Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour explication de vote.

Mme Marianne Margaté. La période particulière que nous vivons nous donne l’impression de ne pas avoir quitté le XXe siècle.

Le XXe siècle est celui de l’abolition de la peine de mort, que nous avons pu de nouveau célébrer, avec une émotion légitime, la semaine dernière lors de la panthéonisation bien méritée de Robert Badinter.

Le XXe siècle, c’était l’instabilité institutionnelle de la IVe République, où l’on changeait de gouvernement en moyenne tous les six mois.

Le XXe siècle, c’était la France des colonies. Quand elle partait, elle choisissait son remplaçant et, quand elle n’y parvenait pas, elle faisait le pari de la guerre ou de la déstabilisation.

Ces retours en arrière ne sont pas tous réjouissants et, à choisir, je préfère évidemment le XXe siècle de Badinter à celui des colonies.

Mes chers collègues, nous ne sommes plus au XXe siècle. Soixante ans après la décennie des décolonisations françafricaines, comment pouvons-nous encore tergiverser quand il s’agit de réparer les injustices du passé ?

À quelle histoire souhaitons-nous participer ? À quel récit voulons-nous contribuer ?

Dans cet hémicycle ont siégé de grands noms, tels Victor Schœlcher et Georges Clemenceau, et d’autres qui, étant le fruit d’une époque, n’ont pas toujours su se montrer à la hauteur des enjeux du moment.

Aujourd’hui, la situation nous oblige. Nous devons redevenir un pays de droit, d’égalité et de respect du droit à l’autodétermination des peuples, comme l’exigent légitimement nos amis kanaks, qui n’ont pas besoin d’être nos compatriotes pour être nos sœurs et nos frères en humanité.

Mes chers collègues, notre groupe est fier de porter le nom de Kanaky. Aujourd’hui, nous refuserons ce texte et, plus que jamais, nous disons : vive la Kanaky libre !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, a fait le choix d’inscrire ce texte en priorité à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée.

De fait, nous considérons que vous vous ancrez dans un déni de démocratie. Vous nous demandez de voter ce texte prévoyant le report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la mise en œuvre de ce que vous appelez l’accord de Bougival.

Or, vous le savez bien, cet accord n’en est pas un. Il a été rejeté par le peuple kanak et nous n’en sommes pas dupes. Nous ne pouvons donc pas justifier cette oppression. L’accord du 12 juillet n’existe pas : le FLNKS l’a rejeté formellement et le Sénat coutumier l’a désavoué. Aucune majorité locale n’en revendique d’ailleurs la paternité.

Nous sommes donc face non pas à un compromis historique, mais à une proposition qui a été rejetée. Nier cette réalité, c’est nier les droits politiques du peuple kanak. Les dangers d’un tel mépris sont immenses.

Mes chers collègues, j’en appelle à votre responsabilité et vous invite à vous ranger prioritairement du côté du peuple qui souffre depuis 1853.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Mme Michelle Gréaume. Alors que ce texte aurait pour objet de préparer l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, il commence par confisquer la parole du peuple calédonien. Après déjà deux reports, en proposer un troisième revient à geler la vie politique, à priver un territoire de son droit à décider.

Comment ne pas voir dans cette dérive la logique autoritaire qui s’est exprimée lors de la réforme de l’audiovisuel public ? Là encore, le débat nous a été refusé, la procédure parlementaire a été piétinée. En quelques jours, sans étude d’impact, le Gouvernement a voulu remodeler le visage de l’information publique, au mépris de la concertation, du pluralisme et du Parlement lui-même.

Qu’il s’agisse de la réforme de l’audiovisuel public, des retraites ou de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, le pouvoir macroniste fait preuve de constance : il décide seul, impose ses textes dans l’urgence, muselle les contre-pouvoirs, qu’ils soient médiatiques ou électoraux. Cette manière de gouverner traduit une crise profonde de la démocratie, celle d’un exécutif qui ne supporte plus ni la contradiction ni le dialogue.

Pourtant, la République, c’est le respect de la souveraineté populaire, c’est consentir à donner la parole à toutes les composantes du pays.

