Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « le stress », « le poids de la fonction », « l'usure psychologique », « l'incertitude » : ces mots sont régulièrement utilisés pour qualifier le quotidien d'un élu local.
Le Sénat tire depuis longtemps la sonnette d'alarme face à une crise de l'engagement local et préconise de « faciliter l'exercice des mandats municipaux » afin de rendre ces missions plus attractives.
Et nous y sommes ! À quelques mois des échéances municipales, le constat est frappant : à tel point que nombre d'équipes éprouvent des difficultés à réunir suffisamment de candidats pour constituer une liste complète. En Lot-et-Garonne, la majorité des communes comptent moins de 500 habitants. La situation est critique ; je sais que le constat est partagé sur toutes les travées de l'hémicycle.
Voilà qui met en exergue l'urgence de repenser les conditions d'exercice des mandats locaux, car l'enjeu est de savoir comment la société valorise celles et ceux qui se mettent au service des autres. Ce débat dépasse le seul cas des élus : il concerne aussi d'autres engagements – je pense aux secteurs associatif, social, culturel ou sportif.
Cette maille, qui forme le nécessaire tissu local, s'affaiblit. Nos maires, derniers représentants de ce lien social dans nos communes, doivent trouver dans notre expression une profonde reconnaissance. En ce sens, la présente proposition de loi est bienvenue.
C'est un débat de société que nous devons porter haut, car il conditionne les fondations de notre vivre ensemble. Nous le constatons un peu plus chaque jour : lorsque l'État est en crise, le pôle de stabilité pour les citoyens reste l'élu de sa commune.
Le texte comporte quelques mesures visant, notamment, à faciliter le recours aux autorisations d'absence professionnelle, à valoriser l'indemnité des élus des petites communes, à mettre en place des aménagements spécifiques pour les étudiants candidats à des élections locales, ainsi qu'à automatiser la délivrance d'acquis de l'expérience aux maires. Cette dernière disposition est d'ailleurs pleinement justifiée, tant il semble naturel que le mandat de maire, d'une durée de six ans, permette d'acquérir des compétences valorisées sur le marché du travail.
Toutefois, je me permets de rappeler que le texte ne règle pas la question des moyens tant demandés par les maires. Dans l'exercice de leur compétence générale, ces derniers doivent disposer d'équipes et de ressources suffisantes pour donner une traduction concrète au projet de territoire choisi par les habitants. La question devra faire l'objet de futures réflexions, notamment autour de la décentralisation.
Malgré cette petite remarque, l'adoption de ce texte est un signal fort. Le groupe RDSE le votera à l'unanimité ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Exclamations amusées.)
J'en profite pour saluer le travail de nos rapporteurs ainsi que celui de la ministre Françoise Gatel, sans oublier Michel Fournier qui a soutenu ce texte en tant que président de l'Association des maires ruraux de France.
La crise politique que nous traversons actuellement justifie que nous renforcions le statut des élus locaux. Beaucoup d'entre nous le savent : le mandat de maire est le plus beau, mais également le plus contraignant.
Chers collègues, que ce texte soit lu comme une preuve de la déférence nationale et de l'amour – il faut aussi savoir parler d'amour – que nous devons à ces femmes et à ces hommes qui s'engagent au quotidien ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture est très attendue par nos élus locaux.
Ceux-ci, à la veille du prochain renouvellement des conseils municipaux, nous informent de l'exigence croissante des citoyens, mais aussi de leur défiance, voire de la violence verbale ou physique dont ces derniers font preuve à l'égard des représentants locaux. Parallèlement, les modalités d'exercice du mandat se complexifient au regard de l'inflation normative ainsi que de la difficile conciliation entre la vie politique, la vie privée et, parfois même, la vie professionnelle de nos élus locaux.
Face à une telle situation, la Haute Assemblée avait déjà adopté, le 10 octobre 2023, la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.
Dans la continuité de cette dynamique, le texte que nous examinons aujourd'hui répond à une multitude d'enjeux. Je profite de l'occasion pour saluer la qualité du travail effectué par les trois rapporteurs, de même que l'investissement sans faille de Françoise Gatel sur cette proposition de loi, dans ses fonctions tant sénatoriales que gouvernementales.
