M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parce que notre pays compte plus de 4 millions de mal-logés, 350 000 personnes dépourvues de logement, ou encore 2,8 millions de demandeurs de logement social laissés sans réponse, la crise du logement mérite d'être mise à l'ordre du jour.

Il existe également en France entre 4 et 5 millions de passoires thermiques, qui empêchent de se sentir bien chez soi, même quand on a un toit sur la tête.

Les raisons de la crise sont multiples et concernent environ 12 millions de personnes au total.

Du côté du logement social, les crédits des aides à la pierre sont passés de 1 milliard d'euros à zéro euro en dix ans… Le dispositif de la réduction de loyer de solidarité (RLS) a contribué à ponctionner les budgets des bailleurs, compromettant ainsi leurs capacités de construction, d'acquisition ou de rénovation.

Nous ne construisons pas assez de logements sociaux, c'est vrai, mais le droit de l'urbanisme est loin d'en être la cause. Au contraire, nous gagnerions à mieux faire respecter la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

Résultat, on dénombre 100 000 demandes de logements sociaux de plus chaque année, ce qui serait déjà insoutenable si le nombre d'attributions de logements restait stable. Or ce dernier a également diminué de 100 000, renforçant encore l'attente et créant une pénurie impossible à gérer, même pour les maires de bonne volonté.

Nous pâtissons aussi du mirage d'une France de propriétaires, qui se dissipe et laisse apparaître une France de mal-logés.

La baisse des taux d'intérêt, qui a prévalu un temps, a été l'occasion pour certains de spéculer en augmentant les prix de l'immobilier. Le coût du foncier augmente même plus rapidement encore, accentuant ainsi une hausse des prix qui sert à maximiser la rentabilité. Or personne en face n'a les moyens d'acheter, la perte de pouvoir d'achat ayant réduit les capacités d'emprunt des potentiels acquéreurs.

Nous gagnerions donc à nous emparer de l'enjeu du crédit foncier et à mettre en œuvre un encadrement qui rende réalisables les opérations de construction de logements abordables. C'est d'ailleurs l'objet d'une proposition de loi déposée par les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Le patrimoine des multipropriétaires, lui, concentre des biens de plus en plus chers, ce qui rend l'accession à la propriété de plus en plus difficile pour celles et ceux qui ne disposent pas d'un capital suffisant.

Pour les Françaises et les Français qui parviennent à devenir propriétaires, par exemple par la copropriété, le coût des travaux d'entretien du bien est souvent très élevé, voire trop élevé. Là encore, le droit de l'urbanisme est loin d'être la principale cause de l'absence de travaux de rénovation : il faut ainsi savoir que 1,3 million de propriétaires occupants vivent sous le seuil de pauvreté.

En somme, les raisons de la crise sont simples : le logement est considéré comme un investissement, comme un produit qui doit être rentable, alors que c'est avant tout un bien de première nécessité.

Une chose est certaine : nous avons du retard dans le traitement de cette crise ; et ce n'est pas en gagnant six mois sur les procédures d'urbanisme que nous rattraperons ce retard.

Il y a effectivement urgence à construire et à rénover, mais on ne réglera cette urgence qu'en donnant des moyens aux bailleurs sociaux – c'est certain –, ainsi qu'aux administrations publiques locales, pour que les projets puissent voir le jour, d'une part, et être menés à leur terme dans des délais raisonnables, d'autre part.

La demande de logement existe bel et bien. Mais l'offre censée y répondre n'est pas adaptée, parce qu'elle vise avant tout le profit, au détriment du droit au logement qu'elle est pourtant censée garantir.

Ce texte ressemble à une loi d'urgence, comme il nous a été donné d'en voter une récemment pour Mayotte. Pourtant, les seules mesures qui auraient pu justifier une accélération des procédures en matière de logement, comme celles qui résultaient des amendements déposés par mes collègues du groupe GDR à l'Assemblée nationale et qui visaient à accélérer la construction de projets d'intérêt général en Guyane, ont été supprimées en commission.

De même, alors qu'il y a une urgence climatique, nous revenons sur des engagements pris ici, au Sénat, en matière de végétalisation ou de déploiement d'ombrières photovoltaïques.

