Mme Mathilde Ollivier. Mais non !
Mme Annick Billon. C’est aussi une rupture nette avec la stratégie définie dans la loi Climat et Résilience, qui s’appuie sur la concertation et la différenciation territoriale.
M. Michel Canévet. Absolument !
Mme Annick Billon. On ne peut pas imposer la même protection pour la Méditerranée, l’océan Atlantique ou nos territoires ultramarins. Les réalités géographiques et humaines imposent de la finesse. La mer n’est pas un quadrillage administratif ; c’est un vivant mouvant et complexe.
Quant à l’article 2, qui programme la fin du chalutage de fond, il se heurte au même écueil : absence d’analyse d’impact et de concertation. On propose d’interdire les navires de 25 mères et plus dans la bande des douze milles : cela revient à lancer une course aux bateaux de 24,9 mètres ! (Mme Mathilde Ollivier proteste.)
Soyons clairs, certaines espèces ne peuvent pas être pêchées autrement qu’au chalut. Si nous voulons continuer à trouver de la langoustine et des coquilles Saint-Jacques dans nos assiettes, nous devons préserver ces techniques, tout en les améliorant.
La France importe déjà 80 % de sa consommation de poissons.
M. Michel Canévet. Eh oui !
Mme Mathilde Ollivier. Ce sera encore pire !
Mme Annick Billon. Bannir le chalutage reviendrait à déplacer définitivement le problème sur un autre rivage.
Nous avons besoin d’une vraie réflexion sur les mégachalutiers industriels, ces usines flottantes qui ratissent large et vident les mers. Ils sont bien loin des pratiques de nos pêcheurs.
La mer est un bien commun. Nous devons garantir l’équilibre entre protection et production, entre nature et culture. Or, sur nos côtes, cette culture, c’est aussi celle de la pêche.
Alors oui, mes chers collègues, le groupe Union Centriste partage l’objectif affiché par ce texte, protéger les fonds marins, mais nous ne soutenons absolument pas les moyens proposés.
Il a été beaucoup question de l’Unoc jusqu’ici, mais, selon le dernier rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la durabilité des stocks mondiaux de poissons est en forte hausse, quelles que soient les espèces. C’est une information majeure à porter à notre débat. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mathilde Ollivier. Tout va bien, alors !
Mme Annick Billon. Pour toutes ces raisons, le groupe UC votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Michel Canévet. Quel réalisme !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, décidément, après ma question au Gouvernement d’hier, je ne quitte plus les bateaux… (Sourires.)
Alors que notre pays accueille la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi qui veut marquer un tournant décisif dans la protection de nos écosystèmes marins, avec pour objectif de placer sous le statut d’aire marine protégée d’ici à 2030 au moins 30 % de nos espaces maritimes, dont 10 % seraient placés sous protection stricte.
Ce texte pose ainsi les bases d’une ambition environnementale sans précédent. L’objectif est clair, l’ambition louable. Toutefois, aussi noble soit-elle, cette ambition ne saurait se réaliser sans une vision claire, un soutien concret et une prise en compte des impacts sur les milliers de familles qui vivent de la mer.
Protéger strictement une partie de nos espaces marins implique l’interdiction d’activités humaines susceptibles de nuire à la biodiversité. Certes, c’est une nécessité écologique, mais avons-nous mesuré l’impact socio-économique de ces interdictions ?
Les pêcheurs artisanaux, déjà en difficulté, et les professionnels du chalutage de fond voient leurs moyens de subsistance menacés de façon directe et imminente. Les pêcheurs, ces gardiens historiques de nos côtes, s’inquiètent avec raison. L’extension des aires marines protégées, avec les interdictions qu’elles comportent, risque de restreindre drastiquement leur accès à des zones de pêche traditionnelles.
Ces contraintes ne représentent pas seulement des défis logistiques. Elles menacent la capacité des pêcheurs à nourrir leurs familles, à faire vivre des communautés entières.
