M. Bernard Delcros. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qui pourrait aujourd'hui contester le fait que les maires et les élus locaux jouent un rôle central dans la cohésion sociale de notre pays ?
Qui pourrait contester qu'ils sont, dans le climat d'instabilité que nous connaissons – comme d'ailleurs à l'occasion de chaque crise –, un pôle de stabilité rassurant pour nos concitoyens et qu'ils détiennent aussi les clés des transitions que le pays doit réussir ?
Qui pourrait contester que les élus locaux font, chaque jour, vivre notre République au plus près des habitants ?
Pourtant, ce sont bien les maires qui, au quotidien, doivent faire face à des normes toujours plus contraignantes, à la montée des incivilités et des violences. De surcroît, ils s'exposent à des risques juridiques alors qu'ils sont, pour l'immense majorité d'entre eux, animés par le seul souci de l'intérêt général.
Cette proposition de loi relative au statut de l'élu local, issue des travaux de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, est très attendue des maires de France. Qu'il s'agisse de la protection juridique, des autorisations d'absence, du crédit d'heures, des indemnités, du remboursement des frais engagés, du statut d'élu étudiant, de la validation des acquis de l'expérience ou des congés de formation – et je pourrais donner bien d'autres exemples –, ce texte apporte des avancées concrètes.
Cependant, je veux revenir sur deux mesures qui, selon moi, méritent d'être corrigées, à commencer par la revalorisation du régime indemnitaire des maires et de leurs adjoints. Je le dis sans détour, augmenter les indemnités dans les petites communes sans accroître la dotation particulière « élu local » (DPEL) pour compenser cette hausse serait une tromperie, car les communes concernées n'en auraient tout simplement pas les moyens.
Veillons donc à la cohérence de cette mesure avec les crédits inscrits dans le projet de loi de finances ; nous en reparlerons.
Ensuite, la version du texte issue des travaux de l'Assemblée nationale interdit au maire d'une commune d'une centaine d'habitants, qui serait également secrétaire de mairie ou agent communal dans une petite commune membre du même EPCI, de siéger au conseil communautaire, au motif d'un supposé conflit d'intérêts. Très franchement, où pourrait bien se cacher le risque de conflit d'intérêts ? Il n'y en a pas !
Alors que ce texte vise à encourager l'engagement citoyen, en particulier dans les petites communes, cette interdiction, qui n'a aucune justification crédible à mes yeux, ne va pas dans le bon sens. Je défendrai donc un amendement tendant à supprimer cette incompatibilité dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Du reste, le risque de conflit d'intérêts public-public pose aussi problème, raison pour laquelle je souhaite qu'un accord soit trouvé.
Pour conclure, je tiens à remercier Mme la ministre, pour son engagement de longue date en faveur du statut de l'élu, ainsi que nos rapporteurs. Comme l'a annoncé mon collègue Jean-Michel Arnaud, le groupe Union Centriste votera, bien entendu, les belles avancées en faveur de notre démocratie locale que contient ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Reynaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Louis Vogel applaudit également.)
M. Hervé Reynaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est fait : il ne se passe plus une seule journée en France sans qu'un maire démissionne ! En effet, le nombre moyen de démissions a été multiplié par quatre par rapport au mandat précédent. Il s'agit bien de maires qui jettent l'éponge, parce qu'ils considèrent ne plus pouvoir exercer leur mandat dans de bonnes conditions.
Menaces, insultes, agressions envers les élus, inflation juridique et normative qui pèse sur la fonction et entrave son exercice, désengagement de l'État, manque récurrent d'accompagnement, mais aussi tensions au sein même des conseils municipaux et travail sous pression nuisant à la santé des élus : les raisons sont multiples pour expliquer ces démissions.
Aussi, il était urgent que nous répondions à une question politique majeure : comment notre République reconnaît-elle celles et ceux qui s'engagent et la font vivre au quotidien sur le terrain ?
