Sommaire

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

Secrétaires :

Mme Catherine Conconne,

Mme Sonia de La Provôté.

Questions orales

réutilisation de matériel médical

gestion des déchets d'activités de soins à risques infectieux

fermeture des urgences nocturnes de l'hôpital de magny-en-vexin

déploiement des traitements innovants dans la lutte contre les opioïdes

signature de la convention d'objectifs et de gestion 2025-2028 de la caisse nationale de sécurité sociale des mines

réforme des services autonomie à domicile et difficultés des services de soins infirmiers à domicile

conséquences des arrêtés relatifs à l'exposition au radon dans les grottes touristiques

modernisation du groupement hospitalier novo – pontoise, beaumont-sur-oise, magny-en-vexin

menaces sur l'avenir de l'institut mutualiste montsouris

fragilisation du maillage territorial des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation

usage du numérique à l'école

conditions de prise en charge du temps de pause méridienne par les accompagnants des élèves en situation de handicap

fermetures de classes en zones rurales et maillage territorial des établissements scolaires

enseignants contractuels et droit à la mobilité pour les titulaires

(À suivre)

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

Secrétaires :

Mme Catherine Conconne,

Mme Sonia de La Provôté.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

réutilisation de matériel médical

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, auteure de la question n° 661, transmise à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Mme Audrey Linkenheld. Ma question porte sur la réutilisation des matériels médicaux : béquilles, déambulateurs et autres fauteuils.

En France, un tiers de ces aides techniques médicales est abandonné après une courte utilisation. Résultat, 60 000 tonnes de matériels jetés et gâchés, alors que ceux-ci pourraient être réemployés…

Des expérimentations ont été menées pour tester la mise en place d'un marché de seconde main de ces aides techniques médicales, via leur collecte, tout d'abord, leur reconditionnement local aux mêmes normes que celles du neuf, ensuite, et leur redistribution, enfin. Dans les Hauts-de-France, par exemple, la recyclerie Libel'Up rencontre un beau succès.

Après une longue attente, de plusieurs années, un décret a enfin été publié le 17 mars dernier en application de l'article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, afin d'organiser la mise en œuvre et l'encadrement du remboursement de matériels médicaux remis en bon état d'usage. Il s'agit là pour l'économie circulaire d'une avancée majeure, que je salue.

Toutefois, le dispositif du décret demeure incomplet au vu des objectifs écologiques, économiques et sociaux qui sont les nôtres. En premier lieu, celui-ci ne réserve le remboursement qu'à une liste limitée de matériels médicaux. En second lieu, et alors que cette liste n'est pas encore publiée, le remboursement prévu ne serait que progressif.

Or, pour tendre vers un modèle de santé plus inclusif et plus responsable, il est essentiel, me semble-t-il, d'accélérer et d'étendre la prise en charge par la sécurité sociale et les mutuelles à l'ensemble des dispositifs médicaux réemployables.

Aussi, madame la ministre, quand le remboursement intégral du matériel médical reconditionné sera-t-il mis en œuvre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, permettez-moi tout d'abord de saluer la mémoire d'Olivier Marleix, député d'Eure-et-Loir, président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale de 2022 à 2024. Nous nous associons à la peine de sa famille et des proches.

Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur le décret définissant le cadre d'application de la remise en bon état d'usage des dispositifs médicaux, qui a, enfin, été publié.

Je précise d'emblée que c'est un sujet que je connais bien, pour avoir travaillé avec le réseau Envie, qui est très actif en matière de collecte et de valorisation des déchets.

Je souhaite rappeler les trois raisons pour lesquelles il a fallu cinq ans avant que ce décret ne paraisse : tout d'abord, une saisine de la Commission européenne a été nécessaire ; ensuite, il s'agissait de la mise en place d'une norme spécifique ; enfin, cette mesure réglementaire requerrait l'organisation de travaux préalables, en lien avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), afin de mettre en place un système d'information permettant une traçabilité des dispositifs médicaux.

À la suite de la publication de ce décret, un certain nombre de textes complémentaires sont effectivement nécessaires. Cependant, les travaux ont bien avancé et vous n'aurez évidemment pas cinq autres années à attendre pour que ceux-ci entrent en vigueur.

Plusieurs phases de concertation, au cours desquelles les organisations professionnelles du secteur de l'industrie et les acteurs de l'économie circulaire ont exprimé des positions parfois opposées, ont eu lieu. Nous nous rapprocherons prochainement de ces différents interlocuteurs pour communiquer la liste finale des produits éligibles à la remise en bon état d'usage qui a été retenue.

Un arrêté devra également être publié pour rendre la norme NF S97-414, qui a déjà fait l'objet d'une concertation avec le secteur, d'application obligatoire.

Je vous confirme qu'une réflexion plus approfondie doit s'engager pour ouvrir le droit à la prise en charge que vous appelez de vos vœux, laquelle implique notamment des modifications à la liste des produits et prestations remboursables. Un avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et une tarification par le Comité économique des produits de santé (CEPS) sont également requis.

Les réflexions ont déjà commencé, et nous envisageons l'entrée en vigueur de la prise en charge des premiers produits issus de cette filière pour la fin de l'année 2025. Des travaux complémentaires devraient commencer au début de l'année 2026 pour les catégories de produits qui le justifient, en fonction des modalités tarifaires – je pense aux produits neufs par exemple – ou de la technicité de la catégorie de produits considérée.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour la réplique.

Mme Audrey Linkenheld. Je vous remercie, madame la ministre. J'ai bien entendu vos explications, mais je veux redire que c'est le remboursement intégral du matériel médical reconditionné que nous demandons, et de manière urgente !

En effet, une telle mesure serait positive à la fois pour la planète et pour nos concitoyens, notamment les plus défavorisés d'entre eux, pour lesquels les économies que représentent ces matériaux réutilisés sont évidemment importantes. Depuis 2022, le projet Libel'Up, que j'ai cité tout à l'heure, a tout de même collecté 7 000 dispositifs et accompagné plus de 850 bénéficiaires.

M. le président. Madame la ministre, je m'associe aux condoléances et à la peine que vous venez d'exprimer à la suite du décès d'Olivier Marleix.

Je l'ai moi-même bien connu, quand il fut conseiller de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012, puis lorsqu'il fut député, puisque j'ai siégé avec lui sur les bancs de l'Assemblée nationale de 2012 à 2014, année où j'ai été élu à la Haute Assemblée. Nous partageons tous votre émotion.

gestion des déchets d'activités de soins à risques infectieux

M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 551, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Pascal Martin. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins sur la gestion des déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri).

La réglementation et l'ensemble des recommandations applicables au tri des déchets d'activités de soins à risques infectieux sont répertoriées dans le guide Dasri, que la direction générale de la santé (DGS) est en train d'actualiser.

En raison du danger qu'ils représentent pour les professionnels de santé et les opérateurs de gestion des déchets, ainsi que pour la population en général, ces Dasri bénéficient d'un statut de « déchets dangereux » et du principe de précaution inscrit dans la législation européenne relative à leur traitement.

Pourtant, avant même tout changement de réglementation, de nombreux professionnels constatent sur le terrain le déclassement d'un grand nombre de ces déchets et leur réorientation vers la filière des déchets non dangereux.

