de Paris sur ce sujet absolument déterminant. Il s’agit d’exploitation sexuelle et de traite d’êtres humains, mais aussi de la tranquillité du voisinage et de problèmes de sécurité. Derrière les façades de ces établissements, il y a une réalité sinistre, glauque, celle de l’exploitation sexuelle et de la prostitution.
Notre objectif est d’agir sur tous les leviers possibles dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la prostitution, qui concerne tant les majeurs que les mineurs. Il s’agit d’entraver ces activités d’un point de vue administratif en jouant, j’y insiste, sur tous les leviers, que je ne rappellerai qu’en partie.
D’abord, nous renforçons les contrôles pour détecter et signaler toutes les situations de fraude fiscale ou financière, ainsi que toute situation de travail illégal, en lien avec les comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf), les procureurs de la République et l’inspection du travail.
L’ensemble des acteurs se coordonnent et se mobilisent pour regarder partout où ces réseaux agissent, y compris sur les réseaux sociaux. Ils peuvent s’appuyer sur les groupes interministériels de recherche, ainsi que sur un échange d’informations avec l’ensemble de nos services.
Nous prenons aussi directement des mesures à l’encontre des auteurs, c’est-à-dire des proxénètes. Nous accélérons notamment toutes les procédures de retrait ou de non-renouvellement des titres de séjour des personnes qui exploitent la misère humaine et font commerce des êtres humains.
Dans les prochaines heures, la circulaire que vous avez mentionnée sera publiée, sur mon initiative. C’est la première fois qu’une circulaire est signée par les ministres de l’intérieur, de la justice, du travail, de la santé et par celui de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Enfin, nous compléterons par un décret en Conseil d’État la stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel, afin que les commissions départementales aient également la charge des mineurs que nous devons évidemment protéger face au fléau de l’exploitation sexuelle.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse complète, qui témoigne de l’engagement du Gouvernement. Vous avez détaillé l’ensemble des mesures possibles. C’est une bonne nouvelle d’apprendre que cette circulaire sera bientôt mise en application.
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente, pour le scrutin public solennel sur la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures neuf, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
2
Impact environnemental de l’industrie textile
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le scrutin public solennel sur la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile (texte n° 431 [2023-2024], texte de la commission n° 459 [2024-2025], rapport n° 458.)
Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier immédiatement que celle-ci fonctionne correctement, en l’insérant dans votre terminal de vote. En cas de difficulté, les huissiers sont à votre disposition.
Avant de passer au scrutin public solennel, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.
Explications de vote sur l’ensemble
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur quelques travées du groupe UC.)
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le climat change et notre planète se porte mal. Comme l’indiquent nombre de scientifiques, que certains se refusent à entendre, nous sommes aux portes d’un territoire inconnu.
Confirmant les données de nombreux rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), la revue BioScience indiquait qu’en 2023, vingt des trente-cinq paramètres vitaux liés au climat avaient atteint des niveaux records.
Épisodes caniculaires, cyclones dévastateurs, orages meurtriers : l’actualité égrène ces catastrophes, mais les climatosceptiques refusent d’entendre les sonneries d’alarme. Les espérances vertes de l’après-covid ont été rangées au placard des illusions perdues. Avec une feinte sérénité, nous continuons de donner raison à Adam Smith, qui estimait que « la consommation est la seule fin et la seule raison d’être de toute production. »
M. Henri Cabanel. Eh oui !
Mme Mireille Jouve. Oui, nous consommons encore et toujours plus. Mes chers collègues, je vous regarde et devine vos interrogations. À quel moment parlerai-je du texte et du vote auquel nous allons procéder ? Mais c’est bien ce que je fais, depuis le premier mot de mon intervention !
Lors de l’examen de cette proposition de loi, nous avons appris que les Français achètent en moyenne 48 nouveaux produits chaque année et que 3,3 milliards de vêtements par an sont mis sur le marché, soit 1 milliard de plus qu’il y a dix ans, les prix ayant baissé depuis de 30 %.
Force est pourtant de constater que cette consommation de produits textiles à bas coût provoque une véritable catastrophe environnementale et sociale, pour le plus grand malheur de notre industrie textile et des enseignes traditionnelles qui assuraient le dynamisme commercial de nos centres-villes. Cet emballement est le fruit d’une grande liberté prise avec les règles environnementales, sociales et sanitaires, comme l’ont souligné plusieurs de nos collègues.
Je n’insisterai donc pas sur les conditions dans lesquelles ces productions sont obtenues – travail forcé, travail des enfants, surexploitation d’une main-d’œuvre féminine sous-payée. De même, le rapport précise que 20 % de la pollution des eaux dans le monde est imputable à la teinture et au traitement de textiles qui finissent au mieux au fond de nos placards, au pire dans des poubelles avant d’être acheminés vers des dépotoirs à ciel ouvert des pays du Sud global.
Si la tendance n’est pas inversée, l’industrie du textile pourrait représenter 26 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050.
Dès lors, même si cette proposition de loi est loin d’être parfaite, même si elle ne répond pas à l’ensemble des problèmes liés aux effets délétères de la surconsommation due à l’explosion de la fast fashion, que je préfère appeler « mode ultra-express », ce texte est bienvenu.
Il témoigne d’une prise de conscience et d’une volonté, sans pour autant tenir un discours moralisateur, d’inciter à acheter moins pour acheter mieux. Il invite à aller plus loin et sera, je l’espère, le support de belles négociations menées auprès de l’Union européenne, même si nous pouvons légitimement être inquiets des propos tenus par le Président de la République à l’occasion du sommet Choose France, selon lequel la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et plusieurs autres régulations doivent être non pas simplement repoussées d’un an, mais écartées.
Malgré ces inquiétudes persistantes, je tiens à dire ouvertement oui à la nouvelle définition de la pratique commerciale de la mode éphémère, qui retient l’expression de « mode ultra-express ».
Je me félicite de l’accueil que le Sénat a réservé aux amendements que le groupe RDSE a déposés à l’article 1er.
L’adoption de l’un de ces amendements a permis d’étendre le champ de la définition de ce secteur en prenant en compte les pratiques industrielles. Nous le savons tous, et Mme la ministre l’a rappelé en séance publique, ce modèle d’affaires vise à produire le plus possible en s’appuyant sur une consommation non pas désirée, mais programmée.
L’adoption d’un autre de nos amendements permettra de comptabiliser toutes les références présentes sur une plateforme dès lors que celle-ci constitue le principal canal de vente d’une marque. Nous pourrons ainsi éviter que les géants visés par ce texte ne basculent vers un modèle multimarques factice.
Oui à l’identification des conséquences de la mode ultra-express, à savoir « la diminution de la durée d’usage ou de la durée de vie de produits neufs […] en raison de la mise sur le marché d’un nombre élevé de références de produits neufs. »
Oui à la suppression du crédit d’impôt sur les invendus de la mode ultra-express.
Oui à la base juridique permettant un partage d’informations entre la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), pourvu que ces services reçoivent les moyens de la faire vivre.
Oui au dispositif de modulation des écocontributions versées par les producteurs soumis à la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP), qui introduit deux critères : l’impact environnemental et l’empreinte carbone. Il permet de flécher lesdites contributions vers les installations de recyclage situées en France, même si j’aurais aimé que nous allions encore plus loin en prenant en compte les autres critères de l’affichage environnemental.
Oui à l’article 3, qui interdit la publicité relative à ces produits, renforçant la position française dans les négociations à venir à l’échelle européenne.
En revanche, nous regrettons de ne pas avoir été suivis sur l’ajout d’un message à caractère environnemental en complément de l’information synthétique sur l’impact environnemental du produit, qui aurait permis d’éviter tout greenwashing.
Oui enfin à l’interdiction de la promotion des marques de la mode ultra-express – que ces prestations soient rémunérées ou gratuites –, assortie d’une sanction administrative de 100 000 euros.
Malgré des imperfections, cette proposition de loi va dans le bon sens et a été renforcée par un travail constructif du Sénat, tant en commission qu’en séance. Le groupe RDSE, dans la bienveillance que chacun lui reconnaît, votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous avons examiné représente un tournant non seulement pour la régulation du secteur textile, mais plus largement pour l’ensemble de notre rapport à la consommation, à la durabilité des produits et à la responsabilité économique face aux défis environnementaux.
Cette proposition de loi, profondément retravaillée par notre commission à la lumière des travaux brillamment menés par notre rapporteure, Mme Sylvie Valente Le Hir, n’est pas un texte de circonstance. Elle s’inscrit dans un temps long, celui de la transition écologique, du respect du vivant et d’un nouveau pacte entre le consommateur, le producteur et la planète.
Je l’affirme d’emblée : le texte que nous nous préparons à adopter est équilibré, pragmatique, mais ambitieux. Il témoigne pleinement du rôle que le Sénat s’honore à tenir dans notre démocratie, en tant que chambre raisonnée et raisonnable où subsiste le dialogue.
Ensemble, nous avons su prendre de la hauteur et éviter les effets de manche ou les postures faciles, pour construire un cadre juridique à la fois rigoureux, ambitieux et opérationnel.
Le premier apport majeur du Sénat est d’avoir clarifié, précisé et surtout mieux ciblé la définition de la fast fashion. En distinguant la mode express de la mode ultra-express, nous avons introduit une gradation qui manquait dans le texte initial.
Cette distinction n’est pas purement sémantique, elle reflète une réalité économique : celle d’une différence entre un modèle d’accélération raisonnable, souvent assumé par de nombreuses marques européennes, et un modèle ultra-accéléré, fondé sur une rotation incessante des collections, une fabrication à très bas coûts et une mise sur le marché à l’échelle mondiale sans aucune prise en compte des externalités.
Cette précision terminologique, que nous avons fait coïncider avec des seuils de production et de prix, permet de cibler de véritables dérives sans fragiliser injustement les acteurs de la filière qui, pour certains, engagent de réels efforts vers des pratiques plus durables.
Je me félicite également que nous ayons élargi la définition de la mode express en y intégrant, en sus des pratiques commerciales, les pratiques industrielles. Ce point est décisif : il ne suffit pas de prendre en compte le marketing, il faut aussi considérer la chaîne de valeur, les méthodes de production, les volumes et les choix stratégiques opérés bien en amont du consommateur.
Ensemble, ces clarifications permettent de cibler les acteurs qui font fi des réalités environnementales, sociales et économiques, notamment Shein ou Temu, sans pénaliser la filière du prêt-à-porter européen.
Le Sénat a en outre procédé à plusieurs ajustements techniques, cruciaux pour empêcher tout contournement du dispositif. En prévoyant que les seuils de définition de la fast fashion soient appréciés au regard du canal de vente principal, nous avons renforcé la robustesse juridique du texte. Cela évite que des marques ne modulent leur présence selon les canaux pour échapper à la réglementation.
Nous avons ensuite introduit une disposition importante : si une marque est massivement distribuée par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne, c’est bien cette dernière qui doit être comptabilisée comme canal principal de vente. Cette mesure, défendue par le groupe Union Centriste, répond à un risque réel : celui de la création de marques-écrans ou de labels de complaisance qui seraient artificiellement dissociés pour échapper au seuil. En d’autres termes, nous coupons l’herbe sous le pied des stratégies d’optimisation de façade.
L’interdiction de la mention « livraison gratuite » constitue une autre avancée du texte. Elle peut sembler symbolique, mais elle est en réalité fondée sur un principe de vérité des prix. Rien n’est gratuit : si la livraison ne coûte rien aux consommateurs, elle a un coût environnemental et logistique que d’autres pays paient à sa place. Il est temps de mettre fin à cette illusion de gratuité, qui entretient l’impulsivité d’achat et dévalorise le travail logistique.
Enfin, la nouvelle obligation d’information claire sur l’origine de fabrication des vêtements vendus en ligne est une mesure de bon sens et de justice. Le numérique ne saurait être un angle mort de la traçabilité : je soutiens pleinement cette avancée.
L’article 2, qui vise à introduire une nouvelle modulation des écocontributions, est sans doute l’un des plus structurants du texte. En tant que défenseur de la responsabilité élargie du producteur, je salue les améliorations qui y ont été apportées.
La pénalité financière applicable aux produits de la mode ultra-express est désormais liée au coefficient de durabilité desdits produits. Il s’agit d’une orientation cohérente avec la logique d’écoconception que nous défendons depuis longtemps. Ce lien entre pénalité et durabilité permet de sortir d’une approche strictement punitive pour tendre vers une incitation fondatrice : il s’agit non pas de stigmatiser une entreprise, mais de l’inciter à produire mieux et plus durablement, avec des matériaux recyclables et un design pensé pour durer.
De plus, ce texte adapte le montant des pénalités au type de produit et prévoit une rehausse du plafond à 50 % du prix de vente lorsqu’il s’agit d’une mode ultra-éphémère. Cette mesure est à la fois proportionnée et dissuasive.
Je salue également l’obligation désormais faite aux éco-organismes et aux gestionnaires de déchets de contractualiser leurs relations. C’est une mesure de transparence, mais aussi de régulation, qui permettra de mieux contrôler le cycle de vie des produits.
Le complément apporté à l’article 3 bis, notamment la sanction applicable aux influenceurs qui feraient la promotion de cette pratique commerciale, marque une volonté claire de ne pas laisser les nouveaux modes de communication hors du champ de la régulation. Les influenceurs ont une responsabilité – souvent commerciale – et on ne peut ignorer leur rôle dans la stratégie marketing de la fast fashion. Je me réjouis aussi de l’ajout, dans les canaux de vente concernés, d’un message incitatif en faveur des modèles de consommation plus durables. Là encore, il s’agit d’accompagner une évolution culturelle et pas uniquement d’encadrer une pratique.
Deux avancées introduites en séance méritent d’être soulignées : elles montrent combien ce texte, loin de se limiter à une logique réglementaire, s’inscrit dans une vision systémique.
D’une part, l’inscription de la mode écoresponsable dans les programmes d’éducation au développement durable est essentielle, car les comportements d’achat se forgent tôt. Sensibiliser les plus jeunes aux impacts de la mode, aux notions de cycle de vie, de durabilité et de traçabilité, c’est semer les graines d’une société de consommation plus sobre et plus éclairée.
D’autre part, l’instauration d’une taxe sur les petits colis livrés depuis l’étranger, notamment hors de l’Union européenne, permet d’anticiper les effets délétères du dumping écologique et fiscal que l’on observe aujourd’hui.
Mes chers collègues, ce texte, je le répète, est important. À la fois symbolique et structurant, il marque une étape vers une consommation plus responsable, vers une industrie textile plus transparente, vers une économie plus durable.
En votant cette proposition de loi, nous envoyons un signal fort, non seulement aux géants de la mode ultra-éphémère, mais aussi aux consommateurs, aux jeunes, aux PME du textile et à nos partenaires européens : celui d’une volonté politique assumée de réguler, d’encadrer, et de préparer l’avenir.
C’est pourquoi, en toute cohérence avec mes engagements pour une transition écologique juste, je voterai en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDPI et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’industrie textile est l’une des plus polluantes au monde.
Cinquième plus gros émetteur de gaz à effet de serre en Europe, ce secteur est aussi le troisième plus gros consommateur d’eau, après les cultures du blé et du riz.
Du champ de coton à la boutique, un jean parcourt jusqu’à 65 000 kilomètres et il faut de 7 000 litres à 10 000 litres d’eau pour le produire. Notons que 4 % de l’eau potable disponible dans le monde est utilisée pour fabriquer nos vêtements.
Ces constats sont inquiétants, non seulement pour l’environnement, mais aussi pour les droits humains, car les millions de travailleuses et de travailleurs qui fabriquent nos vêtements dans les usines textiles sont confrontés à des conditions de travail déplorables.
Le modèle de la fast fashion et de l’ultrafast fashion fonctionne sur le principe d’un renouvellement très rapide des vêtements proposés à la vente à bas prix. Par exemple, au lieu de présenter quatre collections par an, comme le font les maisons de mode, les marques relevant de la fast fashion peuvent en produire jusqu’à cinquante-deux par an, soit une par semaine !
Ces marques ne créent pas : elles copient les créateurs de prêt-à-porter. Elles produisent ensuite en grande quantité, afin de réduire les coûts et de se constituer des stocks suffisants, allant même jusqu’à produire trop et à brûler les invendus.
Ce modèle incite à la surconsommation de vêtements et produit 932 millions de tonnes de déchets textiles par an, dont très peu sont recyclés.
De 58 millions de tonnes de vêtements produits en 2000, nous sommes passés à 109 millions de tonnes en 2020 et nous nous dirigeons vers une production annuelle de 145 millions de tonnes d’ici à 2030.
Entre 2010 et 2023, le nombre de vêtements mis sur le marché en France est passé de 2,3 milliards à 3,25 milliards, soit une augmentation de 39 %. Cette évolution est en complet décalage avec la hausse de la population, car plus que le besoin de vêtir, c’est bien l’appétit des industriels du secteur qui explique cette augmentation exponentielle.
Selon les statistiques, les Français consommeraient en moyenne 9 kilos de vêtements par habitant et par an, dont seulement un tiers seraient recyclés. À l’échelle européenne, ce sont 4 milliards de tonnes d’habits qui deviennent des déchets vestimentaires chaque année.
Ces plateformes qui nous envahissent quotidiennement sur les réseaux sociaux veulent faire de nous des prisonnières et des prisonniers, victimes à notre insu de la surconsommation.
La fast fashion est une concurrence déloyale qui s’avère très agressive pour nos industries textiles, au sein desquelles le nombre d’emplois a été divisé par trois depuis 1990. Moins de 3 % des vêtements vendus en France sont aujourd’hui fabriqués en France.
L’accélération de la désindustrialisation a inéluctablement touché le secteur de la distribution. Les années 2022 et 2023 ont été catastrophiques pour certaines marques françaises, comme Camaïeu, Kookaï, San Marina ou Pimkie. Plus récemment – à la fin du mois d’avril –, l’enseigne Jennyfer a été placée en liquidation judiciaire ; quant à la marque Naf, qui emploie plus de 600 salariés, elle a été placée en redressement judiciaire.
À Roubaix, l’ancienne ville aux mille cheminées, ex-capitale du textile français, le taux de chômage avoisine désormais les 30 %.
Les difficultés rencontrées par ces enseignes s’expliquent par un report de la consommation vers les enseignes low cost. Il ne faut évidemment pas oublier les conséquences de l’inflation sur le pouvoir d’achat des Français.
Le secteur du textile fait face à une crise sociale et économique dont les causes sont également à rechercher dans les vagues de délocalisations massives que nous avons subies, lesquelles ont été suivies d’une sorte de fuite en avant qui a pris la forme de volumes de production toujours croissants.
Des plateformes comme Shein et Temu nous ont fait entrer dans une économie de produits jetables, que l’on porte deux ou trois fois seulement.
L’exploitation des ressources naturelles, l’utilisation de produits chimiques qui polluent les eaux, l’air et les sols, ainsi que la production de grandes quantités de déchets sont malheureusement l’envers du décor de cette mode éphémère. De la production à la transformation des matières premières, du tissage à la teinture, chaque étape de la confection d’un vêtement contribue à ce lourd bilan environnemental. C’est insoutenable pour la planète, mais aussi pour les travailleuses et travailleurs des pays où les entreprises du textile ont délocalisé les usines.
En 2013, l’effondrement du bâtiment Rana Plaza, à Dacca, au Bangladesh, a coûté la vie à 1 130 ouvriers, ce qui en fait l’une des catastrophes les plus terribles de l’histoire de l’industrie textile. Les consignes d’évacuation qui avaient été données la veille avaient été ignorées par les responsables des ateliers, parce que les vies humaines ont parfois moins de valeur que les marchandises à produire.
Dans ces pays, le coût de la main-d’œuvre est faible et les droits sociaux n’existent pas, ce qui permet aux multinationales de multiplier leurs profits, au détriment des travailleuses notamment – car il s’agit à 80 % de femmes, vulnérables et surexploitées. Alors qu’en 2023 Shein engrangeait plus de 2 milliards de dollars de bénéfices et que Zara dégageait un bénéfice de 5,8 milliards de dollars, le salaire d’une ouvrière ou d’un ouvrier du textile ne dépassait pas les 100 dollars par mois.
Au travers de l’un de nos amendements, qui a été rejeté lors de l’examen du texte, nous avions proposé un autre système de bonus-malus, fondé non plus sur des critères d’écoconception, mais sur le respect des droits humains et le niveau des salaires, l’exploitation exacerbée de notre planète étant indissociable de celle des travailleuses et des travailleurs.
Certains ont considéré que cette proposition de loi avait été détricotée ; d’autres l’ont au contraire jugée ambitieuse. En réalité, elle a le mérite de constituer une étape vers la régulation de l’hyperproduction et de l’hyperconsommation. Ce texte incitera l’industrie textile à repenser davantage sa façon de produire pour éviter des malus ou des pénalités et, éventuellement, pour profiter de bonus si la production de vêtements respecte des critères de durabilité.
Avec le rétablissement de l’article 3, qui interdit la publicité, nous nous attaquons au principal ingrédient de la surconsommation. Je l’ai rappelé la semaine dernière : en 2023, Shein et Temu ont investi respectivement 43,8 millions d’euros et 27,5 millions d’euros dans la publicité digitale.
Nous aurions souhaité cependant que ce texte soit plus ambitieux dans le soutien qu’il apporte aux structures qui aident au recyclage et au réemploi des vêtements.
Dans l’ensemble – je remercie à cet égard Mme la rapporteure –, cette proposition de loi est une première étape encourageante dans la régulation d’un secteur dont l’empreinte environnementale représente 8 % du total de nos émissions de dioxyde de carbone.
S’il reste beaucoup à faire pour réindustrialiser et décarboner le transport de marchandises, en misant sur le ferroviaire notamment, nous devons agir pour favoriser la sobriété et la relocalisation. Il faut acheter moins, mais acheter mieux, un niveau de salaire satisfaisant devant permettre l’achat de produits de meilleure qualité, souvent plus écologiques.
Mon groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Sylvie Valente Le Hir applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, trois mois après l’examen de ce texte en commission et plus d’un an après son adoption à l’unanimité par nos collègues de l’Assemblée nationale, il est temps de passer à cette étape décisive, prélude à une commission mixte paritaire qui n’aura pas lieu, me dit-on, avant l’automne et qui sera elle-même précédée d’une phase de notification à la Commission européenne.
En d’autres termes, même si tout se passe au mieux, il faudra attendre encore bien des mois avant que se déploient ces dispositions pour combattre, mieux contrôler, réglementer et limiter les dérives et dégâts colossaux de la déferlante de la fast fashion.
Le vote de ce jour est une étape que l’on peut qualifier de « relativement positive ». Alors que l’on anticipait une atténuation, ici même, au Sénat, du texte des députés et alors que la version issue des travaux de notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable en mars dernier paraissait édulcorée, le travail collectif en séance publique a permis des avancées significatives, qui redonnent de la vigueur aux deux principaux leviers d’action : l’écomodulation et l’interdiction de la publicité.
Face à la disparition de dizaines de milliers d’emplois, face aux liquidations et aux redressements judiciaires et aux fermetures en série, face à l’accumulation de déchets textiles dus à cette mode jetable, qui détruit les filières et toute perspective d’économie circulaire, notre chambre des territoires a su, sur le fondement d’un diagnostic partagé de cette situation calamiteuse, dépasser un scénario politique convenu et écrit d’avance.
Ce diagnostic est celui d’un désastre environnemental, économique et social, qui empire depuis des années et qui trouve sa source dans un modèle reposant sur la surproduction et la surconsommation, un modèle fondé sur une monumentale chaîne de sous-traitance délocalisée et la recherche d’une main-d’œuvre et de matières premières à un coût toujours plus faible, un modèle qui fait fi du droit du travail et de la protection des milieux naturels, un modèle motivé par l’idéologie d’une croissance des volumes et des déchets qui se voudrait infinie.
Shein, Temu ou Amazon représentent 80 % des mises sur le marché et 72 % du chiffre d’affaires mondial du secteur. Ces enseignes poussent jusqu’à son paroxysme un modèle qui détruit les emplois locaux et dévitalise nos cœurs de ville.
Ce processus destructeur a débuté avant l’émergence de Shein et de Temu : l’ultrafast fashion et la fast fashion tout court relèvent d’une même logique, celle d’une mode low cost, éphémère et jetable, imposée par les stratégies marketing.
Avec le passage de relais de l’Assemblée nationale au Sénat, on a assisté, nous dit-on, à un resserrement du texte, qui se cantonnerait désormais à la seule mode ultra-express, autrement dit aux géants asiatiques que sont Shein et Temu.
Il ne serait pas question de « faire payer un euro », selon votre propre formule, madame la rapporteure, aux entreprises françaises ou européennes, qui contribuent certes à la vitalité économique de nos territoires, mais qui participent aussi à ce système dévastateur en misant sur la consommation compulsive et en mettant de très grandes quantités de vêtements sur le marché.
Oui, ce texte cible d’abord la déferlante de l’ultrafast fashion. Toutefois, on voit mal comment le malus ne s’appliquerait pas potentiellement à tout le monde.
L’écomodulation prévue à l’article 2, la réforme de la filière REP applicable aux produits textiles et le conventionnement obligatoire de ses déchets permettront, en cas d’application efficace, de faire reculer la mode jetable des plateformes étrangères, mais aussi des entreprises françaises et européennes.
C’est la mode durable qu’il nous faut promouvoir, quelle que soit la nationalité des metteurs en marché. Ceux qui ont des pratiques non durables devront s’acquitter d’un malus.
Peut-on encore sauver une filière trop souvent en perte de repères ? Nous n’y parviendrons – j’en suis convaincu – qu’en créant un cadre l’incitant à évoluer vers des critères de durabilité et une économie circulaire vertueuse.
S’agissant de l’article 1er, nous regrettons que trop de mesures soient renvoyées à un décret : on devrait inscrire directement dans la loi des dispositions fortes sur les seuils de référence et les critères de la mode éphémère. Fixer un plancher serait pertinent pour sécuriser le dispositif.
Mme Antoinette Guhl. Bravo !
M. Jacques Fernique. La mise en place d’une comptabilisation des références de produits d’une marque au titre de la plateforme, dès lors que celle-ci est le canal de vente principal de la marque, est positive : il s’agit de lutter contre les contournements et détournements du dispositif de l’article 1er par des acteurs dont on connaît l’agilité et l’inventivité commerciales.
En ce qui concerne l’article 2, nous pouvions entendre, en mars dernier, l’explication de Mme la rapporteure selon laquelle il était risqué de moduler les écocontributions en fonction d’une méthodologie de l’affichage environnemental des produits textiles qui n’avait pas encore été approuvée par l’Union européenne.
Ce n’est plus le cas depuis la validation, le 15 mai dernier, par la Commission européenne, du projet de cadre réglementaire relatif à l’affichage volontaire du coût environnemental des vêtements.
C’est pourquoi nous avons soutenu le rétablissement de cet affichage comme critère de modulation des écocontributions. Il s’agit d’un moyen de restaurer la compétitivité de produits durables et de qualité, et d’aider les collectivités à financer la gestion des déchets textiles.
Faisant preuve de pragmatisme, le Sénat a adopté une position moyenne, puisqu’il a retenu la référence au coefficient de durabilité, évalué en application de la méthodologie de l’affichage environnemental.
Pour ce qui est de l’interdiction de la publicité, même si nous sommes conscients du risque d’inconstitutionnalité et d’inconventionnalité que fait courir cette mesure, nous estimons que son abandon aurait représenté un recul considérable, alors qu’il nous faut au contraire peser pour faire en sorte que l’Europe débloque le verrou de la directive e-commerce, qui nous empêche d’agir sur les plateformes de vente en ligne, soumises le plus souvent au droit de l’Irlande, pays soi-disant d’origine.
Le rétablissement de l’interdiction, limitée aux seuls médias classiques et aux marques, est une première étape que nous soutenons.
En tant qu’Européens, il nous faudra néanmoins aller plus loin. La fast fashion envahit nos smartphones. C’est par les nouvelles formes qu’elle prend et les nouveaux canaux de publicité qu’elle emprunte qu’elle pousse à l’hyperconsommation et à des pratiques commerciales néfastes. Seule une interdiction globale sera efficace.
Couplée à une sensibilisation particulière, elle permettra d’accompagner le changement de comportement des consommateurs. C’est ce signal fort que le Sénat envoie à la Commission européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
À travers l’adoption de l’amendement de notre collègue Antoinette Guhl, nous affirmons, au-delà de la seule dimension environnementale, notre vigilance quant aux conséquences sociales et à l’impact sur les droits humains de la fast fashion. Nous pointons aussi la nécessité de mesures miroirs qui permettront de changer la donne.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte, qui a partiellement rétabli deux leviers essentiels d’action et qui a identifié les avancées européennes qui se révéleront nécessaires.
C’est ce dialogue européen et la commission mixte paritaire qu’il faut à présent réussir pour que l’avenir de la filière textile soit celui de l’économie circulaire durable ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile.
La mode jetable nous confronte à un défi majeur : la régulation de la dérive d’un capitalisme autodestructeur, que personne ne veut consciemment, mais à laquelle, pourtant, tout un chacun contribue.
La dérive actuelle se caractérise par l’effacement intentionnel de l’exploitation économique et sociale des travailleurs du textile, l’invisibilisation du coût écologique et sanitaire sous-tendu par la production et le transport, ainsi que l’érection de la surproduction en système.
Cette mode nous rappelle que nous perdons souvent de vue les conséquences de nos modes de vie : nous ne voyons plus les dégâts causés par nos comportements.
Et pourtant, les faits sont toujours là, têtus, et brutaux par leur gravité écologique. Rappelons que la production textile représente 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit l’équivalent des émissions de dioxyde de carbone des secteurs des transports aérien et maritime cumulés.
Osons alors poser la question : que vaut un tee-shirt à 2 euros quand il dégrade notre environnement, pollue les océans, exploite hommes, femmes et enfants, et menace l’industrie, l’artisanat français et, plus largement, l’artisanat européen ?
Les grandes firmes qui sont dénoncées sont les principales entreprises à tirer profit de ce modèle, car, hormis celles-ci, la surconsommation ne fait que des perdants.
Ce sont elles aussi qui entretiennent notre indolence. Elles disposent pour cela de plusieurs outils : la publicité, le lobbying et le marketing. Céder à ces sirènes, c’est être captif de leur stratégie, qui fait de la démesure une norme.
Toutefois, même face à des géants, une société attentive sait se ressaisir. Elle a pour cela sa propre réponse : la délibération et la force de la régulation.
La présente proposition de loi, j’y insiste, n’interdit pas ; elle protège, en qualifiant ce qui est hors norme. Elle protège notre environnement et celui de nos enfants. Elle protège notre économie et nos acteurs du textile.
J’attends, tout comme le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que les garde-fous qui ont été posés soient suffisants, ce texte ayant suscité, dès l’origine, beaucoup d’espoir. Nous pouvons donc nous réjouir qu’il se donne les moyens de ses ambitions.
L’enjeu est trop important, dans une période où l’écologie cède devant le court-termisme, la compétitivité, le surprofit et une fausse idée de la liberté d’entreprendre.
Heureusement, le texte que nous nous apprêtons à voter a été favorablement enrichi en cours d’examen.
Je tiens tout d’abord à saluer la réintroduction de l’article 3 relatif à l’interdiction générale de la publicité pour la mode ultra-express. C’est un des leviers les plus efficaces dont nous disposons pour discipliner ces géants industriels, qui ont bien compris les effets du matraquage publicitaire permanent sur les comportements des Françaises et des Français.
Si la publicité court-circuite nos réflexes d’achat, elle représente également un fléau pour nos entreprises locales. Chambre des territoires, le Sénat connaît bien les conséquences très concrètes de l’expansion du e-commerce sur nos centres-bourgs, sur l’emploi et, in fine, sur l’attractivité de nos villes.
Nous nous félicitons donc du rétablissement de l’article 3, adopté à l’unanimité par nos collègues députés. Bien que demeurant fragile, ce dernier constituera une base de négociation pour demander une modification de la directive européenne sur le commerce électronique, afin que ces mesures de restriction s’appliquent, par exemple, aux acteurs installés en Irlande.
À défaut, notre tentative ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau trouble des rapports de force commerciaux.
De la même façon, nous nous réjouissons de l’adoption des amendements visant à réconcilier les terminologies nationale et européenne en vue d’assurer la cohérence de nos travaux.
Une autre avancée importante, confirmée en séance publique, est l’intégration, sur notre initiative, d’une information sur l’impact social du produit. Cette transparence vis-à-vis du consommateur nous semble indispensable.
Nous renforçons également la sensibilisation à l’impact environnemental prévu à l’article 1er par un droit à l’information sur l’impact environnemental de la livraison de ces marchandises, complété par l’interdiction de la mention trompeuse de « livraison gratuite ». Cela nous permet de tordre le cou à l’idée mensongère selon laquelle les livraisons n’auraient aucun coût. Au contraire, ces coûts sont bien réels. À l’heure où il nous faut engager la transition écologique du transport, la mode ultra-express entraîne une explosion du transport routier de marchandises.
Enfin, je tiens à signaler l’adoption d’un amendement important, qui porte un coup majeur à l’opportunisme des grandes plateformes, en supprimant l’abattement applicable aux dons des invendus aux associations. En effet, cette déduction représente avant tout un outil d’optimisation fiscale pour de grands groupes pratiquant la mode ultra-éphémère, qui ont pu ainsi profiter de plusieurs millions d’euros d’argent public. Imaginez l’aubaine pour un groupe comme Shein, qui a injustement bénéficié des deniers publics !
Supprimer cet abattement sur les invendus y met un terme bienvenu. Non seulement cette pratique asphyxiait nos recycleries et la filière du réemploi tout entière, mais cette subvention aux invendus encourageait directement la surproduction que l’on reproche aux industriels de la mode express. Y mettre fin est donc, à double titre, bien inspiré !
Nous sommes parvenus à un texte ambitieux. Pour autant, je trouverais regrettable que ce dernier se révèle inefficace, parce que nous laisserions perdurer les moyens de le contourner.
Par exemple, il aurait été souhaitable de définir, à l’article 1er, un seuil caractérisant la mode ultra-express, comme nous le proposions, d’autant que le seuil d’un million de références annuelles ne permettait déjà de cibler qu’une extrême minorité d’acteurs. L’instauration d’un mécanisme de révision du seuil, autant que de besoin, offrait la possibilité d’un pilotage adapté à nos enjeux de régulation.
En définitive et en dépit de l’existence de pistes d’amélioration, ce texte demeure un jalon important. Force est d’ailleurs de constater qu’il a suscité des réactions positives dans la société civile comme dans les médias, qui s’en sont emparés.
Espérons que le vote de cette proposition de loi fera réfléchir certains qui, au Gouvernement comme au Parlement, veulent aujourd’hui faire de notre droit de l’environnement le bouc émissaire de leurs propres turpitudes et de leur cécité écologique et sanitaire.
Au demeurant, dans la mesure où il entrouvre la porte d’une régulation, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. (M. Aymeric Durox applaudit.)
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est des textes qui, il faut bien le dire, tombent tard, mais tombent bien !
Reconnaissez-nous au moins le mérite de la constance sur quelques sujets particuliers. Je ne parle pas ici de notre dénonciation constante du désordre migratoire – nous sommes passés du désordre à nos frontières au désordre dans nos rues (Exclamations sur des travées des groupes CRCE-K et SER.) –, mais de notre lutte constante contre la mondialisation et le libre-échange dérégulé.
Constance, car nous avons toujours lutté contre ces phénomènes et dénoncé les thuriféraires de la paix par le commerce et de la mondialisation heureuse.
Beaucoup ici ont participé à un gouvernement qui a validé l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la transformation des chaînes de valeur mondiales, avec les résultats que nous connaissons. D’autres n’ont-ils par ailleurs pas soutenu, avec la dernière des servilités, les commissions européennes successives, allant de nouveaux traités de libre-échange en nouveaux traités de libre-échange ?
Des années avant que nous ne légiférions sur ce sujet, Marine Le Pen dénonçait déjà un système économique faisant produire par des esclaves exploités cyniquement des biens vendus à des chômeurs appauvris sciemment. N’est-ce pas là, tardivement, mais finalement, l’esprit du texte que nous nous apprêtons à voter ?
Cette proposition de loi vise à encadrer certaines pratiques des géants du textile numérique, à réguler et à taxer un peu. Mais ce n’est en réalité qu’un pansement sur une plaie béante, car le problème n’est pas seulement Shein – au passage, vous avez noté que cette entreprise avait été rejointe par l’ancien ministre de l’intérieur, Christophe Castaner – ou Temu, mais ce système qui permet à des entreprises de prospérer, de déverser chaque jour des tonnes de vêtements bon marché dans nos ports, nos aéroports ou nos boîtes aux lettres. Le problème, c’est l’idéologie qui les a rendues possibles, celle du déracinement, du dumping social généralisé et de l’abolition des frontières.
Ce texte est un début de réponse, mais surtout un aveu : l’aveu tardif, honteux, que le libre-échange n’est pas un dogme sans conséquence ; l’aveu que notre tissu économique, notre environnement et notre patrimoine, végétal comme animal, nos savoir-faire, nos travailleurs et nos jeunes – tous ! – paient le prix d’une trahison : la trahison de l’intérêt national, celle de la promotion d’un juste échange, protecteur des producteurs d’ici contre les exploiteurs de là-bas, et d’une préservation réelle du climat et de l’environnement.
Ne nous trompons pas de cible. Ce ne sont pas les consommateurs qu’il faut pointer du doigt. Lorsqu’on achète à bas prix, c’est non pas par confort, mais par nécessité. C’est le système qui pousse à ces choix contraints.
Pouvoir d’achat en berne, production locale devenue pour beaucoup hors de portée : quand la fin du mois dicte les décisions, l’achat devient non pas un acte militant, mais une question de survie.
On ne doit pas culpabiliser les Français d’avoir cédé à une offre qui s’impose à eux, sans alternative.
Oui, nous voterons ce texte, car tout pas vers la régulation est préférable à la servitude complète. Nous le ferons sans illusion, sans naïveté, sans hypocrisie.
Le jour viendra où il ne s’agira plus de compenser les dégâts ce système, mais, enfin, d’en changer, de rétablir les frontières, et d’imposer une préférence nationale, économique et écologique. Le jour viendra où il s’agira de redonner à nos artisans, à nos ouvriers, à nos territoires la place qu’ils n’auraient jamais dû perdre ! (MM. Aymeric Durox et Stéphane Ravier applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pendant des années, on nous a fait une fausse promesse. Nous avons cru qu’en délocalisant nos industries, les prix baisseraient et notre pouvoir d’achat augmenterait. Vaste mirage, dont nous devons aujourd’hui assumer le service après-vente !
En voulant faire des économies, nous avons en réalité créé des dépenses futures. Il faut le reconnaître : les vêtements de la fast fashion – ou mode ultra-express – ne reflètent pas leur coût réel.
Ici, au Sénat, nous pouvons mesurer l’ampleur de certains de ces coûts directs, que ce soit à travers la collecte croissante des déchets assumée par nos collectivités et, donc, par le contribuable, les délocalisations ou encore les premières fermetures d’enseignes françaises.
Toutefois, nous ne connaissons pas encore les coûts cachés. Or c’est l’ensemble de notre système qui en subira les effets.
D’un côté, l’environnement et la biodiversité pâtiront de cette situation. Qu’il s’agisse de la pollution croissante ou de la concurrence accrue pour l’eau, nous aurons tôt ou tard à payer cet impact écologique.
De l’autre, nos territoires et notre économie seront durement touchés par la baisse de compétitivité de nos entreprises, les fermetures d’usines et les suppressions d’emplois.
Cette perte d’activité aura des conséquences en cascade, pour les sous-traitants, pour les métiers du transport ou encore de la logistique. Nous perdrons les savoir-faire de nos régions.
Le coût n’est pas qu’environnemental : il est économique. Nous avons tout à perdre à laisser se développer la mode ultra-express.
Alors que notre pays et l’Europe cherchent à se réindustrialiser, soyons conscients que notre manière de consommer aujourd’hui conditionne les équilibres de demain.
À ce titre, plusieurs amendements adoptés en séance, dont celui de notre – excellente ! – collègue Vanina Paoli-Gagin (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.), ont permis de recentrer le texte, en prévoyant notamment que les références de produits d’une marque soient comptabilisées au titre de la plateforme, dès lors que celle-ci constitue le canal de vente principal de cette marque. Ces précisions permettront de mieux cibler la proposition de loi sur les géants chinois, en évitant les effets de bord sur les entreprises françaises et européennes.
Les premiers chiffres sont là et ils sont frappants.
La production textile est responsable de 20 % de la pollution mondiale de l’eau potable. La durée moyenne d’usage des produits d’habillement a été divisée par deux depuis l’an 2000. Cent quarante-cinq petits colis entrent chaque seconde en Europe – soit près de dix-sept mille depuis le début de mon intervention ! – et près de 800 millions de colis sont entrés en France en 2024, dont 90 % en provenance de Chine.
L’Union européenne génère 12,6 millions de tonnes de déchets textiles par an. En France, l’industrie textile a perdu 40 % de ses emplois en dix ans et elle représente 20 % de notre déficit global.
Notre première réponse à cette prise de conscience, bien que timide, prend la forme de ce texte. C’est un début – cela a été dit –, mais il a au moins le mérite d’exister.
Madame la ministre, comme certains ont pu le dire au cours des débats, nous faisons de la politique ! Et parfois, il faut savoir envoyer des signaux. Cette proposition de loi est un marqueur qui adresse un message positif aux entreprises françaises et européennes, que nous devons soutenir et renforcer.
Mais nous devrons aller beaucoup plus loin.
D’une part, notre manière de consommer évolue ; nous sommes déboussolés. On nous invente des besoins en créant l’illusion du manque, que l’on nous presse ensuite de satisfaire. Des publicités intempestives, des partenariats commerciaux, des promotions éphémères nous poussent à consommer dans une frénésie d’achats dictés par l’urgence et les réseaux sociaux, dopés par les influenceurs, eux-mêmes ambassadeurs de l’éphémère. Et ce, alors même que les vêtements éphémères sont conçus pour ne pas durer ! Il nous faut alors acheter à nouveau… Il est dès lors indispensable d’encadrer ces publicités sournoises. Nous ne pouvons poursuivre dans cette voie.
D’autre part, il faut des réponses concrètes et économiques pour freiner l’envoi ininterrompu de ces millions de colis. Ces colis entrent librement, en échappant à toute tarification : ils ne nous rapportent rien, mais génèrent des coûts.
Je me réjouis de l’adoption de mon amendement, défendu avec brio par notre collègue Vanina Paoli-Gagin, visant à taxer les petits colis de moins de 2 kilos. En effet, nous devons nous engager dans une démarche concrète, et je me félicite que cette idée de taxer ces petits colis ait été reprise la semaine dernière lors du Conseil des entreprises réuni par le Gouvernement. Peut-être que cette taxation trouvera sa place dans le prochain projet de loi de finances. Elle est un outil important pour lutter contre les importations massives de produits que nous souhaitons justement endiguer.
Nous le savons, des dispositifs similaires sont en cours de négociation à Bruxelles ; c’est essentiel. Nous sommes dans un marché commun, nous en avons parfaitement conscience : nous ne parviendrons pas seuls, en France, à protéger à la fois notre planète et nos industries. Nous attendons avec impatience l’avancement de ces négociations européennes comme la révision de la directive sur les déchets et la réforme de l’union douanière.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra bien évidemment ce texte, car nous ne pouvons pas laisser nos collectivités assumer seules les coûts directs et indirects de cette mode.
Si nous ne faisons rien, nous en pâtirons tous. Agissons avant l’overdose de déchets. Agissons aujourd’hui pour notre industrie et nos emplois – ce sont eux qui, en l’absence de réponses fortes, deviendront éphémères !
N’oublions pas que, si les économies sont immédiates, elles sont illusoires et que le coût réel, lui, est différé ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Valente Le Hir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Sylvie Valente Le Hir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous nous apprêtons à voter est un bel exemple de ce que le Sénat peut produire de plus utile : une réponse lucide à une dérive contemporaine, forgée dans le dialogue, enrichie par des contributions multiples et portée par un large consensus.
Loin d’un geste partisan, cette proposition de loi a fait l’objet d’un travail approfondi en commission, puis en séance publique, auquel nombre de nos collègues ont activement pris part. Je veux saluer ici l’esprit de coconstruction qui a animé nos débats : il a permis d’élever la discussion et de donner à ce texte une portée véritablement transpartisane.
La proposition de loi que nous venons d’examiner ne se contente pas de dénoncer un modèle ; elle trace le chemin à suivre. Elle ne prétend pas tout résoudre, mais elle ose fixer des limites. Elle assume de poser des bornes. Et pour cela, nous la voterons avec détermination.
Ce texte, le Sénat ne l’a pas affaibli ; il l’a renforcé !
Il l’a renforcé, en refusant la caricature, en évitant les slogans faciles et, surtout, en prenant ses responsabilités : affirmer qu’il est temps d’encadrer les excès de la mode express, sans pénaliser celles et ceux qui œuvrent à une mode plus responsable. Il a su distinguer, au sein d’un secteur parfois mal compris, ce qui relève de la surconsommation programmée et ce qui relève de l’innovation soutenable.
En commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, comme en séance, nous avons clarifié la cible. Nous avons tracé une ligne nette entre ce que nous voulons réguler – la mode ultra-express, incarnée par des plateformes comme Shein ou Temu – et ce que nous voulons préserver : la mode accessible, mais enracinée, qui emploie en France, qui structure nos territoires, qui crée du lien et soutient un tissu économique local. Cette distinction est essentielle : elle permet d’aller dans le sens d’une régulation intelligente, efficace et équitable.
Nous avons aussi innové. Pour la première fois, la logistique est incluse dans le champ de la régulation textile. L’interdiction de la mention « livraison gratuite » et l’obligation d’information sur l’impact des livraisons marquent une avancée structurante. Ces dispositions répondent aux recommandations d’une mission d’information de 2021 de notre commission, dont Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau étaient les rapporteurs. Elles participent d’une prise de conscience plus large : la livraison n’est jamais gratuite, elle a un coût environnemental et logistique que l’on ne peut plus éluder.
Nous avons renforcé les leviers de contrôle de la mode express. La suppression d’un avantage fiscal pour les dons d’invendus par ces entreprises n’est pas un geste symbolique. C’est une mesure de cohérence : on ne peut, d’un côté, condamner les excès de production et, de l’autre, les subventionner indirectement par des réductions d’impôt.
Le renforcement du partage d’informations entre administrations, une mesure également ajoutée par le Sénat, permettra de mieux lutter contre les contournements et les fraudes et de garantir l’effectivité des règles fixées par la loi.
Concernant la modulation des écocontributions, nous avons également adopté une position équilibrée.
L’affichage environnemental apparaissait comme un instrument encore trop immature pour servir, à lui seul, de levier de modulation. Mais nous avons su en retenir l’essentiel : le coefficient de durabilité, qui en constitue une composante, permet de cibler les comportements problématiques, en se fondant sur trois critères – la fréquence de renouvellement, la largeur de la gamme, la transparence sur la chaîne de production. Il s’agit d’un outil opérationnel, pertinent et capable d’évoluer au fil des retours d’expérience.
Surtout, nous avons veillé à ce que les sommes récoltées servent un objectif stratégique : le renforcement des capacités nationales de recyclage textile. Il s’agit non pas seulement de punir, mais aussi de reconstruire, de donner à notre pays les moyens de traiter ses déchets sur son sol, de créer des emplois dans la valorisation des matières, de réinventer un tissu industriel que la délocalisation a trop longtemps effiloché. Il y a ici une véritable ambition industrielle, territoriale, écologique.
Enfin, s’agissant de l’interdiction de la publicité, nous avons affronté un dilemme juridique et politique.
Fallait-il interdire toute publicité sur la mode express, au risque d’une censure constitutionnelle ou européenne ? Ou fallait-il encadrer plus strictement la mesure d’interdiction, la cibler, au risque de paraître timoré ? Cette question est révélatrice de la complexité de notre tâche : conjuguer l’exigence démocratique avec la rigueur juridique, défendre l’intérêt général sans faire fi des équilibres constitutionnels.
Le Sénat a rétabli l’interdiction générale, tout en maintenant les mesures proportionnées d’encadrement de la publicité. La procédure de notification européenne, annoncée par le Gouvernement, permettra d’éprouver la solidité juridique de cette mesure.
Mais il faut en souligner le message politique fort : la publicité ne saurait être une zone de non-droit. Lorsqu’elle promeut des modèles destructeurs, il est légitime, dans une démocratie, de poser des bornes.
Et c’est bien cela qui résume l’esprit du texte. Non pas punir pour punir, mais rétablir un équilibre. Poser des repères dans un univers dérégulé. Rappeler que la consommation n’est pas un acte neutre et que réguler n’est pas restreindre la liberté : c’est lui donner un cadre commun.
Il y aura des résistances, bien sûr, des recours, des discours sur la prétendue atteinte au pouvoir d’achat. Mais soyons clairs : le pouvoir d’achat ne peut justifier n’importe quelle marchandisation. Défendre la dignité des consommateurs, ce n’est pas leur proposer des vêtements jetables, parfois toxiques, souvent conçus dans des conditions inhumaines. C’est leur permettre d’acheter mieux, dans la durée, avec conscience.
Ce que nous allons voter, c’est un texte de régulation. Mais ce que nous avons défendu, c’est une certaine idée de notre société, une société où le progrès ne se mesure plus au nombre de colis livrés dans la journée, mais à la qualité du lien que nous tissons, entre producteurs et consommateurs, entre humains et environnement, entre présent et avenir.
Pour tout cela, mes chers collègues, je vous invite à voter cette proposition de loi, car, au fond, ce que nous avons voulu défendre ici, ce n’est pas seulement un autre modèle de mode, c’est un autre modèle de modernité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, un modèle économique particulier s’est imposé dans le secteur de l’habillement : celui de la mode éphémère, aussi appelée fast fashion.
Ce phénomène, qui consiste à produire et renouveler à un rythme effréné des collections toujours plus nombreuses, à des prix toujours plus bas, séduit une large part des consommateurs, notamment les plus jeunes.
Mais derrière cette apparente accessibilité, derrière ces vêtements livrés en quelques clics depuis l’autre bout de la planète se cache une autre réalité, une réalité environnementale, sociale et économique que nous ne pouvons plus ignorer.
Entre 2010 et 2023, le nombre de pièces de vêtements mises sur le marché français est passé de 2,3 milliards à 3,3 milliards, soit une hausse vertigineuse de près de 40 % en à peine treize ans ! Ce chiffre n’est pas anodin. Il traduit une logique de surconsommation qui s’emballe et dont les conséquences sont majeures. La grande majorité de ces vêtements sont fabriqués en Asie du Sud-Est par des personnes dont les conditions de travail sont souvent éloignées de nos standards sociaux ; ils engendrent une empreinte carbone massive liée au transport et à la production.
Il est bon de rappeler ici que l’industrie textile est aujourd’hui la deuxième industrie la plus polluante au monde. Elle représente à elle seule près de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Et une part considérable des 3,3 milliards d’articles mis en vente chaque année sur notre territoire ne sera portée que quelques fois, voire jamais, avant de finir reléguée au fond d’un placard, puis jetée.
Mais réduire la fast fashion au seul enjeu écologique serait une erreur. Elle est aussi le symptôme d’une pression économique féroce qui fragilise notre tissu industriel local. Cette distorsion de concurrence menace ainsi notre souveraineté industrielle, affaiblit des savoir-faire et ruine peu à peu notre capacité à produire localement.
Des textes importants ont déjà été adoptés dans le passé, comme la loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ou encore la loi Climat et Résilience de 2021. Ils ont posé des jalons très importants, mais force est de constater qu’ils n’ont pas permis de renverser la dynamique. Le phénomène de la mode jetable s’intensifie et les effets pervers se multiplient.
C’est pourquoi cette proposition de loi, que nous avons examinée la semaine dernière, constitue une avancée essentielle. Elle introduit une définition claire de la mode éphémère. C’est indispensable pour pouvoir l’encadrer de manière rigoureuse.
Nous saluons ainsi la définition retenue de la fast fashion : il s’agit des pratiques industrielles et commerciales des producteurs qui ont pour conséquence la diminution de la durée d’usage ou de vie de produits neufs en raison de la mise sur le marché d’un nombre élevé de références de produits neufs ou de la faible incitation à réparer ces produits. Cette définition apparaît complète et englobante.
Elle prévoit également des mécanismes de sanction et de responsabilisation dissuasifs à l’égard des entreprises qui choisiraient de contourner les règles.
Enfin, le groupe RDPI se félicite du rétablissement de l’article 3 qui vise à interdire toute publicité faisant la promotion de la fast fashion. Il complète l’article 3 bis, qui tend à interdire la promotion de ces produits par des influenceurs.
Avec ce texte, nous ne proposons pas d’interdire de s’habiller, mais nous proposons de redonner du sens à nos achats, de sortir de la logique de l’accumulation au profit de celle de la responsabilité.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile.
Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.
Je vous invite à insérer votre carte de vote dans le terminal et à l’y laisser jusqu’au vote.
Si vous disposez d’une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s’affiche automatiquement sur le terminal en dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous et pour le délégant, en sélectionnant le nom correspondant, puis en choisissant une position de vote.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 303 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 337 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord remercier le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Jean-François Longeot, qui a pris l’initiative d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de sa commission et qui a donné une certaine résonance à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Je veux également remercier la rapporteure, Sylvie Valente Le Hir, avec laquelle Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons travaillé de manière très précieuse pour améliorer et rendre opérant ce texte.
Enfin, je veux remercier tous les sénateurs qui ont contribué à rendre la proposition de loi plus robuste et plus ambitieuse.
Certaines dispositions retiennent plus particulièrement mon attention. Je pense notamment à l’interdiction de la publicité pour la mode ultra-express, à la fixation dans la loi d’un minimum pour les pénalités plutôt qu’un seuil ou encore au dispositif de détermination du malus assis sur le coefficient de durabilité de l’affichage environnemental.
Ce texte répond à deux ambitions : protéger notre environnement et protéger nos commerces.
Dès demain, le Gouvernement le notifiera à la Commission européenne qui disposera d’un délai de trois à quatre mois pour nous faire part de ses observations.
Une commission mixte paritaire se tiendra et prendra en compte, comme il se doit, les rédactions de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Parallèlement, Agnès Pannier-Runacher et moi-même allons travailler dès maintenant à la préparation des décrets d’application et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) poursuivra ses contrôles.
Nous continuerons également de travailler avec la Commission européenne pour corriger les pratiques de certaines plateformes de l’e-commerce. Je veux réaffirmer ici qu’il s’agit, pour le Gouvernement, d’une priorité ; c’est ainsi qu’il y a quelques semaines, à la suite d’enquêtes menées par quatre pays, dont la France, la Commission a engagé une action contre Shein.
Ce qui a été fait sur ce texte, en particulier en termes de coconstruction, madame la rapporteure, montre clairement que le Gouvernement et le Parlement partagent la même vision. Je me réjouis de cette convergence, qui est un gage d’efficacité.
Je veux vraiment remercier l’ensemble du Sénat pour ce vote qui va nous permettre de poursuivre notre action. Il nous engage ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, mes chers collègues, je veux d’abord saluer cette quasi-unanimité. C’est d’autant plus important pour moi qu’il s’agit de mon premier rapport en tant que sénatrice (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) et que ce texte est un peu hors norme – j’en veux pour preuve l’ampleur de la revue de presse d’aujourd’hui ! Nous avons dû faire face à beaucoup d’adversité.
Je tiens à remercier la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en particulier son président, ainsi que mon groupe, qui m’a toujours suivi.
Je remercie également le président du Sénat, Gérard Larcher. L’examen de ce texte n’a pas été simple, nous avons dû nous battre et votre aide à ce moment-là, monsieur le président, m’a été particulièrement précieuse.
Merci à tous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Madame la présidente, il s’agit d’une mise au point technique : le matériel de vote ne fonctionne pas ! (Exclamations amusées.)
Lors du scrutin public n° 303 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, qui vient tout juste d’avoir lieu, j’ai voté pour. Je ne comprends pas pourquoi j’ai été enregistré comme ayant voté contre. Je demande donc que mon véritable vote soit pris en compte. Tous mes collègues en sont témoins ! (Sourires.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
4
Organisation, gestion et financement du sport professionnel
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, de la proposition de loi relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel, présentée par M. Laurent Lafon (proposition n° 456, texte de la commission n° 670, rapport n° 669).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sport incarne des valeurs d’excellence, de dépassement de soi et de solidarité. Il rassemble nos concitoyens et fédère la nation comme nul autre domaine. Les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ont montré à quel point il pouvait transcender les différences et incarner un idéal commun, tout en contribuant au rayonnement international de la France.
Le sport professionnel participe de cette dynamique. À ce titre, il défend une exigence d’exemplarité. Devenu un spectacle, il doit aussi être un modèle et un soutien pour le sport amateur. Cette responsabilité dépasse le seul cadre sportif. Elle doit aussi se traduire par une éthique, une exigence et des comportements irréprochables.
C’est cette conviction qui a conduit la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport à créer, l’an dernier, une mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français. Je remercie Michel Savin, rapporteur de cette mission d’information et de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Je remercie également l’ensemble des collègues qui ont participé aux très nombreuses auditions que nous avons menées sur ce sujet pendant plus d’un an.
La présente proposition de loi est la suite logique des conclusions que la mission d’information a rendues au mois d’octobre dernier. Nos travaux ont mis en évidence des difficultés économiques structurelles, des problèmes de gouvernance et de conflits d’intérêts, voire des dérives.
Le championnat de France de football connaît une perte d’attractivité qui conduit à des difficultés économiques croissantes pour les clubs. Ces difficultés mettent à mal la vitalité économique, sociale et culturelle de nos territoires, où les clubs sont ancrés et où ils occupent une place importante dans l’animation de la vie locale.
Au fil de nos travaux, nous avons constaté que la mission d’information du Sénat suscitait une véritable prise de conscience. Alors qu’au départ la plupart des acteurs rencontrés affichaient une grande assurance, leurs certitudes se sont peu à peu estompées, avant de faire place à une réelle remise en question. Cette remise en question s’est amplifiée avec le retrait du principal diffuseur du championnat en début d’année, quelques mois après son arrivée, faisant peser sur les clubs des incertitudes majeures, non résolues à ce jour, qui peuvent s’apparenter pour eux à une forme de saut dans l’inconnu.
Cette prise de conscience nouvelle s’est concrétisée par la réunion d’États généraux du football professionnel, sur l’initiative du président de la Fédération française de football (FFF). Les conclusions de ces États généraux rejoignent largement les orientations de la proposition de loi. La dynamique actuelle est réelle et inédite. Elle ne doit pas s’essouffler.
Avec cette proposition de loi, nous avons élargi le champ de nos travaux pour couvrir l’ensemble du sport professionnel et apporter des réponses globales à des enjeux de gouvernance, de responsabilité et de financement. Nos auditions ont montré que les situations de blocage étaient nombreuses, dans des disciplines autres que le football, en raison de désaccords entre fédérations et ligues.
Le piratage des contenus audiovisuels sportifs constitue une problématique transversale qui fragilise l’ensemble de l’économie du sport professionnel. Il vient s’ajouter à la concurrence accrue de contenus audiovisuels sportifs et non sportifs, toujours plus attrayants et diversifiés.