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est une réponse forte et attendue. Je voudrais ici souligner deux points qui me paraissent fondamentaux, à commencer par la valorisation de l'engagement public. Il convient en effet d'améliorer les conditions d'exercice du mandat. Ainsi, une meilleure conciliation de la vie professionnelle et personnelle avec l'exercice de la fonction va nécessairement dans le bon sens.
Être élu ne doit plus être une parenthèse risquée, mais un engagement valorisant qui enrichit l'expérience et la compétence de celles et de ceux qui s'y consacrent. Bien sûr, l'amélioration du régime indemnitaire n'est pas au cœur de l'engagement premier ni une fin en soi. Cependant, elle est nécessaire pour assurer le temps consacré à l'intérêt général. Valoriser cet engagement au moment de la retraite se révèle aussi positif.
Ensuite, il convient de mieux protéger les maires et les élus. Certes, ces derniers sont des justiciables, comme tout un chacun, mais ils sont particulièrement exposés publiquement. Il s'agit donc de lever certaines ambiguïtés de la législation sur la prise illégale d'intérêts, actuellement susceptibles de créer des risques juridiques non négligeables, au détriment des élus de bonne foi.
Enfin, les élus seront mieux protégés par l'octroi automatique de la protection fonctionnelle.
Pour que les maires demeurent sereinement les élus préférés des Français dans leur commune, donnons au mandat d'élu local les moyens de rester le plus beau des mandats. Nous disposons désormais d'un texte, grâce au travail mené par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en particulier par son ancienne présidente Françoise Gatel et l'actuel président Bernard Delcros, qui a bien pointé les pistes d'amélioration.
Mes chers collègues, en soutenant cette proposition de loi, nous faisons un choix politique fort, celui de valoriser l'engagement républicain et de protéger ceux qui incarnent la démocratie au quotidien. C'est, en tout cas, le sens de notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jeanne Bellamy. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Jeanne Bellamy. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup vient d'être dit, toutefois je veux réaffirmer ceci avec force : nous avons besoin de ce texte, que nous attendons de longue date. En effet, le premier rapport sénatorial sur le statut de l'élu remonte à janvier 1982, soit il y a près de quarante-cinq ans.
Cette proposition de loi doit être à la hauteur de nos ambitions, mais aussi et surtout répondre aux espoirs et aux attentes des élus qui, face aux difficultés, se trouvent en première ligne.
Le mandat municipal est celui de la proximité, du terrain, de l'action au plus près du quotidien des citoyens. Ces dernières années, dans un contexte sociétal en profonde mutation, nos élus municipaux ont affronté les crises successives. Mouvement des « gilets jaunes », crise sanitaire, inflation, flambée des prix de l'énergie et, plus récemment, incertitudes politiques et budgétaires : rien ne leur aura été épargné !
On parle souvent d'une crise de vocation, mais elle est en réalité bien plus complexe. En vue de l'examen de ce texte, j'ai conduit un groupe de travail avec les élus du département de la Vienne. Mon constat est clair : la vocation est toujours là, mais nos élus sont souvent empêchés dans l'exercice de leur mandat. Ils sont fatigués par la lourdeur administrative et l'absence d'accompagnement de l'État, dans une société fragmentée, toujours plus exigeante et marquée par la montée des réseaux sociaux.
Leur demande unanime est simple : plus de simplification et une adaptation réelle des conditions d'exercice à la société d'aujourd'hui. Ils attendent un texte concret et pragmatique permettant de concilier leur mandat et leur vie professionnelle et personnelle, pour exercer sereinement leur mission, à savoir faciliter, accompagner et améliorer la vie des habitants de leur territoire.
Ce texte devra aussi leur donner les moyens d'envisager plus sereinement l'après-mandat : reprise du parcours professionnel, reconversion ou retraite.
Nos élus sont engagés et dévoués, mais ce dévouement ne doit plus rimer avec sacrifice personnel. Aussi, donnons à nos élus les réponses tant attendues ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre. (Ah ! sur diverses travées.)
Mme Françoise Gatel, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux saluer avec beaucoup de sincérité les interventions des représentants des groupes politiques, car, au-delà de nos différences, de notre vision et peut-être de nos souhaits respectifs, ils ont, les uns les autres, exprimé un sens de la responsabilité qui doit être salué.
