M. Victorin Lurel. Le texte de la commission prévoit que la liste des produits composant le BQP doit intégrer des produits locaux afin d’en faire la promotion et de favoriser leur meilleure éligibilité dans les circuits courts.

Je rappelle que nous avons modifié le code de la commande publique. J’ai pris ma part à ce travail. Sans parler de protectionnisme ou même de protection, on peut donner un léger avantage compétitif aux produits locaux lorsque leur production émet peu de gaz à effet de serre, à condition qu’il s’agisse bien de produits de proximité. Cette disposition a été acceptée. Au lieu de faire venir les produits par avion, on les fait livrer par voiture. On peut ainsi alimenter les hôpitaux, les Ehpad, les maisons de retraite, les cantines scolaires. Tout dépend du coefficient de pondération inscrit dans le cahier des charges.

Le présent amendement participe de la même philosophie : il vise à promouvoir les produits locaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à encadrer davantage les conditions d’élaboration de la liste des produits composant le BQP.

Même si nous comprenons mal le parallèle que font les auteurs de l’amendement avec l’attribution des marchés publics, nous partageons leur volonté d’offrir aux consommateurs ultramarins des produits de qualité dans le cadre du BQP. C’est pourquoi le texte de la commission prévoit que la liste est « établie en prenant en compte les impératifs de santé publique et de promotion des produits locaux » de chaque territoire.

Toutefois, il convient de ne pas ajouter de critères supplémentaires, qui pourraient avoir pour conséquence de renchérir les prix des produits. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Cet amendement est intéressant, car son adoption permettra d’attirer l’attention des négociateurs sur les éléments à prendre en compte, tout en leur laissant la possibilité et la sagesse d’arbitrer entre des critères, lesquels ne sont d’ailleurs pas toujours convergents. Cela leur donnera donc une latitude objectivement intéressante.

De plus, nous conservons l’objectif de modération des prix, qui est l’objectif principal du BQP. Je suis donc favorable à l’évolution que vous proposez.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Il s’agit non pas d’introduire dans le texte les dispositions relatives aux marchés publics, mais de les prendre pour modèle.

Il est ici question d’éligibilité, laquelle s’inscrit dans un continuum politique et économique. Nous disons qu’il existe une façon de respecter la législation française et européenne, tout en favorisant les productions locales. Nous ne créons pas de la confusion pour faire adopter l’amendement…

Si vous ne voulez pas défendre la production locale, je le comprendrai, mais j’aurai du mal à l’approuver.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 78.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 120, présenté par MM. Salmon et Mellouli, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il intègre une part minimale de produits locaux définie en fonction des capacités de production du territoire.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Le texte issu de la commission prévoit que l’élaboration de la liste des produits qui composent le BQP doit prendre en compte, outre les impératifs de santé publique, celui de promotion des produits locaux.

Par cet amendement, nous souhaitons renforcer cette mesure. Il tend à prévoir que l’accord doit intégrer une part de produits locaux dans le bouclier qualité prix. Cette part est nécessairement variable en fonction des caractéristiques du marché local et du potentiel de production du territoire. Cette disposition est déjà en vigueur, en principe, depuis le décret du 29 juillet 2025.

Considérant l’importance que revêt le soutien à l’économie et à la production, en particulier alimentaire, dans les outre-mer, il serait bien utile de mieux prendre en compte cet enjeu et d’inscrire dans le code de commerce que le bouclier qualité prix doit comprendre des produits locaux.

Réserver une part d’approvisionnement local dans les produits vendus en supermarché constitue un levier pertinent pour soutenir la production alimentaire locale au bénéfice des consommateurs. En outre, une telle disposition donnerait plus de perspectives aux producteurs.

