M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Véronique Guillotin, rapporteure. Nous partageons avec vous le souhait de poursuivre la réflexion sur l’organisation des études de santé, afin de favoriser la diversité sociale et territoriale des étudiants qui y accèdent.

Sans chercher à bouleverser le système, la présente proposition de loi apporte d’ores et déjà des améliorations : la voie unique d’accès, la départementalisation de la première année, les options santé dans les lycées, la régionalisation du troisième cycle. Enfin, conformément à la position habituelle du Sénat concernant les demandes de rapport, nous émettrons un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Baptiste, ministre. Madame la sénatrice, le modèle des écoles normales ne me paraît pas particulièrement adapté aux études et aux métiers de la santé. En effet, il induit une certaine complexité pour des études qui sont très longues, comme celles de pharmacie et de médecine. Cela viendrait de surcroît se superposer à des dispositifs existants.

Enfin, et surtout, ce système éloignerait les étudiants de l’université, alors que l’universitarisation, qui est le modèle international pour les études de santé, est fondamentale, tout comme la proximité des activités de recherche, qui sont également importantes pour la formation des médecins de demain.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative aux formations en santé
Après l’article 2

Article 2

I. – À titre expérimental, pour une durée de cinq ans, l’État peut autoriser, par dérogation au I de l’article L. 631-1 du code de l’éducation, l’admission directe d’étudiants en première année du premier cycle des formations de pharmacie à l’issue de la procédure nationale de préinscription mentionnée au deuxième alinéa du I de l’article L. 612-3 du même code, selon des critères garantissant l’équité d’accès de la formation et la transparence de la sélection.

La part des étudiants admis directement en application du présent I ne peut excéder, dans chaque université participante, un tiers des capacités d’accueil en deuxième et troisième années de premier cycle déterminées annuellement par l’université dans les conditions fixées à l’article L. 631-1 dudit code.

II. – Un décret détermine les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I du présent article.

III. – Au plus tard un an avant son terme, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation, afin de déterminer l’opportunité et, le cas échéant, les conditions de sa pérennisation. Ce rapport apprécie également l’effet de l’expérimentation sur le nombre d’étudiants choisissant de poursuivre leurs études dans un pays étranger et la réussite des étudiants admis directement dans la suite de leurs études.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 12 rectifié est présenté par Mmes Bourcier, Lermytte et Bessin-Guérin et MM. Brault et Chevalier.

L’amendement n° 13 est présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 2.

Mme Céline Brulin. Il s’agit d’un amendement de suppression de la voie d’accès direct à la filière pharmacie via Parcoursup prévue à l’article 2.

Certes, nous partageons le constat des nombreuses places restées vacantes dans cette filière : 1 800 places durant les trois dernières années, me semble-t-il. C’est extrêmement inquiétant, même si, monsieur le ministre, vous avez semblé dire que cette tendance allait se corrigeant, et j’espère que cela se vérifiera.

De nombreux étudiants disent que ce n’est pas au lycée qu’ils ont eu connaissance de la filière pharmacie et de ses trois parcours différents. Si l’on connaît tous les pharmaciens d’officine, on connaît moins le milieu industriel ou les pharmacies hospitalières et leur dimension de biologie médicale.

Par ailleurs, nous traitons parfois avec un peu trop de mépris la volonté des étudiants en pharmacie d’être intégrés au tronc commun auquel sont rattachés l’ensemble des étudiants en santé.

Cette proposition de loi prévoit que les étudiants kinésithérapeutes puissent entrer par cette voie d’accès commune. Pourquoi en priverions-nous les étudiants pharmaciens ?

Récemment, les pharmaciens d’officine ont protesté contre la fin d’un certain nombre de remises. Ce mouvement a montré qu’il était nécessaire de mesurer le rôle central que jouaient les pharmaciens d’officine dans le système de santé : ils se sont vus confier des missions nouvelles qui permettent souvent de pallier les problèmes de déserts médicaux que nous rencontrons dans de nombreux territoires.

Par conséquent, même s’il s’agit d’une expérimentation, la solution proposée ne nous semble pas la bonne réponse à un mal réel.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.