J'évoquerai d'abord l'amélioration du régime indemnitaire, pour me féliciter que la commission des lois du Sénat ait approuvé le dispositif de revalorisation des indemnités de fonction des maires et de leurs adjoints dans la version adoptée par l'Assemblée nationale, en le ciblant davantage sur les plus petites communes. Selon moi, ces dernières en avaient davantage besoin que les plus grandes.
La proposition de loi contient également plusieurs dispositifs concrets visant à faciliter l'engagement des élus locaux et à améliorer les conditions de mandat.
Ainsi, l'article 5 rend obligatoire le remboursement des frais de transport et de séjour engagés par les élus locaux lorsqu'ils représentent leur collectivité. Il prévoit en outre, pour les communes de moins de 3 500 habitants, une compensation par l'État des remboursements des frais de déplacement. Voilà une mesure concrète qui vient conforter la mobilisation des personnes agissant pour l'intérêt public local !
La sortie de mandat des élus locaux est aussi déterminante, puisqu'une reconversion professionnelle n'est pas toujours chose aisée. La réintroduction des dispositifs relatifs au « contrat de sécurisation de l'engagement » va dans le bon sens. Idem s'agissant des adaptations nécessaires pour les retraites : les retraites des élus sont un élément important ; je salue le travail de Sylvie Vermeillet à cet égard.
Enfin, l'article 18, portant sur la clarification du régime de prise illégale d'intérêts, a fait l'objet de quelques alertes de la part d'associations nationales d'élus. C'est pourquoi les amendements des rapporteurs seront de nature à calmer les doutes de certains, qui – je n'en doute pas – soutiennent pleinement l'esprit de compromis et de responsabilité dont notre Haute Assemblée fait preuve.
J'insiste sur un élément : ce texte doit impérativement aboutir avant les futures élections municipales et communautaires. L'engagement public de nos élus locaux est le poumon démocratique de nos territoires, l'âme de nos départements. Soyons donc à la hauteur !
Vous l'aurez compris, le groupe Union Centriste, probablement à l'unanimité, soutient avec détermination ce texte, qui, s'il n'est pas révolutionnaire, permet de répondre à des attentes de nos élus, mais également d'envoyer un signe fort à celles et à ceux qui ne sont pas engagés et qui pourraient demain être intéressés par un engagement local et municipal. Que notre action soit à la hauteur de cet engagement et de cette volonté de participer à cette ambition locale et territoriale ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Louis Vogel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2020, il y a eu 2 189 départs volontaires de maires, soit plus d'une démission par jour depuis le début du mandat municipal. Fait nouveau, 53 % des démissionnaires étaient des maires élus en 2020.
Selon les sondages, les violences subies, pourtant réelles et préoccupantes, ne sont pas la cause majoritaire de ces démissions. Les véritables causes sont simples : le poids de la fonction ; la technicité de la fonction, à laquelle les maires ne sont pas préparés ; le manque de moyens, à la fois humains et matériels.
Ce constat alarmant appelle d'urgence un soutien renforcé. Le statut de l'élu local constitue une réponse de bon sens, une réponse concrète, et pas simplement de principe, pour enrayer une telle érosion. Madame la ministre, j'ai plaisir à le souligner : vous aviez déposé la présente proposition de loi dans sa version sénatoriale, et nous avons été très nombreux à la cosigner.
Ce texte part d'un constat simple : alors que la professionnalisation de la fonction d'élu progresse, les droits et garanties attachés à cette fonction ne suivent pas. Il vient compléter les avancées issues d'autres lois, notamment la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite loi Engagement et Proximité, et la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Espérons qu'il y ait là le même consensus avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale.
Cette proposition de loi ne réglera pas tous les problèmes – il ne faut pas se bercer d'illusions –, mais c'est une avancée attendue. Mes collègues ont déjà mentionné l'ouverture de nouveaux droits sociaux, la création du label « Employeur partenaire de la démocratie locale », la validation des acquis de l'expérience. La commission des lois – je salue le travail de nos rapporteurs, Jacqueline Eustache-Brinio, Anne-Sophie Patru et Éric Kerrouche – a présenté un rapport équilibré qui permet la discussion.
