Mme Cathy Apourceau-Poly. Je vous demande de bien réfléchir à la question, parce que le volontariat ne correspond pas à ce que vous avez décrit.

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ce qui se passe aujourd’hui est grave. Le 1er mai est un jour chômé rémunéré que, par votre texte et le vote à venir, vous attaquez. C’est un monument, un patrimoine, un héritage historique et culturel commun que vous vous apprêtez à abîmer.

User du prétexte du volontariat pour légitimer votre démarche est une hypocrisie langagière. En effet, il n’y a rien de volontaire dans le fait de laisser sa famille et de sacrifier un jour de repos pour aller travailler. Travailler un 1er mai ne peut être que le résultat d’une contrainte.

En effaçant toute la symbolique du 1er mai, vous servez un seul objectif qui est très clair et votre refus de modifier l’intitulé de la proposition de loi révèle bien votre intention de convaincre tous les travailleurs qu’ils n’ont pas le choix et que leurs droits sont en voie d’extinction.

Chers collègues, une fois que vous aurez commis la faute de voter ce texte, je vous invite à compléter les manuels d’histoire, car il faudra bien enseigner aux nouvelles générations que, en 2025, les droits des travailleurs ont posé problème au Gouvernement. (Bravo ! sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Pascale Gruny. C’est faux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Je tenais à reprendre à mon compte les propos de notre collègue Senée, pour qui cette proposition de loi acte la pire régression sociale de ces dernières années, après que le Gouvernement a essayé de faire travailler les salariés sept heures de plus par an sans rémunération. En l’occurrence, le Gouvernement parlait de « bénévoles », tandis que le présent texte se réfère à des « volontaires ».

Je ne partage pas du tout cette approche philosophique du travail qui, contrairement à ce que vous vous évertuez à dire, consiste purement et simplement à remettre en cause le principe selon lequel le 1er mai est un jour chômé.

Au travers de cette proposition de loi, vous voulez permettre aux boulangers et aux fleuristes d’ouvrir leur commerce le 1er mai. Or la loi ne le leur a jamais interdit, pourvu qu’ils ne recourent pas à leurs salariés ce jour-là. (M. Daniel Chasseing sexclame.)

Vous proposez que, demain, ces mêmes commerçants puissent ouvrir leur boutique grâce au concours de volontaires – d’ailleurs, il s’agit bien de faux volontaires, comme nous l’avons démontré.

En tant que parlementaire, je pense que, si nous faisons la loi, c’est pour protéger, protéger notamment celles et ceux qui ont besoin d’un cadre pour leur éviter d’être abandonnés ou isolés sans pouvoir répondre à des mises en cause.

De votre côté, vous proposez de modifier la législation relative au 1er mai, car vous contestez les contrôles qui sont réalisés pour l’appliquer.

Bref, soit je n’ai pas compris le rôle d’un parlementaire, soit le monde marche sur la tête !

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 343 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 228
Contre 112

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

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Pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental, présentée par Mme Nadège Havet (proposition n° 475, texte de la commission n° 779, rapport n° 778).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nadège Havet, auteure de la proposition de loi.

Mme Nadège Havet, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi fait suite à une double interpellation : celle de Mme Marie Rousseau, présidente de l’association La Cour des grands 75, qui conçoit des parcours inclusifs pour adolescents et adultes autistes, et celle de Mme Jill Boucharé, fondatrice et présidente de l’association Graine d’autodétermination, située à Brest et spécialisée dans les troubles du spectre de l’autisme (TSA) depuis près de vingt ans.

Les professionnels et les citoyens qui se mobilisent à leurs côtés assurent le déploiement du dispositif Réussite emploi et un pôle ressources, afin que les besoins des entreprises soient en lien avec les compétences des adolescents et des adultes.

Ces deux associations ont au moins trois points communs.

Tout d’abord, leurs représentants sont présents dans les tribunes de notre hémicycle, aujourd’hui : je les en remercie.

Ensuite, elles ont développé des parcours d’inclusion remarquables, conçus pour des jeunes qui ne peuvent accéder aux formations qualifiantes de droit commun.