En augmentant le nombre de produits locaux commercialisés dont le prix n’est pas affecté par les surcoûts liés à l’importation, cette mesure doit soutenir l’économie locale et faire diminuer les prix de produits essentiels.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement nous semble satisfait par l’ajout en commission de l’impératif de promotion des produits locaux lors de l’élaboration de la liste des produits composant le BQP et par les dispositions du décret du 26 décembre 2012, qui a été complété en juillet dernier pour préciser que la négociation du BQP doit porter notamment sur la « part de produits issus de la production locale ».

Il s’agit bien d’un enjeu majeur pour les économies ultramarines. Le BQP peut être un levier de soutien décisif aux producteurs locaux. C’est pourquoi la commission a déjà agi sur le sujet. En conséquence, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. La présence de produits locaux dans le BQP peut favoriser au développement de leur production, comme cela a été observé à La Réunion. La production locale est un vecteur de développement des territoires. Elle peut donc accroître effectivement et directement le pouvoir d’achat des Ultramarins.

La part minimale de ces produits est fixée non pas arbitrairement, mais en fonction des capacités de production du territoire. Elle sera donc de fait soumise à l’appréciation du représentant de l’État, ainsi qu’à la négociation.

Cet amendement coche toutes les cases, monsieur le président, le Gouvernement y est donc favorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je vous remercie, madame la ministre, de votre soutien.

Les produits locaux, nous l’avons bien vu, sont bons pour l’économie des outre-mer et pour le pouvoir d’achat, car ce sont des produits bruts, donc moins chers. Ils sont également bons pour l’environnement, surtout quand ils sont cultivés en agriculture biologique. Enfin, nous le savons, le développement de ces produits est aussi une question de résilience pour ces territoires, mais également de fierté. Participer, au moins d’un point de vue alimentaire, à l’autonomie de ces territoires est un motif de fierté.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Attention à ce que ce ne soit pas là une fausse bonne idée !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Catherine Conconne. Je rappelle que produire localement coûte très cher et qu’il existe très peu – très peu ! – de mécanismes de compensation. Intégrer les produits locaux dans le BQP pourrait contraindre les producteurs à baisser leurs prix, c’est donc une fausse bonne idée. Ils seront obligés, comme c’est déjà souvent le cas, de vendre leurs produits à des prix inférieurs à leur coût de production.

N’oublions pas non plus que nous sommes en situation de sous-production globalisée et que les producteurs n’ont pas de pertes. Aujourd’hui, tout ce qui se produit se vend sans aucune difficulté. Notre production locale couvre à peine 20 % de notre consommation locale.

Il faut donc se méfier des idées qui peuvent paraître géniales vues de Paris, mais qui ne le sont pas du tout une fois que l’on atterrit dans des territoires éloignés, qui subissent déjà des surcoûts pour les intrants, pour la production et tout le reste. (Très bien ! au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Si nous partons du postulat qu’il ne faut rien faire, au motif, par exemple, que l’OPMR n’a pas de moyens, nous pouvons rentrer chez nous ! Idem, si nous partons du postulat que, en matière agricole, nous ne pouvons rien faire, nous pouvons rentrer chez nous !

Nous parlons ici de produits de substitution aux produits importés. Tel est le véritable enjeu. Si nous ne faisons rien, nous ne développerons rien. Il faut cesser de dire que nous proposons de fausses bonnes idées.

Nous n’avons pas parlé des prix, lesquels sont déterminés lors de négociations. La cherté des produits résulte du coût du transport.

Travailler sur la substitution des produits locaux agricoles est une bonne idée, pas une mauvaise. Nous ne sommes pas ici pour débattre des moyens, nous le ferons lors de l’examen du projet de loi de finances. Pour notre part, nous pensons qu’il faut accompagner les filières agricoles de nos territoires ultramarins.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 120.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 80, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer le mot :

principales

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement, le Conseil d’État ayant indiqué que la suppression du mot « principales » contraindrait à négocier avec un trop grand nombre d’interlocuteurs et de partenaires, ce qui poserait des difficultés.

Pour ma part, j’ai participé aux négociations sur les accords de modération des prix, je n’ai jamais rencontré de difficultés. En revanche, le mot « principales » est fragile juridiquement.

