M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Thierry Cozic. Madame la ministre des comptes publics, alors que l'examen du budget a enfin commencé, une fois n'est pas coutume, le compte n'y est pas !
Le texte présenté ne trahit que trop bien l'énergie considérable que vous déployez pour ne pas voir l'éléphant dans la pièce.
Alors qu'un effort démesuré est demandé à nos concitoyens pour pallier huit ans d'incurie budgétaire macroniste, rien ou presque n'est instauré pour mettre à contribution les plus aisés de ce pays, pourtant si épargnés. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le maintien de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) est une timide première mesure, mais comme elle ne touche pas les patrimoines, cette taxe rate opportunément sa cible.
La création d'une nouvelle taxe de 2 % sur le patrimoine des holdings ne trompe personne : tous les trous possibles et imaginables ont été insérés dans la raquette afin de la rendre inopérante.
J'ai bien pris acte que, à ce stade, la donne avait changé à l'Assemblée nationale par rapport à l'année dernière. Désormais, l'extrême droite, tout affairée à séduire les milieux d'affaires, n'a que faire de sacrifier sur l'autel de ceux qu'elle prétend défendre les rares dispositions sociales que son électorat appelle pourtant de ses vœux.
Avec une telle trahison, exit les irritants sur l'économie. Nos collègues Les Républicains n'en demandaient pas tant ! Ce renoncement ouvre opportunément le champ d'une union des droites.
M. Jean-François Husson. Vous avez déjà fait le NFP !
M. Thierry Cozic. De M. Karoutchi à M. Bellamy, en passant par M. Retailleau, tous se sont faits de plus en plus sonores pour enfin franchir le Rubicon. (M. Francis Szpiner proteste.)
Disons-le franchement, l'abandon des dernières dispositions fiscales réclamées par l'extrême droite pourrait bien libérer les appétits d'union. De Gaulle partout, gaullisme nulle part ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la ministre, loin de ces calculs politiciens, les 86 % de Français qui appellent de leurs vœux une réelle taxation des plus aisés exigent des engagements forts en la matière. C'est une question de cohésion sociale.
Concrètement, quelles mesures comptez-vous prendre afin de rétablir le minimum de justice fiscale qu'ont mis à mal huit ans de macronisme ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'action et des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. Depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il y a, dans notre pays, un principe : chacun doit payer selon ses moyens. (Brouhaha sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Ce n'est pas le cas !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. D'ailleurs, le système français est l'un des plus redistributifs. Ainsi, avant impôt, l'écart entre les 10 % les plus modestes et les 10 % les plus riches est de 1 à 18 ; après impôts et redistribution, cet écart est réduit d'un facteur 6, puisqu'il passe de 1 à 3. Telle est la réalité de la redistribution aujourd'hui dans notre pays.
Ensuite, comme l'a indiqué le Premier ministre, nous voulons, en matière de fiscalité, de la justice, mais pas de symboles. Nous sommes donc tout à fait ouverts à corriger certaines choses, s'il le faut, mais nous avons deux limites.
Première limite, il faut que ce soit efficace. Si une mesure est symbolique, confiscatoire, qu'elle n'aboutit à aucun rendement et qu'elle conduit plutôt au départ de ceux qui font notre pays – nos entrepreneurs, nos entreprises…–, elle n'a aucun intérêt.
Deuxième limite, le Premier ministre vient de le dire, c'est l'outil professionnel. Comment imaginer pouvoir réduire le déficit, ce que nous cherchons à faire, si nous avons moins d'entreprises, moins d'investissements, moins d'emplois, moins d'initiatives ?
Beaucoup de propositions ont été faites à l'Assemblée nationale, le débat y a lieu en ce moment en commission des finances. Le Gouvernement, je le redis, n'a pas de majorité absolue. Le consensus va se bâtir en séance, d'abord à l'Assemblée nationale, puis ici, et enfin en commission mixte paritaire et en nouvelle lecture si la CMP n'est pas conclusive. Chacun connaît les règles du jeu.
La boussole que nous devons avoir, c'est le pacte républicain : comment assurer la justice dans l'effort, mais sans mettre à mal notre économie ? (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Pascal Savoldelli. Il faut être légitime pour pouvoir dire cela !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je terminerai mon intervention par un autre élément clé du pacte républicain : la lutte contre la fraude.
