Ce texte est important, car il permet non seulement d’éviter la fermeture des centrales existantes, mais aussi d’en construire de nouvelles. Tel est son principal atout. En revanche, aucune garantie d’équilibre entre le nucléaire et les énergies intermittentes n’est prévue, ce qui risque, à terme, d’avoir la peau du nucléaire.
C’est pourtant simple : trop d’intermittence injectée dans les réseaux diminue le taux de charge de nos centrales en les obligeant à surmoduler lors des pics de production photovoltaïque et d’éolien. Or si le taux de charge du nucléaire baisse, ce sont les coûts et les prix d’électricité qui augmentent.
Mon combat pendant le débat qui va s’ouvrir sera celui d’un mix équilibré et de la tempérance. Nous devons être prudents.
Or tel n’est pas le sens de vos décrets PPE, monsieur le ministre, qui visent à nous inonder de nouveaux gigawatts d’installations, alors que notre consommation stagne, voire baisse, et que nous exportons déjà beaucoup d’électricité. Voilà qui affaiblira nos réseaux, perturbera nos prix et, en définitive, mettra en difficulté notre filière nucléaire. Tout cela nous coûtera un peu cher…
Oui, nous devons avoir des énergies renouvelables, mais nous devons anticiper leur injection dans les réseaux pour équilibrer les productions.
Oui, nous devons avoir des énergies renouvelables, mais pourquoi saborder celles qui sont pilotables ?
Ce qui est valable en Allemagne et en Espagne en remplacement du gaz et du charbon n’est pas adapté à notre production nucléaire qui, je le rappelle, est déjà décarbonée à 95 %, ce que commence à reconnaître l’Europe – je remercie d’ailleurs les ministres du combat qu’ils ont mené sur cette question.
Non, nous ne voulons pas d’un moratoire sur les EnR, qui briserait certaines entreprises et détruirait des emplois. Il s’agit simplement de modérer le rythme des nouvelles installations d’énergie intermittente afin d’éviter une surproduction. Une telle dynamique engage trop lourdement le budget de l’État et alourdit la facture des habitants via les charges pour service public.
Nous attendons un cap clair et une véritable stratégie, à la fois en matière d’électrification des usages, de décarbonation et de constitution d’un mix énergétique équilibré. Attention au développement incontrôlé des énergies intermittentes, qui risque, à terme, de nous coûter très cher.
Mes chers collègues, nous sommes déçus de la mouture de ce texte. Nous sommes également déçus de la méthode. Un texte de programmation appelle un véritable engagement de l’État, une vision équilibrée à moyen et long terme. Nous aurions pu nous fixer de grandes ambitions.
Finalement, ce texte reste relativement modeste et l’équilibre n’est pas trouvé. C’est pourquoi nous resterons très attentifs aux débats qui vont s’ouvrir.
D’ores et déjà, monsieur le ministre, j’apprécie votre engagement d’adapter les décrets de la PPE à la suite de nos débats. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie.
Cosigné par la présidente de la commission des affaires économiques, par Bruno Retailleau, par Mathieu Darnaud, Stéphane Piednoir et plus de 110 sénateurs des groupes Les Républicains et Union Centriste, ce texte a été largement adopté au Sénat le 16 octobre 2024.
Cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour d’abord sur l’initiative du groupe Les Républicains puis sur celle du Gouvernement, est importante et attendue. Elle replace la programmation énergétique au cœur de l’agenda politique. Dans sa déclaration de politique générale du 1er octobre 2024, le Premier ministre Michel Barnier avait annoncé la reprise des travaux de programmation énergétique. Dans sa déclaration de politique générale du 14 janvier 2025, le Premier ministre François Bayrou a confirmé cette reprise.
Lors des débats sur l’énergie tenus à l’Assemblée nationale et au Sénat les 28 avril et 6 mai derniers, il a indiqué le report, d’ici à la fin de l’année, de la publication du décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, afin de permettre l’examen préalable de cette proposition de loi.
Le député Antoine Armand et moi-même avons été chargés d’accompagner l’aboutissement de ce texte, tant sur le plan législatif que réglementaire, au cours des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Le Gouvernement a donc clairement choisi la voie parlementaire pour actualiser notre programmation énergétique.
Pour le Sénat, c’est la seule voie possible pour conférer à notre stratégie énergétique la sécurité juridique et la légitimité démocratique qu’elle implique. C’est en effet notre responsabilité, en tant que législateurs, de fixer un cap à l’issue d’une délibération parlementaire, garante de l’intérêt général.