Voilà pourquoi, en conscience, nous ne voterons pas ce texte et nous vous invitons à voter notre amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous demandons la suppression de l’article 1er.

Nous pensons que le Gouvernement aurait été bien inspiré d’inscrire en priorité à l’ordre du jour de nos travaux le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer. Dans ces collectivités, le coût de la vie est largement supérieur à celui de la métropole. La Nouvelle-Calédonie-Kanaky ne fait pas exception.

Selon le rapport d’information de nos collègues de la délégation sénatoriale aux outre-mer relatif à la lutte contre la vie chère outre-mer, publié en avril dernier, le prix de l’alimentation est, dans les Antilles, 45 % supérieur aux tarifs de la métropole. Dans le Pacifique, les prix en Nouvelle-Calédonie-Kanaky sont supérieurs de 78 % à ceux de la métropole.

Selon les données publiées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le panier moyen de l’archipel coûte 108 % plus cher que celui de l’Hexagone. Dans un territoire où le taux de chômage approche 15 % et le taux de pauvreté 17 %, cette situation économique ne fait qu’aggraver les disparités.

Il faut ajouter au prix des produits de première nécessité le montant des loyers, qui atteignent à Nouméa les niveaux parisiens, les prix de l’électricité et du carburant, de 20 % à 30 % supérieurs, ainsi que les prix des véhicules, 15 % plus élevés qu’en métropole, alors que les salaires moyens ne suivent pas cette inflation.

Cette situation aggrave les inégalités sociales et pénalise les ménages modestes, notamment les populations kanakes.

Si la dépendance aux importations explique en partie cette situation, la vie chère en Nouvelle-Calédonie est surtout la conséquence de la concentration des secteurs de la grande distribution, de l’énergie et des télécommunications entre quelques acteurs, qui fixent des prix élevés, en l’absence de régulation forte. Par exemple, les trois grandes surfaces qui contrôlent 80 % du marché alimentaire pratiquent des marges bien supérieures à celles de la métropole.

Ces inégalités sont le bilan de la France et de ses gouvernements, qui préfèrent ajourner et reporter les élections locales plutôt que de prévoir de véritables moyens pour le peuple kanak.

Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Je dois dire que j’envie certains de mes collègues, manifestement pleins de certitudes. Pour ma part, j’en ai beaucoup moins.

Comme je l’ai déjà longuement fait, je continue de m’interroger sur le sens de ce texte, que je voterai en redoutant les conséquences, demain, sur le terrain – il faut que tout se passe bien.

Cependant, j’entends tous mes collègues : l’un parle des retraites, l’autre de l’audiovisuel public… Je pense que, par respect pour la Nouvelle-Calédonie et ses habitants, il faut essayer de ne pas tout mélanger et de s’en tenir à un discours sur des sujets qui les concernent au premier chef.

J’entends des oppositions. La réalité est relativement simple, mais il me semble que nous devons la rappeler.

D’abord, nous sommes le Parlement : si nous votons une loi, celle-ci est adoptée démocratiquement.

Ensuite, pour ce qui concerne Bougival, je le dis : il y a un accord. Ce n’est pas parce que certains refusent de le signer que ce n’est pas un accord. Est-ce un accord unanime ? La réponse est non. Est-ce un accord ? La réponse est oui. Je souhaite, comme d’autres, que l’ensemble des forces politiques, dont le FLNKS, qui a été dans notre histoire et demeure un mouvement important, participent à cet accord.

Nous devons nous interroger : comment procéder pour qu’il y ait un débat en Nouvelle-Calédonie, pour rapprocher les uns et les autres, pour que cette discussion débouche sur un accord ? Tel sera l’objet d’un prochain texte que nous aurons à adopter, à savoir la proposition de loi constitutionnelle.

Mais, aujourd’hui, la question qui nous est posée concrètement est la suivante : sommes-nous, oui ou non, capables, dans les conditions actuelles, de tenir des élections en novembre ? Pour ma part, je pense que non.

