C'est pourquoi la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national s'impose comme une réponse de bon sens aux défis industriels, sociaux et environnementaux que nous devons affronter collectivement.
La sidérurgie française est à un carrefour historique : soit elle disparaît progressivement, victime de la financiarisation et de la concurrence déloyale, avec des conséquences dramatiques pour nos emplois, l'environnement et notre souveraineté ; soit elle renaît, portée par une vision publique qui lie écologie, indépendance nationale et justice sociale.
En ce sens, la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal serait non pas un retour en arrière, mais une réponse moderne aux défis du XXIe siècle : décarboner sans désindustrialiser, produire sans précariser, innover sans dépendre. C'est une décision nécessaire pour que la France demeure une nation industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Thomas Dossus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur un texte d'une importance capitale pour notre industrie, pour notre territoire et pour des milliers de familles : la nationalisation d'ArcelorMittal.
À Denain, dans le Valenciennois, dans tout le bassin sidérurgique du Nord, l'histoire de l'acier est celle de nos vies, de nos luttes et de notre dignité. Nous savons ce que représente cette filière, ce que sa désindustrialisation a coûté à nos concitoyens : des usines fermées, des savoir-faire perdus, des villes entières frappées par le chômage et la précarité.
Depuis des années, aucun investissement sérieux n'a été consenti, alors même que nous parlons d'une entreprise essentielle à notre souveraineté industrielle, confrontée à des concurrents étrangers qui, eux, ne sont soumis à aucune contrainte environnementale ou sociale.
Alors oui, nationaliser peut apparaître, à première vue, comme un acte fort, un acte de souveraineté, un geste de reconquête industrielle. Mais un tel acte n'a de sens que si l'État s'y engage avec lucidité, avec stratégie, et surtout avec la volonté de rendre des comptes à la Nation. Or, dans sa rédaction actuelle, ce texte ne garantit rien de cela.
Il s'agit ici d'une nationalisation sans cap, sans direction claire, sans garantie pour nos ouvriers ni pour nos territoires. Une nationalisation qui pourrait, demain, n'être qu'un rachat à perte, une nouvelle aventure technocratique où l'État deviendrait actionnaire passif d'un géant sans boussole.
M. Ian Brossat. Donc on ne fait rien…
M. Joshua Hochart. C'est pourquoi le Rassemblement national ne peut soutenir ce texte.
Nous ne rejetons pas l'idée que l'État puisse reprendre la main sur des actifs stratégiques. Bien au contraire, nous avons toujours défendu une politique industrielle ambitieuse, prévoyant que la puissance publique joue pleinement son rôle protecteur. Mais cette reprise doit être guidée par une logique de souveraineté et d'efficacité, non par une logique idéologique ou opportuniste, comme nous avons souvent pu l'observer dans le passé.
M. Ian Brossat. Le porte-parole du Medef !
M. Joshua Hochart. Le Nord n'a que trop souffert des promesses non tenues. Nos territoires ne veulent plus de symboles, ils veulent des actes concrets. Notre industrie a besoin d'un État fort, pas d'un État figurant. Car, pour nous, la défense de l'acier français est non pas une posture, mais un devoir ! (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il y a une différence entre vos propos et vos tracts !
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'arcelormittal situés sur le territoire national
Article 1er
Afin de garantir la souveraineté industrielle dans le secteur sidérurgique, reconnu comme essentiel à la défense, aux infrastructures critiques et à la transition énergétique, ainsi que la protection des emplois et des compétences, les sites industriels d'ArcelorMittal situés en France, identifiés comme stratégiques pour l'industrie sidérurgique et la transition énergétique, sont nationalisés.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, sur l'article.
Mme Mireille Jouve. Le groupe du RDSE souscrit pleinement à la nécessité d'apporter une réponse rapide et concrète aux salariés d'ArcelorMittal, aujourd'hui confrontés à un plan social. Cette proposition de loi déposée par nos collègues du groupe CRCE-K a le mérite d'alerter et de proposer une solution à l'échelle de la loi. Cependant, notre groupe estime que la nationalisation envisagée, bien qu'inspirée par une intention louable, serait particulièrement coûteuse pour les finances publiques, sans garantir la pérennité de l'entreprise à long terme.