Enfin, elles ont recours, dans le cadre de leurs actions d’inclusion, aux contrats de professionnalisation expérimentaux, prévus par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. C’est pourquoi, à la fin de l’année dernière, elles m’ont demandé leur pérennisation.

Cette démarche a été entreprise aux côtés de trois autres associations : Créative Handicap, Afuté et KMK conseil et formation.

Le contrat de professionnalisation expérimental, jusqu’à présent temporaire, est une déclinaison du contrat de professionnalisation de droit commun, créé par la loi du 4 mai 2004, qui permettait d’acquérir une qualification professionnelle par la formation continue.

Le contrat dont nous allons débattre aujourd’hui, plus souple, s’adresse prioritairement aux personnes les plus éloignées du marché du travail : les jeunes de 16 à 25 ans révolus, qui souhaitent compléter leur formation initiale ; les demandeurs d’emploi de plus de 26 ans ; les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), d’un contrat aidé ou d’un contrat unique d’insertion (CUI).

Son objectif premier est de permettre au salarié d’acquérir des compétences spécifiques, définies en concertation avec l’employeur et l’organisme de formation. Il est question non plus seulement d’obtenir une certification professionnelle totale, mais de valider un ou plusieurs blocs de compétences identifiées.

Neuf des onze opérateurs de compétences (Opco) sont entrés dans ce dispositif récent, avec pour missions principales de financer les contrats en alternance, d’aider les branches à construire les certifications professionnelles et d’accompagner les entreprises à définir leurs besoins.

Initialement lancés dans le cadre d’une expérimentation, ces parcours de formation plus personnalisés devaient prendre fin le 31 décembre 2023. Ils ont été prolongés jusqu’au 31 décembre 2024, mais pas au-delà. Ainsi, nous déplorons l’existence d’une carence qui, depuis plusieurs mois, fragilise les organismes et les personnes bénéficiaires.

Nous avions pourtant constaté plusieurs choses positives. Près de 8 400 entreprises ont procédé à des recrutements via ce dispositif. Un nombre élevé de contrats a été conclu – 35 356 entre 2018 et 2023 –, signe qu’ils répondaient à un véritable besoin.

En outre, de nombreux jeunes et demandeurs d’emploi ont bénéficié de cette expérimentation : 44,31 % des bénéficiaires sont des jeunes de 16 à 25 ans, tandis que 46,86 % sont des demandeurs d’emploi de plus de 26 ans.

Ces contrats ont permis de répondre aux besoins de recrutement, via la création de parcours de formation plus courts, qui s’appuient sur les compétences déjà acquises. Ce faisant, ils contribuent à insérer ou à réinsérer par l’emploi les individus concernés. Plus globalement, ils répondent à la politique, menée depuis 2017, de soutien au travail.

Les tensions de recrutement dans certains secteurs ont pu conduire des entreprises à recruter des salariés à qui il manque une partie des compétences nécessaires pour l’emploi. Un contrat de professionnalisation, dont l’objet est élargi aux blocs de compétences, permettrait de sécuriser le recrutement et la formation de ces salariés.

Le rapport d’évaluation transmis par le Gouvernement dresse un constat identique au nôtre : cette expérimentation est concluante. Cela étant, il recommande de promouvoir ce dispositif auprès des branches professionnelles, des organismes de formation et des entreprises.

Reste la question essentielle du financement. De nombreux responsables d’organismes, notamment finistériens, et d’associations, très satisfaits de ces contrats adaptés, expriment des inquiétudes sur l’existence de certains flous.

C’est pourquoi ils demandent que ces contrats soient sanctuarisés dans le droit français, d’autant qu’ils ont été utilisés dans toutes les régions : plus de 15 % dans les Hauts-de-France et en Île-de-France, près de 5 % en Bretagne et plusieurs centaines en Guadeloupe.

Dans ces conditions, mes chers collègues, l’article unique de la présente proposition de loi, que je vous invite à adopter, vise à pérenniser le contrat de professionnalisation expérimental.