En même temps que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons déposé un projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales,…
M. Jean-François Husson. Il y en a un tous les ans !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. … qui sera très bientôt débattu ici même, si l'agenda le permet.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La fraude touche tous les secteurs, tous les services publics. C'est une tâche sur ce que la République doit à nos concitoyens. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
sécurité des musées après le vol au louvre
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme Agnès Evren. Madame la ministre de la culture, le Louvre, le plus grand musée du monde, a été cambriolé ce week-end. Les Français sont meurtris, sidérés, indignés.
Meurtris de voir disparaître ces joyaux de la couronne, trésors de notre culture, splendeurs de notre mémoire, témoins précieux de notre histoire commune.
Sidérés que ce vol ait pu se produire au cœur de Paris, en pleine journée, en quelques minutes, et à proximité d'autres grandes institutions publiques, dont la préfecture de police.
Indignés enfin d'assister au concours de la défausse et de la déresponsabilisation. Ce ne serait la faute de personne ! Je salue d'ailleurs l'enquête administrative que vous avez diligentée. La maire de Paris, quant à elle, s'est contentée d'un post désinvolte sur Instagram, sans aucune émotion perceptible et sans assumer la moindre responsabilité concernant la sécurisation du centre de la capitale. (Exclamations et huées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Ian Brossat. Si ce n'est pas de la défausse de dire cela, rien n'en est !
M. Rachid Temal. Ce n'est pas sérieux !
Mme Agnès Evren. Notre patrimoine national est pourtant ce qui nous lie les uns aux autres et qui nous relie à ceux qui nous ont précédés. (Les protestations continuent sur les mêmes travées.) C'est ce qui nous rend fiers. C'est ce qui fait que la France est la France : un grand pays, une grande histoire, une grande culture.
Madame la ministre, ma question est double.
D'abord, celle de la responsabilité : on ne peut donner aux Français l'impression que personne n'est responsable de la protection des œuvres et, dans le cas précis, de la sécurité du Louvre. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Rachid Temal. L'État, la ministre de la culture sont responsables !
Mme Agnès Evren. Ensuite, madame la ministre, quelles leçons en tirez-vous et quelles sont les mesures que vous envisagez de prendre pour assurer la protection de notre patrimoine, à Paris comme partout en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice Agnès Evren, vous avez raison de rappeler l'émotion et la sidération des Français à la suite de ce vol spectaculaire.
Je redis toutefois, comme je l'ai indiqué au président Lafon tout à l'heure, que les systèmes et dispositifs de sécurité internes au Louvre ont fonctionné. (M. Ian Brossat et Mme Colombe Brossel s'exclament.)
M. Rachid Temal. C'est rassurant…
Mme Rachida Dati, ministre. C'est une réalité, et je refuse que l'on mette en cause des agents engagés pour la sécurité du Louvre.
Devons-nous améliorer les dispositifs ? Oui !
C'est d'ailleurs tout le sens de l'enquête administrative que j'ai diligentée, des auditions lancées par la commission de la culture du Sénat présidée par Laurent Lafon, de la mission confiée au député Jérémie Patrier-Leitus et de l'instruction que Laurent Nuñez et moi-même avons adressée aux préfets et aux dirigeants des établissements culturels.
Vous avez raison aussi, madame la sénatrice, de souligner l'irresponsabilité de certains élus de Paris dans leur refus de sécuriser la ville (Vives protestations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) J'en entends derrière moi à cet instant… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Ils refusent de sécuriser les sites sensibles par le déploiement de la vidéoprotection. Eh bien, nous mettrons cela en œuvre ensemble, madame Evren ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Ces élus – Mme Hidalgo, M. Brossat, M. Grégoire… –, la gauche en général, oublient une chose (Le brouhaha couvre la voix de Mme la ministre.) : le vol spectaculaire qui a eu lieu au musée d'art moderne de la Ville de Paris, avec un butin de 100 millions d'euros qui n'a jamais été retrouvé. Depuis, aucune conséquence n'a été tirée, aucune mesure n'a été prise ! (Les protestations continuent sur les mêmes travées.)