En réalité, ce texte vise simplement à contourner certaines règles d'urbanisme, en dressant une liste à la Prévert qui n'a rien de poétique – vous en conviendrez –, et qui complexifiera davantage encore le pilotage des projets, sous couvert de simplification, en créant des exceptions injustifiées.

Même les amendements que nous avons déposés pour améliorer le texte, notamment ceux qui tendent à garantir une plus grande maîtrise des élus locaux sur les enjeux fonciers locaux – je fais notamment référence aux amendements ayant pour objet de faciliter la préemption des parts de sociétés immobilières, lesquelles cherchent à contourner la loi, ou encore de permettre aux communes de la métropole du Grand Paris de ne pas transférer leurs compétences en matière d'habitat –, ont été déclarés irrecevables.

La philosophie générale de ce texte ne nous convient pas. Mon groupe ne votera pas cette proposition de loi en l'état.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation est grave : 4 millions de personnes mal logées en France en 2025 ; quelque 2,8 millions de demandes de logements sociaux – un nouveau record en la matière dans notre pays ; un secteur du bâtiment en difficulté – vous avez parlé d'« hécatombe », monsieur le rapporteur pour avis –, fragilisé par l'instabilité budgétaire du Gouvernement et, encore dernièrement, par le micmac affligeant concernant MaPrimeRénov'.

Pour répondre à cette crise, nous soumettra-t-on enfin un véritable projet de loi consacré au logement ?

Certes, la situation politique est difficile, mais quand je vois comment les différents groupes politiques travaillent au sein de la commission des affaires économiques du Sénat, il ne me semble pas qu'il existe un obstacle majeur à ce que l'on adopte une grande loi sur le logement. Je pense que, au moins sur ce sujet, il y a de la place pour un texte d'une telle envergure. (Mme la présidente de la commission des affaires économiques approuve.)

Or que fait-on ? Parce que les moyens ne sont pas au rendez-vous, parce que le Gouvernement n'a pas de vision de long terme, on préfère prôner la simplification ! Évidemment, tout le monde est favorable à la débureaucratisation, mais la simplification constitue aujourd'hui le nouveau mantra politique : on a l'impression que, à travers ce mot d'ordre, on pourrait simplifier un monde qui est devenu de plus en plus complexe.

Eh bien non, le monde est bel et bien compliqué ! On aura beau répéter à l'envi le mot « simplification », cela ne permettra pas, malheureusement, de simplifier le monde dans lequel on vit. En réalité, même si la commission a effectué un nettoyage bienvenu, ce texte ajoute de la confusion et nuit parfois à la lisibilité du droit et à la cohérence des stratégies locales.

M. le rapporteur pour avis, encore lui, a estimé que ce texte contribuerait à limiter la vulnérabilité des maires. Nous considérons que, en fragilisant les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (Scot), en mettant la pression sur les élus, on les rend justement plus vulnérables à ces pressions. Dès lors que les maires sont appelés à rendre une décision individuelle, qui n'est certes pas du ressort du préfet – c'est une bonne chose ! –, cela les fragilise potentiellement.

Je vais à présent entrer dans le détail de cette proposition de loi.

L'article 1er et l'article 1er bis D relatif au développement des énergies renouvelables (EnR) nous posent problème. Ils contribuent à remettre en cause la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite loi Aper, notamment l'idée, qui tombe sous le sens, selon laquelle il convient de développer ce type d'énergie là où il est le plus facile de le faire.

L'article 2 risque de normaliser une forme d'hébergement précaire, sans apporter de garanties suffisantes aux travailleurs. En s'écartant des exigences propres au logement social, ce dispositif risque d'institutionnaliser un sous-logement temporaire, exposant les plus vulnérables à une instabilité résidentielle durable et ouvrant la voie à des effets d'aubaine dont profiteront les acteurs privés ou les employeurs.