L’ampleur même du piratage est paradoxalement un facteur d’espoir, puisqu’elle témoigne de l’attractivité persistante des contenus sportifs. Si nous parvenons à bâtir un modèle économique viable, comme cela a pu se faire pour la musique, le potentiel de valorisation reste considérable.
Pour apporter une réponse à ces défis, une réforme législative est nécessaire. C’est ce à quoi cette proposition de loi devrait contribuer. Cette réforme est urgente ; ses différents volets – gouvernance et piratage – sont indissociables.
La mission d’information du Sénat a mis en évidence les lacunes de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, qui a fixé les conditions dans lesquelles une ligue de sport professionnel peut créer une société commerciale pour la commercialisation et la gestion des droits d’exploitation.
Nous y remédions, tout en visant, plus largement, à rendre plus efficaces l’organisation et la gouvernance du sport professionnel, notamment dans l’hypothèse où les droits d’exploitation audiovisuelle ont été cédés par la fédération aux clubs, c’est-à-dire dans le cas spécifique du football. Je vous propose, dans ce cas, que la fédération puisse créer une société commerciale l’associant aux sociétés sportives propriétaires de ces droits, c’est-à-dire les clubs.
Ce schéma doit clarifier la gouvernance d’un système qui est aujourd’hui opaque et déresponsabilisant pour les clubs, car il empile les structures. Dans cette société, la fédération bénéficierait d’une action préférentielle, afin de garantir le bon fonctionnement de l’architecture pyramidale prévue par le code du sport. Cette architecture est consubstantielle au modèle sportif français, dans lequel l’État délègue une mission de service public aux fédérations sportives. Libre à elles de subdéléguer ensuite aux ligues.
Cette proposition de loi vise également à renforcer le contrôle et le suivi de la gestion des clubs, des ligues et de leurs sociétés commerciales. Elle prévoit un contrôle de la Cour des comptes et renforce le contrôle de gestion des clubs.
Pour ce qui est du piratage, la commission a travaillé avec l’ensemble des acteurs du secteur, notamment les titulaires de droits, et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), afin de proposer un système susceptible de permettre des blocages en temps réel. En effet, seule une intervention immédiate pendant la diffusion des événements sportifs peut être véritablement efficace. Nous l’avons fait tout en intégrant un certain nombre de garanties afin de sécuriser pleinement le dispositif.
Cette proposition de loi est le résultat d’un travail collectif. Le rapporteur vous présentera dans quelques instants les travaux de la commission. Je me réjouis que cet examen parlementaire offre une nouvelle occasion d’enrichir le texte, notamment via les amendements qui ont été déposés.
Madame la ministre, votre engagement sur ce sujet nous est précieux. Il y a urgence si nous voulons profiter de la dynamique existante pour mener une réforme ambitieuse dont le sport professionnel a tant besoin. C’est pourquoi nous remercions le Gouvernement d’avoir engagé la procédure accélérée sur ce texte afin d’en permettre une adoption rapide. Nous comptons sur vous pour que, une fois adopté au Sénat, il puisse être inscrit dans les plus brefs délais à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Jérémy Bacchi et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très heureux que nous entamions cet après-midi l’examen de la proposition de loi relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel. Déposée par Laurent Lafon, elle est issue des travaux de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français, réalisés au nom de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport à laquelle avaient été octroyées les prérogatives des commissions d’enquête.
Adopté à l’unanimité au mois d’octobre dernier, le rapport d’information de la mission comprenait trente-cinq recommandations en vue de clarifier la gouvernance collective du sport professionnel, de renforcer le contrôle des budgets des clubs et des ligues professionnelles, de partager plus équitablement les ressources issues des droits audiovisuels, d’accroître les exigences en matière d’éthique, de bonne gestion et de démocratie, et de réinventer l’économie du sport professionnel, confronté à la progression du piratage.
Les constats dressés dans le rapport se sont malheureusement confirmés au cours des derniers mois, avec un diffuseur du championnat de France de football qui a souhaité mettre fin à son contrat de façon anticipée, un piratage des contenus sportifs qui est en progression constante et continue et qui se banalise, et un déficit cumulé qui dépasse le milliard d’euros pour l’ensemble des clubs professionnels de football.
Le premier mérite de ce travail de contrôle est d’avoir mis en lumière des dysfonctionnements dans la gouvernance du football professionnel, qui prospéraient grâce au manque de transparence dans des prises de décision fondamentales pour l’avenir du sport.
Même si les événements des derniers mois confirment la qualité de nos travaux, qui ont pu être critiqués, il demeure regrettable que les acteurs du milieu ne se soient pas engagés plus tôt en faveur d’une véritable rénovation de ce modèle.
À la suite de diverses conjonctures, c’est désormais une véritable épée de Damoclès qui pèse au-dessus de la tête des clubs professionnels de football : ce marasme économique les plonge dans l’incertitude, la survie de plusieurs d’entre eux dépendant désormais de la solidité financière et de la bonne volonté de leurs actionnaires, et risque de mettre en péril la formation des jeunes et les sections féminines.
Afin d’identifier des solutions, le président de la Fédération française de football et vous-même, madame la ministre, avez lancé au mois de mars dernier les États généraux du football professionnel. Ils ont abouti à des propositions de réforme en profondeur, s’agissant tant de la gouvernance que du développement économique, du contrôle et de la discipline.
Parallèlement, un certain nombre de blocages dans l’organisation et la gestion du sport professionnel appellent des ajustements législatifs.
Lors de nos nombreuses auditions, nous avons pu entendre l’ensemble des acteurs concernés, notamment les fédérations, les ligues, les organisations professionnelles, les organismes de contrôle, les titulaires de droits sportifs, les diffuseurs, le ministère, etc.
Si de nombreux acteurs ont d’abord fait part de leurs interrogations face à la création de notre mission d’information, dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête, beaucoup reconnaissent aujourd’hui le bien-fondé de nos travaux et nous remercient de nous être attelés, avec grand intérêt, à identifier les obstacles qui menacent la pérennité du sport professionnel.
Face à ces constats, une réponse législative s’imposait à nous. Elle devient urgente et impérative pour tous aujourd’hui.
Le sport professionnel n’est pas une zone de non-droit : c’est un secteur stratégique, qui mérite un cadre à la hauteur de son impact.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Michel Savin, rapporteur. En effet, la médiatisation des désillusions du football français ne doit pas occulter les défis qui se posent aux autres sports professionnels en matière de piratage, de développement du sport féminin, comme de contrôle des fédérations sportives délégataires. C’est ce que révèle le rapport du conseiller d’État Rémy Schwartz, publié en 2023, qui soulignait l’insuffisance de contrôle dans la mise en œuvre des subdélégations de service public.
Ainsi, la proposition de loi de Laurent Lafon, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur, vise à instaurer un cadre plus éthique, transparent et performant.
Fruit d’un travail approfondi, enrichi par seize amendements qui ont été adoptés en commission – comme par ceux qui le seront en séance publique –, ce texte couvre différents besoins.
Premièrement, ce texte entend rééquilibrer les gouvernances et les relations entre fédérations et ligues professionnelles.
Chaque ligue devra à l’avenir rendre compte de l’exercice de sa subdélégation, non seulement au ministre des sports, mais aussi à la fédération qui l’a investie. En cas de retrait de cette subdélégation, une procédure encadrée est prévue : préavis de six mois, phase de conciliation avec procédure contradictoire obligatoire et avis préalable du ministère.
L’article 2 a pour objet d’apporter un cadre plus clair aux conditions et conséquences du retrait de la subdélégation, en énumérant des motifs précis. Il introduit une mesure dissuasive, qui se veut non pas source d’instabilité, mais au contraire de sécurisation.
Deuxièmement, il s’agit d’accorder au sport féminin les moyens de son autonomie.
L’article 1er accorde aux fédérations le pouvoir de créer une seconde ligue professionnelle dédiée au sport féminin. Cette mesure vise à offrir un cadre propice à son développement économique et sportif.
Troisièmement, il convient de clarifier les modèles de gouvernance économique.
Une société commerciale pourra être créée par la fédération avec les clubs pour commercialiser et gérer l’exploitation des droits. Tous les clubs engagés dans une même compétition y disposeront d’un droit de vote égal. La fédération bénéficiera d’un droit de veto sur les décisions touchant à ses compétences régaliennes et au suivi de l’organisation des compétitions sportives.
L’article 5 permet également la cession des droits d’exploitation en un seul lot ou en plusieurs lots.
De plus, les dirigeants ne pourront plus cumuler leurs fonctions avec un poste dans une entreprise de diffusion audiovisuelle, afin de prévenir tout conflit d’intérêts.
Quatrièmement, ce texte tend à encadrer les rémunérations : celles des présidents de fédération ne pourront dépasser trois fois le plafond prévu dans le code de la sécurité sociale ; celles des salariés et dirigeants de ligues ou de sociétés commerciales ne pourront pas, elles, dépasser le plafond applicable aux rémunérations des présidents d’établissement public à caractère industriel et commercial.
Cinquièmement, le contrôle financier doit être renforcé.
Les organismes de contrôle analyseront les comptes d’exploitation et pourront prononcer des sanctions financières et sportives en cas d’écart significatif avec les prévisions, mais aussi la limitation des effectifs et le plafonnement de la masse salariale.
Un plafond de répartition des produits audiovisuels sera instauré. Entre clubs d’une même compétition, le ratio entre les plus faibles et les plus élevés ne pourra plus excéder un pour trois. Cette mesure vise à garantir une meilleure équité et à réduire le gap actuel, notamment dans le football, ce ratio étant aujourd’hui de un pour cinq.
Sixièmement, la profession d’agent sportif doit être encadrée.
Pour exercer, un agent devra désormais être titulaire d’un diplôme de niveau bac+3, réussir un examen écrit, suivre une formation continue, déclarer toutes les sommes perçues et versées et respecter des obligations en termes de transparence et d’éthique. En cas d’exercice illégal, les sanctions seront renforcées.
Septièmement, il faut entendre la voix des supporters.
Une consultation annuelle obligatoire des associations de supporters sera mise en œuvre au sein de chaque fédération et de chaque ligue. Cette mesure vise à structurer une concertation régulière et utile, reconnaissant ainsi la place des supporters dans la vie des clubs.
Huitièmement, ce texte vise à faire la chasse au piratage des contenus sportifs.
S’il est bien une mesure qui fait l’unanimité et sur l’ampleur et l’urgence de laquelle l’ensemble des acteurs s’accordent, c’est la lutte contre le piratage.
En lien avec l’Arcom, les diffuseurs, les ligues, les fédérations, les fournisseurs d’accès à internet (FAI), un système automatisé de blocage des sites illégaux pendant la diffusion en direct sera mis en place. Ce dispositif s’accompagne de sanctions renforcées – jusqu’à sept ans de prison et 750 000 euros d’amende –, ainsi que de garanties procédurales et d’un droit de recours immédiat pour les plateformes concernées.
Mes chers collègues, cette proposition de loi est une refondation inédite du sport professionnel français. Elle tend à construire un sport plus solide, plus juste, plus moderne, à la hauteur de ses responsabilités. Nous le faisons avec exigence, cohérence et détermination. Elle est aussi attendue par une très grande partie du mouvement sportif.
L’ensemble de ces dispositions permettront d’apporter des bases plus solides au modèle de gouvernance et de gestion du sport professionnel, mais également de remettre la transparence, la solidarité et l’attractivité au centre du jeu.
Enfin, parce qu’il y va de la santé du sport professionnel et, indirectement, de celle du sport amateur, certaines dispositions se font urgentes.
Madame la ministre, compte tenu des enjeux dont il est question, je vous remercie d’avoir jugé opportun de déclencher la procédure accélérée sur ce texte, afin de permettre son adoption dans les meilleurs délais.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter la proposition de loi de Laurent Lafon relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jérémy Bacchi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel, déposée par Laurent Lafon.
Ce texte est la traduction législative du rapport de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français, qui a rendu ses conclusions au mois d’octobre dernier.
Cette mission d’information, riche et instructive à de nombreux égards, a formulé trente-cinq recommandations, dont un certain nombre seront étudiées aujourd’hui dans le cadre de cette proposition de loi. Ce travail, dont je remercie le président Laurent Lafon et le rapporteur Michel Savin, a d’autant plus trouvé tout son sens qu’il s’est inscrit dans une période de crise profonde du football professionnel français.
Depuis le départ de Mediapro en 2020, le football français rencontre un certain nombre de difficultés économiques, liées à la baisse des droits télévisuels dont les clubs français sont économiquement très dépendants. Ces difficultés ont été accentuées par les effets de la crise sanitaire et par des choix de gouvernance de plus en plus contestés.
Le partenariat conclu en 2022 entre la Ligue de football professionnel (LFP) et le fonds d’investissement CVC Capital Partners a dans un premier temps permis de traverser cette crise, sans pour autant faire évoluer le modèle économique du football français. La coexistence d’une ligue professionnelle et d’une société commerciale qui assure la commercialisation et la gestion des droits audiovisuels, à l’exception de ceux qui sont issus des paris sportifs, a créé une situation qui a conduit à la mise en place de votre mission d’information.
Les conditions d’attribution du dernier appel d’offres, à l’été 2024, et le conflit qui a opposé la LFP et le principal diffuseur, DAZN, au début de l’année 2025, a mis un peu plus en lumière les difficultés structurelles dans la gouvernance de la LFP, les clubs n’étant associés qu’indirectement à la gouvernance de la filiale commerciale.
C’est dans ce contexte, d’une part, que cette proposition de loi a été déposée au Sénat, et, d’autre part, que la Fédération française de football, la Ligue et les clubs professionnels ont mis en œuvre les États généraux du football professionnel le 3 mars 2025. Comme je l’ai alors indiqué, je suis convaincue que la crise que traversait le football était non pas conjoncturelle, mais bel et bien structurelle. Je suis donc pleinement satisfaite que chacun ait saisi la gravité de la situation.
Les États généraux du football professionnel ont rendu leurs conclusions le 12 mai dernier ; un certain nombre d’entre elles rejoignent les mesures que comporte cette proposition de loi ou y trouvent leur place, preuve, s’il en était besoin, de la pertinence de vos travaux, mesdames, messieurs les sénateurs.
Dès sa rédaction initiale, ce texte a ouvert un certain nombre de perspectives essentielles.
L’article 1er précise ainsi les obligations des ligues, rappelant utilement la subdélégation dont elles bénéficient et qui les obligent vis-à-vis de la fédération délégataire et du ministère des sports.
L’article 6 a prévu, avant même les conclusions des États généraux du football professionnel, la possibilité pour une fédération de créer une société commerciale, l’associant aux sociétés sportives auxquelles elle a cédé ses droits.
L’article 8 renforce les obligations en matière de déclarations d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour les dirigeants de ligues et de fédérations.
L’article 9 vise à mieux contrôler les ligues et les sociétés sportives.
Enfin, élément essentiel de ce texte, l’article 10 entend donner plus de moyens à l’Arcom afin de lutter plus efficacement contre le piratage. Non seulement nous avons tous ici la même sensibilité sur ce sujet, mais nous mesurons l’importance d’apporter une réponse pour rassurer les futurs diffuseurs.
Cette demande, partagée et unanimement attendue par tous les acteurs du secteur, est une nécessité absolue pour protéger le financement du sport professionnel.
Cette première copie a été utilement amendée lors de son examen en commission. Il s’est agi à la fois d’équilibrer la portée de certaines dispositions, d’intégrer certaines conclusions des États généraux du football professionnel et de donner au sport professionnel féminin les moyens de se renforcer.
Je pense notamment à l’amendement dont l’adoption permet la création de deux ligues au sein d’une même fédération, l’une gérant le secteur masculin, l’autre le secteur féminin.
Les modifications apportées à l’article 2 me semblent également aller dans le bon sens, notamment en créant une procédure de conciliation bornée dans le temps, qui remet au centre le ministère des sports. Il s’agit là d’une évolution essentielle dans l’équilibre global du texte, qui vise à privilégier l’intérêt général au détriment des conflits de personnes – dans le contexte actuel, ce n’est pas rien !
Enfin, les évolutions votées à l’article 9 apportent des précisions précieuses sur le rôle de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) et son positionnement.
C’est aussi dans cet esprit que le Gouvernement agit : celui d’accompagner et de faire évoluer positivement ce texte. Bien évidemment, le contexte actuel nous fait apprécier cette proposition de loi à travers un prisme particulier, puisqu’elle semble très centrée sur le football professionnel, mais il serait à mon sens réducteur de la limiter à cette dimension. J’ai la conviction que nous devons donner des outils utiles pour réformer le football professionnel français, tout en ne bousculant pas les grands équilibres qui existent dans d’autres disciplines. Je sais que nous partageons ces orientations.
Je défendrai donc au nom du Gouvernement un certain nombre d’amendements, qui tendent vers cet objectif tout en préservant la philosophie et les équilibres déjà établis dans ce texte.
Ainsi, je présenterai un amendement portant article additionnel visant à contraindre les clubs français à mettre à disposition les joueurs français sélectionnés par leur fédération pour les jeux Olympiques et Paralympiques.
Nous avons tous regretté, l’été dernier, que certains de nos champions ne puissent pas prendre part au tournoi de football des jeux Olympiques de Paris. Désormais, pour cette compétition, la sélection française primera. La France aurait sans doute pu obtenir l’or olympique, si tel avait été le cas ; pour autant, on peut se réjouir de la médaille d’argent obtenue par la sélection de Thierry Henry : il s’agit là d’un formidable exploit !
La commission a par ailleurs adopté un amendement visant à instaurer une obligation de formation continue pour les agents sportifs. Je suis très favorable à cette évolution, qui va dans le bon sens. C’est pourquoi je présenterai un amendement tendant à imposer aux fédérations de dispenser ces formations et de procéder à un suivi régulier des agents qui y participent.
L’un des axes forts de cette proposition de loi est de permettre, pour le football et uniquement pour cette discipline, la création d’une société de clubs, en lieu et place d’une ligue, laquelle est assujettie à un principe de solidarité entre le monde professionnel et le monde amateur.
À l’article 7, je défendrai un amendement ayant pour objet d’établir également ce principe de solidarité dans le cas de la subdélégation à une société de clubs.
Dans la continuité de ce qui a été voté en commission, à savoir la possibilité pour une fédération de créer une ligue masculine et une ligue féminine distinctes, je soumettrai un amendement ayant pour objet de permettre aux clubs d’avoir à la fois une société sportive masculine et une société sportive féminine. Cela vise à concourir au développement du sport professionnel féminin, en donnant ainsi la possibilité à une association sportive de financer distinctement son secteur masculin et son secteur féminin, indépendamment l’un de l’autre.
C’est un enjeu essentiel qui doit permettre au sport professionnel féminin de se structurer et de se développer en tant que modèle économique propre, indépendant du modèle masculin. Nous avons besoin de cette locomotive que constitue le sport professionnel féminin pour développer la pratique sportive chez les femmes, chez les jeunes filles en particulier.
Enfin, je défendrai un certain nombre d’autres amendements, certains ayant pour seul objet d’introduire les modifications apportées par cette proposition de loi au sein du code du sport.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne serons peut-être pas d’accord sur toutes les propositions, mais je nous sais guidés par l’intérêt général du sport.
À l’heure où le Paris-Saint-Germain vient de remporter sa première Ligue des champions, où, pour la cinquième année consécutive, un club français – l’Union Bordeaux Bègles (UBB) – a remporté la Champions Cup, sans oublier les magnifiques parcours de l’Association sportive de Monaco en Euroligue de basket ou du Montpellier Handball (MHB) en Euroligue de handball, on peut dire que le sport français est au sommet des compétitions européennes. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Néanmoins, cela ne doit pas nous faire perdre de vue les enjeux structurels auxquels le sport français est confronté et auxquels cette proposition de loi vise à apporter des réponses. Il y va de l’avenir de nos clubs professionnels, de nos fédérations, de nos ligues, du sport en général.
Le sport professionnel et les champions qu’il crée sont des leviers essentiels à la pratique sportive en France. J’y suis particulièrement attachée.
C’est donc avec la même responsabilité que celle dont font montre Laurent Lafon et Michel Savin, respectivement auteur et rapporteur de cette proposition de loi, que j’émets un avis favorable sur ce texte. Le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée,… (Applaudissements au banc des commissions.)
M. Damien Michallet. Très bien !
Mme Marie Barsacq, ministre. … afin de donner aux acteurs tous les outils qui leur seront nécessaires dès la saison 2026-2027. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de ce texte opportun me permet d’en saluer l’initiative et de souligner le travail de ciselage qui a pu être réalisé. Je remercie donc son auteur, Laurent Lafon, ainsi que le rapporteur, Michel Savin, de leur détermination.
Fruit des conclusions de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français, ce texte permet de repenser un équilibre face à des problématiques croissantes, liées à la fois à une crise financière et économique, ainsi qu’à certains choix qui perturbent tout un écosystème et attentent jusqu’à la vie des clubs.
Cette proposition de réforme, tant de la gouvernance que de l’environnement économique de la discipline, s’étend bien évidemment à l’ensemble du sport professionnel. Le texte prévoit de préciser et de sécuriser les dispositifs en vigueur, d’accroître la solidarité en matière de gestion et de renforcer les contrôles afin de préserver l’équilibre de notre modèle sportif.
Plutôt que de revenir sur un modèle historique qui a fait ses preuves, cette proposition de loi permet de consolider l’existant de façon inclusive et démocratique, mais également d’apaiser et de rééquilibrer les relations entre ligues et fédérations.
Il était urgent de clarifier les responsabilités entre les différentes entités sportives, en particulier à travers les mécanismes de subdélégation, ainsi que le rôle des fédérations sportives et des ligues professionnelles. Trop souvent, nous assistons à des chevauchements, des blocages ou des conflits d’intérêts, et ce au détriment de la transparence et de l’efficacité.
La subdélégation de certaines missions des fédérations aux ligues professionnelles nécessite un encadrement juridique rigoureux, garantissant l’intérêt général et l’éthique sportive.
En ce sens, les modifications significatives apportées par le rapporteur en commission emportent notre adhésion : je pense notamment à la volonté de refaçonner l’architecture du modèle par un nombre limité d’options possibles, à la mise en œuvre d’une consultation des associations de supporters, aux mesures pour dynamiser plus particulièrement le sport professionnel féminin, ou encore à la mise en place d’un contrôle de gestion plus fin.
Cependant, et parce qu’il me semble que la définition d’un nouveau modèle de gouvernance s’inscrivant dans une vision plus durable doit résulter d’un projet défendu par l’ensemble d’une discipline, autrement dit d’un choix partagé, et d’une décision prise d’un commun accord avec la ligue professionnelle existante et ses composantes, je souhaite proposer quelques ajustements qui permettront de préserver le périmètre des compétences et l’autonomie d’action de ces dernières.
Il me semble fondamental d’apporter un certain nombre de garanties relatives à la continuité du service public propre à l’organisation du sport professionnel : il faut des procédures claires et placées in fine sous l’autorité du ministre chargé des sports, en sa qualité d’organe de tutelle, pour surmonter d’éventuelles situations de blocage. À ce titre, je remercie ceux de mes collègues qui m’ont apporté leur soutien.
Par ailleurs, ce texte vient renforcer notre arsenal de lutte contre le piratage, qui menace gravement, non seulement l’économie du sport, mais aussi tout l’écosystème audiovisuel légalement établi.
C’est pourquoi nous ne pouvons que souscrire aux solutions prévues à l’article 10, l’objectif étant de s’inscrire dans une dynamique efficace, aussi bien à court qu’à moyen terme, pour satisfaire l’ensemble des acteurs et parties prenantes.
En 2023, le manque à gagner engendré par le piratage des contenus audiovisuels et des retransmissions d’événements sportifs a été estimé à 1,5 milliard d’euros, dont 290 millions d’euros pour le seul secteur du sport. Cette lutte est essentielle et contribuerait pour partie à réduire la sous-budgétisation chronique du sport en France.
Comment se fait-il que nous subissions encore de plein fouet cette « forfaiture » et tous les effets délétères en cascade que cela suppose, alors que notre pays a été très tôt force de proposition en Europe ? Nos voisins immédiats, l’Espagne, l’Italie, mais également la Grande-Bretagne, font montre de beaucoup plus de détermination et d’efficacité sur ce sujet.
Notre réponse suppose des moyens techniques plus réactifs, mieux coordonnés et proportionnés. À l’ère du numérique, il est nécessaire d’aller plus loin en favorisant le blocage en temps réel, en coopération avec l’Arcom, des serveurs diffusant illégalement les contenus sportifs, des fournisseurs d’accès à internet, et des plateformes elles-mêmes, pour que cesse cette atteinte directe aux droits des diffuseurs, qui affecte également les clubs, les fédérations et, in fine, nos territoires.
Madame la ministre, nous attendons d’urgence que le Gouvernement défende une position ferme sur cette action ciblée. (Mme la ministre opine.) J’insiste tout particulièrement sur la nécessaire célérité de votre engagement, dans la mesure où tout atermoiement aurait un impact massif sur l’écosystème.
Le sport, c’est du spectacle, de la passion, mais aussi des emplois et des ressources pour notre pays. Il est donc de notre responsabilité d’en préserver la valeur en assurant une juste rémunération des acteurs et en dissuadant fermement les auteurs de pratiques illégales.
Dans la mesure où cette proposition de loi s’inscrit dans une réforme d’envergure du sport professionnel et en garantit l’avenir, dans le respect des principes qui fondent notre République et en le prémunissant d’une logique purement commerciale, le groupe Union Centriste, au nom duquel j’interviens, votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui marque une étape décisive pour la refondation du sport professionnel français, et, en particulier, du football. J’en remercie son auteur, le président Laurent Lafon, mais également son rapporteur, notre collègue Michel Savin.
Il fait suite à un diagnostic partagé et alarmant : celui d’un modèle économique surfinanciarisé et à bout de souffle.
Les faiblesses du football professionnel sont bien identifiées : une dépendance excessive aux droits télévisuels, une gouvernance fragmentée et opaque, des inégalités croissantes entre clubs et un piratage massif qui, selon l’Arcom, représenterait près de 290 millions d’euros de pertes, avec des pics allant jusqu’à 55 % de téléspectateurs illégaux pour une retransmission donnée.
À nos yeux, ce texte apporte un certain nombre de réponses utiles. Je souhaite revenir sur quatre points clés.
Tout d’abord, il répond à l’impératif d’une meilleure justice économique entre clubs. En effet, l’article 7, qui plafonne les écarts de répartition des droits audiovisuels, permet de limiter la concentration excessive autour d’un club dominant. Il s’agit d’une avancée que nous saluons, car elle permet de mettre l’accent sur l’équité sportive comme condition de viabilité économique. Au-delà de l’équité, c’est de la vitalité de notre championnat qu’il s’agit : le mythe d’une locomotive qui tirerait l’ensemble des autres clubs vers le haut a vécu.
Ensuite, les articles visant à encadrer les rémunérations, à renforcer les obligations déclaratives auprès de la HATVP, et à soumettre les ligues au contrôle de la Cour des comptes vont dans le bon sens. Il est en effet impératif de sortir du flou, d’éviter les éventuels conflits d’intérêts et le manque de contrôle qui ont trop longtemps gangrené le secteur.
Par ailleurs, le texte s’engage certes timidement, mais s’engage tout de même à réserver une meilleure place aux supporters. Ainsi, l’article 3 associe les supporters, à titre consultatif, à la gouvernance du sport professionnel. S’il s’agit effectivement d’un premier pas, mon groupe défend quant à lui l’idée d’intégrer les représentants des supporters au sein des fédérations sportives, en vue de développer le dialogue entre les instances dirigeantes des fédérations et les groupes de supporters.
Pour nous, les supporters font partie intégrante du quotidien du sport. Acteurs incontournables, ils sont pourtant absents des instances. Si l’Instance nationale du supportérisme (INS) est un outil indispensable de rapprochement entre les fédérations, les ligues et les supporters, nous pensons qu’il serait dommageable de réduire la place des supporters à un simple rôle consultatif. Au-delà de la simple représentation des supporters, c’est en réalité l’idée même d’un sport populaire qui se joue. Le football, plus que n’importe quel autre sport, a une dimension populaire et universelle. C’est sa force !
Enfin, concernant la lutte contre le piratage, l’article 10 a pour objet de permettre à l’Arcom de bloquer en temps réel les contenus illégaux. Il s’agit d’une mesure technique qui pourrait s’avérer efficace, et que nous saluons.
Permettez-moi de dire un mot du terreau fertile sur lequel prospère le piratage, dans le prolongement de ce que je viens de dire sur la nécessité de préserver la dimension populaire du football.
Le scandale Mediapro et le changement quasi annuel d’opérateur ne font qu’accentuer la pression qu’exerce le piratage. Le coût mensuel de l’abonnement est évidemment un frein supplémentaire pour de nombreux foyers.
À l’opposé de ces logiques de court terme, qui ne visent qu’à vendre au plus offrant, ou au supposé plus offrant, les droits audiovisuels du football, posons-nous la question de ce que nous voulons réellement pour le football français. Dans les faits, ces considérations court-termistes n’ont eu pour effet que de dévaloriser le produit. Là où il était possible de faire grandir le football national, à l’instar de ce qui s’est produit dans d’autres pays européens, d’élargir son audience, d’accroître son attractivité, ces choix n’ont fait que l’affaiblir.
Je ne suis pas un doux rêveur complètement déconnecté des réalités du sport de haut niveau, et encore moins du football, et je crois qu’il existe une voie pour mieux réguler les dérives actuelles du football professionnel et en renforcer la dimension populaire.
Certes, ce texte marque une évolution que nous jugeons positive, à rebours du « tout-financiarisation » du football, mais il ne règle évidemment pas tout.
Depuis les décrets Pasqua de 1995, le sport professionnel, autrefois propriété d’entrepreneurs locaux, est devenu un objet économique mondialisé. C’est notamment le cas du football, détenu désormais par des fonds d’investissement.
S’y ajoute la question de la multipropriété, laquelle émerge et risque dans les années qui viennent de poser d’énormes problèmes sur les plans tant sportif qu’économique et moral. Doit-on accepter une concurrence encore plus déloyale, parce que certains clubs sont impliqués dans une multipropriété ? Doit-on accepter qu’un club se fasse dépouiller de son âme au nom de cette même multipropriété ?
Vous l’aurez compris, nous voterons en faveur de ce texte, tout en insistant sur la nécessité de renforcer la dimension populaire du sport, ce qui implique l’accessibilité télévisuelle, mais aussi physique de celui-ci, autrement dit des places à des prix abordables.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Jérémy Bacchi. Le sport est un bien précieux et universel : veillons à ce qu’il le reste ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sport professionnel traverse une crise profonde et grave.
Aussi, il fallait une réaction et légiférer pour répondre à de réels problèmes. Mais disons les choses franchement : ce texte est d’abord et avant tout une réponse aux errements constatés dans la gouvernance de la Ligue de football professionnel et aux dérives du football français.
Le rapport de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français, conduite l’année dernière au nom de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, est particulièrement accablant : une gouvernance opaque, un enrichissement injustifiable de certains dirigeants – dont je ne citerai pas les noms –, une gestion financière irresponsable, le tout dans un contexte où le déficit cumulé des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 est évalué à plus de 1,2 milliard d’euros.
Cette dérive résulte de l’adoption d’un modèle ultra-financiarisé, où les clubs vivent au-dessus de leurs moyens, où les droits télévisuels chutent de manière vertigineuse, et où les recettes futures sont hypothéquées au profit de fonds d’investissement étrangers.
Il était de notre responsabilité de législateurs d’agir et d’amorcer un changement de la gouvernance du sport professionnel. C’est chose faite avec l’examen de cette proposition de loi. J’en profite pour saluer le travail du président Laurent Lafon, auteur du texte, du rapporteur Michel Savin, de l’ensemble de la commission et de toutes les personnes impliquées dans cette démarche. De très nombreuses auditions et consultations ont été menées, ce dont je me félicite.
Je souhaite revenir sur certaines mesures de ce texte qui vont, selon nous, dans le bon sens.
Je pense notamment à l’encadrement renforcé des sociétés commerciales de gestion des droits audiovisuels dans le football. Cette décision doit permettre de mettre fin à l’opacité et aux dérives qui ont trop longtemps fragilisé notre modèle.
Je pense aussi au contrôle accru de l’État et des fédérations sur les ligues professionnelles. Ils doivent pleinement jouer leur rôle de gardiens de l’intérêt général ; ce texte leur donne à nouveau les moyens d’agir, notamment en cas de dérive financière ou de mauvaise gestion.
Je salue également la mesure visant le plafonnement des rémunérations des dirigeants. À l’heure où certains clubs frôlent la faillite, il n’est plus tolérable que des dirigeants de ligue s’octroient des rémunérations déconnectées de la réalité.
Le plafonnement prévu par le texte est un signal fort : dans le sport, l’exemplarité doit venir d’en haut. Les ligues jouent un rôle majeur dans l’organisation, la diffusion et la viabilité économique du sport professionnel. Plus globalement, elles constituent un atout déterminant pour le sport en France, notamment pour obtenir des moyens. C’est donc un choix d’équité et de justice sociale. Mes chers collègues, revenir sur cette mesure serait une grave erreur.
Enfin, je me réjouis de la lutte engagée contre le piratage et de la décision d’assurer davantage de transparence dans la gouvernance. Nous réaffirmons que la gestion du sport doit être irréprochable. C’est aussi une manière de rétablir la confiance entre les clubs, les supporters et les citoyens.
Vous l’aurez compris, nous considérons que, globalement, cette proposition de loi va dans le bon sens. Cependant, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite que l’on puisse aller plus loin sur certains points.
Ainsi, nous regrettons que ce texte laisse de côté des acteurs essentiels du sport : les citoyens-supporters. Les associations de supporters ne sont pas composées que de simples spectateurs. Elles font vivre les équipes, leurs stades, leurs valeurs, et sont les garantes de l’identité des clubs. Leur structuration doit être soutenue. C’est pourquoi nous défendons leur intégration dans les instances dirigeantes, comme l’auteur de la proposition de loi l’avait initialement prévu, et pas seulement pour avis consultatif.
Mon collègue Thomas Dossus défendra un amendement, qui tend à ce que les arrêtés du ministre de l’intérieur ou du préfet relatifs aux interdictions de déplacement soient pris au moins deux semaines avant la rencontre sportive concernée. Aujourd’hui, nous assistons à une recrudescence des interdictions collectives de déplacement, souvent au dernier moment. Nous proposons de changer de logique et de tendre la main aux associations afin de faire vivre l’essence même du supportérisme : assurer le spectacle grâce à la présence de supporters lors des matchs à l’extérieur, tout en garantissant la sécurité des compétitions.
Nous demandons également que les associations de lutte contre les discriminations soient intégrées dans cette gouvernance ou, a minima, systématiquement consultées, parce que les acteurs du sport ne peuvent continuer à fermer les yeux sur le racisme, le sexisme, l’homophobie qui gangrènent les tribunes comme les vestiaires. Malheureusement, l’actualité nous l’a prouvé encore récemment avec le refus de deux joueurs de porter un brassard arc-en-ciel lors de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie.
Par ailleurs, nous inspirant du rapport de notre collègue députée, Sabrina Sebaihi, relatif à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, nous proposons d’introduire un volet anticorruption dans les contrats de délégation entre l’État, les fédérations et les ligues, avec avis conforme de l’Agence française anticorruption (AFA). Cela peut paraître redondant, mais nous considérons que c’est la condition sine qua non d’une probité durable.
Enfin, ce texte ne traite pas de la question écologique. Le sport, les clubs sont confrontés aux conséquences du dérèglement climatique. Nous ne pouvons pas légiférer en 2025 sans inscrire la transition écologique au cœur des politiques sportives.
Nous voterons ce texte, car nous croyons à la nécessité de reprendre la main, mais nous le faisons avec exigence et vigilance. C’est aux joueurs, aux éducateurs, aux supporters, aux bénévoles, aux territoires que nous devons rendre des comptes. Nous continuerons à agir dans leur intérêt, pour un sport intègre, populaire et accessible à toutes et tous. (M. Jacques Fernique applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte fait suite à la mission d’information du Sénat sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football français et entend en tirer des enseignements pour l’ensemble du sport professionnel.
Permet-il des avancées en matière de transparence, d’éthique, de solidarité, de justice budgétaire, de démocratie ? Nous pensons que c’est le cas – j’en veux pour preuve l’article 10 relatif à la lutte contre le piratage des contenus sportifs –, d’où notre assentiment général.
Cependant, dans le cadre de la recherche d’un nécessaire équilibre entre le rôle stratégique de l’État et l’autonomie du mouvement sportif, cette proposition de loi n’étudie pas toutes les implications sociales, sociétales ou économiques du sport professionnel, ce qui suscite un certain nombre d’observations de notre part.
Il y a seulement neuf mois, nous célébrions l’exceptionnel bilan sportif obtenu par la France aux jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, avec 64 médailles obtenues et 22 fédérations récompensées, témoignage d’une réussite globale incontestable. Ces résultats sont essentiellement dus à des sportifs professionnels et à une organisation sous-jacente qui fut transcendée par l’apport du programme « Ambition bleue ».
En termes de résultats, le sport professionnel ne se porte donc pas si mal que cela en France. Toutefois, il regroupe des sports collectifs et des sports individuels pour lesquels la donne est très différente. Par exemple, la Ligue professionnelle d’athlétisme, premier sport olympique, a connu un échec patent. Il ne faut donc pas analyser le sport professionnel au prisme d’une seule discipline, fut-elle la plus médiatisée.
Par ailleurs, évitons d’avoir une vision manichéenne de la réalité : il n’y a pas, d’un côté, les bons présidents de fédération et, de l’autre, les mauvais présidents de ligue, ou inversement !
Certains considéreront sans doute que, pour trouver le bon compromis entre autorégulation du système et interventionnisme de l’État ou des instances bénéficiant d’une délégation de l’État, on a poussé le curseur un cran trop loin du côté de l’interventionnisme. D’où la nécessité, lorsque cela sera possible, de procéder à une évaluation du texte, d’autant plus qu’il s’agit d’une proposition de loi, c’est-à-dire d’un texte sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État.
Dans la quasi-totalité des cas, les relations entre les fédérations et les ligues ou entre les fédérations et les filières commerciales sont aujourd’hui au beau fixe. Néanmoins, les initiatives récurrentes en vue de la création de ligues privées ou les projets de lancement de compétitions internationales semi-fermées fragilisent les ligues nationales.
Nous rappelons notre attachement au principe de solidarité entre les premières divisions nationales d’un championnat et les divisions inférieures ; entre les équipes de France et les clubs ; entre les activités à caractère amateur et les activités à caractère professionnel. Il s’agit de solidarités que tout le monde revendique, mais qui sont mises à mal dans certaines circonstances. Par exemple, lors de la crise de la covid-19, certains présidents de club ont réclamé la suppression de la taxe Buffet, symbole de la solidarité entre sport amateur et sport professionnel, et dont le montant s’élève à seulement 6 % du budget du seul PSG…
En juillet 2020, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a publié un rapport d’évaluation de la loi du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs. Dans ses préconisations, elle a mis l’accent sur des enjeux qui demeureront partiellement en friche à l’issue de nos débats.
Ses rapporteurs ont ainsi réclamé une plus grande effectivité des chartes et comités d’éthique et de déontologie dans toutes les disciplines, et l’assurance que les directions nationales du contrôle de gestion (DNCG) disposent réellement des ressources humaines et matérielles nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.
Ils ont en outre regretté un évident laxisme pour sanctionner les sportifs et les clubs qui font appel en toute connaissance de cause aux prestations de personnes ne possédant pas la qualité d’agent sportif, ou l’absence de prise en compte au niveau national de rapports et observations des chambres régionales des comptes qui ont décortiqué localement certaines pratiques de clubs professionnels.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous devrions intégrer ces recommandations dans toute approche du sport professionnel.
Dans ce texte, il y a un grand absent : l’argent public, via les collectivités locales.
L’occasion nous était pourtant donnée de dresser le bilan de la loi du 28 décembre 1999 portant diverses mesures relatives à l’organisation d’activités physiques et sportives, qui avait donné naissance à un nouveau statut juridique, celui de société anonyme sportive professionnelle. Cette loi visait à soulager les collectivités territoriales dans la foulée des mesures Pasqua de 1995, qui permettaient à ces collectivités de subventionner des clubs professionnels pour des missions d’intérêt général ou dans le cadre du financement de prestations. Ces missions auraient mérité d’être réexaminées, notamment à la lumière des nouvelles compétences du bloc communal – communes et EPCI.
La France, patrie de Pierre de Coubertin et pays créateur des trois plus grands événements sportifs internationaux, a sans doute un rôle à jouer en termes d’exemplarité et pourrait produire un effet d’entraînement au niveau européen, en matière de sport professionnel notamment. Or, depuis le traité de Lisbonne de 2009, a-t-on véritablement progressé en matière de politique sportive européenne ? Je ne le pense pas vraiment. Ainsi, le problème de la multipropriété, mentionné par certains de nos collègues, n’est toujours pas réglé.
En matière de méthodologie et de calendrier, sans doute eut-il été souhaitable de faire précéder toute réforme d’une grande conférence nationale sur le sport professionnel.
En conclusion, je dirai que le sport comme élément de la culture, comme facteur de socialisation et d’émancipation, ne se développera pas sans la référence à un sport professionnel exemplaire. Ce texte entend y contribuer, raison pour laquelle nous lui apportons notre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le football fédère, émancipe et constitue un formidable vecteur de cohésion sociale. Il s’agit de l’un des sports les plus populaires en France.
Et pourtant, aujourd’hui, le football professionnel est en danger. À cet égard, le texte que nous examinons soulève des enjeux considérables, car le constat est sans appel : le modèle économique actuel est à bout de souffle, avec un déficit cumulé des clubs professionnels de football s’élevant à 1,2 milliard d’euros. Depuis 2020, le secteur traverse une crise sans précédent.
Les déceptions liées au partenariat entre la Ligue de football professionnel et le fonds d’investissement CVC Capital Partners, les départs successifs de Mediapro et Amazon, ou encore le piratage de contenus sportifs sont autant de facteurs qui n’ont fait qu’aggraver l’incertitude dans laquelle se trouvent nos clubs.
Face à cela, plusieurs leviers d’action existent. C’est ce que met en lumière le rapport de la mission d’information du Sénat sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français, qui formule trente-cinq recommandations, et dont s’inspire l’auteur de la présente proposition de loi.
Ce texte s’articule autour de trois axes : améliorer la gouvernance et la viabilité économique du sport professionnel ; mieux contrôler la gestion des ligues et des sociétés sportives ; renforcer la lutte contre le piratage de contenus sportifs.
Au-delà du sport professionnel, ce sont aussi nos territoires qui sont concernés par cette réforme, car le sport professionnel participe de nos identités locales.
En matière de gouvernance et de viabilité, la proposition de loi comporte des mesures clés, notamment pour garantir une gestion plus transparente. Les obligations des ligues, compte tenu de la subdélégation dont elles bénéficient, sont précisées. Elles devront ainsi rendre compte chaque année au ministère des sports de l’exercice de leur subdélégation.
Les critères de retrait ou de refus de renouvellement d’une subdélégation sont également précisés, même si ce point ne fait pas consensus.
En commission, un amendement du rapporteur a été adopté pour offrir la possibilité aux fédérations sportives de créer une seconde ligue professionnelle pour la gestion du sport professionnel féminin. Je salue cette mesure.
De même, la commission a voté des dispositions indispensables pour mieux encadrer la profession d’agent sportif. Le texte prévoit ainsi une obligation de formation mettant l’accent sur l’éthique ; il appelle à davantage de transparence en matière de rémunérations et prévoit le renforcement des sanctions en cas d’exercice illégal de cette profession.
La proposition de loi comprend également un volet concernant le contrôle de la gestion des ligues et des sociétés sportives. L’objectif est de préserver la viabilité du modèle économique du sport professionnel. À cet effet, l’article 9 instaure un contrôle de la Cour des comptes sur les ligues professionnelles et les sociétés commerciales.
Enfin, le texte comporte un important volet sur la lutte contre le piratage des contenus sportifs. Pour rappel, la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, adoptée sur l’initiative du Sénat, avait déjà mis en place des mesures fortes contre le piratage.
Elle avait notamment permis à l’Arcom de bloquer des sites transmettant illégalement des événements sportifs sur le fondement d’une ordonnance du président du tribunal judiciaire. Pour la seule année 2022, plus de 7 000 noms de domaines ont été bloqués à ce titre.
Compte tenu de l’ampleur du phénomène que représente le piratage, il est nécessaire d’aller plus loin. C’est ce que prévoit l’article 10 de la présente proposition de loi en renforçant les prérogatives de l’Arcom dans ce domaine. Cette autorité pourra ainsi mettre en place un système automatisé afin d’assurer le blocage en temps réel, pendant une manifestation sportive, de l’accès à des sources de diffusion illicites. À cet effet, elle aura la possibilité de communiquer aux signataires des accords volontaires anti-piratage une liste des données d’identification des services faisant l’objet de blocages.
Le texte prévoit également des délits spécifiques inspirés de l’infraction de contrefaçon de droit d’auteur prévue par le code de la propriété intellectuelle. Ces nouveaux délits viseraient le fait d’éditer ou de mettre à disposition du public des sites ou services de piratage sportif ou de commercialiser des boîtiers ou logiciels y donnant accès.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte. Néanmoins, nous resterons attentifs aux modifications qui pourraient y être apportées à la faveur de l’examen de la centaine d’amendements déposés.
Je conclurai par l’évocation des États généraux du football professionnel, lancés ce printemps par la Fédération française de football. À cette occasion, Philippe Diallo a dénoncé un problème structurel tenant au modèle économique même sur lequel repose le football professionnel, à savoir les droits audiovisuels et le système des transferts.
Si la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est ambitieuse et prévoit des mesures essentielles, il est indéniable qu’une restructuration en profondeur du secteur devra s’opérer, en impliquant toutes les parties prenantes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC et au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Jacques Grosperrin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est le fruit du travail exigeant des sénateurs Michel Savin et Laurent Lafon.
La loi visant à démocratiser le sport en France, promulguée en 2022, représentait un tournant en faveur d’un modèle sportif plus inclusif et transparent. Cependant, elle n’a pas suffi à résoudre les dysfonctionnements institutionnels et économiques mis en lumière par le rapport sur la gouvernance de la Ligue de football professionnel (LFP).
Je ne suis pas aussi enjoué que vous, madame la ministre, car le modèle économique du football français est à bout de souffle. La domination du PSG ne suffit plus à masquer la perte de compétitivité de nos clubs. Des scandales économiques, comme ceux liés à Mediapro et CVC Capital Partners, ont plongé les ligues professionnelles dans une situation financière précaire. Les pertes des clubs français sont estimées à 270 millions d’euros après droits de mutation, ce qui porte leur déficit structurel cumulé à plus d’un milliard d’euros. La rupture récente entre la LFP et DAZN a encore aggravé cette incertitude financière.
Des problèmes de gouvernance majeurs ternissent le sport de haut niveau, comme en témoignent certaines affaires récentes, que ce soit dans le rugby – je pense aux révélations concernant un président de fédération – ou dans le football – je fais référence aux relations brumeuses entre le président de la LFP et le président d’un grand club français.
Ces situations, cette « hémorragie », prospèrent en raison de l’omerta qui gangrène la gouvernance des fédérations. Le mot est fort, madame la ministre, mais je l’assume, car il décrit une réalité.
Face à une gouvernance obsolète et antidémocratique, une réponse législative était nécessaire pour rétablir équilibre et transparence. Il y a lieu de s’en réjouir, monsieur le rapporteur.
Ce texte apporte des réponses claires.
Tout d’abord, il vise à rétablir la confiance dans les institutions sportives.
À cet égard, le plafonnement des rémunérations des dirigeants dans les instances sportives délégataires et l’instauration d’une part limitée de représentants des clubs à statut professionnel au sein de l’assemblée générale des fédérations marquent la fin d’une certaine forme de clanisme.
La proposition d’associer les supporters à la gouvernance du sport à titre consultatif est une avancée, même si je regrette que leurs voix ne soient pas davantage prises en compte.
Ce texte vise à sécuriser la délégation et à encadrer les montages capitalistiques. Il renforce les obligations des ligues et offre la possibilité aux fédérations de leur retirer leur subdélégation. Lors de sa conférence de presse du 12 mai dernier, Philippe Diallo a dressé un constat clair et sans ambages. Il a proposé de refonder le système actuel du football français, avec l’idée fondatrice de calquer notre modèle sur la Premier League anglaise.
Bien que tentante, cette proposition est-elle adaptée aux réalités françaises ? Si nous voulons réellement réconcilier compétitivité et solidarité en encadrant la répartition des droits télévisuels, comme le prévoit l’article 7, nous ne devons pas prendre exemple sur le système anglais, favorable aux meilleures équipes.
En ce qui concerne la gestion des ligues et des sociétés sportives, je m’interroge sur la permanence, l’indépendance et les pouvoirs réels de la DNCG.
Par ailleurs, cette proposition de loi vise à mieux lutter contre le piratage des contenus sportifs, un phénomène qui coûte chaque année des dizaines de millions d’euros à l’écosystème du sport et à l’État, ainsi privé de recettes fiscales. Ces mesures sont nécessaires pour protéger les droits des diffuseurs et assurer des revenus stables aux clubs.
Cependant, il nous faut rester prudents sur la capacité de l’Arcom à bloquer efficacement les services pirates souvent hébergés sur des sites miroirs difficiles à détecter et à fermer. Il faut aussi éviter que des services légaux soient touchés par erreur, car ils reposent parfois sur les mêmes infrastructures d’hébergement que les sites illégaux.
Ce texte prévoit des blocages en temps réel et de nouveaux délits visant les plateformes illégales. Ces mesures sont importantes, mais elles ne résoudront rien tant que l’on ne s’attaquera pas aussi aux causes économiques du piratage, comme le prix des abonnements, devenus trop chers, ou l’inaccessibilité des opérateurs locaux aux droits de diffusion.
Il est donc crucial, madame la ministre, de bâtir une offre légale, riche et accessible à tous les passionnés. (Mme la ministre marque son approbation.) Pour cela, il nous faudra organiser des états généraux de la diffusion des contenus sportifs, réunissant tous les acteurs, afin d’élaborer un modèle plus juste et équilibré.
En cet instant, j’ai une pensée pour le FC Sochaux-Montbéliard, berceau du professionnalisme. Sans gouvernance responsable, même les clubs les plus anciens et les plus enracinés peuvent tomber…
Ce texte transpartisan remet le sport professionnel en ordre de marche. Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, car elle conjugue performance et responsabilité. La transparence doit être la règle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Adel Ziane applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme beaucoup d’entre vous, j’aime le sport et je suis un fervent supporter de nos athlètes et des équipes françaises. Même si je suis davantage amateur de l’ovalie que du ballon rond, surtout quand il s’agit du club de Grenoble, je dois dire que l’évolution du football professionnel français fait peine à voir. On peut même dire qu’elle nous irrite. Je parle non pas des joueurs, bien évidemment, mais de sa structure, de son organisation et de son modèle économique.
Dans un contexte où les dérives se multiplient depuis de nombreuses années, force est de constater que les inégalités entre les clubs se sont renforcées et que depuis le départ de la société Mediapro, en 2020, le nombre de diffuseurs a augmenté.
Dernier épisode en date : le conseil d’administration de la Ligue de football professionnel a acté, le 2 mai dernier, la fin de la collaboration avec DAZN comme principal diffuseur de la Ligue 1.
En outre, le nombre de supporters qui regardent désormais les matchs sur des plateformes illégales a explosé, ce qui entraîne un manque à gagner considérable pour les clubs et, dans une moindre mesure, pour l’État, une perte évaluée à 280 millions d’euros en 2023.
Tous ces constats figurent dans le rapport de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français, publié en octobre 2024. Ce rapport très instructif, que nous pouvons saluer collectivement, a été une source de réflexion importante pour l’élaboration du texte que nous examinons cet après-midi.
Cette proposition de loi est à mes yeux utile et nécessaire. Il prévoit un équilibre satisfaisant pour la plupart des acteurs concernés.
Tout d’abord, le texte accompagne avec lucidité la transformation de la gouvernance du football professionnel. Et quoi de mieux pour transformer une gouvernance que de mettre en place une nouvelle organisation ?
Ainsi, l’article 6 offre à la FFF la possibilité de créer une société commerciale associant la Fédération aux clubs détenteurs des droits audiovisuels. Il s’agira d’une véritable société de clubs, sur le modèle du championnat anglais, la Premier League, qui a fait ses preuves, et dans laquelle la FFF disposera d’un pouvoir élargi, conformément au projet souhaité par son président, Philippe Diallo.
Contrairement à la FFF, les autres ligues sportives peuvent créer des sociétés commerciales depuis la loi de 2022 visant à démocratiser le sport en France, afin de mieux gérer les droits sportifs. Désormais, la FFF pourra, elle aussi, disposer d’une nouvelle organisation.
Pour que la transition du football professionnel français puisse se faire dans les meilleures conditions, je défendrai un amendement visant à porter de trois à six mois le délai prévu à l’article 11 bis.
Mes chers collègues, ce texte ne prévoit pas seulement une réforme de la gouvernance du football professionnel, il propose également une refonte de l’organisation du sport professionnel en France. Je pense à l’encadrement de la rémunération des dirigeants des fédérations sportives, au renforcement de l’éthique à travers les nouvelles obligations de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), aux nouvelles incompatibilités ou encore à l’instauration du contrôle par la Cour des comptes des ligues professionnelles et des sociétés commerciales.
J’évoquerai surtout les nouvelles règles concernant la mise en œuvre des subdélégations dont bénéficient actuellement les six ligues professionnelles de basketball, de cyclisme, de handball, de rugby, de volley-ball et de football.
En effet, les ligues professionnelles auront de nouvelles obligations. Elles devront rendre compte de l’exercice de la subdélégation dont elles bénéficient et remettre un rapport sur ce sujet. Elles devront respecter le plafond applicable à la rémunération du président du conseil d’administration d’une entreprise publique et l’appliquer à celles d’un dirigeant ou d’un salarié de ligue. Elles devront également respecter l’incompatibilité de fonction entre le fait de diriger ou d’être membre de l’organe délibérant d’une ligue professionnelle et celui de détenir des intérêts ou d’exercer des fonctions au sein d’une entreprise de diffusion audiovisuelle.
Sur les enjeux de rémunération, je proposerai par amendement d’exclure la référence à la convention de subdélégation pour éviter que ces questions n’empoisonnent les négociations entre les fédérations et les ligues.
L’article 2 écarte le principe de tacite reconduction d’une convention de subdélégation afin de maintenir le dialogue entre les structures. Il s’agit d’encadrer le retrait ou le non-renouvellement de la subdélégation qui pourrait entraîner une dissolution de la ligue et le transfert de ses biens à la fédération l’ayant créée. Cet encadrement, s’il est justifié, doit être limité et précis, compte tenu des inquiétudes légitimes des ligues.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement tendant à supprimer l’alinéa 7 de l’article 2, qui prévoit qu’une fédération sportive délégataire puisse retirer la subdélégation qu’elle a octroyée « en cas de difficulté sérieuse de financement des activités sportives ». Je proposerai également, par le biais d’un autre amendement, de porter de deux à quatre mois le délai maximum prévu pour le retrait ou le non-renouvellement de la convention.
Mes chers collègues, ces nouvelles contraintes devraient faire l’objet d’un rééquilibrage. Cela a été fait en commission et j’espère que nous irons plus loin en séance au cours de nos débats.
Toutefois, si ce texte instaure de nouvelles obligations pour les ligues, il comporte également d’autres mesures, à l’instar de l’autorisation de création d’une seconde ligue féminine. Une telle possibilité est la bienvenue dans un contexte où le sport professionnel féminin prend de l’ampleur et gagne en visibilité.
Par ailleurs, l’article 2 bis, créé en commission, permet d’encadrer la profession d’agent sportif afin de lutter contre l’implication d’intermédiaires ne disposant pas de la licence d’agent.
Je dirai un mot également sur le renforcement de la lutte contre le piratage des contenus audiovisuels sportifs. L’article 10 permettra à l’Arcom de bloquer en temps réel, grâce à un système automatisé, la diffusion des contenus sportifs piratés, et ce sans ordonnance judiciaire, contrairement à ce qui se fait depuis 2021. Cette mesure prometteuse fera, je n’en doute pas, consensus dans cet hémicycle.
Ce texte, je le redis, est utile et nécessaire. Il a été enrichi en commission et j’espère que nos débats en séance permettront d’aboutir à une version équilibrée. Les membres du groupe RDPI pourront ainsi le voter avec autant de fierté que celle que nous éprouvons lorsque nous voyons des sportifs français gagner !
Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Ahmed Laouedj. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer la qualité du travail effectué sur cette proposition de loi.
Ce texte vise à mieux encadrer un secteur aussi influent que le sport professionnel et à lui donner un cadre juridique à la hauteur des enjeux économiques, sociaux et éthiques du secteur. Nous étions nombreux ici l’appeler de nos vœux.
Nous n’examinons pas aujourd’hui une simple réforme technique, nous avons avec ce texte l’occasion de rééquilibrer les forces dans le monde du sport, de renforcer la régulation de ce secteur, sa transparence et sa responsabilité. Surtout, nous pouvons redonner du souffle à un modèle parfois à bout de course.
Il faut le dire clairement, le sport professionnel français, en particulier le football, fait aujourd’hui face à de multiples défis : instabilité économique, gouvernance parfois insuffisamment lisible, tensions croissantes autour des droits audiovisuels… Le cas Mediapro a laissé des traces. Et chacun ici sait que la prochaine négociation sur les droits télévisuels sera un moment crucial.
Sur tous ces aspects, la proposition de loi comporte des avancées en prévoyant un meilleur encadrement de la gestion des ligues professionnelles, un recentrage des fédérations dans le pilotage global, des garde-fous contre les conflits d’intérêts et les excès de rémunération, une transparence accrue grâce au contrôle de la Cour des comptes, et une ouverture timide, mais bienvenue, à l’égard des supporters et des territoires.
Mais si nous voulons bâtir un modèle sportif plus durable, plus équilibré, nous devons aller plus loin et, surtout, ne pas oublier une pièce maîtresse de l’écosystème : le sport amateur.
Mes chers collègues, il existe aujourd’hui un déséquilibre croissant entre deux mondes qui ne se parlent plus assez : d’un côté, celui du haut niveau, de l’exposition médiatique et de la performance ; de l’autre, celui des clubs de quartier, des éducateurs, des bénévoles, qui forment au quotidien les champions de demain.
Je le dis avec conviction : nous ne pourrons pas repenser le sport professionnel sans associer plus étroitement celles et ceux qui tiennent le sport dans nos territoires.
C’est dans cet esprit que les membres du groupe du RDSE ont déposé plusieurs amendements visant à renforcer l’équilibre de cette proposition de loi.
Nous proposerons ainsi de mettre fin à la multipropriété, de prévoir des exigences supplémentaires pour protéger l’intégrité du joueur, et, enfin, de donner les moyens au ministre de tutelle de contrôler les flux de capitaux étrangers dans nos territoires.
