M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Monsieur le ministre, depuis près d'un demi-siècle, le régime théocratique de Téhéran prêche la destruction d'Israël et a tissé un réseau d'affidés avec lesquels il déstabilise le Moyen-Orient. Ces groupes formés, armés et financés par l'Iran ont menacé ou attaqué régulièrement le territoire israélien. Ils sont aussi une menace pour la communauté internationale.
Les pogroms du 7 octobre 2023 n'auraient jamais été possibles sans le soutien iranien apporté au Hamas.
Les récentes opérations ont visé un programme nucléaire qui, malgré des années et des années de négociations internationales, est sur le point de produire l'arme atomique et fait peser une menace existentielle sur Israël.
Dans ce contexte, les déclarations du Président de la République sont peu claires.
Monsieur le ministre, quelle est donc la position de la France à l'égard de ce conflit et de quels soutiens disposons-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Allizard, au contraire, je crois que la position de la France est très claire.
Concernant en premier lieu le régime iranien, nous avons évoqué le programme nucléaire et balistique, qui fait peser un risque existentiel sur Israël, sur la région, mais aussi sur nos propres intérêts européens et nationaux.
Vous avez parlé des actions de déstabilisation régionale de l'Iran, qui a soutenu des groupes terroristes et qui s'est félicité du massacre antisémite du 7 octobre 2023, à la suite duquel cinquante de nos compatriotes ont perdu la vie.
Je voudrais citer également le soutien désinhibé de l'Iran à la Russie dans sa guerre d'agression contre l'Ukraine, par la fourniture de plusieurs centaines de missiles et de milliers de drones. Il y a enfin la détention arbitraire de nos deux compatriotes, Jacques Paris et Cécile Kohler, otages depuis trois ans et détenus dans des conditions indignes, assimilables en droit international à de la torture.
La voix de la France exprime la volonté d'atteindre la paix et la sécurité pour tous dans cette région, dont une part de notre avenir dépend. Le moyen d'y parvenir, c'est un double refus : le refus, d'une part, de l'Iran nucléaire, pour les raisons que vous avez très bien explicitées ; le refus, d'autre part, de voir Gaza occupée, la Cisjordanie colonisée, et un groupe terroriste, le Hamas, continuer à retenir dans ses tunnels des innocents comme otages. Tout cela passe par une solution reposant sur deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité.
En résumé, pour tenter de résoudre la crise actuelle, nous misons sur la retenue, la désescalade et la réouverture des négociations, seules susceptibles de permettre l'élimination du programme nucléaire iranien. En ce qui concerne la crise, que nous n'oublions pas, et qui se déroule à Gaza, où cinquante et un Palestiniens affamés sont morts hier encore en allant chercher des vivres à une distribution alimentaire, la conférence que nous avons préparée activement a enclenché une dynamique qui est désormais inarrêtable, parce que c'est la seule solution alternative à l'état de guerre permanent.
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. Monsieur le ministre, je vous remercie, mais vous n'avez pas du tout répondu à ma question : je vous ai demandé quels étaient les soutiens de la France, et non pas ceux de l'Iran, et c'est pourtant sur ce dernier point qu'a porté votre réponse.
Je note que, dans cette région du monde, que nous connaissons bien, les positions du Président de la République ont tout de même très souvent varié. Le poids et l'influence de la France ont considérablement fléchi. Je suis désolé, mais c'est une réalité factuelle et je me dois de dire que notre ligne du « pour autant » est de moins en moins lisible et comprise. Notre capacité à peser sur le cours des événements est faible.