Bien sûr, la proposition de loi prévoit aussi des dispositions concernant le nucléaire. C'est assez extraordinaire : désormais, dans n'importe quel texte, vous parvenez à faire figurer des mesures en faveur des EPR (réacteurs pressurisés européens) ! Bravo ! (Sourires.) J'espère que vous touchez une prime à chaque fois que le mot « EPR » apparaît quelque part dans un texte… En même temps, avec une proposition de loi, on fait un peu ce que l'on veut… (Mme la présidente de la commission des affaires économiques s'esclaffe.)

À l'article 3 bis, vous avez porté à dix ans la durée de l'assouplissement des règles d'urbanisme applicables aux constructions temporaires liées aux chantiers nucléaires. Mais Flamanville, mes chers collègues, cela a duré dix-sept ans ! Il faudrait donc peut-être songer à faire durer le temporaire un peu plus longtemps encore. Le logement sur les chantiers des EPR deviendra bientôt le logement d'une vie… (Nouveaux sourires.)

En ce qui concerne l'article 4, si nous reconnaissons qu'il y a des mesures à prendre pour renforcer les mécanismes et les règles permettant de lutter contre les constructions illégales, nous estimons que cette disposition n'a pas sa place dans ce texte. Le sujet est sensible et délicat : il n'a rien à faire ici, d'autant qu'il existe déjà des dispositions en la matière.

Enfin, nous regrettons la remise en cause des procédures de consultation du public, qui sont aujourd'hui bien comprises et connues de tous. Nous entendons cette idée qu'il faudrait accélérer les choses, mais le public a désormais l'habitude des procédures en vigueur. Pour nous, l'utilisation des participations du public par voie électronique (PPVE), notamment pour les personnes éprouvant des difficultés avec le numérique, revient à priver la commune de la possibilité de faire valider des projets selon une méthode qui contribue à une forme de socialisation et qui privilégie à la fois l'intérêt local et le logement. En ce sens, cette disposition nous apparaît dangereuse.

Ce texte fourre-tout ne masque pas l'absence d'une grande et belle politique dans le domaine du logement : je suis certain que, si vous le pouviez, madame la ministre, vous seriez la première à défendre cette grande loi avec bonheur, ferveur et ambition.

Mme Valérie Létard, ministre. C'est ce que je fais !

M. Yannick Jadot. Le texte qui nous est soumis cet après-midi est bien loin d'avoir une telle ampleur. Ne nous y trompons pas : ce n'est pas l'inflation réglementaire qui est responsable de la baisse de 20 % du nombre de constructions par rapport à la période qui a précédé la crise de la covid-19. Certes, un certain nombre de procédures administratives peuvent poser problème, et vouloir davantage de dérégulation peut parfois se justifier.

Toutefois, comme souvent aujourd'hui, hélas, cette simplification conduit à moins de démocratie, à moins de social et d'environnement. Or je ne suis pas sûr que ce soit vers cette société que nos concitoyens aient envie d'aller. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici un énième texte de simplification. Il prétend résoudre une crise grave en s'attaquant au poids des normes – celui-ci est décidément le bouc émissaire idéal pour éviter de réfléchir aux causes structurelles et profondes qui, en l'espèce, expliquent la crise du logement.

En l'occurrence, c'est en effet bien davantage la politique, ou plutôt l'absence de politique du Gouvernement en matière de logement depuis 2017, qui est à mettre en cause : c'est l'assèchement des ressources des organismes HLM, l'abandon progressif des aides à la pierre, le refus d'encadrer l'usage et les prix du foncier en zone tendue, ou encore l'instabilité des aides à l'accession destinées aux familles modestes qui ont aggravé la situation.

Permettez-moi quelques brefs rappels.

Aujourd'hui, la crise du logement en France se traduit par un certain nombre de chiffres : on compte près de 3 millions de personnes en attente d'un logement social, 350 000 personnes vivant sans domicile – leur nombre a doublé depuis 2012 –, 3 millions de logements vacants sur tout le territoire, que l'on ne mobilise pas. Surtout, il faut déplorer l'insuffisance de nouveaux logements, avec un effort de construction au plus bas depuis vingt ans.

Face à une telle situation, ce texte revient à poser un cautère sur une jambe de bois.

Je le répète, nous réclamons depuis 2017 une véritable loi Logement qui réponde aux enjeux présents et à venir et fixe des priorités en matière de construction.