Le véritable enjeu réside dans une concurrence internationale structurellement déséquilibrée, face à laquelle seule une réponse européenne serait efficace. Mais dans l'immédiat, deux urgences doivent être traitées et relèvent du pouvoir réglementaire : le maintien de l'emploi et la décarbonation de la production.
Nous estimons qu'une prise de participation de l'État via l'Agence des participations de l'État (APE) ou Bpifrance constitue une piste efficace. Cette solution, plus modérée en termes de coûts, permet à l'État d'intervenir sur les décisions stratégiques, d'une part, pour s'opposer à des suppressions d'emploi et, d'autre part, pour accompagner la transition énergétique des sites.
Dans une logique européenne, la France pourrait également impulser un rapprochement des activités Europe d'ArcelorMittal par une entrée concertée au capital avec d'autres États membres.
Le groupe du RDSE invite donc le Gouvernement à prendre toute sa part de responsabilité dans ce dossier, non pas au travers d'un geste symbolique, mais par une stratégie d'intervention économique claire, ciblée et cohérente au service de sa politique industrielle.
Enfin, je souhaite rappeler que les entreprises sidérurgiques européennes les plus performantes sont souvent celles dans lesquelles l'État ou les salariés participent activement aux décisions stratégiques. L'exemple de l'entreprise suédoise SSAB en est une illustration,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Mireille Jouve. … soit un modèle de gouvernance équilibré alliant compétitivité, transition écologique et responsabilité sociale. Je nous invite à méditer cet exemple.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, sur l'article.
Mme Audrey Linkenheld. Je souhaite, moi aussi, intervenir sur cet article 1er qui concerne très précisément la nationalisation des actifs d'ArcelorMittal. Et je veux remercier, à mon tour, le groupe communiste, sa présidente ainsi que l'ensemble des sénatrices et des sénateurs qui sont présents pour l'examen de ce texte, en particulier celles et ceux dont le département accueille des sites directement touchés par l'annonce des suppressions de postes chez ArcelorMittal.
Comme j'avais eu l'occasion de le dire lorsque cette annonce est tombée, je pense plus particulièrement au site de Dunkerque, où plusieurs centaines de postes doivent être supprimés, à celui de Mardyck, à d'autres sites du Nord, et plus largement des Hauts-de-France.
Merci au groupe communiste d'avoir braqué de nouveau le projecteur sur ce sujet douloureux, à quelques jours à peine de l'ouverture d'un délai dans lequel les salariés et leurs organisations syndicales devront répondre à l'annonce de ce plan social.
Cette proposition de loi, et tout particulièrement son article 1er, a l'immense mérite de proposer des solutions à l'échelle nationale, ce qui relève de la mission du Parlement français.
Plusieurs solutions sont possibles. La nationalisation en est une et il est important que nous puissions en débattre, notamment pour relayer la parole des salariés.
Cela a été dit, nous faisons face à une concurrence importante, principalement asiatique et très souvent déloyale. Au-delà des questions nationales, il nous faudra aussi revenir sur la question européenne.
Des solutions ont été esquissées : des solutions commerciales – par exemple, des quotas d'importation – et des solutions de régulation au travers des marchés publics.
Je considère, pour ma part, que la question du capital pourrait également être posée à l'échelle européenne. En effet, l'emploi est un sujet non pas seulement français, mais aussi européen : des emplois seront détruits dans d'autres États membres. Peut-être faudrait-il, à l'avenir, réfléchir à une européanisation ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l'article.
M. Pascal Savoldelli. Ce n'est pas de chance, monsieur le ministre, le journal économique auquel vous avez accordé une interview et dans lequel la présente proposition de loi fait l'actualité indique que le nouveau baromètre des ouvertures et des fermetures des sites industriels en France, lequel est réalisé par les services de Bercy – donc ni par L'Humanité ni par le parti communiste ! – « confirme les ratés de la politique de réindustrialisation ». Je cite toujours : « Au premier semestre, le pays a vu presque deux fois plus de fermetures d'usines – 82 – que d'ouvertures – 44. »
Vous dites dans cette interview que vous allez mobiliser les préfets. En effet, tout le monde a bien compris ici qu'il s'agissait seulement, en l'occurrence, d'un problème de lourdeur administrative (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)… Ce n'est pas très sérieux, monsieur le ministre !