Mme Corinne Bourcier. En ouvrant la possibilité d’une admission directe d’étudiants en premier cycle de pharmacie après le lycée par Parcoursup, l’article 2 cible le problème des places vacantes dans la filière. Cette mesure, qui peut sembler séduisante de prime abord, parce qu’elle est recommandée par la Cour des comptes, risque au contraire d’aggraver un phénomène qui n’est malheureusement pas nouveau et qui doit être traité efficacement.

Selon l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), 55 % des étudiants en pharmacie déclarent qu’ils n’auraient pas choisi cette filière si la sélection avait eu lieu dès le lycée ; ils l’ont choisie en première année d’études de santé.

En effet, la filière pharmacie souffre d’un déficit de visibilité au lycée que la première année de santé vient compenser, en permettant la découverte des différentes professions, donc un choix éclairé des étudiants. Alors que les taux d’abandon dès la première année des études de santé sont encore bien trop élevés, avec les conséquences que l’on connaît pour nos jeunes, en termes de santé mentale notamment, précipiter ce choix serait contreproductif.

Je précise que nous avons travaillé à l’élaboration de cet amendement avec l’Anepf, seule association représentative des 33 000 étudiants en pharmacie, qui fédère les associations locales des vingt-quatre UFR (unités de formation et de recherche) de pharmacie.

De mon côté, je suis allée à la rencontre de nombreux professionnels de pharmacie. En outre, nombre d’étudiants m’ont affirmé leur intérêt de pouvoir suivre une première année commune, avant de choisir la filière pharmacie, ce qui n’allait pas de soi au lycée.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 13.

Mme Émilienne Poumirol. Nous comprenons les intentions de l’auteure de la proposition de loi. S’il est vrai que, ces dernières années, le nombre de places vacantes a été important, en 2025, il était inférieur à 200. Par conséquent, le phénomène se résorbe et il ne paraît donc plus opportun de déroger à la voie d’accès unique prévu à l’article 1er.

Bien plus, comme vient de le souligner Céline Brulin, la voie d’accès unique permet de découvrir les différents métiers de la pharmacie, cette filière ne se limitant pas à la pharmacie d’officine, d’autres spécialités tout aussi importantes s’ouvrent aux étudiants.

Par ailleurs, de nouvelles missions ont été confiées aux pharmaciens d’officine – prescription d’antibiotiques après réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod), vaccination, entretiens pharmaceutiques, dépistage, prévention, contraception d’urgence, conseils de santé… –, et cette plus grande variété peut davantage attirer que par le passé.

Alors qu’il est cohérent que les étudiants en pharmacie accèdent à cette filière par la voie d’accès unique, dans les conditions prévues à l’article 1er, il est paradoxal de les en sortir, certes par dérogation et dans le cadre d’une expérimentation, au moment même où l’on y réintègre les étudiants en kinésithérapie.

Cela contredit la logique de décloisonnement et les objectifs interprofessionnels de cette proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Véronique Guillotin, rapporteure. Je commencerai par apporter quelques précisions.

L’expérimentation porte sur un accès direct partiel. Elle ne concernera pas tous les étudiants. Ceux qui veulent suivre une première année commune le pourront. De leur côté, les élèves de terminale qui sont déterminés à entreprendre des études de pharmacie pourront s’y engager directement.

Nous avons très souvent ici même des débats nourris, où nous exprimons nos inquiétudes sur les fermetures de pharmacie, les difficultés à remplir les promotions d’étudiants et les problèmes que cela entraîne en termes de ressources humaines.

La proposition retenue à l’article 2 a été largement voulue et saluée et par les doyens et par les pharmaciens. L’expérimentation durera cinq ans. Les maquettes qui nous ont été présentées sont également rassurantes : les étudiants qui entrent en première année en socle commun ou directement en première année de pharmacie auront les mêmes blocs d’enseignement et se retrouveront en deuxième année. Je rappelle que la première année en socle commun effraie certains étudiants et les fait partir à l’étranger.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Baptiste, ministre. Permettez-moi de donner quelques chiffres.

Il est vrai que, en 2022, le système a connu un inquiétant trou d’air, pour le dire un peu brutalement : seules 2 587 places sur 3 600 ont été pourvues. Toutefois, depuis les deux dernières années, nous sommes à près de 95 % de saturation du système.

Par conséquent, on peut considérer qu’aujourd’hui le problème est largement derrière nous et que la situation s’est débloquée. Il y a eu un véritable travail de mobilisation et d’explication de la part de l’ordre national des pharmaciens et des pharmaciens eux-mêmes de ce qu’était le métier. L’essentiel des difficultés ont donc été réglées.