De plus, en repoussant les flottes industrielles hors des zones protégées, cette mesure pourrait exacerber la concurrence sur les espaces restants. Les ressources marines, déjà sous pression, seraient alors plus fragilisées ; les pêcheurs artisanaux, qui pêchent de manière durable, en paieraient le prix fort.
Paradoxalement, les auteurs de cette proposition de loi avancent l’idée que la mise en place d’aires marines protégées est une façon immédiate de sauvegarder ce qu’il reste de la pêche artisanale en France, à savoir celle qui est effectuée par des navires de moins de 12 mètres utilisant des arts dormants, soit 71 % de notre flotte. C’est une vision séduisante sur le papier, mais est-ce la seule solution, et quel coût social et économique aura-t-elle ?
Protéger les océans nécessite une planification rigoureuse. Or nous manquons cruellement d’une étude d’impact socio-économique et d’une cartographie précise des aires protégées envisagées. Où sont donc les écosystèmes critiques à sauvegarder ? Où les pêcheurs gagnent-ils leur vie ? Sans ces données, cette proposition de loi avance à l’aveugle, risquant de briser des équilibres fragiles.
Comment pouvons-nous cibler avec justesse les zones critiques à protéger, tout en minimisant l’impact de ces mesures sur nos communautés de pêcheurs ? Nous avons besoin de savoir non seulement où se situent les récifs coralliens, les herbiers de posidonies, les nurseries, mais aussi où nos pêcheurs gagnent leur vie.
Les collectivités littorales, moteurs du tourisme côtier, expriment également des craintes légitimes. L’effet domino sur l’économie locale – pêche, tourisme, emploi – pourrait être dévastateur si cette transition n’était pas accompagnée avec soin.
Certes, la proposition de loi promet une stratégie nationale pour réduire la dépendance au chalutage de fond et accompagner les pêcheurs dans une transition durable.
Cependant, cette promesse est un peu creuse, car aucun budget n’y est alloué. Parler de reconversion ou d’aides sans chiffrage concret, je suis désolé de le dire ainsi, mais c’est trahir les espoirs de ceux qui vivent de la mer.
Enfin, protéger 30 % de nos espaces marins exigera un renforcement massif des moyens de surveillance. Satellites, patrouilles maritimes et ressources humaines seront indispensables. Or je vous rappelle, mes chers collègues, que l’OFB manque déjà cruellement d’agents – ceux-là mêmes que certains d’entre vous ont qualifiés de shérifs.
Comment espérer atteindre ces objectifs si les outils pour les appliquer sont défaillants ? Si l’avenir des océans est un enjeu vital, il est impératif que cette ambition s’accompagne d’un soutien réel et tangible pour les pêcheurs, les collectivités et les acteurs locaux. Sans un accompagnement clair, un budget défini et des données précises, cette proposition de loi ne sera qu’un mirage.
C’est pour toutes ces raisons qu’en l’état une majorité des membres du groupe CRCE-K s’abstiendra. La préservation de nos océans ne peut se faire sans justice sociale et économique.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « l’océan vivant » s’affiche, dans toute sa beauté, sur les grilles du jardin du Luxembourg, mais que fait-on pour préserver cette beauté ?
L’océan est le bien commun de l’humanité : il produit notre oxygène, régule le climat et abrite une biodiversité exceptionnelle. C’est un allié majeur dans la lutte contre le changement climatique, car il capte 25 % à 30 % du CO2 chaque année.
Cependant, cet océan est en souffrance. Sa capacité à réguler le climat mondial et à nourrir l’humanité est mise en péril par les activités humaines. Chaque cours d’eau, du plus petit ruisseau au plus grand fleuve, charrie jusqu’à la mer les pollutions émanant de nos activités sur terre. Nos destructions ne s’arrêtent pas là : la pêche industrielle est l’activité ayant eu l’impact le plus important sur la biodiversité et les habitats marins au cours des cinquante dernières années.
Les chiffres de l’érosion de la biodiversité marine ont été rappelés ; ils sont édifiants, mais il est encore possible de freiner cette course vers l’abîme.