Enfin, je tiens à remercier le rapporteur, Xavier Iacovelli, d’avoir émis un avis favorable sur ce texte, ainsi que le président et les membres de la commission des affaires sociales. Je veux également saluer Mme la ministre pour son engagement sur ce sujet et, plus généralement, pour son travail et sa défense politique de ce dispositif, qui a profité à des dizaines de milliers de Français à travers le pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Nadège Havet, dont je salue l’initiative, vise à pérenniser un dispositif en faveur des personnes les plus éloignées de l’emploi, soutenu dès son origine par le Sénat.

Le contrat de professionnalisation expérimental permet en effet de recourir au contrat de professionnalisation avec des conditions assouplies. Afin que vous saisissiez bien la portée de cette mesure, je rappellerai brièvement le droit applicable aux contrats de professionnalisation.

Le contrat de professionnalisation a la spécificité d’assurer le recrutement d’un salarié éloigné de l’emploi, tout en lui permettant de suivre une formation donnant lieu à certification, période durant laquelle il bénéficie d’un maintien de salaire. Sont logiquement éligibles à ce contrat les jeunes âgés de moins de 25 ans, les seuls demandeurs d’emploi de plus de 26 ans et les bénéficiaires de minima sociaux.

Ce type de contrat est plébiscité tant par les employeurs, pour sa flexibilité, que par les salariés, pour l’acquisition de compétences. Ainsi, en 2024, près de 87 000 contrats ont été conclus, pour une prise en charge des frais de formation par les opérateurs de compétence de plus de 1 milliard d’euros.

S’ajoutent à cela des aides spécifiques à l’embauche, qui permettent d’inciter les employeurs à recourir au contrat de professionnalisation, pouvant aller de 2 000 euros, dans le cas général, à 7 000 euros cumulés pour un adulte en situation de handicap.

Dans ce contexte, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a lancé une expérimentation d’une durée de deux ans, afin de permettre de recourir au contrat de professionnalisation dans des conditions assouplies.

Le code du travail précise que les formations doivent, en principe, conduire à l’obtention par le salarié d’une certification relevant du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), ou bien reconnue par une branche professionnelle ou au niveau interprofessionnel.

A contrario, l’employeur pouvait, dans le cadre de cette expérimentation, s’affranchir de ce panel de formations pour répondre à ses besoins avec plus de flexibilité.

Cette expérimentation a été prolongée une première fois jusqu’au 28 décembre 2023 par la loi du 17 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée », puis, de manière informelle, par un courrier envoyé à France Compétences, en juillet dernier, par la ministre Catherine Vautrin. Celle-ci a habilité l’organisme à poursuivre le financement de cette expérimentation, et cela de manière rétroactive, jusqu’à la fin de l’année 2024.

Quel bilan pouvons-nous tirer de cette expérimentation, à l’heure où notre collègue Havet nous propose de la pérenniser dans son principe ?

Le rapport d’évaluation prévu par la loi de 2018, qui m’a été communiqué, est sans ambiguïté : ce dispositif complète utilement les outils à la main de l’employeur pour concourir à l’insertion des publics les plus fragiles, les moins qualifiés ou les plus éloignés de l’emploi.

Sur la forme, je regrette que ce rapport ait été communiqué si tardivement et qu’il n’ait pas été formellement déposé au Sénat, au bénéfice de tous.

Cela étant, plus de 35 000 contrats de professionnalisation expérimentaux ont été conclus entre 2018 et 2023, soit près de 4 % des contrats de professionnalisation, ce qui montre qu’il n’y a pas eu de phénomène de prédation sur les contrats de professionnalisation dits classiques.

Les organisations patronales interrogées ont salué la possibilité offerte d’adapter, au plus près des besoins, le parcours de formation du salarié, qui n’est pas forcément certifiant ou diplômant. Cette souplesse a été particulièrement utilisée dans les entreprises de l’industrie agroalimentaire ou dans le secteur des mobilités.

La commission des affaires sociales a tenu à souligner que, dans le cadre de cette expérimentation, les employeurs concernés ont joué le jeu de l’insertion durable. En effet, le contrat de professionnalisation expérimental n’était pas un contrat au rabais.

À titre d’exemple, dans le secteur des entreprises de proximité, plus de 58 % des contrats de professionnalisation expérimentaux ont été conclus sous la forme d’un CDI, contre près de 83 % de CDD dans le cas des contrats de professionnalisation non expérimentaux signés en 2021, tous secteurs confondus.