M. Rachid Temal. Ce n'est pas sérieux !
Mme Rachida Dati, ministre. Madame Evren, je vous remercie pour les propositions que vous m'avez faites s'agissant de la culture et pour votre engagement sur ces sujets, puisque vous avez été vice-présidente en charge de la culture de la plus grande région d'Europe, l'Île-de-France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Yannick Jadot. Il faudra mettre tout cela dans les comptes de campagne !
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-François Husson applaudit également.)
M. Jean-Michel Arnaud. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire et nous revenons, monsieur le président, au calme de l'agriculture française. (Sourires.) J'associe à cette question mes collègues Nathalie Goulet et Sylvie Vermeillet, ainsi que l'ensemble des membres de mon groupe.
La France a récemment été touchée par une épizootie de dermatose nodulaire contagieuse, maladie virale qui ne se transmet qu'entre bovins. Alors que les foyers haut-savoyards et savoyards avaient été contenus, une résurgence de l'épizootie est survenue il y a quelques jours avec l'apparition de nouveaux cas, notamment dans le Jura, dans l'Ain, en Franche-Comté et en Occitanie.
Face à cette situation, madame la ministre, vous avez décidé, le 17 octobre dernier, de prendre plusieurs mesures applicables pour les quinze jours suivants afin de limiter la propagation du virus. Sont donc interdits tout rassemblement festif de bovins, ainsi que toute sortie de bovins du territoire métropolitain. Avec les membres de mon groupe, nous saluons ces mesures qui s'imposaient.
Toutefois, elles soulèvent des inquiétudes dans les rangs des éleveurs. En effet, la suspension des exportations, qui risque d'entraîner une diminution des prix de vente, n'est pas sans conséquences économiques et psychologiques pour les petites exploitations. Il en est de même pour les éleveurs dont les cheptels sont directement contaminés.
Madame la ministre, envisagez-vous la mise en place d'enquêtes approfondies pour expliquer les derniers cas signalés ? Quel dispositif d'accompagnement sanitaire et financier le Gouvernement va-t-il mettre en place pour aider nos éleveurs à traverser cette crise ? Enfin, au regard des mesures prises et des études épidémiologiques réalisées par vos services, dans quel délai pouvons-nous espérer sortir de cette crise sanitaire, en lien avec nos partenaires européens, et ainsi réautoriser les exportations ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord vous dire qu'aujourd'hui, 22 octobre, nous pouvons nous réjouir de la levée de la zone réglementée dans les départements savoyards, ce qui est la démonstration de l'efficacité de la stratégie que nous avons mise en œuvre, et cela dans un délai record qui est salué par tous.
Mme Anne-Sophie Romagny. Bravo !
Mme Annie Genevard, ministre. Vous évoquez les mesures que j'ai été contrainte de prendre samedi dernier. Plusieurs cas de dermatose étaient apparus dans des zones indemnes, ce qui avait jeté le trouble auprès des partenaires européens avec lesquels nous commerçons. Or nous devons continuer de commercer avec eux ; pour cela, il est fondamental de maintenir la confiance.
Ces mesures sont très sévères – j'en conviens – et je comprends les difficultés dans lesquelles se trouvent nos éleveurs au moment où ils exportent les broutards ou les petits veaux, que ce soit en Espagne, en Italie ou ailleurs. Je mesure toutes leurs difficultés.
Toutefois, si je n'avais pas pris ces mesures très fortes, le risque était que nos partenaires européens prennent des dispositions qui eussent été encore plus contraignantes et qui auraient éventuellement conduit à l'impossibilité totale, pour une durée indéterminée, d'exporter.
C'est pour conjurer ce risque, pour rester maîtres de notre destin que j'ai souhaité prendre les mesures dont vous avez parlé. Elles n'auront qu'une durée très courte, puisque normalement, si tout va bien, elles seront levées début novembre.