Vous manifestez tous la volonté de construire et de faire prospérer un texte qui, je l'ai dit tout à l'heure, n'a pas forcément connu un chemin de vie très tranquille. Aussi, je me réjouis avec vous, très profondément – car cela me touche beaucoup –, de la responsabilité collective que nous voulons assumer, celle de permettre à la Nation de reconnaître ses serviteurs.
Nous le savons, 80 % des 500 000 élus locaux ne bénéficient d'aucune indemnité. Ils sont simplement courageux, généreux, bienveillants. Qu'on ait ou non voté pour eux, ils s'occupent de tout le monde. Précisément, dans une société si fracturée, où l'individualisme ne cesse de dominer, nos élus sont aujourd'hui des remparts et des serviteurs que la Nation doit vraiment reconnaître. Bref, il est temps d'agir.
Au demeurant, j'ai pris bonne note des éléments concrets que j'ai entendus au cours de vos interventions ; nous y reviendrons lors de l'examen des articles. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Demandes de réserve et de priorité
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre. En application de l'article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande la réserve sur l'examen des articles 3 et 3 bis, qui concernent la retraite des élus locaux.
Par ailleurs, il demande que soient examinés en priorité les articles 26 et 27, afin que le Sénat puisse les aborder ce soir, à vingt et une heures trente, en présence du ministre du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. Je suis donc saisie par le Gouvernement d'une demande de réserve sur les articles 3 et 3 bis, ainsi que les amendements portant articles additionnels qui s'y rapportent, et d'une demande de priorité portant sur les articles 26 et 27, afin que l'ensemble de ces articles puissent être examinés ce soir, à la reprise de nos travaux.
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Je consulte le Sénat sur les demandes de réserve et de priorité présentées par le Gouvernement.
(La réserve et la priorité sont ordonnées.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vais suspendre la séance pour une durée d'une demi-heure, afin que la commission des lois puisse se réunir pour examiner les amendements déposés sur le texte.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures vingt.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Candidature à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale à la prospective a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
4
Mandat d'élu local
Suite de la discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous reprenons l'examen de la proposition de loi visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'élu local.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à l'examen du texte de la commission.
TITRE IER
AMÉLIORER LE RÉGIME INDEMNITAIRE DES ÉLUS POUR RECONNAÎTRE LEUR ENGAGEMENT À SA JUSTE VALEUR
Article 1er
(Non modifié)
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le tableau du deuxième alinéa de l'article L. 2123-23 est ainsi rédigé :
« |
Population (en habitants) |
Taux (en % de l'indice) |
|
Moins de 500 |
28,1 |
||
De 500 à 999 |
44,3 |
||
De 1 000 à 3 499 |
55,7 |
||
De 3 500 à 9 999 |
58,3 |
||
De 10 000 à 19 999 |
67,6 |
||
De 20 000 à 49 999 |
90 |
||
De 50 000 à 99 999 |
110 |
||
100 000 et plus |
145 |
» ; |
2° La première phrase de l'article L. 2123-24-1-1 est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « municipal, », sont insérés les mots : « d'une part, » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout mandat exercé dans une autre collectivité territoriale » ;
3° La première phrase de l'article L. 3123-19-2-1 est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « départemental, », sont insérés les mots : « d'une part, » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout mandat exercé dans une autre collectivité territoriale » ;
4° La première phrase de l'article L. 4135-19-2-1 est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « régional, », sont insérés les mots : « d'une part, » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout mandat exercé dans une autre collectivité territoriale » ;
5° La première phrase de l'article L. 5211-12-1 est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « conseil, », sont insérés les mots : « d'une part, » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et, d'autre part, au titre de tout autre mandat exercé dans une collectivité territoriale ».
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l'article.
M. Jean-François Longeot. Il est des dossiers qui transcendent les clivages politiques : le statut des directeurs de cabinet et la création d'un véritable statut d'élu local en font partie et, comme ils sont complémentaires, il me semble pertinent de rappeler leur cohérence.