Les études scientifiques le démontrent, une aire marine protégée n’est efficace que si elle est exempte de toute pêche industrielle. À ce jour, 33 % des eaux françaises sont couvertes par au moins une de ces AMP, mais la plupart d’entre elles autorisent toutes les pratiques de pêche, des plus respectueuses aux plus destructrices.
Il faut changer de cap !
Les aires marines en protection stricte sont les plus à même de fournir des bénéfices écologiques, avec la préservation de la biodiversité marine, des poissons plus gros et plus abondants, ainsi que des bénéfices économiques et sociaux, avec le maintien des revenus pour les pêcheurs, de l’emploi et le développement d’activités économiques locales.
Alors que la France accueille, à Nice, la conférence des Nations unies sur l’océan qui, nous l’espérons, se conclura par des mesures concrètes et ambitieuses, le monde nous regarde.
Plusieurs de nos voisins européens, comme la Grèce, le Royaume-Uni ou la Suède, agissent déjà pour relever l’exigence de protection dans leurs aires marines protégées. Le secrétaire d’État à l’environnement britannique, Steve Reed, a déclaré lundi son intention d’étendre l’interdiction du chalutage de fond à plus de la moitié des AMP de son pays, qui constituent 40 % de son espace maritime.
En comparaison, la France est encore bien à la peine. Les scientifiques comme les experts d’ONG demeurent plus que sceptiques sur les annonces du Président de la République.
C’est donc à nous, parlementaires, qu’il revient d’emboîter le pas de ces initiatives européennes, de rectifier notre trajectoire, de permettre à la France de s’aligner, enfin, sur les standards internationaux, et de reprendre un certain leadership en matière de protection de l’océan.
Cette proposition de loi est ancrée dans la réalité. Elle comporte deux mesures calibrées, réclamées par la science, qui sont le fruit d’un dialogue constructif avec l’ensemble des parties prenantes.
Premièrement, elle fixe un objectif de couverture de 10 % de chaque façade maritime par une protection stricte, pour que nous soyons enfin alignés avec les préconisations de l’Union internationale pour la conservation de la nature.
Deuxièmement, elle interdit les mégachalutiers de 25 mètres et plus dans la bande côtière, ce qui apparaît comme une évidence, tant les conséquences de leur activité sur les écosystèmes marins et nos ressources halieutiques sont catastrophiques.
Ces mesures apparaissent comme une première étape si la France veut maintenir une flotte de pêche durable et florissante qui crée des emplois et soutient les communautés locales. Elles sont essentielles si nous voulons contribuer à la lutte contre le changement climatique, favoriser la consommation locale et la sécurité alimentaire.
Mes chers collègues de la droite et du centre, l’opinion publique vous regarde. Vous avez là une occasion unique de combler le fossé entre la rhétorique et l’action, en permettant à la France de retrouver sa crédibilité internationale en matière de politique maritime.
Vous êtes face à vos responsabilités : le temps est venu de mettre à distance les lobbies industriels et de faire alliance avec les citoyens, avec la science, avec les pêcheurs artisans et avec l’océan.
Saisissez cette occasion et votez en faveur de ce texte, qui est une réponse adaptée, sur le plan tant écologique que socio-économique. Il y va de l’avenir des artisans pêcheurs, qui constituent l’immense majorité des acteurs de la filière.
L’océan vivant, ce n’est pas que de l’affichage sur les grilles du jardin du Luxembourg ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber.
M. Michaël Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’écologie est, pour reprendre les mots de Claude Lévi-Strauss, « un humanisme sagement conçu qui ne commence pas par soi-même, mais fait à l’Homme une place raisonnable dans la nature, au lieu qu’il s’en institue le maître et la saccage, sans même avoir égard aux besoins et aux intérêts les plus évidents de ceux qui viendront après lui ».