Alors oui, pour éviter l'embrasement, une cessation des hostilités est évidemment souhaitable. Elle devra néanmoins éviter les erreurs du passé en ne laissant subsister aucune – et je dis bien aucune – perspective d'un Iran nucléaire. Gardons à l'esprit que l'Iran, ou plutôt son régime, poursuit toujours son programme nucléaire, malgré les négociations, met au pas sa population et détient toujours de manière arbitraire deux Français dans des conditions inacceptables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
conclave sur les retraites
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Madame la ministre du travail, les négociations entre les partenaires sociaux sur les retraites patinent depuis le début. Elles patinent, tout d'abord, parce qu'un certain nombre d'organisations syndicales et patronales ont quitté la table, estimant que les conditions d'une négociation sereine n'étaient pas réunies. Elles patinent, ensuite, parce que les syndicats qui sont restés font des propositions, travaillent, mais se heurtent au mur du Mouvement des entreprises de France (Medef), qui ne veut rien entendre.
D'ailleurs, après avoir entendu le patron du Medef ce matin, on peut douter sérieusement de l'issue de ces négociations. On peut même se demander si cette organisation patronale a jamais eu l'intention de négocier réellement.
Madame la ministre, dans ces conditions, je voudrais savoir si l'engagement du Gouvernement, qui avait été pris par le Premier ministre, sera tenu. Je veux parler de l'engagement de revenir devant le Parlement avec un nouveau projet de loi reprenant, au moins, les propositions faites par les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. – Mme Silvana Silvani applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Monique Lubin, comme vous, je voudrais souligner qu'un certain nombre de partenaires sociaux continuent à travailler. Je rends hommage au travail effectué au cours des six réunions plénières et au sein des groupes informels qui se sont constitués. Depuis maintenant quatre mois, avec la mission d'accompagnement sur les retraites, un chemin important a été parcouru.
J'en arrive plus précisément à la question que vous m'avez posée. J'ai sous les yeux ce qui a été repris hier par le président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, publié sur son compte X et encadré en rouge : « Si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord global, nous présenterons néanmoins les avancées issues des travaux des partenaires sociaux. Sous réserve d'un accord politique et d'un équilibre financier global maintenu, nous présenterons sur cette base un nouveau projet de loi. Ainsi, l'impératif de réforme pourra être satisfait dans une démarche de justice. » C'est le contenu du courrier que M. le Premier ministre a adressé aux différents partenaires sociaux, aux partis politiques, au moment de la mise en place du conclave. Telle est la réponse que je pouvais vous apporter.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Et donc, madame la ministre, je pense que personne n'a vraiment compris si le Gouvernement reviendrait devant le Parlement. Quand on me parle d'accord politique, je pense tout de suite au Parlement. Vous avez bien cité les mots du Premier ministre : « Si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord global […], nous présenterons sur cette base un nouveau projet de loi. »
Vous n'avez pas répondu à ma question. Nous attendons que tout ce qui est proposé par les partenaires sociaux soit rediscuté devant le Parlement.
Enfin, madame la ministre, lorsque vous, vos collègues ou d'autres parlez du rapport du Conseil d'orientation des retraites, je vous prierai de bien vouloir respecter les partenaires sociaux, comme vous vous y engagez régulièrement : le rapport du COR, tel qu'il a fuité – à qui profite le crime ? –, n'a pas été approuvé par les partenaires sociaux. J'aimerais donc que l'on parle du rapport du COR qui a été finalement approuvé par les partenaires sociaux. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER ainsi que des travées des groupes CRCE-K et GEST.)
non-remplacement des enseignants dans les collèges et lycées
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et concerne le problème, devenu majeur, des professeurs absents.
« Un professeur devant chaque classe à la rentrée » : c'était la promesse martiale du Président de la République à l'été 2023. Un professeur devant chaque classe toute l'année, c'est beaucoup mieux, mais c'est malheureusement de plus en plus rare. En effet, les absences d'enseignants, avant tout pour raison de santé, et le nombre d'heures non remplacées ont augmenté de façon considérable de 2018 à 2024 : +49% de cours non assurés dans le primaire, +93 % dans le secondaire.