Je rappelle qu’un important travail de coconstruction a déjà été engagé en ce sens. En première lecture, au Sénat, la ministre Olga Givernet a soutenu la proposition de loi en l’amendant et en levant le gage. Puis, en première lecture à l’Assemblée nationale, le ministre Marc Ferracci et le rapporteur Antoine Armand se sont montrés à l’écoute des positions du Sénat.
La commission des affaires économiques et le Sénat, dans son ensemble, ont plaidé de façon constante pour légiférer sur notre programmation énergétique. Ce sont eux qui ont fixé le principe d’une loi quinquennale sur l’énergie lors du vote de la loi relative à l’énergie et au climat de 2019.
Légiférer est une obligation légale : l’article L. 101-1 A du code de l’énergie dispose qu’une loi de programmation est prise tous les cinq ans et qu’elle prévaut sur le décret de la PPE. De plus, nos objectifs énergétiques nationaux ne sont pas à jour par rapport au paquet européen « Ajustement à l’objectif 55 ».
Légiférer est aussi une nécessité économique, car la filière du nucléaire a besoin d’une assise législative et d’une légitimité politique pour mettre sa relance à l’abri des contentieux et des soubresauts.
Trois ans après le discours de Belfort de 2022, la construction des quatorze EPR demeure à l’état de déclaration. Nous avons aujourd’hui l’occasion unique de corriger le tir en inscrivant cette relance directement dans la loi.
Si les débats conduits à l’Assemblée nationale ont été animés, ils ont fait apparaître une voie de passage parlementaire. Sur le fond, ils ont montré qu’il était possible de converger sur au moins deux points essentiels.
L’article 3, tel qu’adopté en séance publique à l’Assemblée nationale, est satisfaisant pour le Sénat, car il permet de garantir l’objectif que nous avions fixé en octobre 2024 d’engagement des 27 gigawatts de nouveau nucléaire d’ici à 2050, dont six EPR2 d’ici à 2026 et huit d’ici à 2030.
L’article 5, tel que voté en séance publique à l’Assemblée nationale, est tout à fait acceptable pour le Sénat, car il prévoit de maintenir les objectifs que nous avions aussi adoptés de 560 térawattheures de production d’énergie décarbonée, de 297 térawattheures de chaleur renouvelable et de 44 térawattheures de biogaz injectés d’ici à 2030.
Sur la méthode, ces débats ont aussi montré que seul un texte raccourci peut aboutir pour permettre au Gouvernement de publier ensuite le décret sur la PPE.
L’Assemblée nationale a procédé en commission au recentrage du texte sur sa partie programmatique. Ce recentrage est admissible pour le Sénat, à l’exception des mesures – très importantes – sur la simplification des projets nucléaires et la protection des consommateurs, qui pourraient être supprimées.
En adoptant vingt et un amendements, la commission des affaires économiques a réalisé un travail de rapprochement que j’approuve pleinement. C’est indispensable dans le cadre de cette deuxième lecture, en l’absence de procédure accélérée.
Au total, la proposition de loi constitue une base solide pour que la programmation énergétique soit véritablement structurée et planifiée.
Je me réjouis que le Premier ministre ait annoncé sa réinscription dès septembre prochain à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, avant une commission mixte paritaire début octobre.
Mes chers collègues, pour la France, pour sa souveraineté énergétique, saisissons cette opportunité et confirmons notre vote d’octobre dernier.
En conclusion, je remercie Alain Cadec et Patrick Chauvet, nos rapporteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille.
Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour débattre d’un texte essentiel, à la fois pour notre avenir énergétique, pour notre souveraineté industrielle, mais aussi pour l’avenir de notre planète.
Soyons clairs : si la France veut réussir sa transition écologique, si elle veut redevenir une grande nation industrielle tout en sortant durablement des énergies fossiles, elle doit impérativement se doter d’une vision énergétique de long terme.
Cette vision, nous l’avons longtemps attendue sous la forme d’une véritable loi de programmation énergétique. C’était l’objectif fixé dès 2019 par la loi relative à l’énergie et au climat. Cinq ans plus tard, alors que nous aurions dû adopter un texte dès juillet 2023, cette question a connu bien des rebondissements.
Certes, une loi de souveraineté énergétique a été présentée fin 2023, mais le Gouvernement a ensuite renvoyé cette programmation à un décret, attendu d’ici à la fin de l’été – tout du moins, nous l’espérons.