Cette situation pose deux problèmes majeurs : d'une part, une complexification du geste de tri pour les professionnels de santé déjà particulièrement sous pression ; d'autre part, un risque important pour les opérateurs de la filière, chargés de la collecte, du traitement et du tri des déchets, qui seraient exposés à ces déchets dangereux à risques infectieux.

Des accidents ont déjà été recensés dans plusieurs centres de traitement de déchets ménagers, où des Dasri sont apparus à la suite d'erreurs de tri. Le déclassement en cours pourrait multiplier le nombre d'accidents dans les prochaines années.

Monsieur le ministre, dans ce contexte, les professionnels de santé seront-ils considérés comme responsables en cas d'accident lié au tri des Dasri ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre ces risques ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Pascal Martin, vous soulevez une question de santé publique cruciale, tant pour la sécurité des professionnels de santé et des opérateurs de collecte que pour la population et l'environnement.

C'est précisément pour répondre à l'évolution des pratiques de tri que la direction générale de la santé a engagé dès 2022 une révision complète du guide national, qui date de 2009. Ce nouveau guide, fruit d'un travail de concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, qui se veut à la fois pédagogique et rigoureux, qui rappelle les obligations réglementaires et qui présente des exemples concrets pour aider au tri, sera publié très prochainement.

En ce qui concerne la responsabilité des professionnels de santé en cas d'accident, l'évaluation du risque infectieux repose sur le producteur du déchet, conformément aux codes de la santé publique et de l'environnement. Ce principe, qui n'est pas nouveau, ne doit pas être remis en cause, car le producteur du déchet est le plus à même d'apprécier la nature du déchet produit, en fonction du contexte dans lequel celui-ci évolue.

Cela ne signifie pas pour autant que les professionnels de santé seront isolés. Le guide, qui s'appuie sur des avis du Haut Conseil de la santé publique rendus en 2023 et en 2024, fournira des critères objectifs et des exemples pour sécuriser les décisions. En cas de doute, la règle est claire : le déchet doit être orienté vers la filière Dasri.

Des formations de terrain, soutenues par les agences régionales de santé, seront par ailleurs organisées pour accompagner les professionnels dans la mise en œuvre de ces nouvelles recommandations.

Soyez assuré que notre priorité est de garantir à la fois la sécurité des professionnels et celle de toute la chaîne de gestion des déchets.

M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour la réplique.

M. Pascal Martin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Les professionnels de santé attendent avec impatience la publication de ce guide. La réflexion a commencé en 2022. Nous sommes mi-2025 : il est vraiment temps que ce document paraisse !

fermeture des urgences nocturnes de l'hôpital de magny-en-vexin

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, auteur de la question n° 610, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Rachid Temal. Je voudrais commencer mon propos en rendant moi aussi hommage à notre ancien collègue député, Olivier Marleix, qui est décédé hier, hélas. Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je souhaite adresser mes condoléances à sa famille et à ses proches, mais aussi, bien sûr, exprimer ma solidarité à l'égard de sa famille politique.

Madame la ministre, je souhaite vous interroger ce matin sur la décision inique qui a été prise de fermer les urgences de l'hôpital de Magny-en-Vexin à compter du 1er janvier 2026.

Cette décision est inique, parce que les élus comme la population n'en ont été informés que par voie de presse ou par des bruits. Aucune information n'a été donnée à ce sujet dans le cadre du conseil de surveillance de l'hôpital. Aucune discussion ni aucun échange préalable n'a eu lieu avec les élus locaux, la communauté médicale ou les habitants.

Cette fermeture annoncée suscite aujourd'hui une opposition unanime dans le département du Val-d'Oise, particulièrement dans le Vexin français et de la part des élus, quel que soit leur bord politique. Elle est inquiétante, car il en résultera une baisse de la prise en charge des patients, ce qui constitue bien sûr un risque majeur pour les habitants de ce secteur rural.

Notre préoccupation se double d'une inquiétude quant à l'avenir même de l'hôpital – je rappelle que, depuis de nombreuses années, une demande forte s'est exprimée en faveur de la reconstruction de cette structure hospitalière, un projet finalement abandonné par le Gouvernement –, ainsi que de ses médecins, qui exercent déjà dans un contexte de saturation des services, le Val-d'Oise, tout particulièrement ce territoire, étant situé dans un désert médical.

Comment imaginer que, à partir du 1er janvier 2026, toute personne devra, en cas d'urgence, faire plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un médecin ?

Certes, l'hôpital est malade, mais une décision comme celle-ci renforce le mal, en plus de provoquer un sentiment d'abandon chez les habitants. Une fois de plus, l'un de nos services publics va fermer. Une fois de plus, l'un de nos services publics va disparaître.

Le sentiment d'abandon est d'autant plus fort que nous avons beaucoup lutté pour faire revivre ce territoire. J'ai moi-même bataillé pour la construction d'un nouveau lycée, afin d'attirer une nouvelle population, donc de créer une nouvelle dynamique.

Madame la ministre, vous l'aurez compris, nous voulons la non-fermeture des urgences de l'hôpital de Magny-en-Vexin à compter du 1er janvier 2026. Il faut que l'État intervienne !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Rachid Temal, vous attirez avec justesse mon attention sur les préoccupations des habitants, des soignants et des élus de Magny-en-Vexin. Je veux vous dire d'emblée que nous les entendons et que nous les partageons.

Aujourd'hui, aucun projet de fermeture des urgences de nuit à Magny-en-Vexin n'a été validé. L'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France n'a reçu aucune demande officielle de la part de l'hôpital Novo (Nord Ouest Val-d'Oise), qui envisage, il est vrai, une évolution du service, laquelle reste cependant à l'état de réflexion interne au sein des instances de gouvernance.

Je le rappelle, toute évolution de l'activité des services des urgences, notamment en cas de transformation en antenne de médecine d'urgence, doit faire l'objet d'une autorisation formelle de l'ARS, conformément au décret du 29 décembre 2023. Cette instruction formelle ne saurait se faire sans une large concertation de l'ensemble des élus du territoire, des professionnels et des usagers. Il est absolument essentiel de maintenir un tel lien de confiance et de ne pas confondre calendrier interne de l'établissement et décision publique.

L'hôpital Novo, qui se déploie sur cinq sites distincts, constitue un maillon indispensable du système de santé pour le Val-d'Oise. Il bénéficie de toute l'attention de l'ARS et du ministère.

Le ministre chargé de la santé, Yannick Neuder, veillera personnellement à ce que tout projet d'évolution respecte les règles, mais aussi les habitants et les élus. Sachez que le maire de Magny-en-Vexin sera prochainement reçu par le directeur de l'ARS d'Île-de-France, à la demande du ministre avec lequel il a échangé.

Nous devons construire ensemble des réponses adaptées, pérennes et respectueuses des réalités locales. Tel est l'engagement que nous prenons devant vous aujourd'hui.

déploiement des traitements innovants dans la lutte contre les opioïdes

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, auteure de la question n° 571, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Mme Marion Canalès. Aujourd'hui, la France est l'un des six pays les plus exposés à la crise des opioïdes.

Alors que des traitements existent pour lutter contre les addictions aux opiacés – je pense au Subutex et à la méthadone –, leur prise présente de nombreux aspects contraignants.