Je suis d’accord pour laisser quelque liberté au préfet, mais je préfère une obligation à une faculté. Ainsi, à la formulation « le représentant de l’État peut inviter les associations de consommateurs », je préfère : « le représentant de l’État invite ».

Combien y a-t-il d’entreprises principales à dominante alimentaire ? Très peu, elles sont sept ou huit, une dizaine tout au plus, à dépasser une certaine taille ou le seuil de cinquante salariés. Il appartient au préfet d’apprécier celles qui peuvent participer aux négociations. À Mayotte, par exemple, il est assez rare qu’une entreprise dispose d’une surface supérieure à 350 mètres carrés. Le seuil fixé étant trop élevé, il est impossible de contrôler quoi que ce soit.

Le présent amendement de bon sens vise à laisser au préfet la possibilité d’inviter les acteurs qui peuvent peser dans une zone de chalandise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Je tiens à rappeler que la commission a rendu obligatoire la négociation annuelle d’un BQP services, qui n’était que facultative dans le projet de loi initial.

Il nous semble qu’il ne faut pas ici mobiliser tous les acteurs économiques, sachant que toute entreprise n’ayant pas participé à la négociation du BQP peut y adhérer volontairement ensuite.

Plus il y aura de monde autour de la table de négociations, plus il sera difficile de parvenir à un consensus. Il faut faire attention aux éventuels effets de bord. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. La participation de l’ensemble des entreprises pourrait fragiliser le dispositif. Il ne me semble pas réaliste de l’envisager. Je préfère que nous laissions l’organisation de la négociation à la main du représentant de l’État. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

J’en profite, monsieur le président, pour dire un mot sur l’amendement précédent et ainsi répondre à Mme Conconne. Vous m’avez reproché, madame la sénatrice, de ne pas aller assez loin en matière de développement économique. Or cet amendement offrait aussi l’occasion de développer l’économie locale et les filières. Il aurait pu avoir un effet inflationniste à court terme, mais également accroître le pouvoir d’achat et favoriser l’emploi dans les territoires. Vous me le reprochez tout autant.

Mme Catherine Conconne. Vous prenez tout à l’envers !

M. Victorin Lurel. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 80 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 149, présenté par Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

comprenant notamment les services de télécommunication et l’entretien automobile

La parole est à M. le rapporteur.

M. Frédéric Buval, rapporteur. Le présent amendement vise à préciser les services qui devront faire l’objet chaque année, dans les collectivités ultramarines, d’une négociation en vue de l’élaboration d’un bouclier qualité prix.

S’il est proposé de laisser aux préfets une grande marge d’appréciation pour déterminer les services qui répondent le plus aux besoins essentiels de la population, il apparaît nécessaire d’en faire figurer deux dans la loi, qui renvoient à des problématiques communes à l’ensemble des collectivités d’outre-mer.

Il s’agit, d’une part, de l’entretien automobile, alors que l’usage de la voiture est indispensable au quotidien dans ces collectivités et que ce secteur économique est dominé par un nombre réduit de grands acteurs, et, d’autre part, des télécommunications – la téléphonie mobile et internet –, qui n’ont pas connu ces deux dernières années la même baisse de prix que dans l’Hexagone.

M. le président. L’amendement n° 81, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette liste inclut notamment des offres d’équipement et d’abonnement téléphoniques et internet et des prestations de réparation ou de remplacement réalisées par des garages ou équipementiers automobiles.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Ayant été attentif aux amendements déposés par mes collègues écologistes sur les services culturels, je pense qu’il faudra élargir la liste des services inclus dans le BQP.

J’ai compris que la négociation du BQP porterait sur l’alimentaire, que l’on ne veut pas y intégrer la droguerie, la parapharmacie, les cosmétiques, l’hygiène et les soins.