Pour ma part, j’ai souhaité que les clubs amateurs et les milliers de bénévoles qui font vivre le sport dans nos territoires ne soient pas oubliés dans le cadre de cette réforme.
Je me félicite que le Gouvernement ait repris à son compte ma proposition de soutenir les clubs amateurs par l’intermédiaire des fédérations.
Le sport est un outil d’émancipation, de cohésion, de santé, d’éducation. Il est aussi un formidable levier d’intégration sociale, notamment dans des territoires comme la Seine-Saint-Denis, que j’ai l’honneur de représenter.
Dans ces territoires, le sport ne se résume pas à un spectacle du week-end. Le rôle des clubs amateurs est essentiel. Il est temps de le reconnaître à sa juste valeur.
Enfin, je tiens à remercier l’ensemble des acteurs du monde sportif, qu’ils soient professionnels ou amateurs, qui, chaque jour, s’engagent avec passion. Il s’agit non pas de dresser les uns contre les autres, mais de bâtir ensemble un modèle plus juste et plus solidaire.
C’est dans cet esprit que je salue les avancées que permet cette proposition de loi, tout en appelant à faire preuve d’une vigilance particulière lors de sa mise en œuvre. Par ailleurs, j’y insiste, il conviendra de l’articuler étroitement avec les politiques publiques en faveur du sport pour tous.
Les membres du groupe du RDSE voteront bien sûr ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Adel Ziane. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Adel Ziane. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer le travail de Laurent Lafon et de Michel Savin sur cette proposition de loi, qui reprend nombre des recommandations de la mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français.
Cette commission a mis en évidence une crise profonde : chute des droits audiovisuels, hausse du piratage, interrogations sur la gouvernance de la Ligue, clubs au bord du dépôt de bilan.
Si ces signaux d’alerte sont aujourd’hui particulièrement visibles dans le football, les dynamiques à l’œuvre ne lui sont pas propres. D’autres disciplines sont ou seront confrontées à des enjeux similaires si nous n’agissons pas. Le football est en quelque sorte le laboratoire avancé des transformations du sport professionnel.
C’est pourquoi je centrerai mon propos sur ce sport en insistant sur un impératif : la préservation de l’ancrage territorial du sport professionnel. À cet égard, je mettrai en lumière deux enjeux majeurs.
J’aborderai en premier lieu la question des financements des clubs et l’origine des fonds.
La baisse des recettes et le désengagement des acteurs économiques français ouvrent la voie à une prise de contrôle accrue des clubs par des fonds d’investissement étrangers. Or, comme le rappelait la mission dans son rapport, ces fonds, que ce soit à Saint-Ouen, à Bordeaux ou à Montbéliard, « n’ont pas vocation à s’attacher à long terme à un club ni à s’implanter dans un territoire. Les fonds arrivent et repartent en fonction d’arbitrages financiers au niveau mondial. »
Par ailleurs, dans leur recommandation n° 35, les auteurs du rapport proposaient de mieux encadrer la multipropriété de clubs de football, véritable fléau en matière d’équité sportive, afin de protéger le modèle sportif européen, fondé sur la loyauté de la compétition et l’ancrage local des clubs.
Ce sujet relève non pas du domaine législatif, mais de la régulation sportive internationale – nous avons eu l’occasion d’en parler à de nombreuses reprises. Nous appelons donc la Fédération française de football à se saisir pleinement de cet enjeu auprès de l’Union des associations européennes de football (UEFA) et de la Fédération internationale de football association (Fifa), car ces deux problématiques sont intimement et économiquement liées.
Le groupe socialiste formulera des propositions pour mieux garantir la transparence, encadrer les investissements et préserver la souveraineté économique du sport professionnel français.
En second lieu, j’évoquerai la place et le rôle des supporters. Face à une double crise, économique et de gouvernance des clubs, les supporters sont l’un des derniers piliers solides de ce modèle. Ils structurent le supportérisme, participent à l’identité des clubs et irriguent la vie associative, culturelle et caritative de nos territoires, comme dans mon département, la Seine-Saint-Denis. Leur rôle doit être renforcé et mieux reconnu. L’article 3, issu de la recommandation n° 26 de la mission, les associe à la gouvernance. C’est une avancée que nous saluons.
Le groupe socialiste proposera des ajustements au cours des débats pour renforcer leur place dans les décisions qui les concernent directement : organisation des compétitions, conditions de déplacement, cession des droits audiovisuels.
Mes chers collègues, nous sommes ici toutes et tous élus de territoires dans lesquels le sport joue un rôle structurant : il rassemble, il forge des identités communes, il soutient des dynamiques sociales, éducatives et économiques. Préserver la fonction sociale du sport suppose que les clubs restent liés à leur territoire, à leur public, à leur histoire.
C’est dans cet esprit que le groupe socialiste votera cette proposition de loi et qu’il défendra, au cours de son examen, des amendements visant à en renforcer la portée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 23 mai 2006, une ordonnance instituait en France un code du sport.
Une telle codification aurait pu marquer une stabilisation de la législation dans ce domaine. Que nenni ! Elle a agi comme un véritable stimulus pour le législateur et le Gouvernement, qui n’ont cessé depuis de multiplier les lois et règlements et, donc, de modifier non seulement le contenu du code lui-même, mais encore nombre de dispositions qui lui sont extérieures.
Alors oui, c’est bien d’une réforme globale dont nous avons besoin aujourd’hui. Malheureusement, force est de constater que ce n’est pas du tout ce que prévoit ce texte. En effet, comme cela est indiqué dans l’exposé des motifs, cette proposition de loi fait suite au rapport d’information commis l’année dernière par nos collègues Laurent Lafon et Michel Savin sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français, et dont le curieux titre était : Football-business : stop ou encore ?
En plus d’être le sport le plus populaire en France et dans le monde, le football est bien sûr et avant tout une discipline ô combien sportive. Mais il est devenu également un spectacle à part entière et, par là même, un phénomène économique de première importance, engendrant en France 5,5 milliards d’euros de valeur ajoutée et 1,3 milliard d’euros de contributions sociales et fiscales.
Pourquoi pensez-vous, madame la ministre, que le Président de la République lui-même a souhaité faire revenir à Paris le siège de la Fédération internationale de football association, la célèbre FIFA, et ce au détour d’un amendement au projet de loi de finances pour 2024 ? Le football professionnel est et restera une activité économique. La question ne se pose pas.
Cependant, vouloir généraliser les conclusions d’un tel rapport à charge à l’intégralité de disciplines sportives professionnelles, de natures aussi différentes, présente à l’évidence des risques majeurs.
Les ligues ont démontré leur capacité à structurer, à développer et à réguler le secteur professionnel dans un contexte de recul massif du soutien financier des collectivités locales – et pour cause ! – et de concurrence internationale exacerbée. Faisons en sorte que le remède ne soit pas pire que le mal.
En ce qui concerne le sport professionnel en France, les choses sont pourtant claires : il est moins victime d’un problème de structure ou d’organisation tarabiscotée que de respect scrupuleux des règles de la rationalité économique et du bon sens.
L’exemple du football professionnel français est de façon caricaturale l’exact reflet de la situation générale dans notre pays. Le football français vit clairement au-dessus de ses moyens, à tel point que sa locomotive n’entraîne même plus les wagons. Le football français et ses clubs traînent un boulet fiscal qui ne leur permet pas de lutter à armes égales avec les autres pays européens et qui accélère l’abandon de leur souveraineté.
Le football français s’abîme dans d’innombrables guerres picrocholines et de pitoyables querelles de personnes.
Et pourtant, la formation française est unanimement reconnue comme étant l’une des meilleures au monde. La région Île-de-France, qui m’est chère, pour ne prendre que cet exemple, est l’un des deux plus importants viviers de jeunes talents au monde, lesquels s’en vont inexorablement faire le bonheur de la concurrence européenne par la suite.
La solidarité des clubs professionnels tournés vers le sport amateur local participe de sa vitalité à travers les ligues, qui font bénéficier le secteur amateur des revenus engendrés par les championnats professionnels.
Madame la ministre, mes chers collègues, de grâce, plutôt que de nous ériger en redresseurs de torts ou en donneurs de leçons, soutenons le sport professionnel français, notamment le football, qui traverse des moments difficiles, à l’instar du pays. Malheureusement, ce n’est pas ce que nous allons faire avec ce texte, qui fleure bon les années 1970, en tentant de placer le sport professionnel sous la coupe d’un fédéralisme d’un autre temps. Tout cela est profondément navrant… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.
M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi témoigne d’une volonté forte, sincère et partagée d’adapter notre droit aux réalités du sport professionnel dans un contexte en pleine mutation. À cet égard, je tiens à saluer le travail approfondi et reconnu de mes collègues Laurent Lafon et Michel Savin.
Parmi les avancées notables que comporte ce texte figure l’instauration d’un dialogue structuré avec les supporters à l’article 3. Il s’agit là d’une reconnaissance utile de leur rôle dans la vitalité du sport. Sans leur confier une fonction décisionnelle, le texte leur donne enfin une place plus lisible, qui renforce la cohésion des acteurs et le lien avec nos territoires.
Je me réjouis également des dispositions de l’article 10, qui visent à lutter contre les pratiques de piratage. Ces pratiques portent gravement atteinte à la viabilité économique du sport. En les encadrant mieux, en précisant les responsabilités et en rendant les sanctions plus efficaces, ce texte répond à une urgence concrète.
Cependant, comme dans tout texte visant à mettre en œuvre une réforme d’ampleur, certaines dispositions méritent encore d’être affinées pour garantir leur bonne mise en œuvre et la stabilité du secteur.
C’est sans doute le cas de l’article 11 bis, qui organise la transformation des ligues professionnelles en sociétés commerciales. Il faut le dire avec clarté, le football professionnel, qui est sans doute le principal concerné par ce texte, n’est pas opposé à ce principe. Les travaux engagés avec la Fédération française de football montrent qu’un dialogue est en cours et qu’un modèle associant les clubs, la Fédération et les investisseurs peut tout à fait être envisagé.
Cependant, le dispositif proposé aujourd’hui suscite plusieurs interrogations légitimes, sur lesquelles je souhaite attirer l’attention du Sénat.
D’abord, d’un point de vue juridique, la perspective de la dissolution automatique d’une association pose une véritable incertitude constitutionnelle. En outre, la procédure telle qu’elle est conçue pourrait créer un déséquilibre entre les parties. Même portée à six mois, l’échéance reste inéluctable pour l’un des deux acteurs, ce qui fragilise la logique de consensus.
Ensuite, d’un point de vue fiscal, la dissolution de la Ligue de football professionnel (LFP) entraînerait la reprise de ses actifs, dont une part majeure dans la LFP Media, par la Fédération. Ces actifs pourraient ensuite être transférés par la FFF dans la société de clubs, afin que lesdits clubs puissent prendre le contrôle de la société commerciale.
Le principal actif de la société commerciale sera constitué par les 87 % du capital qu’elle possède dans LFP Media. Or, en 2022, les 13 autres pourcents avaient été évalués à 1,5 milliard d’euros, ce qui valoriserait les actifs de cette société à environ 10 milliards d’euros.
Ce serait un cadeau fait aux clubs, sans compter que le fonds d’investissement CVC Capital Partners, qui a payé 1,5 milliard d’euros pour détenir 13 % du capital de LFP Media, pourrait s’émouvoir que les clubs en acquièrent 87 % gratuitement…
Enfin, dans une telle situation, le risque serait élevé de faire peser un certain nombre de conséquences fiscales sur les clubs. Les règles comptables et fiscales prévoient en effet que les actifs acquis à titre gratuit doivent être inscrits à la valeur de marché au bilan des clubs, ce qui se traduirait par un enrichissement considérable, imposable au taux de 25 %.
En matière de gouvernance, le texte ne prévoit aucune disposition sur la composition et le fonctionnement de la future société de clubs, alors même que le code du sport encadre très strictement la gouvernance actuelle des ligues. Il semble important de garantir la présence de toutes les parties prenantes, clubs, joueurs, entraîneurs, membres indépendants, dans la gouvernance de demain, afin de préserver un équilibre démocratique et transparent.
À cet égard, le ministère des sports pourrait jouer un rôle structurant dans la validation et l’accompagnement des évolutions envisagées. Cela permettrait d’instaurer un climat de confiance et de responsabilité au service de l’intérêt général.
Car, oui, une société de clubs avec la Fédération actionnaire et un investisseur minoritaire peut constituer un modèle vertueux, mais elle doit être mise en place dans un cadre clair, partagé et sécurisé juridiquement.
Mes chers collègues, cette proposition de loi mérite d’être soutenue et peut encore être enrichie. Il est de notre responsabilité ici, au Sénat, de garantir que les grandes réformes du sport reposent sur des fondations solides, concertées et durables. Il faut que le sport professionnel puisse continuer d’être un secteur économique attrayant. Quant à nos concitoyens, ils doivent avoir la garantie de pouvoir toujours en profiter pleinement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel
Chapitre Ier
Améliorer l’organisation du sport professionnel
Avant l’article 1er A
Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l’article L. 100-2 du code du sport, après le mot : « groupements », sont insérés les mots : « qui assurent une mission d’intérêt général en faveur de ce développement ».
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement porte sur un point que j’ai évoqué lors de mon intervention en discussion générale : les relations entre les collectivités publiques et les clubs professionnels, lesquels sont, on le sait, d’une grande diversité.
Ces relations sont, depuis une trentaine d’années, très ambiguës. En théorie, les collectivités locales n’aident pas les clubs professionnels, mais, en réalité, elles le font souvent, par dérogation, notamment en finançant des missions d’intérêt général ou en payant certaines prestations, par exemple l’achat de places.
Et c’est très bien dans un certain nombre de disciplines. Il est bien évident que de nombreux clubs de handball, de basket ou de volley-ball féminin, par exemple, n’existeraient pas sans de telles subventions publiques. Il me semble donc que le moment est venu de réexaminer ces aides, en reconnaissant que les collectivités assurent ainsi une mission d’intérêt général.
J’ajoute que je trouve problématique que les contribuables locaux, à travers ces dotations, participent en quelque sorte à l’enrichissement de fonds d’investissement, lesquels sont de plus en plus souvent étrangers. Je rappelle en effet que plus de la moitié des clubs de football de Ligue 1 sont la propriété d’actionnaires étrangers, et ce à un moment où l’on parle de plus en plus de souveraineté économique.
Il faut bien sûr continuer à aider certains clubs dans certaines disciplines avec de l’argent public, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales. Ces clubs permettent d’animer la vie locale et de développer le sentiment d’appartenance à un territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. L’article L. 100-2 du code du sport prévoit que l’« État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les fédérations sportives, les entreprises et leurs institutions sociales contribuent à la promotion et au développement des activités physiques et sportives ».
Il prévoit aussi qu’ils « veillent à assurer un égal accès aux pratiques sportives sur l’ensemble du territoire. Ils veillent également à prévenir et à lutter contre toutes formes de violence et de discrimination dans le cadre des activités physiques et sportives. »
Enfin, il précise que l’« État, les associations et les fédérations sportives assurent le développement du sport de haut niveau, avec le concours des collectivités territoriales, de leurs groupements et des entreprises intéressées ».
Il n’est donc pas utile de préciser qu’il s’agit d’une mission d’intérêt général. L’insertion que vous proposez ayant une portée juridique incertaine et limitée, la commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Il convient de noter que l’article L. 100-1 du code du sport mentionne déjà que le soutien aux sportifs de haut niveau et aux équipes de France dans les compétitions internationales est d’intérêt général.
Aussi, votre amendement, qui porte sur l’article L. 100-2 du même code, vise plus largement la promotion et le développement des activités physiques et sportives. Bien que cette précision nous semble induite par l’article L. 100-1, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(Mme Sylvie Robert remplace Mme Sylvie Vermeillet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par Mme Ollivier, M. Dossus, Mme de Marco, MM. Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 122-11 du code du sport, il est inséré un article L. 122-11-… ainsi rédigé :
« Art. L. 122-11–… – Les sociétés sportives établissent, en coordination avec la fédération sportive auxquelles elles sont affiliées, le ministère chargé de la transition écologique, le ministère chargé des sports et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, et le cas échéant, avec la ligue professionnelle, une stratégie visant à réduire les impacts environnementaux de leurs activités et augmenter les capacités de résilience de leurs activités sportives et des équipements sportifs face au dérèglement climatique. »
II. – Un décret précise le contenu et les modalités d’adoption de la stratégie mentionnée au I du présent article.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement me donne l’occasion d’aborder l’enjeu environnemental dans le sport. À travers cette proposition de loi, tous les possibles s’ouvrent en effet à nous.
Nous proposons aux clubs professionnels d’élaborer une stratégie de réduction de leur impact environnemental, en lien avec les fédérations, les ligues, les ministères et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Le sport, notamment le football, a une empreinte carbone énorme. Cette empreinte représente 275 000 tonnes de CO2 par an pour le seul football professionnel. Le principal levier identifié, c’est la planification. Les clubs ont donc un rôle clé à jouer.
Transports, infrastructures, équipements, sponsors : tout doit être repensé. Cette réforme de la gouvernance sportive doit intégrer la transition écologique, mais aussi la résilience. Le sport doit apprendre à s’adapter au dérèglement climatique, qu’il subit déjà, comme les clubs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Votre intention est évidemment louable, ma chère collègue, mais je ne pense pas qu’il faille soumettre les sociétés sportives à des obligations ou des responsabilités sociales et environnementales particulières. À multiplier les normes et les contraintes, on risque de fragiliser un peu plus les clubs professionnels, dont l’équilibre économique est souvent déjà précaire.
Au demeurant, l’impact de telles dispositions sur le plan environnemental est plus qu’incertain.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Je tiens tout d’abord à souligner que le dérèglement climatique est un enjeu majeur pour le ministère des sports.
Depuis 2017, et en collaboration avec le WWF (World Wide Fund for Nature), nous avons proposé une charte des quinze engagements écoresponsables à destination des fédérations sportives et des ligues professionnelles. À ce jour, soixante-dix fédérations et deux ligues professionnelles l’ont signée. Ces démarches font évidemment l’objet d’évaluations dans le cadre du contrat de délégation.
Enfin, la Ligue de football professionnel a introduit de nouveaux critères pour structurer et renforcer les engagements des clubs en matière de responsabilité sociale et environnementale, dont l’un représente 10 % de la note de labellisation des clubs pour participer à la Ligue 1 ou à la Ligue 2.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 63 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 131-5-1 du code du sport, il est inséré un article L. 131-5–… ainsi rédigé :
« Art. L. 131-5-…. – Nul ne peut exercer les fonctions de président ou de membre de l’organe collégial d’administration d’une fédération créée en application de l’article L. 131-1 s’il a fait l’objet d’une condamnation pour un crime ou un délit mentionné à l’article L. 212-9. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement vise simplement à améliorer le contrôle de l’honorabilité des dirigeants, que nous avons collectivement fait progresser dans le cadre de textes antérieurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La loi du 8 mars 2024 visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport a effectivement instauré un contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs bénévoles. Il s’agit avant tout de protéger les mineurs, alors que le secteur sportif est malheureusement confronté – nous le savons – à des violences sexistes ou sexuelles.
Sont soumis à cette obligation d’honorabilité les éducateurs sportifs, les arbitres et juges, ainsi que les personnes exploitant un établissement où sont pratiquées les activités physiques et sportives. Si les instances des fédérations sont, il est vrai, plus éloignées des publics à protéger, elles ont néanmoins pour mission de veiller au respect des règles d’éthique dans l’ensemble de leurs disciplines respectives. Il paraît donc cohérent que les dirigeants des fédérations soient soumis aux mêmes obligations.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. L’article L. 322-1 du code du sport interdit aux personnes ayant fait l’objet d’une condamnation prévue à l’article L. 212-9 du même code d’exploiter directement ou indirectement un établissement d’activité physique ou sportive. Cela couvre l’exploitation par l’intermédiaire d’un tiers, ce qui permet d’inclure dans ce régime d’interdiction les présidents et les organes dirigeants des fédérations sportives. De cette manière, les présidents de fédérations sportives et les membres du conseil d’administration et autres organes dirigeants sont soumis au contrôle d’honorabilité.
Cela étant, monsieur le sénateur, si je peux comprendre votre volonté d’apporter certaines clarifications, la rédaction proposée soulève des problèmes de constitutionnalité, au regard notamment des principes de liberté d’entreprendre et de liberté d’association.
C’est pourquoi le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement, qui est au demeurant déjà satisfait.
Mme la présidente. Monsieur Lozach, l’amendement n° 14 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Lozach. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er A.
Article 1er A (nouveau)
Le code du sport est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 131-14, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat de délégation fixe un plafond applicable à la rémunération des dirigeants de la fédération sportive délégataire. Ce plafond ne peut excéder trois fois le plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. » ;
2° L’article L. 131-15-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les statuts des fédérations délégataires comportent des dispositions qui garantissent le caractère démocratique de leurs élections et de leur fonctionnement. À ce titre, ils prévoient notamment que les délégués des clubs à statut professionnel ne peuvent détenir plus de 25 % des voix au sein de l’assemblée générale. »
Mme la présidente. L’amendement n° 81, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. Chacun des deux volets de l’article 1er A en justifie à lui seul la suppression. C’est le sens de cet amendement du Gouvernement.
D’abord, l’objectif de limiter la part de représentants des clubs professionnels au sein de l’assemblée générale est déjà satisfait par la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, qui a créé l’article L. 131-5-1 du code du sport, aux termes duquel l’assemblée générale élective de la fédération est composée au minimum des présidents de chaque association affiliée, afin de constituer au moins 50 % du collège électoral et 50 % des voix lors de chaque scrutin. Ce seuil, qui garantit la bonne représentation des clubs, amateurs ou professionnels, est suffisant pour garantir le fonctionnement démocratique des fédérations sportives. Pour le reste, il revient à l’instance concernée de déterminer la composition de son assemblée générale élective dans le cadre de ses prérogatives de définition des statuts.
Ensuite, l’article 1er A prévoit que le contrat de délégation fixe un plafond de rémunération pour les présidents de fédération. Or il m’apparaît plus pertinent de laisser chaque discipline définir par elle-même le juste niveau de rémunération au regard de ses enjeux et de ses moyens. Imaginer que le contrat de délégation puisse intervenir dans la détermination d’un plafond de rémunération peut susciter certaines interrogations, notamment en raison des différences éventuelles de plafond, et jeter une forme de suspicion sur l’impartialité des arbitrages du ministère des sports.
Pour le Gouvernement, il est nécessaire de maintenir le fonctionnement actuel au sein des fédérations, qui n’a pas créé de problèmes majeurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Le Gouvernement aborde deux sujets.
D’une part, il souhaite supprimer le plafond de rémunération des présidents des fédérations sportives. Or la démarche de la commission consiste justement à inscrire dans la loi un tel plafond… qui existe déjà, madame la ministre ! En effet, ce plafond est en vigueur pour les fédérations sportives désirant conserver une gestion désintéressée ou la reconnaissance d’utilité publique. Il s’applique uniquement aux dirigeants, et pas aux salariés.
Aussi, nous ne faisons rien de plus que de l’inscrire dans la loi, afin qu’il soit visible par tous. Ce plafond concerne, je le rappelle, les associations dont les revenus sont supérieurs à 200 000 euros. Il s’élève aujourd’hui à 11 800 euros par mois, son montant étant revalorisé chaque année.
D’autre part, le Gouvernement a l’intention de revenir sur la proposition de la commission de ramener la part des clubs professionnels au sein de toute fédération de 33 % à 25 %.
Aujourd’hui, la seule fédération concernée est la Fédération française de football (FFF). Dans les autres sports, il n’y a pas de part réservée aux clubs professionnels au sein des fédérations ou ligues professionnelles.
Nous pouvons entendre que le football professionnel ait une part importante au sein de la FFF, notamment lors de l’élection du président. Mais ce taux de 33 % nous paraît excessif ; c’est un tiers des voix ! Il y a un risque de pression des clubs professionnels – il faut le dire – au sein du conseil d’administration et lors de l’élection du président de la fédération. Ramener cette part à 25 %, c’est renforcer le poids des ligues régionales, mais aussi celui des 12 000 clubs amateurs. Car, je le rappelle, la FFF doit avant tout représenter les clubs amateurs.
Considérant qu’il convient de ramener à 25 % la part des clubs professionnels au sein des fédérations et de plafonner la rémunération des dirigeants, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.
Mme Mathilde Ollivier. Le plafonnement de la rémunération des présidents des fédérations est, me semble-t-il, un élément important de la présente proposition de loi.
Comme M. le rapporteur l’a indiqué, les dirigeants peuvent déjà toucher plus de 11 000 euros par mois aujourd’hui. Et ceux de la FFF cumulent leur rémunération avec des revenus de gestion de l’Union des associations européennes de football (UEFA). Cela commence à faire beaucoup, en particulier s’agissant d’une fédération, celle du football, qui – je le rappelle – exerce ses fonctions dans le cadre d’une délégation de service public.
Au Sénat aussi, nos rémunérations sont plafonnées au regard de nos fonctions, en l’occurrence servir l’intérêt général. Il me paraît nécessaire de retenir la même logique pour les dirigeants des fédérations sportives.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Nous partageons le point de vue de M. le rapporteur.
Il y a tout de même eu des dérapages, certes peu nombreux, mais à fort impact médiatique. L’inscription dans la loi du plafonnement de la rémunération des dirigeants nous paraît essentielle. S’il faut évidemment garantir la disponibilité de ces derniers par une rémunération leur garantissant des conditions matérielles suffisantes, faisons en sorte de ne pas scandaliser les bénévoles associatifs, qui doivent se reconnaître dans les comportements et la déontologie des dirigeants de leur fédération.
Nous soutenons la position de la commission : nous sommes défavorables à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 81.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 304 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 321 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 105, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
1° L’article L. 131-14 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
II. – Alinéa 3, première phrase
Supprimer le mot :
sportive
III. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
b) Au troisième alinéa, après la référence : « L. 132-1 » , sont insérés les mots : « du présent code » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Le Gouvernement étant, pour les raisons que j’ai indiquées précédemment, défavorable à l’article 1er A, il ne peut, par cohérence, qu’être défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 105.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. Laouedj et Fialaire, Mme Conte Jaubert, M. Bilhac, Mmes Briante Guillemont et Jouve, MM. Roux et Masset, Mme Pantel, MM. Guiol et Gold, Mme M. Carrère et M. Grosvalet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° La seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 131-14 est complétée par les mots : « et à assurer la participation de la ligue professionnelle à la mise en œuvre des objectifs fédéraux en matière de développement, de formation et de soutien aux structures affiliées » ;
La parole est à M. Ahmed Laouedj.
M. Ahmed Laouedj. Nous souhaitons renforcer le lien entre les ligues professionnelles et les fédérations.
Alors que le sport professionnel bénéficie d’une visibilité et de ressources accrues, il apparaît essentiel que ses acteurs participent pleinement aux missions d’intérêt général, au premier rang desquelles figurent la formation des jeunes talents et le soutien au développement des clubs sur l’ensemble du territoire.
Nous proposons donc d’introduire une logique de responsabilité partagée entre le sommet et la base, c’est-à-dire l’ancrage local, dans le cadre des subdélégations prévues par le texte. Le Gouvernement étant favorable à cet objectif, je suppose que vous serez forcément favorable à cet amendement, madame la ministre…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Il est proposé d’inclure dans la convention de subdélégation conclue entre une fédération délégataire et une ligue professionnelle l’obligation de définir conjointement une stratégie de développement, de formation et de soutien aux sports concernés.
La formulation nous paraît insuffisamment précise.
Par ailleurs, il revient à la fédération de définir conjointement avec la ligue les objectifs communs que celle-ci devra mettre en œuvre. Il nous semble préférable de laisser le triptyque État-fédération-ligue fonctionner sans imposer de contraintes supplémentaires.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 131-15-1, il est inséré un article L. 131-15-1 –… ainsi rédigé :
« Art. L 131-15-1–…– L’organe collégial d’administration de la fédération sportive délégataire peut, sur proposition de l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 132-2, refuser un projet d’achat, de cession ou de changement d’actionnaires d’une société sportive lorsque la situation financière de la société est menacée. » ;
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Nous souhaitons que l’organe collégial d’administration de la fédération délégataire soit habilité, sur proposition de l’organe de contrôle, à s’opposer à l’entrée au capital d’un club d’un nouvel actionnaire susceptible de mettre en difficulté la stabilité financière du club.
Il s’agit de tirer les enseignements de ce que nous pouvons observer depuis une quinzaine d’années. Le fait de considérer un club professionnel comme un simple objet spéculatif conduit parfois à des prises de risques inconsidérées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Mon cher collègue, vous proposez une mesure supplémentaire pour permettre à la fédération de s’opposer à un tel projet sur le fondement de l’avis rendu par l’organe de contrôle. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Compte tenu de la rectification qui lui a été apportée, à savoir qu’il faut que la « situation financière » du club soit « menacée », j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 68, présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer, est ainsi libellé :
Alinéa 5, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. La part des représentants des clubs professionnels au sein de l’assemblée générale de la fédération est la résultante d’une négociation entre cette dernière et la ligue professionnelle. Elle est traduite, notamment, dans la convention de subdélégation qui les unit et qui est approuvée par leurs assemblées générales respectives et le ministre chargé des sports. Elle ne peut donc pas être remise en cause dans l’un de ses aspects seulement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Ainsi que je l’ai indiqué précédemment, notre intention n’est pas d’interdire la participation des clubs professionnels au sein des fédérations ; nous voulons simplement la ramener à une proportion acceptable, en l’occurrence 25 %.
Je le redis, la FFF est la seule fédération au sein de laquelle les clubs ont un poids aussi important. Si leur participation dans ces instances est évidemment justifiée, la proportion de 33 %, soit le tiers des voix, pourrait contribuer à faire peser une pression assez malsaine lors des élections ou au moment de la prise de certaines décisions.
Les discussions entre les fédérations et les ligues professionnelles doivent se poursuivre, mais sur la base d’un meilleur équilibre : le taux que nous proposons, 25 %, répond à cette exigence.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 68.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er A, modifié.
(L’article 1er A est adopté.)
Après l’article 1er A
Mme la présidente. L’amendement n° 83, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 122-19 du code du sport, il est inséré un article L. 122-20 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-20. – Les associations et sociétés sportives mentionnées aux articles L. 122-2 et L. 122-12 sont tenues de mettre à disposition leurs sportifs de nationalité française lorsque ces derniers font l’objet d’une convocation ayant pour but leur participation aux Jeux Olympiques et Paralympiques.
« Les fédérations sportives constatent et sanctionnent, le cas échéant, tout manquement à cette obligation dans les conditions prévues par leurs règlements.
« Lorsque la fédération a confié l’organisation des compétitions ou manifestations sportives professionnelles à une ligue professionnelle créée en vertu de l’article L. 132-1 ou à une société commerciale créée en vertu de l’article L. 333-2-1, les conditions de mise à disposition des joueurs mentionnées au premier alinéa du présent article sont fixées par la convention de subdélégation mentionnée à l’article L. 131-14 du code du sport. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. Lors des jeux Olympiques et Paralympiques, certains sportifs français n’ont pas pu être libérés par leur club pour participer, en tant que joueurs sélectionnés par leur fédération, à cet événement historique.
En effet, aucune disposition n’oblige les clubs à mettre à disposition leurs sportifs, ce qui suscite à la fois de la déception pour les joueurs frustrés de ne pas pouvoir représenter leur pays lors de cet événement à portée planétaire et de l’incompréhension chez tous les spectateurs et les acteurs du monde du sport.
Il convient de le rappeler, dans le football masculin, les jeux Olympiques ne sont pas une date dite « Fifa », c’est-à-dire obligeant tous les clubs à libérer leurs joueurs pour des compétitions ou des matchs internationaux.
Afin de participer au rayonnement de la France dans le cadre des compétitions internationales, le Gouvernement propose de rendre obligatoire, s’il en est besoin, la mise à disposition par un club français d’un sportif français pour sa participation aux jeux Olympiques et Paralympiques dès lors qu’il est convoqué par sa fédération.
Tout manquement à cette obligation pourrait être sanctionné par la fédération concernée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Madame la ministre, comme vous l’avez rappelé, lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, on a pu observer des réticences, voire le refus de certains clubs de libérer leurs athlètes pour des motifs économiques. Cela a certainement nui aux équipes françaises.
La situation porte préjudice non seulement à la carrière des athlètes concernés – certains auraient peut-être aimé participer à cet événement planétaire –, mais aussi à la qualité et à l’attractivité des compétitions, ainsi qu’aux performances des équipes de France.
Des mécanismes tels que celui que vous prônez existent à l’étranger. Par ailleurs, la Fifa le prévoit également pour ses compétitions. Aussi, il convient de mettre ce dispositif en place en France, et la commission émettra un avis favorable sur cet amendement.
Toutefois, madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur deux points.
D’une part, vous avez évoqué l’équipe de France de football. Beaucoup de ses joueurs jouent – nous le savons – à l’étranger. Comme votre dispositif ne concernerait que les clubs français, sa portée serait forcément un peu limitée…
D’autre part, quid des compétitions internationales autres que les jeux Olympiques et Paralympiques ? De grandes compétitions – championnats du monde, championnats d’Europe – sont organisées chaque année. Ce que vous proposez pourrait-il être étendu à certaines d’entre elles ? Pour les fédérations, pouvoir récupérer les meilleurs athlètes pour représenter la France est un enjeu primordial.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. Monsieur le rapporteur, vous avez peut-être à l’esprit que l’équipe d’Espagne de football pour les derniers jeux Olympiques a fait jouer ses meilleurs éléments ; c’est peut-être la raison pour laquelle elle a remporté le tournoi… L’Espagne a légiféré, comme nous pourrions le faire aujourd’hui, afin de s’assurer que les joueurs soient libérés par les clubs pour participer au tournoi olympique. C’est tout le sens de notre proposition. Et il faut malheureusement procéder pays par pays, les jeux Olympiques n’étant pas considérés comme un événement Fifa.
Vous m’interrogez également sur l’extension de la mesure à d’autres disciplines ou championnats. Je ne suis pas certaine que nous soyons prêts à en évaluer les effets éventuels. Mais c’est évidemment un sujet sur lequel il nous faut travailler : ouvrons la réflexion.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Il serait souhaitable que la question puisse être traitée dans le cadre de la navette parlementaire. Beaucoup de présidents de fédération nous ont sollicités à cet égard.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Tout le monde l’a bien compris, l’heure est – une fois n’est pas coutume – à la rigueur et à la contrainte, et le football professionnel doit s’y plier.
Madame la ministre, sauf votre respect, votre amendement illustre de manière emblématique votre méconnaissance de la vie d’un club professionnel et de ce qui pèse sur un joueur professionnel. (Mme Mathilde Ollivier et M. Pierre Ouzoulias s’exclament.) Vous aurez beau mettre toutes les contraintes que vous voudrez, il y aura toujours des aléas qui feront que tout cela restera lettre morte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 83.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er A.
L’amendement n° 61, présenté par Mme Ollivier, M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 131-14 du code du sport est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce contrat de délégation comporte un volet relatif à la prévention des atteintes à la probité, intégré après avis conforme de l’Agence nationale anticorruption mentionnée au chapitre I du titre I de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;
2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « La convention comporte un volet relatif à la prévention des atteintes à la probité, intégré après avis conforme de l’Agence nationale anticorruption mentionnée au chapitre I du titre I de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement vise à introduire un volet relatif à la prévention des atteintes à la probité dans les contrats de délégation entre l’État, les fédérations et les ligues professionnelles, soumis à un avis conforme de l’Agence française anticorruption (AFA).
En effet, les contrôles ont révélé une faible maîtrise des risques dans la plupart des fédérations, certaines se défaussant de leurs responsabilités sur les ligues, pourtant souvent les plus exposées.
En reprenant cette recommandation du rapport de la commission d’enquête parlementaire relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, nous cherchons à définir un cadre exigeant, transparent et cohérent pour lutter efficacement contre les dérives et rétablir la confiance dans le sport.
À cette recommandation validée à l’Assemblée nationale, nous ajoutons la nécessité d’un avis conforme de l’AFA.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Ma chère collègue, je pense, comme vous, que l’Agence française anticorruption pourrait accompagner utilement le ministère des sports dans la mise en œuvre de la politique sportive.
Toutefois, je ne suis pas certain de l’utilité de lui demander systématiquement un avis sur les conventions de subdélégation liant une fédération à une ligue. Cette formalité supplémentaire risque d’aboutir à l’introduction de clauses types dans ces conventions sans efficacité réelle sur les enjeux de fond.
Si l’AFA peut évidemment jouer un rôle d’accompagnement utile, il revient à l’État, qui délègue aux fédérations une mission de service public, de veiller à ce que les fédérations et les ligues se conforment à des règles de probité.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Le ministère des sports est fermement engagé dans la lutte contre les atteintes à la probité, en collaboration avec l’Agence française anticorruption.
Nous avons d’ailleurs intégré un volet relatif aux atteintes à la probité dans les nouveaux contrats de délégation, conformément au plan national de lutte contre la corruption 2024-2027.
Nous avons ainsi rappelé à la fédération signataire du contrat de délégation la nécessité de s’engager à prévenir les risques d’atteinte à la probité, en particulier les risques de corruption, et, lorsqu’elle a créé une ligue professionnelle, de veiller à ce que celle-ci respecte les engagements pris en matière d’éthique, d’intégrité et de protection des publics, qui incluent la lutte contre les atteintes à la probité et la prévention des conflits d’intérêts.
De ce fait, le contrat de délégation a d’ores et déjà été renforcé en vue d’inclure un volet de prévention et de lutte contre les atteintes à la probité.
Aussi, je considère que votre amendement est satisfait, madame la sénatrice, et vous demande de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.
Mme Mathilde Ollivier. Je souhaite obtenir une clarification. De quand datent les modifications que vous évoquez, madame la ministre ? Ont-elles été introduites depuis la clôture des travaux de la commission d’enquête il y a un peu plus d’un an de cela ? Ma décision de retirer ou non mon amendement dépendra de votre réponse.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. La campagne de validation des délégations des fédérations est en cours. Nous allons recevoir les réponses des fédérations au 30 juin. Nous analyserons ensuite les demandes formulées par les fédérations d’ici à la fin de l’année.
Dans le cadre de cette analyse, qui aura lieu dans les prochains mois, nous étudierons évidemment les problématiques de probité et de contrôle de l’AFA, comme l’avait prévu l’Assemblée nationale. C’est un travail qui reste devant nous.
Mme la présidente. Madame Ollivier, l’amendement n° 61 est-il maintenu ?
Mme Mathilde Ollivier. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 61.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 84 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 131-14 du code du sport est ainsi modifié :
1° Les mots : « une ligue professionnelle créée » sont remplacés par les mots : « une ligue professionnelle dédiée au secteur masculin ou une ligue professionnelle dédiée au secteur féminin créée » ;
2° Les deuxième et quatrième occurrences du mot : « la » sont remplacées par le mot : « une » ;
3° La sixième occurrence du mot : « la » est remplacée par le mot : « ladite ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. Le Gouvernement souhaite introduire un article additionnel, afin de répondre à l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi.
L’article L. 131-14 du code du sport mentionnerait désormais « une ligue professionnelle dédiée au secteur masculin » et « une ligue professionnelle dédiée au secteur féminin », en vue d’une meilleure articulation avec l’article L. 132-1 du même code, qui prévoit la possibilité de créer à la fois une ligue masculine et une ligne féminine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Le Gouvernement ayant rectifié son amendement, l’avis de la commission est favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er A.
L’amendement n° 86, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 131-14 du code du sport est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi modifiée :
a) Après la référence : « article L. 132-1 », sont insérés les mots : « ou à une société commerciale créée en application de l’article L. 333-2-1 » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ou la société commerciale » ;
2° À la dernière phrase, après les mots : « ligue professionnelle », sont insérés les mots : « ou la société commerciale ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. Cet amendement a pour objet d’introduire dans le code du sport le principe de la subdélégation de la fédération sportive à la société commerciale via la convention de subdélégation mentionnée à l’alinéa 3 de l’article 6.
L’article L. 131-14 du code du sport constitue le fondement de la subdélégation. Pour que les dispositions de ce code soient mieux articulées entre elles, cet article doit être modifié en conséquence et prévoir expressément que des prérogatives de la fédération peuvent être confiées à la société commerciale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 86.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er A.
Article 1er
L’article L. 132-1 du code du sport est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles peuvent créer deux ligues professionnelles distinctes lorsque l’une est compétente en matière de sport professionnel masculin et l’autre en matière de sport professionnel féminin. » ;
1° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La ligue professionnelle remet chaque année à la fédération délégataire et au ministre chargé des sports un rapport rendant compte de la mise en œuvre de la convention de subdélégation prévue à l’article L. 131-14. Un décret précise le contenu et les modalités de ce rapport. » ;
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« La convention de subdélégation mentionnée au deuxième alinéa du présent article fixe un plafond applicable à la rémunération des dirigeants et des salariés de la ligue professionnelle. Ce plafond ne peut excéder le plafond applicable à la rémunération du président du conseil d’administration d’un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial. Lorsque la ligue professionnelle a constitué une société commerciale en application de l’article L. 333-1, ce plafond s’applique à l’ensemble des rémunérations versées par la ligue professionnelle et par ladite société.
« Lorsque la ligue professionnelle commercialise des droits d’exploitation audiovisuelle, directement ou par l’intermédiaire d’une société commerciale, la fonction de dirigeant ou de membre de l’organe délibérant de la ligue professionnelle est incompatible avec la détention d’intérêts ou l’exercice de fonctions au sein d’une entreprise de diffusion audiovisuelle.
« La subdélégation mentionnée au deuxième alinéa du présent article ne peut être octroyée ni renouvelée en cas de manquement aux dispositions des cinquième et sixième alinéas. »
Mme la présidente. L’amendement n° 82 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas :
…° Au premier alinéa, les mots : « une ligue professionnelle » sont remplacés par les mots : « une ligue professionnelle dédiée au secteur masculin et une ligue professionnelle dédiée au secteur féminin » ;
…° Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la fédération décide de créer deux ligues, les missions mentionnées au premier alinéa sont exercées obligatoirement par :
« - Une ligue professionnelle dédiée au secteur masculin ;
« - Une ligue professionnelle dédiée au secteur féminin. »
III. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
La ligue professionnelle remet
par les mots :
La ou les ligues professionnelles remettent
IV. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le chapitre II du titre II du livre II du code du sport est ainsi modifié :
1° L’article L. 222-2-4 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « de la ligue professionnelle » sont remplacés par les mots : « de la ligue professionnelle dédiée au secteur masculin et de la ligue professionnelle dédiée au secteur féminin » ;
b) Au sixième alinéa, les mots : « de la ligue professionnelle » sont remplacés par les mots : « de la ligue professionnelle dédiée au secteur masculin et de la ligue professionnelle dédiée au secteur féminin » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 222-2-6, les mots : « de la ligue professionnelle » sont remplacés par les mots : « de la ligue professionnelle dédiée au secteur masculin et de la ligue professionnelle dédiée au secteur féminin » ;
3° L’article L. 222-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la troisième occurrence du mot : « la » est remplacé par le mot : « une » ;
b) Au deuxième alinéa, après les mots : « la ligue professionnelle », est inséré le mot : « correspondante ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. La création de plusieurs ligues professionnelles vise à distinguer professionnellement le secteur masculin du secteur féminin au sein d’une même discipline sportive.
Dans le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur le développement de la pratique féminine du sport, enregistré le 4 juin 2024, il était notamment question de la structuration du sport féminin au travers de ligues professionnelles spécifiques, afin d’accroître la visibilité de cette pratique et de rendre plus égalitaires les conditions de travail entre les femmes et les hommes. Le développement du sport professionnel féminin demeure un axe prioritaire du Gouvernement.
Des dispositions de l’article 1er insérées en commission répondent à cet objectif. Toutefois, le Gouvernement souhaite en clarifier les termes.
En 2024, le ministre des sports a saisi le Conseil d’État afin qu’il se prononce sur la possibilité pour les fédérations sportives de créer plusieurs ligues professionnelles. Dans son avis n° 408 106 du 12 mars 2024, le Conseil estime que « l’article L. 132-1 du code du sport ne permet pas en l’état la création de plusieurs ligues professionnelles par une même fédération sportive délégataire ». De même, afin de permettre la création de plusieurs ligues professionnelles par une même fédération délégataire, une modification du code du sport « dans sa partie législative comme dans sa partie réglementaire » est nécessaire.
En séance, a été soulignée la nécessité de changer plusieurs dispositions du code du sport et il a été précisé que la simple mention, au sein de l’article L. 132-1 du même code, de la possibilité de créer deux ligues professionnelles n’était pas suffisante.
Aussi, afin de garantir une meilleure compréhension de la loi, le Gouvernement propose, au travers de cet amendement, de réécrire les dispositions de l’article 1er ajoutées en commission et de modifier en conséquence d’autres articles du code du sport, afin que l’économie générale des dispositions de ce code prévoie expressément la possibilité de créer deux ligues professionnelles, l’une pour le secteur féminin, l’autre pour le secteur masculin.
Avec cet amendement, nous contribuons donc à la clarté et à l’intelligibilité de la loi, objectif de valeur constitutionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Avis favorable !
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 6 rectifié est présenté par MM. Piednoir, Karoutchi, Sautarel, Burgoa et Belin, Mmes Dumont et Joseph, MM. Grosperrin et Le Rudulier, Mme Hybert et M. Duplomb.
L’amendement n° 85 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 95 rectifié est présenté par MM. Rambaud, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient et Patriat, Mmes Phinera-Horth et Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.
M. Stéphane Piednoir. Le sixième alinéa de l’article 1er introduit un plafonnement de la rémunération des dirigeants et des salariés des ligues professionnelles. Au travers de cet amendement, je vous propose de supprimer cette disposition.
En effet, selon moi, il n’incombe pas au législateur d’instaurer un tel plafond au sein d’une ligue professionnelle, en s’immisçant ainsi dans la gestion de ses affaires ; il existe pour cela un conseil d’administration, dont les membres doivent pouvoir apprécier le niveau pertinent de rémunération du dirigeant ou du salarié concerné.
De manière plus générale, il me paraît regrettable que le Sénat, très attaché au principe de libre administration des collectivités locales, instaure ce type de plafonnement, se mêlant de la gestion d’une entité, quelle qu’elle soit.
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 85.
Mme Marie Barsacq, ministre. Je le considère comme défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour présenter l’amendement n° 95 rectifié.
M. Didier Rambaud. Il n’appartient pas à une fédération de s’immiscer dans la gestion de sa ligue, laquelle est, en outre, dotée de la personnalité morale. Il me paraît donc normal d’exclure ce sujet de la loi, afin d’éviter que cette question empoisonne les relations entre les fédérations et les ligues.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 41 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Levi et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Henno et Chasseing, Mme Saint-Pé, M. de Nicolaÿ et Mmes Sollogoub, Guidez, Florennes et Billon.
L’amendement n° 66 rectifié est présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
1° Première phrase
Supprimer cette phrase.
2° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
Ce plafond
par les mots :
La rémunération des dirigeants et des salariés de la ligue professionnelle
La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié bis.
M. Claude Kern. Cela vient d’être dit, il n’appartient pas à la fédération de s’immiscer dans la gestion de la ligue et de faire de la rémunération des dirigeants et des salariés un enjeu de négociation. Néanmoins, la loi peut et doit fixer un plafond de rémunération.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 66 rectifié.
M. Jean-Raymond Hugonet. Défendu !
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par M. Folliot, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
La convention de subdélégation mentionnée au deuxième alinéa du présent article
par les mots :
Un décret
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. À mes yeux, il y a deux sujets, qu’il ne faut pas mélanger.
D’abord, la question du plafonnement, lequel est importante et même essentiel, car – disons les choses telles qu’elles sont – il y a eu des dérapages. Il me paraît donc tout à fait judicieux que le législateur prenne un certain nombre de mesures à cet égard ; cela ne pose aucune difficulté.
Ensuite, la question de la place de la rémunération des dirigeants dans les discussions entre la ligue et la fédération. Pour que ce point ne devienne pas un enjeu de la négociation, je propose que les règles soient fixées par décret, c’est-à-dire par vous, madame la ministre, de sorte que la rémunération des dirigeants de la ligue ne constitue pas un levier de pression et une source de conflit entre celle-ci et la fédération.
Mme la présidente. L’amendement n° 67, présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
constituée sous forme associative
2° Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. La définition de la rémunération des dirigeants d’une société commerciale de droit privé doit se faire dans les conditions du droit commun, faute de quoi, le marché des talents étant très restreint, les sociétés commerciales de gestion des droits peineront à attirer les meilleurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Nous abordons là un point essentiel des travaux réalisés, sous la présidence de M. Lafon, par la commission de la culture, dotée des pouvoirs d’enquête, dans le cadre de sa mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français.
Je peux entendre les arguments en faveur de la responsabilisation des membres des conseils d’administration pour ce qui touche à la rémunération des dirigeants des ligues.
Toutefois, le constat que nous avons fait lors de nos travaux était assez surprenant : je le rappelle, la rémunération du président de la Ligue de football professionnel – car c’est bien de ce sport qu’il s’agit, les autres ne sont pas concernés – s’élevait à 400 000 euros lorsqu’il a été élu et est ensuite passée à 1,2 million d’euros !
M. Jacques Grosperrin. Ah oui, tout de même…
M. Michel Savin, rapporteur. Il a ensuite consenti un effort et a accepté d’abaisser sa rémunération à 800 000 euros, mais, dans le même temps, les ressources du football professionnel ont diminué !
L’auteur de la proposition de loi nous propose donc de plafonner les revenus du président de la Ligue à 450 000 euros, c’est-à-dire au montant que touche le président d’une société comme la SNCF – 43 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 290 000 employés – ou La Poste – 34 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 226 000 employés –, sachant que le budget de la Ligue s’élève à quelque 100 millions d’euros, avec un effectif d’une soixantaine de salariés !
Les dirigeants de la Ligue auraient pu, à la suite de nos travaux, nous démontrer qu’ils faisaient un effort, qu’ils prenaient des décisions pour remédier à la situation catastrophique du football professionnel français. Mais rien n’a été fait !
M. Pierre Ouzoulias. Exactement !
M. Michel Savin, rapporteur. On a continué comme si de rien n’était !
Si l’auteur du texte nous fait cette proposition, c’est parce qu’il est conscient qu’il revient au législateur d’instaurer cette règle. En effet, du fait des pressions des uns et des autres, aucune décision n’est prise, malheureusement, par la Ligue, ou alors elle prend des décisions complètement ahurissantes, qui font hurler les supporters du foot eux-mêmes !
M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr !
M. Michel Savin, rapporteur. En effet, ceux qui aiment le foot ne comprennent pas que le président de la Ligue touche plus de 800 000 euros alors que le foot français est en pleine déconfiture !
Aussi, madame la ministre, le fait que le Gouvernement dépose un tel amendement me laisse sans voix. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
J’aurai donc une question : qui, au sein du Gouvernement, a écrit cet amendement ?
M. Pierre Ouzoulias. Le PSG !
M. Michel Savin, rapporteur. Qui, au sein du Gouvernement, soutient un amendement tendant à supprimer le plafonnement de la rémunération du président de la Ligue de football, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, les autres n’étant pas, je le redis, concernées ?
M. Pierre Ouzoulias. Il faudrait regarder du côté du Qatar…
M. Michel Savin, rapporteur. Madame la ministre, est-ce vous qui êtes à l’origine de cet arbitrage ? Je vous le dis sincèrement : je ne le crois pas.
M. Max Brisson. Moi non plus !
M. Michel Savin, rapporteur. Mais il serait intéressant d’avoir la réponse à cette question !
Alors que le Premier ministre demande aux Français de faire des efforts,…
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
M. Michel Savin, rapporteur. … et que, dans quelques semaines, le même Premier ministre nous demandera, lors de l’examen du budget pour 2026, de faire 40 milliards d’économies, on oserait dire au grand jour que tous doivent faire des efforts, mais qu’il faut laisser le monde du foot gérer ces questions en interne ?
Je suis donc défavorable aux amendements nos 6 rectifié, 85 et 95 rectifié, ainsi qu’aux amendements nos 28 et 67.
En revanche, je suis favorable aux amendements identiques nos 41 rectifié bis et 66 rectifié. Vous avez raison, mes chers collègues Kern et Hugonet, ce n’est pas à la fédération de déterminer la rémunération du président de la Ligue. Nous proposons de fixer le plafond ; à charge pour le conseil d’administration de définir ensuite le montant de la rémunération dans ce cadre. Conserver le principe d’un plafonnement est une question d’équité. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. Jacques Grosperrin. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements identiques au sien, ainsi qu’aux autres amendements en discussion commune. (Murmures sur diverses travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je souhaite remercier vivement M. le rapporteur de la clarté et de la force de son propos.
Celui-ci s’ancre dans un rapport d’information qui était non pas à charge – cela n’entre d’ailleurs pas dans les habitudes de la commission de la culture –, mais, au contraire, d’une très grande lucidité, et qui a démontré l’ampleur des dérives dans le milieu du football professionnel.
L’enjeu de ce texte, que nous avons cosigné, est de rappeler que les fédérations ne sont pas des sociétés comme les autres, qu’elles ne sont pas des sociétés commerciales : elles ont une mission de service public. Il est donc parfaitement légitime que le législateur impose un certain nombre de barrières pour encadrer des rémunérations qui, sans cela, sont proprement scandaleuses.
M. Pierre Ouzoulias. Dans d’autres fédérations – la Fédération française de rugby, au hasard –, la rémunération des joueurs est plafonnée et c’est très sain. Comment peut-on donc imaginer que l’on impose un plafond de rémunération pour les joueurs et non pour les dirigeants ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Madame la présidente, au regard des arguments très convaincants du rapporteur et de l’absence, très édifiante – on peut imaginer beaucoup de choses… –, d’explications de Mme la ministre, je retire mon amendement au profit de celui de M. Kern.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Bien évidemment, je soutiens totalement les arguments du rapporteur, sur lesquels je ne reviens pas ; il les a énoncés avec beaucoup de conviction.
Notre proposition est le fruit d’une année de travail, depuis la constitution de la mission d’information dotée des pouvoirs d’enquête, à laquelle de nombreux commissaires de la culture ont participé, jusqu’à cette proposition de loi.
La disposition dont nous débattons concerne le football, on l’a dit. Ce sport souffre en effet d’une crise financière et institutionnelle, mais aussi d’une crise de confiance très nette, exprimée à de nombreuses reprises devant la commission – vous avez certainement entendu, mes chers collègues, des témoignages allant également dans ce sens dans vos territoires –, entre les dirigeants du football et les supporters, ceux qui vont au stade, pour qui les sommes engagées pour rémunérer certains dirigeants paraissent totalement déconnectées de la réalité.
M. Pierre Ouzoulias. Exact.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Quand on met en parallèle ces sommes, la situation du football professionnel et la dégradation de la situation des clubs, on constate l’existence d’un fossé, d’un problème de confiance, entre les supporters et les dirigeants.
C’est pour cela que, bien que je sois sensible à l’argument de Stéphane Piednoir, qui s’interroge sur l’opportunité de légiférer sur ce sujet, il me semble que, face à des dérives aussi importantes, il est nécessaire de fixer une règle, un cap. Tel est le sens de cette disposition.
Je tiens à préciser, pour éviter toute ambiguïté, que, si les trois premiers amendements identiques sont adoptés, ils feront tomber les autres, y compris le principe d’un plafond légal. Si l’on veut conserver ce plafond, il convient donc de s’opposer aux trois premiers et de voter pour les amendements identiques de Claude Kern et de Jean-Raymond Hugonet.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour explication de vote.
M. Didier Rambaud. Je précise que, si nous avons déposé l’amendement n° 95 rectifié, c’est après avoir consulté tous les présidents de ligue, qui le soutenaient. La disposition en question ne vise que le football et eux-mêmes ne se sentaient pas concernés.
Je retire néanmoins mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 95 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié et 85.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 305 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 3 |
Contre | 337 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 rectifié bis et 66 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 67 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. P. Vidal et Delia, Mme Gruny, MM. Sautarel, Lefèvre, Bruyen, Piednoir, Genet, Reynaud et Bouchet et Mme Hybert, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
ou d’une société de paris sportifs
La parole est à M. Paul Vidal.
M. Paul Vidal. L’article 1er de la proposition de loi prévoit que la fonction de dirigeant ou de membre de l’organe délibérant d’une ligue professionnelle ou d’une société commerciale créée pour la gestion des droits audiovisuels est incompatible avec la détention d’intérêts ou l’exercice de fonctions au sein d’une entreprise de diffusion audiovisuelle. Cette mesure vise à prévenir les conflits d’intérêts et à garantir l’intégrité, l’indépendance et la transparence de la gouvernance du sport professionnel.
Or les sociétés de paris sportifs constituent un secteur tout aussi sensible, susceptible d’engendrer des conflits d’intérêts majeurs. En effet, la détention d’intérêts dans une société de paris sportifs par un dirigeant du sport professionnel peut conduire à des situations où l’impartialité et l’intégrité de la gestion des compétitions seraient remises en cause, notamment en matière de manipulation des résultats ou d’accès à des informations privilégiées.
La charte d’éthique et de déontologie du football ainsi que la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France insistent sur la nécessité d’éviter tout conflit d’intérêts direct ou indirect au sein des instances sportives.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La proposition de loi instaure une incompatibilité entre, d’une part, la fonction de dirigeant ou de membre du conseil d’administration d’une ligue professionnelle et, d’autre part, la détention d’intérêts ou l’exercice de fonctions au sein d’une entreprise de diffusion audiovisuelle.
Votre amendement, mon cher collègue, vise à étendre cette logique aux sociétés de paris sportifs, renforçant ainsi la prévention des conflits d’intérêts. Il s’agit d’une mesure conforme à l’exigence d’éthique qui doit s’appliquer à la gouvernance du sport professionnel.
La loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne établit une séparation claire entre les activités de paris sportifs en ligne et les activités d’organisation de compétitions ou de manifestations sportives. Cette mesure, qui vise à garantir l’intégrité de ces deux activités, renforce le dispositif de la proposition de loi.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. La loi du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs a introduit l’exigence pour une fédération et, le cas échéant, pour sa ligue professionnelle d’édicter des règles visant à interdire aux acteurs de la compétition, y compris à leurs dirigeants et à leurs salariés, de détenir une participation au sein d’opérateurs de paris sportifs. L’objectif de l’amendement nous paraît donc satisfait.
Néanmoins, les changements substantiels apportés par cette proposition de loi, notamment la possibilité de créer des sociétés commerciales de club, peuvent nécessiter une nouvelle précision sur ce point.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Nous voterons pour cet amendement.
Nous n’aurons plus, je crois, l’occasion de parler des paris sportifs en ligne dans la suite de notre débat. Or je souhaitais faire quelques remarques à ce sujet.
D’abord, chaque année, lors du débat budgétaire, nous nous prononçons pour le déplafonnement des produits des paris sportifs en ligne, puisque c’est là que se trouve l’argent, et que, bien évidemment, nous aimerions que ces paris financent davantage la politique sportive du pays. Nous avons pu prendre connaissance des chiffres de l’exercice 2024 : ils sont extravagants, puisque les mises ont atteint 1,7 milliard d’euros cette année-là, avec un taux de croissance à deux chiffres !