Cependant, la buprénorphine à action prolongée (BAP), dont le Buvidal est le seul dérivé disponible en France, est un traitement de substitution aux opiacés de nouvelle génération, qui répond aux problématiques posées par le Subutex et la méthadone : l'injection est réalisée par un médecin, selon une fréquence mensuelle, plutôt que quotidienne, ce qui permet d'éviter les trafics, les rackets et les mésusages. Ce médicament permettrait d'éviter 300 décès et 5 000 hospitalisations chaque année.

Les effets d'une politique favorable aux BAP chez nos voisins, que ce soit la Finlande, la Suède ou la Grande-Bretagne, sont irrémédiablement positifs. On observe en outre une réduction significative des hospitalisations aux États-Unis, tandis qu'en Australie on constate une probabilité de réincarcération plus faible chez les patients libérés et traités par buprénorphine à action prolongée que chez ceux ayant bénéficié de traitements standards : 21 % contre 38 %.

Les études menées en France sont également très encourageantes, mais les échantillons des enquêtes sont trop faibles : en effet, seuls 700 patients dépendants aux opioïdes ont accès à ces traitements de substitution aux opiacés, sur les 180 000 personnes qui pourraient en bénéficier.

Les financements manquent pour que ce traitement soit donné à davantage d'usagers. Une enveloppe de 1 million d'euros a bien été prévue, mais sa répartition ne concerne que huit régions, ce qui laisse certaines régions sans aucune marge de manœuvre budgétaire pour développer ce traitement avant-gardiste.

Ma question est simple, madame la ministre : quelles sont les intentions du Gouvernement pour déployer ce traitement sur tout le territoire national et pour lui assurer un financement pérenne, adapté et équitable ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la sénatrice Marion Canalès, vous mettez le doigt sur une vérité dérangeante : la dépendance aux opioïdes progresse en France et, avec elle, l'incapacité de notre système à offrir des réponses à la hauteur de la crise.

Vous l'avez rappelé, la consommation d'opioïdes est en forte progression dans notre pays et a des conséquences humaines, sociales et économiques dramatiques. Il s'agit non pas seulement d'un problème de médicaments, mais bien d'une problématique complexe, multifactorielle, qui exige une mobilisation globale, cohérente et durable de l'ensemble des acteurs.

Le Gouvernement partage pleinement votre constat. C'est pourquoi a été lancée, en mars 2023, une stratégie interministérielle contre la conduite addictive. Celle-ci s'inscrit dans une logique d'action jusqu'en 2027 et repose sur trois piliers : la prévention, la prise en charge et la réduction des risques et des dommages.

Vous avez raison de souligner le potentiel du Buvidal, forme de buprénorphine à action prolongée. Il constitue, selon de nombreux professionnels, une avancée thérapeutique utile pour certains patients, en complément de l'offre existante. C'est pourquoi le ministère de la santé, s'appuyant sur les équipes de la direction générale de la santé, suit avec attention son développement, son évaluation et son accessibilité.

Comme vous l'avez mentionné, une première enveloppe pérenne de 1 million d'euros a été mise en place dès l'an dernier pour soutenir les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) volontaires, afin d'amorcer le déploiement de ce traitement dans les territoires. Cette enveloppe a été répartie en fonction des besoins exprimés localement.

Nous sommes toutefois lucides : cette première étape ne permet pas encore de répondre à l'ensemble des besoins, notamment pour garantir une équité d'accès sur tout le territoire.

Le Gouvernement entend remédier à ces disparités régionales réelles et préoccupantes. C'est le sens des travaux qui ont été engagés pour réexaminer les modalités de financement du traitement dans le cadre d'arbitrages budgétaires concernant les crédits alloués aux CSAPA.

Madame la sénatrice, vous pouvez compter sur notre détermination pour ce que ce traitement et, plus largement, la lutte contre les addictions ne soient plus les angles morts de notre politique de santé. L'équité d'accès aux soins ne se négocie pas : elle s'impose à nous.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.

Mme Marion Canalès. Madame la ministre, je suis heureuse de vous entendre reconnaître qu'il existe une iniquité d'accès aux soins pour les personnes dépendantes aux opioïdes.

Aujourd'hui, la situation est suffisamment grave pour que l'on cesse de considérer que le problème ne concerne que telle ou telle région ou telle ou telle agence régionale de santé. Il faut dès aujourd'hui une véritable égalité de traitement pour tous les usagers et les patients dépendants aux opioïdes.

signature de la convention d'objectifs et de gestion 2025-2028 de la caisse nationale de sécurité sociale des mines

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, auteure de la question n° 645, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Mme Brigitte Devésa. La dernière convention d'objectifs et de gestion (COG) de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) est arrivée à échéance le 31 décembre 2024, sans qu'aucune nouvelle convention ait été annoncée à ce jour.

L'absence actuelle de convention crée un climat d'incertitude, particulièrement préoccupant dans les anciens bassins miniers, où la CANSSM-Filieris assure une mission de service public de santé absolument irremplaçable.

Cette vacance compromet les coopérations avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), bloque les investissements et freine les actions en matière de prévention et de santé médico-sociale. Elle accentue également les difficultés de recrutement dans des territoires déjà fragiles.

C'est pourquoi je me permets d'attirer l'attention du Gouvernement sur l'inquiétude exprimée par le syndicat CGT des mineurs de Provence, dont j'ai rencontré récemment les représentants, qui rappellent le rôle historique et solidaire de ce régime hérité d'un modèle fondé sur la solidarité ouvrière. Ce régime ne saurait être abandonné par défaut d'initiative.

Aussi, le Gouvernement entend-il autoriser, dans les meilleurs délais, l'élaboration et la signature d'une nouvelle convention d'objectifs et de gestion de la CANSSM pour la période 2025-2028, afin de garantir la continuité et la qualité des soins rendus aux assurés des anciens bassins miniers ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la sénatrice Devésa, vous relayez les interrogations des fédérations représentant les assurés du régime minier sur l'absence de convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) depuis le 1er janvier 2025.

Cette situation suscite, en effet, des inquiétudes sur l'avenir de l'offre de santé et médico-sociale de la caisse des mines. Je veux donc vous rassurer.

À la fin de 2024, les services du ministère ont indiqué au conseil d'administration de la caisse des mines qu'une nouvelle convention serait négociée. De premiers échanges entre services ont eu lieu et se poursuivent. Il n'est nullement inhabituel que ces discussions se prolongent : une telle situation s'était d'ailleurs déjà produite pour la CANSSM en 2021.

Un projet de convention entre l'État et la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines pour la période 2025-2027 devrait être soumis au conseil d'administration de la caisse en fin d'année. Il prendra en compte les travaux de rapprochement entre l'offre de santé et médico-sociale de Filieris et celle des unions pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie (UGECAM).

Je tiens à vous rassurer : cette situation est temporaire. La continuité de service de la caisse des mines est assurée, puisque des budgets provisoires pour 2025 ont été accordés par le conseil d'administration fin 2024.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour la réplique.

Mme Brigitte Devésa. Je tiens à vous remercier, madame la ministre. Vous nous avez rassurés. Je transmettrai bien évidemment les informations que vous venez de me communiquer.