J'aimerais évoquer la rémunération : si le principe de fixation par défaut des indemnités de fonction au maximum légal pour tous les conseillers municipaux ne fait pas débat pour les maires et responsables d'exécutifs locaux, il demeure discuté, notamment par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), pour sa généralisation aux adjoints et aux conseillers municipaux. Les différents amendements déposés à l'article 2 permettront de dégager une ligne claire.
J'en viens au risque pénal, pour me réjouir des précisions qui ont été apportées s'agissant du délit de prise illégale d'intérêts. L'infraction requerra désormais une appréciation concrète par le juge pénal de l'intérêt en cause. Cet intérêt devra être « suffisant » pour peser ou paraître peser sur l'impartialité du décideur.
Mais, nous le savons, malgré un rapport de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en 2020, malgré la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, la Cour de cassation a maintenu une jurisprudence constante en matière de conflit et de prise illégale d'intérêts : une jurisprudence très défavorable, à laquelle il faut mettre un terme.
À ce titre, je soumettrai à votre vote un amendement tendant à clarifier la question de l'intentionnalité pour plus de protection des élus.
Dans la même logique de protection, et afin de faire face à la montée des menaces et des outrages, l'octroi de la protection fonctionnelle deviendra automatique pour tous les élus victimes de violences. Là encore, il faut qu'il en soit de même en cas de poursuites pénales pour des faits rattachables au service.
Je n'ignore pas les questions budgétaires. Certaines mesures ont un coût. Nous devrons poursuivre notre travail, notamment lors des discussions du projet de loi de finances, qui nous donneront donc l'occasion d'aborder le sujet des missions exercées par les maires en tant qu'agents de l'État, des transferts de compétences ou de l'assiette de certaines dotations. De même, le nouvel acte de décentralisation qui va être engagé doit nous permettre de discuter de l'ensemble de ces questions.
À quelques mois des élections municipales, il faut prendre au sérieux l'augmentation importante des démissions, qui sont en réalité autant d'appels à l'aide de la part des élus locaux. Il revient au premier chef au Sénat, la chambre des territoires, d'y répondre.
En adoptant la présente proposition de loi, nous enverrons un message clair – un message de la République, mais venant du Sénat – à ces territoires pour donner à nos élus les moyens de remplir leur rôle.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc à l'unanimité en faveur de l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Bellurot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nadine Bellurot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme je le dis souvent, les élus sont les sentinelles de la République. Ce sont les garants de la préservation essentielle du lien social dans nos territoires. Nous ne devons pas, nous ne pouvons pas les abandonner.
Je me réjouis que le Sénat examine enfin ce texte en deuxième lecture. C'est une demande récurrente qui m'est adressée, tout comme à vous, par les maires et les conseillers municipaux lorsque nous échangeons sur le terrain.
Pourquoi une telle attente ? Parce que nous observons, année après année, une crise grave des vocations et parce que les élections municipales de 2026 approchent à grands pas ! Il est urgent de s'attaquer aux causes de la crise de la démocratie locale par la mise en place d'un statut de l'élu protecteur.
La crise s'explique principalement par la dégradation implacable des conditions d'exercice des mandats locaux, qui entraîne le découragement et la désillusion des élus. Et il est à craindre que la perte d'attractivité de ces mandats n'entrave également de nouvelles vocations.
Violences contre les élus locaux, régime indemnitaire et garanties insuffisantes, complexification administrative, exigences citoyennes croissantes, manque de liberté d'entreprendre et manque d'autonomie financière… Il est demandé aux élus de faire toujours plus, notamment en matière de services publics, avec toujours moins.
J'en profite pour souligner que le projet de loi de finances de 2026 en est malheureusement une illustration de plus. Il n'est pas acceptable de demander un effort de 4 milliards d'euros ou, plus exactement, de 7 milliards d'euros, aux collectivités territoriales.
