M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-François Husson applaudit également.)

M. Laurent Lafon. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture.

Dimanche matin, des pièces d’une valeur inestimable ont été dérobées dans la galerie d’Apollon du Louvre. Ce vol, réalisé dans des conditions rocambolesques, a provoqué un profond émoi. Il soulève également de nombreuses interrogations sur le système de sécurité à l’intérieur du musée.

La direction du Louvre affirme jusqu’à présent que les protocoles ont été respectés et qu’il n’y a pas eu de défaillance.

Dans ce cas, comment un vol de ce type peut-il s’expliquer ? A-t-il seulement été anticipé dans les procédures de sécurité ? Le matériel, notamment en termes de vidéosurveillance, est-il satisfaisant ? Les forces de sécurité présentes dans le Louvre sont-elles en nombre suffisant ?

On le sait, le Louvre a vieilli, mal vieilli. Les insuffisances en termes de sécurité sont connues depuis de nombreuses années. Les extraits du rapport de la Cour des comptes diffusés dans la presse montrent qu’elles ne sont toujours pas résolues. Un schéma directeur de sûreté et de sécurité a été élaboré en 2019. Le premier appel d’offres pour sa mise en œuvre vient seulement d’être lancé cette année.

Pourquoi ces délais sont-ils si longs ? Des arbitrages en interne ont-ils été rendus au détriment de la sécurité ? Voici quelques-unes des questions que la commission de la culture posera dans quelques minutes à Laurence des Cars, présidente-directrice du musée du Louvre.

J’ajoute que, malheureusement, ce vol n’est pas un fait isolé : le Muséum national d’histoire naturelle, le musée du quai Branly-Jacques Chirac ou encore le Musée national Adrien Dubouché, à Limoges, ont également fait l’objet, ces dernières semaines, de vols organisés. La réflexion à mener dépasse donc le cadre du seul musée du Louvre.

Madame la ministre, vous avez diligenté une enquête administrative alors même que, selon la direction, il n’y aurait eu aucune défaillance : avez-vous un doute sur les procédures mises en œuvre ou sur les systèmes de sécurité du musée du Louvre ?

Après l’incendie de Notre-Dame de Paris, le Gouvernement a engagé un plan d’action « sécurité cathédrales ». Envisagez-vous de faire de même pour l’ensemble des musées et d’y consacrer, dès 2026, des moyens budgétaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le président Lafon, je m’associe à l’ensemble des propos que vous venez de tenir. Les questions que vous posez méritent des réponses extrêmement précises.

La sécurité et la sûreté de notre patrimoine sont une priorité, comme en témoignent les mesures que nous avons prises et que vous venez de rappeler en faveur de Notre-Dame de Paris, en particulier en matière de sécurité incendie.

Comme vous le savez, le budget du patrimoine a augmenté de plus de 27 % depuis 2017, une partie de ces dépenses étant consacrée à la sécurité et à la sûreté de notre patrimoine, et donc à celles de nos musées.

Je voudrais d’ailleurs vous remercier, monsieur le président Lafon, ainsi que les sénateurs Sabine Drexler, Didier Rambaud et Cédric Vial, pour votre soutien à l’amendement au projet de loi de finances pour 2025 que j’avais présenté au nom du Gouvernement. Celui-ci prévoyait des crédits de 300 millions d’euros en faveur du patrimoine, afin de financer notamment le schéma directeur de sécurité et de sûreté que vous avez évoqué. Grâce à vous, l’action du Gouvernement se trouve confortée dans ce domaine, dont il a fait, j’y insiste, une priorité.

Rappelons quelques faits. Les dispositifs de sécurité interne au musée du Louvre ont-ils fonctionné ? Oui, comme je le répète depuis dimanche. (Mmes Cathy Apourceau-Poly et Mme Silvana Silvani sexclament.)

Les alarmes – fenêtres et vitrines – ont-elles fonctionné, et ce dès l’effraction ? Oui, c’est une réalité ! (Murmures et marques dironie sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Stéphane Ravier sexclame.)

Les agents ont-ils respecté le protocole de sécurité et de sûreté, qui vise notamment à mettre les visiteurs à l’abri ? Oui également. (Mêmes mouvements.)

Est-ce pour autant un succès ? Non, assurément, sinon les joyaux seraient encore là. (Rires et exclamations ironiques sur lensemble des travées.)

Je refuse pour ma part de mettre en cause les agents, comme le font certains. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.). Ils sont très engagés en faveur de la protection du patrimoine et des œuvres d’art de ce musée.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Rachida Dati, ministre. Comme vous l’avez rappelé, j’ai en effet lancé une enquête administrative, que j’ai confiée au député Jérémie Patrier-Leitus.