Ensuite, il faut le rappeler sans cesse, la loi de 2010 a instauré un droit au pari, dont la première fonction est de lutter contre les manipulations sportives et de financer des actions de prévention, en direction notamment des comportements addictifs. En effet, 30 % du chiffre d’affaires des paris sportifs sont le fait de joueurs dits pathologiques, dont le nombre ne cesse d’augmenter. Tout ce qui concerne la prévention est donc indispensable.
Par conséquent, ce droit au pari n’a pas été institué pour l’amélioration des fonds propres d’une société commerciale ; il convient de demeurer vigilant à cet égard.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 132-1-2 du code du sport, il est inséré un article L. 132-1-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 132-1-2-…. – Les ligues professionnelles créées en application de l’article L. 132-1 assurent l’information des fédérations sportives délégataires, selon des modalités fixées par la convention prévue à l’article L. 131-14, sur les actions qu’elles entreprennent concourant au respect des obligations imposées aux fédérations par le 19° du I de l’article L. 232-5. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement a trait à l’efficacité de la lutte antidopage, qui exige l’implication de tous, les fédérations, les ligues professionnelles, mais également l’ensemble des acteurs, publics ou privés, de la politique sportive. Il a pour objet de préciser les rôles de chacun dans le cadre de la convention entre la ligue et la fédération.
Le dopage représente un fléau pour le sport ; c’est un problème de santé publique et d’équité sportive, qui mérite une telle disposition. Ce n’est pas parce que l’on n’a pas de contrôles positifs tous les jours que le dopage ne subsiste pas, dans le sport amateur ou professionnel.
Dans ce domaine, il faut placer chacun face à ses responsabilités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Les dispositions du code du sport reflètent la responsabilité des fédérations en matière de santé des licenciés, de prévention, de coopération avec l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et d’application des sanctions prononcées par celle-ci.
Le code du sport responsabilise ainsi les fédérations en matière de prévention et de lutte contre le dopage, notamment par le biais de la protection de la santé des licenciés, avec l’obligation de mettre en œuvre une stratégie de prévention avec l’AFLD et de coopération active.
Il serait en effet étonnant de tenir une fédération pour entièrement responsable des actions qu’elle n’aurait pas elle-même mises en œuvre, en raison d’une délégation de la ligue professionnelle qu’elle a créée, sans qu’elle puisse obtenir d’informations sur ces actions.
L’adoption de cet amendement permettrait à la fédération de disposer de l’autorité nécessaire pour demander des informations à sa ligue professionnelle et pour superviser pleinement les actions mises en œuvre par celle-ci en matière de lutte contre le dopage.
Ainsi, pour impliquer pleinement les ligues professionnelles dans la lutte contre le dopage et sécuriser les actions qu’elles peuvent mettre en œuvre, comme la responsabilité des fédérations sportives, je suis favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 15, présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 132-1-2 du code du sport, il est inséré un article L. 132-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 132-1…. – Nul ne peut exercer les fonctions de président ou d’administrateur ou siéger dans un organe délibérant d’une ligue professionnelle créée en application de l’article L. 132-1 s’il a fait l’objet d’une condamnation pour un crime ou un délit mentionné à l’article L. 212-9. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement, qui complète le contrôle d’honorabilité des dirigeants dont nous avons parlé précédemment, se justifie par son texte même.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Comme votre amendement n° 14, monsieur le sénateur, cet amendement est à mes yeux satisfait. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. Monsieur Lozach, l’amendement n° 15 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Lozach. Comme mon amendement n° 14, je maintiens celui-ci, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.
Article 2
Après l’article L. 132-1-2 du code du sport, il est inséré un article L. 132-1-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-1-3. – I. – La subdélégation octroyée à une ligue professionnelle par une fédération délégataire en application de l’article L. 131-14 prend fin au terme de la convention prévue au même article L. 131-14, sauf si une nouvelle convention la renouvelle. Le cas échéant, la fédération informe la ligue de son souhait de ne pas renouveler la convention au minimum six mois avant son échéance. À la demande de l’une des deux parties, en l’absence d’accord sur le renouvellement de la subdélégation, une procédure de conciliation est engagée sous l’égide du Comité national olympique et sportif français.
« Une fédération sportive délégataire peut retirer la subdélégation qu’elle a octroyée avant le terme de la convention qui l’organise :
« 1° En cas de défaillance grave dans l’exercice des prérogatives subdéléguées ;
« 2° En cas d’atteinte à l’ordre public ou à la moralité publique ;
« 3° En cas de manquement grave aux obligations résultant du présent code ou de la convention mentionnée au premier alinéa du présent I ;
« 4° En cas de difficulté sérieuse de financement des activités sportives à caractère professionnel des associations qui lui sont affiliées et des sociétés sportives ;
« 5° (Supprimé)
« La subdélégation est retirée par une décision motivée, prise après avis du ministre des sports, à l’issue d’une phase contradictoire dont les modalités sont fixées par décret. La ligue professionnelle est préalablement informée des motifs fondant le retrait et est mise à même de présenter des observations écrites ou orales.
« II. – Le retrait de la subdélégation ou son non-renouvellement dans un délai de deux mois suivant le terme de la convention qui l’organise entraîne la dissolution de la ligue professionnelle.
« Les biens d’une ligue professionnelle dissoute sont transférés à la fédération sportive délégataire qui l’a créée. Celle-ci est substituée à la ligue professionnelle dissoute dans ses droits et obligations, y compris ceux relatifs aux contrats de travail, sans atteinte aux contrats de diffusion.
« Le retrait de la subdélégation, son non-renouvellement et la dissolution de la ligue professionnelle n’ouvrent droit à aucune indemnisation pour les dirigeants de cette dernière et ne peuvent pas donner lieu au versement d’une somme d’argent à leur profit.
« III. – Lorsqu’elle en est devenue détentrice en application du II, la fédération sportive délégataire cède, à titre gratuit, tout ou partie des titres de propriété du capital social et des droits de vote de la société commerciale créée en application de l’article L. 333-1 aux sociétés sportives, propriétaires des droits d’exploitation audiovisuelle en application du même article L. 333-1, qui participent aux compétitions ou manifestations sportives dont les droits d’exploitation sont commercialisés ou gérés par cette société commerciale. La cession bénéficie alors à chacune de ces sociétés sportives. La société commerciale est alors régie par l’article L. 333-2-1.
« La fédération sportive délégataire et, le cas échéant, les sociétés sportives ne peuvent détenir moins de 80 % du capital et des droits de vote de la société commerciale. »
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.
M. Philippe Folliot. Avec cet article, nous touchons au cœur de ce texte : les subdélégations pouvant être octroyées aux ligues par les fédérations.
Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, nous avons bien compris que vous cibliez particulièrement les dérives du monde du football et nous sommes unanimes pour constater et regretter un certain nombre de pratiques.
Pour autant, le sport professionnel en France n’est pas à l’image de ce sport et vous me permettrez, mes chers collègues, de m’exprimer à ce sujet en tant que président de l’Amicale parlementaire de rugby.
Nous avons la chance, avec le Top 14, d’avoir le meilleur championnat de rugby au monde ; l’équipe de France de rugby a remporté le Tournoi des six nations l’an dernier ; notre équipe de rugby à 7 est championne olympique – vous ne l’avez pas mentionné, madame la ministre – ; et un club français est champion d’Europe pour la sixième année consécutive.
Tout cela est largement lié aux bonnes relations qui existent entre la Fédération française de rugby et la Ligue nationale de rugby ; même si elles n’excluent pas quelques difficultés de temps en temps, elles ont prouvé leur efficacité.
Aussi, je ne voudrais pas que, en adoptant cet article pour régler le problème du football, on jette le bébé des autres sports avec l’eau du bain, si vous me permettez l’expression…
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 30 est présenté par M. Folliot.
L’amendement n° 45 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Levi et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Henno, Chasseing et de Nicolaÿ et Mmes Sollogoub, Guidez, Saint-Pé, Florennes et Billon.
L’amendement n° 72 est présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, dernière phrase
Remplacer cette phrase par quatre phrases ainsi rédigées :
Si dans les trois mois avant l’échéance de la subdélégation aucun accord n’a pu être trouvé entre la fédération et la ligue professionnelle, le ministre chargé des sports désigne un médiateur. Si dans un délai de trois mois à compter de sa désignation le médiateur n’a pu aboutir à un accord, le ministre chargé des sports soumet aux assemblées générales de la fédération et de la ligue professionnelle un projet de convention de subdélégation. La convention de subdélégation initiale reste en vigueur pendant cette période. Le ministre chargé des sports peut donner force exécutoire à son projet de convention en cas de désaccord persistant jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention par la fédération et la ligue professionnelle.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour présenter l’amendement n° 30.
M. Philippe Folliot. Cet amendement tend à répondre aux enjeux que je viens d’évoquer, et dont d’autres orateurs ont fait état, en instaurant des relations plus équilibrées et plus équitables entre la ligue et la fédération, et en faisant en sorte que le ministère prenne toute sa part dans la résolution des situations dont il est question.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié bis.
M. Claude Kern. Il s’agit de placer les situations de blocage touchant à la pérennité de la subdélégation sous l’autorité de dernier ressort du ministre chargé des sports, en sa qualité d’organe de tutelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 72.
M. Jean-Raymond Hugonet. Défendu.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 111, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 30, alinéa 3, deuxième à dernière phrases
Rédiger ainsi ces phrases :
Si, à l’échéance de la convention de subdélégation, celui-ci n’a pu aboutir à un accord, le ministre chargé des sports peut prolonger sa mission et proroger la convention de subdélégation existante pour une durée maximale de trois mois. Le ministre des sports peut, pendant cette période, soumettre un projet de convention aux assemblées générales de la fédération et de la ligue professionnelle. Au terme de la prorogation, et après consultation de la fédération, le ministre chargé des sports peut donner force exécutoire à ce propre projet de convention.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Une précision à l’attention de notre collègue Philippe Folliot : si les projecteurs sont aujourd’hui braqués sur le football français, d’autres fédérations et d’autres sports ont connu ou connaissent certaines difficultés d’ordre relationnel entre le président de la fédération et celui de la ligue.
Les amendements identiques nos 30, 45 rectifié bis et 72 visent à donner au ministre la faculté de désigner un médiateur en cas de désaccord entre la fédération et la ligue professionnelle sur le renouvellement de la convention de subdélégation. En cas d’échec de la médiation, le ministre pourrait donner force exécutoire à son propre projet de convention, pour une durée qui n’est toutefois pas précisée, alors qu’un tel blocage peut s’étendre sur des mois et des mois.
Je propose donc de reprendre l’idée d’une médiation, qui pourrait durer jusqu’à trois mois après l’expiration de la convention. Le ministre pourrait, dès lors, soit prolonger la convention existante pour trois mois soit donner force exécutoire à son propre projet de convention, après consultation de la fédération.
La crainte est qu’une situation de blocage s’éternise sans solution en perspective. Mon sous-amendement a donc pour objet, dans pareil cas, de redonner la main au ministre.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 29 est présenté par M. Folliot.
L’amendement n° 42 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Levi et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Henno, Chasseing et de Nicolaÿ et Mmes Sollogoub, Guidez, Florennes et Billon.
L’amendement n° 69 est présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, dernière phrase
Remplacer les mots :
Comité national olympique et sportif français
par les mots :
ministre chargé des sports
La parole est à M. Philippe Folliot, pour présenter l’amendement n° 29.
M. Philippe Folliot. L’objet de cet amendement de repli est de placer la procédure d’arbitrage prévue en l’absence d’accord sous l’égide du ministre chargé des sports et non du Comité national olympique et sportif français (CNOSF).
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 42 rectifié bis.
M. Claude Kern. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 69.
M. Jean-Raymond Hugonet. Il est également défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur les amendements nos 30, 45 rectifié bis et 72, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement n° 111, et un avis défavorable sur les amendements nos 29, 42 rectifié bis et 69.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Avis favorable également sur les amendements nos 30, 45 rectifié bis et 72, sous réserve de l’adoption du sous-amendement de M. le rapporteur. Sur les amendements nos 29, 42 rectifié bis et 69, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. L’article 2 ayant donné lieu à un certain nombre de prises de position, dans cet hémicycle et ailleurs, je souhaite donner quelques éléments d’explication qui répondront en partie à la remarque de mon collègue et ami Philippe Folliot.
S’il existe bien une spécificité du football, la question des tensions entre ministère, fédération et ligue ne le concerne pas exclusivement ; d’autres sports ont connu des tensions similaires ces dernières années, qui ont pu aller assez loin : des procédures sont en cours devant le Conseil d’État, ce qui témoigne d’un certain vide dans les modalités de règlement de ces conflits.
Si cet article 2 n’est jamais utilisé, ce sera tant mieux ! L’objectif n’est évidemment pas qu’il soit employé de façon intempestive ou injustifiée. Il n’empêche que des situations de conflit peuvent survenir. Avec la rédaction que nous proposons, nous ne prenons pas parti : nous nous gardons bien d’en imputer systématiquement la responsabilité à la ligue ou à la fédération. Nous savons en effet qu’il s’agit souvent de conflits de personnes et que les responsabilités peuvent être tout à fait partagées.
La solution proposée à l’article 2 consiste à encadrer autant que faire se peut la procédure en cas de conflit. La possibilité de rompre une convention n’est pas une création de cet article : par définition, on sait, lorsqu’on signe une convention, qu’elle peut être rompue ; encore faut-il préciser comment se déroule cette phase.
À l’écoute d’un certain nombre de remarques formulées notamment par les présidents de ligue, le rapporteur a ajouté à la version initiale qui était la mienne deux temps qui me semblent importants pour apaiser les esprits : premièrement, une phase de médiation ; deuxièmement, l’intervention du ministère pour jouer un rôle d’arbitre et, le cas échéant, apaiser les tensions.
Voilà l’esprit de cet article 2. Avec l’adoption des amendements et du sous-amendement proposés, la rédaction évoluerait dans le bon sens.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 30, 45 rectifié bis et 72, modifiés.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 29, 42 rectifié bis et 69 n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 106, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer le mot :
sportive
II. – Alinéa 11, première phrase
Supprimer le mot :
sportive
III. – Alinéa 13
1° Première phrase
a) Supprimer le mot :
sportive
b) Remplacer la première occurrence du mot :
aux
par les mots :
à chacune des
2° Deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
IV. – Alinéa 14
Supprimer le mot :
sportive
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 34 est présenté par M. Folliot.
L’amendement n° 47 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Levi et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Henno, Chasseing et de Nicolaÿ et Mmes Sollogoub, Guidez, Saint-Pé et Billon.
L’amendement n° 74 est présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 11 et 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour présenter l’amendement n° 34.
M. Philippe Folliot. L’alinéa 11 de l’article 2 prévoit que les biens d’une ligue professionnelle dissoute soient transférés à la fédération sportive délégataire qui l’a créée. Or les conditions de transfert des actifs d’une ligue en cas de dissolution devraient relever du droit commun et non de dispositions du code du sport. Il s’agit donc d’un amendement de simplification.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 47 rectifié bis.
M. Claude Kern. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 74.
M. Jean-Raymond Hugonet. Il est défendu également.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La proposition de loi clarifie les conséquences d’un retrait ou d’un non-renouvellement de la subdélégation octroyée par une fédération sportive à une ligue professionnelle. Le transfert des biens à la fédération constitue la suite logique d’un tel retrait : ce qui est à la ligue revient à la fédération.
Le retrait ou le non-renouvellement de la subdélégation est par définition déjà possible : l’objet de la proposition de loi est de l’encadrer, ce qu’a rappelé le président de la commission tout à l’heure, en en précisant les motifs et les conséquences. La perte par la ligue de son objet social, consécutive à une telle décision, conduit logiquement à sa dissolution et au transfert de ses biens et de ses contrats, y compris de ses contrats de travail, à la fédération qui l’a créée.
En pareil cas, on le voit, l’ensemble des prérogatives de la ligue revient à la fédération.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Avis favorable sur l’amendement n° 106 de M. le rapporteur.
Sur les amendements identiques nos 34, 47 rectifié bis et 74, l’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission : défavorable.
M. Claude Kern. Je retire mon amendement, madame la présidente !
M. Philippe Folliot. Moi de même !
Mme la présidente. Les amendements nos 34 et 47 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 106.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 74 n’a plus d’objet.
Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 23 est présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 31 est présenté par M. Folliot.
L’amendement n° 43 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Levi et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Henno, Chasseing et de Nicolaÿ et Mmes Sollogoub, Guidez, Florennes et Billon.
L’amendement n° 70 est présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer.
L’amendement n° 96 rectifié est présenté par MM. Rambaud, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient et Patriat, Mmes Phinera-Horth et Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l’amendement n° 23.
M. Jean-Jacques Lozach. Il s’agit de supprimer le critère inscrit à l’alinéa 7 de l’article 2 : à nos yeux, en effet, les considérations économiques qui y sont mentionnées pour justifier un retrait de la subdélégation nous paraissent assez vagues, peu encadrées, non définies juridiquement et susceptibles de fonder des motivations arbitraires.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour présenter l’amendement n° 31.
M. Philippe Folliot. Mêmes arguments : cette notion, un peu trop vague, risque d’ouvrir la voie à de futurs contentieux.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié bis.
M. Claude Kern. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 70.
M. Jean-Raymond Hugonet. Il est défendu également.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour présenter l’amendement n° 96 rectifié.
M. Didier Rambaud. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. L’article 2 détermine plusieurs motifs de retrait de la subdélégation octroyée à une ligue professionnelle, dont l’un est fondé sur des « difficultés sérieuses de financement ». De telles difficultés imposent en effet de revoir la stratégie conduite par la ligue.
Les travaux que nous avons menés dans le cadre de notre mission d’information dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête ont démontré que des choix et des décisions votés par un conseil d’administration peuvent mettre une ligue en difficulté financière : ainsi de l’achat d’un siège à plus de 130 millions d’euros, dans un contexte de visibilité nulle sur les ressources issues des droits TV, pour la Ligue de football professionnel – mais je pourrais citer également les choix effectués en matière de distribution de bonus et de rémunérations.
Je rappelle que l’État accorde une délégation de service public à la fédération, qui elle-même octroie à une ligue une subdélégation assortie de prérogatives. En tant que délégataire d’un service public, la fédération est responsable, ultimement, du bon déroulement des compétitions. Elle doit pouvoir agir pour redéfinir sa stratégie en cas de difficultés économiques sérieuses mettant en péril non seulement, bien sûr, le sport professionnel, mais aussi, par ricochet, le sport amateur, le second étant en partie financé, je le rappelle, par le premier.
Les difficultés financières dont il est question ne vont donc pas sans conséquences : il est de la responsabilité de la fédération de se montrer vigilante quant aux conséquences sur le sport amateur de décisions contraires à l’éthique.
Il s’agit là, je le précise, d’une mesure d’ultime recours permettant à la fédération de jouer son rôle de garant et d’assumer sa responsabilité.
Avis défavorable sur ces cinq amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Ces amendements tendent à supprimer la possibilité de retirer la subdélégation octroyée à la ligue professionnelle en cas de difficulté sérieuse de financement du sport professionnel.
Les situations visées à l’alinéa 7 nous semblent couvertes par les alinéas 4, 5 et 6, qui apparaissent suffisants.
Cependant, au regard du contexte qui prévaut actuellement dans le football professionnel, il est essentiel de porter une attention particulière à ces problématiques financières. Des difficultés ponctuelles ne doivent pas nécessairement remettre en cause la subdélégation, mais nous ne pouvons laisser s’installer des difficultés pérennes.
Pour ces raisons, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. J’entends dire que la rédaction de ces dispositions serait floue ; je ne le pense pas, mais je vais tâcher de lever ces réserves.
Il me paraît extrêmement important que les critères de mise en œuvre d’une procédure visant à mettre fin à une subdélégation, qui est une procédure de crise, incluent une dimension financière relative à la situation économique des clubs et du sport professionnel en général. À quoi servent les ligues, en effet, sinon à assurer le financement du sport professionnel ? Déterminer si telle situation est ou non une situation de crise suppose bien d’en apprécier aussi la dimension financière.
Madame la ministre, vous avez cité, comme M. le rapporteur, la situation du football : si les esprits se sont éveillés à une prise de conscience aiguë, c’est précisément parce que la crise financière que connaît ce sport a des impacts très forts, notamment, sur la situation des clubs.
Faire disparaître toute dimension financière des critères d’identification d’une crise, cela me gênerait. Vous pouvez trouver cette rédaction floue, mais la navette parlementaire pourra la faire évoluer en la précisant. Reste que l’absence de toute référence à une situation financière dégradée serait, à mon sens, un élément de confusion et non de précision.
M. Michel Savin, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23, 31, 43 rectifié bis, 70 et 96 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 21 rectifié est présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 114 rectifié est présenté par M. Savin, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
prise après avis du ministre des sports,
par les mots :
à laquelle le ministre des sports peut s’opposer si elle est manifestement infondée ou disproportionnée, prise
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
M. Jean-Jacques Lozach. L’acte de dissolution d’une ligue professionnelle est un acte grave : derrière une ligue, ne l’oublions pas, il y a des clubs, des salariés, une animation territoriale, de l’enthousiasme, des supporters, des populations mobilisées derrière tel ou tel club.
C’est pourquoi l’État, en l’occurrence le ministère, a un rôle clé à jouer, me semble-t-il, lorsque surviennent de telles difficultés et de tels contentieux. En effet, pour qu’une ligue bénéficie d’une subdélégation de la part d’une fédération sportive, il faut au préalable que l’État ait accordé sa délégation à ladite fédération.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 114 rectifié.
M. Michel Savin, rapporteur. Il s’agit de permettre au ministre des sports de s’opposer au retrait de la convention de subdélégation par la fédération, dans l’hypothèse où cette décision serait manifestement infondée ou disproportionnée. Nous faisons confiance au ministre pour prendre une telle décision.
Il est en effet hors de question – nous l’avons dit tout à l’heure – qu’une décision de retrait soit motivée par des conflits de personnes. Si pareille demande est formulée, elle doit reposer sur une raison valable, et il incombe au ministre de juger de l’opportunité d’y faire droit.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 32 est présenté par M. Folliot.
L’amendement n° 46 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Levi et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Henno, Chasseing et de Nicolaÿ et Mmes Sollogoub, Guidez, Saint-Pé, Florennes et Billon.
L’amendement n° 73 est présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9, première phrase
Remplacer le mot :
avis
par le mot :
accord
La parole est à M. Philippe Folliot, pour présenter l’amendement n° 32.
M. Philippe Folliot. Il s’agit de donner au Gouvernement, par la voix du ministre, le pouvoir de décision en dernier ressort. Dans une situation de crise, il nous paraît tout à fait logique que l’État, qui accorde une délégation à la fédération, laquelle octroie ensuite une subdélégation à la ligue, puisse donner non pas un simple avis, mais bien son accord sur la rupture de ladite subdélégation.
Cet amendement particulièrement important tend à replacer l’État au cœur de ses responsabilités et, comme l’a fort justement dit M. le rapporteur, à extraire de telles procédures d’éventuels conflits de personnes entre président de fédération et président de ligue.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 46 rectifié bis.
M. Claude Kern. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 73.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je souhaite rassurer Mme la ministre : le cas échéant, mon petit doigt me dit que la décision de retrait d’une subdélégation serait prise par la personne dont vous ne pouviez nous révéler l’identité tout à l’heure quand M. le rapporteur vous posait la question. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable sur les amendements identiques nos 32, 46 rectifié bis et 73.
Je rappelle à notre collègue Philippe Folliot que le dispositif retenu remet bien le ministre au cœur de la procédure : il n’y a aucune crainte à avoir sur ce point. C’est bien le ministre qui prendra la décision s’il juge le retrait infondé ou disproportionné.
Tel est bien l’enjeu : éviter les situations de conflit de personnes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Les amendements identiques nos 21 rectifié et 114 rectifié visent à donner au ministre chargé des sports la possibilité de s’opposer au retrait de la convention de subdélégation s’il juge la décision prise par la fédération infondée ou disproportionnée. Pour ma part, je suis favorable à un parallélisme des formes : de même que le ministre chargé des sports donne son accord avant l’octroi de la subdélégation, il doit le donner aussi avant toute décision de retrait.
La caractérisation du caractère infondé ou disproportionné du retrait peut s’avérer complexe ; pour cette raison, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Pour ce qui concerne les amendements nos 32, 46 rectifié bis et 73, le code du sport prévoit que la convention de subdélégation et ses annexes entrent en vigueur après approbation du ministre chargé des sports. Il est pertinent de maintenir le même niveau d’engagement du ministre en cas de retrait de la subdélégation, afin de respecter le parallélisme des formes.
L’avis du Gouvernement est donc favorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié et 114 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements identiques nos 32, 46 rectifié bis et 73 n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 33 est présenté par M. Folliot.
L’amendement n° 44 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Levi et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Henno, Chasseing et de Nicolaÿ et Mmes Sollogoub, Guidez, Saint-Pé, Florennes et Billon.
L’amendement n° 71 est présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour présenter l’amendement n° 33.
M. Philippe Folliot. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec ce que nous avons voté tout à l’heure sur les délais relatifs à la phase de conciliation.
Il est impossible que le non-renouvellement de la subdélégation dans les deux mois suivant le terme de la convention entraîne la dissolution automatique de la ligue, car une telle perspective créerait un problème de concomitance des temps nuisible aux échanges qui doivent avoir lieu en pareilles circonstances.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié bis.
M. Claude Kern. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 71.
M. Jean-Raymond Hugonet. Bis repetita placent, madame la présidente : on a bien compris qu’il fallait de la contrainte, mais voilà que l’on tombe dans le kolkhoze ! Ce délai est bien sûr totalement incompatible avec ce que requiert ce genre d’épisode : un peu de sérieux !
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
six
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement vise à favoriser le dialogue et la conciliation pendant la période visée. Il me semblait qu’un passage du délai de deux à six mois serait pertinent, s’agissant, quand c’est possible, de rapprocher les points de vue et d’éviter des décisions hâtives.
Mme la présidente. L’amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Rambaud, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient et Patriat, Mmes Phinera-Horth et Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
quatre
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Il est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 112, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
trois
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
M. Michel Savin, rapporteur. Faisant droit à la demande de nos collègues d’allonger le temps de discussion, je propose que le délai soit porté de deux à trois mois.
Par cohérence avec le sous-amendement n° 111 que nous venons d’adopter, la commission propose de maintenir le principe d’une dissolution de la ligue en cas de non-renouvellement de la subdélégation tout en portant le délai applicable à trois mois : avis défavorable, donc, sur les amendements identiques nos 33, 44 rectifié bis et 71 ainsi que sur les amendements nos 22 et 97 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Il est souhaitable que le retrait ou le non-renouvellement de la subdélégation entraîne la dissolution de la ligue professionnelle. Si la question du délai peut être posée, l’impératif de dissolution s’impose en pareil cas. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 33, 44 rectifié bis et 71.
Pour ce qui concerne les amendements nos 22, 97 rectifié et 112, le principe d’une dissolution de la ligue après que sa subdélégation lui a été retirée n’est pas contestable – je viens de le dire ; il apparaît cependant qu’un délai de deux mois peut être jugé trop court. Un délai raisonnable doit être observé pour mener des négociations constructives : avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33, 44 rectifié bis et 71.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Après l’article 2
Mme la présidente. L’amendement n° 35, présenté par M. Folliot, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 132-1-3 du code du sport, il est inséré un article L. 132-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 132-1-… - Une fédération délégataire peut, après avoir mis en œuvre la procédure de conciliation préalable selon les modalités prévues par la convention conclue avec la ligue professionnelle qu’elle a créée, exercer un droit de réformation à l’encontre des décisions de la ligue lorsqu’elles sont contraires à ses statuts et règlements ou à la convention visée à l’article L. 131-14 organisant la subdélégation ou lorsqu’elles portent atteinte à l’intérêt général de la discipline concernée.
« Sur demande de la ligue professionnelle, la fédération transmet, par écrit, les motifs ayant fondé sa décision d’exercer son droit de réformation. »
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Cet article que je propose d’insérer dans le code du sport s’inscrit dans la continuité de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui a créé le contrat de délégation et consacré la convention de subdélégation.
Je ne fais, par mon amendement, que donner une traduction juridique aux effets produits logiquement par cette loi, en donnant aux fédérations les moyens de contrôler l’exécution de la convention de subdélégation et, dans certains cas, de s’opposer aux décisions prises par les ligues professionnelles qu’elles ont créées.
Il apparaît en effet opportun de doter les fédérations sportives délégataires d’un arsenal complet et gradué, leur permettant d’apporter des réponses proportionnées aux éventuelles difficultés qu’elles pourraient constater dans l’exercice, par une ligue professionnelle, d’une subdélégation conventionnelle.
Il convient ainsi de consacrer dans la loi le droit de réformation d’une fédération délégataire sur les décisions de la ligue professionnelle qu’elle a créée, déjà reconnu par la jurisprudence du Conseil d’État, dans les cas où ces décisions sont contraires aux statuts et règlements de la fédération ou à la convention de subdélégation, ou dans les cas où elles attentent à l’intérêt général de la discipline concernée.
Cet amendement vise donc à prévoir une gradation dans les réponses possibles aux difficultés qui pourraient survenir. Il tend à offrir à la fédération la possibilité de réformer certaines décisions de la ligue avant d’envisager la suppression de la subdélégation, mesure autrement plus grave.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Toute fédération sportive peut réformer les décisions de la ligue qu’elle a créée. Cette possibilité est prévue par l’article R. 132-15 du code du sport.
La jurisprudence du Conseil d’État a confirmé ce droit de réforme. Elle a établi que les décisions d’une ligue pouvaient être réformées dès lors qu’elles seraient « contraires aux statuts et règlements ou porteraient atteinte aux intérêts généraux de la discipline ».
L’amendement vise à inscrire ces motifs dans la loi et à mettre en place une conciliation préalable. Avant de me prononcer, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. L’amendement de M. Folliot est déjà satisfait par une disposition réglementaire, à savoir l’article R. 132-15 du code du sport. Il n’apporterait donc rien de nouveau sur ce sujet.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Je propose néanmoins de voter cet amendement afin de nous assurer durant la navette que la possibilité est déjà ouverte. S’il le faut, l’Assemblée nationale pourra revenir sur ce point.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Article 2 bis (nouveau)
Le code du sport est ainsi modifié :
1° L’article L. 222-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « consistant », sont insérés les mots : « , directement ou indirectement, » ;
– après le mot : « rapport, », sont insérés les mots : « à assister ou à représenter, » ;
– après le mot : « rémunération », sont insérés les mots : « ou avantage » ;
– après les mots : « à la », sont insérés les mots : « négociation, la rédaction ou la » ;
– les mots : « qui prévoit » sont remplacés par le mot : « prévoyant » ;
b) Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« La licence d’agent sportif est délivrée par la fédération délégataire compétente aux personnes physiques ou aux représentants des personnes morales titulaires d’un diplôme sanctionnant au minimum trois années d’études supérieures et ayant satisfait aux épreuves d’un examen écrit. La licence peut être suspendue ou retirée par la fédération. Celle-ci contrôle annuellement l’activité des agents sportifs.
« Toute personne physique détentrice d’une licence d’agent sportif est tenue à une obligation de formation continue de 20 heures par an, notamment en matière d’éthique, de moralité et de déontologie, et pour garantir la protection des intérêts physiques et moraux des mandants qu’elle représente. La fédération délégataire compétente est chargée d’en définir les modalités. L’agent est responsable du suivi de sa formation continue. Il doit déclarer avant le 31 janvier de chaque année, auprès de sa fédération délégataire compétente, les conditions dans lesquelles il a satisfait à son obligation pour l’année écoulée. Tout manquement à cette obligation est susceptible d’entraîner la suspension de la licence de l’agent. » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de son activité, telle que définie au premier alinéa du présent article, l’agent a l’obligation de communiquer à la fédération délégataire compétente toute somme qu’il a versée ou perçue ainsi que l’identité de la personne morale ou physique liée à cette opération. » ;
2° L’article L. 222-20 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– le mot : « deux » est remplacé par le mot : « cinq » ;
– le montant : « 30 000 € » est remplacé par le montant : « 375 000 € » ;
b) Au dernier alinéa, le montant : « 30 000 € » est remplacé par le montant : « 375 000 € ».
Mme la présidente. L’amendement n° 53 rectifié, présenté par MM. Fialaire et Bilhac, Mmes Briante Guillemont, M. Carrère et Conte Jaubert, MM. Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Masset et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’activité d’agent sportif ne peut s’exercer dans le cadre ou à l’appui d’un accord, d’une convention ou de tout mécanisme contractuel ayant pour objet ou pour effet de transférer à un tiers, autre que le sportif ou son employeur, un droit économique sur tout ou partie d’une indemnité versée à l’occasion du transfert, de la mutation ou de la formation d’un sportif. » ;
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Cet amendement vise à interdire explicitement toute participation d’un agent sportif à un mécanisme de « propriété par des tiers » sur un joueur, couramment désigné sous l’acronyme TPO (Third Party Ownership).
Il s’agit d’un montage consistant à transférer à un tiers un droit économique portant sur tout ou partie de l’indemnité de transfert, de mutation ou de formation attachée à un joueur.
Si la réglementation internationale édictée par la Fifa (Fédération internationale de football association) prohibe depuis 2015 de telles pratiques, force est de constater que cette interdiction ne bénéficie pas à ce jour d’une concrétisation en droit interne, ce qui en limite la portée et l’opposabilité devant les juridictions civiles ou commerciales.
L’inscription d’une telle interdiction dans le code du sport est nécessaire afin d’assurer la pleine effectivité de la norme. Le mécanisme du TPO, que cet amendement tend à éradiquer, réduit le joueur à une simple valeur patrimoniale. Il le prive de la maîtrise de son avenir professionnel.
Interdire à tout agent sportif d’exercer son activité dans le cadre d’un tel montage revient à préserver la liberté contractuelle du joueur, à garantir son autonomie dans la gestion de sa carrière et à protéger l’intégrité des compétitions sportives.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La commission se rangera à l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Monsieur le sénateur, le mécanisme de la tierce propriété, comme vous l’avez signalé, est prohibé par les règlements et les statuts du transfert des joueurs de la Fifa depuis 2015.
Par ailleurs, votre amendement ne vise pas à interdire le mécanisme de tierce propriété dans le droit français. Il tend simplement à interdire à l’agent d’intervenir dans une opération de ce type.
Le code du sport prévoit que l’agent sportif ne peut tirer une quelconque rémunération du transfert du joueur, d’une mutation ou de la formation d’un sportif, puisque sa rémunération est calculée sur la base du contrat conclu entre le sportif et le club.
L’agent sportif n’est donc pas directement intéressé par l’indemnité de mutation négociée entre les deux clubs. Il n’est par conséquent pas certain que l’interdiction pour un agent sportif d’exercer son activité lorsqu’il a connaissance de ce montage réponde directement à l’objectif visé, à savoir le renforcement de la protection juridique du sportif.
L’amendement aurait également pour conséquence de laisser le sportif seul dans le cadre d’une opération de mutation. La tierce personne motivée par ses seuls intérêts économiques exercerait un contrôle, une influence totale, sur le sportif.
Cet amendement ne permet pas, à notre sens, de renforcer la protection des joueurs contre ce mécanisme. J’émets donc un avis défavorable, mais il s’agit d’une question clé à laquelle il faudra trouver une solution.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Je suis étonné que la Fifa prohibe ce type de montage. Par ailleurs, le sportif ne serait pas abandonné puisqu’il peut se faire accompagner par un avocat ou un notaire, dont les règles déontologiques ne sont pas celles des agents.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. La proposition de notre ami et collègue Bernard Fialaire est sympathique, mais, une fois de plus, il ne faudrait pas ravaler la profession d’agent de joueur à la dernière des activités. Des règles existent. Il ne faut pas qu’une minorité de personnes qui se conduisent mal fassent trinquer les autres.
En ce qui concerne les avocats et autres hommes de loi, sachez qu’une législation très précise encadre leur intervention lors des transferts et des négociations contractuelles, ce qui ne leur permet pas de faire tout et n’importe quoi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 53 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 87, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
1° Première phrase
Supprimer les mots :
de 20 heures par an
2° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
d’en définir les modalités
par les mots :
d’organiser ces formations dont le contenu et la périodicité sont définis par décret en Conseil d’État
3° Dernière phrase
Après les mots :
cette obligation
insérer les mots :
observé par la fédération délégataire compétente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’introduction d’une obligation de formation continue des agents sportifs. Toutefois, une telle responsabilité ne doit pas reposer uniquement sur ces derniers. C’est à la fédération délégataire compétente de s’assurer du suivi de cette formation.
Le Gouvernement propose donc, au travers de cet amendement, d’introduire l’obligation pour les fédérations sportives délégataires de dispenser ces formations. Aux termes de l’article R. 222-20 du code du sport, « lorsque le règlement des agents sportifs le prévoit, les titulaires de la licence d’agents sportifs suivent une formation continue visant à mettre à jour leurs connaissances ».
Néanmoins, il ne s’agit que d’une simple faculté pour les fédérations et non d’une obligation. À la connaissance du ministère, seule la Fédération française de basketball met en place des formations obligatoires à l’égard de ses agents sportifs, conditionnant la validité de leur licence d’agent au suivi de cette formation.
Dorénavant, les fédérations sportives délégataires compétentes seront dans l’obligation de dispenser ces formations leur permettant d’effectuer un suivi régulier des agents sportifs qui y participent. L’organisation de ces temps de formation par les fédérations est aussi une occasion pour les agents de partager de bonnes pratiques sous la supervision des fédérations. Un décret en Conseil d’État déterminera les domaines obligatoires abordés pendant ces formations, ainsi que la périodicité minimale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Nous partageons le même objectif. Cette profession – nous en sommes tous conscients – doit être mieux encadrée afin de protéger les joueurs. L’amendement vise à préciser le dispositif adopté en commission pour renforcer les contrôles exercés sur le métier d’agent sportif.
L’avis est favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Fialaire, Mme Conte Jaubert, MM. Laouedj, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Roux, Mme Pantel, MM. Masset et Bilhac et Mmes Briante Guillemont et M. Carrère, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un agent sportif est mandaté par plusieurs sportifs dans le cadre d’une même opération contractuelle, il ne peut les représenter simultanément qu’avec l’accord exprès et écrit de chacun d’eux, recueilli dans des conditions fixées par décret. Ces accords sont révocables à tout moment. À défaut, l’agent s’abstient de toute représentation multiple. » ;
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Cet amendement, plus consensuel que mon amendement précédent, vise à prévenir les conflits d’intérêts susceptibles de survenir lorsque le même agent représente plusieurs joueurs dans le cadre d’une même opération contractuelle. Il tend à imposer, à titre préalable, l’obtention de l’accord écrit de chacun des sportifs concernés, consacrant ainsi le principe du consentement éclairé.
Ce dispositif vise à renforcer les garanties offertes aux joueurs en matière de représentation, en assurant la transparence et la loyauté des négociations.
Je rappelle que les sportifs ont la possibilité de se faire assister par un avocat ou par un notaire, des professions régies par des règles déontologiques particulièrement exigeantes et dont l’intervention constitue une protection supplémentaire au bénéfice des parties prenantes.
Cet amendement du groupe du RDSE participe d’un mouvement plus large de moralisation et de sécurisation des relations contractuelles dans le secteur sportif. Il vise à protéger dignement les sportifs en tant qu’individus afin de les écarter des manœuvres toxiques suscitées par une surfinanciarisation du secteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 52 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.
(L’article 2 bis est adopté.)
Après l’article 2 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 231-5-1 du code du sport, il est inséré un article L. 231-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 231-5-…. - Dans chaque discipline sportive professionnelle, un docteur en médecine siège au sein des instances des fédérations visées à l’article L. 131-1 dans des conditions prévues par décret. Il ne perçoit ni salaire, ni indemnités »
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement relève d’une évidence : imposer la présence d’un médecin dans les instances dirigeantes de chaque discipline sportive professionnelle. Si c’est déjà le cas dans beaucoup de fédérations sportives – en général, il s’agit du médecin fédéral –, ce n’est pas non plus le cas partout.
À l’heure où l’on parle de plus en plus de sport santé, de sport santé bien-être, de protection des sportifs et de lutte antidopage, l’amendement vise à combler un manque qui me semble incompréhensible.
Je rappelle que le syndicat national des joueurs de rugby, Provale, organisait la semaine dernière un Grenelle des commotions cérébrales, sujet particulièrement préoccupant.
C’est la raison pour laquelle je propose qu’un médecin siège dans les instances dirigeantes de toutes les fédérations sportives, dans des conditions prévues par décret.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Aux termes de l’article R. 131-3 du code du sport, les fédérations sportives qui sollicitent l’agrément doivent avoir adopté des statuts qui comprennent les dispositions obligatoires prévues à l’annexe I-5, selon laquelle les statuts prévoient les modalités de composition et de fonctionnement des instances dirigeantes de la fédération, notamment le nombre de leurs membres. Il est précisé qu’un médecin siège au sein d’une des instances dirigeantes.
Bien que l’objectif soit légitime, le dispositif prévu dans l’amendement est inadapté : l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. L’obligation de prévoir un médecin dans les instances dirigeantes des fédérations est déjà satisfaite par l’annexe I-5 du code du sport. Le ministère des sports accompagne toutes les fédérations agréées dans l’écriture et la modification de leurs statuts afin de vérifier que cette disposition y est bien inscrite.
Cette obligation étant satisfaite par la réglementation actuelle du code du sport, l’amendement est superfétatoire. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
Après l’article L. 224-2 du code du sport, il est inséré un article L. 224-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 224-2-1. – Dans chaque discipline sportive professionnelle, la fédération délégataire et, lorsqu’elle est créée en application de l’article L. 132-1, la ligue professionnelle contribuent au dialogue avec les associations de supporters.
« Un décret précise les modalités selon lesquelles les associations de supporters sont régulièrement consultées dans ce cadre. »
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 58, présenté par Mme Ollivier, M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Après le mot :
supporters
insérer les mots :
et les associations de lutte contre les discriminations
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. L’amendement vise à prévoir une mesure simple, mais essentielle : que les fédérations et les ligues sportives consultent régulièrement les associations de lutte contre les discriminations, au même titre que les associations de supporters, comme le texte le prévoit.
Le sport professionnel est encore trop souvent marqué par des actes racistes, homophobes ou sexistes. Face à leur fréquence, il est urgent d’instaurer un dialogue structuré avec les acteurs de terrain qui luttent contre ces violences. C’est la condition pour bâtir des politiques efficaces de prévention et réagir efficacement contre ces actes. Il convient de faire du sport un espace vraiment inclusif et respectueux. La consultation est le gage de l’engagement d’un dialogue qui permettre d’avancer conjointement.
Mme la présidente. L’amendement n° 57, présenté par Mme Ollivier, M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Un décret détermine les conditions dans lesquelles les associations de supporters sont représentées, avec voix consultative, au sein des instances dirigeantes de la fédération délégataire ou de la ligue professionnelle. »
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Cet amendement vise à rétablir la version initiale du texte en intégrant les associations de supporters au sein des instances des fédérations délégataires et des ligues professionnelles. Nous avons régulièrement ce débat dans l’hémicycle, notamment après la survenue de faits dramatiques.
L’enjeu est de structurer et de responsabiliser les supporters pour qu’ils soient des interlocuteurs fiables et de confiance. Il s’agit de construire avec eux des dispositifs pour que les matchs se passent le mieux possible. Les associations de supporters doivent pouvoir s’exprimer au sein des instances. Une meilleure intégration permettrait d’améliorer le dialogue et de construire la confiance entre tous les acteurs de l’écosystème du sport.
Mme la présidente. L’amendement n° 99 rectifié bis, présenté par MM. Rochette, V. Louault, Chasseing, Brault et Grand et Mme Lermytte, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Un décret détermine les conditions dans lesquelles les associations de supporters, de portée nationale et titulaires de l’agrément prévu à l’article D. 224-9, sont représentées, avec voix consultative, au sein des instances dirigeantes de la fédération délégataire ou de la ligue professionnelle. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Il est défendu.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 100 rectifié bis est présenté par MM. Rochette, V. Louault, Chasseing, Brault et Grand et Mme Lermytte.
L’amendement n° 103 est présenté par Mme Ollivier, M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel, des associations de supporters, de portée nationale et titulaires de l’agrément prévu à l’article D. 224-9 du présent code, sont représentées, avec voix consultative, au sein des instances dirigeantes de la fédération délégataire ou de la ligue professionnelle. Le ministre chargé des sports détermine les disciplines sportives concernées par cette expérimentation et les conditions de mise en œuvre de cette expérimentation. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 100 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Grand. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l’amendement n° 103.
Mme Mathilde Ollivier. Il s’agit d’un amendement de repli de l’amendement n° 57. L’idée est de proposer une expérimentation consistant à intégrer les associations de supporters dans les instances dirigeantes de certaines fédérations et ligues, sans remettre en cause l’ensemble du système, mais en testant cette ouverture à des disciplines choisies par le ministère des sports.
Dans certaines fédérations où les associations de supporters sont déjà bien structurées, peut-être pourraient-elles participer aux discussions. Nous pourrions ainsi avancer vers une généralisation du dispositif dans un second temps.
Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par MM. Ziane, Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, M. Ros, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
supporters
insérer les mots :
, de portée nationale et bénéficiant de l’agrément préfectoral,
La parole est à M. Adel Ziane.
M. Adel Ziane. Dans la continuité de nos discussions sur la représentativité des associations de supporters, instaurée par l’article 3, il s’agit de préciser que ces associations doivent être de portée nationale et titulaires de l’agrément préfectoral, conformément à la disposition réglementaire figurant à l’article D. 224-9 du code du sport.
La mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français que nous avions menée il y a quelques mois avait mis en lumière le manque d’association des supporters aux orientations du football professionnel.
Je citerai deux exemples qui avaient mobilisé nombre de sénateurs : la reprogrammation à la dernière minute des matchs de Ligue 2 en semaine, sur la demande du diffuseur, qui avait entraîné de grandes difficultés pour les clubs de supporters ; la montée en puissance des fonds d’investissement et de la multipropriété, qui alimente les inquiétudes sur l’identité et l’ancrage territorial des clubs.
Les supporters doivent avoir leur place au sein des instances du sport, au même titre que les arbitres, les médecins ou les personnels administratifs, qui y sont déjà très souvent représentés, afin de les responsabiliser davantage.
Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, les supporters font vivre l’identité des clubs. Nous nous réjouissons que la recommandation n° 26 de notre rapport soit traduite dans cette proposition de loi.
Toutefois, la disposition gagnerait en clarté en ciblant les associations reconnues de portée nationale : c’est l’objet de mon amendement. Cela garantirait une représentation légitime, structurée et pluraliste des supporters, en s’appuyant sur les associations les plus représentatives à l’échelle nationale et déjà intégrées aux instances de concertation existantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Je ferai une réponse globale pour l’ensemble des amendements, à l’exception de l’amendement n° 19, sur lequel j’aurai un avis différent.
En ce qui concerne les amendements nos 58, 57, 99 rectifié bis, 100 rectifié bis et 103, nous partageons le constat fait par nos collègues, aussi bien sur le sport professionnel que sur le sport amateur. Malheureusement, tous les week-ends, nous sommes témoins de discriminations se produisant sur les terrains, avec des problèmes de violence et d’agressions.
La lutte contre les discriminations est du ressort de l’État et des fédérations, qui doivent prendre toutes les mesures concrètes et utiles pour prévenir et réagir efficacement contre ces actes, notamment dans le cadre du contrat d’engagement républicain signé par les clubs. Il n’y a pas lieu, à mes yeux, de déléguer ce rôle aux associations.
Concernant le monde des supporters, comme nous l’avons constaté lors des auditions, seul le football dispose d’associations qui commencent à se structurer. C’est le seul sport où un début de travail collectif est engagé. Les autres disciplines en sont encore très loin.
Or cette loi ne porte pas uniquement sur le football ; elle concerne l’ensemble des sports professionnels. Que ce soit au basketball, au volleyball, au handball ou même au rugby, il n’existe pas encore d’associations de supporters suffisamment structurées pour siéger au sein d’une instance. C’est un objectif que nous appelons de nos vœux, mais il est aujourd’hui impossible de déterminer qui pourrait représenter les supporters dans tous ces sports.
L’instauration d’une instance de concertation annuelle avec les supporters constitue un premier pas ; cela permettra d’évoquer l’organisation des déplacements et les problèmes d’homophobie, de racisme et de violence dans les stades. Nous ne pouvons cependant aller plus loin aujourd’hui. L’avis est donc défavorable sur ces amendements.
En revanche, l’amendement n° 19 de notre collègue Ziane vise à réserver la représentation aux associations de supporters de portée nationale et disposant d’un agrément préfectoral. Nous avons là des associations reconnues et identifiées. Cette précision garantit une représentation légitime, structurée et pluraliste des supporters. L’avis de la commission est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Madame la sénatrice, la lutte contre les discriminations dans le sport est un sujet central, qui me tient particulièrement à cœur. L’ensemble des acteurs du sport sont mobilisés sur le sujet. Il est évidemment important, et même primordial, de travailler avec les associations qui œuvrent dans ce domaine. Le ministère des sports en subventionne d’ailleurs un certain nombre pour aider le mouvement sportif à agir sur ces sujets.
Parallèlement à l’action du ministère, il est demandé aux fédérations, et, de fait, aux ligues professionnelles par le biais du contrat de subdélégation, de mettre en place une stratégie de prévention des violences et des discriminations détaillant les actions projetées. Dans ce cadre, il est fortement recommandé aux fédérations et aux ligues d’avoir recours à des associations de lutte contre les violences et les discriminations.
Le ministère des sports est pleinement engagé dans le plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. À ce titre, il a associé la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) aux travaux de l’Instance nationale du supportérisme (INS).
L’enjeu autour des violences sexistes et sexuelles (VSS) est vraiment pris à bras-le-corps par les ligues professionnelles de football et de rugby, puisque la Ligue 1, la Ligue 2, le Top 14 et la Pro D2 s’engagent pour la saison prochaine. Nous travaillons en ce moment à agir dans le cadre du label Terrain d’égalité, qui vise à mettre en œuvre des mesures dans ce domaine.
Par conséquent, je suis défavorable à l’amendement n° 58.
Les amendements nos 57, 99 rectifié bis, 100 rectifié bis et 103 tendent à prévoir que les associations de supporters participent avec une voie consultative aux instances dirigeantes des fédérations délégataires ou des ligues professionnelles.
Effectivement, les supporters font vivre les clubs et concourent aux spectacles sportifs. Cependant, la participation des associations de supporters aux instances dirigeantes des ligues n’apporterait pas de solution concrète au dialogue entre le mouvement sportif et les supporters. Certains sujets discutés au sein de ces instances dirigeantes ne présentent d’ailleurs aucun intérêt pour les supporters ou sont susceptibles de demeurer confidentiels.
L’idée de leur donner une voie consultative dans les instances dirigeantes reviendrait à instaurer un dialogue parallèle à celui conduit au sein de l’Instance nationale du supportérisme. Nous avons confié une autorité à cette instance, à laquelle participent les ligues professionnelles et les associations de supporters. Cela amoindrirait l’action de l’État et la rendrait subsidiaire par rapport au dialogue des supporters dans l’instauration d’un cadre visant à garantir le bon déroulement des compétitions.
L’article 3 de la proposition de loi répond déjà à l’enjeu du dialogue avec les supporters, en complément des dispositions existantes qui instaurent un dialogue permanent au sein de l’Instance nationale de supportérisme. Pour mémoire, nous avons réuni en avril l’INS et des groupes de travail sont en cours. Les travaux sont fournis et nombreux. Je suis donc défavorable à ces amendements.
Quant à l’amendement n° 19, il vise à prévoir le cadre de la participation des associations de supporters au dialogue entre supporters et acteurs sportifs, initialement fixé par la création de l’Instance nationale de supportérisme. Des textes régissent cette instance et prévoient la participation de représentants d’associations de supporters titulaires de l’agrément délivré par le préfet.
Ainsi, le lien entre l’agrément et la participation des associations de supporters permet de légitimer leur présence par rapport à des associations qui ne seraient pas titulaires de cet agrément.
Cet amendement est donc parfaitement cohérent avec l’organisation du dialogue institué avec les supporters. J’y suis favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Je me permets de prendre la parole sur ce sujet puisque j’ai l’honneur de représenter le Sénat au sein de l’Instance nationale du supportérisme.
L’adoption de l’amendement de M. Ziane constituerait un grand progrès, car la référence à l’agrément est un élément de représentativité permettant d’engager un dialogue avec les associations de supporters de manière bien plus précise que ce qui est prévu dans le texte.
Par ailleurs, je tiens à souligner l’importance de la consultation des supporters. Je ne partage pas l’interprétation de Mme la ministre : loin de remettre en cause l’action de l’INS, une telle consultation pourrait la renforcer. Aujourd’hui, l’INS est entre deux eaux : c’est un lieu de dialogue avec les acteurs du monde sportif, mais sans que les supporters y aient une place formellement définie.
Je comprends l’argument de M. le rapporteur selon lequel il serait peut-être un peu tôt, mais des avancées ont eu lieu ; je pense notamment aux référents supporters. Il serait important que les fédérations soient aussi des parties prenantes.
Quand on parle de responsabilité sociétale, il faut, j’y insiste, associer l’ensemble des parties prenantes, et donc les supporters. Je soutiens donc pleinement l’amendement n° 19 – j’y reviendrai en présentant dans quelques instants l’amendement n° 18 –, mais les autres amendements me paraissent également intéressants.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Je reviendrai sur les arguments avancés par le rapporteur.
Je m’interroge sur l’utilisation du contrat d’engagement républicain pour sanctionner des actions sexistes, homophobes ou racistes. Je n’en ai jamais entendu parler. Tel n’était pas son objectif initial…
Concernant la structuration des clubs de supporters pour organiser un dialogue permanent entre la fédération et le public, il me semble important de l’encourager par la loi. L’amendement n° 103 vise justement à prévoir une expérimentation dans les fédérations déterminées par le ministère.
Même si toutes les fédérations ne sont pas au même niveau, le football professionnel dispose d’associations bien implantées et structurées. Certaines sont représentées dans un syndicat. Comme c’est aussi le sport où se posent le plus de problèmes, il serait nécessaire d’y expérimenter ce dialogue. Il convient d’avancer de façon progressive, d’où l’intérêt de l’amendement n° 103, qui répond aux objections du rapporteur.
Mme Mathilde Ollivier. Madame la ministre, vous dites qu’il existe déjà un dialogue entre les fédérations, les ligues et les associations de lutte contre les discriminations. Je ne comprends donc pas votre avis défavorable sur mon amendement n° 58.
Mon amendement vise seulement à préciser que la ligue professionnelle contribue au dialogue avec les associations de supporters « et les associations de lutte contre les discriminations ». Si c’est déjà le cas, c’est une très bonne chose : cet amendement vise seulement à l’inscrire clairement dans la loi. Cela ne s’oppose en rien avec les arguments que vous avez employés pour justifier votre avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Nous parlons d’associations de supporters, mais, en réalité, les situations sont très différenciées en fonction des sports.
Nous avons tous en mémoire ce qui se passe pendant les matchs de football. Quand les équipes se déplacent, les supporters sont parqués de façon à éviter tout contact entre eux. Mais ce n’est pas le cas dans tous les sports. Le mélange des supporters fait partie de l’ADN du rugby, par exemple. Ils assistent tous ensemble aux matchs.
Au mois de juin 2024, j’ai assisté à Castres à une réunion de l’association des supporters des clubs du Top 14 et de Pro D2, qui s’est déroulée dans une atmosphère de très grande convivialité.
Il nous faut donc faire preuve de prudence dans nos propositions. Certes, nous devons répondre à des défis spécifiques à certains sports – je ne prétends pas que les terrains ou les tribunes des stades de rugby ne connaissent pas des débordements, mais c’est l’exception, et absolument pas la règle.
Inspirons-nous donc de ce qui fonctionne, et faisons en sorte que la « culture ovale » puisse essaimer dans le milieu du football ! Ce qui se passe dans le rugby est aussi valable pour d’autres sports : en basket, volleyball ou handball, les supporters se mélangent aussi. Et, en matière rugbystique, cela ne s’observe pas seulement pendant les championnats domestiques, mais aussi pendant le Tournoi des six nations ou lors de tous les matchs internationaux. Il me paraît essentiel de préserver cette dimension.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Mme Harribey l’a dit, nous faisons, avec ce texte, un pas important en direction des supporters. Cependant, nous devons aussi leur envoyer un message : il faut qu’ils se structurent. C’est la raison pour laquelle la commission est favorable à l’amendement n° 19 : il vise à préciser que les associations consultées sont celles qui bénéficient d’une reconnaissance.
Si les associations sont appelées à continuer à jouer leur rôle, et à voir celui-ci s’accroître, au sein d’une fédération ou d’une ligue, elles ne peuvent conserver leur organisation actuelle. Monsieur Folliot, il est certain que, dans d’autres disciplines que le football, le problème que nous évoquons ne se pose pas.
Finalement, n’est-ce pas précisément parce qu’il n’y a pas de problèmes que les supporters ne sont pas organisés en clubs ou en associations ? Tout fonctionne très bien, il n’est pas nécessaire de créer de structures organisées pour assister à des rencontres de basket, de handball, de rugby ou de volleyball : les supporters s’organisent entre eux. Ils partagent la même passion, et ne sont pas dans l’obligation d’adhérer à un club. C’est aussi la raison pour laquelle ce texte ne peut pas se limiter aux spécificités du football.
Je le redis, avec cet article, nous envoyons un message. C’est un premier pas. Nous espérons que, à l’avenir, les supporters pourront mieux se structurer.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 57.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 99 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 100 rectifié bis et 103.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par Mme Harribey, MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros, Ziane, Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les associations de supporters de portée nationale et titulaires de l’agrément préfectoral sont consultées sur l’élaboration des orientations relatives à l’organisation des compétitions sportives, notamment en ce qui concerne les calendriers, les conditions de déplacement et les droits d’exploitation audiovisuelle et commerciale.
La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Monsieur le rapporteur, madame la ministre, je vous propose ici de conforter le premier pas qui a été fait, en ajoutant une phrase au deuxième alinéa à l’article 3. Cet ajout permettrait de compléter les dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article dans sa rédaction actuelle.
Il s’agit de préciser que « les associations de supporters de portée nationale et titulaires de l’agrément préfectoral », conformément à l’amendement que nous venons d’adopter, « sont consultées sur l’élaboration des orientations relatives à l’organisation des compétitions sportives, notamment en ce qui concerne les calendriers, les conditions de déplacement et les droits d’exploitation audiovisuelle et commerciale ». C’est là un vrai problème, que je n’ai pas besoin de vous exposer, car vous le connaissez autant, sinon mieux, que moi.
Au troisième alinéa de l’article, il est prévu qu’un décret fixe les conditions selon lesquelles les associations de supporters sont représentées avec voix consultative. Je propose donc d’en préciser le contour. Ce serait un premier pas, pour reprendre les mots du rapporteur, mais un peu plus positif vis-à-vis des associations de supporters qui sont structurées et qui ont obtenu un agrément.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Mon argument sera le même que précédemment : avançons avec parcimonie.