Faciliter l'exercice du mandat local, c'est le titre d'un rapport flash que j'ai remis avec nos collègues Guylène Pantel et Pascal Martin au mois de décembre 2023 et qui est en partie repris dans la présente proposition de loi. Je veux saluer le travail de Françoise Gatel, à l'époque présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et celui de mes collègues rapporteurs aujourd'hui.
Ont ainsi été retenues, notamment, l'amélioration du régime des autorisations d'absence, la compensation par l'État des frais de garde engagés par les élus lors des réunions, ou encore la création d'un label « Employeur partenaire de la démocratie locale ».
Mais je pense que nous pouvons aller encore plus loin pour sécuriser l'action des maires. Je présenterai donc deux amendements tendant à pallier l'insécurité juridique des élus dans les cas de conflits d'intérêts. C'est un signal fort pour favoriser l'engagement.
Pour conclure, je veux saluer l'engagement de nos élus. Je suis convaincue que ce texte, même s'il est toujours perfectible, répondra à leurs demandes en améliorant les conditions matérielles d'exercice, en facilitant la conciliation entre leur mandat, leur vie professionnelle et leur vie personnelle et en sécurisant l'après-mandat et la reconversion.
Cette proposition de loi devra toutefois être complétée par d'autres initiatives législatives de simplification, notamment sur le pouvoir de dérogation aux normes à l'échelon local, afin d'apporter plus de souplesse, comme nos élus le demandent tellement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le temps est venu d'examiner de nouveau ce texte, très attendu, qui n'a pas d'égal en matière de symbole sénatorial.
Après l'examen du texte sur les secrétaires de mairie ou encore de celui sur l'harmonisation du mode de scrutin aux élections municipales, voici la deuxième lecture de cette initiative sénatoriale, que nous avons toutes et tous dans un coin de notre tête, à commencer par vous, madame la ministre.
D'abord, parce que les élections municipales se dérouleront dans cinq mois.
Ensuite, parce que le congrès des maires débute dans quatre semaines. Et, comme à l'accoutumée, chacune et chacun souhaite accueillir au Sénat les élus de son territoire. Cette fois, nous avons l'occasion de le faire en annonçant de bonnes nouvelles dans leur intérêt et, plus largement, dans celui du pays.
Car oui – il faut le dire sans détour – la vie de nos élus locaux est une priorité sénatoriale dès lors que ces derniers ont décidé de tirer la sonnette d'alarme. En témoignent les données de la récente étude conduite par Martial Foucault, professeur des universités à Sciences Po et chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), en partenariat avec l'AMF, dans le cadre de l'observatoire de la démocratie de proximité.
Avec plus de 3 000 changements de maires depuis l'élection municipale de 2020, les démissions volontaires ont atteint un niveau historique : elles s'élèvent à 2 189 à ce jour. Depuis cinq ans, cela représente en moyenne quarante démissions par mois, soit plus d'une par jour. À l'évidence, il y a donc là une véritable crise de l'engagement local.
Les causes en sont variées, mais les solutions envisagées pour y répondre le sont tout autant. Le temps est venu de sécuriser le quotidien des élus en adoptant des mesures qui vont changer de manière concrète l'exercice de leur mandat.
Nous savons ici que la revalorisation est non pas un tabou, mais bel et bien une préoccupation légitime. Je ne connais pas un seul maire qui ait décidé de se présenter pour l'argent. Un maire s'engage jour et nuit, tous les jours de la semaine ; pour une bonne partie d'entre eux, ils perçoivent une indemnité inférieure à ce qu'était leur salaire dans le cadre de leur vie professionnelle antérieure. Je pense notamment aux maires issus des professions indépendantes : commerçants, artisans ou professions libérales ; j'ai même en tête l'exemple d'un élu accompagnateur en moyenne montagne.
Dès l'article 1er, nous voterons une véritable reconnaissance pour les élus, notamment dans les petites communes, avec un nouveau barème d'indemnités.
Dans le même état d'esprit, nous voterons la majoration de trimestres de retraite pour les élus locaux.