Je tiens simplement à ce que l'ensemble des revendications émises par les syndicats dans le cadre de cette nouvelle COG, que nous attendons avec impatience, soient respectées et que l'on fasse en sorte que les salariés aient mêmes prestations que celles dont ils bénéficient aujourd'hui.

réforme des services autonomie à domicile et difficultés des services de soins infirmiers à domicile

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, auteure de la question n° 637, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap.

Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de remercier notre collègue Rachid Temal de l'hommage qu'il vient de rendre, au nom de son groupe, à Olivier Marleix.

Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés d'application de la réforme des services autonomie à domicile (SAD).

La question de l'entité juridique unique détentrice de l'autorisation en SAD mixte impose actuellement au centre communal d'action sociale (CCAS) de La Rochelle de se retirer du groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) de l'agglomération rochelaise.

Ce CCAS dispose aujourd'hui d'une autorisation de service de soins infirmiers à domicile (Ssiad), le seul du groupement de coopération, ainsi que d'une autorisation de services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) Cette dernière autorisation de Saad a été mise en commun dans le cadre du groupement de coopération.

Or ce groupe de coopération ne peut pas être l'entité juridique unique prévue dans le cadre de la réforme des Sad. Cette situation oblige donc le gestionnaire détenteur du Ssiad à se retirer pour continuer à disposer d'une autorisation en matière à la fois d'aide et de soins.

Je pourrais également citer l'exemple de l'Ehpad de Saint-Savinien-sur-Charente, détenteur d'une autorisation de Ssiad, mais qui ne dispose pas d'une autorisation de Saad, ou encore celui de l'association Tremä, qui dispose d'une autorisation de Ssiad depuis des années et qui demande une autorisation de Saad au conseil départemental pour pouvoir se mettre en conformité avec le dispositif de la réforme avant la fin de l'année.

Au vu de ces difficultés techniques et juridiques, ma question est très simple, madame la ministre : envisagez-vous de repousser la date d'entrée en vigueur de la réforme, fixée au 31 décembre 2025, ou, mieux encore, de rendre cette réforme facultative, comme je l'avais proposé par voie d'amendement ici même, au Sénat, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie, devenue loi Bien Vieillir ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la sénatrice Corinne Imbert, le Gouvernement a lancé en 2022 une grande réforme du domicile, avec la création de services autonomie à domicile (SAD), en vue de simplifier le parcours des personnes accompagnées. Nous en attendons un rapprochement des services existants de l'aide et du soin, qui permettra de constituer les SAD mixtes.

Plusieurs modalités de rapprochement sont possibles, parmi lesquelles la constitution d'un groupement de coopération sociale et médico-sociale, dès lors que les territoires d'intervention pour les prestations d'aide et de soins sont identiques. Dans l'exemple que vous citez, madame la sénatrice, la préexistence d'un groupement de coopération ne paraît donc pas aller à l'encontre du principe d'entité juridique unique fixé par la réforme.

Le ministère est sensible aux remarques qui remontent du territoire. Ainsi, la loi Bien Vieillir du 8 avril 2024 a prévu plusieurs assouplissements. À ce titre, elle consacre l'existence d'une période transitoire de cinq ans, durant laquelle l'obligation d'entité juridique unique ne s'applique pas lors de la constitution d'un SAD mixte. Elle garantit également le maintien d'un Ssiad qui se serait vu refuser sa demande d'autorisation en SAD mixte jusqu'à deux ans après la date du refus.

Ces assouplissements, ainsi que le plan d'accompagnement mis en place en 2023, ont permis, selon les derniers éléments transmis par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) en juin 2025, à 85 % des Ssiad d'être en cours de rapprochement.

Je sais néanmoins que, si une majorité de Ssiad est bien avancée dans la réforme, des difficultés subsistent pour certains d'entre eux.

C'est la raison pour laquelle la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq a souhaité la mise en place d'une task force nationale, réunissant le ministère, la CNSA et l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), afin de venir en aide aux territoires les plus en difficulté. Celle-ci vise à répondre aux difficultés stratégiques et techniques rencontrées par les acteurs locaux et à leur permettre de trouver des solutions d'ici à la date butoir du 31 décembre 2025.

C'est aussi pourquoi le cabinet de Charlotte Parmentier-Lecocq a reçu l'ensemble des fédérations des professionnels du domicile le mardi 24 juin dernier : il s'agissait de les écouter, de leur présenter les prochaines étapes de la réforme et de réfléchir ensemble aux solutions permettant la pleine réussite de celle-ci.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.

Mme Corinne Imbert. Je vous remercie, madame la ministre.

Vous le savez, je suis favorable à la simplification, et l'idée qui sous-tend cette réforme était, semble-t-il, louable. Mais force est de constater qu'il existe des difficultés juridiques que l'on ne peut ignorer.

En fin de compte, sur le terrain, on relève des aberrations. Quand un Ssiad, qui relève de la convention de 1951, et un Saad, qui relève des collectivités territoriales, veulent se rapprocher sur un même territoire, cela pose problème et un tel rapprochement est plus coûteux. Or ni les départements ni l'État n'ont les moyens de faire en sorte que cette réforme soit plus coûteuse. D'où l'amendement que j'ai fait voter ici, au Sénat, et qui avait pour objet de rendre cette réforme facultative.

Tant mieux si les rapprochements ont lieu sans accroc sur une grande partie du territoire, mais il ne faudrait pas oublier les endroits où la réforme coince. Je le redis : le CCAS de La Rochelle a été obligé de sortir du groupement de coopération sociale et médico-sociale de l'agglomération rochelaise, ce qui est vraiment dommage.

conséquences des arrêtés relatifs à l'exposition au radon dans les grottes touristiques

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, auteure de la question n° 588, transmise à Mme la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi.

Mme Maryse Carrère. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences des arrêtés ministériels des 16 novembre 2023 et 15 mai 2024 relatifs à la protection des travailleurs exposés au radon et, plus particulièrement, sur leur impact sur les grottes touristiques françaises.

Dans les départements des Hautes-Pyrénées et du Lot, où grottes, gouffres et autres lieux souterrains constituent des sites emblématiques du patrimoine naturel, la fréquentation de ces derniers se trouve être un véritable levier du tourisme local, qui a contribué à ce que différentes activités économiques s'implantent dans des zones plutôt rurales, puis s'y maintiennent.

Plus largement, le tourisme souterrain français, le troisième à l'échelle mondiale, attire plus de 6 millions de visiteurs par an.

Or les nouveaux textes réglementaires triplent, voire quadruplent le coefficient de dose appliqué aux guides, réduisant drastiquement leur temps de travail autorisé dans les cavités souterraines. Les conséquences sont immédiates : des charges accrues ; des horaires d'ouverture réduits ; le risque d'une fermeture de près de la moitié des cent vingt grottes touristiques du pays, avec, par suite, une précarisation des salariés.

La Fédération française du tourisme et patrimoine souterrain, qui regroupe 80 % des sites concernés, déplore que ces mesures aient été prises avant même la finalisation des études scientifiques en cours. Le panel d'analyse s'est limité à deux grottes et ne reflète donc ni la diversité géologique ni les spécificités aérauliques des cavités françaises.