Pour répondre à ces enjeux complexes et faciliter la production de logements, la présente proposition de loi prévoit une simplification du droit de l'urbanisme, en facilitant l'évolution des documents d'urbanisme, en assouplissant les procédures pour soutenir la réalisation de projets, en favorisant l'ingénierie et, surtout, en accélérant l'instruction et la délivrance des permis et en réduisant les délais des contentieux.

L'intention initiale des auteurs de ce texte était sans doute bonne. La proposition de loi prévoyait des adaptations qui auraient pu être utiles ponctuellement pour certains projets. Cependant, l'Assemblée nationale en a fait un catalogue de dérogations, notamment aux règles du PLU, ainsi que de mesures disparates, de sorte que l'on risque de ne rien gagner en matière de lisibilité. Loin de simplifier les choses, ce texte risque de les complexifier !

En passant de quatre à vingt-trois articles, la proposition de loi qui nous est soumise va au-delà des seules problématiques de l'urbanisme et de la production de logements, qui constituaient initialement son cœur.

Ainsi, que viennent faire dans ce texte des mesures revenant sur les obligations de solarisation et de végétalisation des bâtiments publics ? Que viennent faire des mesures qui marqueraient un recul en matière de développement des énergies renouvelables, en plus d'ajouter de la confusion et de créer de l'insécurité juridique ?

Le travail de notre commission a permis de supprimer quelques mesures inopérantes adoptées à l'Assemblée nationale. Mais, dans le même temps, les rapporteurs ont proposé de nouvelles dérogations aux règles du PLU, ainsi que des mesures qui, en l'absence d'étude d'impact et de concertation préalable, posent question.

C'est donc un texte insatisfaisant, mal préparé et qui risque de manquer son objectif de simplification que nous allons examiner aujourd'hui. Par voie d'amendement, notre groupe proposera la suppression de certains dispositifs, comme le changement de destination des bâtiments agricoles et forestiers à tous types d'activités, ou encore l'ajout d'une multitude de dérogations aux règles du PLU, qui ne doivent pourtant pas se généraliser, sous peine de vider ces documents de leur substance.

Nous proposerons à l'inverse des mesures de rééquilibrage. Nous souhaitons ainsi simplifier la cession foncière des stocks détenus par les établissements publics fonciers locaux (EPFL), en vue de la réalisation de programmes de logements sociaux. Nous prévoyons aussi une mesure de simplification du dépôt et de l'instruction des autorisations d'urbanisme requises pour la création de logements en bail réel solidaire (BRS).

À l'article 2, nous proposons de mieux encadrer le dispositif d'affectation de logements dans les résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS), afin que la dérogation introduite par la commission ne cible plus que les territoires en tension ayant vocation à accueillir de grandes filières industrielles, et que sa durée soit ramenée de dix à cinq ans.

Nous sommes en revanche favorables, au même article, à l'extension des dérogations aux règles du PLU dans les zones tendues pour la construction de logements étudiants, à condition que ces résidences soient accessibles socialement, via un plafond de loyer défini par décret.

Enfin, nous demandons le rétablissement de l'article 7 : l'objectif est de mieux encadrer les délais d'instruction des recours concernant les projets comportant plus de 50 % de logements sociaux, en raccourcissant les délais de traitement de dix mois à six mois.

Nos débats en séance publique détermineront notre vote final. Ce texte comporte en effet quelques bonnes mesures. Mais si nous ne parvenons pas à supprimer ce qui nous semble inopérant, la balance entre les avantages et les inconvénients penchera si nettement que notre choix sera vite fait.

Madame la ministre, nous savons que le Gouvernement soutient ce texte. J'espère néanmoins que vous serez sensible à nos arguments et que nous pourrons trouver un terrain d'entente, jusqu'à la réunion de la commission mixte paritaire, pour en améliorer le contenu, et ce dans la mesure du possible. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme cela a été dit à plusieurs reprises, le texte que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans un contexte d'urgence sociale et humaine : je veux parler de la crise du logement.