Enfin, je veux remercier M. le ministre de l'intérieur, car durant toute cette période, nous menons des contrôles très stricts. Je veux dire très clairement que l'indiscipline de quelques-uns compromettrait les efforts collectifs de tous ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vaincrons la dermatose, nous l'éradiquerons – c'est l'objectif des dispositions que je prends –, mais cela suppose que chacun s'astreigne aux règles collectives. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, je vous remercie pour vos propos. Il faut nous montrer extrêmement rigoureux dans cette crise, car l'Europe nous regarde. Ne faisons pas peser de risques sur nos élevages.
Pour éviter que quelques-uns mettent en danger toute la filière, il faut, dans le cadre des mesures de contrôle que vous effectuerez cette semaine et ce week-end, traquer les fautifs. Madame la ministre, je vous remercie pour votre engagement. Soyons rigoureux ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
différence de dgf entre communes rurales et urbaines
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. Bruno Belin. « Un pour deux, cela suffit ! » Ce sont les propos mêmes de Michel Fournier, nouveau ministre de la ruralité, concernant la disparité, l'iniquité, le décalage, l'injustice dans l'octroi de la dotation globale de fonctionnement (DGF) entre communes rurales et communes urbaines, qu'il ne cesse de dénoncer.
Vous le savez, mes chers collègues, cette différence peut représenter un coefficient deux : les communes urbaines touchent deux fois plus, au prorata du nombre d'habitants, que les communes rurales.
Michel Fournier le dénonçait encore il y a trois semaines, au Futuroscope de Poitiers, lors du congrès national de l'Association des maires ruraux de France, où nous l'avons accueilli avec plaisir avec Marie-Jeanne Bellamy et Cyril Cibert. Je me souviens avoir pointé le doigt vers notre préfet, Serge Boulanger, en lui disant : « Il faut revoir tout cela ! »
D'ailleurs, nous attendons les conclusions des travaux que mènent actuellement Stéphane Sautarel et Isabelle Briquet sur ce sujet, car il est inacceptable que 88 % des communes, les communes rurales, s'estiment sous-considérées et sous-estimées par rapport aux autres communes, les communes urbaines.
Ma question s'adresse à Michel Fournier, compte tenu de son expérience et de sa connaissance des communes rurales. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, que proposera le Gouvernement, dans le prochain projet de loi de finances, pour corriger les choses et réduire l'écart dans l'attribution de la dotation globale de fonctionnement entre communes rurales et communes urbaines ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. Rachid Temal. Un peu d'espoir ! (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Belin, je connais votre intelligence et votre habileté. (Oh ! sur de nombreuses travées.) Je connais aussi très bien votre département, la Vienne, où j'ai eu le plaisir de me rendre à deux reprises.
Cependant, vous traitez cette question de manière partielle – je n'ai pas dit partiale ! L'accompagnement de la ruralité est un ensemble d'éléments, dont fait partie la DGF.
Chacun ici s'accorde à reconnaître la vérité de ce que vous dites, à savoir qu'il y a un écart entre la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale. C'est un fait, mais nous ne cessons de rétrécir cet écart.
Je me souviens que, lorsque j'étais sénatrice – c'est encore récent… –, nous étions nombreux à considérer que, en ce qui concerne les ressources fiscales des collectivités, tout avait bougé, mais rien n'avait changé. Je suis toujours de cet avis !
La situation doit donc être modifiée et nous devons tous ensemble, courageusement, entreprendre une réforme de cette dotation.
Je voudrais, au nom du Premier ministre et de Michel Fournier, vous dire le regard que nous portons sur la ruralité. La ruralité doit être traitée dans notre pays à la hauteur de sa valeur, qui est grande.
Monsieur le sénateur, je voudrais, en conclusion, parler des efforts du Gouvernement depuis plusieurs années en faveur de la ruralité. Nous avons soutenu fortement la solidarité territoriale. Je vais vous donner quelques chiffres que vous connaissez parfaitement : augmentation de la DGF ces trois dernières années ; dans le budget que nous proposons, hausse de la dotation de solidarité rurale de 150 millions d'euros…
M. Bruno Belin. Alléluia !
Mme Françoise Gatel, ministre. … et maintien de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) à 1 milliard d'euros.