Par ailleurs, aucun autre État membre de l'Union européenne n'a encore transposé ces recommandations, qui sont toujours en cours d'étude à Bruxelles.

Aussi, monsieur le ministre, quel est l'état d'avancement de l'étude sur le comportement du radon dans les grottes touristiques, qui a été lancée en 2022 en collaboration avec la direction générale du travail (DGT) ?

Quelles mesures comptez-vous prendre pour concilier le maintien de l'activité touristique et économique avec la protection des travailleurs sujets à l'exposition au radon, en tenant compte particulièrement des spécificités de chaque cavité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la présidente Maryse Carrère, si vous le permettez, je communiquerai les éléments qui ont été élaborés avec la direction générale du travail, car votre question est à la fois très importante et très précise.

Je n'expliquerai pas ce qu'est le radon, puisque vous l'avez fait. Ce gaz naturel est omniprésent sur la surface de la Terre et propage des particules radioactives. S'il se dilue rapidement dans l'air extérieur, il s'accumule dans l'air intérieur, singulièrement dans les lieux confinés tels que les grottes, où sa concentration peut parfois atteindre jusqu'à plusieurs milliers de becquerels par mètre cube.

Pour mesurer l'exposition au radon, il est nécessaire de calculer la dose de rayonnements auxquels un travailleur est exposé. Au-delà d'une dose de 6 millisieverts par an, l'employeur est tenu d'adopter une démarche de prévention renforcée. Pour faciliter ce calcul, des coefficients de doses sont mis à disposition par l'arrêté ministériel du 16 novembre 2023.

Cet arrêté prévoit deux coefficients – 3 et 6 –, en fonction de l'activité physique, qui valent pour tous les lieux de travail et non pas spécifiquement pour les grottes. Ces coefficients sont des modèles théoriques établis par la commission internationale de protection radiologique, qui est l'autorité scientifique de référence, citée par la directive Euratom.

Le coefficient de 6 se justifie par le fait que plus le débit respiratoire d'un travailleur est important, plus celui-ci inhale du radon et plus il est irradié. Il convient de noter que le code du travail n'impose pas aux employeurs dans les grottes touristiques d'avoir systématiquement recours au coefficient de 6. Il appartient à ces derniers d'apprécier l'activité physique liée à chacun des postes de travail exposant au radon.

Pour les grottes touristiques, l'arrêté du 30 juin 2021 relatif aux lieux de travail spécifiques pouvant exposer des travailleurs au radon ouvre à un employeur qui ne souhaite pas recourir à ces coefficients théoriques la possibilité d'adopter l'une de ces deux méthodes de substitution : soit le mesurage de l'énergie effectivement dégagée par le radon, soit l'utilisation d'un coefficient spécifique aux grottes touristiques établi par l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), sur le fondement des mesurages commandés par le ministère du travail et effectués dans la grotte de Saint-Marcel, en Ardèche, et celles d'Isturitz et d'Oxocelhaya, en Nouvelle-Aquitaine.

La Fédération du tourisme et du patrimoine souterrain, que vous avez mentionnée, est régulièrement informée de l'avancée de ces travaux, qui sont en voie de finalisation. Le rapport sera présenté dès qu'il sera finalisé, comme le Gouvernement s'y était engagé.

Si le Gouvernement comprend les inquiétudes exprimées par cette fédération, la priorité reste la protection de la santé des travailleurs particulièrement exposés au risque professionnel lié à l'exposition au radon.

Madame Carrère, je vous propose, si vous le souhaitez, de fixer un rendez-vous pour que nous évoquions ensemble cette question.

modernisation du groupement hospitalier novo – pontoise, beaumont-sur-oise, magny-en-vexin

M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, auteur de la question n° 527, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Daniel Fargeot. Madame la ministre, le 7 mai 2021, dans le cadre du plan Val-d'Oise, le Premier ministre Jean Castex annonçait une enveloppe de 500 millions d'euros pour moderniser le groupement hospitalier de territoire (GHT) Novo, implanté sur les communes de Pontoise, Beaumont-sur-Oise et Magny-en-Vexin.

Ce programme, très attendu, prévoyait la construction d'un plateau médico-technique à Pontoise, mais aussi la réhabilitation complète des hôpitaux de Beaumont et de Magny. Ces travaux sont structurants pour l'aménagement sanitaire du territoire, d'autant plus que le Val-d'Oise est, je le rappelle, le seul département francilien à ne pas disposer d'un centre hospitalier universitaire (CHU).

Cette modernisation est une condition sine qua non pour garantir une offre de soins de qualité, renforcer l'attractivité des établissements, mais aussi amorcer le mouvement d'universitarisation de l'hôpital de Pontoise.

Quatre ans plus tard, dans un contexte où les ministres de la santé se succèdent et où les budgets se contractent, les inquiétudes sont vives, car rien de concret ne semble suivre l'annonce du Premier ministre de l'époque.

Les annonces faites récemment au groupe Novo ont ravivé les craintes quant à une fermeture des urgences de nuit de Magny-en-Vexin. Ce serait un nouveau signal de déclin d'un service public essentiel dans un territoire rural.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer précisément l'état d'avancement de ce programme de modernisation ? Les crédits annoncés sont-ils pleinement sécurisés dans le budget de l'État ? L'accès aux soins en milieu rural – en particulier les urgences de nuit à Magny-en-Vexin – sera-t-il maintenu ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Daniel Fargeot, le projet d'investissement de Novo, annoncé à la fin de 2021 et bénéficiant d'un soutien renforcé dans le cadre du plan pour un État plus fort dans le Val-d'Oise, a fait l'objet de plusieurs phasages visant à assurer sa soutenabilité financière.

Dans le cadre de l'instruction nationale des opérations dites Ségur, un dossier transmis en décembre 2023 aux experts du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) a permis de prioriser un scénario cible, autour de la reconstruction de la plateforme logistique, du plateau médico-technique et des capacités d'hospitalisations fonctionnelles. Les experts ont émis un avis favorable sur les volets médical, capacitaire et immobilier de ce scénario cible.

Ce nouveau phasage a permis d'abaisser le montant des opérations prioritaires pendant la période 2024-2031 à 449 millions d'euros, dont 415 millions d'euros pour les opérations sanitaires, 352 millions d'euros pour le seul site de Pontoise et 33,6 millions d'euros pour les opérations médico-sociales à Magny.

L'hôpital Novo a élaboré avec les services de l'agence régionale de santé (ARS) une trajectoire financière pluriannuelle visant à avancer sur les opérations prioritaires. Trois ont été identifiées : répondre aux problèmes logistiques et techniques du site de Pontoise ; regrouper les capacités de soins médicaux et de réadaptation (SMR) spécialisés sur le site de Pontoise ; renforcer le confort hôtelier.

Pour l'ensemble de ces opérations, les moyens mobilisés par l'ARS sont suffisants pour accompagner le GHT sur le volet investissement. En ce qui concerne la trajectoire d'exploitation, l'établissement est engagé dans un plan d'efficience suivi attentivement par l'ARS d'Île-de-France.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour la réplique.