Afin de simplifier leur quotidien, nous voterons également des dispositifs visant à faciliter le recours aux visioconférences ou à élargir le congé électif pour les candidats aux élections locales.
Mes chers collègues, nous parlons en connaissance de cause : concilier vie d'élu, vie professionnelle et vie personnelle n'est pas chose aisée. Il est donc temps de permettre le cumul des indemnités journalières et des indemnités de fonction, comme le prévoit l'article 17.
Notre assemblée créera également les conditions de maintien du mandat pendant un arrêt maladie pour les élus locaux.
Mais pour vraiment s'engager, encore faut-il se sentir en sécurité durant son mandat, comme à son terme. Or, grâce à ce texte, nous pourrons demain acter la validation des acquis de l'expérience et la création d'un mécanisme de certification des compétences.
Sur le plan judiciaire, nous voterons l'octroi automatique de la protection fonctionnelle aux élus victimes de violences, menaces ou outrages. S'en prendre aux élus n'a rien d'anodin ; nous devons plus que jamais préserver l'intégrité physique et mentale de ces élus en première ligne.
Mes chers collègues, le groupe RDPI sera donc force de proposition. Les élus que nous représentons nous regardent. Pour eux, comme pour les générations à venir, soyons à la hauteur de leur engagement quotidien. Je vous remercie de voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christophe Chaillou. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà seize mois déjà, notre Haute Assemblée a adopté à l'unanimité cette proposition de loi, fruit d'un travail véritablement transpartisan. Nous la retrouvons aujourd'hui enrichie, remaniée, parfois édulcorée, mais toujours inspirée par la même exigence : mieux reconnaître, mieux protéger, mieux accompagner l'engagement local et donc assurer aux maires et aux élus locaux un cadre plus adapté aux enjeux du moment.
Ce texte résulte d'un constat collectif. Comme cela a été souligné par plusieurs d'entre vous à l'instant, plus de 2 000 maires ont démissionné, non par lassitude de servir, mais souvent en raison de ce sentiment d'une incapacité croissante à agir : explosion des responsabilités ; inflation réglementaire ; attentes contradictoires des citoyens et parfois même des collègues élus ; banalisation des violences ; restrictions budgétaires.
Dans le même temps, les conditions d'exercice des mandats, pour leur part, n'ont pas suivi.
À moins de six mois des élections municipales, ce grand rendez-vous démocratique de mars prochain, la réponse n'est donc pas théorique, elle est urgente, car une démocratie qui n'assure pas les conditions du renouvellement de ses élus, notamment de ses élus locaux, risque progressivement de s'étioler. Nous entendons tous dans nos territoires, dans nos départements, les messages de nombreux maires et d'élus nous alertant sur cette situation et appelant de leurs vœux des évolutions, justement et légitimement relayés par les associations nationales d'élus de collectivités locales.
Ce texte a donc vocation à apporter des réponses. Certes, il ne réglera évidemment pas tous les problèmes soulevés par nos collègues. Mais c'est une étape, et une étape nécessaire. Je veux à mon tour saluer votre travail, madame la ministre, ainsi que celui de nos rapporteurs, pour nous permettre d'avoir un texte sur lequel nous pouvons débattre et avancer.
Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, j'aimerais aborder quelques sujets sur lesquels mes collègues et moi-même souhaitions attirer votre attention.
Tout d'abord, je tiens à vous faire part de notre incompréhension sur l'article 5 bis, qui a motivé le dépôt d'un amendement de suppression par notre groupe. Il ne s'agit évidemment pas de notre part d'un rejet des principes républicains, auxquels nous sommes très profondément attachés, mais une telle disposition laisse entendre – à tort, de notre point de vue – que les élus locaux devraient faire la preuve de leur loyauté à la République. Pas un ministre, pas un parlementaire, pas même le Président de la République ne prête un tel serment !
