M. Pascal Savoldelli. Et donc ?…
M. Arnaud Bazin, rapporteur. Nous devons tout simplement prendre en considération l'écosystème général européen et international, ainsi que la situation de concurrence totalement déloyale que nous imposent, entre autres, la Chine, mais aussi, demain, l'Inde. Il faut le savoir, les surcapacités de production ne diminueront pas, elles continueront d'augmenter.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et on fait quoi alors ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur. La solution est donc de garantir un prix de l'acier en Europe qui permette de produire sur notre continent. Pour cela, il faut des mesures de protection. Doubler les droits de douane envoie un premier bon signe. Il faut maintenant que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières soit très rapidement mis en œuvre.
Moyennant ces mesures, nous pourrons attendre d'ArcelorMittal que cette entreprise honore ses engagements – qu'elle a pour l'instant suspendus – en matière de décarbonation.
Mme Silvana Silvani. Pourquoi attendre ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur. Les investissements, colossaux, devraient être soutenus par le budget de l'État si l'entreprise était nationalisée, tandis qu'ils seront, en l'état actuel des choses, essentiellement apportés par des fonds privés.
Mme Cécile Cukierman. Il s'agit d'un milliard d'euros !
M. Arnaud Bazin, rapporteur. Aujourd'hui, nous savons donc ce qu'il faut faire. On peut regretter très fortement que l'Europe ait tardé à réagir, et il est plus que temps de le faire. Nous sommes en train d'obtenir gain de cause, mais nous devrons continuer d'être vigilants.
Mes chers collègues, vous avez déposé cette proposition de loi afin de susciter un débat. Très sincèrement, ce débat a été de qualité. Le dossier, évidemment, restera sous notre vigilance la plus complète.
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, sur l'article.
M. Joshua Hochart. Quelques éléments de réponse à nos collègues communistes, qui ont cru bon de m'accuser de tenir un double discours.
Bien évidemment, une telle accusation est fausse. Vous dénoncez aujourd'hui les effets des textes que vous avez vous-mêmes soutenus…
M. Joshua Hochart. En 2014, il me semble que vous avez soutenu le gouvernement de M. Hollande lorsqu'il décida de la fermeture des hauts fourneaux de Florange.
M. Joshua Hochart. Vos amis socialistes sont par ailleurs très peu nombreux dans l'hémicycle.
M. Ian Brossat. Vous n'êtes pas bien nombreux non plus !
M. Joshua Hochart. Le marché européen de l'acier, vous le soutenez, puisque vous soutenez l'Union européenne.
Arrêtez donc de dénoncer les effets des textes que vous avez soutenus et de l'Union européenne que vous soutenez en permanence !
Mme Cécile Cukierman. C'est mieux quand il ne parle pas !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué. Avant le vote dont la présidente Cukierman a annoncé l'issue, je voulais insister sur la qualité de nos échanges de cet après-midi.
Sur toutes les travées, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez défendu l'idée, partagée dans notre nation, qu'il est nécessaire de soutenir l'industrie française et l'industrie européenne.
Je ne suis pas là pour dire – monsieur le sénateur Savoldelli, ne faisons pas dire aux Échos ce qu'ils ne disent pas – que la situation n'est pas difficile. Elle est extrêmement difficile, extrêmement complexe.
M. Pascal Savoldelli. C'est votre bilan !
M. Sébastien Martin, ministre délégué. Aujourd'hui, nous voyons bien toutes et tous que, en Europe, ce n'est pas seulement le modèle économique qui est attaqué. Plus globalement, c'est le modèle européen lui-même qui est attaqué, avec des leviers non seulement économiques, mais aussi politiques et numériques.
Face à cela, la réponse doit-elle être la nationalisation ? Pour ma part, je crois que la première des réponses est une mobilisation très forte. (Mme Cathy Apourceau-Poly fait la moue.)
Elle doit associer la puissance publique nationale qu'est l'État, le monde économique, et – je suis devant la chambre des territoires, et c'est ma conviction profonde, car j'ai été pendant des années président d'une association nationale d'élus – bien évidemment les territoires eux-mêmes, qu'il s'agisse des régions, des intercommunalités, des communes. Bref, elle doit réunir toutes celles et tous ceux qui croient véritablement en l'industrie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous croyez tous à la nécessité de l'industrie. Le sujet n'est pas seulement économique : c'est aussi un sujet de cohésion nationale ; c'est aussi un sujet de parcours professionnels, parfois bien plus intéressants dans l'industrie que dans le secteur des services. Il s'agit aussi de savoir quel projet proposer à un territoire qui ne créerait plus de valeur, car l'industrie n'y serait plus présente.