Ce que je demande donc à Mme la ministre, c’est de nous garantir que, sur le terrain, les conditions seront réunies et que les mesures seront prises pour éviter des situations compliquées et tout dérapage. Comment éviter à la Nouvelle-Calédonie de perdre encore plus de 14 % de son PIB ? C’est une autre question qui m’intéresse aujourd’hui.

De grâce, essayons de rester dignes et de nous en tenir au sujet. Nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, qu’ils soient indépendantistes ou non, le méritent.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 9.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Xowie, Mme Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Remplacer la date :

28 juin 2026

par la date :

30 novembre 2025

La parole est à M. Robert Wienie Xowie.

M. Robert Wienie Xowie. Cet amendement vise à rétablir au 30 novembre 2025 au plus tard la date des élections.

À titre alternatif, si l’on ne supprime pas l’article 1er, nous proposons de borner le report au 30 novembre 2025, délai déjà prévu par la loi organique du 15 novembre 2024.

Pourquoi ? Parce que le Conseil constitutionnel, sur le fondement de l’article 3 de la Constitution, exige que les électeurs soient appelés à voter selon une périodicité raisonnable. Il a admis les précédents reports au regard de motifs précis : révision constitutionnelle envisagée, impossibilité matérielle, reprise du dialogue.

Rien de comparable ne justifie aujourd’hui de reporter les élections au plus tard au 28 juin 2026, d’autant que le motif invoqué – le projet d’accord de Bougival – est contesté.

Retenir 2026 ferait perdurer l’exception dans la durée, affaiblirait la légitimité des élus et exposerait le dispositif à un risque d’inconstitutionnalité.

La date du 30 novembre 2025 assure l’équilibre constitutionnel. Elle garantit la périodicité du suffrage, sécurise le calendrier et évite une prorogation disproportionnée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. S’il était adopté, cet amendement aurait exactement les mêmes effets que les amendements précédents : il viderait le texte de toute sa substance. La commission y est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Il s’agit d’un amendement de repli. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, j’y suis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, il va falloir aller plus loin dans l’analyse juridique. Certes, ce sont vos premiers moments dans l’hémicycle du Sénat, mais sachez que nous aimons y discourir plus avant !

Pour ma part, j’aimerais que vous nous exposiez le fondement juridique de l’un de vos arguments, à savoir l’anticonstitutionnalité de la perpétuation du gel du corps électoral.

Vous le savez, la Nouvelle-Calédonie est une collectivité sui generis, dont le statut est défini par la Constitution. Or le gel du corps électoral figure précisément dans la Constitution. Il est donc constitutionnel, puisqu’il est un élément constitutif de cette collectivité sui generis.

Par conséquent, l’argument que vous nous opposez, selon lequel il ne faudrait pas aujourd’hui perpétuer le gel, ne tient pas. C’est là un point tout à fait important.

J’aimerais que nos collègues comprennent que nous discutons non pas d’une collectivité comme les autres, mais d’une collectivité qui, du fait de l’accord de Nouméa, sort aujourd’hui de la République française et a un statut très particulier, défini par la Constitution.

Les arguments que nous avançons en France métropolitaine ne tiennent donc pas pour cette collectivité qui, je le répète une nouvelle fois, a un statut sui generis.

Par ailleurs, je vous ai entendue, madame la ministre, ainsi que d’autres collègues, nous dire qu’il fallait absolument continuer de discuter avec le FLNKS. Mais si vous votez ce texte, le débat s’arrêtera. De fait, le FLNKS a prévenu qu’il ne participera jamais à la négociation si la proposition de loi organique est votée. Pour permettre la négociation, il ne faut donc pas le voter ce soir.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous sommes contre !

(Larticle 1er est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, il est vingt heures. Sauf si vous préférez poursuivre l’examen du texte après la suspension du soir – Mme Cukierman a fait un rappel au règlement à ce sujet –, je vous propose d’achever notre discussion maintenant.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion en vue d'un accord consensuel sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie
Article 3

Article 2

Les fonctions des membres des organes du congrès en cours à la date de promulgation de la présente loi organique sont prorogées jusqu’au jour de la première réunion du congrès nouvellement élu en application de la présente loi organique.

