M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bernard Buis. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Le 5 juin dernier, le Conseil de l'Union européenne a acté le déclassement du loup, qui passe du statut d'espèce strictement protégée à celui d'espèce protégée dans le cadre de la convention de Berne.
Cette décision a été saluée par de nombreuses associations d'élus de montagne et, bien évidemment, par les éleveurs, qui n'en peuvent plus de voir leur travail anéanti, leurs bêtes tuées, leur quotidien miné par l'impuissance.
Cette décision vise à donner aux États membres une plus grande marge de manœuvre pour adapter leur politique de gestion des populations de loups, tout en tenant compte des difficultés croissantes rencontrées par les éleveurs, notamment en zone de montagne.
En France, une adaptation législative est en cours au travers de la loi d'orientation agricole, qui prévoit déjà certaines dérogations encadrées pour les tirs de défense.
Cette évolution du droit européen doit désormais être transposée dans le droit français pour en assurer la pleine effectivité. Elle soulève néanmoins des interrogations sur les modalités concrètes de sa mise en œuvre.
Ma question est donc simple : quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la transposition de cette décision européenne ?
Quel calendrier, quels moyens et quels critères encadreront l'évolution du cadre juridique national relatif à la gestion du loup ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Bernard Buis, comme vous le savez, j'ai toujours suivi ce dossier, enjeu majeur pour le maintien de nos activités d'élevage, particulièrement en montagne, mais pas seulement.
Le problème du loup est aujourd'hui national. L'an dernier, plus de 4 000 attaques ont été recensées et 11 000 bêtes tuées ou blessées. C'est tout à fait considérable.
Vous soulignez à juste titre le préjudice économique, mais aussi le préjudice moral que ces attaques induisent ; elles ne sont plus supportables.
Nous avons déjà soutenu les éleveurs victimes de ces attaques à hauteur de 52 millions d'euros. Je veux redire mon total soutien aux éleveurs, notamment de la Drôme, comme ma détermination à poursuivre et à accélérer les travaux engagés depuis trois ans.
Pour cela, il fallait aboutir au déclassement du loup. C'est désormais chose faite, et c'est une avancée que la France soutenait fortement.
Par ailleurs, un projet d'arrêté pris en application de la loi du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture sera signé dans les prochaines heures. Il permettra notamment de procéder à des tirs de défense même s'il n'y a pas d'attaque sur le troupeau. (Marques de satisfaction sur des travées du groupe Les Républicains.)
Vous soulignez à juste titre la nécessité d'adapter, dans les semaines ou les mois à venir, notre doctrine à l'évolution du droit européen et de transposer la directive afin de tenir compte de ce déclassement.
Un point précis concerne le comptage des loups. L'Office français de la biodiversité (OFB) a mis au point une nouvelle méthode, qui consiste en un recueil d'indices génétiques pour apprécier au plus juste la population de loups. C'est en effet ce dénombrement qui détermine ensuite les prélèvements autorisés.
Je ne vous cache pas mon inquiétude à cet égard. Au cours des six premiers mois de cette année 2025, les prélèvements ont été particulièrement nombreux en raison d'une forte prédation. J'espère que nous pourrons terminer l'année tout en respectant la limite autorisée.
En tout cas, l'application de la directive européenne se fera au regard de l'évolution des prédations. C'est un problème majeur pour nos éleveurs, et vous avez tout à fait raison d'y revenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Franck Menonville et Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.
M. Bernard Buis. Madame la ministre, nous attendons toutes et tous la transposition rapide, claire et efficace de la directive européenne, afin de redonner aux éleveurs les moyens concrets de défendre leurs troupeaux.
À la suite du vote de la loi d'orientation agricole, nous attendons également la publication de l'arrêté relatif au statut du chien de protection. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)
rapatriement des français touchés par le conflit entre israël et l'iran
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contexte de tensions extrêmes entre Israël et l'Iran, je souhaite, en y associant ma collègue sénatrice Laure Darcos et le député de la Marne Xavier Albertini appeler solennellement votre attention sur la situation particulièrement préoccupante de nos concitoyens bloqués dans ces deux pays.
Plusieurs de nos compatriotes marnais, actuellement sur place, nous ont interpellés. Inquiets et désemparés, ils demeurent sans solution concrète pour regagner notre pays et retrouver leur famille.
