M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. Madame la sénatrice Laure Darcos, je vous remercie de votre question.
Alors que les élections municipales approchent, et un an et demi après des élections législatives qui n'étaient pas nécessairement attendues par tous, vous appelez mon attention sur les difficultés que l'on éprouve parfois à ouvrir un compte de campagne. J'ai moi-même été candidat trois fois et l'ouverture de mes comptes de campagne n'a pas toujours été facile.
Comme vous le savez, par la loi de septembre 2017, que nous avons votée – j'étais à l'époque parlementaire –, nous avons créé les fonctions de médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques. Lorsqu'ils subissent des procédures excessivement lourdes, ou encore – j'ai découvert ce problème en écoutant votre question – des frais exagérés, les candidats peuvent saisir ce médiateur afin qu'il s'assure que les procédures visées sont bel et bien régulières.
Le poste de médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques est aujourd'hui vacant : je viens également de le découvrir. Je m'engage à nommer un nouveau médiateur très vite.
Le dernier titulaire du poste a dressé un bilan…
Mme Cécile Cukierman. Cela ne suffit pas !
M. Roland Lescure, ministre. … exhaustif des nombreux cas dont il a été saisi depuis 2017. On parle de 1 500 dossiers en six ans, soit 250 par an.
Il a noté qu'à ce titre il n'y avait pas de problème d'ouverture de comptes…
M. Roland Lescure, ministre. … ou plutôt qu'il y en avait assez peu, notamment pour les élections municipales. Les candidats dont il s'agit sont souvent ancrés dans leur territoire ; ils connaissent les banquiers, les banquiers les connaissent…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Si cela se passait tout le temps ainsi...
M. Roland Lescure, ministre. On dénombre donc très peu d'ouvertures de comptes difficiles lors des élections municipales – en tout cas, c'est ce qu'affirme ce rapport. (Protestations sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. Chers collègues, s'il vous plaît !
M. Roland Lescure, ministre. Madame la sénatrice, je le répète, je découvre le problème de frais que vous évoquez. J'ajoute que j'y suis extrêmement sensible. Ce n'est pas parce que l'État rembourse ces frais qu'ils doivent être disproportionnés : nous sommes bien d'accord sur ce point.
Je vais en parler avec les représentants de la Fédération bancaire française (FBF), que je dois rencontrer dans les jours qui viennent : je ne manquerai pas d'ajouter ce sujet à la longue liste de points que je dois aborder avec eux.
En revanche, j'y insiste,…
M. le président. Merci, monsieur le ministre.
M. Roland Lescure, ministre … la directive et l'ordonnance présentés la semaine dernière ne durcissent en rien les conditions du découvert : c'est très important de le rappeler.
coupes budgétaires concernant l'apprentissage
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Christian Bilhac. Monsieur le ministre, l'apprentissage a fait ses preuves pour aider les jeunes à entrer dans la vie professionnelle et soutenir les entreprises. Cette formation de terrain s'est développée au cours des dernières années et ses bienfaits ne sont plus à démontrer, même si, en la matière, nous sommes encore loin de l'Allemagne. Alors, pourquoi un tel acharnement du Gouvernement à l'encontre des apprentis dans les projets de budget pour 2026 ?
Depuis le 1er janvier dernier, les coups de rabot se multiplient : assujettissement à la contribution sociale généralisée (CSG), contribution au remboursement de la dette sociale, puis taxe de 750 euros pour les employeurs embauchant un apprenti à partir du bac+3. Le résultat ne s'est pas fait attendre : c'est 6 000 apprentis de moins.
Comme si cela ne suffisait pas, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 supprime à présent l'exemption de cotisation salariale. Une telle mesure entraînerait, de fait, 101 à 187 euros de baisse de salaire net, selon l'âge et l'année de formation des apprentis. Ces derniers tomberaient ainsi sous le seuil de revenu éligible pour bénéficier de la prime d'activité : pour eux, ce serait donc la double peine.
Ces jeunes sont pourtant méritants. Ils arrivent à concilier études et activité professionnelle, pour des salaires mirobolants – 600, 700 et même 800 euros parfois ! Les considérez-vous comme des nantis ?
À l'évidence, le compte n'y est pas encore... Par le projet de loi de finances, vous supprimez donc les 500 euros d'aide au financement du permis de conduire, dont l'obtention est une nécessité en zone rurale.
Toutes ces mesures trahissent, de la part du Gouvernement, un cruel manque de justice sociale et, surtout, une négation de la valeur travail.
Monsieur le ministre, comptez-vous maintenir ces mesures, que je qualifierai de déplorables ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État.
M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le sénateur Bilhac, avant tout, je tiens à excuser M. le ministre du travail et des solidarités, précisément retenu à l'Assemblée nationale par l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le Gouvernement est évidemment attaché à la politique menée en faveur de l'apprentissage, qui est une des grandes réussites de ces dernières années. Nous avons franchi le cap du million d'apprentis, objectif que l'on jugeait encore impossible à atteindre il y a quelques années, en tout cas en France. Beaucoup nous expliquaient qu'il s'agissait d'une spécificité allemande et que jamais l'on n'arriverait, en France, à soutenir l'apprentissage comme on le fait outre-Rhin.
Pourtant, pour les centaines de milliers de jeunes qui en bénéficient comme pour les entreprises, l'apprentissage est un atout. Il s'agit notamment d'un tremplin vers l'emploi et, souvent, vers des postes pérennes et bien payés – je pense notamment au secteur industriel. C'est la raison pour laquelle cette politique publique est très importante.
Après les années de crise que nous avons vécues, au cours desquelles un certain nombre de dispositifs exceptionnels de soutien ont été mis en place, il faut bien sûr mener une réflexion d'ensemble sur la politique de soutien à l'apprentissage.
Dans le projet de budget présenté par le Gouvernement, un certain nombre d'exonérations sont maintenues. Je pense en particulier à l'exonération d'impôt sur le revenu, ainsi qu'à l'exonération partielle de CSG.
Vous avez évoqué les exonérations de cotisations. Ces dernières feront naturellement l'objet d'un débat : le Parlement est appelé à se saisir du sujet.
Quant à la question des aides au permis de conduire, elle mérite avant tout d'être bien circonscrite. Je rappelle qu'aujourd'hui leur attribution ne dépend pas des ressources des apprentis. Elle ne dépend même pas des autres aides que ces derniers peuvent toucher, comme le permis à 1 euro, les aides locales ou encore les aides d'État. Nous devons mener cette réflexion, qu'il s'agisse de l'apprentissage ou d'autres domaines encore.
Vous pouvez évidemment compter sur la détermination du Gouvernement à soutenir l'apprentissage. Vous l'avez rappelé, il s'agit d'une politique socialement juste. Nous parlons de jeunes qui se battent ; qui, malgré des conditions parfois difficiles, tiennent absolument à travailler, car ils veulent se former et, ce faisant, accéder à un emploi pérenne.
Je le répète, la politique de soutien à l'apprentissage est une des grandes réussites de ces dernières année, et nous entendons bien la maintenir. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.
M. Christian Bilhac. Monsieur le ministre, je ne vous ai pas entendu annoncer l'abandon de ces mesures… Comme disait mon professeur de latin, errare humanum est, perseverare diabolicum ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
dotations d'investissement pour les collectivités rurales
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Avant tout, je tiens à associer l'ensemble des élus du groupe socialiste aux paroles prononcées, au nom de la présidence, au sujet de la tentative d'assassinat perpétrée ce matin sur l'île d'Oléron.
Ma question s'adressait à M. le ministre délégué chargé de la ruralité.
Le Gouvernement annonce la création d'un fonds d'investissement pour les territoires (FIT) censé simplifier et rationaliser les outils d'appui à l'investissement local.
L'intention peut sembler louable. Sur le papier, on est en droit d'espérer une meilleure lisibilité, une mutualisation des moyens et une simplification des procédures. Mais, dans les faits, c'est tout l'inverse qui se profile.
Ce nouveau fonds fusionne trois dotations essentielles : la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation politique de la ville (DPV). Nous parlons de trois instruments différents, de trois objectifs complémentaires, de trois politiques publiques au service d'une même ambition : soutenir les territoires dans toute leur diversité.
Ne nous y trompons pas, cette fusion n'est qu'un moyen pour mieux réduire les dotations concernées, et ce sera le cas dès 2026.
Les élus locaux redoutent une dilution des priorités et une disparition d'outils ciblés : ils ont raison. En rassemblant ces dotations dans un fonds unique, on prend le risque d'effacer nombre de spécificités, d'aplanir les priorités, de substituer à des politiques lisibles un dispositif uniforme, centralisé et technocratique.
Madame la ministre, avec ce fonds, dont les critères d'éligibilité restent bien obscurs est qui est amputé de 200 millions d'euros dès sa naissance, comment comptez-vous garantir aux territoires ruraux qu'ils ne seront pas les grands perdants de la réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Briquet, je vous remercie de votre question, portant sur un sujet dont nous avons déjà longuement parlé hier, lors du débat consacré à la situation des finances publiques locales.
Les investissements des collectivités territoriales représentent 70 % de l'investissement public et nous mesurons tous leur importance.
J'ai eu l'occasion de le dire hier, le Gouvernement présente un budget de responsabilité et de redressement…
M. Pascal Allizard. De sobriété !
Mme Françoise Gatel, ministre. Non seulement nous prenons en compte la situation actuelle de notre pays, mais nous espérons des jours meilleurs, le but étant de renforcer encore les services rendus à la fois par les collectivités territoriales et par l'État.
Vous m'interrogez au sujet du FIT, dont il est régulièrement question au Sénat.
Je rappelle que la réunion dans une seule enveloppe des dotations réservées aux territoires ruraux, de la DSIL et de la DPV, que la Haute Assemblée connaît bien, répond à une demande de simplification formulée, entre autres, par des préfets et des associations d'élus. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, ceux d'entre vous qui siègent au sein des commissions DETR le confirmeront : nous sommes tous très heureux de voir que nos territoires bénéficient à la fois d'un peu de DETR et de DSIL, en y ajoutant quelques crédits du troisième fonds lorsqu'il n'est pas entièrement consommé. (M. Thierry Cozic manifeste son désaccord.)
Madame la sénatrice, telle est l'idée directrice de cette réforme, dont nous discuterons ensemble. Quoi qu'il en soit, je vous certifie que, si la DETR est incluse dans ce nouveau fonds, son montant n'en est pas moins maintenu. Il en est de même de l'ensemble des critères d'attribution. Mais, je le répète, il nous appartiendra de débattre de tout cela.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Briquet. Madame la ministre, je vous sais attentive à ces territoires, à l'instar de votre collègue chargé de la ruralité. Je ne doute pas que vous saurez répondre aux associations d'élus, qui sonnent l'alerte : elles redoutent que ce nouveau fonds ne camoufle, en fait, la fin de la DETR. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
examen du plf et hausse de la fiscalité
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Mouton, pour le groupe Les Républicains, qui pose aujourd'hui sa première question d'actualité au Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre Mouton. Monsieur le président, permettez-moi avant tout de rendre hommage à notre collègue Gilbert Bouchet, à qui j'ai l'honneur de succéder. (Applaudissements.) Je salue à la fois son combat exemplaire contre la maladie, son action résolue au service de l'intérêt général et l'héritage politique qu'il nous lègue.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le ministre, ce que vous menez avec votre PLF pour 2026, au fond, c'est la politique du sparadrap.
Plutôt que de soigner la plaie, à savoir les dépenses, vous posez un sparadrap : l'impôt. C'est facile, c'est immédiat et c'est politiquement commode. Mais dans un pays qui détient déjà le record du taux de prélèvements obligatoires, c'est dangereux.
Une fois de plus, l'effort de consolidation proposé repose, pour près de la moitié, sur de simples mesures fiscales, alors qu'il devrait essentiellement découler d'une baisse en valeur des crédits de l'État, d'une vraie réforme des politiques publiques. Vous vous contentez de nous proposer un nouveau sparadrap fiscal.
Hergé nous avait pourtant mis en garde. Souvenez-vous du sparadrap du capitaine Haddock : on croit l'appliquer un instant seulement, mais, une fois déroulé, il colle partout et devient impossible à enlever.
L'an dernier, on nous jurait que la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) ne vaudrait que pour 2025 : vous la reconduisez. On nous promettait que la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBGE) serait elle aussi temporaire : vous la reconduisez. On nous jurait que le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) ne serait appliqué que pour un an : vous proposez le Dilico 2, lequel se révèle particulièrement pénalisant pour les collectivités territoriales.
Finalement, la même scène se joue année après année. On nous promet un sparadrap éphémère et nous constatons qu'il colle toujours autant.
Monsieur le ministre, ma question est simple : quand vous déciderez-vous enfin à soigner la plaie, c'est-à-dire la dépense, au lieu de masquer l'hémorragie par de nouveaux impôts ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État.
M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Madame la sénatrice Mouton, d'abord, il me semble intéressant de voir le chemin parcouru ces dernières années…
Mme Silvana Silvani. Ah !
M. David Amiel, ministre délégué. En prenant pour référence le projet de loi de finances initial pour 2025, autrement dit le texte proposé par le Gouvernement, on constate que le volume de prélèvements obligatoires a baissé de 35 milliards d'euros depuis 2017. C'est autant d'argent qui a été restitué aux ménages et aux entreprises de France.
Les comparaisons avec les autres pays sont également éclairantes. Je pense par exemple à l'Allemagne : l'écart entre les impôts payés dans nos deux pays n'a jamais été si faible. Il a été réduit d'un tiers.
Tel est le chemin parcouru au cours des dernières années. Il faut évidemment poursuivre dans cette voie. Vous l'avez d'ailleurs rappelé implicitement, l'effort proposé par le Gouvernement porte majoritairement sur les dépenses. J'irai même plus loin : l'effort demandé à l'État stricto sensu est d'une ampleur historique. Jamais un tel effort d'économies n'a été suggéré, en valeur, sur les budgets des différents ministères.
Quant aux baisses d'impôt, il faut également les poursuivre. À cet égard, les mesures proposées au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sont extrêmement importantes. Qu'ils émanent de parlementaires, d'économistes ou d'organismes indépendants, nombre de rapports le montrent : la CVAE est l'impôt qui percute de plein fouet notre industrie…
M. Yannick Jadot. Et les collectivités territoriales ?
M. David Amiel, ministre délégué. En outre, c'est l'impôt pour lequel la France affiche l'écart le plus élevé par rapport à ses principaux partenaires – je pense évidemment à nos voisins allemands.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous proposera de poursuivre la baisse des impôts de production ; de ces impôts contre lesquels on a coutume de s'insurger sans qu'il soit toujours facile de s'accorder en vue de leur baisse.
Voilà ce que le Gouvernement vous proposera. Quant aux débats budgétaires, ils ont commencé à l'Assemblée nationale. Dans ce cadre, les députés de La France insoumise (LFI) et du Rassemblement national (RN) ont défendu un certain nombre d'amendements dont les dispositions sont contraires à notre Constitution comme au droit européen, traduisant une volonté politique que chacun a comprise.
Quant aux modifications à la fois conformes au droit européen et à notre Constitution, elles ne font pas augmenter massivement les impôts...
M. le président. Merci, monsieur le ministre !
M. David Amiel, ministre délégué. D'ailleurs, on constate à la fois des hausses et des baisses, dont vous serez appelés à débattre. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Mouton, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Mouton. Monsieur le ministre, ne méprisez pas les remèdes préconisés par Jean-François Husson. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Le rapporteur général de notre commission des finances propose des économies concrètes.
Ne méprisez pas non plus les solutions défendues par notre collègue Christine Lavarde, qui a mené un travail remarquable sur la réorganisation des opérateurs et des agences de l'État.
Ne méprisez pas ces remèdes. Bien au contraire, saisissez-les ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
manque d'accompagnants des élèves en situation de handicap dans les écoles
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre Monier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, vingt ans se sont écoulés depuis le vote de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances.
Ce bel anniversaire s'accompagne malheureusement d'un triste chiffre : à la rentrée de septembre dernier, près de 50 000 enfants étaient en attente d'un accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH), alors même qu'ils disposaient d'une notification en bonne et due forme. Ce chiffre édifiant a été obtenu par la commission d'enquête sur les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap, instance dont je salue le rapporteur, notre collègue député Sébastien Saint-Pasteur.
Au total, 14 % des enfants concernés sont privés de l'accompagnement auquel ils ont droit, soit 33 % de plus qu'en 2024. Nous ne tenons pas la promesse de la loi de 2005.
En résultent des conséquences graves : un AESH qui manque, ce sont de mauvaises conditions d'apprentissage pour les enfants concernés et des classes difficiles à gérer.
Nous nous efforçons pourtant, budget après budget, de relayer les alertes des parents d'élèves, des personnels éducatifs, des élus locaux et des AESH elles-mêmes – je dis « elles », car ce sont à 90 % des femmes.
Les difficultés à appliquer la loi de notre collègue Cédric Vial relative à l'accompagnement sur le temps méridien soulignent, de même, les carences déplorées parmi les effectifs d'AESH sur le terrain.
Vous avez admis qu'il était « parfois compliqué, y compris en termes de vivier, de recruter autant d'AESH que nous voudrions ». Mais nous connaissons la solution : arrêtez de les payer en deçà du seuil de pauvreté ! Formez-les ! Mes collègues socialistes et moi-même estimons qu'il est temps de leur donner un véritable statut au sein de la fonction publique.
Monsieur le ministre, le temps des rapports est fini : nous attendons vos réponses concrètes pour que chaque enfant bénéficie de l'accompagnement dont il a besoin et que nous lui avons promis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale. Madame la sénatrice Marie-Pierre Monier, nous tous ici avons un objectif commun : que chaque enfant de la République suive le parcours scolaire lui permettant d'aller au bout de ses potentialités.
Avant d'en venir au cœur de votre question, je me permets d'attirer l'attention collective sur le travail accompli au cours des dernières années. Nous avons créé un véritable service public de l'école inclusive. Le deuxième métier de l'éducation nationale, aujourd'hui, c'est celui d'AESH.
À ce titre, nous pouvons tous nous réjouir d'une bonne nouvelle : aujourd'hui, autant d'enfants en situation de handicap sont scolarisés dans le second degré que dans le premier. Autrement dit, bon nombre de ceux qui, hier, étaient laissés sur le bord de la route à la fin de l'école primaire vont aujourd'hui jusqu'au baccalauréat. En témoignent, d'ailleurs, les aménagements aux différentes épreuves de cet examen, lesquels n'ont cessé de progresser.
Cela étant dit, l'accompagnement humain des enfants demeure effectivement un enjeu…
Mme Colombe Brossel. C'est clair !
M. Edouard Geffray, ministre. Même s'il ne restait, à ce titre, qu'une situation problématique, ce serait encore une de trop, pour les familles comme pour les professeurs. Nous sommes bien d'accord sur ce point.
La difficulté, c'est que – vous le savez – le nombre de prescriptions augmente de 10 % par an. (Mme Marie-Pierre Monier le confirme.) Nous courons donc chaque année après ce phénomène, qui recouvre des enjeux territoriaux extrêmement différents, les viviers étant eux-mêmes de natures très diverses.
S'y ajoute un enjeu de calendrier. Vous rappelez que 50 000 enfants n'étaient pas accompagnés dûment à la rentrée dernière. Cela ne veut pas dire qu'ils n'étaient pas scolarisés ou pris en charge ; mais ils n'étaient pas accompagnés humainement. À la veille des vacances de la Toussaint, ce chiffre était tombé à 42 000. Nous allons évidemment le réduire encore – nous travaillons en ce sens et nous allons redoubler d'efforts dans les prochaines semaines.
Le projet de loi de finances, qui vous sera soumis prochainement, assure 1 200 créations de postes d'AESH. On pourrait prévoir d'autres emplois encore, ce que l'on fera sans doute dans les années à venir. Mais nous devons également travailler ensemble pour assurer un juste équilibre entre accessibilité et compensation.
Aujourd'hui, la clé d'entrée, c'est la compensation.
M. le président. Merci, monsieur le ministre.
M. Edouard Geffray, ministre. Or il faut probablement retravailler l'ensemble de la prise en charge. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le ministre, la clé, c'est de titulariser ces accompagnants. Je vous rappelle que nous parlons d'enfants et de familles en souffrance ; de mères qui, parfois, sont obligées d'arrêter de travailler pour s'occuper de leurs enfants en situation de handicap. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
mort de mathis victime d'un conducteur multirécidiviste sous protoxyde d'azote
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains.
M. François Bonhomme. Vendredi dernier à Lille, alors qu'il rentrait chez lui, Mathis a été tué par un homme conduisant un véhicule sous l'effet du protoxyde d'azote. Ce chauffard, multirécidiviste, a depuis été mis en examen pour homicide routier avec délit de fuite et refus d'obtempérer.
Cette affaire n'est clairement pas un simple fait divers. La vente de protoxyde d'azote est certes interdite aux mineurs, mais chacun peut s'en procurer très facilement sur internet. Les trafics s'organisent depuis l'étranger pour nourrir un véritable marché parallèle. Ces réseaux exploitent une faille juridique, en prétendant stocker des bouteilles de protoxyde d'azote pour la pâtisserie.
Pour lutter contre ce fléau, deux propositions de loi ont été votées, l'une par le Sénat, l'autre par l'Assemblée nationale, mais aucune des deux n'a été inscrite à l'ordre du jour de l'autre chambre.
Madame la ministre, comptez-vous demander enfin l'inscription de ces textes à l'ordre du jour ? Enfin et surtout, quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter efficacement contre la vente, dans le commerce et sur internet, de cette substance si dangereuse ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Bonhomme, la mort de Mathis, fauché par un chauffard dans les rues de Lille le week-end dernier, est bel et bien un drame absolu. Ce jeune homme aurait d'ailleurs fêté ses 20 ans aujourd'hui.
Vous avez rappelé les faits. Dans la nuit de vendredi à samedi, un équipage de police procède au contrôle d'une voiture circulant à vive allure. Lorsqu'ils passent au niveau de ce véhicule, les policiers en question aperçoivent le conducteur en train de consommer du protoxyde d'azote.
Les occupants de cette voiture ont refusé de se soumettre à un premier contrôle ; un tel refus d'obtempérer n'est pas acceptable. Avec Laurent Nunez, ministre de l'intérieur, et tous les autres membres du Gouvernement, nous serons intransigeants face à cet enjeu.
Nous en avons notamment discuté avec M. le ministre des transports, nous serons de même très investis dans la lutte contre l'usage abusif du protoxyde d'azote. Il s'agit là d'un véritable fléau pour la sécurité, et notamment pour la sécurité routière. Je sais que les deux chambres ont déjà travaillé sur ce sujet et que nous pourrons compter sur elles pour avancer. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – Marques d'insatisfaction sur de nombreuses travées.)
M. le président. Un peu d'attention, mes chers collègues, par égard pour la famille de la jeune victime.
La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.
M. François Bonhomme. Madame la ministre, vous avez répondu sur un ton quelque peu « déploratif », mais les propos tenus dans cet hémicycle ne sauraient être décoratifs…
Ce fléau est bien connu : non seulement il n'est pas nouveau, mais l'ampleur du phénomène est bien mesurée.
La substance en question reste très facile d'accès : il n'y a pas d'ambiguïté sur ce point.
Lorsqu'on l'inhale, elle a de lourdes conséquences sur la santé, notamment des effets neurologiques : il n'y a pas davantage d'ambiguïté.
Cette substance fait l'objet d'un véritable trafic. Chaque semaine, des bandes organisées la font livrer par camions entiers : il n'y a pas d'ambiguïté non plus ; et il n'y en a pas davantage quant au détournement d'usage. Les fournisseurs, s'ils prennent le prétexte d'une vocation pâtissière, proposent également d'acheter les ballons permettant de l'inhaler…
Madame la ministre, nous sommes face à une faille : le volet préventif ne suffit manifestement pas. Nous attendons un interdit clair. Nous voulons une réponse, y compris pénale, qui soit efficace et effective.
Je regrette la timidité et le caractère évasif de votre propos. En définitive, il y a pire qu'une réponse insuffisante ou inexistante : c'est un simulacre de réponse. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
consommation de protoxyde d'azote