Je le redis, c’est un premier pas. La balle est dans le camp des clubs de supporters. Testons le dispositif : s’il se révèle concluant, les choses pourront évoluer avec le temps. Pour l’heure, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Madame la sénatrice, l’organisation des compétitions sportives relève des fédérations sportives ou des ligues professionnelles qui sont directement chargées de la fixation du calendrier et des droits d’exploitation audiovisuels.
L’article 3 permet d’asseoir la nécessité de dialogue avec les supporters directement au sein des fédérations et des ligues professionnelles, de manière spécifique à chaque discipline, au niveau national, et non seulement de façon générale, comme vous le proposez.
Votre amendement vise à associer les supporters aux travaux des fédérations sportives et des ligues professionnelles. Or les impliquer dans la définition du calendrier serait extrêmement compliqué. En outre, cette tâche ne relève pas réellement de leur responsabilité. En revanche, il est important de les faire participer à l’organisation de l’accueil du public à l’occasion des rencontres sportives.
Par ailleurs, il serait difficile, selon moi, de mettre en œuvre cette proposition de façon uniforme dans tous les sports, car il existe d’importantes spécificités selon les disciplines.
N’oublions pas non plus l’enjeu de représentativité des clubs de supporters. Vous évoquez des associations de supporters « de portée nationale », mais je ne suis pas certaine que cette définition existe pour l’heure.
Nous avons encore du chemin à parcourir pour structurer le supportérisme en France. C’est tout l’enjeu de l’Instance nationale du supportérisme (INS), auquel vous participez. Je prendrai toute ma part à ces travaux. Vous soulignez, à raison, qu’il est important de structurer le supportérisme en France pour que toutes et tous se sentent bien accueillis dans nos stades. C’est en effet un enjeu de taille, auquel il faut associer les groupes de supporters.
J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement, tout en restant vigilante et mobilisée sur les suites qui seront données à l’article 3. En outre, je me tiens à votre disposition pour continuer à travailler sur ces questions avec l’INS.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.
Mme Laurence Harribey. Madame la ministre, le Gouvernement s’en remet parfois à la sagesse du Sénat : cette fois, c’est moi qui m’en remets à votre sagesse ! (Sourires au banc des commissions.)
Je retire donc mon amendement, et accepte votre proposition de travailler sur ces questions. Je demande à la commission de poursuivre également ses travaux en la matière. L’essentiel, concernant cet article, était d’adopter l’amendement n° 19, qui représente un premier pas important.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 est retiré.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Après l’article 3
Mme la présidente. L’amendement n° 27, présenté par M. Bacchi, Mme Corbière Naminzo, M. Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 131-3 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …°Les représentants des supporters. »
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Dans le prolongement de la discussion sur les groupes de supporters, j’indique que le rapport d’information sur les interdictions de stade et le supportérisme remis en mai 2020 par les députés Marie-George Buffet et Sacha Houlié comptabilise 55 associations agréées de supporters. Ce faible nombre tient en grande partie au fait que la procédure d’agrément est peu avantageuse pour les groupes de supporters.
L’objectif de notre amendement est de favoriser le recours à cet agrément en renforçant le dialogue entre les supporters et les instances pour mieux faire vivre la démocratie sportive.
Il s’agirait d’intégrer les représentants des supporters au sein des fédérations sportives, dans l’objectif de développer le dialogue entre les instances dirigeantes, les fédérations et les groupes de supporters.
En effet, les supporters font partie intégrante du quotidien du sport : ils en sont des acteurs incontournables. Et pourtant, ils sont absents des instances. Si l’Instance nationale du supportérisme est un outil indispensable de rapprochement entre les fédérations, les ligues et les supporters, il serait dommageable de réduire la concertation des supporters à ce simple outil consultatif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 27.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
L’article L. 333-1 du code du sport est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième alinéa, après les mots : « manifestations sportives », est inséré, deux fois, le mot : « professionnelles » et les mots : « par la ligue professionnelle qu’elle a créée » sont supprimés ;
2° Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce droit ne génère directement ou indirectement aucun revenu pour un investisseur minoritaire au sein de la société commerciale. » ;
3° La première phrase du huitième alinéa est ainsi modifiée :
a) Le mot : « modifications » est remplacé par les mots : « annexes et les modifications de ces documents » ;
b) Le mot : « le » est remplacé par les mots : « arrêté du » ;
4° À la fin du neuvième alinéa, le mot : « consultative » est remplacé par le mot : « délibérative » ;
5° L’avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’une fraction du capital de la société commerciale est cédée à un actionnaire minoritaire, tous les documents contractuels relatifs aux conditions et aux modalités d’entrée de cet investisseur au capital de la société, ainsi que ceux relatifs à l’organisation et au fonctionnement de la société et l’ensemble des annexes et des modifications de ces documents sont approuvés par l’assemblée générale de la fédération concernée et par arrêté du ministre chargé des sports. » ;
6° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les sommes de toute nature versées à la société commerciale créée par la ligue professionnelle au titre des financements et des apports en capital sont réparties entre cette société, la fédération sportive délégataire, la ligue professionnelle et les sociétés sportives, selon des modalités approuvées par l’assemblée générale de la fédération concernée et par arrêté du ministre chargé des sports. Aucun avantage en nature ou en espèce ne peut être perçu à titre individuel dans le cadre d’une telle opération. »
Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commercialisation des droits d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives ne peut donner lieu à aucun avantage économique ni à aucun avantage de toute nature, pour le président ou le dirigeant de la fédération sportive, de la ligue professionnelle ou de la société sportive qui participe à la transaction. » ;
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement vise à interdire aux présidents et aux dirigeants de fédération, de ligue et de club de toucher une commission ou un quelconque avantage lors des transactions qu’ils effectuent sur les droits d’exploitation des compétitions et manifestations sportives.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement des conclusions de la mission d’information de la commission sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français.
L’avis est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Avis de sagesse.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 24.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
L’article L. 333-2 du code du sport est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « professionnelle », sont insérés les mots : « ou par la société commerciale créée en application des articles L. 333-1 ou L. 333-2-1 » ;
2° Au second alinéa, les mots : « avec constitution de lots » sont remplacés par les mots : « en un ou plusieurs lots au choix de l’entité cédante ».
Mme la présidente. L’amendement n° 62, présenté par Mme Ollivier, M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La constitution des lots favorise l’exposition du plus grand nombre aux manifestations sportives concernées. »
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Aujourd’hui, le football professionnel devient de moins en moins accessible – diffusion des matchs éclatée entre différentes plateformes, abonnements multiples… Résultat : le public décroche et le streaming illégal explose.
En perte de téléspectateurs depuis plusieurs saisons, la Ligue 1 peine à remobiliser son public devant la télévision. Par cet amendement, nous proposons donc une solution simple et concrète : favoriser l’exposition du plus grand nombre en attribuant une partie des droits de diffusion à des chaînes en clair, publiques ou privées. Cela peut passer par la création de lots plus petits, comme un match par semaine accessible à toutes et tous.
Cette mesure avait déjà été adoptée à l’Assemblée nationale, avant d’être balayée. Il est temps de la réintégrer en l’inscrivant dans cette proposition de loi.
Le football doit non pas devenir un produit de luxe réservé à quelques-uns, mais rester ce sport populaire et accessible à tous, pour que chacun puisse vibrer devant son écran.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Cette proposition de loi permettra de commercialiser les droits audiovisuels en un lot, ce qui n’est pas possible actuellement, ou en plusieurs, dans l’objectif, précisément, de favoriser l’exposition du plus grand nombre.
L’apport de la disposition prévue dans cet amendement est incertain, mais nous pouvons nous poser la question. En effet, rien n’interdit à une ligue, dans son cahier des charges, de proposer une rencontre en clair. Une telle mesure entraînerait-elle nécessairement un impact financier négatif, ou pourrait-elle avoir des retombées positives, en captant des spectateurs qui, après avoir eu accès à un match en clair par mois, par exemple, seraient incités à s’abonner pour suivre le reste du championnat ?
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Mais il appartient à ceux qui élaborent les cahiers des charges à destination des diffuseurs de se saisir de cette opportunité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 62.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 98 rectifié bis, présenté par MM. Kern, Levi et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Henno, Chasseing et de Nicolaÿ et Mmes Sollogoub, Guidez, Saint-Pé et Billon, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du sport est ainsi modifié :
1° L’article L. 333-1 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de compétitions sportives mentionnés à l’article L. 331-5, veillent à ce que les conditions de commercialisation des droits d’exploitation audiovisuelle dont ils sont les propriétaires prévoient notamment le respect, par tout candidat attributaire de droits d’exploitation audiovisuelle, des règles relatives à la retransmission des évènements d’importance majeure ainsi que de celles encadrant la publicité et le parrainage audiovisuels. » ;
b) Le sixième alinéa est complété par les mots : « ainsi que le respect, par tout candidat attributaire de droits d’exploitation audiovisuelle, des règles relatives à la retransmission des évènements d’importance majeure et des règles encadrant la publicité et le parrainage audiovisuels » ;
2° Le second alinéa de l’article L. 333-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle prévoit également le respect, par tout candidat attributaire de droits d’exploitation audiovisuelle, des règles relatives à la retransmission des évènements d’importance majeure ainsi que de celles encadrant la publicité et le parrainage audiovisuels. »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Cet amendement reprend une disposition adoptée en 2023 par le Sénat, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle du président Laurent Lafon.
Il vise à corriger certaines asymétries entre les différents acteurs de la diffusion des compétitions et des manifestations sportives, et à garantir que l’ensemble des candidats attributaires de droits d’exploitation audiovisuelle de ces évènements, quels que soient leurs modes de commercialisation, soient soumis aux mêmes règles et obligations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Je fais confiance tant à l’auteur de cet amendement qu’à celui de la proposition de loi adoptée par le Sénat en 2023 ! (Sourires.)
L’avis de la commission est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Cette disposition a d’ores et déjà été inscrite au sein de la proposition de loi sur l’audiovisuel public, qui doit maintenant, dans le cadre de la navette, être examinée par l’Assemblée nationale, et qui me semble être le vecteur le plus approprié pour aborder ce sujet.
Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5.
Article 6
L’article L. 333-2-1 du code du sport est ainsi modifié :
1° Les premier à troisième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute fédération sportive peut créer une société commerciale soumise au code du commerce l’associant aux sociétés sportives auxquelles elle a cédé la propriété des droits d’exploitation audiovisuelle de compétitions ou manifestations sportives professionnelles en application de l’article L. 333-1. Cette société commerciale a pour objet la commercialisation et la gestion des droits d’exploitation de toute nature de ces compétitions ou manifestations, à l’exception du droit de consentir à l’organisation de paris sportifs. La fédération sportive peut confier à cette société, dans le cadre d’une convention de subdélégation, les aspects de l’organisation de ces compétitions ou manifestations en lien avec son activité de commercialisation et de gestion des droits d’exploitation. Chaque société sportive participant à une même compétition ou manifestation dispose d’un droit de vote égal au sein de l’organe délibérant de la société commerciale. » ;
2° Au quatrième alinéa, les mots : « créée par la ligue professionnelle » sont supprimés ;
3° Le cinquième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « modifications » est remplacé par les mots : « annexes et les modifications de ces documents » et le mot : « le » est remplacé par les mots : « arrêté du » ;
b) À la dernière phrase, après le mot : « objet », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « et aux compétences de la fédération sportive. » ;
4° L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Un décret précise les modalités de fonctionnement de la société commerciale. Il détermine les conditions dans lesquelles la fédération sportive dispose d’un droit de vote préférentiel dans les domaines relevant de sa compétence et énumère les décisions qui ne peuvent être prises sans son accord. Il définit les modalités selon lesquelles la société commerciale est tenue de se conformer aux meilleurs standards de gouvernance notamment en matière de prévention et de gestion des conflits d’intérêts. Il précise les fonctions incompatibles avec l’exercice de responsabilités au sein de la société commerciale, laquelle est administrée par des dirigeants indépendants. » ;
5° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « ligue professionnelle » sont remplacés par les mots : « fédération et les sociétés sportives » et le mot : « peut » est remplacé par le mot : « peuvent » ;
b) Après la même première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Lorsqu’une fraction du capital de la société commerciale est cédée à d’autres personnes physiques ou morales, tous les documents contractuels relatifs aux conditions et aux modalités d’entrée de ces investisseurs au capital de la société, ceux relatifs à l’organisation et au fonctionnement de la société et l’ensemble des annexes et des modifications de ces documents sont approuvés par l’assemblée générale de la fédération concernée et par arrêté du ministre chargé des sports. Le droit de consentir à l’organisation de paris sportifs ne génère directement ou indirectement aucun revenu pour un tel investisseur au sein de la société commerciale. » ;
6° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les sommes de toute nature versées à la société commerciale au titre des financements et des apports en capital sont réparties entre cette société, la fédération sportive délégataire et les sociétés sportives, selon des modalités approuvées par l’assemblée générale de la fédération concernée et par arrêté du ministre chargé des sports. Aucun avantage en nature ou en espèce ne peut être perçu à titre individuel dans le cadre d’une telle opération. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 36 est présenté par M. Folliot.
L’amendement n° 48 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Levi et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Henno, Chasseing et de Nicolaÿ et Mmes Sollogoub, Guidez, Saint-Pé et Billon.
L’amendement n° 75 est présenté par MM. Hugonet, J. B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
peut
insérer les mots :
, avec l’accord de la ligue professionnelle si celle-ci est dotée de la personnalité morale,
La parole est à M. Philippe Folliot, pour présenter l’amendement n° 36.
M. Philippe Folliot. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié bis.
M. Claude Kern. Défendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 75.
M. Jean-Raymond Hugonet. Il est également défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, par cohérence avec l’article 2 de la proposition de loi que nous venons de voter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 36, 48 rectifié bis et 75.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 88, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
1° Première phrase
Après le mot :
créer
insérer les mots :
, après approbation du ministre chargé des sports,
2° Troisième et quatrième phrases
Supprimer ces phrases.
II. - Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« La fédération sportive peut confier à cette société, dans le cadre d’une convention de subdélégation approuvée par le ministre chargé des sports, les aspects de l’organisation de ces compétitions ou manifestations en lien avec son activité de commercialisation et de gestion des droits d’exploitation. Un décret en Conseil d’État précise le contenu de cette convention et détermine les prérogatives que la fédération sportive ne peut pas subdéléguer à la société commerciale.
« Chaque société sportive participant à une même compétition ou manifestation dispose d’un droit de vote égal au sein de l’organe délibérant de la société commerciale. » ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. Par cet amendement, le Gouvernement propose de conditionner la création d’une société commerciale à l’approbation du ministre chargé des sports.
De cette manière, nous éviterions que certaines fédérations n’utilisent cette nouvelle procédure pour écarter la ligue professionnelle au profit d’une société commerciale. En effet, certaines fédérations pourraient se servir de ce mécanisme pour d’autres fins que le développement économique du sport professionnel.
Il est donc nécessaire que le ministre chargé des sports ait la possibilité de ne pas approuver cette création afin qu’un dialogue s’instaure entre les services du ministère et la fédération délégataire qui souhaiterait y recourir. Il convient surtout de vérifier que la création d’une société commerciale est bien motivée par des intérêts économiques et sportifs des sociétés sportives, lesquels pourront faire l’objet d’une expertise par les services du ministère.
Le Gouvernement propose également que la convention de subdélégation mentionnée dans cet article fasse l’objet d’une approbation ministérielle. En effet, il est important que le ministère puisse contrôler les prérogatives qui seront subdéléguées par la fédération à la société commerciale.
Le contenu de cette convention n’est pas précisé par cet article. À cet effet, le Gouvernement prévoit de renvoyer à un décret en Conseil d’État la détermination de ses modalités, ainsi que les compétences propres de la fédération qui ne peuvent être déléguées, au même titre que la convention de subdélégation signée entre la ligue et la fédération dont les modalités sont prévues aux articles R. 132-9 à R. 132-17 du code du sport.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Cet amendement tend à renforcer les mécanismes de supervision et de pilotage par l’État de sa relation avec les fédérations et les ligues.
L’avis est favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 88.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13, présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par treize alinéas ainsi rédigés :
4° L’avant-dernier alinéa est remplacé par treize alinéas ainsi rédigés :
« Toute fédération sportive dispose au sein de chaque société commerciale qu’elle a créée, d’un droit de vote préférentiel au titre duquel cette dernière possède un droit d’opposition et d’approbation concernant toutes les décisions d’une société commerciale, relatives :
« 1° À l’objet social ;
« 2° À la modification des règles de nomination, de révocation, de composition ou de fonctionnement des organes d’administration et de gestion ;
« 3° Au capital social, ainsi que toute modification des droits financiers ou des droits de vote attachées aux titres de chaque société sportive ;
« 4° À la liquidation, à la dissolution, ou à la transformation de la société ;
« 5° Au changement de dénomination sociale ;
« 6° Aux règles liées à l’organisation des manifestations ou compétitions gérées de la société ;
« 7° Aux règles liées à la répartition des produits de la commercialisation des droits d’exploitation ;
« 8° À la représentation de la fédération sportive au sein de l’organe de gouvernance de la société ;
« 9° À toute décision visant à modifier ou supprimer l’obligation pour cette société commerciale ou ses membres de respecter les règles éthiques, déontologiques et les règlements de la fédération sportive ;
« 10° À toute modification relative au droit de vote préférentiel de la fédération sportive.
« La fédération conserve l’exercice du pouvoir disciplinaire des championnats.
II. – Alinéa 9, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement vise à préciser que l’action jouée par la fédération dans le cadre de sa mission préférentielle, au sein de la société commerciale, lui permette d’exercer un droit d’opposition ou d’approbation préalable sur certaines décisions fondamentales relatives notamment à l’objet social, à la gouvernance, à la dénomination ou à la liquidation de la société.
Le but est de garantir le respect des objectifs d’intérêt général attachés à l’organisation des compétitions sportives.
Mme la présidente. L’amendement n° 107, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9, deuxième phrase
Après le mot :
sportive
insérer le mot :
délégataire
II. – Alinéa 11
Après le mot :
fédération
insérer les mots :
sportive délégataire
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les fédérations sportives concernées par le dispositif sont les fédérations délégataires. Il vise également à apporter des modifications rédactionnelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La proposition de loi prévoit un droit de vote préférentiel de la fédération au sein de la société commerciale, en renvoyant à un décret afin de laisser aux acteurs le temps nécessaire à la concertation et d’assurer une certaine souplesse au cas où le champ d’application devrait évoluer.
Ce décret définira aussi des standards de bonne gouvernance en matière de gestion des conflits d’intérêts et d’indépendance des dirigeants et des membres de l’organe délibérant.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 13.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. La création d’une société commerciale soumise au code de commerce, associant une fédération aux sociétés sportives auxquelles elle a cédé la propriété des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives professionnelles, est d’initiative fédérale.
Il revient donc à la fédération, lors de cette création, d’envisager les domaines dans lesquels elle peut exercer son action préférentielle au sein de la société commerciale. Il peut par exemple s’agir d’un droit d’opposition ou d’approbation préalable sur certaines décisions fondamentales relatives notamment à l’objet social, à la gouvernance, à la dénomination ou à la liquidation de la société.
L’avis est donc défavorable.
En revanche, l’avis est favorable sur l’amendement n° 107.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 13.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 107.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 59, présenté par Mme Ollivier, M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il détermine les conditions dans lesquelles les associations de lutte contre les discriminations, notamment fondées sur l’orientation sexuelle, sont représentées au sein de l’organe délibérant de la société commerciale.
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement a pour objet d’intégrer les associations de lutte contre les discriminations dans la société des clubs. Ces associations mènent un travail essentiel au contact du terrain. Un dialogue structuré permettra de construire une réponse forte, concrète et durable.
Je dois avouer ma frustration : l’ensemble des amendements que j’ai déposés pour lutter contre les discriminations et les actes racistes, homophobes ou sexistes lors de cette séance ont été rejetés. Ces thématiques, tout comme la manière dont elles sont abordées, sont pourtant de véritables enjeux dans le sport professionnel.
Certes, un certain nombre de mécanismes sont déjà en place, mais il est nécessaire d’avancer dans la lutte contre ces discriminations. Or les amendements que j’ai proposés le permettent justement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Malheureusement, ma chère collègue, mon avis est le même que sur les amendements précédents.
Nous partageons bien sûr votre inquiétude et nous reconnaissons l’importance de l’enjeu. Cependant, je le redis, il relève de la responsabilité de l’État et des fédérations d’agir dans ce domaine.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. L’avis est le même que celui de la commission.
Cependant, madame la sénatrice, je souhaite prendre attache avec vous pour travailler sur ces questions. Sachez que je suis pleinement mobilisée auprès des fédérations et des ligues professionnelles : je ne manque pas de les interroger et je suis exigeante avec elles sur ces enjeux, notamment dans les rapports qu’elles doivent fournir.
Nous allons avancer avec ambition sur ce sujet très important.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 59.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 76, présenté par MM. Hugonet, J. B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer, est ainsi libellé :
Alinéa 12, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je ne remets pas en cause le fait que le droit de consentir à l’organisation de paris sur les manifestations ou compétitions sportives est exclu du périmètre d’activité des sociétés commerciales créées pour commercialiser et gérer les droits d’exploitation des compétitions professionnelles.
Néanmoins, il est cohérent, et conforme à la pratique actuelle, que le calcul des dividendes des investisseurs extérieurs aux fédérations, ligues et sociétés sportives puisse également intégrer, dans une perspective de valorisation économique globale du secteur, le produit du droit aux paris sportifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Les revenus tirés des paris sportifs doivent servir au fonctionnement du sport professionnel, mais ils ont aussi pour rôle, comme le prévoit la loi, de prévenir l’addiction aux jeux et de lutter contre les manipulations sportives.
Ces revenus ne peuvent donc être retenus uniquement dans le calcul du dividende d’un investisseur. C’est pourquoi la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France les a exclus du champ des droits d’exploitation susceptibles d’être confiés à une société commerciale. Le dispositif qu’il est proposé de supprimer ne fait donc que réaffirmer le principe que nous avons voté dans cet hémicycle à l’époque.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable. Nous espérons que les ligues et les fédérations mettent en place des actions d’information, de communication et de prévention contre l’addiction aux jeux en ligne.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Le secteur des paris sportifs est particulièrement encadré au regard des enjeux qu’il représente tant pour les joueurs que dans le domaine du sport.
Si les revenus tirés des paris sportifs participent au financement du sport, grâce à la taxe affectée, que vous connaissez bien, et aux contrats du droit au pari conclus par les fédérations et les organisateurs de compétitions, il est toutefois nécessaire de préserver le sport de tout risque de conflit d’intérêts afin d’assurer l’intégrité des compétitions.
Bien que les fédérations sportives tirent des revenus des paris sportifs dans le cadre des contrats de droit au pari, elles sont soumises à l’obligation de mettre en place une stratégie de prévention de la manipulation des compétitions sportives, de protection de la santé des joueurs et de sensibilisation des acteurs de la compétition aux interdictions liées aux paris sportifs – ce qui n’est pas si évident à faire.
En permettant aux actionnaires tiers de la société commerciale de tirer des revenus de l’exploitation des paris sportifs, l’amendement tend précisément à accroître le risque de conflits d’intérêts. En effet, la société commerciale est chargée de la commercialisation des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions sportives, alors même que les revenus des paris sportifs sont intimement liés à la visibilité des compétitions.
Par ailleurs, contrairement aux fédérations sportives ou aux ligues professionnelles, les sociétés commerciales n’ont aucune obligation en matière de lutte contre la manipulation des compétitions et contre les addictions, et de protection des mineurs face aux paris sportifs.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 76.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
L’article L. 333-3 du code du sport est ainsi modifié :
1° (nouveau) Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « mentionnée au premier alinéa de l’article L. 333-2-1 » sont remplacés par les mots : « créée en application des articles L. 333-1 ou L. 333-2-1 » ;
b) Après les mots : « les sociétés », il est inséré le mot : « sportives » ;
c) À la fin, les mots : « mentionnée au même premier alinéa » sont supprimés ;
2° Le dernier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « La fédération sportive fixe un écart maximal de distribution des produits audiovisuels entre les sociétés sportives participant à une même compétition. Cet écart est au maximum de un à trois. »
Mme la présidente. L’amendement n° 89 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
1° bis Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la fédération a créé une société commerciale et qu’elle n’a pas subdélégué l’organisation des championnats professionnels à une ligue professionnelle au sens de l’article L. 132-1, la convention entre la société commerciale et la fédération mentionnée à l’article L. 333-2-1 fixe la part des produits mentionnés au premier alinéa. Cette convention prévoit également un principe de solidarité entre les clubs professionnels évoluant dans des divisions différentes. »
1° ter Au dernier alinéa, avant les mots : « la ligue » , sont insérés les mots : « la fédération ou, le cas échéant, ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. Par cet amendement, le Gouvernement propose que le principe de solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur s’applique également dans la situation ou la ligue n’existe pas et que la fédération a créé une société commerciale pour la commercialisation des droits d’exploitation.
Ce principe de solidarité devra figurer dans la convention entre la société commerciale et la fédération qui déterminera notamment la part des produits qui revient à la fédération. Cette convention prévoira également un mécanisme de solidarité entre les clubs professionnels d’une division différente.
Dans un souci de cohérence, la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 333-3 prévoyant que la redistribution des produits est répartie selon des critères fixés par la ligue professionnelle est modifiée. En effet, dans la situation où la ligue professionnelle n’a pas été créée, il convient de prévoir l’établissement de ces critères par la fédération compétente. Le dernier alinéa proposé par le Gouvernement, dans cet amendement, répond à cet objectif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 37 est présenté par M. Folliot.
L’amendement n° 49 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Levi et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Henno, Chasseing et de Nicolaÿ et Mmes Sollogoub, Guidez, Saint-Pé et Billon.
L’amendement n° 77 est présenté par MM. Hugonet, J. B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour présenter l’amendement n° 37.
M. Philippe Folliot. Défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 49 rectifié bis.
M. Claude Kern. Par cet amendement, nous voulons supprimer l’alinéa 6, car il ne revient pas à la fédération de fixer un écart maximal de distribution des revenus entre les sociétés sportives.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 77.
M. Jean-Raymond Hugonet. Défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. L’objet du dispositif que nous avons mis en place dans cette proposition de loi est de réduire l’écart très important qui existe en matière de distribution des revenus audiovisuels, notamment dans le football. Les autres fédérations ou ligues, aux revenus bien inférieurs et où la répartition est quasiment égalitaire, ne sont pas concernées.
En ce qui concerne le football, le ratio de distribution est actuellement de 1 à 5 ; nous proposons de le ramener de 1 à 3. Dans les autres championnats européens, comme en Espagne et en Italie, le ratio est de 1 à 3, 5 ou 3,2. La situation est un peu différente en Angleterre, où les droits sont bien plus importants. Notre dispositif permettrait donc de placer le championnat français dans une situation similaire à celle des grands championnats européens.
Cela permettrait aux clubs dont les moyens sont les moins importants d’avoir davantage de revenus. Je le précise, ne sont concernés que les droits domestiques, c’est-à-dire ceux qui sont issus de l’appel d’offres pour la retransmission des matchs avec un diffuseur en France, et non les droits et revenus liés aux compétitions européennes, qui sont bien supérieurs. C’est une mesure d’équité, d’équilibre et de solidarité que nous proposons.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. En raison des explications apportées par le rapporteur, je retire mon amendement, madame la présidente.
M. Philippe Folliot. Je fais de même, madame la présidente !
Mme la présidente. Les amendements nos 37 et 49 rectifié bis sont retirés.
Monsieur Hugonet, l’amendement n° 77 est-il maintenu ?
M. Jean-Raymond Hugonet. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
I. – Après l’article L. 333-3 du code du sport, il est inséré un article L. 333-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 333-3-1. – La fonction de dirigeant ou de membre de l’organe délibérant des sociétés commerciales créées en application des articles L. 333-1 et L. 333-2-1 est incompatible avec la détention d’intérêts ou l’exercice de fonctions au sein d’une entreprise de diffusion audiovisuelle. Le plafond de rémunération prévu à l’article L. 132-1 est applicable aux rémunérations des dirigeants et des salariés de ces sociétés. »
II. – Le 1° du III bis de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifié :
1° La première occurrence du mot : « et » est remplacée par les mots : « , directeurs généraux et » ;
2° Sont ajoutés les mots : « ainsi qu’aux dirigeants des sociétés commerciales créées en application des articles L. 333-1 et L. 333-2-1 dudit code ».
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. P. Vidal et Delia, Mme Gruny, MM. Sautarel, Lefèvre, Bruyen, Piednoir, Genet, Reynaud et Bouchet et Mme Hybert, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou d’une société de paris sportifs
La parole est à M. Paul Vidal.
M. Paul Vidal. Cet amendement vise à combler une lacune du texte initial en étendant l’incompatibilité de l’exercice des fonctions de dirigeant à la détention d’intérêts dans les sociétés de paris sportifs, au même titre que dans les entreprises de diffusion audiovisuelle.
Nous souhaitons ainsi garantir l’exemplarité de la gouvernance des ligues et préserver l’intégrité du sport professionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. L’amendement vise à renforcer la prévention des conflits d’intérêts en étendant aux sociétés de paris sportifs l’incompatibilité prévue par la proposition de loi pour ce qui concerne les entreprises de diffusion audiovisuelle.
Il est similaire à celui qui a été précédemment adopté à l’article 1er. Ainsi, les dirigeants des sociétés commerciales seront soumis aux mêmes incompatibilités que les dirigeants des ligues professionnelles.
Par cohérence, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Piednoir, Karoutchi, Sautarel, Burgoa et Belin, Mmes Dumont et Joseph, MM. Grosperrin et Le Rudulier, Mme Hybert et M. Duplomb, est ainsi libellé :
I. Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. L’article 8 de la proposition de loi vise à renforcer les obligations de déclaration d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). En l’état, ces obligations s’appliqueraient aux directeurs généraux des ligues, ainsi qu’aux dirigeants des sociétés commercialisant les droits d’exploitation desdites ligues.
Cependant, les membres du conseil d’administration de la Ligue de football professionnel (LFP) et ceux du comité exécutif de la Fédération française de football (FFF) doivent déjà effectuer une déclaration d’intérêts auprès du conseil national d’éthique pour éviter les conflits d’intérêts. La disposition est donc déjà prévue en l’état actuel du droit.
De plus, les principaux responsables de la LFP et de la FFF, tels que les présidents, vice-présidents, trésoriers et secrétaires généraux, sont également déjà soumis à une telle obligation auprès de la HATVP.
Les alinéas que cet amendement vise à supprimer sont donc superfétatoires. Mes chers collègues, nous connaissons tous les pièges que peuvent revêtir les déclarations auprès de la HATVP. En outre, quels moyens de contrôle seraient-ils mis en œuvre pour examiner ces nouvelles déclarations ?
Mme la présidente. L’amendement n° 78, présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. La répétition étant à la base de la pédagogie, je me permets de reprendre les arguments que j’ai déjà évoqués.
Dans une société commerciale de droit privé, la rémunération des dirigeants doit pouvoir être définie dans les conditions du droit commun. Faute de quoi, sur un marché des talents très restreint, les sociétés commerciales de gestion des droits peineront à attirer les meilleurs.
Pour rebondir sur les propos de M. Piednoir, j’ajoute qu’on assiste à une véritable contagion des déclarations auprès de la vénérable HATVP.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Je ne me fais pas des amis… (Sourires.)
Stéphane Piednoir a parfaitement précisé les choses, en listant l’ensemble des personnes soumises au contrôle de la HATVP. Il nous a semblé bon d’ajouter à cette liste les directeurs généraux des ligues et des fédérations, en raison de leur importance dans les négociations avec les partenaires et acteurs économiques, notamment pour l’attribution des droits télévisuels.
La version initiale de la proposition de loi prévoyait que les membres des conseils d’administration des ligues et des fédérations soient également soumis à une telle obligation. Lors des auditions que nous avons menées dans le cadre de cette proposition de loi, de nombreux présidents de fédération et de ligue nous ont fait remarquer, à juste titre, que des personnes siégeaient de manière quasiment bénévole dans les conseils d’administration.
Faire peser sur ces personnes des contraintes trop importantes faisait courir le risque qu’elles arrêtent de s’investir. Nous avons donc limité l’obligation de déclaration aux directeurs généraux, qui, je le redis, jouent un rôle majeur dans les décisions prises pour les ligues et les fédérations.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 7 rectifié et 78.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. La prévention des conflits d’intérêts et la transparence sont des priorités, et nous souhaitons également que la HATVP puisse contrôler les déclarations d’intérêt des directeurs généraux. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 7 rectifié.
En revanche, par cohérence avec les positions que j’ai précédemment défendues, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 78.
M. Stéphane Piednoir. Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 78.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Article 8 bis (nouveau)
L’article L. 333-5 du code du sport est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après la référence : « L. 333-1 », sont insérés les mots : « ou de la cession à titre gratuit par la fédération sportive délégataire des titres de propriété du capital social et des droits de votes de la société commerciale créée en application des articles L. 333-1 ou L. 333-2-1 » ;
2° Au second alinéa, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « de l’article L. 333-1 ou des titres de propriété du capital social et des droits de votes de la société commerciale créée en application des articles L. 333-1 ou L. 333-2-1 » – (Adopté.)
Chapitre II
Mieux contrôler la gestion des ligues et des sociétés sportives
Avant l’article 9
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 55 rectifié est présenté par Mme Billon, MM. Kern et Canévet, Mmes Belrhiti et Lassarade, MM. Sol et Longeot, Mme Josende, MM. Khalifé et Bouchet, Mme Jacquemet, M. J.M. Arnaud, Mmes Saint-Pé, Canayer, Aeschlimann, Sollogoub et Guidez, MM. Delcros et Courtial et Mmes de La Provôté et Romagny.
L’amendement n° 90 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du sport est ainsi modifié :
1° L’article L. 122-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 122-1 – I. Toute association sportive affiliée à une fédération sportive peut constituer une ou deux sociétés commerciales soumise au code du commerce pour la gestion de ses activités payantes, dans les conditions prévues au présent chapitre.
« Lorsque l’association mentionnée au premier alinéa constitue une seule société commerciale, elle peut gérer concomitamment le secteur masculin et le secteur féminin.
« Lorsque l’association mentionnée au premier alinéa constitue deux sociétés commerciales, ses missions sont exercées obligatoirement par :
« – Une société commerciale dédiée au secteur masculin ;
« – Une société commerciale dédiée au secteur féminin.
« II. Les associations sportives mentionnées au I. sont tenues de constituer une société commerciale :
« 1° Lorsque le montant des recettes tirées de la participation habituelle à l’organisation des manifestations sportives qu’elle organise est supérieur à un certain seuil ;
« 2° Ou lorsque le montant total des rémunérations des sportifs qu’elle emploie excède un certain seuil.
« Les seuils mentionnés aux 1° et 2° sont fixés par décret en Conseil d’État. Ils sont calculés de manière indépendante pour le secteur masculin et le secteur féminin lorsque l’association décide de constituer deux sociétés commerciales. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 122-4 est ainsi modifié :
a) Les mots : « premier alinéa » sont remplacés par la référence : « II. » ;
b) Après les mots : « une société sportive » sont insérés les mots : « dédiée au secteur masculin ou au secteur féminin ou regroupant les deux secteurs » ;
3° L’article L. 122-14 est ainsi modifié :
a) Les mots : « la société qu’elle a constituée » sont remplacés par les mots : « la ou les sociétés qu’elle a constituées » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’association sportive a créé deux sociétés sportives conformément au I de l’article L. 122-1, leurs relations peuvent être définies soit par une convention tripartite approuvée par leurs instances statutaires respectives, soit par deux conventions, une première entre l’association et la société sportive dédiée au secteur masculin, et une seconde entre l’association et la société sportive dédiée au secteur féminin. Ces conventions ont une durée comprise entre dix et quinze ans. » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 122-15, les mots : « La convention prévue » sont remplacés par les mots : « La ou les conventions prévues » ;
5° À l’article L. 122-16, les mots : « la société sportive ou cédés à elle » sont remplacés par les mots : « la ou les sociétés sportives ou cédés à elles » ;
6° Au second alinéa de l’article L. 122-16-1, les mots : « la société sportive constituée » sont remplacés par les mots : « la ou les sociétés sportives constituées » ;
7° Le premier alinéa de l’article L. 122-17 est ainsi modifié :
a) Les mots : « une société sportive » sont remplacés par les mots : « une ou deux sociétés sportives » ;
b) Les mots : « de la société » sont remplacés par les mots : « de cette ou ces sociétés » ;
8° À l’article L. 122-18, les mots : « la société sportive constituée » sont remplacés par les mots : « la ou les sociétés sportives constituées » ;
9° L’article L. 122-19 est ainsi modifié :
a) Les mots : « la convention prévue » sont remplacés par les mots : « la ou les conventions prévues » ;
b) Les mots : « la société sportive » sont remplacés par les mots : « la ou les sociétés sportives » ;
10° Au premier alinéa de l’article L. 211-5 du code du sport, la troisième occurrence du mot : « la » est remplacée par le mot : « une » ;
11° L’article L. 222-2-9 est ainsi modifié :
a) Les mots : « la société mentionnée » sont remplacés par les mots : « l’une des sociétés mentionnées » ;
b) Les mots : « de la société » sont remplacés par les mots : « d’une société » ;
12° À l’article L. 222-2-10, les mots : « la société mentionnée » sont remplacés par les mots : « la ou les sociétés mentionnées » ;
13° Au deuxième alinéa de l’article L. 222-2-10-1, la première occurrence du mot : « la » est remplacé par le mot : « une ».
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.
Mme Annick Billon. Le sport féminin reste encore trop souvent considéré comme un sport de second rang. Quand l’argent manque, ce sont souvent les équipes féminines qui en font les frais. Coupes financières, suppression de sections féminines : on assiste alors à une diminution des moyens et de la visibilité.
Cette réalité n’est évidemment pas acceptable. Les athlètes féminines sont des professionnelles à part entière. Elles méritent des conditions de pratique dignes, stables et pérennes.
L’Olympique lyonnais a ouvert la voie en créant une société commerciale spécifiquement consacrée à son équipe féminine de football. Une société commerciale distincte permet d’avoir une gouvernance propre, des budgets séparés, une stratégie spécifique. C’est un outil de structuration, de lisibilité et d’attractivité économique qui permet plus d’autonomie, d’investissement et d’ambition.
Cette dynamique est cependant freinée par la législation en vigueur. Le Conseil d’État a rappelé, dans un avis du 12 mars 2024, que le droit actuel ne permet pas expressément à un club de créer deux sociétés commerciales distinctes. Ce flou juridique fige les initiatives et dissuade nécessairement les investisseurs. Dans un contexte financier tendu, ce sont les femmes qui en payent le prix.
Mes chers collègues, je vous propose donc de lever cette incertitude en clarifiant la loi. L’amendement vise à permettre à un club de créer deux sociétés commerciales, une pour la section masculine et une pour la section féminine. Cela revient non pas à diviser ses activités, mais au contraire à donner au sport féminin les outils concrets de son autonomie, de son développement et de son rayonnement.
À quelques semaines de l’Euro féminin, envoyons un signal fort : les femmes ne doivent plus dépendre de la santé du sport masculin pour exister. Elles méritent d’avoir les moyens de leurs ambitions.
Je le rappelle, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes avait mené un travail sur ce sujet en 2019, et faisait déjà cette proposition.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 90.
Mme Marie Barsacq, ministre. Le Gouvernement vise le même objectif que les auteurs de l’amendement n° 55 rectifié, et partage leur philosophie. Il est important de modifier la loi, car l’avis du Conseil d’État fragilise le dispositif actuel.
Il s’agit d’une belle occasion pour accompagner le développement du sport professionnel féminin, afin d’en faire une locomotive pour donner le goût de la pratique sportive aux jeunes Françaises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Ces amendements visent à compléter le dispositif adopté par la commission afin de permettre la création de ligues professionnelles féminines. C’est avec plaisir que la commission émet un avis favorable.
M. Pierre Ouzoulias. Bravo !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 rectifié et 90.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 9.
Mes chers collègues, il nous reste vingt-deux amendements à examiner sur ce texte. Nous pouvons poursuivre nos travaux jusqu’à vingt heures trente, à condition que tout le monde s’efforce de défendre les amendements déposés de manière synthétique.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Article 9
I. – La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code des juridictions financières est complétée par un article L. 111-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-12-1. – La Cour des comptes peut contrôler les comptes et la gestion des ligues professionnelles créées en application de l’article L. 132-1 du code du sport ainsi que des sociétés commerciales créées en application des articles L. 333-1 et L. 333-2-1 du même code. »
II. – Le titre III du livre Ier du code du sport est ainsi modifié :
1° Il est ajouté un chapitre III, intitulé : « Contrôle de gestion » et comprenant l’article L. 132-2 ;
2° L’article L. 132-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « les fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle créent en leur sein » sont remplacés par les mots : « chaque fédération ayant constitué une ligue professionnelle ou une société commerciale crée » ;
b) Au début du 3°, les mots : « D’assurer le contrôle et l’évaluation des » sont remplacés par les mots : « De rendre un avis motivé sur les » ;
c) Après le même 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’organisme mentionné au premier alinéa est constitué, pour au moins la moitié de ses membres, de professionnels qualifiés dans les domaines de la comptabilité, de l’audit ou de la finance. Le contrat de délégation prévu à l’article L. 131-14 précise les modalités de fonctionnement de cet organisme ainsi que les modalités de suivi par la fédération et par l’État de ses avis, décisions et recommandations. Lorsque la fédération a constitué une ligue professionnelle, les conditions de fonctionnement de cet organisme sont fixées par la convention conclue entre la fédération et la ligue professionnelle. » ;
c) bis (nouveau) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrôle exercé sur les associations et sociétés sportives vise à préserver leur viabilité économique. Il porte notamment sur les comptes d’exploitation et sur la mise en œuvre de dispositifs de limitation des effectifs de joueurs professionnels et de plafonnement de la masse salariale. À l’issue de chaque saison sportive, en cas d’écarts significatifs entre les comptes d’exploitation prévisionnels et réalisés, l’organisme de contrôle prononce des sanctions à caractère financier et sportif. » ;
d) Au début de la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « Les », sont insérés les mots : « avis et ».
Mme la présidente. L’amendement n° 109, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après les mots :
gestion des
insérer les mots :
fédérations sportives agréées et des
II. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… – Dans l’exercice de la compétence prévue au I, la Cour des comptes est habilitée à procéder au contrôle des exercices comptables clos au cours des cinq exercices précédant la date de promulgation de la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Je serai bref, mais l’amendement n’est pas anodin : il s’agit de préciser que le contrôle de la Cour des comptes puisse s’exercer sur les cinq exercices clos avant la promulgation de la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 109.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 91 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
une ligue professionnelle
par les mots :
une ligue professionnelle dédiée au secteur masculin ou une ligue professionnelle dédiée au secteur féminin
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. Cette modification de l’article 9 de la proposition de loi vise à respecter l’objectif constitutionnel de clarté et d’intelligibilité de la loi.
L’article L. 132-2 du code du sport intégrerait désormais les mentions « une ligue professionnelle dédiée au secteur masculin ou une ligue professionnelle dédiée au secteur féminin », afin de mieux s’articuler avec l’article L. 132-1 du même code, qui prévoit la possibilité pour la fédération de créer deux ligues, respectivement dédiées aux secteurs féminin et masculin.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 91 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
1° Remplacer les mots :
la moitié
par les mots :
les deux tiers
2° Compléter cette phrase par les mots :
qui n’exercent aucun mandat au sein des instances de la fédération et de la ligue professionnelle et ne détiennent aucun droit de vote ou part de capital dans une société visée à l’article L. 122-2 ou dans une société commerciale créée conformément à l’article L. 333-1
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Tout le monde s’accorde pour constater le rôle clé que jouent les organismes de gestion tels que la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG). Nous aimerions d’ailleurs avoir plus d’organismes de ce type au niveau européen.
Cet amendement a pour objet de garantir davantage l’expertise et l’indépendance de ces structures.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 92, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 9
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…) Le cinquième alinéa est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase, le mot : « la » est remplacée par le mot : « une » ;
– à la dernière phrase, les mots : « la société ou l’association » sont remplacés par les mots : « l’association ou la société concernée » ;
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au sixième alinéa, le mot : « la » est remplacé par le mot : « une » ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. Le Gouvernement propose de modifier l’article 9 de la proposition de loi dans la simple logique d’une bonne articulation entre les différentes dispositions du code du sport, à la suite de l’instauration du principe selon lequel une même association sportive peut créer deux sociétés sportives, l’une dédiée exclusivement au secteur féminin et l’autre au secteur masculin.
Cet amendement vise simplement à répondre à l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 92.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 132-2, il est inséré un article L. 132-… ainsi rédigé :
« Art. L. 132-… - Les fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle peuvent demander au ministre en charge de l’économie et des finances de saisir la cellule de coordination chargée du traitement et de l’action contre les circuits financiers clandestins pour contrôler l’origine de leurs fonds et de ceux des sociétés sportives visées à l’article L. 122-2 et des sociétés commerciales qu’elles créent en application du troisième alinéa de l’article L. 333-1. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement a pour objet de permettre la traçabilité des fonds investis dans le sport. Il s’agit de permettre à Tracfin de contrôler l’origine des fonds qui financent les ligues, leurs sociétés commerciales ainsi que les clubs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 10, qui est satisfait par l’amendement n° 113 de la commission, que nous examinerons dans quelques instants.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. La DNCG travaille déjà étroitement avec Tracfin, en transmettant notamment toutes les informations susceptibles de relever de la compétence de cet organisme.
L’avis est également défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 54 rectifié bis, présenté par MM. Fialaire et Bilhac, Mmes M. Carrère, Conte Jaubert et Jouve, MM. Guiol et Roux, Mme Pantel et MM. Masset, Laouedj et Grosvalet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 132-2, il est inséré un article L. 132-… ainsi rédigé :
« Art. L. 132-…. – Pour toute opération de prise de contrôle directe ou indirecte d’une société sportive professionnelle, l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 132-2 veille au respect des exigences prévues au 3° de l’article L. 122-7, afin de prévenir toute situation de multipropriété portant atteinte à l’indépendance des clubs ou à la loyauté des compétitions professionnelles.
« Les modalités de ce contrôle sont déterminées par décret. »
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Cet amendement a pour objet de garantir qu’aucune société sportive professionnelle ne peut faire l’objet d’une prise de contrôle sans une vérification effective et préalable opérée par l’instance compétente. Ce contrôle viserait notamment à apprécier la compatibilité de l’opération envisagée avec l’indépendance des compétitions, l’intégrité du sport et la pérennité économique des structures concernées.
Cette proposition s’inscrit dans la continuité des travaux du rapporteur, qui a alerté à plusieurs reprises sur les risques croissants liés à la multipropriété de clubs, source de conflits d’intérêts et de déséquilibres concurrentiels manifestes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Le sujet est récurrent, et la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
Pour notre part, il nous semble que ce problème doit être traité à l’échelle européenne. Il faut peut-être demander aux instances européennes de traiter ce sujet en priorité, car il suscite des inquiétudes dans le milieu du sport professionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur, le sujet de la multipropriété prend de l’importance dans le football.
J’en conviens, il est nécessaire de régler le problème au niveau européen, car les clubs français sont affaiblis par rapport à leurs concurrents qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. Je m’engage à traiter ce sujet ; néanmoins, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Madame la ministre, afin d’ouvrir une discussion dans le cadre de la navette, nous pourrions voter cet amendement pour essayer de faire avancer les choses. Ne rien faire repousserait de plusieurs mois, voire de plusieurs années, les décisions nécessaires.
Je ne suivrai donc pas l’avis du Gouvernement : je suis finalement favorable à l’amendement n° 54 rectifié bis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 113, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Article 9
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le 16° de l’article L. 561-2 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 16° … Les organismes créés en application du premier alinéa de l’article L. 132-2 du même code ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Cet amendement, plus large que l’amendement n° 10, tend à ce que les organismes de contrôle financier créés par les fédérations participent à la lutte contre le blanchiment, à l’instar des experts comptables ou des commissaires aux comptes. Ces organismes devront ainsi exercer un devoir de vigilance et effectuer, le cas échéant, des déclarations de soupçon auprès de Tracfin.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. M. le rapporteur est très engagé sur ce sujet d’importance, en faveur duquel il avance des arguments, notamment sur le rôle de Tracfin, du CNOSF et du ministère des sports.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Après l’article 9
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 93 rectifié est présenté par M. Dossus, Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 101 rectifié ter est présenté par MM. Rochette, V. Louault, Chasseing, Brault et Grand et Mme Lermytte.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 122-5 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l’économie les investissements étrangers, au sens de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier et dans les conditions prévues à cet article, dans une société sportive au sens du présent chapitre. »
La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 93 rectifié.
M. Thomas Dossus. L’amendement vise à soumettre les investissements étrangers au ministère de l’économie. Face à des structures de financement de plus en plus complexes, voire incompréhensibles, nous avons besoin de l’expertise du ministère de l’économie. Nous partageons notamment les inquiétudes exprimées au sujet de la multipropriété.
Mme la présidente. L’amendement n° 101 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Ziane, Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, M. Ros, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 122-5 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l’économie les investissements étrangers, au sens de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier et dans les conditions prévues à cet article, dans une société sportive visée à l’article L. 122-2. »
La parole est à M. Adel Ziane.
M. Adel Ziane. Dans la droite ligne des propos de mon collègue M. Dossus, l’amendement tend à soumettre les investissements étrangers dans une société sportive à l’autorisation préalable du ministre de l’économie, dans les conditions prévues à l’article L. 151-3 du code monétaire et financier.
Il s’agit non seulement de traiter les problèmes liés à l’entrée au capital des clubs professionnels français de fonds d’investissements étrangers visant une rentabilité à court terme, notamment dans le football, mais aussi d’aborder la question de la multipropriété, qui pose de nombreuses difficultés en matière d’équité et de résultats sportifs.
Mme la présidente. L’amendement n° 104 rectifié bis, présenté par MM. Masset et Bilhac, Mmes M. Carrère et Conte Jaubert, MM. Fialaire, Grosvalet et Guiol, Mmes Jouve et Pantel et M. Cabanel, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 132-2 du code du sport, il est inséré un article L. 132-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 132-2-… – Sont soumis à autorisation préalable du ministre chargé des sports les investissements étrangers conduisant, directement ou indirectement, à la prise de contrôle ou à la détention d’une participation majoritaire dans une société sportive à caractère professionnel, lorsque cette opération est de nature à porter atteinte à l’indépendance ou à l’intégrité des compétitions sportives.
« Cette autorisation est délivrée après avis du ministre chargé de l’économie, lorsqu’il existe un risque d’atteinte aux principes de loyauté, d’éthique ou aux intérêts fondamentaux de la Nation, appréciés au regard des dispositions de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Cet amendement a pour objet d’instituer un dispositif de vigilance renforcée applicable aux prises de contrôle de sociétés sportives professionnelles par des entités étrangères, lorsque celles-ci sont susceptibles de porter atteinte à l’indépendance des clubs, à l’intégrité des compétitions ou aux principes fondamentaux du sport.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Gosselin, M. Lefèvre, Mmes Belrhiti, Dumont, Pluchet, P. Martin, Bellurot et Gruny, M. Panunzi, Mmes Berthet, Lassarade et Malet et MM. Reichardt et Sido, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 132-2 du code du sport, il est inséré un article L. 132-… ainsi rédigé :
« Art. L. 132-… – Tout projet de prise de participation majoritaire ou de prise de contrôle effectif d’une société sportive à caractère professionnel par une entité directement ou indirectement contrôlée par un État étranger, un fonds souverain ou une personne morale détenue majoritairement par une entité publique étrangère, fait l’objet d’une déclaration préalable auprès du ministre chargé des sports.
« Le ministre peut, après consultation du ministre chargé de l’économie dans le cadre de la procédure applicable à certains investissements étrangers prévue à l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, s’opposer à cette prise de participation lorsque celle-ci est de nature à porter atteinte :
« 1° À l’indépendance ou à l’intégrité des compétitions sportives ;
« 2° Aux principes de neutralité, de loyauté et d’éthique du sport professionnel ;
« 3° Ou aux intérêts fondamentaux de la Nation, au sens de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier. »
La parole est à Mme Pauline Martin.
Mme Pauline Martin. Cet amendement de ma collègue Béatrice Gosselin vise à instaurer un mécanisme de vigilance souveraine sur les prises de contrôle des clubs sportifs professionnels français par des entités étrangères, notamment lorsqu’il s’agit d’un État ou d’un fonds souverain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Ces amendements visent à instituer un contrôle des investissements étrangers dans le secteur sportif.
Ils font référence à un dispositif qui existe dans le code monétaire et financier. En effet, l’article L. 151-3 dudit code soumet les investissements étrangers à une procédure d’autorisation préalable dans des secteurs précis, limitativement énumérés. Ces secteurs touchent à la fois à la défense nationale, à l’ordre public et aux activités essentielles à la garantie des intérêts du pays.
Les dispositifs proposés ne sont pas adaptés au contrôle des achats ou cessions dans le domaine sportif. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 93 rectifié, 20 rectifié, 104 rectifié bis et 1 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 93 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 104 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre III
Renforcer la lutte contre le piratage des contenus sportifs
Article 10
La section 3 du chapitre III du titre III du livre III du code du sport est ainsi modifiée :
1° L’article L. 333-10 est ainsi modifié :
a) Au 1° du I, après le mot : « professionnelle », sont insérés les mots : « ou une société commerciale créée en application des articles L. 333-1 ou L. 333-2-1 » et, après le mot : « professionnelles », sont insérés les mots : « ou de manifestations sportives » ;
b) Après le III, sont insérés des III bis et III ter ainsi rédigés :
« III bis. – Lorsque l’ordonnance prise sur le fondement du II prévoit la possibilité de telles modalités de mise en œuvre, les titulaires de droits communiquent à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, selon les modalités définies par une délibération de l’Autorité, les données d’identification permettant d’assurer la mise en œuvre sans délai des mesures propres à empêcher, pendant la diffusion en direct de la compétition ou de la manifestation sportive, l’accès aux services de communication au public en ligne non encore identifiés à la date de ladite ordonnance.
« La délibération susmentionnée prévoit également les conditions de validité des saisines des titulaires de droits, les modalités selon lesquelles les procédés de collecte des données d’identification choisis par les titulaires de droits sont soumis à l’accord de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique avant leur mise en œuvre et la durée de conservation des éléments de preuve. Cette dernière ou un tiers mandaté par elle peut contrôler à tout moment les conditions dans lesquelles les données d’identification sont collectées par les titulaires de droits. À cette fin, elle peut recueillir auprès d’eux toutes les informations nécessaires à l’exercice de sa mission.
« Les données d’identification sont transmises aux personnes mentionnées par l’ordonnance prise sur le fondement du II par l’intermédiaire du système automatisé contrôlé par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique afin qu’elles exécutent sans délai les mesures ordonnées à l’égard de ces services pendant toute la durée de la diffusion en direct de la compétition ou de la manifestation sportive. Les titulaires de droit attestent par tout moyen que les services dont il est demandé le blocage en sans délai diffusent illicitement la compétition ou la manifestation sportive ou ont pour objectif principal ou parmi leurs objectifs principaux une telle diffusion. Ils en conservent la preuve et la tiennent à la disposition de l’Autorité selon des modalités qu’elle détermine.
« Pendant la diffusion en direct de la compétition ou de la manifestation sportive, le titulaire de droits concerné met à jour régulièrement les données d’identification transmises et sollicite sans délai, par l’intermédiaire du système automatisé, la levée de la mesure de blocage si ces données ne sont plus actives ou si leur objet a changé.
« Le titulaire de droits concerné informe par tout moyen les personnes dont le service de communication au public en ligne fait l’objet desdites mesures, le cas échéant par l’intermédiaire de son hébergeur.
« Les agents habilités et assermentés de l’Autorité, peuvent à tout moment et par tout moyen s’assurer de la conformité des mesures prises sur la base des données d’identification transmises par l’intermédiaire du système automatisé au regard des conditions de validité définies dans la délibération mentionnée au deuxième alinéa du présent III bis. Lorsqu’ils constatent qu’une telle conformité n’est pas assurée, ils suspendent sans délai toute mesure avant la fin de la diffusion en direct de la compétition ou de la manifestation sportive.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut solliciter des titulaires de droits tous les éléments nécessaires à la vérification de la conformité des saisines transmises par l’intermédiaire du système automatisé à la délibération susmentionnée.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut adresser à tout moment, aux titulaires de droits, toute préconisation qu’elle juge nécessaire aux fins d’assurer ladite conformité. Elle est informée sans délai injustifié des suites données à ces préconisations.
« Lorsque le titulaire de droits ne donne pas suite à ces préconisations, de façon non justifiée, l’Autorité peut lui enjoindre, après mise en demeure, d’interrompre la transmission de données d’identification par le biais du système automatisé. Cette interruption est maintenue jusqu’à ce que le titulaire de droits soit en mesure de se conformer à ces préconisations.
« Toute personne dont le service de communication au public en ligne a fait l’objet d’une mesure mentionnée au premier alinéa du présent III bis peut introduire devant le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ou tout membre du collège désigné par lui un recours contre ladite mesure, sous réserve de justifier de son identité et de l’irrégularité de la mesure, y compris pendant la diffusion en direct de la compétition ou de la manifestation sportive. Le président de l’Autorité ou tout membre du collège désigné par lui rend sa décision sur le recours après avoir sollicité, par tous moyens, les observations du titulaire de droits et de la personne qui a fait l’objet de la mesure de blocage.
« III ter. – Les litiges entre les titulaires de droits et les personnes mentionnées par l’ordonnance prévue au II relèvent de la compétence du président du tribunal judiciaire. » ;
c) Le IV est ainsi rédigé :
« IV. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique adopte des modèles d’accord que sont invités à conclure les titulaires de droits mentionnés au I, la ligue professionnelle ou la société commerciale mentionnée aux articles L. 333-1 et L. 333-2-1 du présent code, l’entreprise de communication audiovisuelle ayant acquis un droit à titre exclusif et toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes mentionnées au I du présent article.
« L’accord conclu entre les parties précise les mesures qu’elles s’engagent à prendre pour prévenir et faire cesser d’éventuelles violations de l’exclusivité du droit d’exploitation audiovisuelle de la manifestation ou compétition sportive et la répartition du coût des mesures volontaires ou ordonnées sur le fondement du II.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique tient à jour une liste des données d’identification permettant l’accès aux services de communication au public en ligne qui font l’objet des mesures visées aux III et III bis. Ces services sont inscrits sur cette liste pendant toute la durée des mesures prévues conformément aux mêmes III et III bis.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique met cette liste à disposition des signataires des accords volontaires. » ;
2° Sont ajoutés des articles L. 333-12, L. 333-13, L. 333-14 et L. 333-15 ainsi rédigés :
« Art. L. 333-12. – Les titulaires de droits rendent régulièrement compte à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique des modalités de collecte des données d’identification et de transmission de celles-ci par l’intermédiaire du système automatisé.