Comment ne pas évoquer également le sort de Cécile Kohler et de Jacques Paris, détenus en Iran depuis mai 2022 ?
Les frappes aériennes ont déjà provoqué la mort de nombreux civils en Israël et en Iran. Les risques pour nos compatriotes sont réels et immédiats et leur sécurité ne saurait être garantie par la seule mise en place d'une ligne téléphonique ou d'une cellule d'écoute psychologique.
Faute d'instruction claire du Quai d'Orsay, quelques-uns envisagent désormais des initiatives périlleuses.
J'ai conscience de la complexité de la situation, mais notre diplomatie doit se traduire par des actes concrets. Il appartient à la France d'être proactive, en liaison avec tous les acteurs régionaux, pour mettre en place des couloirs d'évacuation sécurisés et assurer un rapatriement rapide de nos compatriotes.
Plusieurs partenaires européens ont déjà exfiltré leurs ressortissants. Face à ces exemples, l'inaction française serait incompréhensible. Rappelons qu'il n'a fallu que trois jours pour rapatrier les croisiéristes du Madleen…
J'ai confiance dans notre corps diplomatique, et je tiens à rendre hommage au professionnalisme et à l'engagement de ses membres.
Alors, monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre afin de garantir le rapatriement rapide et sûr de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie, monsieur le sénateur, de l'hommage que vous venez de rendre aux agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères qui, à Tel-Aviv, à Jérusalem ou à Téhéran, exercent leur mission dans des conditions extrêmement difficiles et parfois dangereuses.
Vous le savez, c'est leur mission, leur vocation et leur honneur que d'être, en toutes circonstances, et en particulier les plus difficiles, aux côtés de la communauté française.
Il est vrai que d'autres pays ont fait le choix d'évacuer tous leurs agents. Ce n'est pas le nôtre, car, je l'ai dit, l'honneur de la diplomatie française est de se tenir aux côtés des communautés françaises quelles que soient les circonstances.
Dès vendredi dernier et le début des opérations militaires israéliennes, nous avons pris l'attache de nos ressortissants inscrits au registre des Français établis hors de France – ceux qui habitent en Israël ou en Iran – pour les appeler à respecter les consignes de sécurité.
Nous avons également invité tous les Français de passage dans ces deux pays à s'inscrire sur Fil d'Ariane, qui nous permet de rester en lien avec eux.
Nous avons ouvert une ligne téléphonique accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Je l'ai testée : elle fonctionne.
Nous avons aussi réuni ou informé nos chefs d'îlot – ces représentants des Français à l'étranger chargés de la sécurité de région –, en Israël comme en Iran.
J'ai réuni hier l'ensemble des ambassades concernées et les services de l'État et pris un certain nombre de décisions. Nous allons ainsi renforcer le dispositif d'écoute pour améliorer et faciliter la prise en charge, prendre contact avec les compagnies aériennes pour nous assurer de la disponibilité des places, ou encore clarifier, d'une part, les voies de sortie d'Iran vers l'Arménie et la Turquie et, d'autre part, les voies de sortie d'Israël vers la Jordanie et l'Égypte.
J'ai demandé par ailleurs que nous soient proposées un ensemble de solutions, qui seront présentées dans quelques minutes au conseil de défense que le Président de la République a convoqué, notamment pour faciliter et sécuriser la sortie de nos ressortissants du territoire israélien ou du territoire iranien.
Vous le voyez, il s'agit malheureusement d'une situation que nous avons connue par le passé, mais nos agents sont pleinement mobilisés pour être aux côtés des Françaises et des Français.
Je le rappelle à chacune et à chacun d'entre vous. Il convient, lorsque l'on se déplace à l'étranger,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. … de veiller à la situation du pays dans lequel on souhaite se rendre.
Le service « Conseil aux voyageurs » du site diplomatie.gouv.fr recommande ainsi formellement depuis des mois maintenant…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. … à tous nos ressortissants de ne jamais se rendre en Iran. Il prescrit également depuis novembre 2023 à nos compatriotes de ne pas aller en Israël, sauf pour raisons impératives. Je les invite donc à suivre ces conseils. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour la réplique.