Si l’on instaure une expérimentation pour les études de pharmacie, la question se posera mécaniquement pour tous les autres métiers du soin.

Mme Véronique Guillotin, rapporteure. Oui !

M. Philippe Baptiste, ministre. Par ailleurs, cela créerait des disparités territoriales, au moment où l’on essaie de simplifier le dispositif Pass-LAS, qui est hélas très touffu et complexe.

Enfin, grâce à cet accès direct, comme il existe des passerelles entre les études de pharmacie et celles de médecine, on ouvre indirectement le sujet de l’accès aux études de médecine sans avoir réussi l’examen de première année.

Pour toutes ces raisons, sur ces amendements identiques, même s’il partage l’enjeu d’attractivité, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.

Mme Corinne Imbert. Je remercie Mme la rapporteure de la qualité de sa réponse. Il va de soi que je ne voterai pas ces amendements identiques.

J’ai rencontré des internes en pharmacie ; nous en avons auditionné. Le seul véritable argument qu’ils avancent, c’est celui qui consiste à dire que, parce qu’ils travailleront demain en coopération avec les autres professionnels de santé, il leur faut faire cette première année ensemble.

Je rappelle, à la suite de Mme la rapporteure, que cette proposition ne les prive pas de la voie d’accès unique : si la réforme aboutit, ils pourront toujours emprunter cette voie s’ils le souhaitent. Toutefois, permettre cette expérimentation me semble intéressant.

Monsieur le ministre, vous avez raison, le trou d’air est passé, mais il a fallu la forte mobilisation de la profession elle-même, de l’ordre, des syndicats et des étudiants. Le slogan qu’ils ont choisi, « Pharmacien : le moins connu des métiers connus », a fait mouche.

En outre, les nouvelles tâches que peuvent aujourd’hui accomplir les pharmaciens rendent le métier encore plus intéressant. On est loin de l’image de l’épicier – je puis le dire, parce que j’exerce encore ce beau métier. Ce n’est évidemment pas une insulte : cette étiquette a longtemps collé à la profession, pourtant forte de tout un savoir-faire.

Reste que la profession n’est pas sortie d’affaire. Si des jeunes ont envie de se lancer dans des études de pharmacie, qu’ils puissent le faire d’entrée.

Enfin, il ne s’agit que d’une expérimentation. Si elle n’est pas pertinente, elle ne sera pas maintenue.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 12 rectifié et 13.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing et Capus, Mme Bessin-Guérin, MM. A. Marc, Médevielle et Wattebled, Mme Lermytte, MM. Brault, V. Louault, Malhuret et Fialaire, Mmes Bonfanti-Dossat et Jacquemet, MM. Dhersin et Menonville, Mme Guidez, M. Daubet et Mme Perrot, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La procédure d’admission directe n’est possible que lorsque les capacités d’accueil maximales des formations de pharmacie de premier cycle n’ont pas été atteintes l’année précédente.

La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.

Mme Marie-Claude Lermytte. Il s’agit d’un amendement de notre collègue Daniel Chasseing.

L’article 2 consiste en une expérimentation de cinq ans permettant l’accès direct, via Parcoursup, aux études de premier cycle de pharmacie pour un nombre limité d’étudiants.

S’il existe bien un problème d’attractivité de la filière, avec 1 100 places vacantes en 2022, et encore 200 places cette année, créer un système automatique, même expérimental, d’accès direct pour certains étudiants et maintenir un concours pour d’autres représenterait une rupture d’égalité entre eux. Cela reviendrait à créer, de nouveau, un système avec deux voies d’accès aux études de pharmacie, alors que l’un des objectifs de cette proposition de loi est justement de supprimer le double système actuel.

C’est pourquoi cet amendement déposé par Daniel Chasseing tend à ce que la possibilité d’admission directe en année n soit conditionnée à l’existence de places vacantes en année n-1.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Véronique Guillotin, rapporteure. Il ne paraît pas pertinent d’ajouter des contraintes à la mise en place de cette expérimentation, qui alors serait effective une année et ne le serait plus l’année suivante. Ce serait bien trop complexe. Il revient aux universités de s’organiser.