« L’Autorité peut solliciter, auprès des personnes mentionnées par l’ordonnance prévue au II de l’article L. 333-10 et des signataires des accords volontaires, toute information utile relative à la mise en œuvre des mesures prises sur le fondement du III bis du même article L. 333-10.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend compte de l’exercice de la mission prévue par cet article dans le rapport mentionné à l’article 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
« Art. L. 333-13. – I. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende le fait de concevoir, d’éditer ou de mettre à la disposition du public, à titre onéreux ou à titre gratuit, un service de communication au public en ligne diffusant une compétition ou une manifestation sportive, sans l’autorisation :
« 1° Du titulaire du droit d’exploitation audiovisuelle au titre de l’article L. 333-1 ;
« 2° De l’entreprise de communication audiovisuelle, dans le cas où elle a acquis un droit à titre exclusif, par contrat ou accord d’exploitation audiovisuelle, sur une compétition ou manifestation sportive, que cette compétition ou manifestation sportive soit organisée sur le territoire français ou à l’étranger ;
« 3° De la ligue professionnelle, dans le cas où elle commercialise les droits d’exploitation audiovisuelle de compétitions sportives professionnelles ou de manifestations sportives ;
« 4° Ou de la société commerciale créée par cette ligue professionnelle en application des articles L. 333-1 ou L. 333-2-1.
« II. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende le fait de communiquer ou de mettre à la disposition du public, de façon habituelle, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne, à titre onéreux ou à titre gratuit, des retransmissions d’une compétition ou d’une manifestation sportive sans l’autorisation de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 4° du I.
« III. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende le fait, à des fins d’exploitation de droits exclusifs de compétitions ou de manifestations sportives sans titre ni propriété de ces droits, de fabriquer, importer, offrir à la vente, détenir en vue de la vente, vendre, louer, mettre à la disposition du public ou installer un dispositif ou un logiciel ayant manifestement pour objet de permettre l’accès illégal aux services mentionnés au I.
« IV. – Lorsque les délits prévus aux I à III ont été commis en bande organisée, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende.
« V. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait d’inciter par tout moyen, y compris par une annonce publicitaire, à l’usage d’un service de communication au public en ligne, d’un dispositif ou d’un logiciel permettant l’accès à une compétition ou une manifestation sportive sans l’autorisation de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 4° du I. »
« Art. L. 333-14 (nouveau). – Les personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues à l’article L. 333-13 peuvent en outre être condamnées, à leurs frais, à retirer des circuits commerciaux et des systèmes d’exploitation de matériels informatiques tout dispositif ou logiciel mentionné au même article ainsi que toute autre chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction.
« La juridiction peut prononcer la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par l’infraction ainsi que celle du matériel spécialement installé en vue de la réalisation du délit.
« Elle peut ordonner la destruction, aux frais du condamné, des dispositifs mentionnés au même article L. 333-13, ou de toute autre chose retirée des circuits commerciaux ou confisqués, sans préjudice de tous dommages et intérêts. Elle peut également ordonner, aux frais du condamné, l’affichage ou la diffusion du jugement prononçant la condamnation, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal.
« Art. L. 333-15 (nouveau). – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies à l’article L. 333-13 du présent code encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues par l’article 131-39 du même code. »
Mme la présidente. L’amendement n° 108, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
après le mot : « professionnelles »
par les mots :
avant le mot : « compétitions »
et les mots :
ou de manifestations sportives
par les mots :
manifestations ou de
II. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
prévoit la possibilité de telles modalités de mise en œuvre
par les mots :
le prévoit
et le mot :
compétition
par le mot :
manifestation
et le mot :
manifestation
par le mot :
compétition
III. – Alinéa 7, première phrase, alinéa 8, alinéa 10, seconde phrase, alinéa 14, première phrase
Remplacer le mot :
compétition
par le mot :
manifestation
et le mot :
manifestation
par le mot :
compétition
IV. – Alinéa 17
1° Remplacer les mots :
mentionnée aux
par les mots :
créée en application des
2° Remplacer la deuxième occurrence du mot :
et
par le mot :
ou
V. – Alinéa 24
À la fin, remplacer les mots :
le rapport mentionné à l’article 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
par les mots :
son rapport annuel d’activité
IX. – Alinéa 28
1° Après les mots :
audiovisuelle de
insérer les mots :
manifestations ou de
2° Supprimer les mots :
ou de manifestations sportives
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 108.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 110, présenté par M. Savin, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Supprimer les mots :
et des systèmes d’exploitation de matériels informatiques
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision et de cohérence avec le code de la propriété intellectuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Avis de sagesse.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 110.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(L’article 10 est adopté.)
Après l’article 10
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 38 est présenté par M. Folliot.
L’amendement n° 79 est présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 333-1 du code du sport, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de création d’une ligue professionnelle dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 132-1, celle-ci commercialise et gère à titre exclusif les droits d’exploitation de toute nature relatifs aux compétitions ou manifestations sportives qu’elle organise. Le cas échéant, la société commerciale que la ligue a créée en application du quatrième alinéa du présent article ou de l’article L. 333-2-1 commercialise et gère tout ou partie desdits droits, sous réserve des dispositions du cinquième alinéa de l’article L. 333-1 ».
La parole est à M. Philippe Folliot, pour présenter l’amendement n° 38.
M. Philippe Folliot. Dans certaines situations, les ligues doivent négocier des contrats dont la durée dépasse celle des conventions de subdélégation qu’elles ont passées avec les fédérations.
Cet important amendement vise à préciser les choses, afin de sécuriser juridiquement la situation. Il s’agit notamment d’assurer aux ligues qu’elles ne se retrouveront pas dans une situation difficile lors des négociations pour les droits audiovisuels.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 79.
M. Jean-Raymond Hugonet. La délégation aux ligues professionnelles de la commercialisation et de la gestion des droits d’exploitation des compétitions qu’elles organisent est potentiellement sujette à interprétation juridique.
Cet enjeu politique revient lors de chaque échéance de renégociation de la convention conclue avec la fédération, alors que cette mission constitue l’une de leurs vocations principales des ligues et est consubstantielle à leur création. Elle fait partie de leur raison d’être, qui est de développer le secteur professionnel de leur discipline.
La gestion et la commercialisation des droits d’exploitation doivent donc faire partie du socle de compétences des ligues professionnelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Permettez-moi de rappeler le fonctionnement du processus de délégation, qui fait successivement intervenir l’État, la fédération, puis la ligue. La ligue bénéficie d’une subdélégation de la part de la fédération.
Le champ de compétence de la ligue professionnelle doit donc être défini conjointement avec la fédération dans le cadre de la convention de subdélégation. Jusqu’à présent, aucun problème particulier ne s’est posé à ce sujet.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 et 79.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par M. Folliot, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 333-1-1 du code du sport est complété par les mots : « et le droit d’exploiter la billetterie de ces manifestations et compétitions, avec ou sans prestation de services associée, sous quelque modalité que ce soit ».
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Cet amendement a pour objet l’hospitalité sportive. Il vise à inclure dans le code du sport « le droit d’exploiter la billetterie [des] manifestations et compétitions, avec ou sans prestation de services associée, sous quelque modalité que ce soit ».
Nous le savons, un certain nombre de difficultés se posent au sujet de la pratique des hospitalités, pour le financement du sport tant professionnel qu’amateur. L’enjeu est essentiel.
Peut-être que l’intégration de cet amendement dans le code du sport fera-t-il prospérer certaines propositions dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Certaines Urssaf créent des difficultés, tant pour les clubs professionnels qu’amateurs.
Nous posons la première pierre pour assurer une sécurisation juridique, et permettre aux clubs professionnels ou amateurs d’avoir de plus grandes facilités en la matière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. La commission sollicite l’avis du Gouvernement, mais à titre personnel je suis plutôt favorable à l’amendement de M. Folliot. En effet, son amendement tend à répondre à un véritable problème, qui, s’il était résolu, permettrait aux clubs d’augmenter sensiblement leurs revenus.
Nous parlons bien sûr des clubs professionnels, mais également des clubs amateurs, pour lesquels la pratique des hospitalités représente une part importante de leurs budgets. Or cette pratique est remise en cause par une interprétation stricte de certaines dispositions législatives, comme l’a souligné l’auteur de l’amendement.
Le dispositif de l’amendement ne répond pas précisément aux enjeux soulevés. J’émets néanmoins à titre personnel un avis favorable, en espérant que nous puissions retravailler le dispositif dans le cadre de la navette. Quelle réponse le Gouvernement entend-il apporter au mouvement sportif sur cette importante question du point de vue économique ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Il n’est pas contesté que, en l’état actuel du droit, les acteurs économiques disposent déjà d’un monopole d’exploitation sur la billetterie de leurs évènements.
En outre, l’exposé des motifs de cet amendement suggère que la disposition proposée permettrait de faciliter et de fluidifier l’exercice des hospitalités par les organisateurs en contribuant à lever substantiellement l’application trop stricte de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2.
S’il apparaît nécessaire d’engager une réflexion concertée sur ce thème, associant évidemment l’Agence française anticorruption (AFA), il paraît peu envisageable que la prétendue rigidité de l’application de cette loi puisse être atténuée de façon univoque par la simple reconnaissance formelle d’un droit d’exploitation de la billetterie des compétitions sportives au profit de leurs organisateurs.
Puisque cette proposition de loi est examinée selon la procédure accélérée, je ne suis pas certaine que le temps de la navette suffise à trouver une solution. Je propose donc de créer un groupe de travail regroupant des parlementaires afin de faire un état des lieux précis de la question et d’envisager des solutions à apporter sur cet enjeu majeur, dont les conséquences économiques sont importantes.
Vous l’imaginez bien, toutes les ligues professionnelles m’ont déjà saisi de ce sujet qui dépasse le cadre de la proposition de loi que nous examinons. Cela ne sera pas facile, mais il faudra trouver des solutions.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. J’entends bien votre argument, madame la ministre, mais nous avons été trop habitués à ce que des ministres – je ne vous vise pas particulièrement – nous promettent des groupes de travail qui, avec le temps, peinent à être mis en place.
Je suggère donc à mes collègues de voter cet amendement. Cela mettrait un coup de booster aux services de l’État pour travailler rapidement sur le sujet.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 39.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.
Article 11
I. – Le titre II du livre IV du code du sport est ainsi modifié :
1° L’article L. 423-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également applicables dans les îles Wallis et Futuna les articles L. 333-10 à L. 333-15 dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel. » ;
2° L’article L. 424-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également applicables en Polynésie française les articles L. 333-10 à L. 333-15 dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel. » ;
3° Le I de l’article L. 425-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également applicables en Nouvelle-Calédonie les articles L. 333-10 à L. 333-15 dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel. »
II. – Le 5° de l’article 3 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux est ainsi modifié :
1° Le mot : « et » est remplacé par le signe « , » ;
2° Après la référence : « L. 333-11 », sont insérés les mots : « et L. 333-13 » – (Adopté.)
Article 11 bis (nouveau)
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, les fédérations délégataires ayant, à la date de promulgation de la présente loi, cédé les droits d’exploitation audiovisuelle de compétitions ou manifestations sportives en application de l’article L. 333-1 du code du sport, peuvent, d’un commun accord avec la ligue professionnelle qu’elles ont créée, retirer la subdélégation dont celle-ci bénéficie. À l’issue de ce délai, à défaut d’accord, la subdélégation est retirée de plein droit. Le retrait entraîne la dissolution de la ligue professionnelle dans les conditions prévues aux II et III de l’article 2.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 40 est présenté par M. Folliot.
L’amendement n° 50 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Levi et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. Henno, Chasseing et de Nicolaÿ et Mmes Sollogoub, Guidez, Saint-Pé, Florennes et Billon.
L’amendement n° 80 est présenté par MM. Hugonet, J.B. Blanc, Khalifé, Belin, Duplomb et J.M. Boyer.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Les ligues professionnelles dotées de la personnalité juridique existantes à la date de publication de la présente loi, ainsi que, le cas échéant, les sociétés commerciales qu’elles ont créées en application des articles L. 333-1 et L. 333-2-1 du code du sport dans leur rédaction en vigueur avant l’adoption de la présente loi, sont maintenues en place et poursuivent leurs activités jusqu’au terme de la convention de subdélégation conclue en application de l’article L. 131-14 du code du sport. À l’échéance de ladite convention, la gouvernance du secteur professionnel de la discipline considérée pourra soit être poursuivie dans les mêmes conditions dans le cadre d’une nouvelle convention de subdélégation, soit être organisée, après accord entre la ligue professionnelle, la fédération et le ministre chargé des sports, selon les dispositions du code du sport dans leur rédaction issue de la présente loi.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour défendre l’amendement n° 40.
M. Philippe Folliot. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° 50 rectifié bis.
M. Claude Kern. Il s’agit de sécuriser le modèle actuel jusqu’au terme des conventions de subdélégation qui sont en cours.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour présenter l’amendement n° 80.
M. Jean-Raymond Hugonet. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40, 50 rectifié bis et 80.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 12 est présenté par MM. Lozach et Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mmes Daniel et S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mme Harribey, M. Vayssouze-Faure et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 94 rectifié est présenté par MM. Rambaud, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient et Patriat, Mmes Phinera-Horth et Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Première phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
six
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l’amendement n° 12.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement vise à donner davantage de temps – six mois au lieu de trois – à la fédération pour organiser la gestion de la société commerciale par la société de clubs.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour présenter l’amendement n° 94 rectifié.
M. Didier Rambaud. Défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Nous souhaitons bien sûr que la réforme entre en vigueur le plus rapidement possible, dès la saison 2026-2027.
Il convient donc à nos yeux d’y travailler dès à présent. Nous espérons même que, dans la continuité des états généraux du football, l’ensemble des acteurs, ligue et fédération, aient d’ores et déjà commencé à travailler sur l’évolution de l’organisation du football professionnel en France. Je n’en suis pas certain, mais je l’espère.
Entre le vote au Sénat, l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale – on sait combien cela est difficile… –, son adoption et sa promulgation, du temps aura passé. Peut-être pourrez-vous, si nécessaire, réajuster ce délai à l’issue du débat à l’Assemblée nationale ? (Mme la ministre acquiesce.)
Pour l’heure, j’émets un avis défavorable sur ces amendements identiques. Mettons un peu de pression pour que les choses avancent correctement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. Le Gouvernement estime nécessaire de prévoir un délai plus long, afin de laisser le temps aux différents acteurs de mettre en place des mesures transitoires cohérentes, sans déstabiliser l’organisation des compétitions professionnelles en cours.
Néanmoins, le rallongement de ce délai ne doit absolument pas compromettre la mise en œuvre de ces évolutions. Je rejoins M. le rapporteur sur l’objectif 2026-2027 : il est incontournable et nous y serons particulièrement vigilants.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 94 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11 bis.
(L’article 11 bis est adopté.)
Article 12
Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. L’amendement n° 115, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie Barsacq, ministre. Cet amendement vise à lever le gage sur ce texte : c’est la preuve de la volonté d’avancer du Gouvernement.
J’en profite, mesdames, messieurs les sénateurs, pour vous féliciter de la teneur des débats. Les évolutions que vous avez apportées améliorent sensiblement le texte.
Certains points, nous l’avons vu, restent à étudier dans la navette, mais les choses vont dans le bon sens. Nous sommes tous pleinement mobilisés, me semble-t-il, sur des objectifs communs et je ne doute pas de notre réussite.
Affaire à suivre, donc, sur les points que nous avons soulignés, pour continuer à renforcer le sport professionnel français, qui a besoin de cette évolution législative !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.
Mme Mathilde Ollivier. Je remercie l’auteur de la proposition de loi, ainsi que M. le rapporteur, pour le travail effectué ces derniers mois dans le cadre de la mission d’information, puis de cette proposition de loi, qui sera sans doute adoptée à l’unanimité.
Permettez-moi néanmoins d’exprimer de nouveau ma frustration sur la question de l’inclusion des femmes et des personnes qui sont victimes de discriminations lorsqu’elles pratiquent un sport ou participent à des compétitions sportives, ne serait-ce qu’en tant que simples supporters.
Nous avons avancé dans l’inclusion des associations de supporters au sein de l’organisation de la gestion du financement du sport professionnel.
Il est important de travailler sur la question des discriminations et de l’homophobie (Mme la ministre acquiesce.) : en effet, près de 40 % des Français disent avoir été victimes ou témoins de propos homophobes lors de compétitions sportives.
Ce texte aurait pu être l’occasion d’avancer sur ces sujets. Si je me réjouis que des amendements sur les ligues féminines aient été adoptés, je regrette que mes amendements visant à une meilleure inclusion des associations de lutte contre sur les discriminations dans les sociétés de clubs, les fédérations et les ligues ne l’aient pas été.
Sur les trente-neuf fédérations olympiques et paralympiques, trois seulement ont des femmes à leur tête !
Lutter contre les discriminations, c’est permettre à une nouvelle génération de femmes de s’inscrire dans une pratique du sport et dans l’encadrement du sport professionnel.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. En général, au terme de l’examen d’un texte, le président de la commission distribue de nombreux remerciements.
En tant qu’auteur de la proposition de loi, le président Lafon aura quelques difficultés à le faire pour lui-même : je voudrais donc, au nom de nombreux collègues, le remercier d’avoir présidé la mission d’information dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête, puis déposé cette proposition de loi.
Permettez-moi également de remercier le rapporteur. Le club des sénateurs sportifs s’est beaucoup fait entendre(Sourires.), contribuant à la qualité de nos débats.
Jean-Jacques Lozach, Claude Kern et bien sûr Michel Savin : la commission a joué groupé et nous avons eu de franches discussions.
Au-delà de nos divergences, j’ai beaucoup apprécié la manière dont la rapporteur a rappelé ce qui était finalement le fondement historique de l’organisation de notre sport : un État qui joue un rôle essentiel – l’enjeu est fort pour notre pays –, une délégation aux fédérations, puis une subdélégation aux ligues. C’est cette ossature que nous avons défendue.
Nous avons certes entendu des discours tout à fait compréhensibles, dans le contexte du XXIe siècle, où notre sport est en concurrence avec le reste du monde. Il était bon, toutefois, Michel Savin, de rappeler avec force ce qui fait l’originalité de l’organisation du sport en France.
Le Sénat a travaillé de manière très consensuelle et nous avons eu de bons débats. Madame la ministre, vous avez maintenant un beau texte entre les mains. Nous comptons sur vous pour le défendre à l’Assemblée nationale !
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Statistiquement, j’ai frappé quinze fois au but et je n’ai marqué qu’une fois. (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. C’est pas mal !
M. Jean-Raymond Hugonet. Pour un défenseur, ces statistiques ne sont pas si mauvaises, mais elles peuvent être améliorées. (Nouveaux sourires.)
Plus sérieusement, je remercie évidemment nos collègues pour le travail accompli, mais je trouve – l’avenir nous le dira très rapidement – que ce texte a manqué sa cible.
Madame la ministre, si nous voulons vraiment aider le sport professionnel, et notamment le football, qui croule sous les charges ((Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.), il faut – vous le savez pertinemment – diminuer les charges sociales qui pèsent sur les clubs français et leur permettre de lutter à armes égales avec leurs homologues européens.
On ne peut pas, à la fois, aller fêter, comme l’ont fait certains, la coupe aux grandes oreilles dans une soirée à l’Élysée, et nier la réalité du football professionnel en France aujourd’hui, car cela revient à faire l’autruche.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Je remercie à mon tour l’auteur et le rapporteur pour cet excellent travail, ainsi que l’ensemble des collègues pour ces débats fort nourris, qui se sont déroulés dans une ambiance conviviale et fructueuse.
Je remercie également – on ne le fait jamais assez – Mme la présidente pour avoir tenu les délais.
À présent, madame la ministre, et pour sortir du monde du foot, il faut transformer l’essai ! (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Je salue à mon tour l’engagement des uns et des autres pour parvenir à ce texte consensuel. Il était important de donner une suite à nos travaux. Ils ne seront pas restés lettre morte, et c’est bien ainsi.
Cette proposition de loi bouscule, il faut le reconnaître, certaines habitudes, mais elle ne déresponsabilise personne dans les fédérations ou dans les ligues professionnelles, bien au contraire.
Elle intègre en outre l’actualité. Nous devons vraiment régler le problème des hospitalités. Au-delà des enjeux financiers, les enjeux de formation dans les centres sont absolument primordiaux.
C’est aussi peut-être l’occasion, pour l’ensemble du mouvement sportif, de se pencher sur ce qui se passe dans chacune des chapelles.
Je prends l’exemple du supportérisme. Nous avons évoqué l’éclatement et la difficulté d’avoir des structures représentatives. Dans le handball, il existe une fédération nationale des supporters, qui dialogue régulièrement avec la fédération française. Pourquoi ne pas cloner ce qui fonctionne dans certains domaines ?
Comme nous l’avons vu, des sujets majeurs restent devant nous. Je pense en particulier à la multipropriété, qui finira par tuer la fameuse glorieuse incertitude du sport. Je pense également à la tierce propriété, dite TPO, qui est un véritable scandale. C’est la déshumanisation totale du sportif professionnel !
Enfin, je prendrai l’exemple du rugby – cela fera plaisir à mon ami Philippe Folliot –, où la régulation, au travers notamment du plafonnement des salaires des joueurs, se combine avec d’excellents résultats sportifs. C’est vrai pour l’équipe de France, mais aussi pour le championnat national, qui est sans doute le plus relevé du monde.
Une dose d’interventionnisme n’est donc pas incompatible avec de bonnes performances !
Mme la présidente. La parole est à M. Adel Ziane, pour explication de vote.
M. Adel Ziane. Je vous remercie à mon tour, madame la présidente, pour la tenue des débats.
Je remercie également le président de la commission et le rapporteur : un long chemin a été parcouru depuis le lancement de la mission d’information et les auditions de l’ensemble des acteurs du football français.
Le problème n’est pas lié uniquement aux charges. Comme nous l’avons vu sur la question des droits audiovisuels, le football français a été frappé d’hubris. Il s’est livré à une forme de course à l’échalote, avec l’impression que tout était acquis, sans se soucier – Jean-Jacques Lozach et d’autres l’ont rappelé – de la pérennité du système ni de son fonctionnement.
En lien avec la fédération, notre mission d’information a donc réfléchi notamment aux problèmes liés à la subdélégation et nous avons abouti, petit à petit, magistralement, à cette proposition de loi.
Le texte comporte une grande avancée en direction des supporters. Je remercie le rapporteur et le président de la commission d’avoir écouté leur demande et d’avoir répondu à leur forte attente.
Je retiens également, madame la ministre, que vous avez ouvert la possibilité d’une réflexion sur la question de la multipropriété, dont nous devons absolument nous saisir en profondeur.
Comme nous l’avons vu – l’intitulé de la mission d’information en témoignait d’ailleurs –, les fonds d’investissement dans le football professionnel sont une véritable plaie. Ces derniers répondent à des logiques de court terme qui sont déconnectées des enjeux de pérennité du football professionnel et de l’avenir du sport professionnel en France de manière générale.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Comme vient de le dire Adel Ziane, beaucoup a été fait depuis un an.
Lorsque nous avons lancé cette mission d’information dotée du statut de commission d’enquête, nous ne pensions pas, les uns et les autres, aboutir à une proposition de loi de cette ampleur. Au fil des sujets que nous avons abordés, nous avons bien vu, ensuite, combien ce texte revêtait une dimension structurante pour le sport professionnel.
Cette proposition de loi a provoqué des réactions, et c’est normal, mais elle était attendue. Car le football est au pied du mur, et que c’est précisément dans ces moments-là que nous pouvons faire passer des réformes.
Nous ne voulions pas manquer cette fenêtre de tir, et c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité inscrire le texte le plus rapidement possible à l’ordre du jour du Sénat. Espérons qu’il poursuive son chemin dans les meilleurs délais à l’Assemblée nationale. De toute évidence, le temps de la réforme est venu pour le football.
Nous avons bien entendu les remarques formulées par le secteur sportif. Le rapporteur, que je tiens à remercier personnellement pour le travail très détaillé qu’il a fourni, y a été particulièrement attentif.
Nous avons fait en sorte que cette proposition de loi, qui est issue d’un travail sur le football, mais qui concerne l’ensemble des pratiques, fasse la part des choses entre ce qui relève des difficultés propres à cette discipline et le reste.
À cet égard, grâce à vos amendements, mes chers collègues, nous sommes arrivés, me semble-t-il, à un bon équilibre.
Je tiens enfin à remercier le Gouvernement. En déclarant la procédure accélérée et en levant le gage, il a envoyé un message clair sur la suite à donner à ce texte. Avec le Sénat, il partage une volonté commune : celle de porter cette proposition de loi le plus loin possible, jusqu’au vote définitif.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Je remercie l’ensemble de nos collègues pour cette œuvre collective.
L’ensemble des groupes politiques ont contribué aux travaux de la mission d’information dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête. Je remercie le président Lafon d’avoir déposé ensuite cette proposition de loi, que nous nous apprêtons à voter. Cela démontre bien que le travail effectué au Sénat dans les missions d’information ou les commissions d’enquête est suivi d’effet.
Je remercie bien sûr le Gouvernement. En dépit de certains désaccords, nous avons réalisé avec vos équipes, madame la ministre, un travail collectif.
Je retiens que nous avons tenu le cap que nous nous étions fixé : suivre et reprendre les trente-cinq recommandations de notre mission d’information.
Nous avons bien vu que cela ne faisait pas plaisir à tout le monde. Certaines des dispositions envisagées ont pu faire grincer des dents, mais notre main n’a pas tremblé.
Nous avons pris les dispositions nécessaires pour une refondation inédite du sport professionnel, qui passe par la clarification de la gouvernance, le renforcement du contrôle des clubs et des ligues, la lutte contre le piratage, le renforcement des exigences en matière d’éthique, la réinvention de l’économie du sport professionnel ou encore la création de ligues féminines.
Tous ces dispositifs sont issus de nos travaux. Aussi, mes chers collègues, je tiens à vous remercier par avance pour votre vote. Il s’agit d’une avancée majeure pour le sport professionnel français.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative à l’organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, de la commission de la culture et, l’autre, du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 306 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 338 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars.
M. Jean-Claude Anglars. Lors du scrutin public n° 303 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, mes collègues Marie-Do Aeschlimann et Lauriane Josende souhaitaient voter pour ; mon collègue Étienne Blanc souhaitait s’abstenir.
M. le président. Acte donné de cette mise au point. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
6
Renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d’adapter les normes aux territoires, présentée par M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 493, texte de la commission n° 666, rapport n° 665).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour défendre une proposition de loi que j’ai déposée avec mes collègues de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Guylène Pantel et Bernard Delcros, et près de 130 d’entre vous, que je remercie sincèrement.
Ce texte, transpartisan par essence, a été soumis à cosignature sans distinction d’étiquette politique. Et pour cause : il traite d’un enjeu de bon sens auquel nous sommes toutes et tous confrontés sur le terrain, à savoir la simplification des normes et l’efficacité de l’action publique.
Cette proposition de loi a été écrite à l’encre du terrain, et incarne – je le dis sans aucune prétention – cette transformation trop rare du verbe à l’action.
Je veux avant tout remercier mon groupe, et particulièrement notre président, Mathieu Darnaud, pour l’inscription de cette initiative à l’ordre du jour. Naturellement, je remercie également notre collègue rapporteure, Nadine Bellurot, qui a accompli un travail exemplaire dans un délai contraint.
Cette initiative est née d’une mission flash sur le pouvoir préfectoral de dérogation. Au travers d’une large consultation des élus – plus de 2 600 réponses nous sont parvenues –, nous avons mesuré l’intérêt porté à ce sujet et la confiance placée dans le Sénat. Cette confiance nous oblige à agir.
Le rapport que j’ai corédigé avec Guylène Pantel et que notre délégation a adopté le 13 février dernier démontre que ce pouvoir de dérogation peine à produire ses effets dans un pays encore trop marqué par une interprétation rigide des principes d’égalité et de légalité.
Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, l’a lui-même dit lors de la remise de notre rapport : « Notre administration fait trop souvent prévaloir la procédure sur le résultat. »
Nous devons inverser cette logique afin de passer de l’addiction à la norme à l’obsession de son efficacité. Or cela suppose un véritable changement de culture administrative.
C’est tout l’objet de ce texte : permettre à l’État territorial de jouer pleinement son rôle de facilitateur et d’accompagnateur des projets locaux.
Ainsi, un point majeur de la proposition de loi consiste à faire du préfet le véritable pilote de l’État dans les territoires, comme le recommande le rapport de nos collègues Éric Kerrouche et Agnès Canayer au titre évocateur, À la recherche de l’État dans les territoires, adopté en 2022.
Certains ont estimé en commission que cette proposition de loi s’apparentait à une sorte de « recentralisation ». Soyons précis : le pouvoir de dérogation n’a jamais été décentralisé. Il s’agit donc non pas de recentraliser, mais de mieux organiser, de clarifier et, disons-le, de libérer un pouvoir existant.
Aujourd’hui, le préfet reste trop souvent en marge de domaines majeurs, comme la santé, les finances publiques ou l’éducation. Il est temps de lui donner un levier réel d’adaptation aux réalités locales, y compris par rapport aux agences et opérateurs de l’État.
Le décret du 8 avril 2020, qui fonde le pouvoir de dérogation des préfets, est extrêmement restrictif. Il ne s’applique qu’à sept domaines limités, et impose un certain nombre de conditions cumulatives pour chaque dérogation.
En moyenne, on ne compte ainsi que 1,5 arrêté par département et par an, pour l’essentiel sur les subventions d’État. Douze départements n’ont jamais eu recours à ce levier et douze autres ne l’ont actionné qu’une seule fois.
Certains préfets, il faut le reconnaître, ont su en faire un usage judicieux. Mais, même dans ces cas, leur marge de manœuvre demeure étroite.
Deux exemples concrets illustrent pourtant le potentiel de ce pouvoir. À Blois, un préfet a relevé le taux de subvention pour soutenir la revitalisation des quartiers autour de la gare. Dans le Lot, une préfète a adapté, en s’appuyant sur la connaissance locale, la proportion d’animateurs qualifiés pour permettre à une commune d’organiser l’accueil des mineurs.
Ces décisions sont pragmatiques, justifiées et ancrées dans les réalités locales, et c’est cette logique que nous voulons aujourd’hui renforcer et sécuriser. Que proposons-nous ?
L’article 1er de la proposition de loi inscrit dans la loi le pouvoir de dérogation, l’étend aux décisions des agences de l’État et ouvre la possibilité de déroger aux règles de fond dans certains cas précis, notamment pour alléger la charge financière pesant sur les collectivités.
Les articles 2, 3 et 4 instaurent, quant à eux, de nouveaux régimes législatifs de dérogation aux normes.
J’entends déjà poindre certaines réserves, voire des inquiétudes, quant à l’idée de permettre à un préfet de déroger à certaines normes législatives. Je sais par ailleurs que nous aurons un débat nourri sur l’article 3, puisqu’il touche au code de l’environnement.
Faut-il rappeler que le législateur a déjà prévu des régimes spécifiques reconnaissant au représentant de l’État un pouvoir d’adaptation locale ?
À titre d’exemple, le préfet peut déroger aux règles du repos dominical, lorsqu’il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait son fonctionnement normal.
Il nous est apparu nécessaire d’élargir cette logique de dérogation législative, dans une optique de différenciation territoriale, pour permettre une véritable adaptation aux réalités locales.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Rémy Pointereau. C’est précisément ce que nous proposons ici, afin d’alléger la participation minimale des collectivités territoriales au financement d’un projet ou, comme à l’article 3, permettre une dérogation au code de l’environnement pour préserver l’existence d’ouvrages hydrauliques, tels que des moulins, ou nettoyer un fossé afin d’éviter une inondation.
Sur ce point, j’observe que certains de nos collègues ont déposé un amendement de suppression. Le droit d’amendement est évidemment fondamental, mais permettez-moi un bref commentaire. Je suis toujours surpris par ce type d’amendement qui se contente de supprimer un dispositif sans même proposer de solution de remplacement.
L’article en question n’est pas le fruit du hasard. Il découle de nos échanges sur le terrain. Surtout, il est encadré, car nous avons veillé à sécuriser son application, en précisant clairement que « la dérogation ne porte pas une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé ».
J’en viens maintenant à l’article 5, qui vise à renforcer le dialogue entre les préfets et les élus locaux au travers des comités locaux de cohésion territoriale, structures qui existent déjà. Ce n’était pas nécessairement l’instance que nous avions envisagée au départ, mais la modification proposée par Mme la rapporteure nous paraît pertinente et nous y souscrivons pleinement. Ce dialogue est crucial, car 80 % des élus consultés ignorent l’existence même du pouvoir de dérogation.
Enfin, l’article 6 vise à sécuriser la situation des préfets au regard de la responsabilité pénale qu’ils pourraient endosser dans l’exercice de leur pouvoir de dérogation.
C’est d’ailleurs l’un des principaux freins identifiés à l’usage effectif de ce pouvoir. Comme les représentants de la direction des missions de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (Dmates) du ministère de l’intérieur nous l’ont rappelé à plusieurs reprises, les préfets ont exprimé leurs préoccupations quant au risque pénal lié à la mise en œuvre de leur droit de dérogation.
Le rapport remis au Premier ministre le 13 mars 2025 par Christian Vigouroux, membre du Conseil d’État, rapport consacré à la sécurisation de l’action des autorités publiques, le souligne clairement : bien que les préfets soient « unanimement convaincus de l’utilité opérationnelle d’un tel dispositif », ils « ont néanmoins une perception aiguë des risques encourus dans l’usage d’un droit potentiellement générateur de dommages, dont il pourrait être demandé réparation à l’État au civil, ou à eux-mêmes au pénal ».
Autrement dit, nous sommes face à un paradoxe : un outil jugé utile sur le terrain est pourtant sous-utilisé faute de garanties suffisantes pour ceux qui doivent le mettre en œuvre. C’est précisément ce que vient corriger l’article 6.
Mes chers collègues, avec cette proposition de loi, nous répondons à l’appel du Gouvernement lui-même, qui demande aux parlementaires de porter des initiatives de simplification. Chiche, relevons ce défi !
Je me réjouis d’ailleurs que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée sur ce texte. J’y vois une volonté d’aboutir, mais il faudra aller jusqu’au bout, monsieur le ministre : adoption par l’Assemblée nationale et promulgation rapide.
Nous avons une occasion unique de donner corps au principe de différenciation territoriale, au travers d’un outil simple, utile et attendu. Redonnons à nos élus la capacité d’agir efficacement !
Faire confiance à l’intelligence des territoires, c’est faire confiance aux élus, mais également aux préfets. C’est pourquoi je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le dénonçons régulièrement entre ces murs : les élus sont confrontés à un carcan normatif étouffant, qui constitue un frein à la réalisation de projets et génère un sentiment grandissant d’impuissance.
Plusieurs initiatives ont été lancées par le Sénat pour endiguer ce phénomène de croissance ininterrompue du nombre de normes et ainsi faciliter l’action publique locale. On peut citer, à ce titre, la signature en 2023 avec le Gouvernement de la charte de la simplification des normes, ou encore l’organisation chaque année d’Assises de la simplification.
La proposition de loi que nous examinons ce jour, déposée par nos collègues Rémy Pointereau et Guylène Pantel – je veux à ce propos saluer le travail remarquable qu’ils ont produit sur ce sujet dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation –, a été cosignée par plus de cent trente d’entre nous, ce qui démontre bien tout l’intérêt que nous avons à légiférer dans ce domaine.
Ce texte traduit les principales recommandations du rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales.
À titre liminaire, je souhaiterais revenir sur le pouvoir de dérogation des préfets aux normes réglementaires étatiques.
D’abord institué à titre expérimental, en 2017, dans quelques départements et régions, ce pouvoir de dérogation a été généralisé et pérennisé en 2020 compte tenu du bilan positif de l’expérimentation. Depuis lors, plus de neuf cents arrêtés de dérogation ont été pris par les préfets.
Ce dispositif a été jugé utile par l’ensemble des acteurs que j’ai consultés. En effet, lorsqu’il a été utilisé, le pouvoir de dérogation s’est développé dans un cadre consensuel et en concertation avec les élus locaux ; d’où la quasi-absence de contentieux. Près de 90 % des dérogations ont bénéficié aux collectivités territoriales.
Toutefois, les auditions que j’ai conduites, en particulier avec des préfets aujourd’hui en fonction, ont permis d’identifier plusieurs obstacles.
Ainsi, les dérogations ne peuvent intervenir que dans des matières limitativement énumérées ; cette liste exclut par exemple la santé et les transports.
Le préfet ne peut déroger qu’aux normes arrêtées par l’administration de l’État et non à celles qui sont fixées par les agences et les opérateurs.
Le préfet ne peut déroger qu’à des règles de forme, puisque la dérogation doit avoir pour effet d’alléger des démarches administratives, de réduire des délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques.
Les initiatives de dérogation se heurtent bien souvent à l’existence de normes législatives et européennes. L’attachement au principe d’égalité qui irrigue la culture de l’administration entre en contradiction avec l’idée d’une application différente selon la norme ou les cas. À l’appui de ce constat, le préfet du Pas-de-Calais, Laurent Touvet, nous a dit qu’il s’agissait d’un « choc culturel ».
Enfin, les préfets ont pu éprouver certaines réticences liées à la crainte de voir leur responsabilité pénale engagée à raison du recours au pouvoir de dérogation.
La proposition de loi que nous examinons comporte six articles qui lèvent un certain nombre de ces freins.
L’article 1er, dont la rédaction a été clarifiée et enrichie par la commission des lois, vient consacrer au niveau législatif le pouvoir de dérogation du préfet en matière réglementaire. Il s’inspire très largement de la rédaction du décret de 2020 qui a défini le régime actuel de dérogation, avec toutefois quelques différences.
Premièrement, le pouvoir de dérogation serait élargi à toutes les matières et le préfet autorisé à prendre au titre de son pouvoir de dérogation des décisions individuelles ainsi que des décisions réglementaires.
Deuxièmement, le préfet pourrait déroger non seulement aux normes arrêtées par l’administration de l’État, mais également à celles relevant de la compétence des agences.
Troisièmement, ce pouvoir serait étendu à des normes de fond, puisque le préfet pourrait prévoir des adaptations mineures – nous reviendrons sur la pertinence ou non de ce terme – ayant pour effet de faciliter la réalisation de projets locaux.
Les articles 2, 3, 4 et 4 bis permettent ensuite au préfet, dans des cas circonstanciés et pour atteindre des objectifs très précis, de déroger à des normes législatives au bénéfice des collectivités.
Ainsi, l’article 2 simplifie le régime des dérogations au principe de participation financière minimale octroyées par le préfet. En commission des lois, nous avons complété ce dispositif afin d’y introduire une mesure, issue d’une proposition de loi déposée par nos collègues Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte et adoptée en février 2024 par le Sénat, qui vise à élargir la possibilité de dérogation au seul bénéfice de certaines communes rurales.
L’article 3 octroie aux préfets la faculté de déroger à certaines règles relatives à la construction et au maintien d’ouvrages hydrauliques.
L’article 4 permet aux préfets d’instituer un délai de mise en conformité des installations sportives, même lorsqu’un tel délai n’est pas prévu par les règlements des fédérations sportives, lorsque le coût de la mise en conformité est totalement disproportionné pour la collectivité propriétaire de l’infrastructure.
La commission a enrichi la liste de ces dérogations législatives en introduisant dans le texte un nouvel article, l’article 4 bis, qui permettra au préfet, sur la demande d’une collectivité, de verser la compensation due au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) en année n plutôt qu’en année n+2. Il s’agit d’une mesure de soutien à l’investissement des petites communes, qui sont parfois confrontées à des difficultés de trésorerie lorsqu’une opération est coûteuse.
L’article 5 prévoyait, dans sa rédaction initiale, la création d’une « conférence de dialogue » qui aurait remplacé la commission départementale de conciliation des documents d’urbanisme et aurait eu vocation à associer les élus locaux à l’exercice du pouvoir de dérogation.
Plutôt que de créer une nouvelle instance, la commission a choisi de faire vivre les compétences des comités locaux de cohésion territoriale, qui constituent d’ores et déjà un espace d’échanges consacré à la facilitation des projets locaux.
Chaque année, devant ce comité, le préfet du département devra présenter un bilan exhaustif de l’exercice du pouvoir de dérogation. Il appartiendra au comité, dont les parlementaires seront obligatoirement membres, de formuler des recommandations en matière de dérogations et de simplification.
J’en profite pour souligner qu’il faudra développer la procédure de « délégalisation » : lorsque des dispositions législatives empiètent sur le domaine réglementaire, élus et services de l’État ont intérêt à les identifier pour qu’elles soient « déclassées » et puissent ensuite faire l’objet d’une dérogation au profit des collectivités.
L’article 6, pour sa part, modifie plusieurs dispositions du code pénal afin de sécuriser le recours par les préfets à leur pouvoir de dérogation. La commission des lois en a clarifié la rédaction, en reprenant le régime de la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, dite loi Fauchon, pour l’adapter aux préfets.
Toujours dans cette optique de clarification, je vous soumettrai deux amendements supplémentaires.
Le premier, l’amendement n° 28, vise à garantir l’effectivité du pouvoir de dérogation des préfets sur les décisions prises par les agences, en prévoyant – cela avait déjà été proposé par le Sénat – que le préfet soit le délégué territorial de ces agences.
Le second, l’amendement n° 29, a pour objet d’assurer la bonne application de ces dispositifs aux collectivités ultramarines.
Mes chers collègues, il est urgent de mobiliser l’ensemble des leviers à notre disposition pour agir très concrètement en faveur de la simplification et de l’adaptation des normes aux spécificités locales, comme l’a déjà défendu le Sénat et comme l’ont rappelé nos collègues Éric Kerrouche et Agnès Canayer dans le rapport d’information qu’ils ont déposé en septembre 2022.
Je suis convaincue que le renforcement du pouvoir de dérogation du préfet est un outil qui permettra de faciliter l’action publique locale et d’accélérer la réalisation de projets par les collectivités. Cela répondra aussi aux souhaits de nos concitoyens qui se trouvent parfois démunis devant un refus ou des délais trop longs.
C’est pourquoi je vous propose, sous réserve de l’adoption des amendements que je viens d’évoquer, d’adopter la proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd’hui, je m’adresse à des parlementaires, mais avant tout aux élus locaux que vous avez été ou, pour beaucoup d’entre vous, êtes encore.
Dans cet hémicycle, nous croyons à la France communale, à la démocratie locale qui fait rimer efficacité avec proximité. Or, nous le savons tous ici, la « bureaucratie », si je puis dire, et l’excessive complexité normative démobilisent les élus locaux, mais aussi l’administration territoriale elle-même. Ce ne sont pas ses représentants qui sont en cause : eux aussi sont pris dans les filets de certaines normes inutiles et parfois d’injonctions contradictoires.
Donner aux préfets la possibilité de déroger, c’est aussi apporter aux élus locaux le soutien qu’ils attendent de l’État. Telle est précisément l’ambition de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, qui vise à renforcer et sécuriser le pouvoir de dérogation des préfets afin d’adapter les normes aux territoires. Ce texte bénéficie – je le dis dès maintenant – du soutien total du Gouvernement.
Le principe de subsidiarité, qui est avant tout un principe d’efficacité, innerve toute notre action place Beauvau. Des plans d’action départementale de restauration de la sécurité du quotidien à la réforme du cadre d’emploi des polices municipales, nous donnons aux acteurs de terrain les moyens de leurs ambitions, quelles qu’elles soient.
Nous devons cependant franchir une nouvelle étape dans notre volonté d’amplifier les libertés locales. Ce texte, en permettant aux préfets d’adapter le droit aux spécificités locales pour faciliter et accélérer la réalisation des projets territoriaux, nous en donne l’occasion.
Le pouvoir de dérogation est en réalité relativement ancien. Il a été reconnu aux préfets, à titre expérimental, par un décret du 29 décembre 2017 avant d’être pérennisé et généralisé par un décret du 8 avril 2020. Mais, en réalité, peu de préfets se sont pleinement emparés de ce pouvoir : depuis 2020, seuls 628 arrêtés de dérogation ont été pris par des préfets de département et 152 par des préfets de région ; deux tiers de ces arrêtés concernent le seul sujet des subventions.
Ce constat, le sénateur Rémy Pointereau et la sénatrice Guylène Pantel, que je veux saluer, l’ont souligné dans leur rapport d’information flash, dont est issue la proposition de loi que nous examinons ce soir.
Au-delà du constat, ce rapport mettait en évidence certains freins à la pleine utilisation du pouvoir de dérogation par les préfets. Ce sont ces freins que leur texte se propose de lever, d’une part en sécurisant le pouvoir de dérogation des préfets, d’autre part en l’élargissant.
La sécurisation du pouvoir de dérogation passe avant tout par l’inscription de ce pouvoir dans la loi, alors qu’il n’avait jusqu’à présent qu’un fondement réglementaire.
Elle passe également par la préservation de la responsabilité pénale des préfets, sujet majeur du texte. Cette responsabilité ne pourra dorénavant être engagée qu’en cas de violation manifestement délibérée des conditions de recours au pouvoir dérogatoire ou de faute caractérisée qui exposerait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’ils ne pouvaient ignorer.
L’élargissement du pouvoir de dérogation dans le champ réglementaire est prévu dans trois directions.
Premièrement, serait supprimée la liste limitative des domaines dans lesquels le pouvoir de dérogation peut s’appliquer.
Deuxièmement, on permettrait aux préfets de procéder à des adaptations mineures des règles de fond, et non plus seulement de déroger aux règles de forme, de délai et de procédure.
Troisièmement, ils recevraient l’autorisation de déroger aux règles fixées par les établissements publics de l’État au champ d’action territorial.
Cette dernière direction apparaît, pour le Gouvernement, quelque peu discutable. En effet, le pouvoir de dérogation des préfets ne vaut que dans le cadre des décisions qu’ils prennent. Or ils ne peuvent en prendre aucune dans le champ de compétences des établissements publics, qui bénéficient d’un principe d’autonomie. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutiendra l’amendement visant à faire du préfet le délégué territorial des établissements publics ayant des missions territoriales. Ce nouveau rôle lui permettra notamment de leur adresser des directives d’action territoriale.
L’élargissement du pouvoir de dérogation des préfets proposé par M. Pointereau et Mme Pantel ne se limite pas au seul champ réglementaire. Le champ législatif est, lui aussi, concerné.
Les préfets se sont déjà vus reconnaître par le législateur un pouvoir de dérogation aux lois, par exemple pour le travail dominical.
La proposition de loi vise à encourager le développement de ces régimes législatifs de dérogation préfectorale, en en créant quatre supplémentaires. Avec les trois que propose le Gouvernement, par voie d’amendements, pour permettre aux élus de déroger aux règles imposant la création de conseils de développement, de caisses des écoles ou de conseils citoyens, ce ne sont pas moins de sept régimes supplémentaires dont vont bénéficier les préfets.
S’agissant des régimes qui figurent dans le texte de la commission, je me dois d’appeler votre attention sur quelques points.
Si le Gouvernement est favorable à ce que le préfet puisse déroger, au cas par cas, à la règle de participation financière minimale de 20 % des collectivités maîtres d’ouvrage, il met en garde contre la réduction de ce seuil à 5 % pour les communes rurales sur certains projets d’investissement. Le risque, pour ces communes, de se retrouver en situation de péril financier nous semble assez grand.
De même, la disposition autorisant le préfet à déroger à la loi pour permettre le versement anticipé du FCTVA, outre son coût considérable pour l’État, serait très complexe, pour ne pas dire impossible, à mettre en œuvre sur le plan administratif, et ce pour une raison très simple : l’automatisation du FCTVA.
Nonobstant ces remarques, dont j’espère que votre assemblée voudra bien tenir compte, le texte que vous examinez ce soir bénéficie du soutien du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partons, avec Mme la rapporteure, de constats similaires : d’une part, les préfets ont, depuis 2017, peu utilisé leur pouvoir de dérogation aux normes applicables ; d’autre part, la complexité de ces normes et leur multiplicité sont devenues un réel fardeau pour nos collectivités.
Les similitudes s’arrêtent là. Nous ne tirons pas de ces constats les mêmes conclusions et nous ne préconisons pas les mêmes solutions.
Concernant la faible utilisation de ce pouvoir par les préfets, nous constatons, lorsque nous les interrogeons, que, s’ils n’ont pris que quelque neuf cents arrêtés de dérogation depuis 2020, ce n’est pas parce que leur pouvoir en la matière serait trop restreint ou le risque pénal trop grand, mais parce qu’après analyse des demandes de dérogation au cas par cas, ils ne les ont pas jugées nécessairement utiles.
Le rapport de la mission flash estime que le corps préfectoral aurait une certaine frilosité culturelle à utiliser cet outil de dérogation.
Mais cette frilosité culturelle, mes chers collègues, c’est le socle de notre République, une et indivisible ! Aucun individu ou aucune partie de la population française ne peut s’arroger l’exercice de la souveraineté, qui appartient aux citoyens français dans leur ensemble. Et c’est bien ce principe d’unité et d’indivisibilité qui garantit l’homogénéité des lois, des droits et des devoirs sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin.
Les intérêts privés ne peuvent prendre le pas sur nos principes fondamentaux. La mission des préfets est de faire respecter les lois et règlements de la République partout et de manière homogène. Ils exercent cette mission en s’appuyant sur une connaissance fine des territoires dont ils ont la charge. Ils savent, à ce titre, s’adapter aux situations complexes, en conciliant intérêts républicains et intérêts locaux.
Si certaines normes sont inadaptées à des situations précises, ils font usage de leur pouvoir de dérogation. Mais les préfets le savent : à trop consacrer le droit à la dérogation, c’est la République que nous risquons d’abîmer. C’est bien là toute la limite de cette proposition de loi.
Pour autant, nos collectivités subissent une trop grande multitude de normes – elles ne sont pas les seules. Et nous sommes bien placés ici pour savoir que l’inflation législative va bon train.
On nous propose souvent la solution magique : une nouvelle loi de simplification ou de dérogation. Ce faisant, nous passons à côté du vrai problème : c’est bien le monde libéral qui consacre le règne de la norme. Max Weber le disait bien au début du vingtième siècle : « Capitalisme et bureaucratie se sont rencontrés et sont devenus inséparables. » (Sourires.)
Si les règles sont indispensables en société, nous nous sommes construit un système fondé sur la hiérarchie, l’impersonnalité des fonctions spécialisées, l’ordre et la mise en place de procédures. Enfermés dans cette logique, en prétendant simplifier, nous ne créons que plus de règles et finalement nous complexifions davantage.
Dans la présente proposition de loi, par exemple, au motif que les collectivités subissent trop de normes, nous proposons d’en créer de nouvelles, de prévoir de nouvelles exceptions. Comment pouvons-nous penser que cela simplifiera la compréhension des règles que nous édictons, alors même que nous complexifions les procédures ?
Cette multiplicité des normes ne fait que créer une activité économique et un marché prolifique, au détriment de l’intérêt commun. Nos collectivités, toujours plus appauvries par les budgets que nous votons ici, n’en doivent pas moins financer des aides et des conseils pour comprendre et appliquer ces normes.
C’est bien la raison pour laquelle le groupe CRCE-K lutte contre cette hyperspécialisation de nos collectivités. La disparition progressive de la clause de compétence générale a laissé place à l’empire de règles complexes et indigestes pour des collectivités abandonnées. Il nous faut redéfinir les contours des compétences de nos collectivités de manière logique, cohérente et humaine. Voilà le réel enjeu des prochaines années.
Nous voterons donc contre ce texte qui, loin de régler le problème, l’aggrave et continue d’enfoncer nos collectivités et notre État dans une bureaucratie libérale complexe, sans réel accompagnement. (M. Guy Benarroche applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi est issue des travaux de notre très sérieuse délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Quel constat fait celle-ci ? Celui que nous faisons tous dans nos territoires : les collectivités se heurtent parfois à des difficultés dans la mise en œuvre de leurs projets. Ingénierie, établissement des dossiers, financement, délais : beaucoup d’obstacles se dressent devant les plus volontaires de nos élus locaux.
Notre assemblée s’en préoccupe et s’en empare aussi souvent que possible, pour des résultats souvent très en deçà des attentes réelles du terrain, comme la si attendue et pourtant si partielle loi du 21 février 2022, dite loi 3DS.
Il nous arrive parfois de répondre de manière ponctuelle à des normes peu adaptées ; ainsi de la loi visant à ouvrir le tiers financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique. Nous avons alors collectivement répondu à cette problématique ponctuelle, en modifiant certaines modalités pour faciliter la rénovation énergétique. C’est toujours mieux de bien écrire les normes que d’y déroger !
Avec Laurent Burgoa et Pascal Martin, j’ai remis en 2023, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, un rapport d’information sur la transition environnementale des collectivités : en plus de leur besoin de transition écologique, nous avions entendu les difficultés liées à des situations qui ne rentrent pas dans les cases, des cas particuliers pour lesquels des dérogations sont nécessaires.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a toujours soutenu une action locale adaptée au terrain. Nous sommes pour une simplification et pour une différenciation.
La question que suscite ce texte n’est pas tant celle de la possibilité de déroger aux normes, ce qui est parfois nécessaire pour la bonne conduite de projets locaux ; c’est celle du renforcement des pouvoirs discrétionnaires du préfet.
Nous avons toujours dénoncé la concentration des pouvoirs locaux au niveau du préfet, qu’il s’agisse de dérogation ou d’autre chose. Nous avons toujours combattu cette « recentralisation déconcentrée » du pouvoir au profit d’une personne représentant le ministère de l’intérieur.
Le texte présenté et discuté en commission se veut facilitateur pour les collectivités territoriales, notamment les plus petites d’entre elles. Mais les travaux mêmes de la délégation aux collectivités territoriales montrent que le pouvoir de dérogation existe déjà et que, quand il est demandé, il est presque toujours accordé. De fait, mes chers collègues, les problématiques de non-recours ne sont pas réservées aux particuliers !
Le mécanisme qui permet d’alléger les démarches administratives, d’adapter les délais de procédures ou de faciliter l’accès aux aides publiques existe déjà. Il est cependant trop méconnu, donc trop peu utilisé, ce que nous regrettons.
Vouloir élargir les champs d’action sur lesquels le préfet peut autoriser des dérogations et les critères de ce pouvoir nous paraît précipité tant que l’outil actuel n’est pas utilisé pleinement.
La proposition de loi qui nous est soumise semble plutôt détricoter le cadre actuel, qui prévoit des domaines d’intervention certes en nombre limité, mais déjà importants : subventions et concours financiers, environnement, agriculture, forêt, construction, logement, ou encore urbanisme. Ces sept domaines couvrent la majorité des problématiques nécessitant une adaptation à la marge, selon les situations.
Nous sommes assez inquiets qu’il puisse ne plus y avoir de limites aux domaines sur lesquels le préfet pourrait intervenir pour mettre en œuvre des dérogations. Les critères qui, aux termes de ce texte, pourraient justifier ces dérogations sont bien trop flous : « adaptations mineures » pour « faciliter la réalisation de projets locaux », dérogations et adaptations qui ne portent pas « une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis ».
Nous pensons surtout que ces nouveaux cadres permettant au préfet de prendre la décision, de manière discrétionnaire, de telles dérogations sur tout, y compris sur les normes émanant des opérateurs de l’État, aboutissent à un très mauvais équilibre.
Les opérateurs de l’État prennent souvent des décisions à partir de travaux scientifiques débattus ; ces décisions émanent de personnes qualifiées en la matière et il pourrait être inquiétant de déroger aux normes sans connaître ni la portée ni les conséquences de telles dérogations.
De plus, cela met le représentant de l’État à la merci des pressions locales. Serait-il si inimaginable que des notables locaux, appuyés par des élus locaux, par des entreprises qui parfois utilisent le chantage au chômage, demandent des dérogations aux règles environnementales pour la construction d’une route ?
Serait-il si inimaginable qu’un directeur de cabinet ministériel ou une personne plus haut placée encore fasse pression sur le représentant de l’État pour déroger aux règles sanitaires relatives à la qualité des sources d’une eau minérale pour répondre aux sollicitations pressantes d’une entreprise internationale puissante ? (M. André Reichardt s’exclame.)
Nous regrettons que le préfet puisse être mis dans ces situations complexes. D’ailleurs, notre assemblée, si à l’écoute, ne semble pas prendre en compte les retours de ces acteurs de terrain qui, au demeurant, d’après nos auditions, ne sont pas demandeurs d’un tel changement.
Enfin, vous comprendrez aisément, mes chers collègues, que notre inquiétude porte également sur les reculs environnementaux dangereux que cela pourrait créer. Dans le contexte actuel de recul sur les zones à faibles émissions (ZFE), sur l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), ou encore sur les pesticides, la préservation de notre environnement risquerait de faire les frais d’une vision court-termiste et peu globale de notre situation.
Notre groupe défendra des amendements pour tenir compte du besoin d’adaptation et de différenciation locale, afin de mieux faire entendre la voix des acteurs et des élus locaux.
Mes chers collègues, nous défendons la capacité de faire plus et mieux en matière de différenciation comme de déroger au niveau local. Mais la très grande majorité de notre groupe ne pense pas que ce texte soit la réponse adaptée tant que les outils actuels ne sont pas plus connus et utilisés. C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la complexité normative et l’empilement des procédures constituent pour nos territoires une difficulté structurelle. L’État – reconnaissons-le – s’est montré à la fois généreux en normes et parcimonieux en accompagnement…
Depuis des années, nous ne cessons de dénoncer l’inflation normative qui entrave l’action des collectivités territoriales. Trop souvent, des règles conçues à Paris s’appliquent uniformément sans que l’on tienne compte des spécificités locales. Résultat : des projets bloqués, des élus découragés, des citoyens désabusés.
Le pouvoir préfectoral de dérogation, généralisé en 2020, devait être une réponse à cette situation, mais force est de constater que son utilisation reste marginale : en moyenne, à peine plus d’un arrêté par an et par département.
Pourquoi une telle frilosité ? Parce que le dispositif est trop complexe, trop encadré, et que les préfets craignent des contentieux. Alors oui, il est temps de changer de paradigme… mais pas sans condition !
Tout d’abord, comme vous le savez, notre famille politique croit depuis longtemps et avec constance en une République décentralisée et déconcentrée, où les territoires disposent des moyens d’agir et où l’État adapte ses règles aux réalités locales.
Le dispositif dont il est question aujourd’hui, bien que renforçant le pouvoir préfectoral, donc empreint de verticalité, avait été élaboré avec discernement, dans un esprit d’équilibre ; surtout, il bénéficiait directement aux collectivités. C’est ce compromis entre souplesse administrative et soutien aux initiatives locales qui justifiait notre soutien.
À ce titre, nous saluons en particulier l’adoption par la commission des lois, à l’article 2, d’un amendement de notre collègue Hussein Bourgi visant à mieux soutenir les petites communes en assouplissant leur contribution minimale aux projets structurants. Moins de rigidité pour plus de justice territoriale : voilà une simplification utile !
Une dérogation automatique au taux de participation minimale de 20 % sera ainsi instaurée pour les communes de moins de 2 000 habitants dont le potentiel financier est particulièrement faible. Leur contribution pourra être réduite à 5 % seulement, un signal fort envers les petites communes qui, souvent, manquent à la fois de marges budgétaires et de ressources humaines pour mener à bien des projets essentiels.