Les auditions de la commission de la culture permettront d’améliorer et de renouveler les dispositifs de sécurité et de sûreté.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Rachida Dati, ministre. C’est en effet une nécessité. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K. – M. François Patriat applaudit.)

besoin de protéger l’état de droit et l’indépendance de la justice

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. Elle concerne un ancien Président de la République française condamné par une justice indépendante. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Alors que partout dans le monde, les institutions démocratiques et la règle de droit sont attaquées, nous devrions nous réjouir que notre justice travaille de manière sereine et indépendante, y compris lorsqu’il s’agit de juger des affaires complexes et des faits d’une extrême gravité impliquant des personnalités ayant exercé de hautes fonctions, parfois la plus haute.

Qu’un ancien Président de la République soit mis en accusation pour de tels délits, voilà qui est alarmant pour notre République, et non pas que la justice fasse son œuvre !

M. Olivier Paccaud. Et le « mur des cons » ?

M. Guy Benarroche. L’État de droit et l’indépendance de la justice sont les garants du respect de nos libertés individuelles et collectives.

À cet égard, je tiens à exprimer notre trouble : les signaux envoyés vont à l’encontre de l’indépendance de la magistrature. Ils sont tellement forts que le procureur général près la Cour de cassation, M. Rémy Heitz, s’en est ému hier, comme beaucoup d’autres.

Au-delà de l’attitude du président Macron, qui assure qu’il est « normal » de recevoir l’ancien Président de la République dans un tel contexte, notre inquiétude porte aussi, monsieur le garde des sceaux, sur vos dernières déclarations, qui entretiennent la confusion des genres.

Vous rendez-vous compte que vos positions risquent de mettre à mal la justice et qu’elles remettent en cause la séparation des pouvoirs ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Benarroche, puisque vous invoquez les principes, permettez-moi tout d’abord de rappeler que tant qu’une personne n’est pas définitivement condamnée, elle est présumée innocente. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.) Cela vaut pour Nicolas Sarkozy comme pour n’importe quel autre citoyen.

Permettez-moi ensuite de citer la loi, et plus précisément l’article 111-1 du code pénitentiaire : « Le service public pénitentiaire est assuré par l’administration pénitentiaire sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice ».

Dès lors, y a-t-il confusion des genres ou atteinte à la séparation des pouvoirs lorsque le pouvoir exécutif ou législatif visite des détenus en prison pour s’assurer de leurs conditions de détention ? Sans doute, non.

Il se trouve, tout à fait par hasard, que Mme Souyris et vous-même avez visité tout récemment, à une semaine d’intervalle, le quartier d’isolement et le quartier « VIP » de la prison de la Santé ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP.)

Monsieur Benarroche, on a pu vous entendre, le 14 octobre dernier sur RTL présenter depuis la prison les cellules susceptibles d’accueillir Nicolas Sarkozy. N’était-ce pas là, je le crains, une forme de voyeurisme carcéral ? (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Silvana Silvani. N’importe quoi !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Quant à Mme Souyris, elle était accompagnée de journalistes de l’AFP et de France Info.

À l’époque, vous n’imaginiez pas que le président Sarkozy n’irait pas au quartier dit VIP, qui est en fait le quartier des personnes vulnérables.

S’il est vrai que discuter avec des détenus, parfois définitivement condamnés, peut interroger, c’est là votre droit le plus strict.

Monsieur Benarroche, vous-même avez visité à plusieurs reprises M. Ouaihid Ben Faïza, condamné pour évasion en bande organisée et association de malfaiteurs à vingt-neuf ans de prison. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Vous avez également rendu visite à M. Henocq Zehaye, incarcéré depuis 2020 pour détention d’armes, séquestration et enlèvement, et condamné à dix-sept ans de prison. (Mêmes mouvements.)

M. Yannick Jadot. Et les victimes du DC-10 ?

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je crains que vous ne confondiez justice et vengeance politique ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Jeu, set et match !

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.

M. Stéphane Ravier. Et il ose reprendre la parole !

M. Guy Benarroche. Comme d’habitude, monsieur le garde des sceaux, vous ne répondez pas aux questions que l’on vous pose, mais vous inventez une histoire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, à valeur constitutionnelle, consacre la séparation des pouvoirs.

M. Guy Benarroche. Personne ici ne cherche à entraver vos liens personnels avec un détenu ni à dénier aux prisonniers leur droit à la plus grande sécurité. Mon rôle est précisément, lorsque je visite des prisons, de prévenir de telles situations.