M. Cédric Chevalier. Notre République a en effet le devoir d'assurer la protection de chacun de ses citoyens. Alors, faites honneur à la France, assurez leur retour à la maison ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
situation de crise et assistance aux français en iran et en israël
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Sophie Briante Guillemont. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Depuis vendredi dernier, la situation au Moyen-Orient s'est lourdement détériorée. Le conflit larvé entre Israël et l'Iran s'est transformé en guerre ouverte.
Au milieu de cette guerre, il y a des civils. Et au milieu de ces civils, nous avons des Français.
En Iran, pays où deux otages – Cécile Kohler et Jacques Paris – sont encore retenus par le régime, un millier de nos compatriotes vivent aujourd'hui dans l'angoisse.
Si une partie de ces Français est en mesure de fuir Téhéran et de se mettre à l'abri, en province ou à l'étranger, cette option n'est pas aisée : elle implique de sortir du pays via des frontières terrestres dont on ignore l'état de sécurité et de passer outre les pénuries de carburant.
Une autre partie de ces Français n'a tout simplement pas les moyens matériels pour évacuer. Or Téhéran est une ville où il n'existe pratiquement aucune infrastructure publique permettant de se protéger.
Comment la France peut-elle assurer la protection des Français d'Iran ? Est-il possible d'ouvrir immédiatement l'enceinte de l'école française pour nos compatriotes souhaitant s'y réfugier ?
Du côté israélien, la vie est désormais ponctuée par les alertes. Heureusement, des abris existent. Ils impliquent de se lever, parfois plusieurs fois par nuit, pour y trouver refuge.
Voilà quelques jours, un quartier de Tel-Aviv où résident de nombreux Français a été profondément endommagé. L'immeuble qui a abrité le consulat de France pendant plus de vingt ans a même été entièrement détruit. Les riverains doivent se reloger en urgence.
De même, ils sont des milliers de touristes français, actuellement bloqués en Israël, attendant une ouverture, ne serait-ce que temporaire, de l'espace aérien. Pour eux, est-il d'ores et déjà possible d'anticiper l'organisation de vols de rapatriement ?
Monsieur le ministre, les conflits internationaux se multiplient : Ukraine, Haïti, Soudan, Sahel, Liban, etc. Partout, le réseau diplomatique français et nos agents répondent présent.
Mais les crises ne cessent de s'amplifier. Elles deviennent plus violentes et plus longues.
À l'heure où l'état de nature semble reprendre le dessus sur l'état de paix, n'est-ce pas le moment de repenser la réponse française aux gestions de crise ? Car, au milieu d'États qui se font la guerre, il y a surtout des civils qui en paient le prix. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Isabelle Briquet et M. Akli Mellouli applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous aussi, vous avez eu l'honnêteté de reconnaître le courage de nos agents.
À la suite des frappes qui ont eu lieu hier ou avant-hier, certains des logements des agents de notre ambassade à Tel-Aviv ont été touchés. C'est dire à quel point le métier qu'ils exercent n'est pas dépourvu de danger.
Je vous l'ai dit : ils restent mobilisés. C'est d'ailleurs l'une des particularités de la diplomatie française que de ne pas fuir devant le danger et de rester au plus proche des communautés.
En ce qui concerne les ressortissants français, notamment ceux qui sont de passage en Israël et en Iran, je le répète : le centre de crise et de soutien de mon ministère a élaboré un certain nombre de scénarios et de propositions qui seront tranchés dans quelques minutes par le conseil de défense et de sécurité nationale que le Président de la République a convoqué.
En ce qui concerne plus particulièrement nos deux ressortissants otages depuis trois ans du régime iranien, Cécile Kohler et Jacques Paris, nous avons adressé aux autorités iraniennes comme aux autorités israéliennes des messages les alertant sur la présence dans la prison d'Evin de nos deux compatriotes, et sur la nécessité, pour les autorités iraniennes, de les libérer sans délai pour assurer leur sécurité.
Enfin, puisque vous élargissez la focale et que vous nous appelez à réfléchir à la manière dont nous pouvons mieux protéger nos ressortissants dans un monde qui devient plus brutal, je voudrais à mon tour lancer un appel général à nos compatriotes – je ne parle pas de ceux qui se sont fait prendre par surprise par cette escalade militaire entre Israël et l'Iran – à se tenir à l'écart des zones de conflit, pour éviter qu'ils ne se retrouvent eux-mêmes en situation de danger.