Le contrat de professionnalisation expérimental s’est également révélé un outil appréciable pour les secteurs en tension, qui ont pu former des salariés volontaires à la spécificité de leur activité, mais aussi pour les entreprises ne trouvant pas de profils adaptés au poste ou pour lesquels aucune formation unifiée n’existe, en raison de la spécificité des tâches à exécuter.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi vise à pérenniser le recours à un contrat de professionnalisation pour l’acquisition d’un ou plusieurs blocs de compétences, définies par l’employeur et l’opérateur de compétences.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette pérennisation est souhaitable en ce qu’elle facilite l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi, grâce à une plus grande individualisation des parcours. Elle est d’autant plus nécessaire que certains Opco, notamment dans les secteurs de la santé, du commerce et de la construction, n’ont pas souhaité utiliser le contrat expérimental, de peur d’exposer leur organisation à un risque d’instabilité juridique et temporelle.

Une pérennisation permettrait donc détendre le public de bénéficiaires. Il faut cependant souligner, comme plusieurs de nos collègues l’ont fait en commission, que le présent texte ne reprend pas exactement le périmètre de l’expérimentation.

En effet, certaines branches professionnelles, à commencer par la métallurgie, se sont émues de la formulation retenue, qui permet la conclusion d’un contrat de professionnalisation en vue de la validation, par le salarié, d’un ou plusieurs blocs de compétences.

L’expérimentation était plus permissive, puisqu’elle mentionnait une formation définie par l’employeur et l’opérateur de compétences, en accord avec le salarié.

Cette restriction, il faut le dire, fera obstacle au financement de formations jusque-là réellement utiles pour certains employeurs ; ainsi, elle fera peut-être obstacle à la conclusion de certains contrats.

Cependant, cette restriction nous a semblé nécessaire.

Tout d’abord, parce que les contrats concernés sont peu nombreux : moins de 20 % des contrats de professionnalisation expérimentaux signés dans la branche métallurgie ne rentreraient pas dans le périmètre de la proposition de loi.

Ensuite, parce que rien n’empêche les branches concernées de s’organiser, afin de faire émerger de nouveaux certificats de qualification professionnelle de branche et de prendre en compte les spécificités de la formation envisagée.

Enfin, parce que cette restriction permettra d’éviter les rares cas où le contrat a été utilisé à des fins étrangères au dispositif, ce qui renforce le risque d’illisibilité et conduit à un contrôle plus limité.

En définitive, nous avons là l’exemple concret d’une politique publique qui, ayant été testée et évaluée, a fait la preuve de son utilité. Il est donc logique et cohérent d’en assurer aujourd’hui la pérennisation.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter ce texte sans modifications. (Mme Nadège Havet applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de lautonomie et du handicap. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le contrat de professionnalisation expérimental, créé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, s’adressait prioritairement aux personnes les plus éloignées du marché du travail, notamment aux personnes en situation de handicap.

Il a permis d’assouplir le contrat de professionnalisation de droit commun, afin de personnaliser le parcours de formation et d’apporter une réponse rapide tenant compte de la situation du bénéficiaire et des besoins des employeurs. En effet, il était conçu pour permettre aux salariés d’acquérir des compétences spécifiques, définies dans le cadre d’un parcours de formation élaboré en concertation avec l’employeur ou l’organisme de formation.

Contrairement au contrat de professionnalisation de droit commun, ce contrat expérimental permettait l’acquisition de compétences par la validation d’un ou de plusieurs blocs de compétences spécifiques, sans viser l’obtention d’une certification professionnelle dans son intégralité.

Après une première prolongation à la fin de l’année 2023, l’expérimentation a pris fin le 31 décembre 2024. Aujourd’hui, la proposition de loi de Mme la sénatrice Nadège Havet vise à rétablir ce contrat et à le pérenniser, dans la continuité d’une proposition formulée par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.

Pourquoi faire cela aujourd’hui ? Pour la meilleure des raisons : cet outil – ce n’est pas toujours le cas ! – a rencontré son public. C’est une vraie réussite : plus de 35 000 contrats ont été conclus durant les cinq premières années d’expérimentation ; neuf des onze opérateurs de compétences (Opco) ont choisi de déployer ce contrat de professionnalisation expérimental et plus de 8 000 entreprises y ont eu recours.