Je vous ai également entendu relater en partie ce qui s'est déroulé au sein de la Commission européenne. Dont acte. Il n'y a rien à dire, pas de commentaires à faire…
Vous avez simplement oublié de préciser avant – mais sans doute n'aviez-vous pas le temps ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) – que cette situation était liée à celle du marché européen de l'acier : 18 000 emplois directs supprimés dans la sidérurgie en 2024 au sein de l'Union européenne, et 150 000 autres emplois menacés d'ici à 2030 !
Bien évidemment, il faut tenir compte de la concurrence chinoise et des droits de douane américains. Vous dites que la politique des droits de douane a fait augmenter de 20 % les cours de l'acier à l'échelle mondiale. Dont acte.
Vous ajoutez que la Commission propose de diminuer de moitié les quotas d'acier étranger pouvant être importé sans surtaxe, et de doubler, de 25 % à 50 %, les droits de douane sur l'acier.
Je souhaite donc vous poser la question suivante, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, et vous, chers collègues de droite qui avez tous exposé votre désaccord sur notre proposition de loi sans formuler aucune proposition alternative,…
M. Ian Brossat. Exactement !
M. Pascal Savoldelli. … concernant ces mesures de la Commission européenne, que va dire la France ? Je vous demande une réponse !
Je vous le dis, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans relance de la production en France, et même si des mesures d'harmonisation sont prises face à une situation de concurrence exacerbée, ces mesures n'auront aucun effet ! Cela signifie que nous avons un problème de souveraineté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l'article.
M. Marc Laménie. Je remercie nos collègues du groupe CRCE-K d'avoir mis à l'ordre du jour un texte aussi important. Lors de la discussion générale, la présidente Cécile Cukierman a rappelé que 15 000 emplois étaient concernés en France, dans des sites importants, à Dunkerque, à Fos-sur-Mer, mais aussi à Saint-Chély-d'Apcher en Lozère, et à Mouzon, dans les Ardennes, où 150 emplois sont directement menacés.
Mme Silvana Silvani. Exactement !
M. Marc Laménie. Le sujet est d'importance pour l'aménagement du territoire : le transport de fret ferroviaire décline, malheureusement, mais il joue un rôle important pour la sidérurgie et la fonderie. Sur leurs territoires respectifs, les sites de Saint-Chély-d'Apcher et de Mouzon constituent, en quelque sorte, le dernier client.
Monsieur le ministre, vous êtes saisi de nombreux dossiers relatifs aux Ardennes. Dans ce département, la fonderie de cuivre Tréfimétaux ne compte plus que 35 salariés, alors qu'on en comptait plus de 1 000 dans les années 1980.
De même, Usinor comptait plus de 2 000 emplois sur deux sites dans les Ardennes, dans les vallées de la Meuse et de la Chiers. Historiquement, en ce qui concerne la fonderie et l'estompage, les pertes d'emplois sont bien visibles. Les explications en ont été données, notamment la surcapacité mondiale.
En ce qui concerne plus spécifiquement ArcelorMittal, nous nous battons aussi. Aux côtés de Fabien Gay et d'Olivier Rietmann, j'ai participé à l'audition des grands patrons de l'entreprise lors de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants.
L'enjeu de cette proposition de loi est fondamental, et, en ce qui me concerne, je resterai fidèle à mes engagements et je ne voterai pas contre ce texte : je m'abstiendrai. Ces sujets stratégiques sont très importants, car il y va aussi des emplois et des familles.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 17 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 342 |
| Pour l'adoption | 107 |
| Contre | 235 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 2
Les sites de Dunkerque, de Fos-sur-Mer, de Florange ainsi que toutes autres installations détenues par ArcelorMittal en France, jugées essentielles pour la transition énergétique et la sauvegarde de l'emploi, sont considérées comme stratégiques pour l'industrie sidérurgique nationale et qualifiées d'intérêt général.