Nous aurons dans quelques heures – vous l'aurez compris – un dispositif permettant de répondre à bien des inquiétudes qui ont été exprimées.
En conclusion, je salue le travail des sénatrices et sénateurs des Françaises et des Français établis hors de France, qui, ces dernières heures et ces derniers jours, ont été à l'écoute, en première ligne, des attentes et des inquiétudes de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)
situation au proche-orient
M. le président. La parole est à M. Jérôme Darras, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jérôme Darras. Depuis le 13 juin, Israël mène une vaste offensive contre l'Iran, ses sites nucléaires, ses usines de missiles et ses centres de commandement, faisant écho à la vive inquiétude exprimée par le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) face à l'accumulation rapide d'uranium hautement enrichi par l'Iran. En riposte, l'Iran bombarde les villes israéliennes, dont Tel-Aviv et Haïfa. Le bilan humain s'alourdit de jour en jour. Je pense à cet instant aux civils morts et blessés et, bien sûr, à nos compatriotes présents dans les deux pays.
Au-delà de l'avenir de la région, ce qui se joue est l'équilibre du monde, qui, depuis le 20 janvier et l'investiture du nouveau président de la première puissance économique et militaire mondiale, semble toujours plus instable. Ce même président qui, par son retrait de l'accord de Vienne, est le premier responsable de l'escalade actuelle. (M. Olivier Paccaud lève les bras au ciel.)
Le régime iranien est sans conteste une source d'instabilité régionale et une menace pour la paix du monde, tant par son action que par celle de ses proxys. Par ailleurs, nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris, otages d'État, sont toujours enfermés dans ses geôles.
J'ai, comme nombre d'entre vous, aux côtés de nos huit présidents de groupe, signé la proposition de résolution relative à l'inscription des Pasdaran sur la liste des organisations terroristes.
Pour toutes ces raisons, l'Iran, comme l'ont réaffirmé hier les dirigeants du G7, ne pourra jamais disposer de l'arme nucléaire.
Si Israël a incontestablement le droit de se défendre afin d'assurer sa sécurité, est-il pour autant fondé à mener une guerre préventive, précisément au moment où se déroulent des « développements diplomatiques importants », selon l'expression de la secrétaire générale adjointe de l'ONU ?
Monsieur le ministre, comment la France, partie à l'accord de Vienne, ce vieux pays, d'un vieux continent (M. Roger Karoutchi fait une moue dubitative.), qui, dans ces moments où l'Histoire bascule, comme en 2003, sait dire au monde ce qui est juste, peut-elle contribuer à la résolution de la crise en Iran et à Gaza, à une désescalade au Moyen-Orient, et à une réaffirmation du droit international et du multilatéralisme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, La France refuse, et ce depuis longtemps, que l'Iran puisse accéder à l'arme nucléaire, car cela soulèverait des risques insupportables pour Israël, pour la région, pour l'Europe, mais également, et plus largement, pour l'ordre international.
Pour autant, la France considère, et ce depuis longtemps, qu'il n'y a pas de solution militaire au problème nucléaire iranien. C'est la raison pour laquelle nous appelons aujourd'hui à la retenue, à la désescalade, à l'arrêt des frappes. Et nous disons d'ailleurs que toute nouvelle frappe entraînerait des risques substantiels sans permettre pour autant d'éliminer définitivement le programme nucléaire iranien.
Aussi, nous appelons l'Iran à se rendre disponible immédiatement pour la poursuite de négociations. Négociations auxquelles nous nous tenons prêts à participer, puisque nous en avions déjà conduit voilà dix ans, et que cela fait des mois que nous avons, avec les Britanniques et les Allemands, réamorcé ce travail à l'approche de l'expiration de l'accord sur le nucléaire iranien. Nous avons ainsi les idées très claires sur la manière d'obtenir des engagements de la part de l'Iran à cet égard.