Ce contrat vise des publics prioritaires, les jeunes de 16 à 25 ans et les demandeurs d’emploi, pour lesquels nous devons disposer d’une panoplie d’outils adaptés à chaque situation individuelle et aux enjeux du bassin d’emploi. À ces publics prioritaires, le contrat de professionnalisation expérimental offre des emplois stables. Il favorise leur insertion professionnelle.

Proposant des parcours plus courts et s’adressant à des publics plus éloignés de l’emploi, il donne des résultats positifs. L’Opco Atlas a ainsi recensé 79 % de salariés en CDI ou en CDD de plus de six mois parmi les personnes ayant suivi ce parcours.

Ce contrat de professionnalisation expérimental répond aux besoins en recrutement en créant des parcours de formation plus courts, qui tiennent compte des compétences déjà acquises par les salariés comme de celles que recherchent les employeurs.

Sa souplesse même est intéressante : d’une part, elle offre aux personnes concernées une insertion ou une réinsertion rapide et efficace par l’emploi ; d’autre part, elle apporte une solution aux entreprises qui ne trouvent pas les compétences qu’elles recherchent.

En cohérence avec la proposition qu’il avait formulée à l’automne 2024, le Gouvernement est favorable au rétablissement et à la pérennisation de ce contrat de professionnalisation expérimental. Il soutient donc pleinement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner une proposition de loi simple dans sa rédaction, mais essentielle dans sa portée : il s’agit de pérenniser le contrat de professionnalisation expérimental, instauré en 2018 dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Ce contrat n’est pas un dispositif de plus dans notre paysage de la formation professionnelle. Comme l’a indiqué l’auteure de cette proposition de loi, il est un outil concret d’insertion, un levier efficace de retour à l’emploi et une réponse pragmatique aux besoins des entreprises comme à ceux des demandeurs d’emploi.

Je tiens à le rappeler d’emblée, il s’adresse d’abord aux personnes les plus éloignées du marché du travail. Comme l’a souligné le rapporteur, il a été conçu pour ceux qui ne trouvent pas leur place dans les dispositifs habituels de formation ou d’alternance ; il est flexible, adaptable, centré sur les compétences réelles et utiles à l’emploi.

Plutôt que d’imposer un diplôme complet ou une certification globale, il permet de viser un ou plusieurs blocs de compétences ciblés, construits sur mesure entre l’employeur, le salarié et l’organisme de formation.

Autrement dit, il répond à des besoins concrets identifiés sur le terrain, et les résultats sont là : plus de 35 000 contrats ont été conclus en cinq ans, autant de parcours individualisés, autant de chances offertes à des personnes qui, souvent, n’avaient pas trouvé leur place dans les dispositifs classiques.

Parmi ces bénéficiaires, près de 45 % sont des demandeurs d’emploi de plus de 26 ans et plus de 44 % des jeunes de 16 à 25 ans. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : ce contrat est un outil de justice sociale et d’égalité des chances.

Il ne s’agit pas seulement de cela, pourtant ; il s’agit aussi de répondre à un problème économique. Aujourd’hui, nos entreprises, notamment dans le BTP, l’industrie, la restauration ou l’aide à la personne, peinent à recruter, non pas parce que les candidats manquent, mais souvent parce que ces derniers ne disposent pas de l’ensemble des compétences attendues, même s’ils en possèdent une partie précieuse.

Ce contrat permet justement de recruter des personnes motivées et de compléter leurs compétences de façon ciblée, progressive et opérationnelle. Il constitue ainsi un outil de sécurisation du recrutement apprécié tant par les employeurs que par les salariés. Il permet de former tout en embauchant, plutôt que d’attendre une hypothétique formation avant de proposer un contrat.

Dans mon département, comme dans beaucoup d’autres, de nombreux responsables d’organismes de formation, de missions locales ou de Pôle emploi m’ont fait part de leur attachement à ce contrat, qu’ils considèrent comme un trait d’union efficace entre la formation et l’emploi. Ils m’ont aussi fait part de leur inquiétude : depuis plusieurs mois, le flou entoure l’avenir de ce dispositif.