Nous refusons de faire peser une sorte de soupçon là où il n'y a aucun manquement et de créer ainsi une sorte de hiérarchie des mandats. La confiance ne se décrète pas par un rituel symbolique imposé ; elle découle de l'action quotidienne. Toutes celles et tous ceux – nous sommes nombreux dans ce cas – qui ont exercé un mandat local, notamment un mandat de maire, savent à quoi ils doivent cette confiance.
J'en viens à présent à la question des indemnités. À nos yeux, il faut assumer pleinement que la démocratie a un coût ; cela vaut aussi pour la démocratie locale. Le Sénat avait adopté une revalorisation uniforme de 10 % des indemnités pour les maires et adjoints. L'Assemblée nationale a souhaité une approche dégressive pour les communes de moins de 20 000 habitants. Certes, nous pouvons entendre les exigences liées au contexte budgétaire. Néanmoins – disons-le clairement –, l'érosion du pouvoir d'achat, l'inflation normative, la pression quotidienne ne s'exercent pas de manière dégressive et ne s'arrêtent pas à 19 999 habitants. Nous regrettons donc naturellement un tel recul, mais nous choisissons, dans un contexte difficile, une revalorisation partielle, qui nous semble préférable à l'immobilisme. Là encore, nous préférons la responsabilité au blocage.
L'obligation actuelle de délibérer en début de mandat provoque des débats culpabilisants, difficiles. Elle pousse trop d'élus, notamment les plus jeunes, les femmes, les actifs, à renoncer à leurs droits. Rétablir la fixation par défaut ne prive aucun conseil de sa liberté, puisqu'il reste possible de délibérer à la baisse. Mais cela envoie un signal clair : l'indemnité n'est pas un privilège ; elle est la condition d'accès libre au mandat.
Au-delà des montants, l'enjeu essentiel reste évidemment celui de la fixation des indemnités. Tout comme la commission des lois, nous estimons qu'il est indispensable de rétablir la fixation automatique au maximum légal pour tous les exécutifs locaux.
Bien entendu – cela a été souligné –, il conviendra de faire preuve d'une extrême vigilance quant au maintien des moyens accordés pour permettre aux communes de continuer à exercer leurs missions, notamment pour compenser ces dépenses. Nous y porterons une attention particulière lors de l'examen du projet de loi de finances.
Nous saluons par ailleurs une avancée essentielle que le Sénat a su préserver : la déclaration unique des indemnités pour les élus à mandats multiples. C'est une simplification bienvenue.
J'en viens à la question de l'assurance retraite. L'article 3 marque enfin une reconnaissance concrète du temps consacré au mandat. Cette avancée était attendue de longue date. Les modalités vont évoluer sans doute, mais il s'agit de la juste prise en compte d'un engagement réel, souvent à temps plein. Il va de soi que notre groupe approuve pleinement l'exclusion des parlementaires du dispositif.
Les articles 18 et 18 bis font l'objet de nombreux débats. Nous entendons effectivement les messages envoyés par les associations nationales, et nous considérons qu'il reste indispensable de mieux articuler le droit pénal et le droit administratif, comme ces dernières le demandent d'ailleurs. Il faut donc clarifier les cas réels de conflits d'intérêts. Nous ne pouvons évidemment pas desserrer la vigilance, mais nous voulons rétablir la lisibilité, la proportionnalité et la sécurité juridique.
Chers collègues, je l'ai dit, ce texte ne répond probablement pas à toutes les questions, et ce qu'il met en place ne constitue sans doute pas un statut de l'élu local. Néanmoins, c'est un texte qui permet de faire un pas. C'est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera évidemment en sa faveur.
Mais si cette proposition de loi ouvre des avancées concrètes, il faudra – disons-le clairement – faire preuve de plus d'ambition et aller plus loin.
Protéger le mandat, ce n'est pas sacraliser une fonction ; c'est garantir que toutes et tous puissent réellement y accéder. C'est surtout veiller à conforter toutes celles et tous ceux qui incarnent au quotidien la République. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 7 mars 2024, notre Sénat a adopté la proposition de loi sur le statut de l'élu local. L'objectif est simple, mais crucial : éviter la crise des vocations chez les élus locaux. Chaque mois, plus de quarante maires démissionnent, et le chiffre a été multiplié par quatre en dix ans. Ce triste record est un signal d'alarme pour notre démocratie.