Nous avons appris ce matin que le ministre de l’intérieur allait, par des mesures exceptionnelles, assurer la sécurité de l’ancien chef de l’État.

M. Guy Benarroche. Reste, monsieur le garde des sceaux, le problème de la confusion des genres provoquée par vos annonces. À cet égard, notre inquiétude reste grande. Elle est partagée par de nombreux syndicats. (Exclamations et marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

C’est vous qui avez ramé, monsieur le garde des sceaux, pas moi !

M. le président. Il faut conclure !

M. Guy Benarroche. Je conclurai dès que je le pourrai. (Nouvelles marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Vous concluez !

M. Guy Benarroche. Je ne suis pas pressé. (Brouhaha à droite. – lorateur sinterrompt en attendant le silence, mais son micro est coupé, le temps de parole étant écoulé.)

mesures contenues dans le budget pour 2026

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, votre déclaration de politique générale a été marquée par ce slogan, présenté comme un triptyque : « Le Gouvernement proposera, nous débattrons et vous voterez. »

Je vous rassure, le Sénat n’a pas attendu ce slogan pour voter. En revanche, pour débattre avec le Gouvernement, il a besoin de savoir ce qui est proposé. Or, contrairement à ce que vous affirmez, le Gouvernement ne propose rien de bien clair, en particulier dans les textes financiers de l’automne.

Proposez-vous, par exemple, un objectif de déficit de 4,7 % du PIB ou de 5 % ? Proposez-vous la suspension, le report ou le décalage de la réforme des retraites ? Proposez-vous, dans le projet de loi de finances pour 2026, la stabilité fiscale ou une flopée d’impôts nouveaux ?

Pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, clarifier la position du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le rapporteur général, l’exercice auquel nous nous sommes livrés voilà quelques mois a montré que nous étions capables de débattre collectivement.

Le Sénat a fait alors la démonstration qu’il pouvait voter et je tiens à saluer le rôle prépondérant qu’il a joué dans la construction du budget 2025, en particulier dans la recherche du compromis que nous avons trouvé en fin d’année.

M. Marc-Philippe Daubresse. Et cela va continuer !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Que contient donc le projet de loi de finances pour 2026? Car il s’agit bien à ce stade d’un simple projet : le budget définitif sera le fruit des travaux et des votes du Parlement.

Pour ma part, je serai à vos côtés, jour et nuit, pour trouver des compromis. (Marques dironie sur des travées du groupe Les Républicains.)

Le projet de loi de finances pour 2026 vise un déficit de 4,7 % du PIB. Nous en avons discuté en commission des finances et vous le savez : nos partenaires européens attendent de nous, mais nous le devons aussi aux Français comme à nos finances publiques, que nous stabilisions notre dette au plus tôt.

Pour ce faire, il nous faudra atteindre 3 % de déficit maximum en 2029, ce qui passe par un déficit strictement inférieur à 5 % en 2026 et ce qui explique l’objectif de 4,7 % qui a été retenu par le Gouvernement.

En matière fiscale, nous prévoyons un niveau de prélèvements obligatoires rapporté au PIB qui resterait inférieur à celui de 2019. En d’autres termes, l’imposition sera moindre en 2026 que celle que nous avions votée l’année précédant la crise de la covid. Cette année-là, je le rappelle, la sécurité sociale était à l’équilibre et le déficit se situait largement sous les 3 %.

Nous avons fait le choix de financer les priorités stratégiques, mais aussi de préserver le quotidien des Français. Nous prévoyons ainsi d’abonder le budget de nos armées de 6,7 milliards d’euros, celui du ministère de l’intérieur de 600 millions d’euros pour lutter contre le narcotrafic et la criminalité organisée ou encore celui du ministère de la justice de 200 millions d’euros au bénéfice des actions essentielles que mène M. le garde des sceaux.

Nous le faisons toutefois sans renoncer au quotidien, 5 milliards d’euros supplémentaires étant consacrés, par exemple, à la santé et à l’autonomie. Nous ne renonçons pas non plus à investir dans la formation de nos enseignants et dans celle de nos jeunes, au travers notamment du développement de l’apprentissage, qui reste une politique essentielle.

En un mot, notre choix a été de nous concentrer sur les priorités stratégiques – je songe également à l’écologie –, mais aussi sur l’amélioration du quotidien des Français.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n’est pas le choix qu’ont fait les socialistes !

M. le président. Il faut conclure !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Si nous n’agissons pas, si nous ne réduisons pas le déficit, alors nous ne ferons ni l’un ni l’autre et nous manquerons à nos responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Madame la ministre, nous ne portons pas les mêmes lunettes pour examiner la fiscalité. Pour moi, c’est toujours le grand flou.