M. Daniel Fargeot. Je vous remercie, madame la ministre.

Je me permets d'insister sur un point : toute évolution dans l'organisation du site de Magny-en-Vexin, en particulier en ce qui concerne les urgences de nuit, ne pourrait se faire sans justification claire et une concertation loyale avec les élus et les professionnels de santé. Le lien de confiance avec nos territoires en dépend. Dans un département déjà sous-doté, chaque signal compte.

menaces sur l'avenir de l'institut mutualiste montsouris

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, auteur de la question n° 650, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Ian Brossat. Madame la ministre, s'il existe un droit fondamental, c'est bien celui à la santé. Aussi, je souhaite vous alerter sur la situation très critique que traverse l'Institut mutualiste Montsouris (IMM).

Cet hôpital privé à but non lucratif est situé dans le XIVe arrondissement de Paris, mais il rayonne également sur les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne. Depuis vingt-cinq ans, cet établissement joue un rôle essentiel dans notre système de santé. Il soigne chaque année des dizaines de milliers de patientes et de patients, en secteur 1, c'est-à-dire sans dépassement d'honoraires, dans des domaines majeurs : cancérologie, santé mentale des adolescents et maternité pour femmes en situation de handicap.

Pourtant, l'IMM est au bord du gouffre. En janvier dernier, il a été contraint de se déclarer en cessation de paiements. La situation financière est critique, et les causes sont bien identifiées : sous-financement chronique, explosion des charges, dette immobilière devenue insoutenable.

Dans la loi de finances 2024, le Gouvernement avait prévu pour soutenir l'IMM une aide exceptionnelle, mais celle-ci n'a toujours pas été versée. Ce retard met en péril 485 lits, 1 700 emplois et l'accès aux soins de milliers de Parisiennes et de Parisiens.

Par ailleurs, l'IMM n'est pas un cas isolé. D'autres centres parisiens sont concernés. Ainsi, les centres de santé de Réaumur et de Stalingrad pourraient voir fermer leurs services de kinésithérapie, d'infirmerie, d'orthoptie et d'autres spécialités.

La Ville de Paris, elle, prend ses responsabilités : elle soutient ses centres de santé municipaux existants ou en projet et elle facilite l'installation de médecins là où ils manquent, via le dispositif Paris Med'. Mais seule, elle ne pourra pas enrayer la dégradation continue de l'offre de soins.

Aussi, madame la ministre, ma question est simple : que compte faire le Gouvernement pour garantir la survie et la pérennité de l'Institut mutualiste Montsouris ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Ian Brossat, cet institut rayonne même depuis plus de vingt-cinq ans, puisque j'y suis née, quelques années plus tôt. (Sourires.)

Comme vous l'avez souligné, l'Institut mutualiste Montsouris traverse une période critique. Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte en janvier 2025, à la suite d'un défaut de paiement lié à l'absence de transformations structurelles durables.

Depuis 2015, l'État a soutenu l'établissement de manière constante, lui accordant 16 millions d'euros en aides de trésorerie, 2,2 millions d'euros de crédits exceptionnels, 41,5 millions d'euros de garanties de financement et 38,3 millions d'euros pour accompagner différents projets via les crédits régionaux.

Les candidats intéressés pour reprendre l'établissement ont eu la possibilité de déposer des offres jusqu'au 16 mai dernier. Finalement, cinq offres ont été déposées. Leurs auteurs sont Foch Santé International, en association avec l'Institut Curie ; la Fondation Hôpital Saint-Joseph ; des consortiums de nature financière, comme la société Prudentia Capital ; le groupe Sarah Santé, monté par des cardiologues libéraux ; enfin, le projet des docteurs Michel Bodkier et Mikaël Kaufman.

Ces offres sont actuellement analysées par l'administrateur judiciaire, qui est le seul à être compétent pour proposer une solution de reprise dans le cadre de la procédure judiciaire en cours. La procédure est naturellement suivie de très près par l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France, qui est en contact avec les administrateurs judiciaires.

Alors que le calendrier pour la désignation d'un repreneur est en cours de montage, l'État reste pleinement mobilisé pour préserver les valeurs de l'établissement : des soins de très haut niveau, accessibles à tous, dans un cadre permettant aux professionnels de santé de l'IMM de continuer à exercer leur expertise dans des conditions pérennes et sécurisées.

Je puis vous assurer que le ministre Yannick Neuder suit personnellement et avec la plus grande attention les suites de cette procédure.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour la réplique.

M. Ian Brossat. Madame la ministre, je vois comme un signal positif le fait que vous soyez née à l'Institut mutualiste Monstouris, car vous en connaissez donc l'importance et vous êtes consciente qu'il faut veiller à sa pérennité.

Mon groupe se mobilisera pour garantir la survie de cet établissement, et j'espère que l'État sera au rendez-vous.

fragilisation du maillage territorial des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, auteur de la question n° 655, adressée à M. le ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Michel Masset. Monsieur le ministre, l'université et le rectorat de Bordeaux sont actuellement en discussion pour appliquer la réforme de la formation des enseignants, dont l'entrée en vigueur est prévue pour la rentrée 2025.

Lors de l'annonce de cette réforme, le Gouvernement affirmait que les universités mettraient en place les nouvelles licences sur tout le territoire. Vous faisiez vous-même de l'ancrage territorial des universités « un élément clé de nos réussites collectives ».

C'est pourquoi je m'émeus d'apprendre que les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) d'Agen et de Périgueux risquent de perdre une partie de leur offre de formation au profit des grandes centralités de Bordeaux et de Pau. Ce faisant, nos sites ruraux conserveraient seulement les formations en master.

Ce choix serait particulièrement regrettable, car nous savons bien que les étudiants en licence restent souvent sur le même site d'enseignement pour leurs années de master.

Ce projet soulève des questions majeures d'aménagement du territoire, de formation des enseignants et de réponse aux besoins des écoles rurales.

Il est indispensable de mettre en cohérence les offres de formation et les besoins des territoires, comme le Sénat l'a fait en supprimant le numerus clausus dans les études de médecine au profit d'un pilotage plus cohérent de la formation. Nous devons absolument appliquer cette méthode à une profession non moins essentielle : celle des enseignants.

À l'heure où les effectifs des Inspé baissent continuellement, l'éloignement des formations de nos territoires ruraux est un facteur aggravant.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer de votre soutien à l'ouverture des nouvelles licences partout sur le territoire ? Garantirez-vous aux universités les moyens de remplir cet objectif ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Masset, vous m'interpellez sur les implantations territoriales des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation, qui forment les futurs enseignants, mais aussi, de manière plus générale, sur la carte territoriale des formations.

Vous soulignez l'intérêt de leur présence dans les territoires pour favoriser l'attractivité du métier d'enseignant. J'en suis parfaitement d'accord. Comme vous le savez, cette démarche de territorialisation est l'un des éléments de la réforme de la formation initiale des enseignants que je mets en œuvre avec la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale.

Nous souhaitons que les jeunes puissent passer les concours pour exercer au plus près de là où ils ont été formés. Avec les 32 Inspé répartis sur le territoire, nous sommes en mesure d'assurer une maille assez fine. Nous entendons conserver cette large couverture, afin que les lauréats puissent bénéficier de lieux de formation adaptés aux lieux de stage, qui seront plus nombreux à l'avenir.

