Présidence de M. Didier Mandelli
vice-président
1
Libération de deux otages en Iran
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons appris avec un immense soulagement la libération de nos deux compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris, qui étaient retenus prisonniers en Iran depuis mai 2022. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)
C'est une première étape : le dialogue et la diplomatie doivent se poursuivre afin de permettre leur retour à Paris.
2
Attaque par un conducteur automobile sur l'île d'Oléron
M. le président. Nous avons appris avec beaucoup d'émotion qu'un automobiliste avait volontairement fauché plusieurs piétons et cyclistes ce matin, sur l'île d'Oléron, faisant une dizaine de blessés, dont deux sont dans un état grave. L'individu a pu être interpellé grâce à l'action rapide des forces de l'ordre.
J'adresse, au nom du Sénat tout entier, et particulièrement de nos collègues sénateurs de la Charente-Maritime, Corinne Imbert, Daniel Laurent et Mickaël Vallet, ma solidarité et mes pensées aux blessés et à leurs familles.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
J'indique que le président du Sénat, assistant à des obsèques, ne peut présider notre séance.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
prise en compte par le gouvernement du rapport de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux entreprises et à leurs sous-traitants
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. Fabien Gay. Monsieur le Premier ministre, une soif de justice sociale et fiscale grandit partout dans le pays.
Dans le contexte budgétaire tendu, deux idées sont devenues majoritaires dans la population : sur les recettes, la taxe Zucman, qui a été enterrée à l'Assemblée nationale par les droites et l'extrême droite coalisées ; sur les dépenses, le chiffre de 211 milliards d'euros d'aides aux entreprises, issu du rapport que j'ai réalisé avec Olivier Rietmann.
Ce chiffre a été repris par tout le mouvement social, et pour cause : il représente deux fois le budget des collectivités et quatre fois celui de l'éducation nationale.
Notre travail a été caricaturé : nous n'avons jamais proposé la suppression des aides publiques, qui sont des leviers économiques essentiels au moment où la bataille commerciale fait rage. Notre travail a aussi été invisibilisé : vingt-six recommandations ont été adoptées à l'unanimité, sur lesquelles devrait se cristalliser le débat.
Ces recommandations visent à imposer une transparence, à l'heure où les 2 267 dispositifs recensés forment une jungle dans laquelle personne ne s'y retrouve, mais aussi un conditionnement, un suivi et une évaluation de ces fonds publics pour garantir qu'ils remplissent bien les objectifs pour lesquels ils ont été octroyés.
Depuis, nous attendons une réaction de votre part, monsieur le Premier ministre. Allez-vous enterrer notre rapport sans même nous recevoir, au mépris de votre engagement devant l'intersyndicale, ou soutenir nos amendements, voire une proposition de loi transpartisane ?
Enfin, notre travail suit un fil rouge : l'argent public ne peut pas servir les actionnaires. À la suite de leur audition, d'un épisode de l'émission Complément d'enquête et de ma tribune dans Libération, Michelin s'est engagé, dans une perspective éthique, à rembourser 4,3 millions d'euros qui n'ont jamais été investis sur le sol français.
Monsieur le Premier ministre, vous engagez-vous à ce que ce remboursement intervienne dans les plus brefs délais ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. Monsieur le sénateur Fabien Gay, je vous remercie de votre question et, surtout, de votre travail. Vous avez mené une commission d'enquête complète et rigoureuse, qui a été assez médiatisée, ce qui a permis de mettre en lumière le sujet très important des aides publiques aux entreprises.
Je voudrais rappeler que, si la France est le pays d'Europe qui aide le plus ses entreprises, elle est aussi celui qui les taxe le plus. (M. Fabien Gay s'exclame.)
Une voix à droite. Bravo !
M. Roland Lescure, ministre. Quand on fait la différence entre les deux, nous sommes toujours champions d'Europe.
Mais peu importe, comme vous l'avez dit, la transparence doit être absolue pour nos concitoyens sur les sujets de fiscalité et comme sur ceux des aides aux entreprises, et vous y avez contribué.
Je suis prêt à prendre plusieurs engagements devant vous aujourd'hui.
Tout d'abord, le Premier ministre m'a demandé de vous recevoir, avec Amélie de Montchalin, pour que nous puissions faire le bilan de votre commission d'enquête et passer en revue toutes les recommandations.
Ensuite, nous souhaitons atteindre cette transparence de la manière la plus rapide possible, sur la fiscalité comme sur les aides – les deux comptent. Une plateforme de la direction générale des entreprises (DGE) rend déjà publiques les aides aux petites entreprises. Vous m'opposerez qu'il est quelque peu paradoxal que l'on sache tout des aides aux petites entreprises, mais que celles qui sont versées aux grandes entreprises fassent l'objet d'un certain flou. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons élargir cette plateforme de manière à ce que l'ensemble des aides soient consultables.
Je rappelle tout de même que, contrairement à ce qui est souvent dit, l'immense majorité des aides publiques aux entreprises en France est conditionnée. On peut critiquer le crédit d'impôt recherche (CIR), mais il est conditionné à des investissements dans la recherche. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K.) Les allègements de charges sur les bas salaires sont évidemment conditionnés à de l'emploi. (Mêmes mouvements.)
M. Fabien Gay. Et Michelin ?
M. Roland Lescure, ministre. Nous allons travailler avec vous, je m'y engage.
Nous allons aussi continuer de travailler avec Michelin, car ce n'est pas tous les jours qu'une entreprise souhaite faire un chèque à l'État. Et je vous assure que nous ferons en sorte que ce chèque soit signé et qu'il arrive à bon port ! (Ah ! sur les travées du groupe CRCE-K. – M. François Patriat applaudit.)
libération de cécile kohler et jacques paris
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Olivia Richard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, quel soulagement ! Hier, dans la nuit, M. Pierre Cochard, ambassadeur de France en Iran, est allé chercher Cécile Kohler et Jacques Paris à la prison d'Evin. Il a vu les portes s'ouvrir sur leurs visages après 1 277 jours de captivité. « Ces moments-là donnent un sens à la mission diplomatique », a-t-il déclaré ce matin sur France Inter. Je veux bien le croire.
À travers vous, monsieur le ministre, je souhaite adresser mes sincères remerciements et toute ma gratitude aux équipes de notre ambassade : à Pierre Cochard et, avant lui, à Nicolas Roche, à notre premier conseiller, Rémy Bouallègue, et à toutes celles et tous ceux qui ont œuvré pour cette délivrance.
J'associe naturellement mon homologue, la présidente du groupe d'amitié France-Iran à l'Assemblée nationale, Ayda Hadizadeh, pour vous demander de leurs nouvelles : comment vont-ils ?
Après trois ans et demi de captivité, dans des conditions inhumaines que vous avez vous-même plusieurs fois qualifiées de « torture », Cécile et Jacques sont aujourd'hui à l'abri, à l'ambassade. Cette nuit, ils ont dormi dans un vrai lit pour la première fois depuis des mois.
Nous assistons à l'aboutissement d'un travail diplomatique de longue haleine et multiforme : plus aucun Français n'est incarcéré en Iran. Nos otages sont en sécurité. Ils sont libres, mais en liberté conditionnelle. Nous comprenons et partageons l'impatience de leurs familles et de leurs proches.
Monsieur le ministre, la route qu'il reste à parcourir sera-t-elle plus longue que les 4 211 kilomètres qui séparent la France de son ambassade à Téhéran ? Quelles sont les prochaines étapes ? Peut-on lire dans cette libération le signal faible d'un changement profond et la base d'un dialogue plus constructif avec le régime iranien à l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Rachid Temal applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Olivia Richard, tout d'abord, merci d'avoir rendu hommage à notre ambassadeur, à son prédécesseur et à nos agents en poste à Téhéran.
Je me suis entretenu ce matin avec Cécile Kohler et Jacques Paris. Je leur ai exprimé ma joie de les trouver en sécurité et en bonne forme à la résidence de France à Téhéran et je leur ai fait part de l'immense élan de solidarité qui s'est exprimé à travers tout le pays pendant trois ans et demi et qui les a portés pendant cette épreuve.
En retour, ils m'ont chargé, avant de pouvoir le faire eux-mêmes de vive voix, de transmettre leurs remerciements à toutes celles et à tous ceux qui, pendant la période de leur captivité, se sont mobilisés pour que leur cause ne soit pas oubliée.
Ces remerciements s'adressent aux agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, dont je veux saluer à mon tour le dévouement et l'excellence dans l'exercice de leur mission, mais aussi, plus largement, aux services de l'État, mobilisés sous l'autorité du Premier ministre, qui ont contribué à obtenir ce résultat.
Ils concernent également l'ensemble des comités de soutien qui se sont créés sur tout le territoire national et leurs membres, qui ont brandi les photos de Cécile Kohler et de Jacques Paris pendant trois ans et demi pour qu'ils ne soient pas oubliés.
Enfin, ils s'adressent à vous, madame la présidente du groupe d'amitié, ainsi qu'à l'ensemble des sénatrices et des sénateurs qui ont refusé de baisser les bras.
Cette libération est une très bonne nouvelle au regard des conditions indignes, et même indicibles, de leur détention depuis trois ans et demi. Mais elle n'est qu'une première étape, qui doit nous mener jusqu'à leur libération définitive et leur rémission totale.
En effet, leur calvaire ne s'est pas arrêté au moment où ils ont été récupérés par notre ambassadeur devant la prison d'Evin. Compte tenu de l'épreuve qu'ils ont traversée, il se poursuivra après leur libération définitive.
C'est pourquoi j'ai dépêché dès hier une équipe de renfort aux côtés de l'équipe de l'ambassade pour les accompagner dans les prochaines semaines. Nous serons auprès d'eux et auprès de leurs familles dans toutes les prochaines étapes menant à leur libération définitive.
Merci à vous et à toutes celles et ceux qui les ont soutenus pendant trois ans et demi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
contradiction entre les priorités européennes pour la cop et la décision française de diminuer l'aide publique au développement
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Karine Daniel applaudit également.)
M. Ronan Dantec. Madame la ministre, la COP de Belém sera la COP de l'accord sur le financement de l'action climatique mondiale ou ne sera pas ! Le Conseil de l'Union européenne du 21 octobre l'a d'ailleurs souligné dans son communiqué de presse officiel : « L'accent est mis sur l'importance de rendre les flux financiers compatibles avec les objectifs de l'accord de Paris. »
Aussi pourrions-nous penser que vous vous rendez à Belém avec des propositions fortes pour renforcer les fonds ayant vocation à accompagner les efforts d'adaptation, en particulier les aides au développement, dont il a été question au cours de la réunion du 21 octobre.
Je rappelle également que le Conseil présidentiel pour les partenariats internationaux, présidé par Emmanuel Macron et chargé de définir les priorités de l'aide publique au développement (APD) en France, a fait, en avril 2025, du financement des énergies renouvelables dans le monde sa première priorité.
Or vous partez au Brésil, madame la ministre, avec un projet de loi de finances (PLF) absolument contradictoire avec l'urgence climatique. Moins 2,5 milliards d'euros : voilà la baisse des crédits consacrés à l'APD en deux ans, si nous tenons compte des 700 millions d'euros de coupes que prévoit le PLF pour 2026 !
Madame la ministre, vous dites vous-même, comme vous l'avez fait hier encore à Bruxelles, que la priorité actuelle est autant d'aider les pays du Sud à maîtriser leurs émissions de CO2 que de réduire les nôtres. Après cette réduction budgétaire, la France ne sera même plus en mesure de respecter les engagements financiers qu'elle a pris lors des COP précédentes, notamment ceux qui sont relatifs au Fonds vert pour le climat et à la biodiversité.
Ma question est donc très simple : madame la ministre, comment pouvez-vous assumer une telle contradiction ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature.
Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature. Monsieur le sénateur, vous voyez une contradiction entre les ambitions que nous défendrons à la COP30 et le niveau des contributions françaises aux aides publiques au développement.
Sachez que la France continue de se placer au deuxième rang des contributeurs au sein de l'Union européenne et parmi les principaux contributeurs mondiaux de la finance climat internationale.
M. Mickaël Vallet. On n'est pas la Lettonie !
Mme Monique Barbut, ministre. En 2024, les financements climatiques de la France à destination des pays en développement se sont élevés à 7,2 milliards d'euros, dont 3 milliards d'euros spécifiquement consacrés aux questions d'adaptation. C'est bien davantage que l'objectif de 6 milliards d'euros qui avait été fixé par le Président de la République, preuve que nous tenons nos engagements financiers.
Toutefois, il convient de rappeler que la part de financements publics est par nature minoritaire : elle représente autour de 30 % des financements liés au climat dans le monde. Tout l'enjeu pour nous est donc de mobiliser massivement des financeurs. Il nous faut pour cela créer les conditions propices pour que des investisseurs privés s'engagent avec nous. C'est dans cet esprit que le Président de la République avait lancé en 2023 le pacte de Paris pour les peuples et la planète.
Tout comme moi, je sais que vous souhaitez engager des financements innovants. Je suis prête à discuter avec vous de la manière de concrétiser, en particulier, une taxe carbone aux frontières consacrée au financement climatique. L'accord obtenu cette nuit concernant la loi européenne sur le climat peut nous y aider.
Nous voulons faire de la finance climat non pas une dépense, mais un levier d'investissement pour la planète, au service d'une transition juste et solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Monsieur le Premier ministre, l'année dernière, le Sénat a trouvé un accord pour sauver l'APD : 0,1 % de taxe sur les transactions financières (TTF) en échange de la suppression du rabot. Mais le gouvernement d'alors et Bercy n'ont pas respecté cet accord : ils ont conservé les recettes et maintenu le rabot.
Connaissant votre engagement en faveur des compromis, je vous propose, monsieur le Premier ministre, d'honorer cet accord de manière rétroactive en injectant les 700 millions d'euros attendus l'année dernière dans le budget pour 2026. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Patrice Joly et Mme Marie-Pierre Monier applaudissent également.)
examen du plf et compétitivité des entreprises
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Rietmann. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, depuis plusieurs semaines, une étrange hostilité se déchaîne contre les chefs d'entreprise. Érigés par certains en ennemis publics numéro un, ils sont traités de profiteurs : la rentabilité actionnariale serait leur seule boussole et certains osent même nous expliquer qu'ils ne paieraient pas d'impôts… (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Aussi l'Assemblée nationale s'est-elle lancée, pour les punir, dans la rédaction d'un catalogue de pénalités de plus de 43 milliards d'euros qui dévaste – et je pèse mes mots – les entrepreneurs et tient à distance les potentiels entrepreneurs. (M. Alexandre Ouizille s'exclame.)
Monsieur le ministre, d'où viennent les plus de 1 200 milliards d'euros de recettes fiscales et sociales collectées par l'État en 2024, redistribuées à tous les Français pour élever leur niveau de vie ? D'où viennent les investissements qui permettent de fabriquer en France, d'y créer des emplois et de les conserver ? D'où viennent l'innovation et la prise de risque pour garantir la souveraineté de notre pays face aux géants commerciaux chinois ou américains ? De nos entreprises, encore et toujours ! (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Mickaël Vallet. Et des travailleurs, accessoirement !
M. Olivier Rietmann. Ces constats lucides étaient d'ailleurs partagés par le Gouvernement il y a encore un mois. Ce fut donc un choc d'entendre l'exécutif s'engager, lundi dernier, à transmettre au Sénat tous les amendements votés par les députés.
Mme Cécile Cukierman. C'est la Constitution !
M. Olivier Rietmann. Au-delà de cette incongruité procédurale, comment ne pas voir dans cette annonce une forme d'adhésion du Gouvernement à l'obsession fiscale et au discours antiproductif ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est quand même incroyable !
M. Olivier Rietmann. Il est urgent de changer de cap et de dire haut et fort aux entreprises que nous avons besoin d'elles. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Par conséquent, ma question est simple et directe : si le projet de loi de finances n'est pas adopté à l'Assemblée nationale, vous engagez-vous, monsieur le ministre, à nous transmettre un texte délesté de tous les amendements anti-entreprises ? (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. Mickaël Vallet. Qui a gagné les législatives ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. Monsieur le sénateur Rietmann, un budget n'est pas qu'un exercice comptable, c'est un exercice économique. C'est la politique publique qui permet toutes les autres, et notamment celle du soutien à la compétitivité de nos entreprises.
Je voudrais tout d'abord vous dire une chose : jusqu'ici, tout va bien. La croissance française tient, elle est même plus forte que dans la plupart des pays européens. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) L'information est tombée ce matin que la production industrielle a rebondi au mois de septembre.
M. Olivier Paccaud. On a l'impression d'entendre Bruno Le Maire !
M. Roland Lescure, ministre. Je ne dis pas que nous devons nous réjouir, mais ne cassons pas la dynamique qui est en cours. Pour l'instant, ça va bien !
Ensuite, les incertitudes politiques influent sur les inquiétudes économiques. Il est donc essentiel de les lever. Des entreprises ont investi et exporté au cours du troisième trimestre. Il faut qu'elles continuent de le faire. Pour cela, il convient de reconnaître que nous devons lever l'hypothèque de la situation politique compliquée – elle l'est sans doute un peu ici, elle l'est bien davantage à l'Assemblée nationale, mais cela ne vous aura pas échappé – que nous connaissons.
Dès lors, le Premier ministre a fait un choix audacieux en renonçant à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pour laisser le débat se dérouler. Chaque chambre travaillera et votera. Et si les votes dépendent moins de l'avis du Gouvernement que par le passé, cela ne nous empêche pas de le donner régulièrement. Je l'ai fait sur la plus grosse des taxes auxquelles vous avez fait référence, celle sur les multinationales, qui me semble inconventionnelle, contraire aux engagements européens de la France et, surtout, extrêmement délétère pour nos entreprises.
Nous devons continuer de travailler ensemble – l'Assemblée nationale est en train de le faire, le Sénat s'apprête à le faire à son tour – pour que ce budget soit sérieux. Parvenir à un déficit de moins de 3 % en 2029 suppose un redressement budgétaire dès 2026, mais aussi un budget qui soutienne nos entreprises.
Pour ce qui est de la procédure parlementaire, vous comprendrez qu'il me faut laisser le débat parlementaire se poursuivre jusqu'à son terme à l'Assemblée nationale avant de vous donner les conditions dans lesquelles il commencera dans cet hémicycle le moment venu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
fonds d'amorçage pour la reconstruction de Mayotte
M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Annie Le Houerou applaudissent également.)
Mme Salama Ramia. Madame la ministre des outre-mer, cela fera bientôt un an que le cyclone Chido a frappé Mayotte. Ce fut une épreuve malheureuse, mais elle a su rappeler la résilience des Mahorais et de leurs élus.
Un an plus tard, les communes de Mayotte tirent la sonnette d'alarme, faute d'avoir obtenu le déblocage du fonds d'amorçage consacré notamment à la reconstruction des écoles. Si elles indiquent avoir été notifiées par l'État, aucun acompte n'a été versé.
Je pense aux communes d'Acoua, de Bandrélé, de Mamoudzou, de Dzaoudzi-Labattoir, de Boueni, de Sada, de M'Tsangamouji, de Chirongui ou encore de Pamandzi, pour ne citer qu'elles. Hélas, le non-paiement s'est imposé comme la règle plutôt que comme l'exception.
À titre d'exemple – cela vous parlera peut-être –, à Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte, les dégâts ont été évalués à près de 96 millions d'euros. À la demande de l'État, la commune a déposé sur la plateforme dédiée une demande de financement de 9 millions d'euros pour la rénovation des écoles afin d'assurer la rentrée scolaire. Seuls 2 millions d'euros ont été notifiés à la commune par six arrêtés et, à ce jour, zéro euro de débloqué ! Je répète : zéro euro !
Dans ces conditions, comment les communes, qui sont en première ligne de la reconstruction, pourront-elles se relever ?
Madame la ministre, l'inquiétude et l'incompréhension des Mahorais ne cessent de grandir, d'autant que la saison cyclonique 2025 vient de débuter, sans que les travaux nécessaires aient été réalisés. Il y a quinze jours, une première tempête a menacé l'île.
Madame la ministre, quelles sont les raisons de ce retard ? À quelle date l'État entend-il honorer ses engagements à Mayotte ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice Ramia, je profite de cette question pour saluer votre engagement et tout le travail que vous avez accompli depuis votre élection. Je pense naturellement au rôle actif que vous avez joué dans l'élaboration de la loi d'urgence pour Mayotte et de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
Vous m'interrogez sur le versement du fonds d'amorçage. Je le rappelle, ce fonds, qui est un soutien aux collectivités, a été renforcé après le passage du cyclone Chido.
De nombreux dossiers ayant reçu un accord de principe, l'État s'est à ce jour engagé à hauteur de 91 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 9 millions d'euros supplémentaires. Comme vous le savez, il a été obligé de gérer en urgence le ramassage des déchets.
J'entends les critiques des maires que vous venez de relayer quant aux délais de validation et d'instruction des dossiers. Les collectivités ont été accompagnées par la préfecture dans la constitution des dossiers, mais l'instruction a été rendue complexe par plusieurs facteurs : tout d'abord, des modifications ont été nécessaires sur un certain nombre de dossiers ; ensuite, un manque d'ingénierie a retardé les procédures ; enfin, depuis le passage du cyclone, certaines communes restent encore très affectées dans leur fonctionnement.
Néanmoins, 37 millions d'euros ont été autorisés à ce jour et six millions d'euros le seront dans les prochains jours. En crédits de paiement, quelque 23,5 millions d'euros ont été versés et 4 millions supplémentaires le seront prochainement. Mais vous avez raison, il faut faire plus et aller plus vite.
Ces crédits relevant du budget de mon ministère, je veillerai à la bonne consommation de l'enveloppe avant la fin de l'année pour que les engagements soient tenus. J'ajoute que le soutien de l'État aux collectivités et à l'établissement public de reconstruction se poursuivra en 2026 : 200 millions d'euros de crédits sont inscrits dans le projet de loi de finances, conformément aux engagements que nous avons pris dans la loi de programmation.
Enfin, la nouvelle instruction que je signerai garantira la célérité et la rigueur du circuit d'instruction et de validation. Quelles que soient nos positions respectives, nous poursuivons les mêmes objectifs : il nous faut, dans les meilleures conditions et dans les plus brefs délais, refonder Mayotte. (M. François Patriat applaudit.)
difficulté pour les candidats aux élections municipales d'ouvrir des comptes bancaires
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord d'exprimer ma solidarité et celle des membres de mon groupe envers les victimes de l'attaque de l'île d'Oléron. Nos pensées vont à leurs familles.
Monsieur le ministre, au-delà de la polémique actuelle au sujet du durcissement des règles relatives aux découverts bancaires, je souhaite vous alerter sur la vive inquiétude des candidats aux prochaines élections municipales.
Comme chacun le sait, tout candidat à une élection municipale dans une commune de plus de 9 000 habitants est tenu d'ouvrir un compte de campagne retraçant l'ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées. Or il apparaît que le réseau bancaire pourrait facturer l'ouverture d'un compte entre 600 et 900 euros.
Ces frais bancaires totalement disproportionnés seraient ainsi le prix à payer pour concourir à la vie démocratique de notre pays. Permettez-moi de m'insurger contre cette pratique abusive qui ne trouve absolument aucune justification.
En effet, le rôle de la banque est négligeable, pour ne pas dire nul. La responsabilité du suivi du compte de dépôt pèse exclusivement sur le mandataire financier, qui perçoit les recettes – dons, apports personnels, prêts, contributions des partis – et règle l'intégralité des dépenses de campagne.
Certes, les frais bancaires liés à la gestion du compte de campagne sont considérés comme des dépenses électorales et peuvent donc être pris en compte dans le calcul du remboursement par l'État. Mais encore faut-il que le candidat ait obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour.
Alors que les communes n'ont jamais été aussi ponctionnées financièrement et que les maires subissent de plus en plus l'agressivité de leurs concitoyens, la plupart des élus choisissent tout de même de repartir, car ils ont l'intérêt général chevillé au corps et savent qu'ils sont l'un des derniers piliers encore stables de notre démocratie.
Monsieur le ministre, entendez-vous saisir la Fédération bancaire française (FBF) afin qu'elle harmonise les pratiques de ses membres et impose des frais bancaires raisonnables, comme elle s'y est engagée auprès de moi ? Comment entendez-vous faire respecter l'égalité de traitement entre les candidats et le droit le plus élémentaire du citoyen, celui de concourir librement à une élection ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)