Mme la présidente. Les amendements nos 5 et 10 sont identiques.

L’amendement n° 5 est présenté par M. Xowie, Mme Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 10 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Gontard, Mellouli, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Robert Wienie Xowie, pour présenter l’amendement n° 5.

M. Robert Wienie Xowie. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, qui proroge les organes du congrès jusqu’à la première réunion du congrès issu du scrutin reporté.

Le problème est que le congrès n’a pas été consulté, alors que la mesure affecte directement son fonctionnement interne et la durée des mandats de ses organes. Cette omission heurte l’exigence de loyauté du dialogue institutionnel qui fonde l’équilibre calédonien.

Il en résulte deux conséquences. Si l’article 1er est supprimé ou si l’on retient l’échéance du 30 novembre 2025, l’article 2 devient sans objet. À défaut, il aggrave la prorogation au détriment de la légitimité, sans avis préalable de l’assemblée concernée.

Par conséquent, nous demandons la suppression de l’article 2 afin d’éviter d’enfermer la Nouvelle-Calédonie dans un intermède institutionnel prolongé, sans le consentement des représentants locaux.

Restaurons une méthode : consultons le congrès lorsque l’on touche à ses organes et limitons dans le temps toute prorogation, au seul service du retour au suffrage.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 10.

Mme Mélanie Vogel. Notre collègue Rachid Temal a dit que, contrairement à lui, nous étions nombreux à avoir beaucoup de certitudes dans cet hémicycle.

Pour être honnête, j’ai non pas des certitudes, mais une inquiétude sur ce qui va se passer si nous votons ce texte.

En réalité, si l’on essaie d’analyser les choses à froid, on voit très bien quels sont les risques de voter ce texte : nous actons un accord qui n’est pas consensuel et qui met de côté l’une des forces principales de représentation du peuple kanak, ce qui peut nous conduire à la tragédie.

En revanche, je vous avoue que je ne vois pas quels risques il y aurait à ne pas voter ce texte. Quel risque y aurait-t-il à organiser des élections dont la tenue est parfaitement constitutionnelle et qui permettront d’élire des représentants à la légitimité renouvelée, reflets du nouveau rapport de forces qui prévaut aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie, y compris sur l’accord de Bougival, représentants qui pourront ensuite négocier en prenant tout le temps nécessaire ? En organisant les élections à la date prévue, nous donnerions le temps nécessaire à l’adoption d’un accord une fois les élections passées.

Bref, les risques du vote sont très clairs. D’ailleurs, tous ceux de nos collègues qui soutiennent le texte les ont évoqués et ont eux aussi exprimé leur grande inquiétude.

Mais, honnêtement, que pourrait-il se passer si des élections démocratiques se tenaient en Nouvelle-Calédonie avec un corps électoral reconnu comme légitime par le Conseil constitutionnel ? Franchement, je ne comprends pas cette inquiétude.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. Sans cet article 2, les instances internes du congrès seraient renouvelées à quelques mois d’écart, à la fin de cette année 2025, puis l’été prochain.

La commission a jugé que ce double renouvellement successif serait dommageable à la continuité et à la stabilité des institutions de la Nouvelle-Calédonie. L’article 2 est donc pertinent.

J’ajoute par ailleurs – nous l’avons appris lors des auditions que nous avons menées – que des discussions ont eu lieu entre les membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie, qui ont finalement décidé de ne pas nous demander ce report.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. L’adoption de ces amendements reviendrait à purger l’article 1er, ce qui n’aurait pas de sens puisqu’il a été adopté. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Je souhaite répondre rapidement à M. Ouzoulias : monsieur le sénateur, je suis prête à faire du droit – c’est mon métier –, pourvu que l’on m’interroge.