Les actifs concernés comprennent toutes les installations industrielles nécessaires à la production d'acier ainsi que les droits de propriété intellectuelle et brevets associés aux procédés industriels et technologiques, indispensables à la modernisation des sites.
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, sur l'article.
Mme Karine Daniel. Je remercie à mon tour les collègues du groupe CRCE-K de leur initiative, qui met en lumière les problématiques relatives à ArcelorMittal et les enjeux de l'acier.
Ce matériau est présent dans les emballages alimentaires, les éoliennes, les véhicules électriques, les infrastructures ferroviaires, soit l'ensemble des équipements décisifs pour répondre au défi de la transition écologique et de l'économie de demain. Ne l'oublions pas : défendre l'acier européen est un enjeu stratégique.
L'article 2 nous permet de ne pas abandonner nos territoires. Nous considérons qu'il faut reconnaître la dignité du travail des ouvriers qui travaillent dans ces filières. On ne peut sacrifier ces lignes de production stratégiques en France.
J'ai évidemment une pensée pour le site bicentenaire des Forges de Basse-Indre, en Loire-Atlantique, où sont produits des aciers destinés à l'industrie agroalimentaire, et qui, si l'article était adopté, ferait partie des installations qualifiées d'intérêt général. Près de 100 ouvriers de cette usine sont touchés par un plan social et reçoivent des lettres de licenciement : j'ai une pensée pour eux et pour leurs familles.
Il est temps de renouer avec une ambition industrielle forte pour la France. Les ouvriers des Forges de Basse-Indre, comme ceux des autres sites, méritent que nous leur accordions notre attention et, surtout, que nous trouvions des solutions.
Je partage les propos tenus tout à l'heure : au-delà de la nationalisation et des outils de capitalisation que nous devons trouver, il nous faut aussi être force de proposition sur les enjeux européens. N'ayons aucune naïveté : aujourd'hui, ArcelorMittal utilise la concurrence interne entre ses propres sites pour affaiblir les sites européens. C'est inacceptable, et nous devons lutter face à ces stratégies industrielles de manière globale.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 18 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 342 |
| Pour l'adoption | 107 |
| Contre | 235 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 3
L'État procède à l'expropriation des actifs d'ArcelorMittal situés en France en prenant possession des sites mentionnés à l'article 2.
La valorisation des sites d'ArcelorMittal en France est effectuée par une commission indépendante, dont la composition est précisée par décret en Conseil d'État.
L'indemnité due aux actionnaires est réduite du montant des aides publiques antérieurement perçues par ArcelorMittal.
Un organisme indépendant procède à l'identification et à l'évaluation de ces aides publiques. Ce recensement comprend notamment : les subventions directes versées par l'État ou les collectivités territoriales pour la modernisation des sites, les prêts à taux garantis par l'État, les exonérations fiscales et les autres avantages fiscaux accordés au groupe, les exonérations sociales, les fonds européens et les subventions reçus pour la transition énergétique, notamment à travers les programmes Horizon 2020 ou le Fonds pour la transition énergétique.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 19 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 342 |
| Pour l'adoption | 107 |
| Contre | 235 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Organisation des travaux
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, pourriez-vous indiquer de combien de temps nous disposons encore dans le cadre de notre espace réservé ?
M. le président. La séance sera levée au plus tard à 16 heures 03, pour être tout à fait précis.
Article 4
L'État crée une entreprise publique, la Société Nationale de l'Acier, placée sous son contrôle direct, qui est responsable de l'exploitation des sites nationalisés. Cette société a notamment pour missions :
1° La modernisation des installations pour répondre aux objectifs de décarbonation ;
2° Le maintien de l'emploi et des compétences ;
3° La pérennité des sites.
La gouvernance de la Société Nationale de l'Acier est régie par les dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
La Société Nationale de l'Acier remet chaque année au Parlement, avant le 30 juin, un rapport détaillé composé de trois volets : économique et financier, social et environnemental, et stratégique. Ce rapport présente notamment l'évolution des effectifs, les conditions de travail et la formation des salariés, la réduction des émissions de CO₂, les avancées en matière de décarbonation ainsi que les investissements réalisés. Ce rapport est transmis aux commissions chargées des affaires économiques et du développement durable de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. le président. Mes chers collègues, je vais mettre aux voix l'article 4.