En 2025, quelque 4 millions de nos concitoyens sont mal logés et plus de 2,8 millions de demandes de logements sociaux restent sans réponse. S'y ajoute un constat préoccupant : la construction de logements ne suit plus, avec un nombre de permis de construire inférieur de 20 % à celui d'avant la pandémie.

Ce déficit chronique traduit un déséquilibre profond entre l'offre et la demande que les politiques publiques peinent à résorber.

Il est temps de regarder la réalité en face : l'empilement des normes et la complexité croissante des procédures d'urbanisme ont rendu le système opaque, rigide et décourageant. Les porteurs de projets, les collectivités et les citoyens se retrouvent piégés dans un véritable maquis administratif, alors même que les besoins continuent de croître. Cette situation n'est plus tenable.

C'est pourquoi la proposition de loi qui nous est soumise vise à simplifier les règles d'urbanisme et à alléger les procédures, avec un objectif clair : redonner de l'agilité à l'action publique et lever les freins à la construction. Elle prévoit ainsi de faciliter la modification des documents d'urbanisme à l'échelon local, de créer un document unique pour plus de clarté et d'étendre les dérogations pour mieux adapter les projets aux spécificités des territoires.

Ces mesures pragmatiques traduisent la volonté d'apporter des réponses opérationnelles aux difficultés rencontrées sur le terrain.

La commission des affaires économiques du Sénat a d'ailleurs enrichi ce texte de manière utile, en renforçant le rôle des collectivités et en garantissant un meilleur équilibre entre efficacité des procédures et transparence démocratique.

En matière de contentieux, la proposition de loi sécurise les demandes de permis modificatif et d'aménagement, en fixant le droit applicable à la date de la demande. Elle encadre également les recours abusifs et conforte le rôle des maires, tout en préservant la participation citoyenne.

D'autres dispositions ciblent des situations concrètes : la facilitation de la construction de logements étudiants ; l'installation d'infrastructures favorisant la transition énergétique ; ou encore l'aménagement de parkings selon des modalités offrant plus de liberté aux communes. Toutes ces avancées sont à saluer.

Cependant, si ce texte représente une avancée technique et administrative, il reste en retrait sur le plan stratégique. Il s'apparente davantage à une boîte à outils qu'à un texte reposant sur une vision globale et structurée.

Or, face à une telle crise, le logement ne peut être traité que par des ajustements réglementaires. Il appelle une réponse systémique, mobilisant tous les leviers : le foncier, la fiscalité, la politique sociale, l'urbanisme durable, la transition écologique, et, évidemment, des moyens financiers suffisants pour accompagner les collectivités.

Nous devons aussi repenser la relation entre locataires et propriétaires, remettre sur le marché des logements vacants et revisiter le rôle des documents de planification pour anticiper et préparer la ville de demain. En matière d'urbanisme, on ne peut plus continuer de légiférer en silo : en la matière, nous avons besoin d'une vision plus large, intégrant la ville, les mobilités, l'économie locale et la vitalité des quartiers.

Dans cette vision élargie, on ne peut cependant pas faire l'impasse sur une question centrale, celle de l'aménagement du territoire.

Trop souvent, nos politiques se concentrent sur les grandes agglomérations, au risque de renforcer les déséquilibres entre les métropoles saturées et les territoires ruraux délaissés. Il est temps de penser un développement plus harmonieux, en fluidifiant le territoire plutôt qu'en le centralisant.

Nous devons améliorer la mobilité, désenclaver les zones rurales, favoriser le télétravail et les infrastructures numériques et encourager l'installation de services publics et d'activités économiques en dehors des centres urbains. En somme, il faut inverser la logique centralisatrice pour rendre de l'attractivité aux campagnes et aux petites villes.

Une politique d'urbanisme ambitieuse ne peut ignorer cette articulation entre l'urbain et le rural : c'est à cette condition que nous pourrons dégonfler la pression sur les villes et redonner vie à l'ensemble du territoire national.

En résumé, ce texte apporte de véritables simplifications, utiles pour les acteurs de terrain. Mais il ne s'agit pas du tournant décisif qu'implique la situation actuelle. Le chantier reste immense. Il faudra une ambition plus large et un engagement collectif durable.