Trop souvent aussi, les communes se retrouvent empêchées de réhabiliter un gymnase ou un terrain de foot, parce qu’elles ne peuvent répondre aux prescriptions parfois disproportionnées des fédérations nationales. Pour y remédier, l’approche retenue à l’article 4 est non pas de déroger par facilité, mais de réintégrer les contraintes locales dans l’équation normative pour permettre aux projets sportifs, vecteurs de lien social, d’aboutir. L’autorisation reconnue aux préfets de déroger aux normes édictées par les fédérations sportives est donc bienvenue.
L’article 4 bis, issu d’un amendement de Mme la rapporteure, va dans le même sens en créant une faculté de dérogation aux règles d’attribution du FCTVA au profit des collectivités territoriales. Ce levier permettra d’éviter d’éventuels renoncements et de remettre en mouvement des financements gelés. En somme, il redonne de l’oxygène aux maires. Nous aurions néanmoins préféré que la question des modalités de versement du FCTVA soit envisagée dans le cadre d’une réforme systémique.
Ce texte répond aussi à une préoccupation récurrente chez les préfets : celle de l’insécurité juridique, qui fragilise l’exercice du pouvoir de dérogation. Beaucoup de préfets y renoncent, non par inertie, mais par crainte d’être personnellement mis en cause. En précisant les conditions d’engagement de leur responsabilité pénale, dans l’esprit de la jurisprudence relative à la loi Fauchon, nous levons un frein non négligeable. Il s’agit non pas d’accorder une immunité, mais de garantir un cadre clair, lisible et proportionné.
Enfin, au regard de l’extension du périmètre du pouvoir de dérogation du préfet permise par cette proposition de loi, il a semblé nécessaire de relativiser la verticalité préfectorale pure et d’envisager un pouvoir de dérogation plus collégial, donc plus transparent.
Ce sera aussi, ne le nions pas, une manière d’exercer un contrôle démocratique a posteriori sur les décisions prises. En intégrant les parlementaires aux comités locaux de cohésion territoriale, ce texte acte une volonté de dialogue renouvelé entre l’État déconcentré et les élus locaux. C’est un signe de confiance.
Toutefois, bien que le texte ait gagné en solidité juridique, grâce aux travaux de la commission des lois, il conserve des zones d’ombre qui appellent de notre part de sérieuses réserves, pour ne pas dire plus.
D’abord, le texte franchit tout de même un seuil nouveau. Le pouvoir de dérogation ne se limiterait plus à une liste restreinte de domaines ni à des décisions individuelles. Le préfet pourrait désormais prendre des arrêtés de portée générale et modifier des normes de fond, même si c’est de façon marginale. Comment justifier juridiquement des mesures générales censées répondre à des situations locales ? Et comment garantir la sécurité juridique, alors que la distinction entre normes de forme et de fond, pourtant centrale, demeure floue, y compris pour ceux qui devront l’appliquer ? Ces incertitudes risquent, à terme, de dissuader les préfets d’exercer ce pouvoir, au détriment de son efficacité.
Ensuite, un principe de dérogation n’étant pas une dérogation de principe, l’article 3 soulève une opposition de fond de notre part.
En donnant aux préfets la possibilité de déroger aux obligations environnementales applicables aux ouvrages hydrauliques, on dépasse largement la seule question des moulins à eau, pourtant mise en avant par les auteurs du texte. En réalité, cette disposition permettrait de s’affranchir de normes essentielles du code de l’environnement sans garantie suffisante sur les critères d’exception, ce qui pourrait conduire à fragiliser les écosystèmes.
C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a déposé un amendement de suppression de cet article en commission ; nous réitérons notre démarche en séance ce soir et espérons que cet amendement sera, cette fois, adopté. Nous entendons les préoccupations locales, mais l’environnement ne saurait devenir la variable d’ajustement d’un pouvoir dérogatoire élargi. Laisser croire qu’il s’agirait simplement de sauver quelques roues à aubes, c’est escamoter les enjeux de fond !
Enfin, les amendements déposés par le Gouvernement tendent à sensiblement modifier l’équilibre du texte. En toute honnêteté, nous ne comprenons pas l’approche du Gouvernement, qui semble vouloir se servir d’une proposition de loi consensuelle pour faire passer des mesures dont nous avons du mal à saisir le sens.
L’adoption de l’amendement n° 13 permettrait ainsi au préfet d’exempter un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de la création d’un conseil de développement, sans qu’aucun critère ne vienne encadrer cette dérogation.
Notre groupe a toujours défendu ces instances, qui permettent aux citoyens, aux associations et aux acteurs économiques de contribuer à la fabrique des politiques publiques. Les conseils de développement ne sont pas un luxe démocratique : ils sont un levier de légitimité.
En l’état, l’adoption de cet amendement ouvrirait la porte à une appréciation discrétionnaire du préfet, selon la taille de l’EPCI ou, disons-le clairement, la qualité de ses relations avec l’exécutif local. Cette imprécision alimente le risque d’un traitement différencié des territoires ; on risquerait même d’aboutir à ce que je qualifierai de clientélisme institutionnalisé, où la règle ne vaudrait que pour certains, au gré des équilibres locaux.
L’amendement n° 14, aux termes duquel le préfet pourrait dispenser une commune d’instituer un conseil citoyen, suscite également des réserves, quand bien même cette dispense serait subordonnée à l’existence d’un comité consultatif ou d’une commission des services publics locaux. Le signal envoyé reste ambigu quant à l’importance que nous accordons à l’implication des citoyens dans les décisions publiques.
Notre groupe, vous l’aurez compris, est largement favorable à ce texte, dont nous saluons les avancées concrètes et l’esprit de pragmatisme. Néanmoins, cet élan initial s’est trouvé considérablement freiné par le dispositif de l’article 3 et par les amendements déposés par le Gouvernement, qui viennent fragiliser la cohérence démocratique de l’ensemble.
Si le texte en venait à perdre sa rigueur et que ses équilibres fondamentaux étaient bouleversés, nous ne serions, hélas ! plus en mesure de lui apporter le soutien attendu. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP – Mme Frédérique Puissat et M. Rémy Pointereau applaudissent également.)
Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France souffre de deux terribles maux : une dette publique excessive et une inflation normative hors de contrôle. À eux seuls, ces deux fléaux expliquent la grande majorité des difficultés que notre pays rencontre, de la dégradation de nos services publics à la crise des vocations de nos élus locaux, sans oublier la perte de compétitivité de nos entreprises.
La dette de la France augmente. Certains imaginent qu’il faudrait simplement ne pas la rembourser, mais les Français la paient déjà, et très cher.
Le service de la dette publique deviendra bientôt le premier poste de dépenses de l’État, devant la défense et l’éducation nationale. L’État prélève presque la moitié de la richesse produite chaque année, mais dépense encore plus que ce qu’il prélève, grâce au recours à l’emprunt. Combien de temps faudra-t-il pour que nous reconnaissions que le problème est non pas un manque de recettes publiques, mais bien un excès de dépenses publiques ?
En parallèle, nous constatons et décrions l’inflation normative et ses effets délétères. « Nul n’est censé ignorer la loi », mais qui peut connaître les quelque 96 000 articles de loi en vigueur cette année, sans compter les 263 000 articles réglementaires ? En vingt ans, le volume du droit a doublé !
Nos normes sont trop nombreuses et trop complexes. Le droit est de plus en plus difficile à appliquer, et sa complexité nuit gravement à la productivité de notre pays. Les agriculteurs, les entrepreneurs, nos élus locaux, tous nous le disent : ils ne s’en sortent plus !
Les auteurs de la présente proposition de loi nous invitent à élargir le pouvoir de dérogation dont le préfet dispose déjà.
Cette initiative ne réglera certes pas le sujet de l’inflation normative. Elle a cependant le mérite de rappeler que c’est à l’échelle locale que l’on peut le mieux prendre en considération les spécificités locales.
M. Rémy Pointereau. Très bien !
Mme Corinne Bourcier. Quelque 90 % des dérogations accordées ont concerné des collectivités territoriales ; c’est dire à quel point les normes nationales peuvent se heurter aux impératifs locaux.
Plusieurs membres du groupe Les Indépendants ont signé cette proposition de loi, car nous préférons l’État déconcentré à l’État concentré… mais nous lui préférons encore l’État décentralisé ! (M. Guy Benarroche ironise.)
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Corinne Bourcier. Notre collègue André Reichardt a fort justement souligné que notre pays n’avait pas fait le choix d’une réelle décentralisation, sans doute par crainte de la différenciation.
Au groupe Les Indépendants, nous pensons qu’il ne faut pas redouter la différenciation, bien au contraire. Nos territoires étant déjà très différents, il est utile de permettre la dérogation, c’est-à-dire des applications différenciées de certaines normes.
En commission, Mme la rapporteure a modifié le texte afin d’élargir encore le pouvoir de dérogation. Le texte a par ailleurs été enrichi par l’adoption d’un amendement de mes collègues Marie-Claude Lermytte et Dany Wattebled concernant la dérogation à l’obligation de participation financière minimale des collectivités territoriales.
Nous nous félicitions de voir inscrites dans la loi ces dispositions, déjà votées par le Sénat, mais ensuite dénaturées par l’Assemblée nationale. Nous sommes cependant surpris, monsieur le ministre, de constater votre volonté de les supprimer, alors que vous les aviez soutenues lorsque vous étiez président de notre commission des lois.
Une telle dérogation est essentielle pour nos petites communes rurales. Leurs faibles moyens ne leur permettent souvent pas de prendre en charge cette contribution minimale de 20 %, et le département ou la région sont souvent volontaires pour combler l’écart.
En commission, Mme la rapporteure a également précisé les conditions d’engagement de la responsabilité pénale du préfet lorsqu’il exerce son pouvoir de dérogation. S’ajoutant à l’inflation normative, le risque pénal risque de plus en plus de paralyser l’action publique, comme l’action privée, dans notre pays.
Face à l’inflation normative, nous ne devons pas nous contenter de déroger, car déroger, c’est encore ajouter de la complexité. Nous devons au contraire simplifier, voter moins de lois pour légiférer mieux !
Considérant néanmoins que les collectivités territoriales, comme tous nos concitoyens, doivent pouvoir bénéficier de dérogations lorsqu’elles sont nécessaires, et ce tant qu’une simplification réelle de notre droit ne sera pas intervenue, le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’action des élus locaux, gage de proximité et d’efficacité, ne peut se faire sans un véritable accompagnement des territoires par l’État. Une vraie décentralisation doit ainsi s’accompagner d’une déconcentration réelle du pouvoir.
C’est cette volonté de renforcement de l’État local qui a animé nos collègues Rémy Pointereau et Guylène Pantel pour rédiger la proposition de loi dont nous débattons ce soir.
Simplifier les normes et mieux les adapter aux réalités locales est un objectif constant du Sénat, qui est largement décliné dans les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. La sécurisation et le renforcement du pouvoir préfectoral de dérogation y participent.
Déjà en 2022, Éric Kerrouche et moi-même constations la dégradation du service public de l’État dans les territoires. Nous appelions alors de nos vœux une plus grande agilité des services de l’État afin de rendre l’action publique plus efficace. Le rapport remis en février 2025 par nos collègues auteurs de la proposition de loi a mis en lumière les limites du pouvoir de dérogation du préfet, généralisé en 2020. Ce sont ces freins que tente de lever le texte dont nous débattons.
Depuis l’entrée en vigueur du décret du 8 avril 2020 autorisant tous les préfets à déroger, ce dispositif très encadré n’a pas produit ses pleins effets.
Comme l’a justement relevé notre rapporteure, Mme Nadine Bellurot, seuls 900 arrêtés de dérogation ont été portés à la connaissance de l’administration centrale. Et si ces dérogations sont principalement utilisées au bénéfice des collectivités territoriales, leur application reste très inégale sur le territoire.
Or, comme il est fréquemment observé avec le droit français, une bonne idée, en l’occurrence l’adaptation de la règle aux spécificités locales, est devenue une véritable usine à gaz.
Cette complexité est le fruit de nos atermoiements, entre un pouvoir historiquement centralisé et une décentralisation non aboutie. Trop souvent l’État cherche à reprendre d’une main ce qu’il a donné de l’autre aux collectivités locales.
Si les obstacles à l’adaptation du droit aux spécificités locales sont en partie culturels, ils sont aussi liés aux multiples verrous normatifs.
Ce sont ces derniers que le texte vise à lever, en étendant considérablement le pouvoir de dérogation du préfet, notamment par la suppression de la liste limitative des domaines pour lesquels la dérogation est possible et par la sécurisation de son utilisation.
Concernant la simplification de la vie des élus locaux, ce texte apporte quatre améliorations souhaitées de longue date par ces derniers.
La dérogation à la participation minimale des collectivités territoriales au financement des projets est très attendue, au moment où l’investissement public diminue.
De même, permettre des dérogations au code de l’environnement, dont les procédures allongent considérablement la durée de réalisation des projets sur les ouvrages hydrauliques, est une mesure de bon sens.
Les dérogations aux normes imposées par les fédérations sportives pour la construction ou la rénovation d’équipements sportifs, projets dont les coûts sont difficilement supportables par les communes, sont, elles aussi, très attendues. Qui, dans cet hémicycle, ne connaît pas un maire qui a dû renoncer à son stade de football en raison du coût de la mise aux normes de son équipement requise par les contraintes changeantes de la fédération ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. C’est vrai !
Mme Agnès Canayer. Enfin, une meilleure association des élus locaux aux dérogations aux règles d’urbanisme, qui contraignent la réalisation de leurs projets, est régulièrement souhaitée.
Alors, évidemment, cette initiative ne résoudra pas toutes les difficultés des élus locaux face à ces complexités normatives, dont le coût est évalué à 5 milliards d’euros. Cependant, elle a le mérite de lancer une démarche de simplification, que beaucoup réclament sans faire de véritables propositions.
C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera avec conviction ce texte, dont les mesures permettront, nous l’espérons, de rendre l’État local plus agile pour mieux répondre aux attentes des élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’histoire de la France, s’il y a une fonction qui a survécu aux différents régimes politiques qu’a connus notre pays, du Premier Empire à la Ve République, en passant par la Restauration et la Monarchie de Juillet, c’est bien celle de préfet.
Descendants des intendants du XVIe siècle, créés sous François Ier et réinventés par Napoléon Bonaparte après son coup d’État du 18 brumaire, les préfets deviennent officiellement les représentants de l’État dès le 17 février 1800 avec la circulaire Beugnot, qui précisait : « Vous êtes appelés à seconder le gouvernement dans le noble dessein de restituer la France à son antique splendeur, d’y ranimer ce qu’elle a jamais produit de grand et de généreux, et d’asseoir enfin ce magnifique édifice sur les bases inébranlables de la liberté et de l’égalité ».
Désormais encadrés par la loi du 2 mars 1982, les préfets restent à ce jour des acteurs déterminants dans nos territoires, de véritables poutres sur lesquelles repose la charpente étatique de la France. Mais pour qu’ils puissent agir, encore faut-il leur en donner les moyens.
La fonction préfectorale se complexifie, comme celle de maire, notamment en raison de l’enchevêtrement des normes.
Or le pouvoir préfectoral de dérogation, mis en place dès 2017, généralisé en 2020 et conforté dans la dynamique de différenciation qui s’est exprimée en 2022 dans la loi 3DS, demeure un outil utilisé de manière sporadique. Les travaux menés dans le cadre du rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation publié en février dernier ont révélé que, depuis 2020, 628 arrêtés de dérogation avaient été pris par les préfets de département, soit une moyenne très faible de 1,5 arrêté par an et par département. Même si ce rapport fait apparaître des disparités importantes entre les territoires, il n’en demeure pas moins que le potentiel de ce pouvoir est aujourd’hui insuffisamment libéré, alors qu’il peut parfois permettre de prendre des décisions utiles pour un territoire.
Je salue donc le travail réalisé par nos collègues Rémy Pointereau et Guylène Pantel, qui a permis d’aboutir à la proposition de loi que nous examinons ce soir. Ce texte répond en effet à de fortes attentes des élus locaux et des principaux acteurs concernés.
Il s’agit d’élargir ce pouvoir préfectoral de dérogation dans de nombreux domaines, pour faire en sorte que la loi nationale puisse s’adapter avec parcimonie dans les territoires, au cas par cas, en fonction des situations et de la volonté des élus locaux. Les préfets ne doivent plus hésiter à utiliser ce pouvoir de dérogation si les collectivités sont en position de demande. Nos maires attendent, de la part des représentants de l’État, de l’efficacité et non de la frilosité.
Au-delà des attentes qu’il suscite, ce texte est surtout particulièrement utile pour sécuriser et renforcer le pouvoir de dérogation des préfets.
D’abord, il instaure un cadre beaucoup plus incitatif à l’utilisation de cette dérogation. L’article 5 permettra de renforcer les missions des comités locaux de cohésion territoriale pour qu’ils deviennent le lieu privilégié où identifier collectivement des situations où ce type de dérogation pourrait débloquer des projets enlisés.
De plus, le texte sécurise le droit préfectoral de dérogation en modifiant les cas de mise en cause de la responsabilité pénale du préfet.
Si le texte permet de consacrer ce pouvoir au niveau législatif, il en redessine également les modalités d’exercice.
En effet, le dispositif de dérogation est aujourd’hui restreint et il convient d’en élargir le périmètre. Tel est l’objet de l’article 1er : ne plus restreindre à une liste limitative les domaines pour lesquels une dérogation pourrait être décidée, qu’il soit question d’une décision réglementaire ou individuelle.
Le travail mené en commission a permis de clarifier la rédaction de cet article et de borner la dérogation par le respect de la sécurité publique et des engagements internationaux de la France.
Je n’oublie pas l’article 3 du texte, qui permet des dérogations visant à préserver les ouvrages hydrauliques. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler en mai dernier, lors du débat que nous avons eu avec le Premier ministre sur la souveraineté énergétique de la France, l’hydroélectricité mérite à mes yeux une plus grande place dans le débat national, avec une vision, un cadre rénové et des moyens adaptés.
Dans la Drôme comme dans de nombreux autres territoires, nous avons des moulins et des petits barrages, souvent laissés à l’abandon, qui pourraient produire une électricité propre, locale et pilotable. Hélas ! la législation actuelle reste complexe et parfois dissuasive. De nombreux porteurs de projets se heurtent à des procédures lourdes, parfois déconnectées de la réalité de terrain.
J’estime par conséquent que le fait d’élargir ce pouvoir préfectoral de dérogation à la préservation des ouvrages hydrauliques est une mesure positive.
Par ailleurs, je considère que les dispositions de l’article 4 relatives à l’instauration de délais pour la mise en conformité des installations sportives seront utiles.
Enfin, je tiens à saluer le travail de la commission sur le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. En créant une faculté dérogatoire de versement anticipé du FCTVA à une collectivité ayant réalisé un investissement substantiel au regard de sa capacité financière, on offrira aux élus locaux plus de souplesse et de flexibilité.
Mes chers collègues, ce texte n’est pas une révolution en matière de décentralisation, mais je crois que tel n’était pas son objectif initial. C’est un texte pragmatique, attendu par les élus locaux, qui répond à l’impératif de simplification et sécurise un pouvoir très utile confié aux préfets.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera pour son adoption. (Applaudissements au banc des commissions. – Mme Guylène Pantel et MM. Rémy Pointereau et Jean-Gérard Paumier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Rémy Pointereau applaudit également.)
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacune et chacun d’entre nous le mesure fréquemment : nous traversons une période où l’efficacité de l’action publique est plus que jamais scrutée par nos concitoyens, nos associations, nos entreprises et nos collectivités locales. Notre administration doit pouvoir répondre avec pertinence aux besoins spécifiques de chaque territoire.
Aujourd’hui, je suis heureuse de soutenir avec Rémy Pointereau notre proposition de loi, mûrie, discutée et concertée dans un cadre transpartisan, aux côtés de l’ensemble des membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, de son président, Bernard Delcros, de Mme la rapporteure, Nadine Bellurot, et de tous nos collègues qui se sont intéressés de près ou de loin à ces travaux.
Ce texte s’inscrit pleinement dans les logiques de simplification et d’adaptation qui marqueront un tournant dans notre approche de la gouvernance locale.
Cette proposition de loi n’est pas une révolution ; c’est une respiration. C’est un geste de confiance envers les territoires. Elle vise à alléger, à adapter, à permettre et non à contraindre davantage. Il s’agit non pas de démanteler les principes fondamentaux de notre droit, mais de faire preuve d’intelligence territoriale, de reconnaître qu’une norme doit être applicable pour être légitime.
Dans un monde en constante évolution, où les défis locaux varient considérablement d’un territoire à l’autre, il est essentiel que nos préfets disposent des outils nécessaires pour répondre avec agilité et efficacité aux besoins singuliers de leurs départements.
Le décret du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit de dérogation reconnu au préfet a marqué une étape significative dans l’évolution des compétences préfectorales en France. Il a permis à des préfets, de région ou de département, de déroger de manière expérimentale, sous certaines conditions, aux normes établies par l’administration centrale. L’objectif principal de ce décret était de renforcer la déconcentration des pouvoirs et de permettre une meilleure adaptation des décisions administratives aux réalités locales.
S’alignant sur la position du Sénat, le Gouvernement a publié, le 8 avril 2020, le décret pérennisant et généralisant le droit de dérogation reconnu aux préfets. Or, comme nous l’avons mentionné dans notre rapport d’information, réalisé grâce aux données de la Dmates, depuis la généralisation de ce pouvoir en 2020, seulement 628 arrêtés ont été pris par les préfets de département, soit en moyenne 1,5 arrêté par département et par an.
Par ailleurs, les deux tiers des arrêtés départementaux portent sur des questions de subventions.
Si les subventions allouées aux collectivités territoriales constituent un levier financier indispensable au déploiement de leurs politiques publiques, elles ne sauraient à elles seules compenser les nombreuses contraintes réglementaires qui entravent leur action au quotidien. En effet, la multiplication des normes pèse significativement sur leur capacité opérationnelle et ralentit la mise en œuvre effective des projets locaux.
Dès lors, il est essentiel de sécuriser juridiquement l’acte préfectoral de dérogation. Aujourd’hui, de nombreux préfets hésitent à user de cette possibilité, pourtant précieuse, par crainte d’un contentieux ultérieur. En clarifiant le cadre légal et en renforçant la sécurité juridique de ces actes, nous permettrons une application plus sereine et plus efficace des politiques publiques. Cela renforcera la confiance et garantira une meilleure articulation entre souplesse administrative et respect du droit.
Dans le peu de temps qui m’est accordé, permettez-moi maintenant de mettre en lumière l’article 3 de la proposition de loi, qui semble quelque peu faire débat. À nos yeux, il s’agit d’une avancée majeure pour la préservation de notre patrimoine hydraulique et pour le maintien de l’équilibre économique de nos territoires.
Prenons l’exemple des moulins à eau, ces joyaux de notre patrimoine historique et culturel, qui se voient souvent appliquer des prescriptions si lourdes qu’elles deviennent impossibles à mettre en œuvre ou financièrement insoutenables pour leurs exploitants.
L’article 3 permettrait aux préfets, dans de tels cas, de faire preuve de pragmatisme et de déroger aux règles lorsque l’impact environnemental est dérisoire et que l’application des prescriptions menace l’équilibre économique de ces ouvrages. Il s’agit là d’une mesure de bon sens qui concilie la protection de l’environnement avec la préservation de notre patrimoine et le soutien à nos économies locales.
Nous tenons également à souligner notre attachement à la philosophie de l’article 5, qui vise à transformer la commission départementale de conciliation en une véritable instance de dialogue réunissant élus locaux et représentants de l’État.
En favorisant la concertation et le suivi régulier de ces dérogations, cette conférence renforcera la compréhension et l’efficacité de ce dispositif auprès de tous les acteurs concernés.
En somme, les membres du groupe RDSE, moi la première, affirment que ce texte répond aux exigences de notre époque. C’est donc avec conviction que nous apporterons notre soutien plein et entier à son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Corinne Bourcier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros. Empilement des normes et des réglementations, toujours plus nombreuses, plus contraignantes, plus coûteuses et parfois inadaptées : tous les élus à la tête d’exécutifs locaux, petits ou grands, dressent le même constat et en mesurent chaque jour les conséquences.
Procédures toujours plus complexes, particulièrement pour les petites communes, normes entravant l’action des élus et pénalisant les territoires, projets freinés, parfois abandonnés, dans tous les cas plus coûteux : voilà la réalité que vivent au quotidien les élus locaux !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons bien que les normes sont nécessaires. Pour autant, dans les différentes fonctions d’exécutifs locaux que nous avons exercées – j’ai moi-même été pendant très longtemps maire d’un petit village –, combien de fois avons-nous été confrontés à des obligations ou à des refus que nous avons jugés injustifiés, inadaptés, dénués de bon sens ?
Qui plus est, dans une période de nécessaire réduction des déficits, le surcoût lié à l’inflation normative nous oblige à réagir.
Le coût des normes pour les collectivités s’élève en moyenne à un milliard d’euros supplémentaires chaque année, selon Gilles Carrez, président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), que je veux remercier ici du travail très confiant et collaboratif que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation mène avec lui. Certes, derrière ce milliard d’euros, on trouve de nouvelles dépenses obligatoires pour les collectivités de natures très différentes – il conviendrait sans doute de les distinguer.
Oui, l’enjeu de la simplification des normes est tout à fait prioritaire !
À la demande du président du Sénat, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’est emparée du sujet.
Les Assises de la simplification que nous avons organisées le 3 avril dernier, en présence du président du Sénat, du Premier ministre et de quatre ministres, tout comme le Roquelaure de la simplification de l’action des collectivités, dont le Gouvernement a pris l’initiative et auquel j’ai participé le 28 avril dernier, ont permis d’identifier plusieurs leviers d’action que nous allons collectivement mobiliser pour obtenir les solutions concrètes qu’attendent les élus locaux.
La première étape que nous vous proposons est le texte d’aujourd’hui, que Rémy Pointereau, Guylène Pantel et moi-même avons déposé. Je tiens à saluer l’excellent travail que mes collègues ont mené, qui s’est traduit par un rapport d’information que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a adopté, puis par le texte dont nous entamons l’examen.
Ce texte élargit la possibilité donnée au préfet de déroger, de façon strictement encadrée, à certaines normes ou réglementations pour les adapter à la réalité des territoires et des projets, que ceux-ci émanent des collectivités, des entreprises ou des associations.
Le contenu des six articles qui forment ce texte a été détaillé par la rapporteure et nos collègues ; je n’y reviens donc pas.
Bien sûr, cette proposition de loi ne prétend nullement répondre, à elle seule, à toutes les problématiques liées à l’inflation normative et à son coût. Toutefois, il s’agit d’un premier pas, qui pourra très concrètement et rapidement simplifier la vie des élus locaux.
Nous travaillons déjà, en étroite collaboration avec le Gouvernement, à l’élaboration de nouvelles dispositions de simplification. Monsieur le ministre, permettez-moi à cette occasion de saluer l’engagement du Gouvernement sur ce sujet.
Mes chers collègues, je ne vous surprendrai pas en vous disant que le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi. Nous défendrons néanmoins, au travers de quelques amendements, certaines pistes d’amélioration. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Rémy Pointereau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai cosigné cette proposition de loi et, bien entendu, je la voterai.
Comme ses auteurs, je considère qu’il faut à la fois sécuriser et renforcer le pouvoir de dérogation des préfets. Il faut le sécuriser, pour amener les préfets à en faire un plus grand usage sans risque de contentieux non seulement administratifs, mais aussi pénaux. Il faut le renforcer, pour permettre plus largement la nécessaire adaptation de nos textes normatifs aux réalités locales, comme le demandent massivement nos concitoyens.
Pour autant, comme je l’ai d’emblée écrit à Rémy Pointereau au moment de cosigner ce texte, ce pouvoir de dérogation préfectorale me paraît un pis-aller, tant le besoin de différenciation est fort dans ce pays. À n’en pas douter, une vraie et grande réforme structurelle décentralisatrice s’impose, monsieur le ministre !
La question de fond est la suivante : dans notre pays, la règle doit-elle être la même dans tous les territoires ? Pour le dire autrement, la règle nationale doit-elle s’appliquer de la même façon partout ?
Mes chers collègues, poser la question, c’est déjà y répondre. Pour ma part, et je ne suis pas le seul, je milite pour une vraie différenciation qui permettrait aux collectivités territoriales de mieux répondre aux besoins de leur population que ce n’est le cas actuellement, ou à tout le moins de décliner localement les grands principes édictés par la loi.
On le sait, dans ce pays – le législateur ici même n’y fait pas exception –, on veut tout maîtriser, tout contrôler, tout prévoir ; si j’osais, je dirais même : tout régimenter jusque dans les moindres détails. À l’inverse, pour ce qui me concerne, j’appelle de mes vœux une nouvelle étape de la décentralisation qui laisserait aux collectivités locales un véritable pouvoir de différenciation.
Certains pays, même non fédéraux, sont organisés de la sorte et cela ne me semble contraire ni au principe d’unité de la République ni à celui d’égalité, qu’à tort nous interprétons souvent nous-mêmes, ici, de manière trop restrictive.
En Alsace-Moselle – vous savez que je suis un sénateur alsacien, mes chers collègues –, le droit local est un bel exemple de différenciation. Il s’agit en effet d’un droit national d’application locale. Cet héritage, qui a maintenant plus de cent ans, n’a certainement pas fragilisé l’unité de la République. Pourtant, bien qu’il en ait fait un principe fondamental reconnu par les lois de la République, le Conseil constitutionnel lui interdit, depuis une décision de 2011, d’évoluer autrement que dans le sens du droit général. Comprenne qui pourra…
Les parlementaires des trois départements de l’Est entendent pourtant continuer à compter sur leur droit local – qui évoluerait dans le bon sens – pour répondre aux attentes de leur population.
Mes chers collègues, il est temps que la différenciation soit enfin la règle dans ce pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Corinne Bourcier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. « Ne soyez jamais les hommes de la Révolution, mais les hommes du gouvernement, et faites que la France date son bonheur de l’établissement des préfectures. »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en s’adressant aux premiers préfets par ces mots, le général Bonaparte décrivait avec passion une fonction administrative, institutionnelle et symbolique : celle du préfet. Aujourd’hui, le préfet demeure l’unique représentant de l’État et du Gouvernement dans les départements de France.
Si notre République des territoires repose sur un principe d’égalité territoriale, elle est pourtant loin d’être uniforme. L’adaptation des normes aux réalités locales, aux réalités de terrain, est une attente de nos citoyens, mais aussi une illustration de l’adaptation de nos politiques publiques.
Avec cette proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d’adapter les normes aux territoires, nous pouvons contribuer à assurer la simplification des démarches mises en œuvre au sein des collectivités pour remplir leurs missions. Le pouvoir dérogatoire du préfet fait partie de ces outils de simplification.
Je tiens à saluer la rapporteure pour la qualité du travail réalisé, ainsi que l’auteur du texte.
Instauré en 2017 à titre expérimental, le pouvoir dérogatoire a été généralisé en 2020, dans l’objectif d’adapter les normes aux réalités locales. Cependant, comme l’a mis en avant la mission flash relative au pouvoir préfectoral de dérogation aux normes, menée par notre collègue Rémy Pointereau, l’utilisation de cet outil est très limitée : seulement 900 arrêtés de dérogation ont été pris depuis 2020.
La proposition de loi que nous examinons, issue des travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont je salue le président Bernard Delcros, a notamment pour objet d’élargir les domaines de mise en œuvre du pouvoir dérogatoire, en y incluant les services et agences locales de l’État, et d’améliorer la lisibilité de la compétence dérogatoire en matière d’investissement local.
Il me paraît nécessaire de préciser que ces mesures ne visent aucunement à permettre aux préfets de rompre avec le principe fondamental d’égalité devant la loi, puisque le pouvoir dérogatoire sera strictement encadré et ne pourra pas porter sur des normes législatives.
Cela s’inscrit dans un objectif d’adaptation aux enjeux et besoins locaux des normes applicables aux collectivités, de plus en plus nombreuses et complexes. C’est ce que proclamait déjà l’exposé des motifs du décret du 25 mars 1852 sur la décentralisation administrative : « On peut gouverner de loin, mais on n’administre bien que de près. »
Maire pendant vingt ans, président d’une intercommunalité, je peux témoigner avec force de l’intelligence de dérogations réfléchies et décidées en accord avec les élus locaux.
Les représentants du corps préfectoral qui ont été auditionnés ont d’ailleurs bien souligné le lien étroit entre dérogation et simplification. La quasi-absence de contentieux liés à de précédentes mises en œuvre du pouvoir de dérogation démontre aussi la manière dont l’utilisation de cet outil a su se faire dans un cadre consensuel, en concertation avec les élus locaux.
Ce texte permettra au préfet de déroger à des normes de fond et non plus seulement de procédure et de délai. Avec la sécurisation juridique de ce pouvoir, il pourra être encouragé à accorder une dérogation chaque fois qu’elle permettra de soutenir le développement local ou d’alléger le poids des normes sur les finances des collectivités. Cela va dans le bon sens !
Au-delà du pouvoir dérogatoire, le préfet doit également avoir le plein contrôle de son administration. L’examen de ce texte est donc l’occasion pour moi de plaider, une nouvelle fois, pour que nos préfets aient une réelle autorité fonctionnelle et hiérarchique sur tous les services déconcentrés de l’État, notamment sur les antennes de directions régionales comme les Dreal (directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement) ou d’agences de l’État comme les ARS (agences régionales de santé).
Par ce texte, c’est notre attachement à la démocratie locale incarnée par le couple maire-préfet qui est réaffirmé. Cette relation entre les élus et le représentant de l’État dans les départements sera particulièrement favorisée par l’instauration d’une instance de dialogue autour du droit de dérogation. Il faudrait toutefois que les actions préconisées par les comités locaux de cohésion territoriale soient mises en œuvre. Le duo complémentaire et dynamique que constituent le préfet et le maire doit donc rester au cœur de la discussion.
J’ai souvent entendu dire, y compris ce soir, que la dérogation risquerait d’exposer pénalement les préfets qui y auraient recours. En tant qu’ancien maire, une telle observation me fait sourire : les maires qui œuvrent quotidiennement au service de leurs concitoyens prennent déjà ce risque !
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Oui !
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Michel Masset applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Saury. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi dont nous entamons l’examen est une étape sur le chemin de la différenciation de nos territoires. Cette notion n’est pas si facile à appréhender au regard de notre tradition politique jacobine.
Nous, Français, avons la « passion de l’égalité », comme l’écrivait Tocqueville ; nous pouvons d’ailleurs en être fiers. La loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », affirme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Cependant, notre passion pour l’égalité a pu être dévoyée au profit de pratiques administratives ubuesques. D’un principe noble qui doit irriguer l’action publique et structurer les lois, on a fait un motif d’uniformité des territoires, délié des contextes locaux. De la petite commune à la métropole, du nord au sud, de l’urgence aux temps calmes, du département opulent au département indigent, de la sécheresse aux inondations, les mêmes règles inflexibles trouvent parfois à s’appliquer.
Nous avons ici une égalité qui n’est en réalité que formelle, textuelle.
Quelle égalité réelle y a-t-il quand des contraintes identiques s’appliquent pour constituer des dossiers-fleuves de subvention, alors qu’une mairie dispose d’un service juridique entier et l’autre seulement d’une secrétaire à mi-temps ?
Quelle égalité y a-t-il lorsque les mêmes délais s’appliquent pour la mise aux normes des infrastructures sportives, sélectionnant les équipes non plus sur leurs performances, mais sur la capacité des communes à rénover des tribunes ?
Tirant la leçon du fait que l’égalité n’est pas l’uniformité, ce texte vise donc à garantir une meilleure adaptation de l’action publique. Expérimenté depuis 2017, étendu par décret en 2020, le pouvoir de dérogation des préfets a connu un bilan mitigé. Ce texte vise donc à le renforcer, l’étendre et le clarifier.
Ne nous méprenons pas : ce dispositif ne créera pas un service public à la carte et ce texte ne revient pas sur les grands principes structurants de notre droit. Ainsi, comme l’indique son article 1er, le préfet pourra, « pour un motif d’intérêt général et pour tenir compte des circonstances locales », déroger à des normes arrêtées par l’administration de l’État. Il s’agit donc des normes réglementaires de nature formelle, ainsi que, dans certains cas seulement, de normes de fond.
Enfin, ce texte est un témoignage de confiance envers les préfets. Ceux-ci, représentants de l’État dans les territoires aux termes de notre Constitution, pourront exercer leur pouvoir de dérogation sur les décisions des agences et des services déconcentrés.
Ce texte est aussi un témoignage de confiance envers les collectivités, qui pourront bénéficier de traitements correspondant à des circonstances locales propres, parfois exceptionnelles. L’article 5 institue ainsi une conférence de dialogue pour renforcer les échanges entre préfectures et élus locaux.
Il est temps, sans rien renier de nos principes, d’avoir une administration qui soit plus souple, flexible et adaptée à son temps, à la diversité de nos territoires et aux besoins de nos concitoyens.
En conséquence, c’est avec conviction que je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Gérard Paumier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Gérard Paumier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la chambre des territoires, chacun sait que l’on n’administre bien que de près. Personne n’ignore que la multiplicité des textes, des règles et des normes de toute nature empêche de répondre à la diversité des situations dans tous les territoires.
L’exigence de simplification est une urgence démocratique, comme l’a souligné le Premier ministre Michel Barnier dans sa circulaire du 28 octobre 2024 ayant pour objet la simplification de l’action publique et l’accompagnement des projets locaux : « Nous avons besoin de simplifier massivement l’action publique. Nos concitoyens ont besoin de constater, près de chez eux, que nous avons encore collectivement la capacité à agir pour développer leur territoire et répondre à leurs besoins. Nous devons démontrer que la complexité n’est pas une fatalité. »
La simplification passe parfois par la dérogation. Nous l’avons bien vu avec les travaux de Notre-Dame de Paris et nous le voyons encore aujourd’hui avec la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 : afin d’agir vite, il faut une loi pour s’affranchir d’un certain nombre de règles.
De même, le renforcement et, en corollaire, la sécurisation du pouvoir préfectoral de dérogation répondent à une attente forte des maires. On apporte ainsi des solutions concrètes pour adapter les normes aux territoires, comme le demandait le rapport d’information du 13 février dernier de Rémy Pointereau et Guylène Pantel.
Le préfet, représentant de l’État dans le département, est à mon avis le mieux placé, avec le concours de ses sous-préfets d’arrondissement, pour apprécier la pertinence des règles dans des contextes très divers, propres aux spécificités de chaque territoire.
Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à renforcer son pouvoir de dérogation aux normes réglementaires. Ce renforcement devrait permettre de mieux répondre aux besoins locaux, sans pour autant remettre en cause les principes fondamentaux de notre droit. En bref, il s’agit de doter les préfets d’outils de bon sens au service de l’intérêt général pour simplifier et redonner du pouvoir de décision au terrain.
J’y vois une exigence d’efficacité requise par nos élus locaux, doublée d’une marque de confiance à l’égard de nos préfets, dont la compétence et la connaissance fine du contexte local ne sont plus à démontrer.
Ce pouvoir de dérogation élargi des préfets est pensé comme un outil d’ajustement et de discernement, un accélérateur de projets, permettant de simplifier les démarches et de soulager les élus locaux des contraintes parfois excessives qui s’imposent à eux. C’est d’ailleurs ainsi qu’il doit demeurer dans la pratique.
En somme, cette proposition de loi est un pas de plus vers une administration plus agile, plus proche du terrain et mieux à même d’accompagner les dynamiques locales. Elle permettra surtout de renforcer le lien de confiance entre élus locaux et services préfectoraux, en redonnant un réel pouvoir de décision aux préfets afin d’aider les maires et les élus locaux dans la construction de leurs projets de territoire.
Pour toutes ces raisons, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d’adapter les normes aux territoires
Article 1er
I. – Le représentant de l’État dans la région ou le département peut, pour un motif d’intérêt général et pour tenir compte des circonstances locales, déroger à des normes arrêtées par l’administration de l’État pour prendre des décisions relevant soit de sa compétence, soit de celle des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial.
La dérogation doit avoir pour objet d’alléger les démarches administratives, d’adapter les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques.
II (nouveau). – Le représentant de l’État dans la région ou le département peut, pour un motif d’intérêt général et pour tenir compte des circonstances locales, prévoir des adaptations mineures des normes arrêtées par l’administration de l’État pour prendre des décisions relevant soit de sa compétence, soit de celle des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial.
Ces adaptations mineures doivent avoir pour objet de faciliter la réalisation de projets locaux.
III (nouveau). – Les dérogations et adaptations prises en application des I et II doivent répondre aux conditions suivantes :
1° Elles sont compatibles avec les engagements européens et internationaux de la France ;
2° Elles ne portent pas atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’exercice du pouvoir de dérogation prévu par le présent article.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, sur l’article.
M. Grégory Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, la décentralisation est tout à fait récente à l’échelle de l’histoire de nos institutions : elle n’a que quarante ans. C’est d’ailleurs ce qui explique que le mouvement de territorialisation et de confiance dans les pouvoirs locaux ne soit pas finalisé et que nous assistions en permanence à un mouvement de balancier entre ceux qui veulent la recentralisation et ceux qui veulent davantage de décentralisation.
Quand il s’agit d’un droit ancien et construit, ce mouvement fait assez peu débat. En revanche, dès lors qu’il est question d’un droit récent et en construction, comme le droit de l’environnement, il faut faire extrêmement attention. Sur le droit de l’environnement en particulier, le débat continue d’être extrêmement animé entre planification et contractualisation. Au sein de cet hémicycle, l’ensemble des groupes n’ont pas encore de position claire.
Pour ma part, je considère que, face au dérèglement climatique, si nous voulons être au rendez-vous de l’adaptation et de l’atténuation, nous n’avons pas le choix : il faut un pilotage fort et une planification ferme. Cela suppose forcément un pouvoir d’ajustement laissé à la main du représentant de l’État, c’est-à-dire du préfet.
C’est la raison pour laquelle je voterai l’article 1er, qui me semble cependant nécessiter pour corollaire un contrôle et un suivi beaucoup plus puissants que ceux dont nous débattrons lorsque nous examinerons l’article 5.
La contractualisation fait débat dans cet hémicycle. On l’a notamment vu lors de l’examen de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, dite proposition de loi Trace : certains veulent davantage de contractualisation et de liberté à l’échelon local. Dans ce cas, on ne peut pas vouloir renforcer le pouvoir des préfets dans d’autres textes. De ce point de vue, le législateur doit être clair.
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Benarroche, Mmes M. Vogel et de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Dans la discussion générale, j’ai exprimé la position du groupe GEST sur le pouvoir de dérogation, qui peut se révéler déjà très utile localement. Nous soutenons une meilleure diffusion de ces possibilités, qui existent déjà, afin que les collectivités qui en ont besoin puissent mieux y recourir.
Nous représentons les territoires et nous sommes souvent aussi des élus locaux. Nous savons combien de collectivités rencontrent parfois des difficultés dans l’instruction de leurs dossiers de subvention, dans les délais de paiement, etc. Les possibilités de dérogation par le préfet à la demande de ces collectivités existent déjà, mais l’article 1er va bien plus loin. En effet, il instaure une possibilité générale de dérogation au profit du préfet sans en limiter les champs ni en encadrer les critères pour y recourir.
Mes chers collègues, vous le savez, le groupe GEST est opposé à cette recentralisation du pouvoir. Notre courant politique pense toujours en priorité au local. Nous nous interrogeons sur les possibles conséquences, en particulier pour les normes environnementales, de la faculté accordée au préfet de déroger localement, de manière discrétionnaire, aux normes nationales.
Un quart des arrêtés de dérogation pris depuis 2020 concernent l’environnement. Alors que la défense de l’environnement doit rester centrale dans l’action politique, locale comme nationale, les différenciations locales pourraient désormais se traduire par une moins-disance dans certains territoires au nom d’un certain développement. Cela nuirait d’ailleurs à l’acceptabilité du respect de normes qui auraient fait l’objet de dérogations dans d’autres territoires.
Enfin, les normes donnant lieu à dérogation pourraient être de nature scientifique : par exemple, les taux de certains polluants ou la présence acceptable de toxiques. La rupture d’égalité induite, mais aussi les risques liés à de telles dérogations non encadrées nous posent un sérieux problème, d’autant que cette nouvelle faculté n’est pas spécialement attendue par le corps préfectoral.
Aussi, nous proposons la suppression de l’article 1er afin de nous en tenir au droit actuel, qui, même si certaines possibilités ne sont pas suffisamment employées, permet une adaptation souple dans les territoires et une différenciation souhaitable.
Ronan Dantec et moi-même aurons d’ailleurs l’occasion de défendre des dispositifs permettant d’améliorer ces mécanismes de dérogation et donnant plus de voix aux collectivités locales, ce qui semble d’ailleurs être votre volonté, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Mon cher collègue, vous ne serez pas étonné que la commission émette un avis défavorable sur cet amendement.
Vous nous demandez tout simplement de supprimer le cœur du dispositif du texte ! Certes, vous pouvez ne pas être d’accord, mais la commission ne peut vous suivre.
La commission est évidemment favorable aux dérogations. Nous sommes nombreux ici à avoir été maires, présidents de collectivités ou élus locaux, et ce texte répond à un véritable besoin aujourd’hui. On ne dit pas que c’est la panacée, mais il faut aider nos collectivités et nos élus à réaliser leurs projets.
Aujourd’hui, il s’agit d’inscrire dans la loi ce que les préfets font déjà, pour qu’ils puissent déroger à des normes de fond comme de forme. Il faut faire confiance aux élus – c’est à leur demande que nous répondons par ce texte – et aux représentants de l’État dans les territoires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article 1er. Même si la rédaction de l’article ne nous convient pas tout à fait et que je présenterai un amendement visant à la modifier, nous n’en demeurons pas moins d’accord avec le principe qu’il énonce.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
soit de sa compétence, soit de celle des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial
par les mots :
de sa compétence
II. – Alinéa 2 à 8
Remplacer ces alinéas par neuf alinéas ainsi rédigés :
La dérogation respecte les conditions suivantes :
1° Elle est compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;
2° Elle ne porte pas atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.
Un décret en Conseil d’État précise les autres conditions dans lesquelles le représentant de l’État peut faire usage de ce droit de dérogation.
II. – Le préfet représentant de l’État, selon le cas, dans les régions, les départements, les collectivités à statut particulier ou les collectivités d’outre-mer régies par les articles 73 ou 74 ou par le titre XIII de la Constitution, est le délégué territorial des établissements publics et groupements d’intérêt public de l’État exerçant des missions territoriales, dont la liste est définie par décret en Conseil d’État. Il peut adresser au service territorial de ces derniers des directives d’action territoriale.
Dans les conditions mentionnées au premier alinéa du I et complétées par décret en Conseil d’État, le représentant de l’État peut demander à un établissement de l’État ou à un groupement d’intérêt public de procéder au réexamen d’une décision prise par ce dernier ayant une incidence dans sa circonscription territoriale. Dans ce cas, l’établissement ou le groupement suspend l’exécution de cette décision jusqu’au réexamen.
Un décret en Conseil d’État définit les attributions confiées au délégué territorial et les moyens que l’établissement ou le groupement met à sa disposition selon qu’il dispose ou non d’un échelon territorial.
III. – Le IV de l’article L. 131-9 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« IV. – Le représentant de l’État, selon le cas, dans le département, la collectivité de Corse ou la collectivité régie par les articles 73 ou 74 de la Constitution, est le délégué territorial de l’office. Il assure la cohérence de l’exercice des missions de l’office dans les territoires relevant de son ressort avec les actions des autres services et établissements publics de l’État. »
La parole est à M. François-Noël Buffet, ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre. Cet amendement vise à renforcer la sécurité du pouvoir préfectoral de dérogation défini à cet article, en particulier pour rendre ses dispositions plus opérationnelles, notamment à l’égard des établissements publics.
Cet objectif serait mieux atteint si le préfet disposait en amont d’un pouvoir d’orientation et de pilotage de l’activité des opérateurs, afin de garantir que leurs actions à l’échelon territorial s’inscrivent bien en cohérence avec l’ensemble des politiques publiques de l’État.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite donner aux préfets de nouvelles prérogatives à l’égard des opérateurs. Je ne rentre pas dans le détail ; j’ai rapidement exposé cet objectif dans la discussion générale.
La rédaction actuelle de l’article 1er nous semble souffrir d’un manque de précision qui pourrait présenter un risque d’inconstitutionnalité, notamment au regard du principe d’égalité devant la loi.
C’est pourquoi nous proposons aussi qu’un décret en Conseil d’État vienne encadrer la faculté de déroger à certaines règles réglementaires de fond, de manière à lui apporter toutes les garanties adaptées.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Benarroche, Mmes M. Vogel et de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I – Alinéa 1
Remplacer les mots :
soit de sa compétence, soit de celle des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial
par les mots :
de sa compétence
II – Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Je me doutais bien que la commission et le Gouvernement émettraient un avis défavorable et que l’amendement n° 9 de suppression de l’article ne serait pas adopté. Nous avions donc prévu un amendement de repli ! (Sourires.)
Comme nous l’avons souligné, une possibilité de dérogation par le préfet sans limitation ni restriction nous paraît une dérive dangereuse. La possibilité donnée au préfet de déroger à toute norme réglementaire, de forme comme de fond, dès lors que cette dérogation permet de faciliter la réalisation d’un projet local, qu’il soit mené par une collectivité, une entreprise, une fondation ou quelque autre acteur, risque de faire de la norme réglementaire une variable d’ajustement en fonction des circonstances locales, voire un levier de pression entre les acteurs locaux et les préfectures.
Je suis heureux d’avoir entendu le ministre souligner que la rédaction élaborée par la commission présentait certains risques d’inconstitutionnalité pour rupture d’égalité. Je partage cette analyse.
Nous préférons donc insister sur un pouvoir d’adaptation et de dérogation limité, mais suffisant. Il serait limité aux normes réglementaires de forme et devrait avoir pour seul objet d’alléger les démarches administratives, d’adapter les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques, sans limitation des domaines d’intervention de ces dérogations. Cela nous paraît largement suffisant pour conserver aux collectivités territoriales le bénéfice des dérogations préfectorales, notamment dans l’accès aux subventions publiques.
L’adoption de cet amendement permettra de satisfaire la volonté du Sénat vis-à-vis des collectivités territoriales et de la simplification, tout en prévenant les ruptures d’égalité et les pressions qui, sinon, s’exerceraient inéluctablement sur le préfet et sur l’administration de l’État déconcentré.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié ter, présenté par MM. Sautarel, Perrin et Rietmann, Mme P. Martin, MM. Bruyen, Belin, Reynaud et Burgoa, Mme Muller-Bronn, M. Naturel, Mmes Dumont et Demas, M. D. Laurent, Mme Hybert, MM. Saury, Khalifé, Bouchet et Gueret, Mme Canayer et MM. J.B. Blanc, Anglars, Rojouan, P. Vidal, Delia et Favreau, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après les mots :
d’adapter les délais de procédure
insérer les mots :
, de l’adapter aux réalités locales
II. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
ou de permettre d’être conforme aux réalités locales
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Cet amendement a pour objet la carte scolaire, dont il n’est pas question spécifiquement à l’article 1er.
Comme vous le savez, la carte scolaire suscite chaque année de nombreuses réactions de la part des élus. Bien souvent, les décisions prises par l’administration de l’État, sous l’autorité des représentants de l’éducation nationale, ne sont pas en adéquation avec les réalités locales, car elles sont élaborées sans dialogue local ni vision en matière d’aménagement du territoire.
Le présent amendement vise donc à préciser que la dérogation ou l’adaptation décidée par le représentant de l’État dans la région ou le département doit être adaptée aux réalités locales.
J’avais déposé un autre amendement, qui a malheureusement été déclaré irrecevable. Il visait à aller plus loin, en donnant au préfet la possibilité de déroger à la carte scolaire établie par le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) lorsque les propositions faites sont contraires à l’avis du conseil départemental de l’éducation nationale (Cden).
Je regrette que cet amendement ait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, alors qu’il n’aurait eu aucun coût pour l’État. Il est bien évidemment possible, en effet, de supprimer des postes qui ne sont pas devant élèves afin de préserver les postes devant élèves.
Ma collègue Anne Ventalon avait par ailleurs déposé un sous-amendement au présent amendement visant à préciser ce point, mais il ne figure pas dans le dérouleur de la séance. Je le regrette, car il portait sur une question essentielle.
Michel Barnier, lorsqu’il était Premier ministre, tout comme François Bayrou, l’actuel Premier ministre, nous ont l’un et l’autre indiqué qu’ils souhaitaient renforcer le pouvoir de l’État, donc du préfet, en matière d’établissement de la carte scolaire. Il convient en effet de prendre en compte des critères d’aménagement du territoire en complément de critères pédagogiques, lesquels relèvent bien évidemment de l’éducation nationale.
Je souhaite donc que cette question puisse être prise en considération dans ce texte.
M. le président. J’indique que le sous-amendement que vous avez mentionné a, lui aussi, été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
L’amendement n° 17 rectifié quinquies, présenté par MM. Delcros, Henno, Bitz, Fargeot et Laugier, Mme N. Goulet, MM. Longeot et J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, MM. Canévet et Menonville, Mme Antoine, MM. Pillefer et Cambier, Mmes Gacquerre, Billon, Saint-Pé, Perrot et de La Provôté, MM. Vanlerenberghe, Duffourg, Roux, Chasseing, Rochette, Buis et Chevalier, Mme Lermytte et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
d’adapter les délais de procédure
insérer les mots :
, de contribuer au développement des territoires, d’alléger le poids des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. L’article 1er de cette proposition de loi dispose que le préfet peut, sous certaines conditions, déroger à des normes de nature réglementaire afin d’alléger des démarches administratives, d’adapter les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques.
Cette liste me paraît trop limitative pour répondre pleinement aux problématiques que rencontrent les collectivités. Je propose donc de la compléter en autorisant les dérogations visant à contribuer au développement des territoires ou à alléger le poids des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Pointereau, Mme Pantel, MM. Delcros et Karoutchi, Mmes Belrhiti, L. Darcos et Muller-Bronn, MM. P. Vidal, Rojouan et Anglars, Mmes Ventalon, Gruny, Guidez, Canayer et Jacquemet, M. Gueret, Mme Malet, MM. de Nicolaÿ, Panunzi et de Legge, Mme Dumont, MM. Reichardt, Bruyen et Hugonet, Mme Billon, M. D. Laurent, Mme P. Martin, MM. Reynaud, Sido, Mouiller, Perrin et Rietmann, Mme Garnier, M. Belin, Mmes Aeschlimann et Puissat, MM. Lefèvre et Chasseing, Mme Josende, MM. Khalifé et Bouchet, Mme Lassarade, MM. Menonville, L. Vogel, Wattebled et Delia et Mme Imbert, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer le mot :
mineures
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Le présent amendement est quasiment de nature rédactionnelle, puisqu’il vise simplement à supprimer, à l’alinéa 4, le qualificatif « mineures », ce terme me paraissant trop réducteur.
Le Petit Robert donne à « mineur » les synonymes suivants : « accessoire », « cosmétique », ou encore « secondaire ». Si nous voulons faire preuve de volontarisme dans ce texte, il faut employer le seul mot « adaptations », sans lui adjoindre l’épithète « mineures ».
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié quater, présenté par MM. Delcros, Henno, Bitz, Fargeot et Laugier, Mme N. Goulet, MM. Longeot et J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, MM. Canévet, Pillefer et Menonville, Mme Antoine, MM. Cambier, Buis, Chasseing et Vanlerenberghe, Mmes Saint-Pé, Perrot et Billon, M. Duffourg, Mmes de La Provôté et Gacquerre, MM. Roux, Rochette et Chevalier, Mme Lermytte et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
ou le développement des territoires
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Cet amendement, proche de celui que j’ai présenté à l’instant, vise à préciser que les adaptations mineures consenties par le préfet peuvent également avoir pour objet de contribuer au développement des territoires.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié quinquies, présenté par MM. Delcros, Chasseing, Cambier, Vanlerenberghe, Henno, Bitz, Fargeot et Laugier, Mme N. Goulet, MM. Longeot et J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, MM. Canévet et Menonville, Mmes Antoine, Gacquerre et de La Provôté, M. Pillefer, Mmes Perrot, Saint-Pé et Billon, MM. Duffourg, Roux, Rochette, Chevalier, Buis et Wattebled et Mme Lermytte, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
ou d’alléger le poids des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Il est défendu, monsieur le président, car il s’inscrit dans le même esprit que l’amendement précédent.
M. le président. L’amendement n° 5 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 28, présenté par Mme Bellurot, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
IV. – Le représentant de l’État, selon le cas, dans les régions, les départements, les collectivités à statut particulier mentionnées à l’article 72 de la Constitution, ou les collectivités régies par les articles 73 ou 74 de la Constitution ou par le titre XIII de la Constitution, est le délégué territorial des établissements publics et groupements d’intérêt public de l’État comportant un échelon territorial, dont la liste est définie par décret en Conseil d’État. Il assure à ce titre la cohérence de l’exercice de leurs missions respectives dans les territoires relevant de son ressort avec les actions des autres services et établissements publics de l’État et peut leur adresser des directives d’action territoriale.
V. – L’article L. 1432-1 du code de la santé publique est complété par un II ainsi rédigé :
« II. – Le représentant de l’État, selon le cas, dans les régions, la collectivité de Corse ou les collectivités régies par les articles 73 ou 74 de la Constitution, est le délégué territorial de l’agence. Il assure, en tant que délégué territorial de l’agence, la cohérence de l’exercice de ses missions dans les territoires relevant de son ressort avec les actions des autres services et établissements publics de l’État et peut lui adresser des directives d’action territoriale. »
VI. – Le III bis de l’article L. 321-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :
« III bis. – Le représentant de l’État, selon le cas, dans les régions, les départements, la collectivité de Corse ou les collectivités régies par les articles 73 ou 74 de la Constitution, est le délégué territorial de l’agence. Il assure, en tant que délégué territorial de l’agence, la cohérence de l’exercice de ses missions dans les territoires relevant de son ressort avec les actions des autres services et établissements publics de l’État et peut lui adresser des directives d’action territoriale. »
VII. – Après la première phrase du sixième alinéa de l’article 11 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il assure, en tant que délégué territorial de l’agence, la cohérence de l’exercice de ses missions dans les territoires relevant de son ressort avec les actions des autres services et établissements publics de l’État et peut lui adresser des directives d’action territoriale. »
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Cet amendement, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, vise à faire du préfet le délégué territorial des agences de l’État, de manière à lui permettre de coordonner l’action des différentes agences sur son territoire et à conforter son pouvoir de dérogation.
M. le président. Le sous-amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 28
I. – Alinéa 2, première phrase
Supprimer les mots :
comportant un échelon territorial
II. – Après l’alinéa 2
Compléter cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
Dans les conditions mentionnées au premier alinéa du I et complétées par décret en Conseil d’État, le représentant de l’État peut demander à un établissement de l’État ou à un groupement d’intérêt public de procéder au réexamen d’une décision prise par ce dernier ayant une incidence dans sa circonscription territoriale. Dans ce cas, l’établissement ou le groupement suspend l’exécution de cette décision jusqu’au réexamen.