Cette semaine, j'ai présenté devant la commission des finances un rapport qui « autopsie » la profondeur du malaise. Le système ne fonctionne plus ! Le potentiel des remplaçants est insuffisant. L'attractivité de ce métier spécifique est en berne. Plus d'un professeur remplaçant sur deux dans le secondaire est aujourd'hui un contractuel. Les formations sont quasi inexistantes et l'organisation est sclérosée. Malheureusement, le mécontentement des parents aboutit à une fuite vers le privé ou à la saisine des tribunaux administratifs, qui vont en plus leur donner raison.
Madame la ministre d'État, vous êtes consciente du problème, et vos prédécesseurs l'étaient aussi. Des mesures ont été prises, par exemple le financement des heures de remplacement de courte durée dans le cadre du pacte enseignant ou le fléchage de nouveaux professeurs vers le vivier de remplaçants, mais d'autres mesures restent à prendre. J'en propose quelques-unes dans mon rapport. Je voudrais connaître celles que vous allez mettre en place à la rentrée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Olivier Paccaud, je veux tout d'abord vous remercier de votre question et des travaux que vous avez conduits sur un sujet essentiel pour la réussite de nos élèves. Mes équipes sont en train d'analyser les données très riches que vous mettez en avant dans votre rapport et je vous propose que nous puissions en discuter prochainement.
Nous le mesurons tous, le remplacement des enseignants est un enjeu majeur et une source de préoccupation pour les parents et pour l'ensemble de la communauté scolaire. Je peux vous l'assurer, mon ministère est pleinement mobilisé sur le sujet. Ces dernières années, de nombreuses actions ont été menées pour améliorer les remplacements de courte durée, notamment au travers du pacte enseignant, que vous avez mentionné. Plus de la moitié des missions sont orientées sur cette priorité.
Cette attention particulière a également conduit le ministère à se réorganiser afin de limiter les absences devant élèves provoquées par l'institution elle-même.
En ce qui concerne plus particulièrement le premier degré, comme vous le préconisez dans votre rapport, je me suis appuyée sur la baisse démographique pour reconstituer les brigades de remplacement et, à ce titre, ce sont 900 postes supplémentaires qui seront déployés à la rentrée 2025.
Vous l'avez dit, à ces tensions se sont ajoutées ces dernières années des difficultés pour recruter dans certains territoires et dans certaines disciplines. C'est pourquoi j'ai lancé une réforme du recrutement et de la formation initiale des enseignants, qui doit améliorer les conditions de formation, mais aussi permettre de susciter davantage de vocations.
Alors, sans attendre, il faut aller plus loin et je présenterai dans les prochains mois des mesures complémentaires dans le cadre d'un plan dédié au remplacement des enseignants. Celui-ci prendra pleinement en compte vos recommandations, monsieur le sénateur. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Bernard Fialaire applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Je précise que l'absence des professeurs est d'abord due à des conditions de travail souvent dégradées.
M. Max Brisson. Oui !
M. Olivier Paccaud. Pour conclure, un mot du cœur, que tout le monde partage ici : vive l'école ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
interdiction de l'anonymat sur les réseaux sociaux
M. le président. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Patrick Chauvet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. J'y associe ma collègue Catherine Morin-Desailly, qui a beaucoup travaillé sur la régulation des grandes plateformes numériques.
Vendredi dernier, le tribunal pour enfants de Nanterre a condamné deux garçons de 14 ans pour le viol, à caractère antisémite, d'une jeune fille de 12 ans. Quel est le rapport avec votre portefeuille ? Le procès a révélé, sans surprise, que les auteurs de cet acte odieux étaient abreuvés de haine sur les réseaux sociaux.
Avec l'émergence des plateformes, les cas de harcèlement, d'agressions et de violences en ligne se multiplient. Depuis vingt ans, les dangers que font peser ces réseaux sur la société sont régulièrement dénoncés. C'est pourquoi le Président de la République propose désormais d'en interdire l'accès aux moins de 15 ans.