Ensuite, la France dénonce l'attitude du régime iranien vis-à-vis tant de son propre peuple que de la région ou de la France et de ses intérêts. Je rappelle tous les griefs que nous pouvons lui adresser : programme nucléaire et balistique ; livraison à la Russie de centaines de missiles et de milliers de drones dans sa guerre d'agression contre l'Ukraine ; répression du mouvement « Femme, Vie, Liberté » ; détention arbitraire de Jacques Paris et Cécile Kohler, otages d'État depuis trois ans, comme vous l'avez rappelé.
Pour autant, la France défend et promeut le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Elle considère ainsi que l'on ne peut pas provoquer de changement de régime par la force et qu'il appartient aux peuples de décider de leur propre destin. Aussi, nous faisons confiance au peuple iranien pour décider du moment et des circonstances pour se libérer de ce régime, contre lequel il a héroïquement résisté. C'est dans cet esprit-là que nous appelons les parties à la désescalade et au dialogue.
conclave sur les retraites
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, le conclave sur les retraites a vu le nombre de ses participants se réduire à mesure que le Gouvernement multipliait les lignes rouges, empêchant tout « bougé » sur l'âge de départ et tout débat sur de nouvelles pistes de financement.
Il ne débouchera vraisemblablement sur rien.
Les Français, les salariés qui doivent travailler deux ans de plus, sans aucune prise en compte de la pénibilité, ont le droit de savoir : ce conclave a-t-il été autre chose qu'une espèce d'assurance vie du Gouvernement en mode « tant qu'il se réunit, le Gouvernement survit » ? A-t-il vocation à préparer les esprits à la retraite par capitalisation ? Les partisans de cette logique, qui risque de priver de retraite les salariés les plus modestes et d'affaiblir davantage encore les pensions de tous les autres, se démasquent en effet un à un.
M. Jean-François Husson. C'est l'inverse !
Mme Céline Brulin. Ce conclave est-il la toile de fond de nouveaux coups durs, comme la TVA prétendument « sociale », qui pénaliserait le pouvoir d'achat de nos concitoyens, en exonérant toujours plus les entreprises et, surtout, le monde de la finance de leur contribution à la solidarité nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Madame la sénatrice Brulin, vous parlez d'assurance vie, et vous avez raison, parce que si nous lisons le rapport de la Cour des comptes, ainsi que celui du Conseil d'orientation des retraites (COR), rendu la semaine dernière et signé par l'ensemble de ses membres, alors oui, il importe de trouver une assurance vie pour nos retraites.
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre. La vérité que nous devons aux Français, madame la sénatrice, c'est que, nous le savons tous, notre système de retraite n'est pas totalement financé aujourd'hui. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Tel est l'esprit qui animait le Premier ministre lorsqu'il a proposé aux partenaires sociaux de se réunir pour travailler sur les retraites sans tabou ni totem, avec un seul objectif : assurer le financement structurel des retraites. C'est ce que les partenaires sociaux font.
M. Pascal Savoldelli. Assurance vie : capitalisation !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Effectivement, hier soir, ils ont acté que tous les points de convergence n'étaient pas encore mûrs. Ils se sont donc donné rendez-vous lundi prochain. Nous sommes mercredi. Ils ont donc encore quelques jours pour continuer à travailler sur les sujets que vous avez précisément évoqués, c'est-à-dire, notamment, la situation des salariés les plus concernés par l'usure professionnelle et de celle des femmes, qui ont plus de mal à avoir des carrières complètes. Faisons confiance aux partenaires sociaux pour avancer et garantir les retraites. (MM. Bernard Buis et Jean-François Husson applaudissent.)
M. Jean-François Husson. Très bien ! Bravo, madame la ministre !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Madame la ministre, malgré les arguments que vous venez de développer et que vous resservez très régulièrement, vous n'avez convaincu aucun de nos concitoyens, qui sont toujours extrêmement réfractaires à cette réforme des retraites. Il n'y a pas davantage de majorité au Parlement, comme l'a montré le vote intervenu la semaine dernière à l'Assemblée nationale, sur l'initiative du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR).