La restauration de la nature est le fruit d’un travail au long cours qui a lieu sur le terrain, à bas bruit, et qui dépend du dévouement de personnes engagées. Quelques heures suffisent en revanche pour que disparaissent des écosystèmes entiers, pour que soit rasée une forêt d’arbres centenaires, ou pour qu’un habitat naturel marin riche en biodiversité soit transformé en un désert aquatique.
Plusieurs évidences s’imposent à nous en ce qui concerne les océans.
La première est que les techniques de pêche industrielle ont eu raison d’une ressource marine surabondante que l’on croyait, à tort, inépuisable. L’anéantissement, en seulement quelques décennies, des populations de harengs ou de morues en est une parfaite illustration.
La deuxième évidence est qu’une aire marine dite protégée qui autorise les pratiques de pêche les plus destructrices est un non-sens. De quelle protection parle-t-on lorsque sont autorisés à opérer, au sein de ces aires, des navires-usines aspirant littéralement des milliers de tonnes de poissons ?
La troisième et dernière évidence est porteuse d’espoir : il s’agit de l’incroyable résilience de la nature et de la capacité de regain dont elle est capable. Accorder une protection adéquate à une aire marine permet le retour de l’abondance.
Toutefois, nous partons de loin. La quasi-totalité des habitats marins et côtiers de la métropole est en mauvais état. La destruction des écosystèmes et la surpêche représentent une menace pour les ressources halieutiques, qui s’effondrent faute de temps pour se reconstituer.
La pêche au chalut de fond, outre le fait qu’il s’agit d’une pratique de pêche intensive et non sélective, racle les fonds marins et détruit la végétation, emportant avec elle les habitats et lieux de reproduction des poissons. La France, territoire aux multiples façades maritimes et deuxième plus grand espace maritime du monde, a une responsabilité toute particulière.
L’aire marine protégée peut être un outil efficace pour préserver la ressource et garantir la subsistance de la pêche. Elle ne le sera toutefois qu’avec une bonne gouvernance et un niveau de protection élevé.
Nous rejoignons pleinement le constat fait par l’auteure du texte que nous examinons aujourd’hui, Mathilde Ollivier. Les critères internationaux sont clairs : une aire marine ne peut être considérée comme protégée que si elle interdit toute activité et infrastructure industrielle. Or, en France, les activités industrielles ne sont proscrites de manière systématique dans aucune des AMP. Au total, ce sont dix-huit statuts de protection qui coexistent en France et, dans la grande majorité des cas, la pêche industrielle y opère sans aucune forme de restrictions. Ce déficit de protection est particulièrement flagrant dans la métropole, où seulement une part infime des espaces marins est protégée.
Les réserves marines strictement protégées ont pourtant fait leurs preuves : le nombre d’espèces observées, comme leur taille ou leur densité, y augmente considérablement. L’effet de débordement de ces zones sanctuarisées bénéficie de surcroît directement aux zones de pêche alentour. Ces ressources plus abondantes garantissent, en fin de chaîne, un meilleur revenu pour les pêcheurs locaux.
Le texte proposé par notre collègue Mathilde Ollivier apporte une réponse équilibrée pour revenir de l’indigence à l’abondance des ressources marines. Fruit d’un travail de compromis avec les acteurs de la filière et les associations, il adapte le droit français aux normes internationales en déclinant des objectifs de protection pour chaque façade maritime, en fonction de leur spécificité. Ce faisant, il institue une véritable protection des aires marines, mieux ciblée, en faveur d’une pêche plus durable.
Le groupe SER apportera donc son soutien à ce texte de compromis. Au moment où nous parlons, une coopération internationale s’organise à Nice pour préserver les océans, cette ressource inestimable. Le monde nous regarde et ce sujet doit faire consensus dans cet hémicycle. Nous devons mener ce combat ensemble pour nos pêcheurs, pour les écosystèmes et pour le bien-être des générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que se tient à Nice la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, à laquelle le Président de la République a convié une centaine de délégations internationales, comprenant des chefs d’État et de gouvernement, le groupe écologiste nous offre une tribune pour échanger, à notre tour, sur la nécessité absolue de protéger nos mers et nos océans.