Les Inspé sont des composantes universitaires qui dépendent de leur université de rattachement. Pour des raisons historiques, les bâtiments dans lesquels ils sont implantés n'appartiennent pas toujours aux universités. Ils sont souvent mis à disposition par des collectivités selon des dispositions financières très variables d'un bâtiment à l'autre.

Concrètement, la gestion des sites s'inscrit dans la politique immobilière de l'université que l'État expertise dans le cadre d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière. À ce titre, mon ministère n'est aucunement engagé dans l'étude d'un regroupement des sites des Inspé d'Agen et de Périgueux, comme vous dites le redouter. Au reste, cela ne relève pas directement de notre compétence.

Je suis en tout cas très attentif à cette question et je répète qu'il est très important de pouvoir proposer aux jeunes des formations dans les territoires, en particulier des licences.

C'est un enjeu fondamental, qui peut passer soit par des antennes universitaires, soit par des formations numériques dans des campus connectés. Pour tout cela, nous avons besoin d'une forte mobilisation des élus et des collectivités.

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour la réplique.

M. Michel Masset. Je vous remercie, monsieur le ministre. J'ai compris que nous pouvions compter sur votre soutien total et entier.

usage du numérique à l'école

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 647, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, il existe désormais un consensus scientifique : l'exposition aux écrans comporte de nombreux désavantages et risques pour la santé physique et mentale des enfants et des adolescents.

Votre gouvernement aurait d'ailleurs l'ambition d'agir sur ce sujet. Aussi voudrais-je vous interroger sur ce que nous imposons nous-mêmes à nos enfants en matière d'usage des écrans. Je pense en particulier à Pronote, Educartable et maintenant Papillon, qui permettent de prendre connaissance des notes en ligne, et même de faire office de cahier de textes.

J'attire votre attention sur le fait que ces différents dispositifs ne sont bons ni pour les enfants, ni pour les enseignants, ni pour les parents.

Tout d'abord, ils ne sont pas bons pour les enfants, car l'arrivée des notes en flux continu sans aucune explication est facteur de stress. Une note ne saurait être remise sans un commentaire de l'enseignant. Cela évite à l'enfant de discuter avec ses parents de la note ou du devoir en question.

En ce qui concerne les cahiers de textes, sans me considérer comme une boomeuse, j'estime que prendre des notes aide à assimiler les informations et permet de poser des questions à l'enseignant lorsque la consigne n'est pas comprise.

Ensuite, pour les enseignants, ces plateformes sont très intrusives et invasives. D'une part, elles représentent pour eux une charge de travail supplémentaire. D'autre part, elles les soumettent aux questions des parents.

En réalité, cette affaire n'est bonne pour personne. Ces outils peuvent servir de prétexte aux enfants pour passer du temps sur leur téléphone. Que peut dire un parent lorsqu'il demande à son enfant ce qu'il fait sur son téléphone et que celui-ci lui répond : « Je suis sur Pronote » ? Rien !

Aussi, votre gouvernement a-t-il l'intention de garantir le droit à la déconnexion des enfants, des parents et des enseignants ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, vous le savez, le Président de la République a commandé en 2024 un rapport sur ce sujet, dont les conclusions alertent sur les répercussions d'un usage incontrôlé des écrans.

La ministre d'État Élisabeth Borne partage également ces préoccupations. C'est pourquoi elle a confié au début de 2025 une mission sur le sujet à l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR). Ses conclusions sont tout à fait éclairantes.

Depuis 2010, l'année de publication de la circulaire imposant le déploiement d'un cahier de textes numérique, les pratiques ont considérablement évolué. Nous devons nous interroger de nouveau sur la place du numérique, à l'école comme en dehors.

Aussi Élisabeth Borne envisage-t-elle de revoir cette circulaire. S'il constitue un levier pédagogique important, l'usage du numérique à l'école doit être encadré, afin de prévenir les usages inappropriés, de protéger les élèves et de contribuer à un climat scolaire le plus serein possible.

Vous avez mentionné le stress parfois causé par des logiciels scolaires comme Pronote. Permettez-moi de préciser la chronologie que les professeurs sont censés respecter lorsqu'ils rendent les copies : tout d'abord, la copie est remise à l'élève, pour que celui-ci comprenne sa note ; ensuite, la note est affichée dans l'outil numérique ; enfin, la note est communiquée aux parents, à l'issue d'un délai raisonnable.

En ce qui concerne le droit à la déconnexion, c'est parce qu'elle a l'ambition de le garantir qu'Élisabeth Borne a demandé la suspension des mises à jour des logiciels de vie scolaire entre vingt heures et sept heures du matin. Il en va de même pour l'interdiction du téléphone portable au collège dès la rentrée prochaine.

Ainsi, je vous répète que le ministère s'attache à définir un cadre d'usage équilibré, qui tienne compte des déterminants sanitaires et pédagogiques que vous mentionnez.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, nous partageons les mêmes constats et nos points de vue semblent converger. Toutefois, il existe une différence entre vous et moi : vous gouvernez, pas moi ! Vous, vous pouvez prendre des décisions et mettre fin à l'usage de tous ces systèmes qui sont intrusifs pour les enfants, les parents et les enseignants, et pas moi.

conditions de prise en charge du temps de pause méridienne par les accompagnants des élèves en situation de handicap

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la question n° 652, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la prise en charge du temps de pause méridienne des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).

Le législateur a voulu, depuis l'année dernière, que l'État assume leur rémunération non seulement durant le temps scolaire, mais également pendant la pause méridienne. Ces dispositions devaient mettre fin aux inégalités de traitement entre les territoires.

Toutefois, sur le terrain, la réalité est tout autre. Dans de nombreux départements, les retours sont unanimes : l'État refuse ou tarde à prendre en charge la rémunération des AESH sur ce temps méridien.

Une incertitude juridique et financière pèse ainsi sur les collectivités, qui sont contraintes de pallier ces manquements. Rappelons qu'elles ne sont pourtant pas censées se substituer à l'État. Les finances de nos communes sont déjà fragilisées et elles se passeraient bien de cette nouvelle charge.

Pour ajouter à cette confusion, une note de service du 4 juin 2025 est venue contredire l'esprit même de la loi en abrogeant la note du 24 juillet 2024, qui encadrait la mise en œuvre de cette prise en charge. Alors que la loi devait garantir un accompagnement humain continu et effectif pour tous les élèves en situation de handicap, nous assistons à un retour en arrière.

À l'approche de la rentrée scolaire, cette situation crée une inquiétude considérable chez les familles, les AESH et les équipes éducatives, mais aussi pour les collectivités.

Monsieur le ministre, quelles raisons ont conduit le ministère à abroger cette note de service ? Comment comptez-vous rétablir la confiance et sécuriser juridiquement et financièrement la présence des AESH sur le temps méridien, afin que chaque enfant en situation de handicap soit pleinement accueilli et accompagné ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Lermytte, l'école inclusive représente la promesse tenue de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

À la rentrée dernière, quelque 520 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés sur les bancs de nos établissements. Ces élèves ayant des besoins particuliers, près de 340 000 d'entre eux sont accompagnés par une aide humaine, soit 8 % de plus que l'année dernière et 90 % de plus qu'en 2013.

Comme vous l'avez mentionné, la loi de 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne, dite loi Vial, prévoit désormais la prise en charge par l'État de la rémunération des AESH sur la pause méridienne.