C'est votre acharnement à refuser toute autre piste de financement durable de notre système de retraite par répartition, j'y insiste, qui provoque la crise politique et les blocages institutionnels que nous connaissons aujourd'hui. Vous vous grandiriez et vous apaiseriez notre pays en proposant de rouvrir le débat sur cette réforme, rejetée massivement par nos concitoyens. Nous vous le demandons de nouveau et nous ne lâcherons pas sur ce sujet. Les Français attendent de vous que vous soyez au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ainsi que sur des travées du groupe SER et GEST.)
défense du pavillon aérien français
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Daniel Fargeot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, les allées du Salon international de l'aéronautique et de l'espace du Bourget bruissent des rumeurs de belles commandes d'Airbus à venir par les pays du Golfe. Et nous pouvons nous en réjouir : elles confirment l'excellence et le rayonnement international de notre industrie.
Cependant, la réindustrialisation de la France exige une vision globale, à 360 degrés, qui prenne en compte toute la chaîne de valeur. C'est particulièrement vrai pour le secteur aérien, filière stratégique de notre souveraineté, dont on ne mesure d'ailleurs pas tout à fait l'importance. Il faut savoir que ces ventes d'avions pourraient s'accompagner, en contrepartie, de nouvelles autorisations de vols pour les compagnies du Golfe vers la France.
Afin que chacun mesure bien l'enjeu, je précise qu'une nouvelle ligne exploitée par ces compagnies, qui sont largement dopées aux subventions de leurs gouvernements respectifs, créé 200 emplois en France, tandis qu'une ligne Air France en mobilise 800, soit quatre fois plus. Faites le calcul : une ligne saturée, ce sont jusqu'à 600 emplois français qui disparaissent. Pilotes, techniciens, maintenance, formation : c'est tout un écosystème national qui est fragilisé.
Je rappelle que le pavillon français supporte déjà une fiscalité « franco-française » disproportionnée et des contraintes environnementales nécessaires, mais unilatérales, ce qui crée une distorsion massive de concurrence.
Comprenez que chaque ligne aérienne cédée, c'est un affaiblissement du pavillon français et de notre hub de Roissy-Charles de Gaulle, et donc un renforcement direct des hubs du Moyen-Orient. C'est bien là leur stratégie : modifier la polarité des échanges internationaux.
Air France et Airbus sont deux piliers d'un même modèle industriel français, deux contributeurs de poids à notre balance commerciale. Les droits de trafic dans le cadre d'accords bilatéraux ne peuvent devenir une variable d'ajustement diplomatique. D'autres leviers de coopération pourraient être activés avec les pays du Golfe : technologiques, académiques, énergétiques.
Ma question est donc la suivante : le Gouvernement peut-il garantir que les discussions engagées avec les pays du Moyen-Orient ne se feront au détriment ni de l'emploi aérien français ni de notre souveraineté industrielle ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Fargeot, je vous prie de bien vouloir excuser Philippe Tabarot, qui est en ce moment même à la 55e édition du Salon international de l'aéronautique et de l'espace. Ce salon est une fierté française quand il se déroule au Bourget.
La filière aéronautique est effectivement un pilier stratégique de notre économie et l'État est au rendez-vous pour la soutenir. Je veux le dire ici haut et fort. Par ailleurs, notre pavillon aérien, nos compagnies, Air France en tête, sont indissociables de cet écosystème. Défendre le pavillon aérien, c'est donc défendre notre souveraineté industrielle.
La filière aéronautique représente plus de 1 000 entreprises, dont des champions mondiaux – on pense spontanément à Airbus, mais aussi à Safran, à Thales –, mais aussi des PME-PMI, qui réalisent au total près de 80 milliards d'euros de chiffre d'affaires et emploient près de 100 000 salariés dans toutes les régions de France, mais essentiellement en Occitanie, en Nouvelle-Aquitaine et dans les Pays de la Loire.
Chaque avion construit en France mobilise une chaîne complète de valeur industrielle : conception, usinage, motorisation, assemblage, système embarqué.
Je le répète, l'État est au rendez-vous. Nous avons la chance de compter une grande compagnie aérienne, dont l'État est actionnaire, et nous la défendons.
Pour répondre plus précisément à votre question, je vous informe qu'avec Philippe Tabarot nous serons extrêmement attentifs à ce que toute réouverture de négociations avec les Émirats arabes unis ne fragilise pas nos compagnies aériennes. Nous veillerons à préserver les équilibres de marché, les conditions équitables de concurrence et rappellerons sans cesse la nécessité d'adopter des clauses environnementales équivalentes pour les compagnies aériennes françaises et les compagnies étrangères. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
conflit entre israël et l'iran