Toutefois, le présent amendement vise à préciser que la liste des services inclus dans le BQP pourra comprendre des offres d’équipement et d’abonnement téléphoniques et à internet, ainsi que des prestations automobiles, comme les réparations chez les garagistes, qui coûtent affreusement cher.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 81 ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement de M. Lurel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion commune ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 149, conforme à l’intention initiale du Gouvernement. Il nous avait semblé au départ que ces précisions n’étaient pas du niveau de la loi, mais c’est un très bon amendement.

Le Gouvernement émet en revanche un avis défavorable sur l’amendement n° 81.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 149.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 81 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 121, présenté par MM. Mellouli et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que de produits et services culturels

La parole est à M. Akli Mellouli.

M. Akli Mellouli. Je ne surprendrai personne en disant que les Ultramarins ont aussi une vie sociale et culturelle.

L’article 2 du projet de loi prévoit dans son huitième alinéa des négociations annuelles de modération des prix d’une liste de services dans le cadre du bouclier qualité prix. Le présent amendement vise à inclure dans cette liste les produits et services culturels.

Dans les outre-mer, la vie chère concerne également les produits et services culturels, notamment les livres. Ainsi, le prix unique du livre prévu dans la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre n’est pas appliqué aux livres non scolaires. L’arrêté du 10 mars 2018 prévoit en effet une majoration d’un coefficient de 1,15 du prix initial du livre en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, dans le département de Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette dérogation a pour conséquence une augmentation du prix de plusieurs euros, alors que les Ultramarins ont un pouvoir d’achat en moyenne plus faible et que 900 000 d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. À La Réunion, par exemple, le différentiel de prix avec l’Hexagone est de 4 euros.

Une telle différence renforce les inégalités dans l’accès à la culture entre nos concitoyens ultramarins et ceux qui résident dans l’Hexagone. Alors que ces territoires sont les plus touchés par l’illettrisme, étendre l’accès aux livres et aux autres produits et services culturels est un vecteur supplémentaire de réduction des inégalités et un pas de plus vers l’accès à l’éducation pour tous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le BQP services aux produits et services culturels. Ses auteurs regrettent que le prix unique du livre ne soit pas applicable dans les collectivités d’outre-mer. Cela se justifie par les caractéristiques de ces territoires et par leur éloignement par rapport à l’Hexagone : aucun prix de produit importé ne pourra être identique à celui qui est proposé dans un commerce hexagonal.

Le prix des livres reste toutefois encadré – le prix hexagonal est majoré de 15 % – et l’écart entre les prix de l’Hexagone et ceux des territoires ultramarins est plus faible que celui qui est constaté par l’Insee sur les produits alimentaires, proche de 40 %.

Il serait par ailleurs malaisé de déterminer une liste de livres ou de produits culturels dont les prix seraient encadrés.

Je tiens par ailleurs à rappeler que, sur l’initiative de notre collègue Catherine Conconne, une loi a été adoptée en 2023 visant à préserver l’équilibre économique des salles de cinéma outre-mer.

Il faut veiller à préserver un équilibre et à ne pas nuire, en voulant trop en faire, aux petits commerces de proximité, aux petits libraires. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. C’est vrai qu’il serait souhaitable de tout intégrer dans le BQP et que les prix soient minorés. Toutefois, il nous faut faire des propositions un tant soit peu réalistes.

Dans le territoire où je vis, une dizaine de librairies ont fermé. Une dizaine ! Aujourd’hui, seules deux librairies généralistes indépendantes survivent, en plus de librairies spécialisées dans la religion. Toutes les deux sont maintenues à flot aujourd’hui par un fil d’araignée, tant leurs résultats sont tendus.

Baisser le prix du livre, pourquoi pas ? Mais avons-nous prévu en face une mesure de compensation ? L’amendement en discussion ne tombe-t-il pas sous le coup de l’article 40 de la Constitution ? Qui va compenser ? L’État ? Je ne sais pas !