Si cet article n'était pas adopté, je considérerais que le vote est le même pour l'article 5, qui deviendrait sans objet.
Il n'y aurait par ailleurs plus lieu de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, puisque tous les articles qui la composent auraient été successivement rejetés par le Sénat. Il n'y aurait donc pas d'explication de vote sur l'ensemble.
Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote sur l'article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je viens d'une belle région industrielle, le Nord-Pas-de-Calais, où après la fermeture des mines, nous avons eu de belles industries. Pourtant, aujourd'hui, mon département, c'est Metaleurop, 800 salariés virés du jour au lendemain ; Synthexim en 2023, idem ; Meccano en 2023, idem ; Bridgestone, il y a maintenant quatre ans, idem.
Si nous avons déposé cette proposition de loi, c'est qu'elle a du sens. En effet, lorsque nous avions à l'époque proposé la nationalisation des sites qui ont fermé – j'étais moi-même intervenue en ce sens pour Synthexim et pour Meccano –, notre demande avait été refusée.
L'État n'a jamais accepté d'entrer au capital de ces entreprises ni de les nationaliser. Notre département a perdu des milliers d'emplois. On a promis aux salariés des reconversions, mais si l'on fait le bilan, des milliers de familles ont été laissées sur le carreau ; j'y insiste : on a laissé des milliers de familles sur le carreau !
Aujourd'hui, si on laisse faire, si on ne prend pas la mesure de ce qui arrive à ArcelorMittal et si on refuse de nationaliser cette entreprise, elle finira malheureusement dans le même état que celles que je viens de citer.
Nous avons donc une responsabilité particulière. Je vous ai entendu tout à l'heure, monsieur Hochart : ce que le Rassemblement national écrit dans ses tracts, ce que vous dites aux salariés ne correspond jamais aux paroles que vous tenez dans l'hémicycle.
M. le président. Il faut conclure, chère collègue.
Mme Cathy Apourceau-Poly. En effet, si ici vous vous prononcez contre la nationalisation, votre discours sera différent de retour chez nous, dans le Nord-Pas-de-Calais.
M. Joshua Hochart. Je n'ai pas de leçon à recevoir de vous !
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, sur l'article.
M. Pierre Barros. Le dernier texte que nous examinons au sein de cette niche est particulièrement d'actualité, mais il renvoie aussi à des positions récurrentes dans l'histoire de la stratégie et de la politique industrielle menée en France depuis vingt ou trente ans.
Aujourd'hui, nous parlons d'ArcelorMittal ; pendant des années, nous avons parlé d'Alstom, qui était un fleuron industriel faisant la richesse et la fierté de la France. À la suite de l'entreprise Rateau, créée avant la guerre, elle a produit les turboalternateurs qui ont permis la production de l'énergie électrique par les centrales nucléaires et thermiques ou par les barrages hydrauliques.
Cette industrie s'est déployée avec une grande technicité, grâce à ses agents, à ses personnels, à ses techniciens et à ses ingénieurs. Toute cette histoire s'est arrêtée à la fin des années 1990 et au début des années 2000, voire il y a près de dix ans, quand un ministre devenu depuis Président de la République a bradé l'entreprise Alstom à General Electric.
Ces exemples le montrent donc bien : l'histoire récente de la politique industrielle de la France est celle d'un bradage ; c'est celle de l'abandon de l'ensemble des femmes et des hommes qui ont fait l'histoire comme l'honneur de notre pays et qui ont permis, à un moment donné, de produire de la force motrice et de la richesse.
Au fond, la politique menée depuis les années 1970-1980, qui a tout misé sur le secteur tertiaire tout en faisant de la Chine et de l'Inde le grand atelier du monde, a montré ses limites. Nous avons vu ce que cela a donné d'un point de vue environnemental ou en matière de dumping social.
Je suis d'accord avec ce qui a été évoqué par mes collègues, notamment Pascal Savoldelli : pour des questions de souveraineté, il faut que nous soyons présents sur ces champs d'activité, car nous avons besoin de produire localement pour les nombreuses raisons évoquées cet après-midi.