Alors que 7 700 élèves environ étaient accompagnés par des AESH sur ce temps au 31 décembre 2024, ils étaient 8 600 trois mois plus tard seulement.

Le décret d'application que vous évoquez précise les conditions de recrutement et d'emploi des AESH. Il représente un appui précieux pour garantir à des milliers d'élèves une prise en charge de qualité. Il prévoit que l'État reste pleinement employeur des AESH et continue d'assumer toutes ses obligations.

Par ailleurs, ce décret précise qu'une coordination avec les collectivités est nécessaire à la bonne intervention des AESH. Chaque situation est donc traitée au cas par cas, en bonne intelligence avec les collectivités et les services déconcentrés du ministère.

Une foire aux questions a été mise en place pour répondre aux interrogations de chacun.

Enfin, les dispositifs de suivi et d'évaluation sont envisagés à l'échelon académique, en lien avec les services déconcentrés du ministère chargés de l'école inclusive.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour la réplique.

Mme Marie-Claude Lermytte. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais je pensais notamment aux communes rurales de petite taille, qui ont besoin de savoir dès maintenant comment elles organiseront le service en faveur des enfants en situation de handicap à la prochaine rentrée.

fermetures de classes en zones rurales et maillage territorial des établissements scolaires

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la question n° 644, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Monique de Marco. Monsieur le ministre, en Gironde comme dans bien d'autres départements, de nombreuses fermetures de classes sont programmées dans les zones rurales pour la rentrée 2025.

La direction des services départementaux de l'éducation nationale de Gironde a ainsi annoncé la fermeture de 105 classes d'écoles maternelles et élémentaires. À l'échelle nationale, la future carte scolaire prévoit 470 suppressions de postes dans le premier degré, qui pourraient entraîner près de 5 000 fermetures de classes. Nos territoires ruraux sont les premières victimes de ces fermetures.

Malgré la baisse démographique, ce choix est incompréhensible : dans le premier degré, la France a les classes les plus chargées d'Europe, avec une moyenne de 18 élèves par enseignant, contre 13 à l'échelle européenne.

Supprimer une classe va bien au-delà d'une simple réorganisation scolaire. Les répercussions sur les familles et les enfants sont nombreuses : les temps de trajets sont allongés et la réussite scolaire des élèves concernés en est affectée.

En outre, la fermeture d'une classe affaiblit la vie locale. L'école n'est pas seulement un lieu d'apprentissage, elle est aussi un lieu de cohésion sociale. Lorsqu'elle disparaît, tout l'équilibre d'un village est remis en question. Préserver les classes en milieu rural, c'est préserver un service public de proximité, garantir une éducation de qualité et contribuer activement au dynamisme de nos campagnes.

Monsieur le ministre, il est nécessaire d'adapter les politiques publiques éducatives aux réalités des zones rurales pour assurer l'égalité des chances. L'école de la République doit être un outil d'émancipation et de développement pour chaque élève, quels que soient son origine sociale ou son territoire.

À l'heure actuelle, les jeunes ruraux sont victimes d'inégalités territoriales et n'ont pas les mêmes chances de réussite que les autres jeunes : le taux de non-poursuite d'études s'élève à 23,6 % dans les territoires ruraux éloignés, contre 15 % en moyenne à l'échelle nationale.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous arrêter cette hémorragie qui transforme nos campagnes en déserts scolaires ? Que répondez-vous aux nombreux élus locaux qui demandent un moratoire sur les fermetures de classes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Monique de Marco, je veux rappeler que les moyens en emplois pour la rentrée 2025 ont été améliorés par rapport à la copie initiale du PLF, et cela précisément pour répondre aux difficultés que vous mentionnez.

Nous avons maintenu des postes qui allaient être supprimés et nous avons recruté 2 000 AESH supplémentaires. Mais ces arbitrages ne peuvent pas ignorer les faits démographiques. À la rentrée prochaine, les effectifs du seul enseignement primaire diminueront de 93 000 élèves.

La fermeture de certaines classes se traduira en réalité par une amélioration du taux d'encadrement, qui atteindra un niveau historiquement bas de 21 élèves par classe.

Madame la sénatrice, votre département, la Gironde, connaîtra une baisse de 1 700 élèves dans le premier degré à la rentrée prochaine. Une centaine de fermetures de classes est certes prévue, mais cinquante ouvertures le sont également, en plus des trente postes supplémentaires destinés à reconstituer les brigades de remplacement.

Le nombre moyen d'élèves par classe restera donc stable, notamment grâce au dialogue fourni qui s'est noué entre collectivités et services déconcentrés de l'éducation nationale. Ce dialogue est notamment permis par les observatoires des dynamiques rurales, créés par Élisabeth Borne lorsqu'elle était Première ministre.

Une attention particulière est portée aux territoires ruraux et à leurs écoles. La récente tenue du comité interministériel de la ruralité en témoigne.

En Gironde, l'investissement de l'État est le même que partout sur le territoire. Je pense aux territoires éducatifs ruraux, au service de l'égalité des chances – il en existe trois en Gironde –, mais aussi aux internats d'excellence ruraux – votre département en compte cinq.

Ces dispositifs préservent et favorisent un accès équitable à l'éducation partout sur le territoire ; c'est une priorité du Gouvernement.

enseignants contractuels et droit à la mobilité pour les titulaires

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, auteure de la question n° 663, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le ministre, nous constatons depuis les années 2000 une augmentation du recours à l'emploi contractuel au sein de l'éducation nationale.

Cette augmentation est assumée non plus comme un impératif de réajustement technique, mais bien comme une volonté politique de développer la coexistence de titulaires et de contractuels pour assurer les mêmes missions. C'est d'ailleurs par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique que le Gouvernement s'est doté des moyens légaux pour répondre à ce choix politique.

Or, nous le voyons bien, l'apport d'une telle flexibilisation est très faible. J'en veux pour preuve la totale incapacité dans laquelle nous nous trouvons pour endiguer la crise de recrutement, ou même pour assurer correctement le remplacement des personnels absents.

Cette situation obère gravement l'avenir du service public de l'éducation. Là où le concours et la formation initiale permettent aux enseignants d'assumer une véritable liberté pédagogique, la contractualisation, qui vise à réduire les coûts, risque au contraire de créer une forme d'aliénation.

Plus globalement, dans un contexte de renoncement progressif, nous assistons à la casse du cadre statutaire des enseignants. L'emploi statutaire permet en réalité une bien meilleure adaptation aux besoins territoriaux que l'emploi contractuel.

Les lauréats ultramarins aux concours nationaux, notamment les enseignants, supportent un lourd sacrifice lié à l'obligation de garantir une présence de fonctionnaires sur tout le territoire. Ils sont souvent contraints à commencer leur carrière loin du lieu de vie auquel ils aspirent, et cette situation dure parfois pendant une grande partie de leur carrière professionnelle. La précarisation ne répond en rien à l'intérêt général.

Dans ce contexte, le droit à la mobilité des titulaires est durement remis en cause par le recrutement massif de contractuels.

Par conséquent, j'aimerais connaître, monsieur le ministre, la part de contractuels enseignants par type de contrat – CDD ou CDI –, par degré – primaire, second degré –, par académie et par discipline.

(À suivre)