Mais une autre question se pose, plus simple encore : ne faut-il pas, plus globalement, interdire l'anonymat, qui, bien souvent, en donnant l'illusion de l'impunité, permet le déchaînement des pulsions les plus violentes sur les réseaux ? On invoque souvent la liberté d'expression pour le justifier, mais cet argument ne tient pas. La liberté d'expression va de pair avec la responsabilité. Or l'anonymat en ligne permet trop souvent d'échapper à toute forme de responsabilité.
Dans les faits, cet anonymat est largement illusoire. Quand il faut identifier un auteur, on y parvient en retrouvant son adresse IP, mais c'est souvent trop tard, le mal étant déjà fait. Supprimer l'anonymat, c'est agir en amont, de manière préventive. Un peu de transparence peut être apaisante et contribuer à une société plus sereine.
Madame la ministre, combien de drames faudra-t-il encore ? Combien de temps allons-nous encore attendre avant d'agir ? L'interdiction de l'anonymat sur les réseaux sociaux fait-elle partie des pistes envisagées par votre ministère ? Si oui, comptez-vous interroger la Commission européenne sur la compatibilité d'une telle mesure avec le droit européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Conconne et M. Pierre Jean Rochette applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur Patrick Chauvet, je vous remercie de cette question, qui est très importante, parce qu'elle touche nombre de nos concitoyens.
Le déversement de haine en ligne, c'est bien une réalité ; je sais qu'en tant que personnalité publique vous êtes directement confronté à ce phénomène. Il conduit à du cyberharcèlement, à de l'isolement, à de la détresse, et parfois au pire. Je pense notamment aux plus jeunes, qui peuvent commettre l'irréparable après des attaques en ligne.
Oui, il faut regarder la situation en face : le déversement de haine en ligne s'appuie quelquefois sur le pseudonymat, qui peut donner un sentiment d'impunité à ses acteurs. Pourtant, l'anonymat est utile à certains, qui peuvent ainsi s'exprimer alors qu'ils en seraient empêchés sans cela.
Pour autant, il faut être clair, et vous l'avez été, monsieur le sénateur, il n'y a pas d'anonymat en ligne. En effet, aujourd'hui, les plateformes sont responsables de la collecte des informations de connexion, notamment des adresses IP, et sont chargées d'en faire bon usage quand il y a besoin.
Il n'y a pas d'anonymat en ligne, pas plus qu'il n'y a d'impunité, il faut le répéter. Après que Thomas Jolly a été victime de cyberharcèlement, sept personnes ont été condamnées ; des peines de prison de plusieurs mois avec sursis ont même été prononcées.
Reste que, vous l'avez dit, la situation est ce qu'elle est. Je mesure la détresse que de nombreux concitoyens ressentent sur les réseaux sociaux face à ce qui s'y passe.
Nous avons fait beaucoup : je pense à Pharos (plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements),…
M. Alexandre Basquin. Pharos manque de moyens !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. … au parquet national numérique, à la loi dite Sren, visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, qui permet le bannissement des réseaux sociaux, ou au DSA (Digital Services Act), qui fait porter la responsabilité sur les plateformes, mais qui n'est pas pleinement satisfaisant, la détresse étant, elle, bien réelle.
Oui, il faut envisager toutes les options, à commencer par interdire les réseaux sociaux avant quinze ans, pour protéger les plus jeunes. C'est un combat que je mènerai avec tous mes collègues du Gouvernement.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Nous sommes attachés à faire de notre combat contre la haine en ligne une réalité. (M. Stéphane Demilly applaudit.)
accueil des gens du voyage
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, nous sommes très nombreux dans cet hémicycle à avoir déjà interrogé vos prédécesseurs sur la question des gens du voyage – malheureusement, sans résultat probant.
Nous sommes tous confrontés dans nos communes à des stationnements illégaux et à des installations massives sur des terrains communaux, des stades de foot, des parkings, des zones d'activité, parfois même en pleine saison touristique ou économique. Ces installations entraînent des dégradations et des tensions croissantes, un sentiment d'injustice, d'abandon, tant chez les habitants que chez les élus locaux, bien que ces derniers aient rempli leurs obligations de création d'aires d'accueil, et mobilisé des moyens techniques et des investissements importants.