Faisons attention, car, aujourd’hui, certains de nos territoires, pour ne pas dire la plupart d’entre eux, se dépeuplent. Leurs marchés se réduisent de manière drastique. Je suis la première à souhaiter que tout soit moins cher, mais il faut préserver les équilibres sur des marchés qui rétrécissent aujourd’hui et qui font face à des coûts objectivement supérieurs, ne serait-ce qu’en matière de transport.

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.

Mme Annick Girardin. Je soutiendrai ma collègue de la Martinique.

Tout le monde donne des leçons sur ce que voudraient les territoires ultramarins. Bien entendu que nous voudrions que les prix baissent ; bien entendu que nous voulons tous lutter contre la vie chère. Comme Catherine Conconne, j’ai simplement envie de vous dire que chez moi, il n’y a qu’une seule librairie, un seul endroit où l’on peut acheter des bouquins. Si on baisse le prix du livre, comment fait-elle ? C’est une question de compensation. Le problème est le même que pour l’amendement que nous avons adopté il y a quelques minutes.

La réalité des territoires ultramarins est diverse. La problématique en revanche est identique : le coût de la vie dans les territoires d’outre-mer est trop élevé. Les solutions, en revanche, ne sont jamais les mêmes en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, dans le Pacifique ou à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ici, nous prenons des décisions qui vont s’appliquer à tous les territoires et c’est extrêmement dangereux.

Dans mon territoire, j’estime que nous avons un problème de suradministration, ce qui n’est pas nécessairement le cas ailleurs. Avec toujours plus de contrôle, que va-t-on faire ? On ferme la seule grande surface ? On ferme la dernière librairie ?

Voilà, ce que je tenais à dire : le sujet est compliqué. La solution doit passer par la décentralisation, par la déconcentration, pour utiliser le bon terme. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Dans l’Hexagone aussi, et on le déplore, les librairies ferment.

Le problème ici, ce ne sont pas les librairies ou les compensations. Nous disons qu’il faut étendre dans ce projet de loi le périmètre des produits et services compris dans le BQP. C’est une question de philosophie politique. Nous n’examinons pas aujourd’hui le projet de budget. Le problème, c’est que l’on est en train de nous dire que puisque nous n’avons pas les moyens, l’inertie vaut mieux que le mouvement !

Mme Annick Girardin. Il faut une aide au transport !

M. Akli Mellouli. Pour ma part, je dis qu’il faut étendre la liste des produits compris dans le BQP et y inclure les produits et les services culturels. Les gens ont besoin d’accéder à ces produits, d’avoir des livres non scolaires. Les gens s’instruisent, ont besoin de nourriture spirituelle, de prendre de la hauteur. C’est leur droit.

Les modalités relèvent d’un autre débat. Soit on en reste au débat qui nous occupe aujourd’hui, soit on invoque l’article 40 de la Constitution et on met fin au débat.

Les produits culturels coûtent très cher dans les collectivités d’outre-mer.

M. Akli Mellouli. Puisque nous sommes là pour parler de la vie chère, incluons-les dans la liste des produits compris dans le BQP. Mais si on ne peut rien faire, dites-le-moi, je quitterai la séance. Il ne sert à rien de faire une loi si l’on ne peut rien y mettre, si l’on ne peut pas débattre du fond.

Je dis donc que notre intérêt est de ne pas voir dans les Ultramarins de simples consommateurs de produits alimentaires : ils sont aussi des citoyens à part entière, qui ont besoin de s’émanciper et de se construire un avenir.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. À contre-courant, je soutiendrai cet amendement visant à intégrer les produits et services culturels dans la liste des produits compris dans le BQP.

Cette liste contiendra des produits alimentaires, des produits transformés, un peu de tout. Il faudra donc peut-être prévoir plusieurs négociations sur des paniers différents.

Comme l’a dit notre collègue Mellouli, les services culturels ne se limitent pas au livre. Il a pris l’exemple du livre, au prix duquel un coefficient de 1,15 est appliqué, un prix unique étant appliqué aux livres scolaires, en vertu de la loi Lang. Je comprends l’argumentaire développé par ma collègue Conconne.