Enfin, nous soutenons les « aménités » rurales, c'est-à-dire ce que la ruralité nous apporte. À cet égard, cher sénateur Belin, je vous rappelle – vous le savez parfaitement – que nous avons créé, en 2023, une dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales à hauteur de 110 millions d'euros.
M. le président. Madame la ministre, j'ai une tendresse particulière pour la ruralité, mais vous avez dépassé votre temps de parole.
Mme Françoise Gatel, ministre. Je termine, monsieur le président, en disant que le Gouvernement soutient notamment la commune de Monts-sur-Guesnes, qui fait partie, monsieur le sénateur Belin, du programme Villages d'avenir et qui bénéfice de la présence d'une maison France Services.
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.
M. Bruno Belin. Je vais rester dans le registre de la tendresse, monsieur le président…
Madame la ministre, je vous remercie pour votre engagement en faveur de la ruralité. Je ne vais pas vous contredire, mais nous pourrions aussi revenir plusieurs années en arrière au moment de la baisse de la dotation globale de fonctionnement.
Nous avons un Premier ministre qui est issu d'un territoire rural.
M. Bruno Belin. Nous espérons donc que l'avenir sera meilleur pour ces territoires.
Oui, il y a des charges de centralité pour les villes, nous ne le nions pas, mais il y a aussi des coûts de sous-densité pour la campagne : la voirie, les bâtiments scolaires que l'État nous rend vides et qui sont à la charge des collectivités, etc.
M. le président. Il faut conclure !
M. Bruno Belin. La ruralité est un espace, elle doit rester une espérance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP. – M. Michel Masset et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)
Collecte de la taxe d'aménagement
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Nicole Bonnefoy. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Sur tous les bancs de cette assemblée, nous avons déjà, et à plusieurs reprises, interpellé vos prédécesseurs, monsieur le ministre, sur la désorganisation profonde de la collecte de la taxe d'aménagement. Cette désorganisation est si importante que les recettes chutent de 40 % au niveau national pour la seule part départementale.
En juin dernier, un rapport parlementaire pointait du doigt les dysfonctionnements de la collecte qui pénalisent notamment les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), ces structures qui remplissent des missions d'ingénierie locale essentielles pour les collectivités, les entreprises et les particuliers.
À ce titre, et au regard de nos enjeux d'adaptation, déstabiliser une offre gratuite et qualifiée d'ingénierie au service des territoires est totalement inconséquent.
D'ores et déjà, nombre de CAUE ont vu une partie de leurs effectifs licenciés, quand d'autres sont en liquidation judiciaire, comme c'est le cas dans le département de la Manche.
Plus largement, ce sont aussi toutes les politiques départementales de protection de la biodiversité qui sont menacées, sans parler des ressources des communes que l'on vient encore appauvrir. Après huit ans de contraction budgétaire pour les collectivités, nous n'avions pas besoin d'une nouvelle catastrophe pour nos finances locales. Il s'agit ici de 1,5 milliard d'euros de taxes non collectées – ce n'est pas rien !
Monsieur le ministre, il n'est pas possible qu'une telle situation perdure. Quelles mesures immédiates comptez-vous prendre ? Pouvez-vous vous engager, avant la fin de cette année, à renforcer les moyens humains et techniques nécessaires pour assurer enfin la perception de cette taxe ? Vous engagez-vous à mettre en place un système de compensation ou d'avance financière au bénéfice des collectivités, au premier rang desquelles les départements ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. André Guiol applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'action et des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. Madame la sénatrice, la situation que vous décrivez est pour moi une source de très grande préoccupation, puisqu'elle est éloignée de ce que les élus attendaient.
Quatre raisons expliquent cet état de fait.
La première raison, c'est la diminution du nombre de mises en chantier, donc de constructions. C'est une réalité : le nombre de permis de construire a baissé de 31 % entre 2022 et 2024.
La deuxième raison, c'est le changement de la date d'exigibilité de la taxe. Comme cette date est maintenant fixée à la fin des travaux plutôt qu'au début, il existe un délai – la taxe n'est plus générée qu'à l'achèvement des travaux, je le redis – et nous sommes dans ce creux, d'autant que les travaux commencés sont moins nombreux.
La troisième raison, c'est que les contribuables ne sont pas toujours au courant de ce changement. Il existe donc un certain retard dans le dépôt des déclarations.