Nous ne pouvons plus attendre sur ces sujets, eu égard aux investissements nécessaires pour assurer notre avenir énergétique. Rappelons-les faits : face aux records de chaleur des dernières années, il nous faut désormais accomplir en six ans ce que nous avons mis trente ans à faire si nous souhaitons atteindre nos objectifs climatiques. Dans ce contexte, laisser notre pays sans boussole énergétique n’est plus envisageable.
C’est dans ce cadre que le Sénat s’est saisi de cette proposition de loi dès l’année dernière. Je veux saluer ici le travail sérieux mené par la commission des affaires économiques, au printemps 2024, puis lors de l’examen en séance publique en octobre dernier.
Le parcours de ce texte à l’Assemblée nationale a été quant à lui bien plus chaotique. Vidé de ses objectifs à l’issue des travaux de la commission, il a ensuite été malmené en séance publique.
Nous avons vu plusieurs mesures insensées être adoptées : réouverture de Fessenheim ; moratoire sur les énergies renouvelables ; sortie des règles de fixation des prix du marché européen de l’énergie, proposition totalement inapplicable sans quitter l’Union européenne ; retour d’EDF à un statut d’établissement public industriel et commercial (Épic)… Toutes ces mesures démagogiques et idéologiques ont donc conduit au rejet du texte à l’Assemblée nationale, envoyant ainsi un très mauvais signal à tous les acteurs du secteur.
Heureusement, comme bien souvent ces derniers temps, le Sénat a su faire preuve de raison. En commission, la semaine dernière, deux évolutions majeures ont été apportées au texte que nous avions adopté en octobre dernier.
Premièrement, les articles 3 et 5, qui comportent les objectifs programmatiques sur le nucléaire et les énergies renouvelables, ont été réécrits selon la version adoptée en séance publique à l’Assemblée nationale, qui paraît satisfaisante.
Certes, ces articles ne comportent plus certains objectifs chiffrés en pourcentage pour le nucléaire ni les sous-objectifs par filière renouvelable, mais cela permet d’avancer, en assumant un compromis réaliste et en attendant le décret PPE qui viendra compléter cette base dans les prochaines semaines.
Deuxièmement, la commission a choisi de supprimer quatorze articles du titre II pour ne conserver que les seules dispositions programmatiques ou presque. C’est un choix de cohérence pour faire de cette proposition de loi la véritable ossature de base du décret PPE à venir.
Le Gouvernement pourra ainsi s’appuyer sur ce socle législatif pour offrir aux acteurs de l’énergie métropolitains comme ultramarins une feuille de route stable pour nos territoires.
Mes chers collègues, à l’Assemblée nationale, nous avons vu ce qu’ont donné les débats, guidés par des postures plutôt que par la raison.
J’espère qu’ils n’auront, au Sénat, qu’un seul fil conducteur : le renforcement de la souveraineté énergétique de la France.
Pour ce qui le concerne, le groupe RDPI votera évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « absurde », « incohérent », « déséquilibré » : les mots ne manquent pas pour décrire l’examen chaotique de cette proposition de loi par l’Assemblée nationale.
Avec leur concours Lépine de l’amendement le plus dénué de sens, les députés ont presque donné raison à ce gouvernement, qui a renoncé à soumettre son projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat au Parlement par crainte de ne pas réussir à dégager de majorité en raison de l’opposition dogmatique entre gauche et droite quant à la composition de notre mix énergétique.
Or, pendant ce temps, la trajectoire de décarbonation de la France a connu un ralentissement notable – elle a baissé de 1,8 % en 2024 –, la rendant incompatible avec l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Mes chers collègues, nous avons besoin d’un « sursaut collectif » pour relancer l’action climatique, avec une assise politique stable et robuste et des actions structurelles nous permettant de trouver l’équilibre entre ambition climatique, attractivité économique et justice sociale.
Nous ne pouvons continuer à opérer ces stop and go insupportables, sur fond de dogmatisme et d’électoralisme, alors que les acteurs du secteur de l’énergie réclament un signal politique clair pour accompagner le développement de leur filière.
Or, à ceux-là, que proposons-nous ? Un moratoire sur l’énergie éolienne terrestre !
Cette incapacité à débattre sereinement de la meilleure façon de sortir des énergies carbonées est, au mieux, inquiétante, au pire, irresponsable.