Cette proposition de loi s’inscrit parfaitement dans le thème général de cette conférence : « accélérer l’action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan ».
Alors que les déclarations se multiplient – le Président de la République annonce que « nous avons le devoir de nous mobiliser », le Royaume-Uni déclare vouloir mettre en place un plan pour étendre à plus de la moitié de ses aires marines protégées l’interdiction du chalutage de fond –, un consensus émerge : la protection des océans, décisive pour notre avenir, représente un enjeu aussi bien environnemental qu’alimentaire et géopolitique.
En France, nous consommons en moyenne 33 kilos de poissons et de crustacés par an et par personne. Pourtant, nous importons 80 % de notre consommation.
Nos aires maritimes, notre littoral et nos ressources halieutiques doivent être protégés. C’est pourquoi nous soutenons la disposition visant à interdire les mégachalutiers à moins de douze milles nautiques de la laisse de basse mer des côtes.
Ces engins ont des conséquences délétères pour nos écosystèmes, la biodiversité et la régulation du climat, mais également pour nos pêcheurs, car ils mettent en péril la ressource. Leurs effets néfastes sont ainsi tout à la fois environnementaux et économiques.
Comment un ligneur côtier pêchant entre 30 et 200 kilos par nuit peut-il résister à un mégachalut pouvant capturer jusqu’à 400 000 kilos de poissons toutes les vingt-quatre heures ?
Nous devons trouver un équilibre pour permettre à la pêche artisanale et à la pêche au chalut de coexister. Les aires marines sont une ressource économique. Nous ne pouvons d’emblée interdire toute activité dans certaines zones. Cette discussion doit se faire à l’échelon local, avec les territoires ; la spécificité de chacun doit notamment être prise en considération.
C’est pourquoi nous émettons quelques réserves sur l’article 1er de cette proposition de loi, qui entend remplacer, pour les aires marines protégées, la notion de protection forte par celle de protection stricte. Chaque territoire a ses particularités – pression commerciale, concurrence, trafic, fonds et écosystèmes divers. Nous devons permettre une différenciation territoriale, car cela fonctionne.
Le cas de la coquille Saint-Jacques en Normandie en est un exemple réussi. C’est par la volonté des pêcheurs, avec la mise en place de quotas, d’horaires et d’une pêche sélective, qu’il y a aujourd’hui huit fois plus de coquilles au fond de la baie de Seine qu’il y a vingt ans.
Des modèles se mettent en place et nous devons nous en inspirer. Plutôt que d’imposer des restrictions beaucoup plus strictes, encourageons les initiatives locales concertées, en impliquant les acteurs économiques.
Les pêcheurs ont naturellement besoin de protéger la ressource dont ils vivent. Ces initiatives locales permettent la préservation de nos aires marines et des ressources.
C’est pourquoi, malheureusement, au regard de l’importance que revêt ce sujet, la mouture actuelle de l’article 1er n’est pas pleinement satisfaisante. Nous resterons donc attentifs au débat qui s’ouvre.
Les océans relient les hommes et les continents, stockent le carbone et nous offrent des réserves nourricières. La protection de nos écosystèmes marins est indispensable. Elle ne pourra se faire qu’avec les acteurs économiques de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, en remplacement de M. Alain Cadec. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Evren, en remplacement de M. Alain Cadec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence d’Alain Cadec ; je lirai l’intervention qu’il a préparée.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à élargir et à renforcer la protection des écosystèmes marins français, en augmentant la surface des zones protégées.
Nous sommes unanimes à considérer que la préservation des océans constitue un enjeu central dans la protection de la biodiversité et de notre planète. En effet, la pêche illégale représente environ un poisson sur cinq pêchés dans le monde et plus de 5 000 milliards de morceaux de plastique, pesant environ 250 000 tonnes, flottent dans l’océan.