La proposition de loi visant à clarifier et à sécuriser le rôle des collaborateurs de cabinet en collectivité territoriale, présentée par Cédric Vial et Jérôme Durain, exprime un souhait clair : celui de reconnaître aux directeurs de cabinet une autorité fonctionnelle sur des services qui relèvent de leur champ naturel de compétence, notamment la communication et le protocole.
L'adoption de ce texte renforcerait de facto le statut et les prérogatives des élus en général, dans la droite ligne de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Cela nous permettrait d'aller au bout du travail engagé sur le statut de l'élu local et c'est à ce titre que je souhaite que le texte de MM. Vial et Durain soit prochainement examiné. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Olivia Richard, sur l'article.
Mme Olivia Richard. Alors que s'est tenue la semaine dernière la 43e session de l'Assemblée des Français de l'étranger, je veux saluer l'engagement des 442 conseillers qui, partout dans le monde, représentent les quelque 3 millions de Français établis hors de France.
Élus au suffrage universel direct tous les six ans, ces conseillers portent la voix de leur communauté auprès des postes diplomatiques et consulaires. Quatre-vingt-dix d'entre eux siègent à Paris deux fois par an, au sein de l'Assemblée des Français de l'étranger, pour réfléchir à nos problématiques.
Il y a deux ans, alors que je prenais la parole pour la première fois dans cet hémicycle, j'avais appelé à ne pas oublier ces élus. J'ai un rêve, celui que certaines des dispositions du présent texte puissent s'appliquer à eux. Toutefois, les amendements que j'ai déposés à cette fin ont été déclarés irrecevables : je le regrette.
Les conseillers des Français de l'étranger attendent, eux aussi, que nous renforcions leur statut et reconnaissions leur engagement. J'espère que nous aurons l'occasion de le faire dans les prochains mois. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l'article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Je prends la parole pour celles et ceux que nous oublions trop souvent lorsque nous parlons des élus locaux : les 442 conseillers des Français de l'étranger. Dès l'examen en première lecture de cette proposition de loi, j'avais en tête une série d'amendements dont l'adoption aurait pu faciliter l'exercice de leur mandat.
Néanmoins, comme vous le savez, ces élus ne relèvent pas du code général des collectivités territoriales (CGCT). Ils ne sont donc pas juridiquement considérés comme des élus locaux, au même titre que leurs collègues de l'Hexagone, alors qu'ils exercent partout dans le monde un mandat de proximité, au service de nos compatriotes.
La loi du 22 juillet 2013, que j'avais alors défendue en tant que ministre des Français de l'étranger, est venue parachever la représentation de nos concitoyens établis hors de France en créant une nouvelle catégorie d'élus. Plus de dix ans après l'adoption de ce texte, il est grand temps de tirer toutes les leçons de l'expérience de la décennie passée et de consolider le statut de ces élus.
C'est à cette reconnaissance que je consacre une partie importante de mon travail. Il conviendrait notamment de renforcer la formation des conseillers, en leur permettant de disposer du droit individuel à la formation déjà ouvert aux élus locaux et de reconnaître les compétences acquises grâce au mandat, via la validation des acquis de l'expérience, ainsi que l'accès à la troisième voie des concours de la fonction publique.
Par ailleurs, en matière de respect du protocole républicain, nous devons veiller à ce que les postes diplomatiques informent les élus des cérémonies et visites officielles dans leurs circonscriptions et qu'ils les y associent systématiquement.
Il est également nécessaire d'actualiser leur indemnité de frais de mandat, afin qu'elle couvre les frais réels qu'ils engagent pour être au plus près de leur communauté.
Enfin, il faudrait travailler à renforcer les moyens humains de l'Assemblée des Français de l'étranger, afin que ses commissions disposent d'un appui administratif digne d'une véritable assemblée consultative.