Comment en est-on arrivé à cette situation paradoxale, où une partie de la droite, à l’image de M. Retailleau, pourtant coauteur de ce texte, appelait dernièrement à cesser de subventionner les énergies intermittentes ?
Pendant combien de temps certains continueront-ils à nier les différents scénarios et études scientifiques de peur de perdre une partie de leur électorat ?
L’atteinte de la neutralité carbone nécessitera, dans tous les cas, un déploiement significatif des énergies renouvelables.
RTE, dans son étude sur l’avenir de notre système électrique, nous indique que, même dans son scénario le plus nucléarisé, le nucléaire n’assurerait que 50 % du mix électrique.
En revanche, et je me tourne désormais vers l’autre côté de l’hémicycle, se passer totalement du « nouveau nucléaire » ajouterait une contrainte très forte à l’atteinte de la neutralité carbone : les rythmes de développement devraient alors dépasser largement ceux que l’on a observés en France au cours des dix dernières années.
Les scénarios « 100 % renouvelable » nous poseraient un défi considérable, à la fois sur les plans financier et industriel et en termes d’acceptabilité sociale de ces projets.
Faire coïncider démocratie et écologie risque d’être d’autant plus compliqué que de nombreux projets de réouverture de mines de métaux rares, nécessaires à la production des énergies renouvelables, pourraient être bloqués par des oppositions citoyennes.
C’est pourquoi notre décarbonation comme notre souveraineté énergétique passeront par plus de sobriété et d’efficacité, autant que par un déploiement de tous les types d’énergies décarbonées.
Nous avons besoin d’une complémentarité entre nucléaire et énergies renouvelables pour faire face aux insuffisances d’une politique qui reposerait exclusivement sur l’un ou l’autre de ces piliers.
Se priver de l’une de ces filières reviendrait à exercer davantage de pression sur les autres, tout en nous rendant plus vulnérables à un aléa qui toucherait l’une d’entre elles.
Mon groupe, dont le vote était déjà partagé en première lecture, attendra la fin de l’examen du texte avant de se positionner, tant le vote de certains amendements nous semble nécessaire ou, à l’inverse, irréfléchi.
Je terminerai en reprenant les mots de Mme la ministre Pannier-Runacher (M. Stéphane Piednoir s’exclame.) : espérons que ce court-termisme électoral, déguisé en prétendu « bon sens » qui protégerait les classes populaires et la ruralité, ne triomphera pas de nos débats et qu’au contraire nous parviendrons à établir une trajectoire énergétique ambitieuse et cohérente qui protégera les Français des dangers du changement climatique.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Franck Menonville. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce texte, le Sénat joue pleinement son rôle. En effet, depuis des années, les gouvernements successifs ont choisi de ne pas légiférer sur la programmation énergétique de notre pays. Dont acte ! Notre Haute Assemblée propose aujourd’hui son propre texte.
Je veux saluer le travail remarquable mené par notre collègue Daniel Gremillet, ainsi que celui des rapporteurs, qui ont œuvré avec leurs homologues de l’Assemblée nationale dans un contexte particulièrement difficile.
Le gouvernement actuel, pris de court par la menace de censure à la veille de la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie sans débat parlementaire programmé, a trouvé une porte de sortie en inscrivant la présente proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Cette dernière l’a dénaturée, pour finalement la rejeter.
Nous pensons que la programmation énergétique mérite un débat sérieux et de qualité.
À l’aune de l’examen, en seconde lecture, d’un texte qui trace une véritable stratégie énergétique pour notre pays, je tiens à rappeler deux convictions.
La première est que notre mix énergétique doit être plus compétitif et plus efficient. Cela implique, d’une part, de raisonner en coûts complets, en comparant objectivement toutes les énergies entre elles, et de les déployer selon les besoins et les équilibres économiques ; d’autre part, une plus grande optimisation, car le nombre de réacteurs faisant de la modulation sur une journée a doublé entre 2012 et 2024.
Ma seconde conviction est que ce texte s’inscrit dans le temps long. Il traduit la nécessaire relance du nucléaire, qui assurera une énergie abondante, stable en prix, décarbonée, indispensable à notre électrification.
Nous devons retrouver l’avantage concurrentiel dont nous disposions grâce à cette filière d’excellence, après tant d’années de déstructuration et de destruction méthodique, guidées par des combinaisons politiques de circonstance et court-termistes.
La relance du nucléaire doit redonner à notre économie sa compétitivité, condition indispensable à notre réindustrialisation.