Face à ces chiffres, nous ne pouvons rester inactifs. Toutefois, je tiens à souligner qu’en France 32,5 % de l’espace maritime est couvert par des aires marines protégées, ce qui place le pays au-dessus de la moyenne mondiale.
Le texte qui nous est soumis soulève plusieurs difficultés majeures, tant du point de vue économique que pour ce qui concerne l’efficacité réelle de ses mesures. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a été rejeté en commission.
Il est proposé de placer au moins 30 % de nos espaces maritimes sous protection et au moins 10 % sous protection dite stricte, interdisant ainsi toute activité extractive, y compris la pêche artisanale dans certaines zones.
Une telle mesure risque d’avoir des conséquences dramatiques pour l’économie de nos littoraux et pour la pêche française, déjà fragilisée par la concurrence internationale et les récentes crises. La création de vastes zones interdites à la pêche, même avec la mise en place de zones tampons réservées à la pêche artisanale, pourrait entraîner la disparition de nombreux emplois et menacer la pérennité de communautés littorales entières.
Le texte fixe des objectifs ambitieux, mais leur atteinte d’ici à 2030 semble irréaliste au vu de l’état actuel de la concertation avec les acteurs concernés. Les pêcheurs, les collectivités locales et les entreprises du secteur maritime dénoncent d’ailleurs un manque d’écoute et de prise en compte de leurs réalités quotidiennes. Une telle transformation du modèle économique littoral ne peut se faire sans un dialogue approfondi et des garanties concrètes pour l’accompagnement des professionnels concernés.
De plus, la proposition de loi s’appuie sur le modèle des aires marines protégées comme outil principal de sauvegarde de la biodiversité. Pourtant, l’expérience montre que la simple multiplication de zones protégées n’est pas toujours synonyme d’efficacité, surtout lorsque la gestion, le contrôle et les moyens font défaut.
Comme je l’ai déjà souligné, plus de 30 % des eaux françaises sont déjà classées en AMP, mais seulement une infime partie bénéficie d’une protection réelle et efficace. Plutôt que d’ajouter de nouvelles contraintes, il serait plus pertinent d’améliorer la gestion et l’efficacité des dispositifs existants.
Enfin, ce texte risque de fragiliser davantage la compétitivité de la pêche française face à des flottes étrangères moins contraintes, ce qui pourrait se traduire par une délocalisation de l’effort de pêche vers des eaux moins réglementées, sans bénéfice réel pour la biodiversité mondiale. La protection de l’océan doit se faire à l’échelle internationale, dans le cadre d’accords concertés, pour éviter tout effet pervers.
Le sommet qui se déroule actuellement à Nice témoigne de la volonté des États de se retrouver autour d’objectifs ambitieux : protéger 30 % de l’océan d’ici à 2030, notamment via l’extension des AMP ; mettre un terme à la pollution plastique, en poursuivant les négociations sur un traité international spécifique ; promouvoir une pêche durable et lutter contre la pêche illégale ; décarboner le transport maritime pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 ; renforcer la coopération internationale, notamment face à la montée des eaux ; mobiliser de nouveaux financements pour une économie bleue durable ; faire entrer en vigueur le traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine ; enfin, défendre la science et soutenir la recherche pour mieux comprendre et protéger l’océan.
Cet événement doit créer une dynamique favorable et des solutions concrètes doivent pouvoir être proposées pour répondre à ces nombreux enjeux.
Pour conclure, il est important d’insister sur l’impératif que constitue la protection des écosystèmes marins, mais celle-ci ne saurait se faire au détriment de nos pêcheurs, de nos territoires et de notre souveraineté alimentaire.
Cette proposition de loi, dans sa forme actuelle, manque d’équilibre et de pragmatisme. Afin de privilégier une approche plus concertée, progressive et adaptée aux réalités du terrain, le groupe Les Républicains votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille.
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe RDPI partagent évidemment l’objectif qui est défendu ici : la nécessaire préservation de nos océans.