Mes chers collègues, plutôt que de nous contenter de petites réformes, ne serait-il pas temps d'oser un véritable big-bang de l'urbanisme et de repenser en profondeur notre philosophie de l'aménagement, pour bâtir ensemble des territoires plus justes, plus durables et plus humains ?

C'est ce défi que nous devons relever. Bien évidemment, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens au préalable à remercier très sincèrement les deux rapporteurs de la commission des affaires économiques, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des lois, du travail qu'ils ont réalisé.

Les mois passent, les gouvernements et les législatures se succèdent. En montant à cette tribune cet après-midi, j'ai l'impression, comme le héros du film Un Jour sans fin, de revivre à chaque fois la même séance… (Sourires.)

La France continue de s'enfoncer dans la crise du logement et nous légiférerons toujours à la petite semaine, à coups de propositions de loi : lutte contre les meublés de tourisme, transformation des bureaux en logements, encadrement des loyers en outre-mer, rénovation énergétique des logements, autant de textes qui sont certes utiles, mais qui ne constituent pas un programme, ne donnent pas un cap, ne portent pas un souffle. Ce constat, combien de fois l'ai-je répété ?

Cette proposition de loi, malgré son titre prometteur, ne fait pas exception. Elle juxtapose des ajustements qui pourront, certes, débloquer des situations, ici ou là, en étendant le champ des dérogations ou en encadrant mieux les recours en matière d'urbanisme, mais elle demeure par trop pointilliste.

Le texte vise à faciliter la requalification des zones commerciales d'entrée de ville en permettant aux maires de déroger aux destinations prévues par le PLU.

Toutefois, pour requalifier des entrées de ville, il faut aussi pouvoir agir sur les baux commerciaux, le foncier, les transports… Deux lignes dans une proposition de loi sur les dérogations aux destinations du PLU n'ont jamais permis de tirer tous ces fils ! Et où sont les mesures de simplification pour le logement ? Un titre ne fait pas un dispositif, et encore moins, je l'ai dit, un programme.

Madame la ministre, chère Valérie Létard, nous connaissons vos convictions, votre engagement, votre pugnacité et votre courage. Aussi, je vous le dis, nous souhaitons davantage. Nous souhaiterions, vous le savez bien, une loi plus ambitieuse, et même programmatique, sur le logement, développant une vision stratégique sur un sujet essentiel, à la fois pour chacun de nos concitoyens et pour notre cohésion sociale.

Ce n'est pas à vous que j'apprendrai qu'un certain nombre de parcours de vie sont aujourd'hui entravés par les difficultés d'accès au logement et que ce sentiment de déclassement, cette frustration et cette impression d'assignation à résidence nourrissent le ressentiment dont nous voyons malheureusement les répercussions sur l'échiquier politique.

Le périmètre de ce texte est trop étroit, que ce soit pour répondre aux véritables urgences ou pour promouvoir des solutions structurelles pour le logement.

Comme j'en avais fait le constat au printemps dernier avec mes collègues Amel Gacquerre et Viviane Artigalas, que je salue, dans notre rapport sur la crise du logement, si l'augmentation de l'offre est nécessaire, elle n'est que l'une des nombreuses clefs qui permettront de répondre durablement à la crise du logement. Plus que les freins à la construction, c'est la crise de la demande qui entretient et accentue la crise de l'offre dans le neuf.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis. Absolument !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Les remèdes, tout comme vous, madame la ministre, nous les connaissons : relance de l'accession à la propriété, soutien à l'investissement locatif, notamment par la reconnaissance d'un statut du bailleur privé – cela fait si longtemps que nous prônons ici cette mesure, seule à même de relancer l'investissement locatif dont nous avons tant besoin,…

M. André Reichardt. Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone. … que j'espère très sincèrement que le travail fourni par Marc-Philippe Daubresse aboutira –, relance du logement social, mais aussi meilleure territorialisation de la politique du logement, en redonnant aux maires les moyens, le pouvoir et, tout simplement, l'envie d'agir.