Laissons cette expérimentation se déployer pendant cinq ans. Comme l’a indiqué Corinne Imbert, nous en tirerons les conséquences à la fin.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Baptiste, ministre. Cela a été souligné, on ne peut faire fluctuer d’une année sur l’autre les enseignants-chercheurs et les formateurs. Ce serait trop compliqué.

Par ailleurs, compte tenu des calendriers et des contraintes d’élaboration de la maquette de Parcoursup et des propositions faites aux bacheliers, le décalage serait d’au moins deux ans et non d’un an.

En outre, dans les dispositions de cet amendement, il est fait mention des capacités maximales de formation en premier cycle, alors que ce sont les capacités d’accueil pour entrer en deuxième année qui seraient concernées.

Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative aux formations en santé
Article 3

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation aux articles L. 612-3 et L. 612-3-2 du code de l’éducation, les bacheliers s’inscrivent directement dans l’institut de formation en soins infirmiers de leur choix. Les modalités de sélection des instituts sont fixées par décret au niveau national.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Nous avons déposé un amendement à l’objet similaire lors de l’examen de la proposition de loi sur la profession d’infirmier : il s’agit d’étudier l’opportunité de sortir de Parcoursup l’accès aux Ifsi (instituts de formation en soins infirmiers).

Nous connaissons tous de très nombreux exemples d’étudiants qui se sont retrouvés à suivre cette formation, alors qu’il s’agissait de leur sixième ou septième choix sur la plateforme et qui, de ce fait, ont abandonné leurs études en cours de route. D’ailleurs, en 2021, le taux d’abandon en première année a été trois fois plus important qu’en 2011, ce qui en dit long.

A contrario, on a tous de très nombreux exemples d’étudiants qui ont placé les Ifsi en premier choix, mais qui se sont retrouvés à l’autre bout de la France, alors même que le maillage d’instituts de formation en soins infirmiers est assez dense, puisque ces structures sont souvent adossées à des hôpitaux de proximité.

Nous souhaitons revenir à la charge, si j’ose dire, puisque, à l’issue de cette discussion, et le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, Yannick Neuder, et le président de la commission des affaires sociales s’étaient engagés à se pencher sur ce sujet. Depuis lors, il ne s’est pas passé grand-chose…

Certes, je n’ignore pas la situation politique que nous connaissons, qui pour partie peut expliquer qu’il en soit ainsi. Pour autant, je souhaite avoir l’assurance qu’il n’y a pas d’autre raison.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Véronique Guillotin, rapporteure. La commission partage le constat sur les effets qu’entraîne l’inscription des Ifsi sur Parcoursup. Pour autant, retirer cette formation de la plateforme au détour d’un amendement paraîtrait quelque peu sportif !

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui d’ailleurs est probablement un amendement d’appel, en attendant la réponse du ministre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Baptiste, ministre. L’augmentation des abandons est antérieure à l’intégration des Ifsi dans Parcoursup, comme l’a très clairement montré une étude de la Drees.

Ce qui explique avant tout le taux élevé d’abandon, c’est l’accueil des étudiants en stage. Les premiers stages ont parfois lieu dans des services très difficiles, ce qui peut provoquer des traumatismes chez les jeunes étudiants qui se retrouvent confrontés en début de cursus à des situations extrêmement graves.

L’intégration dans le dispositif Parcoursup des formations paramédicales, en particulier infirmières, a permis d’élargir considérablement le vivier des candidats, grâce à une visibilité nationale de l’offre.

Ainsi, le taux de remplissage des Ifsi est de 100 %, ce qui était très loin d’être le cas précédemment. Les Ifsi sont tous pleins et 85 % de leurs élèves en moyenne viennent de l’académie d’origine. On ne peut donc pas dire qu’il y ait un immense brassage et que les difficultés viennent de là ; ce n’est pas vrai, même si je reconnais qu’il existe des cas particuliers. En outre, cela permet un adossement universitaire progressif, ce qui est important.

À mon sens, sortir cette formation de Parcoursup entraînerait une perte de visibilité et d’attractivité, ainsi qu’un taux de remplissage moindre, et provoquerait de nouveaux risques d’inégalités sociales et territoriales. Je rappelle que, auparavant, il fallait passer un concours payant et, souvent, s’inscrire en amont à des formations pour augmenter ses chances de réussite.