Les écosystèmes marins régulent le climat. Ils absorbent une part importante des émissions de CO2, fournissent des ressources alimentaires essentielles et soutiennent l’économie de nombreuses régions littorales. La France, qui, avec ses territoires d’outre-mer, est le deuxième domaine maritime mondial, porte une responsabilité particulière dans l’attention à accorder à ces espaces aujourd’hui dégradés et pollués.
Il est donc tout à fait légitime de nous interroger sur l’efficacité des politiques actuelles de protection marine et d’envisager leur renforcement. Face à la dégradation des milieux marins, plusieurs cadres réglementaires ont été mis en place ces dernières décennies, à différents niveaux, pour mieux protéger ces espaces.
Nombre d’entre nous se sont rendus cette semaine à Nice pour le sommet sur l’océan. Dans ce cadre, des ambitions fortes ont été rappelées pour enrayer les déperditions de ces puits de carbone en ébullition. Le Président de la République a notamment rappelé qu’en la matière il s’agissait non pas d’opinions, mais de faits scientifiquement établis. À cet effet, la réponse la plus efficace est celle qui sera adoptée à l’échelle internationale et le message politique doit être le suivant : nous parlons non d’un bien de consommation, mais de notre patrimoine naturel universel.
C’est pourquoi le Président de la République l’a annoncé : le traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine, qui a déjà fait l’objet de soixante ratifications, s’appliquera ; le chalutage de fond sera limité dans les aires marines protégées pour préserver les fonds marins.
Il y a urgence, mais la France n’a pas attendu pour agir. Ce que nous avons fait ici même lors de l’élaboration de la loi Climat et Résilience, en atteste.
Madame Mathilde Ollivier, votre proposition de loi est organisée autour de deux articles.
L’article 1er entend redéfinir la notion de protection forte, en la remplaçant par une protection stricte des aires marines protégées, avec la mise en place d’une zone tampon où seraient interdits le chalutage, les activités industrielles et la pêche récréative.
Il est également fixé plusieurs objectifs à atteindre d’ici au 1er janvier 2030. Au moins 30 % de l’ensemble du territoire maritime national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française devront être couverts par un réseau cohérent d’aires protégées dans l’Hexagone et en outre-mer, sur terre et en mer. Au moins 10 % d’entre elles devront être placées sous protection stricte. En mer, les aires placées sous protection stricte devront atteindre un niveau d’au moins 10 % de chaque façade maritime et de chaque bassin maritime ultramarin.
C’est pourquoi l’État devra élaborer, sur la base des données scientifiques disponibles et en concertation avec des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, une stratégie nationale pour ce faire.
L’article 2, quant à lui, prévoit que l’État définisse et mette en œuvre une stratégie nationale de transition des flottilles de pêche au chalut de fond, qui serait révisée tous les trois ans.
Les mégachalutiers de 25 mètres et plus seraient interdits à moins de douze milles marins des lignes de base.
Pour rappel, la France, par ses efforts récents, revendique aujourd’hui d’avoir protégé environ 30 % de sa zone économique exclusive, ce qui est en ligne avec l’objectif international 30x30 adopté dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique et soutenu par l’Union européenne.
Si cette proposition de loi exprime un objectif louable, il convient d’y apporter quelques nuances.
L’interdiction du chalutage de fond dans toutes les aires marines protégées pourrait avoir un impact économique majeur, notamment pour les flottilles artisanales dans certaines zones.
Alors que notre filière de pêche a connu de nombreuses difficultés ces dernières années, notamment à cause du Brexit, ce texte pourrait encore venir fragiliser cette filière importante pour notre économie.
C’est en concertation que nous parviendrons à des résultats positifs.
En outre, la sanctuarisation de 10 % des espaces marins sans aucune activité humaine va au-delà des engagements européens ou internationaux, qui laissent pourtant une place à des usages durables, compatibles avec les objectifs de conservation.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera majoritairement contre cette proposition de loi. En ce qui me concerne, je considère que les spécificités de mon territoire exigent une réflexion plus fine.