Face à l'urgence de la crise, je vous indique que, si le Gouvernement est empêché, le Sénat et la commission des affaires économiques en particulier ne renoncent pas : nous travaillons à une proposition de loi sur le logement que nous déposerons à l'automne sur le bureau de notre assemblée. Je compte sur votre soutien, madame la ministre, ainsi que sur celui du Gouvernement, pour qu'elle puisse être votée dans les meilleurs délais.

Dans l'intervalle, je souhaite que la commission mixte paritaire, qui se réunira le 3 juillet prochain, soit conclusive et permette une entrée en vigueur avant la pause estivale de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval.

M. Frédéric Buval. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je le dis d'emblée, nous débattons aujourd'hui d'un texte utile, que nous voterons, mais qui n'est pas encore le texte programmatique que nous attendons tous sur le logement.

Cela dit, cette proposition de loi, qui vise à simplifier le droit de l'urbanisme et à faciliter la construction de logements, permettra de mettre en œuvre certains projets. Nous pouvons déjà nous en féliciter dans une période très compliquée pour le secteur de l'urbanisme.

La France traverse en effet une grave crise du logement. Celle-ci touche tout le monde : ceux qui veulent construire, ceux qui cherchent à louer, ceux qui espèrent devenir propriétaires et ceux qui attendent un logement social.

Les chiffres sont là : la construction de logements neufs est au plus bas depuis des décennies. En 2024, à peine 300 000 logements ont été lancés, contre plus de 400 000 il y a quelques années. Le logement social est saturé, avec plus de 2,8 millions de demandes en attente. Dans le secteur privé, les loyers montent, les offres baissent et nombre de familles ont du mal à trouver un logement adapté. Même l'achat d'un bien devient de plus en plus compliqué, en particulier pour les jeunes et les ménages modestes, à cause de la hausse des taux et des prix.

Cette situation résulte de plusieurs blocages : le coût des matériaux a augmenté, les règles sont devenues trop compliquées, parfois contradictoires, et les procédures prennent beaucoup de temps. Par ailleurs, les contentieux ralentissent encore davantage les opérations.

C'est dans ce contexte que cette proposition de loi a été déposée. Elle ne règle pas tout, mais elle prévoit des mesures concrètes pour alléger certaines règles, simplifier les démarches et aider les élus à agir plus facilement pour favoriser la construction.

Tout d'abord, l'article 1er comporte diverses mesures de simplification des procédures d'urbanisme. Il assouplit par exemple les obligations de solarisation pesant sur les bâtiments publics en les limitant aux bâtiments de plus de 1 100 mètres carrés.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants salue aussi la mesure qui contribue à l'extension des cas dans lesquels on pourra recourir à la procédure de modification simplifiée, via l'augmentation de 20 % à 30 % du seuil de majoration de construction au-delà duquel une procédure de modification doit être mise en place.

Ensuite, le texte apporte des outils utiles pour redynamiser certaines zones de villes rurales. Je pense en particulier à l'article 2, qui permet à l'autorité compétente, dans le périmètre d'une zone d'activité économique, de délivrer l'autorisation d'urbanisme pour un projet de réalisation de logements en dérogeant aux règles relatives aux destinations fixées par le plan local d'urbanisme ou le document qui en tient lieu.

Ces mesures peuvent paraître techniques, mais elles répondent toutes à un objectif simple : permettre aux élus locaux d'agir plus vite et plus efficacement, sans alourdir les procédures.

Notre groupe défendra quatre amendements. L'un d'entre eux vise à permettre de déroger au PLU pour autoriser la surélévation d'une construction achevée depuis plus de deux ans lorsque celle-ci a pour objet de créer des logements ou d'agrandir la surface de logement. Deux autres tendent à rétablir les articles 2 sexies et 5.

Bien sûr, ce texte ne répond pas à tous les enjeux auxquels nous sommes confrontés. À lui seul, il ne suffira pas pour relancer la construction ou régler la crise du logement. Mais il constitue un outil utile, que nous devons utiliser. Comme l'a dit Dominique Estrosi Sassone, il s'agit d'une première étape, en attendant la grande loi sur le logement que nous appelons de nos vœux depuis longtemps.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI soutiendra cette proposition de loi.