Hier, vous avez baissé le taux de l’impôt sur les sociétés (IS), mais le prochain budget prévoit une surtaxe d’IS.

Hier, vous avez supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), mais le prochain budget prévoit de créer une nouvelle taxe sur le patrimoine des holdings.

Hier, vous avez créé le prélèvement forfaitaire unique (PFU), mais le prochain budget propose de proroger une contribution différentielle complexe visant à relever ce prélèvement.

Hier, vous avez fait voter la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), puis décidé d’en étaler la fin, de la reporter ensuite, pour désormais anticiper l’étalement de cette suppression.

Toutes ces mesures créent de l’instabilité. Mais qui donc a créé de l’instabilité, si ce n’est le Gouvernement et l’exécutif par cette décision funeste qu’a été la dissolution de l’Assemblée nationale ?

Depuis la dissolution, 163 ministres ont participé à cinq gouvernements…

M. Patrick Kanner. Dont des LR !

M. Jean-François Husson. Cela vous permet d’entrer dans le Livre Guinness des records de notre République. Triste record !

Devant cette situation, « j’ai mal à ma France », mais je ne me résigne pas. Vous pourrez compter sur le Sénat, sur sa majorité et, je l’espère, au-delà, pour participer au redressement de la situation financière et budgétaire très dégradée de notre pays.

C’est la mission essentielle que le Sénat se donne pour la France et pour les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Marc Laménie et Louis Vogel applaudissent également.)

vie chère en outre-mer

M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Frédéric Buval. Ma question s’adressait à Mme la ministre des outre-mer.

Il y a urgence. Dans tous les territoires d’outre-mer, la situation est explosive. Elle exige une vigilance accrue et un engagement total de l’État.

Le premier sujet de préoccupation est celui de la vie chère. Un an après la crise qui a secoué la Martinique, le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer – j’en suis le corapporteur avec ma collègue Micheline Jacques – est très attendu : nous souhaitons tous que les prix baissent durablement.

Toutefois, malgré les nombreuses avancées que contient ce texte en matière de transparence, des inquiétudes demeurent sur les effets à long terme de la situation sur le pouvoir d’achat, mais aussi sur le petit commerce de proximité.

Aussi ma question est-elle simple, madame la ministre : compte tenu des risques pour les acteurs locaux les plus fragiles, comment le Gouvernement entend-il lutter à long terme contre la vie chère, restaurer la confiance entre la population et les distributeurs et favoriser la production locale ?

En cette période d’arbitrage budgétaire, je souhaite enfin vous alerter sur le danger qu’il y aurait à fragiliser la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom), qui bénéficie à plus de 316 000 salariés et à plus de 50 000 entreprises, principalement des petites et moyennes entreprises (PME).

Le dispositif qu’elle prévoit n’a rien d’un privilège : c’est un outil de survie économique pour des territoires confrontés à des surcoûts structurels majeurs que l’Hexagone ne connaît pas.

Amputer de moitié les crédits du dispositif Lodéom, c’est demander à nos PME des outre-mer un effort dix fois supérieur à celui qui est exigé de celles de l’Hexagone. Pis, c’est renoncer à toute ambition d’un développement endogène et durable de nos outre-mer.

Madame la ministre, quelles garanties pouvez-vous nous donner à ce sujet, afin de préserver l’emploi, la cohésion sociale et l’avenir économique de nos territoires ultramarins ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le sénateur Buval, vous avez utilisé le mot « urgence » : urgence pour nos concitoyens ultramarins, urgence pour l’emploi, urgence pour la vie chère.

Avec l’ensemble de mes collègues membres du Gouvernement, nous partageons votre constat. La République est unie et nos politiques publiques doivent fonctionner partout.

Vous nous interrogez sur les garanties que nous apporterons en matière économique et sur le soutien dont pourraient bénéficier les entrepreneurs, en citant notamment les mécanismes Lodéom.

La garantie, au fond – je l’évoquais dans ma réponse à la question précédente –, c’est que vous avez, par vos votes, le pouvoir de décider du contenu du budget 2026.

Ma collègue Naïma Moutchou et moi-même mènerons avec vous, à la demande du Premier ministre, un travail très technique, sérieux et approfondi, afin de trouver le bon curseur. Qu’est-ce qui est nécessaire ? Qu’est-ce qui, parfois, est trop compliqué ? Que peut-on ajuster ? Telles sont, pour les outre-mer comme pour tout arbitrage budgétaire, les questions auxquelles nous devrons répondre.