Ce type d'événement révèle les limites de notre dispositif juridique opérationnel actuel.
Pire encore, nous avons à plusieurs reprises subi en Moselle le rassemblement évangélique de près de 40 000 gens du voyage. Ce fut le cas encore en 2023 et cette manifestation semble se profile de nouveau cette année. Vous connaissez les troubles très importants que cela engendre, en matière tant de sécurité, de salubrité que de tranquillité publique.
Monsieur le ministre, que projetez-vous de faire pour régler ces situations ? Concrètement, empêcherez-vous le nouveau rassemblement évangélique en Moselle cette année ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Loïc Hervé, Pierre Jean Rochette, Hussein Bourgi et Lucien Stanzione applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, à l'occasion de la question importante que vous venez de poser, je rappelle que 1 328 grands déplacements ont été organisés en 2024 par les gens du voyage dans soixante-dix-huit départements ; 569 d'entre eux avaient un caractère illégal, soit un sur trois.
Devant la difficulté rencontrée d'un point de vue tant juridique qu'administratif, notamment pour agir rapidement afin de faire évacuer ces terrains illégalement occupés, nous avons récemment mis en place un groupe de travail présidé par le préfet Philip Alloncle, auquel un certain nombre de sénateurs et sénatrices participent activement.
Ce groupe de travail s'est réuni une ultime fois la semaine dernière pour acter plus d'une vingtaine de mesures susceptibles d'être votées afin de lutter fermement contre ces situations. Nous nous verrons le 7 juillet prochain pour terminer nos travaux.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. François-Noël Buffet, ministre. Une partie des dispositions seront de nature réglementaire, mais la majeure partie sera de nature législative. Nous aurons l'occasion de proposer un texte d'ici à la fin du mois de juillet prochain.
Je tiens à dire qu'à Toulouges, commune des Pyrénées-Orientales, à la suite de l'occupation du stade de rugby, les services de la préfecture se sont mobilisés fermement pour procéder à une évacuation, laquelle a eu lieu le même jour. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
M. Loïc Hervé. Bravo !
M. André Reichardt. C'est rare…
M. François-Noël Buffet, ministre. Il faut souligner la très grande efficacité de cette intervention. Dans les jours qui viennent, une circulaire sera prise et adressée à tous les préfets pour attirer leur attention sur la situation particulière de certaines occupations.
Enfin, l'association Vie et lumière, qui organise tous les deux ans de grands rassemblements de plus de 20 000 ou 30 000 personnes, mais qui ne l'a pas fait en 2024 en raison de l'organisation des jeux Olympiques, s'est réunie à Nevoy il y a quelques semaines. Les services de l'État ont été fortement mobilisés et l'on peut dire que, globalement, les choses se sont bien passées.
Nous ne savons pas encore où se déroulera le prochain grand rassemblement. Les discussions sont en cours, mais la fermeté sur les questions d'organisation reste absolue, tout comme la détermination du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, il s'agit de rétablir un équilibre juste entre liberté de circulation et respect de l'ordre public.
M. Reichardt et moi-même avons déposé des propositions de loi qui ne sont jamais allées au-delà de cette assemblée.
Le sujet cristallise de vives tensions et appelle des réponses rapides, lisibles, concrètes, ainsi que des actes forts. Je compte sur vous pour faire évoluer le cadre dans l'esprit de fermeté, de responsabilité et d'équité que je vous connais. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
ligne nouvelle paris-normandie
M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Sébastien Fagnen. Je souhaite associer à mon propos mes collègues normands Corinne Féret et Didier Marie.
« La SNCF a une dette vis-à-vis de la Normandie. » Ces mots sont de Guillaume Pepy, lorsqu'il était PDG de la SNCF. Ils ont été prononcés au Havre le 4 mai 2010.
Quinze ans après, la situation n'a que peu changé. Elle a même empiré la semaine dernière avec la validation par le Conseil d'État du schéma directeur de la région d'Île-de-France (Sdrif). En effet, ce document ne fait aucunement mention du tracé de la ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN), compromettant ainsi sa réalisation.