Car, derrière ces départs, il y a de la lassitude, parfois de la colère et, surtout, un sentiment d'impuissance face à un État qui réduit les financements, centralise toujours plus et écoute toujours moins. Nos élus locaux voient leurs marges d'action réduites par une bureaucratie complexe faite de normes qui s'empilent, par le rabotage des budgets, et ce dans un contexte d'insécurité juridique permanente.
Et pourtant, ce sont eux qui tiennent bon. Ce sont les communes, les intercommunalités, les départements et les régions qui ont géré les crises : la pandémie, les catastrophes climatiques, les tensions sociales. Ce sont toutes ces collectivités qui assurent la présence de la République au quotidien, dans nos écoles, sur nos routes, dans nos services publics. Quand on leur fait confiance, elles savent agir.
C'est pourquoi ce texte, construit avec les élus eux-mêmes, est non pas un privilège, mais bel et bien une reconnaissance.
Reconnaissance d'abord de l'engagement de ceux qui exercent souvent leur mandat bénévolement. Rappelons-le, 80 % des élus locaux travaillent à côté.
Reconnaissance donc aussi de leur droit à pouvoir concilier engagement et vie professionnelle.
Reconnaissance encore des femmes et des jeunes, à qui nous devons permettre d'exercer un mandat sans renoncer à leurs droits sociaux.
Et pour que cette reconnaissance soit complète, nous devons tout mettre en œuvre pour les protéger contre les recours abusifs liés à la notion de prise illégale d'intérêts.
Lors de sa première lecture par notre assemblée, ce texte, équilibré et juste, avait trouvé un consensus rare. Et pourtant, la semaine dernière, en commission, deux reculs sont apparus. Nous avons toutes et tous, je le crois, été alertés pendant tout le week-end par l'ensemble des associations d'élus.
Je pense d'abord au rétablissement de la prise illégale d'intérêts entre deux intérêts publics. Une telle modification pourrait marquer un retour de la suspicion. Nous savons – cela a été annoncé – que des amendements nous seront proposés.
Je pense ensuite à un autre sujet que je ne peux pas taire : l'instauration d'un serment obligatoire pour les élus locaux, en particulier pour les maires. Oui, certes, dans un groupe de 35 000 personnes, il y a toujours des brebis galeuses.
Cependant, qui peut sérieusement douter que nos maires ne respectent pas déjà les valeurs républicaines, eux qui les incarnent chaque jour sur le terrain, à l'heure d'une crise politique certainement très profonde ?
Pendant ce temps, ni les parlementaires que nous sommes, ni les ministres, ni le Président de la République ne sont soumis à ce même serment. Cette mesure est donc parfois ressentie comme accusatoire. Elle provoquera de nouveaux contentieux et aggravera la vulnérabilité judiciaire de nos élus, alors même que le texte avait précisément vocation à la réduire.
Mes chers collègues, les élus locaux demandent non pas des privilèges, mais du respect, de la protection et des moyens d'agir au service de leur population. Sans eux, la République ne vit plus.
Ce n'est pas dans les hémicycles que vit notre République, mais dans nos communes, nos quartiers et nos villages ; elle vit grâce à l'action de celles et de ceux qui s'engagent au service de l'intérêt général. En défendant nos élus et notre démocratie locale, nous défendons l'ensemble des habitants de notre pays. C'est pour cela que nous affirmons que l'engagement local mérite protection, sécurité et reconnaissance.
Nous voterons ce texte, que nous saluons : il est temps de reconnaître que le rôle des élus locaux est essentiel à la vie démocratique et à la cohésion sociale.
Parce que nous sommes en démocratie, nous aurons un certain nombre de débats lors de l'examen des amendements. Ce texte doit être non pas une fin en soi, mais bel et bien un chemin qu'il faudra continuer de tracer pour que, dans notre pays, un statut d'élu local puisse réellement voir le jour. (Applaudissement sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Éric Gold et Louis Vogel applaudissent également.)