Pour moi, la vraie réponse à toutes ces questions – plusieurs d'entre vous l'ont indiqué – est avant tout la sortie de la naïveté face à l'agression à laquelle nous sommes confrontés. Il n'y a pas d'autre terme : quand les produits envoyés en Europe sont subventionnés massivement, dans le seul objectif de créer un prix tellement imbattable que rien ne sert de lutter, cela s'appelle une agression. Et nous nous défendons.
Nous devons désormais aller plus fort et plus loin au niveau européen. Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, des droits de douane vont s'appliquer à partir de janvier 2026. En tout cas, la France fait tout pour que très peu d'amendements soient apportés au texte de la Commission, afin que celui-ci s'applique le plus rapidement possible. C'est là que se trouve la vraie réponse aux problématiques d'invasion de la sidérurgie asiatique en Europe.
Nous croyons en la nécessité de décarboner, mais encore faut-il que des mécanismes de protection aux frontières soient actifs pour s'assurer que les productions qui ne sont pas décarbonées soient pénalisées et paient, elles aussi, les coûts du carbone. C'est le MACF qui doit établir des sanctions non pas simplement par rapport à une usine, mais bien par rapport à un pays, sinon elles seront trop fortement contournées.
Un dernier point doit nous rassembler, quelles que soient les travées sur lesquels vous siégez, mesdames, messieurs les sénateurs : c'est le principe de la préférence européenne, que nous devons véritablement inscrire au niveau de la Commission européenne. (M. Joshua Hochart proteste.)
En effet, si nous n'instaurons pas la préférence européenne, qui requiert dans nos produits finis une part d'éléments européens d'au moins 60 % à 70 %, tous les mécanismes dont je viens de parler pourraient être tout simplement contournés.
Tels sont les combats que le Gouvernement va mener dans les mois qui viennent, avec, je l'espère, l'ensemble des parlementaires.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l'article.
M. Thomas Dossus. J'ai trouvé le discours du ministre très œcuménique (Mme Cathy Apourceau-Poly rit.) : donnons-nous tous la main et, à la fin, avec la mobilisation de chacun, nous y arriverons…
M. Sébastien Martin, ministre délégué. Ce serait utile, oui !
M. Thomas Dossus. Toutefois, vous n'avez pas avancé la moindre solution d'action publique de la part de l'État français ni proposé aucune vision de la stratégie industrielle française, voire européenne. On reste un peu sur sa faim, monsieur le ministre, et je suis largement déçu.
J'approuve le réveil européen sur le protectionnisme, qui a enfin lieu. Si je puis dire, nous avons besoin de barrières et de frontières en la matière. Devant la bascule des grands empires vers l'archisubvention de leur économie, face à la concurrence déloyale permanente et à la surproduction, il est évident que l'Europe doit se réveiller.
Toutefois, nous avons aussi besoin en France d'une vision industrielle, qui insiste sur les filières, alors que, en la matière, nous n'avons pas entendu grand-chose dans votre discours.
Je partage les propos tenus par nos collègues du groupe communiste : la solution de la nationalisation n'est peut-être pas l'outil adapté, mais pour l'instant, c'est le seul qui ait été mis sur la table. Nous n'avons entendu personne en proposer un autre. Je remercie le groupe communiste d'avoir inscrit ce texte à notre ordre du jour. Nous avons besoin d'une mobilisation plus forte et, en tout cas, d'une vision stratégique pour l'industrie française.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 20 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 342 |
| Pour l'adoption | 107 |
| Contre | 235 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l'article 5 n'a plus d'objet.
Mes chers collègues, les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu'un vote sur l'ensemble n'est pas nécessaire.
En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 4 novembre 2025 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente :
Débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances ;
Débat sur le thème « L'avenir de la décentralisation » ;
Débat sur le thème « Quelles réponses apporter à la crise du logement ? ».
À vingt et une heures :
Débat sur le thème « Fiscalité du travail, fiscalité du capital : quels équilibres ? ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
JEAN-CYRIL MASSERON