Cette situation est la conséquence de l'hostilité de la présidente du conseil régional d'Île-de-France envers cette infrastructure pourtant vitale pour nos deux régions. Son opposition s'apparente à un insupportable mépris envers notre région, ses habitants, ses entreprises et ses élus.
C'est un déni non seulement des nécessités en matière d'aménagement du territoire, mais aussi de l'indispensable transition écologique.
Il est entendu que la séparation intégrale des flux normands et franciliens entre Paris et Mantes contribuera immanquablement à accroître le fret ferroviaire.
La concrétisation de la LNPN est essentielle pour le développement économique de la vallée de la Seine, de Haropa Port et de la Manche via le programme Aval du futur mené par Orano.
Ce sont les raisons pour lesquelles la Normandie a toujours eu la volonté, unanime, de trouver un consensus. Nous entendons et respectons les interrogations exprimées par une partie des Yvelinois. Il faut y apporter des réponses concrètes.
L'urgence est aujourd'hui de soutenir fermement ce projet d'intérêt national, symbole de la planification écologique et des mobilités décarbonées. Le Sdrif ne peut et ne doit pas sonner le glas ferroviaire de la Normandie.
Monsieur le ministre, au-delà de la nécessaire réaffirmation du soutien résolu de l'État lors du comité de pilotage qui se tiendra dans quinze jours, et en écho aux travaux en cours d'Ambition France Transports, les 3 millions de Normands ont besoin d'engagements tangibles sur le calendrier et le financement public de la LNPN.
Quelles garanties pouvez-vous leur adresser aujourd'hui au nom de l'État ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Sébastien Fagnen, je réponds à la place de Philippe Tabarot, qui se trouve au salon du Bourget.
Vous avez évoqué l'intérêt de la ligne nouvelle Paris-Normandie. On l'appelle ligne nouvelle, mais elle dure depuis très longtemps dans l'esprit des Normands, et pas seulement.
Il s'agit d'un projet d'intérêt national, je tiens à le dire ici. Cette ligne viendra en effet répondre aux besoins croissants de mobilité qui existent entre Paris, l'Île-de-France et la Normandie, tout au long de la vallée de la Seine.
Elle améliorera d'une part la régularité – nous le souhaitons –, la capacité et la rapidité des liaisons ferroviaires. Pour cela, de nouvelles modalités de financement ont été évoquées à Bercy la semaine dernière. Une nouvelle méthode de travail a également été retenue, puisqu'une concertation sur ce projet a été engagée autour du Premier ministre. La nomination du préfet Serge Castel en tant que nouveau délégué interministériel est un premier jalon, que, me semble-t-il, vous attendez, de cette nouvelle approche. Il a d'ores et déjà rencontré l'ensemble des élus concernés.
Signe de cette nouvelle méthode, le ministre chargé des transports présidera le 1er juillet prochain, à Giverny, un comité de pilotage élargi à l'ensemble des parties prenantes : les élus de Normandie, qui, bien sûr, l'attendent, mais aussi ceux d'Île-de-France qui, pour le moment, participent au financement des études, ainsi que les représentants des intercommunalités et des instances économiques des deux régions.
Ce comité de pilotage constituera assurément le deuxième jalon de ce nouveau départ que vous souhaitez, tout comme nous, pour la ligne nouvelle Paris-Normandie. L'objectif est en effet de redonner au projet un sens commun, mais aussi partagé, répondant à des tracés de moindre impact, mais surtout aux besoins actualisés des territoires que vous avez cités.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen, pour la réplique.
Mon cher collègue, il vous reste quelques secondes pour arriver à l'heure en gare… (Sourires.)
M. Sébastien Fagnen. Monsieur le ministre, le temps des bonnes intentions est révolu, celui de la concrétisation est venu ! Nous l'espérons et nous continuerons à nous mobiliser à cette fin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)