En l’occurrence, je n’ai jamais dit que le gel du corps électoral était anticonstitutionnel ! D’ailleurs, il est constitutionnel, puisqu’il est dans la Constitution. La boucle est bouclée…

En revanche, vous savez bien ce que dit le Conseil constitutionnel, qui émet des réserves et explique que des atténuations peuvent être apportées – je le cite – « pour tenir compte des évolutions de la situation démographique de la Nouvelle-Calédonie », de ce qui se passe sur le territoire, « et atténuer ainsi l’ampleur qu’auront prise, avec l’écoulement du temps, les dérogations au principe d’universalité et d’égalité du suffrage. »

De fait, à un moment donné, le gel du corps électoral finira par épuiser le corps électoral !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Le but n’est pas ici de consulter les dictionnaires ni de régler des questions sémantiques. Nous pouvons à la fois faire preuve d’une grande humilité et avoir des convictions fortes, sans que cela signifie, du reste, que nous ayons des certitudes. Aucun des membres de notre groupe n’a de certitudes, pas plus sur ce dossier que sur d’autres.

En revanche, en toute humilité, nous avons des convictions, nourries par les échanges que nous avons, tout comme d’autres ici, avec un certain nombre de représentants politiques présents en Calédonie.

Par conséquent, avec humilité, sans certitudes, mais avec beaucoup de conviction, nous importons ici, au Parlement français, des débats qui ont réellement lieu sur place.

La suppression de l’article 2 est pour nous importante. De fait, tout se tient : nous l’avons dit, Bougival n’est pas un accord, mais le gel électoral est valide. Les accords restent notre boussole et la démocratie se tient à l’heure. Nous choisissons donc la cohérence. Nous ne voulons pas de troisième report.

Oui, nous souhaitons que les élections provinciales puissent être organisées avant le 30 novembre, avec toutes les garanties nécessaires, comme je l’ai dit tout à l’heure à la tribune. Nous le souhaitons, parce que nous pensons que, dans des périodes de crise profonde comme celle que traverse la Calédonie, le respect du processus démocratique et de sa durée renforce la légitimité des élus, qui plus est à l’occasion des élections provinciales, ces élus ayant des responsabilités immenses dans la reconstruction des provinces à la suite des événements de l’an dernier.

Oui, nous voulons aussi une clarification officielle sur la non-valeur d’accord, comme le dit le FLNKS, du texte rédigé au mois de juillet. Nous voulons une méthode loyale de négociation. Celle-ci pourrait d’ailleurs éventuellement être appuyée par l’ONU…

Oui, la Nouvelle-Calédonie a besoin de politiques sociales qui traitent les causes de la crise.

Ce vote n’est pas pour un camp ni contre un autre. C’est un vote pour la République qui tient sa parole et pour la paix civile.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Naturel, pour explication de vote.

M. Georges Naturel. Je souhaite apporter quelques précisions.

J’indique – et je ne le dis pas spécialement contre mon collègue – que, parmi ceux qui souhaitent le report des élections comme le prévoit l’accord de Bougival, il y a tout de même un parti indépendantiste.

On parle beaucoup du FLNKS, qui représente effectivement une partie des indépendantistes en Nouvelle-Calédonie, mais l’UNI-Palika, qui a signé l’accord de Bougival, souhaite la prolongation des mandats. Cette formation propose même de les prolonger jusqu’au mois d’octobre de l’année prochaine, ce qui me paraît beaucoup.

Je dirai deux choses.

Tout d’abord, comme je l’ai indiqué dans mon intervention en discussion générale, le contexte est compliqué. Notre collègue Olivier Bitz l’a dit lui aussi.

Organiser des élections au mois de novembre paraît difficile d’un point de vue administratif. On peut reprocher à l’État, au Gouvernement, de ne pas avoir anticipé les choses plus tôt. Quoi qu’il en soit, sans aller jusqu’à dire que nous sommes mis devant le fait accompli, force est de constater qu’organiser ces élections d’ici à la fin du mois de novembre paraît chose compliquée. Le texte doit d’abord être discuté à l’Assemblée nationale ; nous verrons ce que cet examen donnera.

Ensuite, je rappelle tout de même – je l’ai déjà dit –, que la grande majorité des groupes du congrès a validé l’article 2, qui concerne le renouvellement de son bureau. Charge à nous de reconnaître ce qu’il a demandé.

Par conséquent, nous voterons cet article 2.

Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Je souhaite répondre à ma collègue Mélanie Vogel, qui m’a interpellé, et qui se demande ce qui se passera si l’on reporte les élections ou si on ne les reporte pas.

Si je la comprends bien, si l’on ne reporte pas les élections, tout ira bien. Or la situation me semble un peu plus nuancée, car, si j’ai bien compris, nous faisons face à quelques difficultés à la fois d’organisation des élections – l’incurie de l’État n’est toutefois pas un bon motif de report – et au sein de l’ensemble des parties en présence.

Notre volonté n’est pas de décaler les élections pour les décaler ou pour je ne sais quelle autre raison. Notre espoir – puisque c’est un espoir – est que leur décalage donne le temps de trouver un accord, pour aller plus loin, pour dépasser le désaccord sur Bougival. Nous proposons simplement de travailler, en tenant compte des attitudes sur place.

C’est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement de suppression. Nous voterons l’article dans sa rédaction actuelle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.

Mme Annick Girardin. J’ajouterai quelques remarques.

Notre collègue Georges Naturel a raison : l’excuse selon laquelle l’État ne serait pas prêt à organiser les élections le 30 novembre 2025 n’est pas recevable. La tenue des élections à cette date n’était pas optionnelle, elle était bien prévue : il fallait donc s’y préparer. Cependant, ce n’est pas pour cette raison que je voterai ce report.

Je le voterai parce que je me suis moi aussi interrogée sur les conséquences qu’aurait la tenue des élections à cette date. Les nouvelles modalités – une nouvelle organisation, de nouvelles compétences, une nouvelle manière de former le congrès – ne sont pas au rendez-vous. Même si nous parvenions à respecter l’échéancier, il ne servirait à rien d’organiser les élections le mois prochain.

C’est la raison pour laquelle je vous interrogeais plus tôt, madame la ministre : nous allons respecter l’échéancier tel qu’il est prévu dans le texte, afin de laisser le temps nécessaire à la réflexion et au dialogue, qui se poursuit chaque jour sur le territoire, et de sensibiliser la population à cet accord. Mais nous devons garantir ces rendez-vous. Si nous ne tenons pas nos engagements, notre décision sera une trahison pour tous ceux qui croient en cet accord – et franchement, c’est un bel accord. Et je ne suis pas sûre que nous puissions parvenir une nouvelle fois à un accord.

Sa publication, et donc sa valeur normative, qui n’avait peut-être pas été prévue au départ, a sans doute vexé certains partenaires, certains d’entre eux n’ayant pas compris lorsqu’ils l’ont signé qu’il serait publié.

Mais allons-y ! Nous avons une dernière chance de reprendre le chemin qui permettra à ce territoire de retrouver la prospérité et à sa population de bien y vivre. Il est essentiel que les choses se fassent assez vite.

Mme la présidente. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Nous pourrions reprendre les mêmes arguments pour arriver à la conclusion inverse. Quel est le véritable problème ? Pourquoi ne voudrions-nous pas que les Calédoniens votent ? Ce corps électoral ne convient-il pas ?

Puisque nous voulons discuter, pourquoi ne pas dialoguer avec une représentation électorale réelle ? Cela fait deux ans que les élections sont reportées. Leur tenue nous permettrait, enfin, d’avoir des interlocuteurs. Nous pourrions ensuite continuer de dialoguer après les élections.

Or, aujourd’hui, l’une des parties menace de ne pas participer aux élections, que nous avons nous-mêmes reportées par deux fois en un an, si nous ne respectons pas le calendrier que nous avons nous-mêmes établi. Nous ne faisons qu’œuvrer pour perdre sa confiance, alors que des élections nous permettraient d’avoir des élus représentatifs de leur territoire et du corps électoral de Nouvelle-Calédonie, puis de poursuivre ensuite le dialogue.

Je ne comprends donc pas pourquoi vous voulez tordre le bras des électeurs et précipiter un report des élections – à moins qu’il n’y ait un loup !

M. Rachid Temal. Quand c’est flou, il y a un loup !

M. Akli Mellouli. Je vous le demande donc : où est le loup dans cette histoire ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.