Reste le taux d’abandon, qui est une vraie question. Il faut y travailler et je suis tout à fait d’accord pour que l’on réfléchisse ensemble aux réponses à apporter. En revanche, je le répète, je ne crois pas que ce soit dû au rattachement de cette formation à Parcoursup.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 2
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Après l’article 3

Article 3

L’article 24 de la loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au début, sont ajoutés les mots : « À titre expérimental, » ;

b) Après le mot : « loi, », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « les lycées situés dans des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou concernées par des difficultés dans l’accès aux soins, au sens du 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, proposent une option santé aux élèves des classes de première et de terminale de la voie générale. » ;

c) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les options santé permettent la découverte des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie, de maïeutique et des formations paramédicales ainsi que des métiers auxquels elles conduisent. Elles visent à encourager l’orientation des lycéens concernés vers les études de santé.

« Pour l’organisation des options santé, les lycées mentionnés au premier alinéa du présent I concluent des conventions avec les universités comportant une unité de formation et de recherche de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique ou une composante assurant ces formations au sens de l’article L. 713-4 du code de l’éducation et avec les organismes délivrant des titres de formation requis pour l’exercice des professions de santé. » ;

2° Le II est ainsi rédigé :

« II. – Un décret détermine les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I du présent article. »

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement vise à supprimer l’obligation de conclure des conventions entre les lycées et les universités pour l’organisation des options santé inscrite à l’alinéa 7 de cet article.

À notre sens, il n’est pas nécessaire de complexifier ce processus, qui fonctionne déjà dans de nombreux lycées – dix-sept en Occitanie, par exemple.

Si le conventionnement avec les universités peut être souhaitable dans certains territoires, l’ériger en obligation pourrait rendre sa mise en œuvre difficile, voire impossible. De plus, ce texte n’aborde pas la question des moyens de l’université, que ceux-ci soient organisationnels ou financiers, pour faire face à cette nouvelle obligation. Nous connaissons pourtant la situation complexe dans laquelle les universités se trouvent.

Par conséquent, pour éviter d’ajouter de la lourdeur administrative, nous proposons de laisser la liberté dans les modalités d’organisation de l’option santé, comme cela se fait aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Véronique Guillotin, rapporteure. Il nous semble au contraire important de nouer des relations entre les lycées et les universités.

Une option au lycée, ce n’est pas seulement l’enseignement d’une nouvelle matière, c’est bien aussi la découverte d’un métier. Il faut donc mettre le plus grand nombre d’acteurs autour de la table. À ce titre, la commission est plutôt favorable à l’établissement de partenariats avec les professionnels locaux du territoire : hôpitaux locaux, etc.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Baptiste, ministre. Pour l’ensemble des raisons que vous avez avancées, madame la sénatrice, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi relative aux formations en santé
Article 4

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions des stages et des rémunérations des internes et des externes en médecine.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Il s’agit de demander un rapport sur les conditions des stages et des rémunérations des internes et des externes en médecine.

Je connais le réflexe pavlovien que suscite une telle demande dans une partie de cet hémicycle (Sourires.), mais je tiens à revenir une nouvelle fois sur les conditions d’étude particulièrement difficiles des étudiants en santé. Là aussi, le taux d’abandon est extrêmement important, ce qui est tout de même affligeant au regard du manque de professionnels dans les territoires.

Qui plus est, l’état de santé de ces jeunes, leur santé mentale notamment, ne va pas en s’améliorant, ce qui serait en soi une raison pour s’y intéresser.

J’évoquerai également les rémunérations : les internes en médecine sont payés 10,85 euros brut de l’heure, nuit et jour férié, alors qu’ils tiennent nos hôpitaux. C’est indécent ! La dernière étude de la Dares sur les conditions de rémunération des internes de médecine date de 2013 ; en douze ans, loin de s’améliorer, les conditions de travail dans les hôpitaux se sont dégradées.

Tout cela justifie en soi le rapport que nous demandons.

Pour ma part, je pense qu’il y a une corrélation directe entre la souffrance – je pèse mes mots – que vivent les étudiants en médecine et leur détermination à ne vouloir accepter ensuite aucune contrainte.

Quand on souffre autant pendant ses études, il va de soi que l’on ne veut plus subir aucune obligation par la suite. Améliorer les conditions d’étude et de rémunération pourrait donc également servir de levier pour que ces étudiants acceptent ensuite les exigences que peut avoir la société à leur endroit.