Ces femmes et ces hommes exercent leur mandat avec dévouement, malgré des moyens limités. Si le présent texte ne peut les concerner directement, qu'il soit au moins l'occasion de rappeler l'importance d'ouvrir, à brève échéance, un chantier législatif spécifique sur le statut des élus des Français de l'étranger.
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, sur l'article.
M. Simon Uzenat. Il faut le dire, l'article 1er a été modifié par l'Assemblée nationale afin de faire des économies, d'où la limitation de la revalorisation de l'indemnité versée aux maires aux seules communes de moins de 20 000 habitants. Lors de l'examen de ce texte en première lecture – vous étiez alors corapporteure du texte, madame la ministre –, nous étions plusieurs à dire qu'il s'agissait là d'une mesure de justice.
En effet, il nous était apparu qu'une revalorisation systématique et générale des indemnités de 10 % avait tendance à accroître les écarts déjà très importants entre les maires des plus grandes communes et ceux des plus petites.
Or, comme nous avons l'habitude de le dire, les ennuis – pour rester poli – sont inversement proportionnels à la taille de la commune. Ainsi, les maires des plus petites communes, vu le temps et l'énergie qu'ils consacrent à leurs fonctions, méritent un soutien accru. Tel est l'objet de l'article 1er.
Pour autant, nous aurions pu aller plus loin, car, même avec cette revalorisation, les élus restent en deçà du Smic horaire, si on rapporte le montant de leur indemnité au temps qu'ils consacrent effectivement à s'occuper de leur commune. C'est une réalité qu'il convient de prendre en compte.
Par ailleurs, beaucoup d'élus déplorent l'écart très net entre l'indemnité versée aux maires et la rémunération des directeurs généraux des services : cela pose une véritable question démocratique. De toute évidence, ils ne jouent pas les mêmes rôles, mais la responsabilité des maires est éminente. Ainsi, la question de l'alignement de la rémunération des directeurs généraux sur celle des maires devrait être posée, du moins à moyen terme.
Je souhaitais appeler votre attention sur ce sujet dans le cadre du présent débat, mais, comme aucun amendement n'a été déposé sur cet article, nous n'aurons pas l'occasion d'aller beaucoup plus loin. Nous devrons donc y revenir, madame la ministre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l'article.
Mme Marie-Pierre Monier. Nous aspirons toutes et tous à l'adoption définitive de cette proposition de loi visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'élu local. Il est étrange et douloureux d'évoquer ce sujet sans Gilbert Bouchet, car, à ses côtés, Bernard Buis et moi-même l'avions défendu auprès des élus drômois, en dépit de nos appartenances politiques différentes.
En prenant la parole dans cet hémicycle, je pense avec émotion à Gilbert, lui qui n'y reviendra plus jamais.
Revenons à l'article 1er. Celui-ci cristallise nombre d'attentes autour de ce texte. Dans un contexte où le lien entre nos concitoyens et le monde politique est fragilisé, les maires restent des piliers, auxquels 68 % des Français accordent leur confiance, selon la dernière enquête Ipsos.
Si nous voulons continuer à trouver des volontaires pour exercer les fonctions de maire et d'élu municipal dans nos communes, nous devons leur permettre de percevoir des indemnités à la hauteur de la charge.
La revalorisation ciblée et graduée des indemnités des maires des petites et moyennes communes qui nous est proposée par cet article constitue une nouvelle étape.
À la veille des élections municipales, j'espère que cette disposition contribuera à faciliter la conciliation de la vie d'élu avec la vie professionnelle et la vie personnelle. C'est en effet un véritable enjeu démocratique que d'offrir à chacun et à chacune la possibilité de s'engager pour sa commune et, partant, de nous assurer que nous trouverons encore des volontaires pour assumer cette charge.
Cette nouvelle étape n'aura toutefois de sens que si elle est accompagnée d'une augmentation de la DPEL. Les budgets des communes étant contraints, en particulier dans la période actuelle, nous savons que, s'ils doivent choisir entre un projet et leur indemnité, les élus locaux préféreront se priver.