La quatrième raison, je dois le reconnaître devant vous, c'est que les directions départementales des territoires (DDT) ont encore des dossiers à traiter et que le processus à l'œuvre au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP) doit être simplifié, clarifié et réalisé de manière plus automatique – j'ai demandé à ce que ces changements soient engagés.
Je veux quand même dire que certains éléments de la réforme constituent un progrès. Jusqu'en 2022, le système était un peu ubuesque, puisqu'un quart des sommes versées étaient remboursées par la suite. Nous avons mis fin à cela.
Pour autant, je suis d'accord avec vous, nous devons nous améliorer. D'ailleurs, la directrice générale des finances publiques a encore eu des échanges la semaine dernière avec des représentants de l'Association des maires de France et de nombreux élus pour que nous puissions faire, dans chaque territoire, la transparence sur les dossiers en retard et ceux à recouvrer. Nous devons également identifier les contribuables qui sont en retard de déclaration et, surtout, établir pour l'avenir un processus beaucoup plus fiable et lisible pour les élus.
Il me semble que nous pouvons partager cet objectif. Vous pourrez en tout cas compter sur ma détermination. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, nous connaissons les raisons de cette situation et nous les partageons avec vous. D'ailleurs, trois commissions du Sénat, dont la commission des finances, se sont saisies du sujet.
Il est maintenant temps de prescrire le bon remède, car il y a vraiment urgence, que ce soit pour la préservation de l'ingénierie locale qui est indispensable à nos territoires et pour les finances locales. Je compte donc sur vous, madame la ministre, pour trouver des solutions très rapidement.
plan de lutte contre les pfas
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme Else Joseph. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature.
Au milieu de la chaleur de l'été, treize communes des Ardennes, confrontées aux problèmes des PFAS, des polluants chimiques dits éternels, ont eu le malheur de subir un feuilleton estival qui n'a toujours pas trouvé de dénouement à ce jour.
Dans la perspective de la mise en œuvre en janvier 2026 de la directive européenne sur ce sujet, treize de nos communes ont été obligées de restreindre la distribution d'eau potable aux habitants. Ces derniers, qui continuent de payer leur facture d'eau, ont recours à de l'eau en bouteille, ce qui représente un coût pour les communes.
Le climat est devenu anxiogène. Des prises de sang ont révélé des taux anormalement élevés en PFAS. Les maires sont déboussolés, les habitants désemparés. On redoute un scandale judiciaire et sanitaire.
Je veux cependant saluer l'action du nouveau préfet de mon département, qui a pris les mesures qui s'imposaient en interdisant tous les épandages afin de protéger les captages.
Nous connaissons l'origine d'une partie de la pollution : une papeterie voisine dans le département de la Meuse et des épandages de boues pendant plus de vingt ans. Ce point doit être clarifié et la justice est saisie.
Des solutions techniques existent. Leur mise en œuvre est longue, coûteuse et complexe, car nous n'avons pas de recul sur le sujet. Elles demandent surtout de la souplesse administrative et un cadre juridique adapté.
Madame la ministre, je vous demande ainsi de pouvoir déroger au taux maximal habituel des subventions, fixé à 80 %, et d'avoir la possibilité de solliciter et de cumuler toutes les aides publiques.
Par ailleurs, qu'en est-il des redevances de performance des réseaux d'eau potable auxquelles ces communes sont désormais tenues ? Doivent-elles les payer ?
Le dialogue doit être renforcé avec tous les acteurs qui agissent dans le domaine de l'eau. La solution viendra avant tout de l'intelligence territoriale.
Madame la ministre, que comptez-vous faire pour accompagner ces communes à sortir de cette crise, pour leur permettre de disposer d'eau potable dans les délais les plus brefs et pour les aider à surmonter ce mur administratif d'autorisations multiples et de restes à charge considérables ?
Impossible n'est ni français ni ardennais, nous l'avons déjà prouvé. Nous pouvons, nous devons agir pour l'accès à l'eau potable de nos habitants, et pas seulement dans les Ardennes. Il y a urgence dans les Ardennes, il y a urgence pour le pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)