Malheureusement, l'histoire se répète encore une fois, avec ArcelorMittal. La situation n'est pas seulement dramatique : elle découle d'un vrai choix politique.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote sur l'article.
Mme Silvana Silvani. Monsieur le rapporteur, en évoquant le coût représenté par la nationalisation d'ArcelorMittal, vous avez mentionné une somme comprise entre un et plusieurs milliards d'euros. Je le reconnais, nous ne vous avons pas demandé de chiffrer notre proposition, mais pour être tout à fait honnête, une telle fourchette ne semble pas représenter un gouffre insurmontable.
Monsieur le ministre, il m'a semblé – je ne sais si je vous ai bien compris – que vous proposiez de fournir à cette entreprise une aide supplémentaire pour soutenir la compétitivité. Mais quand se rendra-t-on enfin compte que les aides financières ne suffisent pas à soutenir la compétitivité de nos entreprises, au vu de leur état ?
Lors de la discussion générale, une de nos collègues a dit qu'il faudra investir. Oui, bien sûr, mais c'est déjà le cas. À vous entendre, on aurait presque l'impression qu'il ne se passe rien, alors que l'on investit déjà !
Plus grave, à mon sens : ce qui nous oppose à ArcelorMittal n'est pas un cas isolé. Dans d'autres situations, des investisseurs nous mènent par le bout du nez. Des aides ont été fournies par l'État, qui a rempli sa part, mais l'investisseur, lui, n'a pas rempli la sienne – je n'insisterai pas davantage sur ce sujet.
Honnêtement, je m'interroge sur le projet de réindustrialisation actuel en France, et je n'en saisis pas les contours. En tout cas, ce qui est sûr, ainsi que mon collègue Savoldelli l'a rappelé, c'est que nous n'en voyons pas les résultats pour l'instant, en tout cas depuis 2017.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Nous le constatons avec grand regret, notre proposition de loi va être rejetée. Pourtant, comme je l'ai dit précédemment, nous ne pouvons pas d'un côté prétendre vouloir réindustrialiser notre pays pour assurer sa souveraineté industrielle et, de l'autre, nous désintéresser de la question de la maîtrise de l'acier.
Je vous le rappelle, pour que l'on prenne la mesure des coûts : un emploi industriel vaut quatre emplois. C'est dire combien, demain, dans nos territoires, la fermeture des hauts fourneaux aura des conséquences catastrophiques, y compris financières, pour la vie des gens et pour les territoires à réaménager.
Mes chers collègues, je n'offenserai personne en disant que nous devons mener une véritable réflexion pour répondre à l'inquiétude de plusieurs centaines de salariés.
Un certain nombre d'entre vous ont répondu qu'il ne fallait surtout pas nationaliser, qu'il ne fallait pas que l'État se mêle de la question. Mais la réalité, aujourd'hui, c'est que le marché n'a rien fait pour ces salariés. La réalité, c'est qu'une majorité des femmes et des hommes politiques de notre pays leur disent : « C'est triste, c'est malheureux, mais on ne peut rien faire pour vous. »
Je le dis avec beaucoup de sincérité, car c'est peut-être encore plus vrai aujourd'hui : si je fais de la politique, c'est parce que, avec l'ensemble de mon groupe, je crois en notre capacité à nous mobiliser collectivement et à agir pour changer la vie des gens. Renoncer à de tels combats, c'est finalement nourrir la résignation, l'individualisme, l'immobilisme, c'est-à-dire le terreau qui fait grandir l'extrême droite dans notre pays.
En déposant cette proposition de loi, au-delà de la question de la nationalisation, nous avons voulu mesurer avec quelle force l'action publique répond aux Françaises et aux Français. (Mme Evelyne Corbière Naminzo et M. Ian Brossat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Arnaud Bazin, rapporteur de la commission des finances. Mes chers collègues, j'ai tenté de démontrer que la nationalisation des sites d'ArcelorMittal en France n'est pas la solution. Pour autant, il ne s'agit pas du tout de dire que l'on ne peut ou que l'on ne doit rien faire, bien au contraire !
Un pays comme la France peut-il être un pays sans industrie ? La réponse est non. Peut-il y avoir une industrie sans acier ? La réponse est non.