Si nous voulons que l'objectif qui préside à cet article soit atteint, il faut que le dispositif qu'il introduit soit financé par l'État. J'espère que le projet de loi de finances sera l'occasion d'acter ce principe.
Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l'article.
M. Yan Chantrel. Je souhaite vous parler des grands oubliés de ce texte que sont les conseillers des Français de l'étranger, mes chers collègues. Partout dans le monde, ils sont en effet les représentants élus de nos concitoyens établis à l'étranger.
J'ai déposé plusieurs amendements visant à octroyer à ces conseillers le statut d'élu local, car bien que leur rôle soit consultatif, ils exercent des fonctions très proches des fonctions d'élu local. Élus au suffrage universel direct, ils représentent nos compatriotes au sein de nos consulats et de nos ambassades et ils siègent au sein des conseils consulaires, qui décident notamment de l'attribution des bourses scolaires.
Mes amendements ayant été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, je n'aurai, hélas ! pas l'occasion de les défendre. Je m'adresse donc à vous, madame la ministre, pour solliciter la reconnaissance pleine et entière de ces élus qui travaillent pour notre pays et représentent à travers le monde nos 3 millions de concitoyens de l'étranger.
Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet et Fialaire, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du II de l'article L. 2123-20, à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 3123-18 et à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 4135-18 du code général des collectivités territoriales, les mots : « à une fois et demie le » sont remplacés par le mot : « au ».
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Si la revalorisation des indemnités locales corrige des situations devenues intenables, en particulier dans les petites communes, cet amendement vise à accompagner celle-ci du garde-fou clair et lisible qu'est l'abaissement du plafonnement du cumul des indemnités locales à hauteur d'une indemnité de parlementaire, contre une fois et demie actuellement.
Notre collègue Henri Cabanel, auteur de cet amendement, défend en effet de longue date cette proposition – il l'avait déjà défendue en 2018 –, afin de répondre à une double exigence d'acceptabilité sociale de la revalorisation et de justice dans la répartition des moyens.
Il ne s'agit pas, par cet amendement, d'interdire aucun mandat ni de stigmatiser aucun engagement : cette proposition se borne à limiter le cumul des indemnités afin de garantir l'exemplarité des élus et de préserver la crédibilité d'une réforme que nous partageons tous, mes chers collègues.
Au-delà de cet amendement qui peut s'apparenter à un amendement d'appel, Henri Cabanel, dont vous connaissez le combat sur le sujet, souligne par cette proposition que, contrairement aux parlementaires qui sont tenus au non-cumul, les élus locaux peuvent cumuler non seulement les mandats, mais aussi les indemnités.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. La commission demeure défavorable à cet amendement, qui avait déjà été examiné, puis rejeté en première lecture, visant à plafonner l'indemnité des élus locaux à hauteur d'une indemnité parlementaire, contre une et demie en l'état du droit.
Premièrement, ce dispositif aurait un effet défavorable sur les indemnités perçues par les élus locaux, puisque la part écrêtée des indemnités s'en trouverait relevée. Cela irait à l'encontre de l'objectif des auteurs de la présente proposition de loi, qui entendent renforcer l'attractivité des mandats locaux.
Deuxièmement, nous considérons que le sujet de l'écrêtement des indemnités des élus locaux ne doit pas nécessairement être abordé dans le cadre de l'examen du présent texte : il pourrait être évoqué lors d'un débat ultérieur portant plus largement sur la question du cumul de mandats ou de fonctions par les élus locaux.
L'avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre. Je sais la détermination de votre collègue Henri Cabanel sur ce sujet, madame la présidente Carrère.
Aux arguments évoqués par votre rapporteure, j'ajouterai que le dispositif proposé crée une différence de traitement entre les élus communaux, ainsi que les élus départementaux et régionaux concernés par cette mesure, d'une part, et les autres titulaires de mandats locaux soumis à cette règle d'écrêtement, d'autre part.
Comme votre rapporteure, j'estime donc préférable de mettre à plat l'ensemble du système.
Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l'avis serait défavorable.
Mme la présidente. Madame Carrère, l'amendement n° 16 rectifié est-il maintenu ?