Ce temps long exige d’anticiper la gestion et la sécurisation des déchets radioactifs. C’est tout le sens, dans nos départements de la Meuse et de la Haute-Marne, du projet Cigéo.
Le nucléaire ne doit pas servir de variable d’ajustement aux énergies renouvelables alternatives.
Notre rôle, aujourd’hui, est de porter une vision d’ensemble, une vision cohérente, laquelle devra être déclinée par la PPE et régulièrement actualisée selon l’évolution des besoins.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste soutient bien évidemment ce texte et la démarche qui le sous-tend. Il le votera ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe RDPI.)
M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen en deuxième lecture de cette proposition de loi de notre collègue Daniel Gremillet, que je salue, présente à mes yeux plusieurs vertus.
D’abord, monsieur le ministre, c’est l’occasion de faire connaissance et de vous livrer, en tant que président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), quelques-unes de mes analyses sur ce qui est en train de se jouer au travers de nos travaux parlementaires.
C’est aussi l’occasion de vous entendre – du moins je l’espère – à la suite de la sollicitation de plus de 160 sénateurs qui, il y a quatre mois déjà, ont alerté le Gouvernement sur le contournement du Parlement par décret et réclamé la nécessaire reconsidération d’un certain nombre d’objectifs. Ce courrier n’a reçu aucune réponse à ce jour, ce que je regrette vivement.
M. Michel Savin. Bravo !
M. Stéphane Piednoir. Surtout, nous allons avoir l’occasion de montrer que nous sommes capables d’apporter un peu de rationalité dans un débat largement hystérisé autour d’une politique publique pourtant essentielle et stratégique pour notre pays et demandant du calme et de la lucidité.
Programmer sa production d’énergie de manières qualitative et quantitative, c’est, me semble-t-il, s’interroger sur nos besoins réels, d’abord pour permettre aux particuliers, aux collectivités et aux entreprises de disposer d’une énergie livrée à un prix abordable et, si possible, décarbonée – je veux croire qu’il y a consensus sur ces différentes nécessités.
L’énergie n’est ni un luxe ni une idéologie ; c’est le maillon indispensable de tout développement économique et social d’une civilisation, de toute production de richesses et même de confort pour nos concitoyens.
Il s’agit ensuite de considérer objectivement nos forces et nos faiblesses, en arrêtant de nous comparer avec d’autres pays aux caractéristiques et aux stratégies de long terme tellement différentes des nôtres. À cet égard, renier nos choix nationaux anciens et mettre au rebut l’outil industriel constitué de 57 réacteurs nucléaires en parfait état de marche n’a aucun sens, pas plus que démonter les 8 000 éoliennes déjà installées sur notre territoire.
Quand les extrêmes rivalisent d’ingéniosité dans le concours Lépine des propositions démago-électoralistes, le résultat est un vrai festival !
Après les choix stratégiques opérés par notre pays voilà plus de cinquante ans maintenant, la relance du nucléaire doit se confirmer. Nous en maîtrisons la technologie, et cette filière nous permet de produire une électricité décarbonée à 95 %.
Je m’associe pleinement à cette relance, et vous proposerai d’ailleurs tout à l’heure un amendement visant à ce que notre mix électrique comporte toujours une part de nucléaire d’au moins 60 %.
De manière tout aussi ancienne, la France a toujours regardé vers les énergies renouvelables, essentiellement avec les barrages hydroélectriques ; nous pouvons sans doute gagner quelques térawattheures en agissant de ce côté.
Les dernières décennies ont apporté de nouvelles sources de production intéressantes en soi, mais avec quelques dérives regrettables : des méthaniseurs XXL créant un intense trafic routier qui n’est pas sans conséquence sur les infrastructures locales ; des éoliennes implantées parfois sans concertation, voire à l’insu des élus ; des extensions de réseaux de distribution dont le coût est supporté par le contribuable.
La vérité oblige à dire que l’exigence aiguë à l’égard du nucléaire, notamment dans le débat public, ne connaît pas d’équivalent dans d’autres domaines de production, celui des énergies renouvelables en particulier. C’est un chantier que nous pourrions ouvrir.
Enfin, la transition que nous appelons de nos vœux – c’est-à-dire la « défossilisation » de notre société – suppose une accélération de l’électrification de nos usages, tout particulièrement dans l’industrie. Celle-ci n’est pas au rendez-vous, et l’instabilité politique du pays n’y est sans doute pas étrangère – l’investissement, chacun le sait, exige de la confiance en l’avenir.