D’abord prévu pour s’achever à la fin de 2023, il a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2024, mais sans certitude pour la suite. Ce flou est aujourd’hui source de blocage, d’incompréhension et parfois de renoncement.

Comment construire des parcours de formation sérieux si l’on ne sait pas si ce contrat existera encore dans six mois ? Comment rassurer les entreprises si les textes sont instables ? Comment sécuriser les parcours des salariés si on leur dit qu’ils bénéficient d’un dispositif expérimental en sursis ?

C’est donc à cette insécurité juridique et à cette incertitude opérationnelle que la proposition de loi entend répondre.

Son objectif est clair : pérenniser ce contrat dans le droit commun. Il ne s’agit ni de le généraliser à tout-va ni de détricoter les autres dispositifs existants, mais de sanctuariser un outil éprouvé, apprécié et équilibré, de lui offrir une base légale stable, afin que les acteurs de terrain puissent s’en saisir avec confiance, que les contrats en cours ne soient pas interrompus et que leurs bénéficiaires, souvent en situation de précarité, ne soient pas les victimes d’une politique hésitante.

Ce n’est pas un changement idéologique. C’est bien une consolidation pragmatique, fondée sur l’expérience et sur le bon sens. Je voudrais, à ce stade, répondre à une objection que l’on entend parfois : pourquoi ajouter ce contrat au panel déjà large des contrats en alternance et des dispositifs de formation ou d’insertion existants ?

La réponse est simple : parce qu’il comble un vide, qu’il s’adresse à un public bien identifié, ni tout à fait débutant, ni tout à fait opérationnel, qui ne trouve pas toujours sa place dans les autres dispositifs, comme l’ont dit l’auteure de la proposition de loi et le rapporteur ; parce qu’il permet des parcours modulaires, progressifs, compatibles avec des réalités de vie complexes – familles monoparentales, personnes en reconversion, salariés en situation de handicap, jeunes en décrochage ; enfin, parce qu’il s’appuie sur la logique des compétences, qui est aujourd’hui celle du monde du travail réel, et non plus uniquement sur des titres ou sur des diplômes.

La France a souvent péché par complexité dans sa politique de formation. Ne commettons pas l’erreur inverse aujourd’hui, celle de la frilosité et de la remise en cause de ce qui fonctionne.

Au contraire, nous devons faire preuve de cohérence, de stabilité et de confiance envers les acteurs de terrain. En pérennisant ce contrat, nous adressons un signal positif à ceux qui cherchent à se former pour trouver un emploi, à ceux qui forment, accompagnent et orientent, mais aussi à ceux qui, dans les entreprises, font le pari de l’inclusion et de la transmission.

Mes chers collègues, cette proposition de loi ne coûte rien à l’État. Elle ne crée pas un dispositif nouveau. Elle pérennise une expérimentation réussie, attendue, nécessaire. Elle fait œuvre d’utilité sociale et d’efficacité économique.

À l’heure où les tensions de recrutement sont une réalité, voire se multiplient, où l’objectif de plein emploi reste une priorité nationale et où les transitions professionnelles s’accélèrent, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser tomber un outil qui fonctionne.

Aussi, mes chers collègues, le groupe Union Centriste vous invite, en conscience et avec responsabilité, à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à pérenniser le contrat de professionnalisation expérimental.

Ce contrat fait partie des dispositifs qui visent à l’insertion professionnelle et à l’acquisition de qualifications par des personnes éloignées de l’emploi.

Selon une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) menée en 2022, les effets bénéfiques de la formation sur la réinsertion professionnelle sont plus élevés chez les personnes les plus éloignées de l’emploi, notamment pour les demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an.

Ce contrat, destiné aux jeunes de moins de 30 ans, aux demandeurs d’emploi et aux bénéficiaires de minima sociaux, permet d’obtenir une certification professionnelle.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a lancé une expérimentation portant sur un contrat de professionnalisation en vue d’une formation ne correspondant qu’à un ou plusieurs blocs de compétences d’une certification, et non à son intégralité.