En ce qui concerne la lutte contre la vie chère, je tiens à saluer le travail que vous menez, Micheline Jacques et vous-même, monsieur le sénateur, comme rapporteurs du projet de loi de qui sera examiné en séance publique la semaine prochaine.

Nous avons déjà obtenu quelques résultats : les prix ont baissé de 10 %, grâce notamment au protocole qui a été déployé. À la suite du comité interministériel des outre-mer qui s’est tenu en juillet dernier, plusieurs décrets, ainsi qu’une circulaire, ont été publiés. Nous n’avons pas pour autant terminé le travail.

Au fond, nous connaissons la solution : développer une capacité de production dans les territoires afin non pas d’importer des produits qui viennent du bout du monde, mais de les fabriquer là où les gens vivent.

Cela suppose de l’investissement, de la production et donc des outils économiques bien calibrés. Voilà ce que nous devons construire ensemble.

Je le répète, tout cela est à la main du Parlement. Nous avons fait des propositions. Si les outils envisagés ne sont pas les bons, nous amenderons et nous les réviserons ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

situation du métayage

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Ma question porte sur la situation des exploitants viticoles de Champagne, que vous avez pu rencontrer à mes côtés, madame la ministre, dans l’Aube en juin dernier. J’y associe mon collègue du groupe Les Indépendants – République et Territoires, Cédric Chevalier, sénateur de la Marne.

Depuis plus d’un siècle, les exploitations familiales pratiquent le métayage franc. Ce type de bail est une véritable spécificité locale, un pilier à la fois économique et patrimonial. Il couvre plus du tiers de nos vignes et participe tant au maintien des petites exploitations qu’à la transmission intergénérationnelle.

Pourtant, ce modèle est aujourd’hui menacé par un changement de doctrine de la Mutualité sociale agricole (MSA), qui pourrait rendre incompatibles la perception des revenus du bail à métayage et celle de la pension de retraite agricole.

Or c’est précisément cette hybridation qui rend ce système opérant : le bailleur ne participe ni aux dépenses ni à la direction et ne fournit aucun travail. Au sens du code rural, il ne peut être qualifié d’exploitant actif : dès lors, il ne peut donc cumuler retraite et revenus tirés du bail.

Si cette décision d’incompatibilité venait à s’appliquer, elle remettrait en cause l’équilibre historique bailleur-métayer. Elle déstabiliserait les exploitations familiales, notamment celles des vignerons indépendants, et compliquerait les transmissions.

Madame la ministre, ce modèle est un marqueur identitaire de nos vignobles. Le Gouvernement est-il prêt à reconnaître le particularisme du bail à métayage en Champagne ? Vous engagez-vous fermement à ce que nous sortions au plus vite de cette ambiguïté, pour permettre aux retraités actuels et futurs de continuer d’en bénéficier ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de l’agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture, de lagro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Vanina Paoli-Gagin, le problème que vous soulevez, et que le Syndicat général des vignerons de la Champagne est déjà venu m’exposer, est bien identifié.

Depuis quelques semaines déjà, il fait l’objet d’un groupe de travail réunissant mes services, ceux de la Mutualité sociale agricole et des représentants du syndicat. L’objectif est de trouver une solution afin de pérenniser un modèle dont vous avez salué l’originalité et la « patrimonialité ».

Il apparaît, à la suite d’une décision de la Cour de cassation de 2008, interprétée localement, que la pratique antérieure de certaines caisses de MSA consistant à ne pas affilier les bailleurs à métayage champenois, au motif que les particularités de ce bail en Champagne font qu’il est assimilé au fermage, soit en fait contraire au code rural depuis de nombreuses années.

Il s’agit donc à présent de trouver les modalités d’un rétablissement de règles d’affiliation qui ne remettent pas en cause le modèle champenois sans risquer d’entraîner des pertes d’assurés pour le régime agricole, en permettant la désaffiliation de bailleurs à métayage correctement affiliés sur tout le reste du territoire, excepté la Champagne.

Le problème est d’une redoutable complexité juridique et pratique, mais le groupe de travail que je mentionnais est sur le point de finaliser ses travaux. Il a dégagé plusieurs pistes juridiques, dont les avantages et les inconvénients doivent être soigneusement pesés.

Je ne manquerai pas de vous solliciter afin que nous réglions ensemble cette situation : pour être mises en œuvre, ces pistes nécessiteront probablement des dispositions législatives. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour la réplique.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la ministre, dans un contexte international tendu, qui se double d’une financiarisation et d’une concentration accrues dans le domaine du champagne, nous devons d’autant plus encourager la préservation du foncier et le renouvellement générationnel. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP.)

politique du ministre de l’intérieur en matière d’immigration