Dans ce contexte, figer des quotas de production ne me paraît pas pertinent.
Il faut maintenant, dans le temps qui nous est imparti, trouver le chemin d’une cohérence énergétique.
La politique consiste à prendre des décisions pour l’intérêt général, lorsque c’est possible. Cela semble tellement facile pour ceux qui ne doutent de rien ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Denise Saint-Pé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout nous impose de légiférer en matière de programmation énergétique.
Cet impératif est d’abord physique, car les conséquences du changement climatique se font un peu plus sentir chaque année, intensifiant l’urgence de décarboner notre consommation d’énergie primaire, dont 45 % des besoins sont encore satisfaits par des énergies fossiles.
Cet impératif est aussi juridique depuis la loi Énergie-Climat de 2019, qui pose le principe d’une loi quinquennale sur l’énergie à partir de 2023. Nous avons donc deux ans de retard, mais mieux vaut tard que jamais…
En outre, le monde économique appelle de manière pressante le Parlement à finaliser ce texte, afin de lui donner la visibilité nécessaire pour entreprendre les investissements requis par la transition énergétique.
Enfin, ce débat est une exigence indispensable d’un point de vue démocratique : comment accepter que les objectifs énergétiques qui conditionneront le futur de notre pays ne soient pas débattus par ses représentants ?
Il faut donc se réjouir de cette proposition de loi, d’autant plus qu’elle se montre volontariste tant sur le nucléaire que sur les énergies renouvelables. En effet, si le premier représente la clé de voûte de notre mix énergétique et doit, à ce titre, se trouver conforté et soutenu, les secondes ne doivent surtout pas être négligées : elles sont essentielles pour répondre à l’électrification croissante de notre mix énergétique, car nos futurs EPR ne fonctionneront pas de sitôt.
Il m’apparaît aussi capital de réaffirmer le soutien de la Chambre haute à un secteur critiqué bien injustement ces derniers temps.
Les EnR, quelle que soit la technologie employée, ont le mérite d’offrir une transition énergétique au plus près des territoires, avec des emplois non délocalisables et une électricité de plus en plus compétitive. Elles ont assurément leurs limites, et il faut sans doute qu’elles améliorent leur acceptabilité, mais cela ne justifie en rien les propositions aberrantes de moratoire que l’on a pu voir émerger aussi bien à l’Assemblée nationale qu’ici.
La solution dégagée l’automne dernier au Sénat, privilégiant le renouvellement des éoliennes terrestres existantes pour se concentrer sur le développement de l’éolien offshore et du photovoltaïque, est non seulement plus crédible, mais aussi bien plus satisfaisante.
Le groupe Union Centriste, comme l’a dit mon collègue, votera en faveur de cette proposition de loi, qui trace un chemin ambitieux, mais réaliste, garantissant notre souveraineté énergétique tout en maintenant cet équilibre qui permet à la France d’afficher l’un des mix énergétiques les plus décarbonés d’Europe. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie
TITRE Ier
ACTUALISER LA PROGRAMMATION ÉNERGÉTIQUE NATIONALE
Chapitre Ier
Fixer une programmation énergétique ambitieuse
Article 1er
Après le 3° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie, sont insérés des 3° bis et 3° ter ainsi rédigés :
« 3° bis Garantir le maintien du principe de péréquation tarifaire, le maintien des tarifs réglementés de vente d’électricité, la recherche de prix stables et abordables en électricité, la détention par l’État de la totalité des parts du capital de l’entreprise dénommée “Électricité de France”, conformément à l’article L. 111-67, la propriété publique du réseau de distribution d’électricité conformément à l’article L. 322-4, la propriété publique du réseau de transport d’électricité, conformément aux articles L. 111-19, L. 111-41 et L. 111-42, la sécurité d’approvisionnement en électricité ainsi que la recherche d’exportations dans ce secteur ;
« 3° ter Garantir la possibilité d’un prix repère de vente de gaz naturel, publié par la Commission de régulation de l’énergie, la recherche de prix stables et abordables en gaz, la détention par l’État d’une partie du capital de l’entreprise dénommée “Engie”, conformément à l’article L. 111-68, la propriété publique du réseau de distribution de gaz conformément à l’article L. 432-4, la sécurité d’approvisionnement en gaz ainsi que la diversification des importations dans ce secteur ; ».
Mme la présidente. L’amendement n° 68, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau, Fagnen et Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Au début