Un décret en Conseil d’État définit les attributions confiées au délégué territorial, les moyens que l’établissement ou le groupement met à sa disposition selon qu’il dispose ou non d’un échelon territorial.
III. – Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
IV. – Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le IV de l’article L. 131-9 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« IV. – Le représentant de l’État, selon le cas, dans le département, la collectivité de Corse ou la collectivité régie par les articles 73 ou 74 de la Constitution, est le délégué territorial de l’office. Il assure la cohérence de l’exercice des missions de l’office dans les territoires relevant de son ressort avec les actions des autres services et établissements publics de l’État. »
La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre. Notre objectif est de revenir à l’esprit de notre amendement n° 30. Il n’est pas exclu qu’il s’agisse d’un sous-amendement de repli, au cas où…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La commission est défavorable au sous-amendement n° 31 du Gouvernement, car il tend à supprimer la désignation du préfet en tant que délégué territorial de l’ARS. Or nous sommes nombreux à voir des projets bloqués par ces agences pour des raisons souvent ubuesques. Il me semble donc essentiel de permettre au préfet de coordonner l’action des ARS avec celle des autres agences et des services déconcentrés, pour assurer la cohérence de l’action publique locale et faciliter la réalisation des projets locaux indispensables à nos territoires. Il s’agit non pas de donner plus de pouvoir au préfet, mais de lui permettre de jouer un rôle en matière de coordination.
Par ailleurs, aux termes de ce sous-amendement, le préfet pourrait seulement demander à une agence le réexamen d’une décision qu’elle aurait prise. Or le seul réexamen d’une décision par une agence conduirait au même résultat et ne faciliterait nullement l’action publique locale.
J’en viens à l’amendement n° 30 du Gouvernement, qui vise à supprimer la possibilité octroyée au préfet de prendre des arrêtés de dérogation à des normes relevant de la compétence des agences. Or, vous l’avez bien compris, nous souhaitons que cette dérogation soit possible. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
De même, nous sommes évidemment défavorables à l’amendement n° 10 de M. Guy Benarroche, qui vise également à priver le préfet de la possibilité de prendre des arrêtés de dérogation à des normes relevant de la compétence des agences.
L’amendement n° 3 rectifié ter de M. Sautarel vise à préciser la rédaction de la liste des objectifs que peuvent avoir les dérogations préfectorales. Il est satisfait, car l’objectif même du pouvoir de dérogation est de permettre au préfet d’adapter les règlements aux réalités locales. La commission lui sera donc défavorable, à moins que son auteur ne consente à le retirer.
La commission demande également le retrait des amendements nos 17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies de M. Delcros, au profit de son amendement n° 22 rectifié quater, sur lequel la commission a émis un avis favorable.
Ces deux amendements sont satisfaits, puisque l’objectif d’alléger le poids des normes sur les finances locales est déjà couvert par l’article 1er tel qu’il résulte des travaux de la commission des lois. Ses dispositions autorisent en effet le préfet à déroger aux règles de forme pour alléger des démarches administratives et aux règles de fond pour faciliter la réalisation de projets locaux. Ainsi, un préfet pourrait exonérer une collectivité d’une obligation de conduire plusieurs études pour la réalisation d’un projet.
La commission a émis un avis de sagesse sur l’amendement n° 2 rectifié bis de notre collègue Rémy Pointereau, qui tend à permettre au préfet de procéder à des adaptations des règles de fond sans préciser que ces adaptations doivent être « mineures ». À titre personnel, je voterai cet amendement.
En résumé, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n° 30, 10 et 3 rectifié ter, ainsi que sur le sous-amendement n° 31. Elle demande le retrait des amendements n° 17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies. Elle émet un avis favorable sur l’amendement n° 22 rectifié quater et s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 2 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. J’émets sur l’amendement n° 10 le même avis que Mme la rapporteure : défavorable.
Monsieur Sautarel, le Gouvernement estime que l’amendement n° 3 rectifié ter est satisfait. Par conséquent, il en demande le retrait ; à défaut, il émettrait évidemment un avis défavorable.
Le Gouvernement demande également le retrait de l’amendement n° 17 rectifié quinquies de M. Delcros ; à défaut, son avis serait défavorable.
Sur l’amendement n° 2 rectifié bis, je m’en remets, comme la commission, à la sagesse du Sénat, comme du reste sur l’amendement n° 22 rectifié quater de M. Delcros.
Nous demandons le retrait de l’amendement n° 19 rectifié quinquies, qui recueillerait sinon un avis défavorable.
Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 28 de Mme la rapporteure, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 31.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je souhaite revenir sur l’amendement n° 30 du Gouvernement, que le ministre a présenté de manière très soft. Or, quand on l’examine attentivement, il apparaît clairement qu’il tend à corriger bien des points fragiles de la proposition de loi. On comprend ainsi que le Gouvernement remet en cause certains éléments de l’article 1er, dont il pointe la fragilité, y compris d’un point de vue constitutionnel.
Je n’ai pas vocation à défendre l’amendement du Gouvernement, mais le ministre ne l’ayant peut-être pas présenté avec autant de fougue qu’il l’aurait fait s’il n’était pas devant le Sénat, donc devant ses anciens pairs, je me permets de me substituer à lui pour vous dire : mes chers collègues, a minima, votez l’amendement n° 30 du Gouvernement ! Cela nous évitera un certain nombre de déconvenues dans les mois à venir. Surtout, nous ne donnerions pas alors d’illusions aux élus.
À bien vous écouter, ce que vous voulez, c’est donner le pouvoir dérogatoire à l’État, le préfet étant le représentant de l’État, et non pas aux collectivités territoriales. Pour notre part, nous défendrons des amendements visant à donner plus de pouvoirs à ces dernières, mais ce n’est pas ce que vous proposez.
Vous mettez en avant deux éléments essentiels.
D’une part, vous voulez supprimer tout ce qui est mineur ou restrictif et permettre aux collectivités territoriales, pour développer ou faciliter on ne sait quoi, de mettre en œuvre tous les projets, quels qu’ils soient, en dérogeant aux normes, quelles qu’elles soient, puisque, par principe, elles ne seraient pas adaptées. Alors que nous n’arrêtons pas ici de voter des propositions de loi qui induisent des normes, textes que, d’ailleurs, vous écrivez vous-mêmes, vous nous dites : tout cela, c’est trop, il faut arrêter, simplifier et permettre des dérogations.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Guy Benarroche. D’autre part – merci de me permettre de conclure, monsieur le président – (Exclamations d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) vous nous dites très clairement, mes chers collègues, que les opérateurs de l’État font n’importe quoi, qu’ils prennent des décisions absurdes, qu’ils nous mettent dans des situations ubuesques. Jugez-vous donc que les gens en place dans ces agences, qui ont fait des études et ont des compétences, ne servent en fait à rien ? (Mêmes mouvements.) J’en ai pour deux secondes !
M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole de quarante secondes !
M. Guy Benarroche. Mes chers collègues, vous nous racontez une histoire qui n’est pas la réalité !
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Compte tenu de l’avis de la commission et du Gouvernement, je retire les amendements n° 17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies. Je maintiens en revanche, bien entendu, l’amendement n° 22 rectifié quater, sur lequel la commission a émis un avis favorable et le Gouvernement un avis de sagesse.
M. le président. Les amendements nos 17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies sont retirés.
La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.
M. Stéphane Sautarel. Je retire également l’amendement n° 3 rectifié ter, dont la portée était limitée. Ce que je souhaitais surtout, c’était l’adoption de mon autre amendement, qui a été déclaré irrecevable.
J’aimerais à tout le moins que M. le ministre, qui considère que mon amendement n° 3 rectifié ter est satisfait, me confirme que, si l’article 1er du texte est adopté tel qu’il nous est proposé, le préfet disposera bien du pouvoir de déroger à la carte scolaire présentée par le Dasen.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Nous sommes tous d’accord pour simplifier les normes et permettre aux élus locaux de déroger aux règles afin de faciliter l’exercice de leurs responsabilités. Nous aimons bien cela, y compris à droite : déroger aux règles, c’est toujours tentant ! Les normes, à l’évidence, c’est toujours contraignant.
Je n’ai toutefois pas l’impression que ce texte, tel qu’il est actuellement rédigé, comporte de réelles mesures de simplification. En tout cas, je ne suis pas certain que nous allons simplifier la vie des préfets – on peut se dire que ce n’est pas bien grave –, surtout d’un point de vue juridique. Le texte étant très flou, très complexe, ils seront amenés à prendre des décisions qu’il leur sera très difficile, je pense, d’assumer.
Ce qu’a dit mon collègue Guy Benarroche sur l’amendement n° 30 est vrai. Il suffit de le lire pour comprendre que le Gouvernement y relève l’ensemble des difficultés et des problématiques du texte. Cet amendement, même si je ne partage pas entièrement sa philosophie, montre les dérives auxquelles le texte pourrait donner lieu. Le Gouvernement, avec sagesse d’ailleurs, a bien vu cette problématique.
Monsieur le ministre, j’ai donc une question à vous poser. Mme la rapporteure ayant émis un avis défavorable sur cet amendement, qui vise pourtant à sécuriser le dispositif, quelle serait la position du Gouvernement sur le texte final s’il n’était pas adopté ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre. Monsieur le sénateur Sautarel, je vous confirme que le préfet a le pouvoir d’apprécier la carte scolaire ; il a vocation à l’adapter localement au territoire dont il a la responsabilité. L’article 1er, tel qu’il est rédigé, le lui permet.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 31.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Monsieur le ministre, l’avis favorable du Gouvernement à l’amendement n° 28 de la commission était conditionné à l’adoption du sous-amendement n° 31. Celui-ci ayant été rejeté, l’avis devient-il défavorable ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit deux. Je vous propose de prolonger notre séance afin d’achever l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 24, présenté par M. Mérillou, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l’article L. 145-5 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le représentant de l’État dans le département peut, sur demande motivée du maire, adapter la durée et les dates d’application des baux saisonniers mentionnés au présent article aux spécificités touristiques, culturelles ou économiques locales établies, dans la limite d’une durée maximale de neuf mois par année civile. »
La parole est à M. Serge Mérillou.
M. Serge Mérillou. Cet amendement vise à adapter le cadre juridique des baux saisonniers afin de mieux répondre aux besoins des commerçants et des consommateurs.
Le droit actuel ne fixe pas clairement la durée maximale d’un bail saisonnier. Dans les faits, la jurisprudence admet rarement des contrats d’une durée supérieure à six mois. Or, dans des territoires ruraux comme mon département, la Dordogne, où la saison touristique s’étale, de plus en plus, bien au-delà de l’été – le mois de décembre est très dynamique à Sarlat, plus que le mois de juillet d’ailleurs –, cette limite est devenue inadaptée.
Le présent amendement vise non pas à remettre en cause la souplesse existante, mais à mieux l’organiser. Sur demande motivée du maire, le préfet pourra reconnaître que, localement, la saison touristique dure jusqu’à neuf mois. Ce ne serait pas une dérogation arbitraire, mais une possibilité d’adaptation fondée sur des données objectives : la fréquentation, les événements et les pratiques économiques.
Cette adaptation permettra à de nombreux commerçants de sécuriser leur activité, d’ouvrir plus longtemps sans risque juridique et de mieux répondre à la demande des visiteurs. C’est un outil au service des maires, des professionnels et des consommateurs ; un levier simple, qui reste souple, facultatif et ciblé pour accompagner l’évolution du tourisme dans nos territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Je comprends votre préoccupation, cher collègue, mais, comme vous l’avez indiqué, la durée des baux saisonniers n’est pas fixée par la loi. La jurisprudence précise simplement qu’un bail saisonnier est un bail de moins d’un an, qui dure le temps d’une saison et concerne une période d’activité déterminée pendant une partie de l’année.
Un bail saisonnier est donc un bail de moins d’un an, qui coïncide avec la durée d’une saison, laquelle varie en fonction de l’activité et de la région concernées.
Si la durée usuelle d’un bail saisonnier est de six mois, cette règle ne résulte pas de la loi et le juge a déjà admis le caractère saisonnier d’un bail d’une durée de sept mois, par exemple, dont les dates de début et de fin coïncidaient avec celles de la saison touristique.
J’ajoute que deux baux peuvent être signés en une année, l’un pour la saison d’été, l’autre pour la saison d’hiver.
Cette question étant d’ordre réglementaire et cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, je serais au regret d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Mérillou, l’amendement n° 24 est-il maintenu ?
M. Serge Mérillou. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
Le III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« III. – À l’exception des collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales de la Guadeloupe, de la Guyane, de La Réunion, de la Martinique, de Mayotte, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivités territoriales, maître d’ouvrage d’une opération d’investissement, assure une participation minimale au financement de ce projet.
« Sans préjudice de l’application de l’article 9 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et des 2° et 3° du présent III, cette participation minimale du maître d’ouvrage est de 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet, sauf dérogation accordée par le représentant de l’État dans le département. Cette dérogation est fondée par un motif d’intérêt général et par l’existence de circonstances locales, en particulier lorsque la contribution du maître d’ouvrage est disproportionnée par rapport à sa capacité financière.
« Par dérogation au deuxième alinéa du présent III, cette participation minimale du maître d’ouvrage est :
« 1° De 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques pour les projets d’investissement en matière d’eau potable et d’assainissement, d’élimination des déchets, de protection contre les incendies de forêts et de voirie communale qui sont réalisés par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de Corse ou par les communes membres d’un tel établissement lorsque les projets n’entrent pas dans le champ de compétence communautaire ;
« 2° De 15 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques pour les opérations d’investissement financées par le fonds européen de développement régional dans le cadre d’un programme de coopération territoriale européenne ;
« 3° (nouveau) De 5 % pour les projets d’investissement en matière de rénovation du patrimoine protégé ou non protégé, de rénovation énergétique des bâtiments, d’eau potable et d’assainissement, de protection contre les incendies, de voirie communale ainsi que ceux concernant les ponts et ouvrages d’art, réalisés par les communes de moins de 2 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 23 rectifié quater, présenté par MM. Delcros, Henno, Bitz, Fargeot et Laugier, Mme N. Goulet, MM. Longeot et J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, MM. Canévet, Cambier, Vanlerenberghe et Pillefer, Mme Antoine, M. Menonville, Mmes Perrot, Gacquerre, Saint-Pé, Billon et de La Provôté, MM. Duffourg, Chasseing, Buis, Chevalier, Rochette et Roux, Mme Lermytte et M. Wattebled, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les projets d’investissement concernant le patrimoine protégé, réalisés par les communes de moins de 2 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants, la participation minimale du maître d’ouvrage est de 5 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet, sauf dérogation accordée par le représentant de l’État dans le département. Pour les projets d’investissement concernant le patrimoine non protégé, les ponts et ouvrages d’art, les équipements pastoraux, la défense extérieure contre l’incendie et pour ceux concourant à la construction, à la reconstruction, à l’extension et aux réparations des centres de santé mentionnés à l’article L. 6323-1 du code de la santé publique, réalisés par les communes de moins de 2 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants, la participation minimale du maître d’ouvrage est de 5 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet, sauf dérogation accordée par le représentant de l’État dans le département, lorsqu’il l’estime justifié par l’urgence ou par la nécessité publique, ou lorsqu’il estime que la participation minimale du maître d’ouvrage est disproportionnée par rapport à sa capacité financière. »
II. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
au deuxième alinéa
par les mots :
aux deuxième et troisième alinéas
III. – Alinéa 7
1° Supprimer les mots :
de rénovation du patrimoine protégé ou non protégé,
2° Remplacer les mots :
, de protection contre les incendies,
par les mots :
ainsi que
3° Supprimer les mots :
ainsi que ceux concernant les ponts et ouvrages d’art,
La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Le droit actuel permet au préfet de déroger à la règle de droit commun, à savoir un plafonnement à 80 % des subventions pour la réalisation de projets, et ce sans limite de taux. Il s’agit d’une possibilité marginale, ouverte pour un certain nombre d’opérations, notamment dans le domaine du patrimoine.
C’est le cas pour le patrimoine classé depuis 2010 et pour le patrimoine non classé depuis la promulgation en 2019 de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
Cette dérogation est assez peu utilisée, mais elle est utile, par exemple – c’est le cas le plus classique – pour de toutes petites communes qui doivent restaurer une église en mauvais état, pour un coût souvent élevé, alors même qu’elles disposent d’une capacité d’autofinancement très faible. Cette mesure, utilisée au cas par cas dans le cadre du pouvoir de dérogation du préfet, apparaît donc importante.
L’article 2 de cette proposition de loi prévoit que le préfet abaisse à 5 %, par dérogation, la quotité d’autofinancement de certaines opérations, définies dans le texte, pour les communes de moins de 2 000 habitants et à faible potentiel financier.
Mon amendement vise simplement à compléter le texte de la commission afin de ne pas priver les petites communes de moins de 2 000 habitants et à faible potentiel financier de la possibilité, dont elles bénéficient aujourd’hui, de bénéficier d’un financement dépassant les 95 %. Même si cette possibilité est peu utilisée, c’est elle qui permet, dans certains cas, de restaurer le patrimoine.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre. J’ai indiqué dans la discussion générale que le Gouvernement souhaitait la suppression de l’alinéa 7 de l’article 2.
En effet, nous souhaitons revenir au seuil minimal de participation de la collectivité de 20 %, tout en laissant au préfet la liberté de le réduire s’il le souhaite, en fonction des circonstances locales. Ainsi, s’il souhaite appliquer un taux de 5 %, il le pourra.
L’objectif est de ne pas pousser les communes à faire des investissements importants auxquels elles auraient des difficultés à faire face et d’éviter que le taux de 5 % ne devienne un principe. En effet, le risque, c’est que toutes les communes réclament de bénéficier du taux de 5 % inscrit dans la loi. Cela poserait de sérieuses difficultés à l’État, qui ne serait plus en mesure de financer les projets.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Je suis au regret d’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 16 du Gouvernement, qui tend à supprimer un dispositif qui avait été adopté par le Sénat en 2024, puis réintroduit dans la présente proposition de loi.
Aux termes de ce dispositif, dans les communes de moins de 2 000 habitants, 5 % du financement des travaux resteraient à la charge de la collectivité, et non 20 %, comme aujourd’hui, afin de venir en aide aux territoires ruraux.
La commission a en revanche émis un avis favorable sur l’amendement n° 23 rectifié quater de M. Delcros. Il est vrai que, dans certains cas, certes assez rares – j’en ai néanmoins vu plusieurs –, souvent dans le domaine du patrimoine, des communes comptant moins de 2 000 habitants bénéficient d’un financement de 100 % du coût des travaux.
Cette possibilité passait à la trappe dans la rédaction issue des travaux de la commission, en retirant à ces communes la possibilité de recevoir des subventions comprises entre 95 % et 100 % du montant des travaux. La décision à cet égard relève évidemment du préfet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 23 rectifié quater ?
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 16 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié quater, présenté par MM. Mérillou et Roiron, Mme Artigalas et M. Montaugé, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 411-5-1 du code de la construction et de l’habitation est remplacé par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Le représentant de l’État dans le département peut, sur demande motivée d’un organisme de logement social, et après avis conforme du maire, autoriser la résiliation anticipée d’une convention signée en application de l’article L. 831-1 du code de la construction et de l’habitation, suivie du reconventionnement de logements locatifs sociaux lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« 1° Les logements concernés sont situés dans des territoires faisant l’objet d’un engagement de revitalisation au titre des programmes Action Cœur de Ville, Petites Villes de Demain ou Villages d’Avenir, ou dans un périmètre de site patrimonial remarquable au sens de l’article L. 631-1 du code du patrimoine ;
« 2° Les conventions d’aide personnalisée au logement sont antérieures au 1er janvier 1977 ;
« 3° L’opération de déconventionnement-reconventionnement s’inscrit dans un projet global de réhabilitation visant à améliorer la performance énergétique, la fonctionnalité et l’attractivité résidentielle des logements ;
« 4° Le projet garantit le maintien de l’intégralité de l’offre de logements sociaux dont au moins 30 % sont occupés par des ménages dont les ressources sont inférieures ou égales aux plafonds applicables à un logement financé par un prêt locatif aidé d’intégration ;
« 5° L’opération concernée connaît un taux de vacance supérieur à 20 %.
« Les loyers et redevances maximaux des conventions nouvellement conclues sont fixés par décret et tiennent compte notamment de l’objectif d’amélioration de la fonctionnalité des logements et de leur performance énergétique.
« Ces dispositions sont également applicables aux communes qui détiennent et gèrent des logements sociaux.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Serge Mérillou.
M. Serge Mérillou. Cet amendement vise à intégrer au texte un dispositif dérogatoire en matière de conventionnement des logements locatifs sociaux.
L’objectif est simple : redonner des marges de manœuvre aux bailleurs sociaux dans les villes petites et moyennes, là où la vacance progresse malgré une forte demande de logements accessibles et bien situés.
Aujourd’hui, certains immeubles anciens sont invivables, car ils sont trop énergivores ou inadaptés. Ainsi, à Périgueux, un bâtiment Art déco comptant 59 logements familiaux connaît un taux de vacance de 50 %.
La réhabilitation complète est souvent hors de portée financière. Or, faute de pouvoir être requalifiés, ces logements restent vides, parfois même en plein centre-ville. C’est un non-sens social, écologique et économique.
Nous proposons donc un dispositif encadré au cas par cas, à la main du préfet et du maire, pour permettre le déconventionnement et le reconventionnement de logements sociaux anciens, dans le cadre d’un projet global de réhabilitation.
Il ne s’agit ni d’une privatisation déguisée ni d’une réduction de l’offre sociale. L’intégralité des logements resterait dans le parc social, avec un plafonnement des loyers et une montée en gamme sur l’usage et l’énergie. C’est une réponse concrète pour revitaliser les centres-bourgs, lutter contre la vacance et offrir un habitat digne, sobre et fonctionnel dans des territoires que l’on oublie trop souvent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La commission demande le retrait de cet amendement, qui est satisfait et dont la rédaction, en l’état, n’est pas opérationnelle.
Le dispositif ne tourne pas juridiquement. En effet, il concerne les logements pour lesquels une convention d’aide personnalisée au logement (APL) aurait été conclue avant le 1er janvier 1977 ; or aucune convention APL n’a été signée avant 1977 dans la mesure où l’aide personnalisée au logement a été créée par la loi du 3 janvier 1977. Par conséquent, les conventions APL sont toutes postérieures à cette date.
Par ailleurs, le dispositif est déjà satisfait. Les logements anciens conventionnés pour l’APL peuvent, en droit constant, être déconventionnés. Le code de la construction et de l’habitation offre la possibilité au préfet de résilier unilatéralement, de manière anticipée, la convention APL pour un motif d’intérêt général. La rénovation d’un patrimoine ancien constitue justement un motif d’intérêt général.
L’obtention d’un nouveau prêt est conditionnée au respect d’un délai de carence de dix ans, auquel le préfet peut également demander à déroger, de sorte que les logements peuvent être reconventionnés sous couvert d’un nouveau financement.
C’est pourquoi, faute de retrait, l’avis de la commission sur cet amendement serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. À l’instar de la commission, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
M. Serge Mérillou. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié quater est retiré.
Article 3
L’article L. 214-18-1 du code de l’environnement est ainsi rétabli :
« Art. L. 214-18-1. – Le représentant de l’État dans la région ou le département peut déroger aux obligations résultant des articles L. 214-17 et L. 214-18 lorsque :
« 1° Leur respect est de nature à remettre en cause l’usage actuel ou potentiel de l’ouvrage ou à fragiliser l’équilibre économique de son exploitation ;
« 2° La dérogation ne porte pas une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé ;
« 3° La dérogation se fonde sur l’existence de circonstances locales ;
« 4° La dérogation est compatible avec les engagements européens et internationaux de la France. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par MM. Roiron, Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld, Narassiguin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 11 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour présenter l’amendement n° 1.
M. Pierre-Alain Roiron. Cet amendement vise à supprimer l’article 3.
On nous présente cet article comme une réponse aux difficultés auxquelles sont confrontés les moulins à eau, dont l’exploitant doit se conformer à des prescriptions trop lourdes ou de nature à lui occasionner des frais disproportionnés.
Toutefois, tel que le texte est rédigé, le périmètre de l’article 3 dépasse largement les seuls moulins à eau. En effet, c’est pour tous les ouvrages hydrauliques que les préfets seraient autorisés à déroger aux règles environnementales !
Cette possibilité de déroger, notamment, aux normes de continuité écologique ayant pour objet d’assurer la vie, la circulation et la reproduction des espèces dans les cours d’eau constituerait un grave recul.
Alors que les crises se multiplient et, surtout, que la France ne respecte pas toujours ses engagements européens en matière de bon état écologique de ses cours d’eau, nous vous proposons donc, comme je l’avais déjà fait en commission, de supprimer l’article 3.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 11.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a le même objet et les mêmes justifications que l’amendement n° 1, excellemment défendu par M. Roiron.
Comme cela vient d’être souligné, l’article 3 ouvre la possibilité de déroger aux règles environnementales pour tous les ouvrages hydrauliques. Une telle attaque a au moins le mérite d’être claire, directe et frontale. Encore un recul, parmi tant d’autres, sur l’environnement, que certains perçoivent toujours comme un obstacle et non comme un intérêt impératif pour le développement durable de nos territoires et de nos régions !
La problématique de l’eau est vaste et complexe. La chaîne des effets et des implications lorsque l’on touche aux cours d’eau n’est plus à démontrer. La protection des cours d’eau classés est essentielle pour atteindre l’objectif de reconquête de la biodiversité. Je pense notamment à la circulation des poissons migrateurs et au transport des sédiments.
À nos yeux, cet article, en plus d’être un peu scandaleux dans son principe, est totalement inacceptable dans sa rédaction. Nous en demandons donc la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Je connais votre sensibilité à l’écologie, mes chers collègues. Mais cette sensibilité, nous la partageons tous ! Il ne s’agit évidemment pas de mettre fin à la continuité écologique des cours d’eau : ce n’est ni notre intention ni l’objet de l’article 3.
Simplement, une possibilité limitée de déroger aux normes applicables aux cours d’eau nous semblerait la bienvenue pour protéger les ouvrages hydrauliques existants, conformément d’ailleurs à la volonté des auteurs de la proposition de loi. Je pense notamment aux moulins à eau, qui – vous y avez fait référence – sont parfois soumis à des normes disproportionnées, en particulier pour les budgets des communes. Nous avons tous en tête des exemples de collectivités tenues, en tant que propriétaires, de réaliser des travaux d’un coût financier colossal qu’elles n’ont pas la possibilité d’engager.
Je tiens à vous rassurer : le dispositif que nous proposons est strictement encadré ; il ne sera possible ni de porter une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé ni de se mettre en contradiction avec les engagements européens et internationaux de la France.
Je le rappelle, la dérogation relèvera de la responsabilité du préfet, qui – vous le savez – connaît son territoire et sera apte à évaluer la pertinence d’une telle mesure.
De surcroît, l’obligation de compatibilité avec les engagements européens et internationaux de la France est énoncée dès l’article 1er de la proposition de loi.
Par conséquent, je pense que nous pouvons raisonnablement rejeter ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Ainsi que je l’ai rappelé tout à l’heure, j’ai cosigné la présente proposition de loi, qui me semble aller dans le bon sens. Son objectif est de donner aux préfets la possibilité de déroger aux normes lorsque des blocages existent à l’échelon local, afin de rendre la loi applicable. J’y insiste : l’objectif est bien de rendre la loi applicable. Tel est le sens du texte que nous avons construit ensemble.
Or l’objet de l’article 3 est tout autre. Là, il s’agit de déroger aux normes environnementales ; ce n’est pas exactement la même chose ! C’est pourquoi je ne voterai pas cet article, dont je pense qu’il va à rebours de notre objectif commun.
Autant je peux comprendre que l’on veuille, par exemple, permettre à une commune de continuer à accueillir des compétitions sportives même sur un terrain de sport inférieur de quelques centimètres à la limite fixée par la fédération concernée – c’est le sens de l’article 4, que nous examinerons dans quelques instants –, autant je considère que la possibilité de déroger aux normes environnementales pose un problème de fond.
Je l’ai souligné lors de ma prise de parole sur l’article 1er : face aux enjeux environnementaux liés au dérèglement climatique, nous avons besoin d’une planification puissante. Or qui dit planification puissante dit aussi possibilité pour le préfet de faire en sorte que les textes s’appliquent.
À l’article 3, on nous propose exactement l’inverse ! Je pense que c’est une erreur qui déséquilibre fortement le texte.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.
M. Michaël Weber. Tout comme notre collègue Grégory Blanc, je suis plutôt favorable à la suppression de l’article 3.
Je reconnais l’intérêt de la présente proposition de loi, que nous avons construite collectivement, et je salue le travail de la commission pour faire en sorte d’aboutir à un texte qui soit acceptable.
Mais nous voyons bien comment les positions peuvent se crisper sur cet article 3, qui traduit une volonté de déroger aux règles en matière environnementale, de surcroît sur les questions liées à l’eau. Vous le savez, l’eau suscite aujourd’hui de véritables problèmes.
Cet article me paraît aller à contre-courant – c’est le cas de le dire ! – des attentes de l’opinion. Nos concitoyens sont en effet très sensibles aux problématiques liées à l’eau, qu’il s’agisse des eaux de surface, notamment avec les inondations, ou des eaux souterraines. Nous en avons d’ailleurs déjà débattu voilà quelque temps.
Or, concernant le respect du droit européen, que Mme la rapporteure a également évoqué, l’article 3 m’inspire de grandes inquiétudes. Je pense par exemple aux zones Natura 2000, dont les documents d’objectifs font référence à la continuité écologique des cours d’eau.
À mes yeux, l’article 3 illustre une méconnaissance de ce qui se passe dans nos territoires. Prenons le cas d’un territoire que je connais bien : dans les Vosges du Nord, tant dans le Bas-Rhin qu’en Moselle, 3 000 étangs sont installés en embâcle, et nous avons réalisé des travaux importants de rétablissement de la continuité écologique qui sont de véritables succès !
Appuyons-nous sur ce type de réussites et non sur des postures comme celle qui a visiblement présidé à la rédaction de cet article 3 !
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Il y a les grandes théories, et il y a les réalités de terrain.
Prenons un cas concret. La petite centrale hydroélectrique de Mirandol-Bourgnounac, dans le Tarn, doit être rénovée. La commune a choisi d’investir plusieurs centaines de milliers d’euros pour avoir une énergie hydroélectrique, c’est-à-dire une énergie propre et décarbonée. Cinq kilomètres en amont, il y a un barrage EDF avec une digue d’une vingtaine de mètres de haut. Alors qu’il n’y aura jamais – nous le savons bien – de passe à poissons sur cette digue, la commune est contrainte d’investir 300 000 euros pour en faire une, sachant que les poissons ne pourront pas remonter plus de cinq kilomètres. C’est complètement stupide !
C’est pourquoi je partage totalement l’avis de Mme le rapporteur : introduire un peu de souplesse pour permettre aux préfets d’adapter les normes aux réalités du terrain relève, me semble-t-il, du bon sens ! L’idée n’est évidemment pas d’empêcher la continuité écologique ; en l’occurrence, dans le cas que j’ai évoqué, il s’agit bien plutôt d’essayer de favoriser le développement d’énergies renouvelables.
Il faut savoir ce que l’on veut ! On ne peut pas, d’un côté, afficher des objectifs ambitieux et, de l’autre, multiplier les contraintes. Pour ma part, je préférerais que la commune de Mirandol-Bourgnounac puisse investir 300 000 euros dans des logements sociaux ou dans des équipements ayant un caractère plus prioritaire qu’une passe à poissons à l’utilité toute relative !
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour explication de vote.
Mme Guylène Pantel. Je souscris totalement aux arguments de notre collègue Philippe Folliot, et je voterai contre les deux amendements de suppression de l’article 3.
L’énergie hydraulique des moulins présente plusieurs avantages environnementaux majeurs. C’est une énergie renouvelable et propre. Les moulins exploitent la force naturelle de l’eau courante sans consommer de combustible fossile ni émettre de gaz à effet de serre. L’eau actionne le mécanisme, puis poursuit son cours, intacte. L’impact environnemental est minimal.
Contrairement aux grands barrages, les moulins à eau traditionnels ne nécessitent que de petits ouvrages de dérivation préservant largement l’écosystème aquatique. Les poissons peuvent généralement franchir ces installations, et la continuité écologique est maintenue.
C’est une production décentralisée. Cette énergie locale évite les pertes liées au transport électrique sur de longues distances et réduit la dépendance au réseau centralisé, souvent alimenté par des sources moins propres. Ce sont par exemple des productions de plusieurs tonnes de farine bio qui ne libèrent aucune émission nette de carbone.
Cela préserve la biodiversité. Les biefs et canaux de dérivation qui conduisent les eaux et les retenues des moulins créent souvent des zones humides qui favorisent une faune et une flore spécifiques contribuant à la diversité biologique locale.
C’est en outre un patrimoine durable pluriséculaire. Ces installations construites pour durer des siècles représentent un modèle de sobriété énergétique et de valorisation des ressources naturelles locales parfaitement adapté aux enjeux contemporains de transition écologique. La réhabilitation des moulins à eau s’inscrit donc naturellement dans une démarche de développement durable et de respect de l’environnement. (M. Rémy Pointereau applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Avec cet article 3, il s’agit non plus de déroger à certaines normes, mais de remettre en cause le droit de l’environnement ! Dont acte. Mais, dans ce cas, faites-le dans le cadre de propositions de loi spécifiques.
Notre collègue a mentionné un village de son département.
M. Philippe Folliot. Mirandol-Bourgnounac !
M. Guillaume Gontard. Pour ma part, je souhaite bon courage aux services préfectoraux qui seront chargés de décider d’éventuelles dérogations, au cas par cas, sur des exemples comme tous ceux qui viennent d’être évoqués !
Ce n’est pas pour rien qu’il existe une réglementation et un droit de l’environnement !
À première vue, cet article 3 paraît bien sympathique : les moulins à eau, les petits barrages hydrauliques, etc. D’ailleurs, j’ai moi-même été confronté à de telles problématiques. Quel est le meilleur choix pour la continuité écologique des cours d’eau ? Faut-il une centrale hydroélectrique ? Ce sont effectivement des questions qui se posent.
Mais des questions tout aussi pertinentes se posent à propos de l’éolien ! Il arrive que le droit de l’environnement ne permette pas la construction d’installations éoliennes à un endroit donné. Pourquoi ne prévoyez-vous donc pas un article 3 bis sur l’éolien ?
Et elles se posent aussi à propos du solaire ! Si vous essayez d’installer des panneaux solaires sur certains bâtiments classés, vous risquez d’avoir des problèmes avec l’architecte des Bâtiments de France. Alors, pourquoi pas un article 3 ter sur le solaire ?
Je pourrais poursuivre cette énumération à l’envi. On voit bien ce vers quoi un texte aussi fourre-tout peut nous emmener.
Encore une fois, bon courage aux préfets qui seront chargés d’appliquer de telles dispositions !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 11.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
Le dernier alinéa de l’article L. 131-16 du code du sport est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il fixe en particulier les conditions dans lesquelles le représentant de l’État dans la région ou le département peut prévoir, par dérogation aux règles édictées par les fédérations délégataires, des délais pour la mise en conformité des installations existantes au regard notamment de l’importance des travaux nécessaires et des capacités financières des collectivités territoriales concernées. – (Adopté.)
Article 4 bis (nouveau)
I. – L’article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. – Sur la demande des collectivités territoriales ou des établissements bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le représentant de l’État dans la région ou le département peut décider, lorsque le montant d’une dépense éligible présente un caractère particulièrement élevé au regard de leur capacité financière, que cette dépense soit prise en considération pour la détermination de l’attribution du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l’année en cours. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre. Cet amendement vise à supprimer l’article 4 bis.
La commission a souhaité que les sommes dues par l’État, dans le cadre du FCTVA, au titre d’une dépense éligible particulièrement élevée au regard des capacités financières de la commune concernée, puissent être versées dans des délais inférieurs à ceux qui sont actuellement prévus.
Certes, le Gouvernement comprend cette volonté de garantir aux collectivités en difficulté la possibilité de mener à bien leurs investissements les plus sensibles. Toutefois, une telle mesure aurait des répercussions budgétaires importantes et complexifierait la détermination de l’attribution du FCTVA.
La contemporanéisation du FCTVA aurait à court terme un effet inflationniste pour l’État, puisque seraient versées en année n des sommes qui auraient dû l’être en n+1 ou en n+2. Un tel décaissement par anticipation pourrait ainsi porter sur plusieurs centaines de millions d’euros. Le FCTVA représenterait alors une charge particulièrement élevée pour l’État, mettant davantage en péril son solde budgétaire. Vous le savez, c’est un sujet important pour le Gouvernement…
En outre, ce dispositif complexifierait la gestion du FCTVA, alors que le déploiement de l’application Alice à partir de 2021 en a simplifié le fonctionnement.
Il faut le souligner, l’article 4 bis nécessitera de rétablir des états déclaratifs pour des montants significatifs. Ce sera extrêmement complexe et ira à rebours de l’objectif de simplification, que nous partageons tous.
Par ailleurs, aux yeux du Gouvernement, la notion de dépense présentant un « caractère particulièrement élevé » au regard de la « capacité financière » d’une collectivité est imprécise. Elle laisse augurer d’interprétations différentes selon les préfectures, avec un risque juridique important.
Enfin, je rappelle qu’il existe déjà un mécanisme d’acompte pour l’attribution du FCTVA, par exemple lorsque l’État soutient le financement d’un projet d’investissement d’une collectivité connaissant des difficultés de trésorerie.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement souhaite la suppression de l’article 4 bis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Une fois n’est pas coutume, nous sommes en désaccord, monsieur le ministre : votre demande est tout à fait contraire à la position de la commission.
Nous souhaitons que le FCTVA – il s’agit, je le rappelle, d’un instrument de soutien à l’investissement des collectivités territoriales – puisse, dans certains cas, être versé en année n, et non en n+2.
Je le précise, cette possibilité, qui constitue une exception et non une obligation, sera à la main du préfet : charge à lui d’accorder, ou non, son autorisation.
Il n’y a aucun surcoût pour les finances publiques : les sommes auraient été versées à un moment ou à autre, même si elles pourront l’être plus tôt que prévu par la législation actuelle.
J’ajoute enfin que la notion de « capacité financière » d’une collectivité est bien connue ; elle apparaît à plusieurs reprises dans le code général des collectivités territoriales. Il n’y a donc pas d’imprécision juridique.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis.
(L’article 4 bis est adopté.)
Après l’article 4 bis
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5211-10-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Par dérogation à la première phrase du I, le représentant de l’État peut autoriser les établissements publics qui en font la demande à ne pas créer de conseil de développement. »
La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre. Monsieur le président, avec votre permission, je présenterai en même temps les amendements nos 12 et 14.
M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 12 et 14.
L’amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 212-10 du code de l’éducation est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Le représentant de l’État peut autoriser la commune qui en fait la demande à ne pas créer la caisse des écoles sous forme d’établissement public ou, si elle existe déjà, à la fusionner avec un service dépourvu de personnalité juridique et d’autonomie financière. En ce cas, le conseil municipal détermine la nature et les modalités de fonctionnement de la caisse des écoles. »
L’amendement n° 14, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 7 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa, le représentant de l’État peut autoriser la commune qui en fait la demande à ne pas créer un conseil citoyen si elle dispose par ailleurs :
« 1° D’un comité consultatif mentionné à l’article L. 2143-2 du code général des collectivités territoriales ;
« 2° Ou d’une commission consultative des services publics locaux mentionnée à l’article L. 1413-1 du même code. »
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre. Les amendements nos 13, 12 et 14 relèvent du même principe.
L’amendement n° 13 vise à rendre facultative la création d’un conseil de développement.
L’amendement n° 12 tend à assouplir la nature et les modalités de fonctionnement de la caisse des écoles.
Enfin, l’amendement n° 14 a pour objet de rendre facultative, dans certaines circonstances, la création d’un conseil citoyen.
Ces trois mesures découlent du Roquelaure de la simplification et du rapport de M. Boris Ravignon. Il s’agit, là encore, de simplifier certains dispositifs existants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Nous sommes de nouveau sur la même longueur d’onde, monsieur le ministre ! (M. le ministre sourit.)
L’avis est favorable sur ces trois amendements, qui visent à offrir un peu de souplesse aux collectivités dans la mise en place de certains outils.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je ne comprends pas ces trois amendements. Certes, je sais bien que le Gouvernement est réticent – et pour cause ! – à l’idée de déposer des projets de loi, mais je ne vois vraiment pas ce que ces trois mesures, qui mériteraient chacune un texte spécifique, viennent faire, presque par effraction, dans ce texte, avec lequel leur lien est pour le moins limité, hormis leur ambition de simplification.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Sur la forme, moi non plus, je ne comprends pas ce que viennent faire ces trois amendements dans un texte visant à rendre les normes applicables là où des difficultés pourraient apparaître du fait de spécificités locales. Si vous voulez introduire de telles mesures de simplification, faites-le dans le de textes spécifiques !
Sur le fond, si je peux entendre ce qui est proposé dans l’amendement n° 12 – après tout, il n’y a plus de caisse des écoles dans la quasi-totalité des communes –, quand je vois que l’on veut rendre facultatifs les conseils de développement, les bras m’en tombent !
Au moment où nous souhaitons renforcer le pouvoir de dérogation des préfets, et non pas uniquement pour les collectivités, même si celles-ci sont l’objet essentiel du texte, nous avons plus que jamais besoin, me semble-t-il, d’instances de débat, de contrôle démocratique et de suivi des décisions qui pourraient être prises pour nos territoires.
Rendre facultatif la possibilité, pour la société civile organisée, d’émettre des avis ou de dialoguer à l’échelle du territoire, c’est, pour moi, envoyer un signal totalement contraire à ce que nous essayons de faire. Pour qu’une norme devienne applicable dans un territoire, il faut renforcer le dialogue et tout ce qui concourt à la réalisation de compromis.
Supprimer l’obligation, qui n’avait jamais été remise en cause jusqu’à présent, d’instituer de tels conseils, et ce via un amendement de dernière minute sur un texte dont ce n’est pas l’objet, me paraît totalement contre-productif.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. À l’instar de mes collègues, je ne comprends pas l’amendement n° 13. Alors qu’il faut organiser, nous explique-t-on, des « conventions citoyennes » – certes, on se dispense souvent de prendre en compte leurs conclusions ! –, vous voulez supprimer ce qui existe : le conseil de développement. Je ne vois d’ailleurs pas bien le rapport avec l’objet de la présente proposition de loi.
Idem s’agissant de l’amendement n° 12. Tout comme les centres communaux d’action sociale (CCAS), les caisses des écoles, vieilles d’un siècle, conservent une utilité, en l’espèce pour tout ce qui concerne les cantines. Certes, plusieurs mairies, comme celle de Pau en 2016, ont supprimé la leur. Est-ce à cela que l’amendement du Gouvernement fait référence ? Quoi qu’il en soit, je ne vois pas bien l’utilité d’introduire une telle disposition dans le texte.
Nous voterons donc contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Moi aussi, j’ai un peu de mal à comprendre le concept de « simplification » en matière de participation citoyenne ! Je ne vois pas bien en quoi le fait de supprimer les conseils de développement, qui ont d’ailleurs déjà été réduits, serait une mesure de simplification.
Mais je souhaite surtout revenir sur le débat qui a eu lieu à propos de l’article 4 bis.
Le Premier ministre a évoqué le « sérieux budgétaire ». Alors que la préparation du prochain budget s’annonce compliquée, je note que nous avons voté un certain nombre de dispositions sans savoir quelles seraient leurs implications financières.
Certes, je trouve plutôt intéressant qu’un certain nombre de collectivités puissent toucher les versements du FCTVA au bout d’un an seulement, même si la pression pour adresser une telle demande aux préfets va être très forte. Je soutiens aussi les dispositions permettant aux petites communes de recevoir des subventions pour 95 %, voire 100 % du montant d’un projet. Mais tout cela aura un coût, que nous ignorons, comme celui de toutes les mesures que nous votons ce soir.
En pleine phase de préparation budgétaire, il y a tout de même de quoi se poser des questions. Tout cela laisse une désagréable impression d’amateurisme.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 307 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 241 |
Contre | 99 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4 bis.
Je mets aux voix l’amendement n° 12.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4 bis.
Je mets aux voix l’amendement n° 14.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4 bis.
Article 5
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
3° (nouveau) L’article L. 1232-2 est ainsi modifié :
a) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Le délégué territorial de l’Agence nationale de la cohésion des territoires réunit, au moins deux fois par an, un comité local de cohésion territoriale, qui est informé des demandes d’accompagnement émanant des collectivités territoriales et de leurs groupements, des suites qui leur sont données et, le cas échéant, de la mise en œuvre des projets concernés.
« Au moins une fois par an, le délégué territorial porte à la connaissance du comité la liste des arrêtés pris en application de l’article 1er de la loi n° … du … visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d’adapter les normes aux territoires. Il présente un bilan détaillé des conditions dans lesquelles ces arrêtés ont été pris et recueille les observations du comité. Le comité peut formuler des recommandations pour améliorer l’utilisation de ce dispositif ainsi que des propositions de simplification des dispositions législatives et réglementaires.
« Un décret précise les modalités de fonctionnement et la composition du comité local de cohésion territoriale, qui comprend notamment l’ensemble des députés et sénateurs élus dans le département. »
II et III. – (Supprimés)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7, présenté par MM. Dantec, Benarroche, G. Blanc, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
1° Remplacer les mots :
délégué territorial de l’Agence nationale de la cohésion des territoires
par le mot :
préfet
2° Remplacer les mots :
local de cohésion territoriale
par les mots :
de suivi des dérogations
3° Remplacer les mots :
d’accompagnement
par les mots :
de dérogation
4° Remplacer les mots :
et de leurs groupements
par les mots :
, de leurs groupements et des autres acteurs
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
délégué territorial
par le mot :
préfet
III. – Alinéa 8
1° Remplacer les mots :
local de cohésion territoriale
par les mots :
de suivi des dérogations
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Outre les représentants des collectivités territoriales, il intègre des représentants des associations représentatives et des acteurs économiques des territoires des domaines concernés par ces dérogations.
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Mon collègue Ronan Dantec et moi-même, comme je l’ai déjà indiqué, sommes favorables aux dispositions de l’article 1er sous réserve qu’il existe un suivi précis des décisions préfectorales de dérogation.
Dans ce dessein, il était prévu, dans la rédaction initiale du texte, que soit associé à ces décisions un comité réunissant l’ensemble des élus concernés, y compris les parlementaires du département, afin de contrôler, voire d’encourager dans certaines situations, le bon exercice par les préfets de leur pouvoir de dérogation. C’est un tel comité que nous proposons de rétablir par cet amendement.
Nous proposons également, par notre amendement n° 8, de permettre aux membres de ce comité d’émettre un avis simple sur certaines décisions de dérogation.
Le préfet pourrait ainsi consulter les acteurs du territoire : les élus et les parlementaires, mais également l’ensemble des forces vives du territoire, puisqu’il pourra, aux termes de ce texte, déroger à des dispositions concernant des particuliers ou des entreprises.
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Le délégué territorial transmet au comité les demandes de dérogation émanant des collectivités territoriales, de leurs groupements et des autres acteurs. Le comité peut émettre un avis sur les dérogations demandées.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement tend à compléter l’amendement n° 7 de mes collègues Ronan Dantec et Grégory Blanc, que le groupe GEST soutient également.
Nous soutenons le principe de la dérogation pour adapter les textes aux réalités locales. Toutefois, selon nous, une telle démarche ne peut pas relever de la seule décision du préfet. Si de telles dérogations doivent être décidées, elles doivent d’abord faire l’objet d’une évaluation par les acteurs de terrain et non pas seulement par celui qui est la projection de l’État, sinon du ministre de l’intérieur, au cœur des territoires, c’est-à-dire le préfet.
Nous estimons donc que ces dérogations, qui répondent à une attente des élus locaux, doivent pouvoir leur être soumises, afin que le comité rende un avis éclairé par une connaissance fine et concrète du terrain, ce qui semble être le but que vous assignez à cette proposition de loi, mes chers collègues.
La réunion d’un comité associant étroitement les élus locaux à l’exercice du pouvoir de dérogation du préfet permettrait en outre de donner de la visibilité à cette faculté préfectorale ; je rappelle que 80 % des élus locaux ayant répondu à la consultation de la délégation aux collectivités territoriales ont déclaré ne pas en connaître la procédure.
Ce comité est également un gage de démocratie, d’égalité entre les collectivités territoriales d’un même département et de transparence, alors que le rapport d’évaluation du décret relatif au droit de dérogation publié par l’inspection générale de l’administration (IGA) souligne le caractère encore très confidentiel du dispositif, le droit de dérogation n’ayant fait l’objet d’aucune campagne de sensibilisation ou d’information des collectivités par l’État ou par les préfectures.
Afin de renforcer la participation des élus locaux à l’exercice du pouvoir préfectoral, il nous paraît donc opportun d’associer, en amont, les élus aux décisions, en portant à leur connaissance les demandes de dérogation et en leur permettant de se prononcer sur certaines d’entre elles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. L’amendement n° 7 vise à créer un comité de suivi des dérogations. C’est beau, mais cela existe déjà, mon cher collègue : nous avons déjà adopté une telle disposition. Simplement, nous ne proposons pas de créer un nouveau comité : nous préférons rappeler l’existence du comité local de cohésion territoriale. D’ailleurs, celui-ci ne demande qu’à exister un peu plus ; personnellement, je ne le connaissais même pas…
Partons donc de ce qui existe, donnons corps à ce comité, permettons-lui d’exister ! Du reste, les parlementaires y participeront et il fera remonter les demandes de dérogation. Nous visons ce faisant un objectif de simplification et d’assouplissement. On nous reproche souvent de créer trop de dispositifs ; alors, partons de l’existant.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.
Quant à l’amendement n° 25, s’il était retenu, le préfet devrait transmettre la totalité des demandes de dérogation formulées par les collectivités au comité, lequel émettrait ensuite un avis sur chaque demande.
Cependant, l’objectif d’information des élus locaux est déjà satisfait par le dispositif que nous proposons, puisque le préfet devra présenter un bilan annuel exhaustif des dérogations. (M. Guy Benarroche proteste.) Par ailleurs, un tel mécanisme ajouterait de la lourdeur et de la complexité à la procédure, alors même que l’objet du texte est de faciliter le recours au dispositif. Nous souhaitons rendre la procédure plus souple, plus efficace ; n’ajoutons donc pas de nouvelles étapes et de nouveaux freins à la mise en œuvre de ce dispositif.
L’avis de la commission sur l’amendement n° 25 est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements, dont Mme la rapporteure a bien expliqué qu’ils sont satisfaits ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. J’y insiste, l’instance actuellement prévue ne rassemble que les élus locaux, alors que nous envisageons, au travers de ce texte, d’élargir le pouvoir de dérogation aux dispositions relatives aux particuliers et aux entreprises.
Nous venons de supprimer l’obligation d’organiser des conseils de développement ; cela ne fait que renforcer le besoin d’un espace de dialogue, voire de compréhension, des décisions préfectorales, d’un espace où l’ensemble des acteurs puisse discuter. Cela me paraît indispensable. Sans doute 90 %, 95 %, peut-être même 97 % des décisions préfectorales ne poseront aucun problème, mais, si l’on veut vraiment renforcer ce pouvoir préfectoral, il faut que les quelques décisions susceptibles de poser des difficultés puissent faire l’objet d’une discussion plus importante.
Tel est le sens de l’amendement n° 7, mais également de l’amendement n° 8. Je regrette les avis défavorables sur nos amendements, d’autant qu’ils s’inscrivent dans l’esprit initial du texte.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié ter, présenté par Mmes P. Martin, Belrhiti et Jacques, MM. Belin, Brisson, Bruyen et Khalifé, Mme Romagny, MM. Perrin, Rietmann, Menonville, Sido et Gueret, Mmes Dumont et Ventalon, MM. Margueritte, Rojouan, P. Vidal et Reynaud, Mmes Joseph et Pluchet et M. Saury, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces recommandations et propositions sont transmises au Conseil national d’évaluation des normes.
La parole est à Mme Pauline Martin.
Mme Pauline Martin. Actuellement, l’évaluation des politiques publiques décentralisées se concentre principalement sur l’examen des nouvelles normes, parfois – bien trop souvent ! – au détriment de l’analyse des dispositifs réglementaires déjà en vigueur.
Le présent amendement vise donc à élargir les missions du comité local de cohésion territoriale, dont nous avons en effet rarement entendu parler,…
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Ah !
Mme Pauline Martin. … afin qu’il puisse également se saisir des normes anciennes dont l’application continue de soulever des difficultés dans les territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Merci, ma chère collègue, je me sens moins seule ! (Sourires.)
La disposition que vous proposez permettrait en effet de faire remonter au Conseil national d’évaluation des normes les simplifications que l’on peut envisager.
L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Même avis !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié ter.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Dantec, Benarroche, G. Blanc, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité peut émettre un avis, par vote à la majorité simple, sur certaines dérogations. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Cet amendement a pour objet d’octroyer au comité le pouvoir d’émettre, par un vote, des avis sur les dérogations.
Cela me semble de nature à alourdir la procédure et à freiner l’exercice par le préfet de son pouvoir de dérogation. Je le répète, le préfet présentera annuellement les dérogations au comité que nous avons souhaité raviver. Cet amendement me semble donc largement satisfait.
Je suppose que vous n’accepterez pas de le retirer, mon cher collègue ; aussi la commission émet-elle dès à présent un avis défavorable…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. À défaut de retrait, il sera également défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
Sans préjudice de l’article 121-3 du code pénal, la responsabilité pénale du représentant de l’État dans la région ou le département ne peut être engagée, à raison de l’exercice du pouvoir de dérogation prévu par la présente loi, que s’il est établi, soit qu’il a violé de façon manifestement délibérée les conditions de cet exercice, soit qu’il a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer – (Adopté.)
Après l’article 6
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mme Bellurot, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 1er et 6 de la présente loi sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 6.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. Dans mon intervention en discussion générale, j’avais indiqué que le groupe SER soutenait résolument ce texte, qui nous semblait aller dans le bon sens, parce que le principe de cette dérogation nous est souvent demandé ; ceux d’entre nous qui ont été élus locaux le savent bien. Toutefois, j’avais également souligné deux ou trois aspects du texte qui me gênaient.
En premier lieu, on nous avait indiqué, voilà quelques semaines, que l’article 3 de la proposition de loi pourrait être réécrit, mais cela n’a, hélas ! pas été le cas ; nous aurions, en cas d’évolution du texte, voté l’article, car nous connaissons bien le problème des roues à eau, équipements indispensables et sympathiques de nos territoires.
En second lieu, trois articles additionnels issus d’amendements gouvernementaux ont été insérés dans le texte, pour permettre de supprimer les conseils de développement et les conseils citoyens, ou encore les caisses des écoles. Ces sujets n’avaient pas leur place dans ce texte ; il y va selon moi de la simplification de la loi.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les débats de ce soir et je souhaite exprimer ma très forte inquiétude concernant ce texte.
Mon inquiétude concerne d’abord les municipalités confrontées à un préfet voulant leur imposer des projets qui ne correspondent absolument pas à leur vision ni à leurs projets ; cela peut d’ailleurs concerner des collectivités de tous bords politiques. Parfois, l’État – certains ministères ou certains préfets – promeut des projets qui ne sont absolument pas défendus par les municipalités.
Mon inquiétude concerne ensuite nos concitoyens et les forces associatives qui sont, encore une fois, mis de côté, puisque l’existence des conseils citoyens et des conseils de développement auxquels ils sont appelés à participer sera désormais facultative.
J’ai enfin une très forte inquiétude pour ce qui concerne le respect du droit environnemental. Une fois de plus, nous permettons, dans cet hémicycle, que l’on passe outre au droit, national ou européen, que l’on présente comme imposant des contraintes supplémentaires aux collectivités. Je ne pense pas du tout que cette proposition de loi conduise in fine à simplifier les choses. Lorsque l’on donne un pouvoir dérogatoire au préfet, qui pourra décider seul s’il permet à une municipalité de déroger à la règle, on crée de l’injustice et de la défiance sans régler du tout le déficit de confiance à l’égard de nos décisions.
Je tenais à exprimer cette forte inquiétude.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Je tiens avant tout à saluer le travail de Rémy Pointereau et de Guylène Pantel, ainsi que toutes les personnes qui ont concouru à promouvoir le développement du pouvoir de dérogation des préfets afin de rendre les textes législatifs applicables sur le terrain en cas de blocage.
J’avais des désaccords et des réserves – je les ai exprimés auprès de la délégation aux collectivités territoriales – sur l’article 3, mais ils ne me paraissaient pas de nature à justifier un vote contre ou même une abstention sur l’ensemble du texte.
En revanche, je regrette profondément les amendements, dits « de simplification » du Gouvernement, qui n’ont pas leur place dans ce texte. Je le regrette d’autant plus que leur adoption va me conduire, alors que je suis cosignataire de ce texte, à m’abstenir lors du vote sur l’ensemble.
Nous aurions été bien inspirés, mes chers collègues, de favoriser une adoption de la proposition de loi à la quasi-unanimité. Cela aurait renforcé le signal envoyé par le Sénat pour que les normes, y compris environnementales, soient applicables sur tout le territoire. Mais les trois articles additionnels issus des amendements gouvernementaux ont déséquilibré, voire désorienté, la philosophie générale de ce que nous avions patiemment construit.
Je m’abstiendrai donc sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Je remercie Mme la présidente de la commission des lois et Mme la rapporteure de leur travail sur ce texte, ainsi que les services du Sénat.
Sans préjuger du résultat de ce vote, je tiens également à remercier ceux qui se prononceront pour la proposition de loi. C’est un pas de plus vers la simplification ; ainsi, colline après colline, petit à petit, nous avançons. C’est d’ailleurs aussi un premier pas vers la différenciation ; on voit bien que nos territoires sont différents les uns des autres, voire sont tous des cas particuliers.
Avec ce texte, le préfet va devenir le « dernier kilomètre » de la simplification ; c’est positif pour nos élus, qui attendent cela avec impatience. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour explication de vote.
Mme Guylène Pantel. Je partage les propos de Rémy Pointereau.
Je remercie évidemment Nadine Bellurot et la présidente de la commission des lois, ainsi que le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, M. Delcros, et tous ceux qui ont collaboré à l’élaboration de ce texte.
Ce texte représente un pas de plus pour aider nos collectivités, qui attendent ces dispositions. Notre vote, s’il est favorable, les soutiendra dans la construction de leur avenir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je vais mettre aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d’adapter les normes aux territoires.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 308 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 273 |
Pour l’adoption | 241 |
Contre | 32 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Je tenais à remercier tous nos collègues des échanges que nous avons eus ce soir, quels que soient nos désaccords, ainsi que les services du Sénat.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 11 juin 2025 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir et la nuit :
Proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 683, 2024-2025) ;
Proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), présentée par Mme Anne Chain-Larché, M. Pierre Cuypers et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 664, 2024-2025) ;
Proposition de loi visant à garantir une solution d’assurance à l’ensemble des collectivités territoriales, présentée par M. Jean-François Husson et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 696, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 11 juin 2025, à une heure cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER