Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie
TITRE Ier
ACTUALISER LA PROGRAMMATION ÉNERGÉTIQUE NATIONALE
Chapitre Ier
Fixer une programmation énergétique ambitieuse
Article 1er
Après le 3° de l'article L. 100-2 du code de l'énergie, sont insérés des 3° bis et 3° ter ainsi rédigés :
« 3° bis Garantir le maintien du principe de péréquation tarifaire, le maintien des tarifs réglementés de vente d'électricité, la recherche de prix stables et abordables en électricité, la détention par l'État de la totalité des parts du capital de l'entreprise dénommée “Électricité de France”, conformément à l'article L. 111-67, la propriété publique du réseau de distribution d'électricité conformément à l'article L. 322-4, la propriété publique du réseau de transport d'électricité, conformément aux articles L. 111-19, L. 111-41 et L. 111-42, la sécurité d'approvisionnement en électricité ainsi que la recherche d'exportations dans ce secteur ;
« 3° ter Garantir la possibilité d'un prix repère de vente de gaz naturel, publié par la Commission de régulation de l'énergie, la recherche de prix stables et abordables en gaz, la détention par l'État d'une partie du capital de l'entreprise dénommée “Engie”, conformément à l'article L. 111-68, la propriété publique du réseau de distribution de gaz conformément à l'article L. 432-4, la sécurité d'approvisionnement en gaz ainsi que la diversification des importations dans ce secteur ; ».
Mme la présidente. L'amendement n° 68, présenté par MM. Devinaz, Montaugé, Michau, Fagnen et Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au 2° de l'article L. 100-2 du code de l'énergie, après le mot : « nécessité », sont insérés les mots : « notamment en favorisant une tarification sociale et progressive selon le niveau de consommation des ménages et leur composition ».
La parole est à Mme Karine Daniel.
Mme Karine Daniel. Cet amendement vise à faire figurer dans le texte que « la tarification sociale est progressive selon le niveau de consommation des ménages et leur composition ».
Mes chers collègues, il ne vous a pas échappé qu'hier est paru un rapport de l'Insee qui témoigne d'une augmentation des inégalités et d'un renforcement de la pauvreté en France.
Il nous semble très important que, sur la consommation des biens essentiels, un signal soit envoyé aux ménages les plus pauvres.
Cela passe, évidemment, par la tarification sociale, mais aussi par une tarification progressive en fonction de la composition des ménages et de leur niveau de consommation, afin d'inciter à la réduction de celle-ci et au bon usage de l'énergie dans notre pays.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L'adoption de l'amendement proposé n'est pas souhaitable.
Tout d'abord, celui-ci est satisfait, car le 2° de l'article L. 100-2 du code de l'énergie prévoit déjà de « garantir aux personnes les plus démunies l'accès à l'énergie, bien de première nécessité, ainsi qu'aux services énergétiques ».
Par ailleurs, l'article 1er de la proposition de loi confère une base légale à plusieurs mécanismes de tarification : le principe de péréquation tarifaire et les tarifs réglementés de vente, pour l'électricité ; le prix repère de vente, pour le gaz.
Aller plus loin poserait une difficulté juridique : d'une part, pour l'électricité, la disposition déstabiliserait la construction des TRVE ; d'autre part, pour le gaz, un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 septembre 2016 et une décision du Conseil d'État du 19 juillet 2017 ont mis fin aux tarifs réglementés de vente.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 31 rectifié, présenté par Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Bleunven, Delcros et Duffourg et Mmes Guidez, Jacquemet, Patru, Perrot, Romagny et Vermeillet, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... – Le 3° de l'article L. 100-2 du code de l'énergie est complété par les mots : « , notamment en optimisant l'utilisation des capacités de production variables grâce à la flexibilité des usages et au stockage ».
La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. Cet amendement a pour objet de favoriser le développement du stockage de l'électricité, en particulier sur les sites de production d'énergie renouvelable.
Grâce au stockage, il est possible de réduire les impacts de la principale difficulté liée à l'électricité : l'obligation d'injecter à chaque instant autant d'électricité qu'on en soutire. Le stockage permet en effet de gérer plus facilement les multiples variations de consommation et de production au cours de la journée.
Ainsi, on augmente la valeur de l'électricité en la stockant aux heures de surproduction, où sa valeur est faible, et en l'injectant aux heures de pointe de consommation, où elle a une valeur importante pour l'économie et les consommateurs. On réduit, en conséquence, la volatilité des prix de l'électricité, les impacts des heures creuses et des heures pleines, la nécessité de moduler les réacteurs nucléaires et d'écrêter les énergies renouvelables.
Au lieu d'être un problème, l'abondance d'électricité bon marché aux heures de forte production devient une opportunité pour réduire la facture des consommateurs, en stockant les surplus.
Pour ces raisons, il est pertinent d'inscrire le développement du stockage à proximité des parcs de production comme un objectif des politiques énergétiques.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. L'amendement proposé ne nous semble pas opportun.
Sur le fond, il serait pour partie satisfait, car le 4° bis de l'article L. 100-4 du code de l'énergie prévoit déjà de « favoriser le stockage d'électricité ».
Par ailleurs, l'article 4 de la proposition de loi assigne plusieurs objectifs tendant à favoriser ces flexibilités.
Sur la forme, l'adoption de cet amendement viendrait complexifier la rédaction de la proposition de loi, dont l'article 1er est consacré aux grands principes du système électrique et gazier, tandis que l'article 4 porte, comme je viens de le dire, sur les objectifs en matière de flexibilité. Nous souhaitons conserver cette répartition, plus claire.
En conséquence, nous émettons un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Il me semble que l'amendement est déjà satisfait.
Mme la présidente. L'amendement n° 174, présenté par MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
tarifs réglementés de vente d'électricité
insérer les mots :
définis en fonction des caractéristiques intrinsèques du mix de production français et des coûts liés à ces productions, des imports-exports, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Au travers de cet amendement, il s'agit aussi de poser une question : comment allons-nous construire les prochains tarifs réglementés de l'électricité ?
Aujourd'hui, le tarif réglementé répond à plusieurs critères, dont le principe de contestabilité et une part d'Arenh.
Ce système s'arrêtant à la fin de 2025, il faut bien que nous débattions de la manière dont nous allons désormais calculer le tarif.
Nous sommes, pour notre part, favorables au retour à un principe simple : que ce tarif prenne en compte les coûts de production, de transport, de distribution et de commercialisation ; qu'il s'approche le plus possible des coûts de production ; qu'il corresponde non pas à un prix, mais bien à un tarif.
Monsieur le ministre, comment allez-vous calculer ce nouveau tarif réglementé ? Nous sommes à votre disposition pour en discuter.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Notre collègue Fabien Gay est toujours pertinent. Cependant, l'amendement qu'il propose ne peut être retenu.
Sur le fond, il viendrait déstabiliser la construction des tarifs réglementés de vente d'électricité.
Il ne respecterait pas le cadre européen : l'article 5 de la directive sur le marché de l'électricité du 5 juin 2019 encadre strictement les interventions publiques dans la fixation des prix.
Il ne respecterait pas non plus le cadre national, puisque l'article L. 337-4 du code de l'énergie confie aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie, le soin de fixer les TRVE.
Sur la forme, l'adoption de cet amendement viendrait complexifier la rédaction de la proposition de loi : alors que l'article 1er est une disposition programmatique, qui modifie l'article L. 100-2 du code de l'énergie, l'amendement vise, en réalité, à insérer une disposition non programmatique, qui impacterait très directement la construction des TRVE, prévue à l'article L. 337-5 du même code.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre. Monsieur Gay, votre amendement vise à définir les TRVE en référence au coût du système électrique et de manière décorrélée du marché.
Je veux d'abord rappeler une nouvelle fois dans cet hémicycle que le Gouvernement soutient le principe même des TRVE : j'ai moi-même adressé un rapport à la Commission européenne pour défendre ce système, sur lequel des interrogations, des critiques et même des attaques se sont fait jour.
Je rappelle que le niveau des tarifs réglementés de vente de l'électricité – les prix qui sont fixés – a vocation à refléter les coûts des fournisseurs actifs en France. Comme vous le savez, ces coûts intègrent non seulement les coûts d'approvisionnement en électricité, mais également ceux du mécanisme de capacité, les frais d'accès au marché de l'énergie, l'espérance des risques quantifiables, les coûts d'acheminement des réseaux et les coûts commerciaux. C'est donc un ensemble de « briques » qui viennent composer ce prix.
Je tiens à vous dire que le Gouvernement est attaché à rapprocher les coûts d'approvisionnement en électricité des coûts du système électrique. C'est notamment l'objet du versement nucléaire universel, qui prendra la suite de l'Arenh et dont les modalités de calcul sont aujourd'hui en cours d'élaboration et donnent lieu à consultation (M. Fabien Gay s'esclaffe.), notamment devant la CRE et le Conseil supérieur de l'énergie, dans la transparence qui sied à l'élaboration de tels décrets.
Je vous redis que nous soutiendrons et défendrons les TRVE au niveau européen de manière constante.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je tiens d'abord à remercier M. le rapporteur de ses mots sympathiques. (Sourires.)
Nous sommes cohérents, monsieur le ministre : vous avez compris que nous sommes pour sortir l'énergie du secteur marchand, y compris, évidemment, avec les acteurs alternatifs, dont je considère qu'ils sont des requins qui se goinfrent et sur la bête EDF, et sur les usagers de l'électricité.
Votre raisonnement n'est pas le même, mais c'est un sujet politique, sur lequel nous pouvons être en désaccord et dont nous pouvons débattre démocratiquement.
En revanche, vous n'avez pas répondu à ma question.
Alors que le système de l'Arenh prend fin et sera remplacé par le versement nucléaire universel, personne ne sait comment le système va fonctionner – j'avais déjà donné l'alerte lors de l'examen du budget.
Aujourd'hui, sept mois plus tard, le ministre nous explique, depuis le banc de cet hémicycle, que le principe est encore en débat.
M. Fabien Gay. Pour l'instant, il n'est pas fixé ! Personne ne sait comment les choses vont fonctionner, même à EDF, même à la CRE !
Nous avions 70 % de l'énergie nucléaire au prix de 42 euros. Nous allons vers un système libéralisé à 100 %, avec des tarifs entre 70 euros et 110 euros. Je suis prêt à parier ici que les prix augmenteront de 10 % !
À cinq mois de l'échéance, nous ne savons toujours pas comment le système va fonctionner. C'est un problème politique collectif – je rappelle que les TRVE concernent 21 millions de ménages…
Il est temps, monsieur le ministre, que vos services nous informent sur le fonctionnement de ce nouveau mécanisme et que nous en débattions.
Entre le passage de la TVA de 5,5 % à 20 % sur les abonnements au 1er août et la hausse, in fine, de 10 %, la note va être sacrément salée pour le plus grand nombre de Françaises et de Français !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12 rectifié bis, présenté par M. Piednoir, Mme Belrhiti, MM. Brisson, Daubresse, Delahaye, Sautarel et Naturel, Mmes Dumont et Micouleau, MM. Savin et Milon, Mmes P. Martin et Lassarade, MM. Belin et Bouchet, Mmes Saint-Pé, Gosselin, Garnier, Pluchet, Hybert et Billon, MM. Lefèvre, Michallet, Margueritte, C. Vial, Sido et Genet, Mme Imbert, M. Bonneau et Mme Bellamy, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la deuxième occurrence du mot :
électricité
insérer les mots :
reflétant les coûts complets du système de production électrique et de transport
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Cet amendement vise à intégrer les coûts de transport de l'électricité dans le calcul du coût complet, objet de l'article 1er de notre proposition de loi.
La raison en est assez simple.
Notre structure de distribution de l'électricité est fondée sur une construction historique, avec des injections massives centralisées autour des réacteurs nucléaires et un réseau de distribution prévu en conséquence. La prolifération des énergies renouvelables sur l'ensemble des territoires nécessite la création de sous-réseaux et l'extension de réseaux.
Puisque l'article 1er vise explicitement à établir le diagnostic du coût complet de l'électricité, il me semble que cette composante du transport mérite d'être prise en compte à sa juste mesure. Elle est importante : il suffit de penser aux budgets, aux dépenses et aux investissements annoncés par RTE comme par Enedis pour le transport d'électricité.
Il s'agit d'un amendement de précision rédactionnelle.
Mme la présidente. L'amendement n° 66, présenté par MM. Montaugé, Michau, Devinaz, Fagnen et Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la deuxième occurrence du mot :
électricité
insérer les mots :
reflétant les coûts complets du système de production électrique
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet amendement s'inscrit dans le prolongement de celui que vient de défendre Fabien Gay.
Finalement, plus notre mix de production électrique se décarbone, plus nous restons dépendants du prix des énergies fossiles que nous utilisons dans ce mix.
Notre amendement a pour objet de prendre en compte les coûts complets du mix énergétique, afin d'instaurer une forme de stabilité et de visibilité des prix de l'électricité, en même temps qu'une maîtrise plus grande de ces derniers.
J'ai bien conscience cependant qu'il faut procéder à une refonte du calcul des prix, non seulement sur le plan national, mais aussi en tenant compte des règles européennes.
Nous n'allons pas, par exemple, continuer à dépendre du prix du gaz, que, du reste, nous importons, notamment de Russie – hélas ! cette réalité géopolitique perdure.
Le système actuel fonctionne à nos dépens, et notamment au détriment des plus modestes des Français – Fabien Gay a bien fait d'évoquer les tarifs réglementés. Nous devons en sortir.
Pour cela, il faut un système rénové qui prenne en compte les coûts complets actualisés de l'ensemble du mix de production. Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Cadec, rapporteur. Les amendements nos 12 rectifié bis et 66 ont le même objet : faire mention dans la loi des coûts complets du système de production électrique. Je n'y suis pas favorable, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, ces amendements tendent à revenir sur les travaux que Daniel Gremillet, le rapporteur Patrick Chauvet et moi-même avons réalisés au sein de la commission.
Ayant fait un travail de coconstruction avec notre collègue député Antoine Armand, nous avons repris en commission un apport qui avait été adopté par l'Assemblée nationale : l'objectif de recherche de prix stables et abordables, pour l'électricité comme pour le gaz. En allant plus loin, ainsi que le souhaitent les auteurs des amendements, on créerait un irritant fort pour la suite de la navette parlementaire.
Par ailleurs, ces amendements sont satisfaits par le droit en vigueur, mais aussi par les nouvelles dispositions prévues. En effet, pour ce qui concerne le droit existant, il est déjà prévu dans le code de l'énergie de « maintenir un prix de l'énergie compétitif et attractif ». Et avec l'article 1er de la présente proposition de loi, il s'agit de conférer une base légale à plusieurs mécanismes de tarification.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre. Au-delà des arguments développés par M. le rapporteur, et que j'approuve, je souhaite réitérer les propos que j'ai précédemment adressés à M. Gay : les coûts sont en réalité composés de plusieurs briques – les coûts de transport, les coûts liés au mécanisme de capacité, les coûts d'acheminement –, et, à la fin, ce sont les coûts supportés par les fournisseurs actifs qui doivent être pris en compte. De ce point de vue, il n'apparaît pas opportun d'ajouter dans la loi une référence aux coûts complets du système de production électrique.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. On entend souvent certains propos relatifs aux réseaux électriques…
L'Opecst a indiqué, dans une note, que ces réseaux représentaient un enjeu fondamental pour les années à venir. On prévoit en effet 100 milliards d'euros dédiés au réseau de transport d'électricité, et 100 milliards d'euros pour le réseau de distribution. Ces coûts sont considérables.
Or il existe une petite musique selon laquelle une grande partie de ces coûts serait liée aux énergies renouvelables. Il convient de pondérer cette assertion, car il s'avère que bon nombre desdits coûts seront dus, en réalité, à l'électrification des usages. Il faudra, en effet, alimenter l'ensemble des bornes de recharge des véhicules électriques, et renforcer le réseau, qui est assez âgé et vétuste – on doit le dire ! Il faudra aussi prendre en compte le réchauffement climatique, qui va nous coûter très cher. Ainsi, le réseau de transport d'électricité subit des dommages lors des épisodes de canicule, notamment parce que des fils se détendent. Tout cela a un coût !
Par ailleurs, lorsque les EPR2 seront – un jour... – prêts à fonctionner, il faudra également les raccorder, et renforcer les lignes électriques à cet effet.
Les 200 milliards d'euros prévus ne seront donc pas consacrés uniquement aux énergies renouvelables, contrairement à ce que dit le RN, en particulier ! Il faut avoir le courage politique de regarder les choses en face : ces coûts seront bien liés à l'électrification des usages.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Je remercie Daniel Salmon de me rafraîchir la mémoire, au cas où j'aurais oublié les travaux de l'Opecst…
Je suis quelque peu étonné par les avis du rapporteur et du ministre. En effet, la prise en compte du coût de production stricto sensu ne saurait suffire à obtenir une évaluation des coûts, ce qui est notre objectif dans le cadre du présent débat sur le mix énergétique. Je vais vous donner un exemple de coût complet : pour évaluer le coût du nucléaire, on prend en compte non pas seulement le coût de production, mais aussi le coût du démantèlement, lequel a sans doute été sous-estimé – je vous rejoins sur ce point, mes chers collègues – à un moment donné de notre histoire.
Je n'ai jamais dit que le montant de 200 milliards d'euros était intégralement lié à la création d'un réseau de distribution pour des installations de production d'énergies renouvelables. Néanmoins, une partie de ce montant sera bien dédiée à la production d'EnR.
Si mon amendement doit constituer un « irritant » pour l'Assemblée nationale, tant pis ! Celle-ci n'a pas eu tant d'égards envers le Sénat lorsqu'elle a voté un certain nombre d'amendements qui étaient totalement hors contexte, et que nous avons assez largement dénoncés dans cet hémicycle…
Il s'agit simplement de bon sens ! Loin de moi l'idée de cibler ou de défavoriser tel ou tel mode de production ; je veux simplement que le texte fasse mention des coûts complets, lesquels doivent intégrer les « externalités ». Et, concernant les réseaux, il convient que le coût de leur extension soit pris en compte.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Je vais tenter d'éclairer quelque peu ce sujet complexe.
Monsieur le ministre, les coûts complets sont d'ores et déjà pris en compte pour ce qui concerne l'acheminement, le transport, la distribution, le mécanisme de capacité et les flexibilités nécessaires au bon fonctionnement du réseau. Et ces coûts sont répercutés sur le consommateur sous la forme d'une base d'actifs régulés (BAR).
Nous demandons que la même méthode soit appliquée pour la production d'électricité, ce qui nous permettrait de nous affranchir progressivement et complètement du prix des fossiles et de satisfaire au plus près les besoins et la demande. Car tel est bien l'enjeu ici.
Traduire les coûts de la production nucléaire ou des énergies renouvelables non pilotables sous la forme d'une BAR, c'est un choix politique. On connaîtrait ainsi l'empilement des coûts qui sont payés au final par le consommateur, en plus des taxes.
Tel est l'objet de ces deux amendements, qui vont dans le sens de l'intérêt de tous les consommateurs, y compris les industriels.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Nos débats seraient peut-être un peu plus limpides et éclairés, y compris avec l'Assemblée nationale, telle qu'elle est composée actuellement, si l'on avait pris la peine d'établir une étude d'impact objective sur les coûts complets de chaque source de production d'électricité. Mais nous y reviendrons plus tard.
Je n'ai pas compris les arguments justifiant l'avis défavorable du rapporteur. Pourquoi ne pourrait-on pas intégrer le coût du transport dans les coûts complets ? Même si cela devait constituer un irritant pour l'Assemblée nationale, en quoi, sur le fond, ne serait-ce pas un élément important ?
Je ne dis pas que les 200 milliards d'euros prévus sont liés uniquement aux énergies renouvelables, mais que, sur les 100 milliards d'euros dédiés à RTE, 40 milliards sont fléchés sur les EnR. Pour le reste, une partie importante des crédits est dédiée à la modernisation du réseau. Il est nécessaire de tenir compte de tout cela si l'on veut faire les bons choix, et c'est ce que nous cherchons tous !
Je soutiendrai donc, à titre personnel, l'amendement de Stéphane Piednoir visant à intégrer les coûts de transport dans les coûts complets.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Nous n'avons pas dû regarder le même débat à l'Assemblée nationale ! En effet, des amendements y ont été défendus en faveur de la prise en compte des coûts complets et un accord a été trouvé avec le bloc central sur ce point, car cette question ne faisait pas débat ! C'est la volonté de saucissonner l'amendement rédactionnel en quatre qui a fait échouer l'affaire et a provoqué la sortie des députés modérés de l'hémicycle, personne ne voulant écouter...
Monsieur le rapporteur, mon groupe votera l'amendement n° 12 rectifié bis de Stéphane Piednoir, car il est évident qu'il faut prendre en considération les coûts complets de l'énergie pour prendre des décisions correctes !
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 66 n'a plus d'objet.