Mais d’autres services culturels sont très inaccessibles. Il me semble qu’il serait de bonne et sage politique de les intégrer à la liste, tout en laissant au préfet et au secteur le soin de négocier. Mais écarter ces services, par principe et par idéologie, est une chose que j’ai du mal à accepter au Sénat. Je soutiens donc cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Notre groupe soutiendra cet amendement, car il repose sur l’idée que le BQP n’est pas simplement destiné à permettre aux gens de survivre.

Nous ne sommes pas en train de débattre de la manière dont nous allons survivre ; nous parlons du problème très large de la vie chère. Nous avons rejeté tout à l’heure l’amendement qui visait à réduire les loyers, qui pèsent sur les ménages.

Nous parlons à présent de la culture, mais sachez, chers collègues, que les familles ultramarines sont également confrontées à la vie chère lorsqu’il leur faut acheter un livre, par exemple un Prépabac ou un Prépabrevet pour leurs gamins scolarisés. Trouvez-vous normal qu’elles ne soient pas soutenues pour effectuer cet achat ? Pensez-vous qu’il faille qu’elles renoncent à ce genre de produit ? Doivent-elles attendre du BQP qu’il leur permette uniquement de se nourrir ? Pour le reste, vont-elles devoir attendre que nous prenions de réelles mesures pour déconstruire ce système qui les met à genoux ?

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.

M. Saïd Omar Oili. Ces débats me semblent surréalistes. Nos territoires, cela a été dit, ne sont pas tous les mêmes…

M. Saïd Omar Oili. À Mayotte, 78 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ailleurs, ce taux n’est peut-être que de 20 %. On ne peut donc pas tous être traités de la même manière. Les solutions ne peuvent pas être identiques partout. Ce n’est pas possible !

M. Saïd Omar Oili. Aujourd’hui, des enfants ont besoin de livres pour aller à l’école. Certains vont à l’école sans livres ni rien. Ils y vont les pieds nus, tant ils sont pauvres. Comment pouvez-vous nous traiter de la même manière ? Ce n’est pas possible. Il faut différencier. Si l’on fait une seule loi, identique pour tout le monde, elle ne fonctionnera pas. Nous ne nous retrouverons pas dans cette loi. (Mme Annick Girardin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.

M. Dominique Théophile. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, avec ce texte, on fait de la littérature ! Nous sommes en train de parler de chiffres et de prix. Dès lors, il me semble qu’il faut parler de marges, de résultats. Ne vous méprenez pas, nous sommes conscients que le transport et le stockage ont un coût, mais ce coût est différent selon que l’on achète à Paris, en Guadeloupe ou à Mamoudzou.

Si nous voulons changer la vie de nos concitoyens, il faut s’attaquer aux marges ; là se situe le problème. Quel est le taux de marge admis à l’échelon national ? Il faut comparer le taux de marge sur un même produit, avant de mettre en place une péréquation.

Il ne faut pas se leurrer : la péréquation, c’est à l’État de s’en occuper, parce que, que l’on vive en Guadeloupe ou à Paris, on vit dans la République. S’il faut compenser le coût du transport, c’est à l’État de le faire et de s’engager. On ne peut pas dissocier le présent projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer du projet de loi de finances.

On se demande combien d’entreprises participeront aux négociations sur les BQP, c’est de la littérature !

Puisque nous connaissons les chiffres, il apparaît que tel ou tel secteur d’activité réalise 10 % de marge, tandis que la marge nationale moyenne – qui n’est qu’une moyenne, car nous ne sommes pas dans une économie administrée – est différente. Cette moyenne, on peut la calculer. Et dès lors qu’un secteur se situe au-delà de cette moyenne, eh bien, nous devons regarder ce qui se passe.

Ainsi, pour compenser et retrouver la moyenne nationale, si l’on prend en compte le transport et les coûts d’approche, cela relève du principe de péréquation.