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Reprise du mandat sénatorial d'anciens membres du Gouvernement
M. le président. En application des articles L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de MM. Thani Mohamed Soilihi et François-Noël Buffet ainsi que de Mme Nathalie Delattre a repris ce jour à zéro heure.
En conséquence, le mandat sénatorial de Mme Salama Ramia, de M. Paul Vidal et de Mme Mireille Conte Jaubert a cessé le mercredi 5 novembre 2025, à minuit.
Je salue le retour de nos collègues.
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Accès aux soins dentaires
Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe RDSE, de la proposition de loi visant à libérer l'accès aux soins dentaires, présentée par M. Raphaël Daubet (proposition n° 899 [2024-2025], texte de la commission n° 85, rapport n° 84).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Raphaël Daubet, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP et UC. – M. Bernard Jomier et Mme Chantal Deseyne applaudissent également.)
M. Raphaël Daubet, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, partout dans notre pays, des millions de Français rencontrent aujourd'hui des difficultés pour trouver un dentiste dans des délais raisonnables. Dans certaines régions, il faut patienter plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous. Les familles renoncent aux soins. De nombreux enfants n'ont plus de suivi régulier. Dans son rapport, la Conférence nationale de santé fait un constat alarmant sur l'état de santé bucco-dentaire en France en 2025. Ce constat, nous le partageons tous ; il traduit une fracture sociale et territoriale grandissante, mais aussi un déséquilibre profond de notre système de santé.
Depuis quelques années, ici ou là, au travail, dans la rue, on croise ce que l'on ne voyait plus depuis longtemps : des sourires gênés, au milieu desquels une dent manquante laisse voir un trou béant, comme elle laisse deviner un autre trou, invisible celui-là, mais douloureux, dans l'estime de soi.
J'invite chacun à mesurer l'importance de la santé orale, parce qu'elle est le reflet de l'état général, parce qu'elle conditionne de nombreuses fonctions physiologiques : l'alimentation, la digestion, la parole, la qualité du sommeil. La bouche est aussi la première des portes d'entrée des agents infectieux, en particulier pour le diabète ou les maladies cardio-vasculaires. Quand la santé orale recule, vous le savez, c'est toute la santé qui se dégrade.
La bouche, c'est bien plus que cela. Objet d'investissement symbolique, siège des fantasmes, cet orifice tient une place singulière parmi les organes du corps humain. Ici se cristallisent les ascendants de la psychologie, les imaginaires collectifs et les influences sociales. Tout est là, depuis l'importance de l'oralité dans le développement affectif de l'enfant jusqu'au visage angoissant de la déchéance organique auquel nous avons tous été confrontés un jour, quand la bouche d'un vieillard est réduite à quelques chicots noirâtres et cariés au fond d'une cavité obscure, entrouverte et parcourue d'un mauvais souffle tiède, derrière le rideau des lèvres ridées et des joues creusées. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Entre ces deux âges, la bouche aura tout incarné : la jeunesse et le rire, les plaisirs de la table et du baiser, symbole d'un corps qui jouit ; la douleur, au contraire, et les dents arrachées, à l'image du martyr de sainte Apollonie qui hante les tableaux de la Renaissance ; ou encore la force et la dévoration, expression la plus pure de notre animalité. C'est tout cela, la bouche.
Mais le plus important, sûrement, c'est bien la dimension sociale du sourire, dans la mesure où ce mouvement de la bouche, dans sa signification profonde, reflète le mouvement de la conscience. Impossible d'échapper à la fonction sociale du sourire : il y a le sourire qui triomphe, celui qui séduit, celui qui compatit, celui qui ironise, celui qui domine.
Mes chers collègues, pardonnez-moi ce long rappel, mais je cherche à dire l'importance de ce dont nous parlons aujourd'hui. La bouche est un organe essentiel pour la physiologie, pour la psychologie comme pour la vie sociale.
Avant d'être sénateur, j'ai exercé en tant que chirurgien-dentiste. J'ai connu la réalité des cabinets, les plannings saturés, le stress de l'assistante qui court partout, les patients qui appellent sans trouver de place, les urgences qui débarquent sans prévenir, la difficulté à recruter des collaborateurs formés. Nos praticiens sont compétents, dévoués, mais ils manquent de temps et de relais. Tant que nous ne renforcerons pas les équipes, nous ne parviendrons pas à assurer la prévention et la continuité des soins dans tous les territoires.
C'est dans cet esprit que je défends aujourd'hui cette proposition de loi, que la commission des affaires sociales a adoptée la semaine dernière. Je tiens d'ailleurs à remercier chaleureusement la rapporteure Guylène Pantel de son travail rigoureux et de sa détermination.
L'ambition de ce texte est simple : libérer l'accès aux soins dentaires en créant une nouvelle profession de santé, celle d'assistant en santé bucco-dentaire, similaire à celle qui existe dans de nombreux pays du monde et que les chirurgiens-dentistes attendent depuis des années en France.
Dans cette proposition de loi, madame la ministre, nous n'inventons rien. Ce texte reprend pour l'essentiel l'ambition que Stéphanie Rist avait elle-même affichée dans la loi qui porte son nom et qui, malheureusement, ne s'est pas traduite par des décrets d'application. Je tiens ici à rendre hommage à sa volonté première. Il fallait donc un nouveau véhicule législatif pour réécrire et préciser les choses : le voici.
Ce nouveau professionnel de santé, titulaire d'un diplôme de niveau 5, c'est-à-dire bac+2, exercera sous la responsabilité et le contrôle d'un chirurgien-dentiste. Il participera aux actes d'imagerie à visée diagnostique, aux actes de prophylaxie, aux soins post-chirurgicaux et aux actions de prévention.
La délégation de tâches devrait libérer beaucoup de temps médical pour les chirurgiens-dentistes, qui pourront de ce fait se consacrer à des actes plus techniques. Les patients obtiendront des rendez-vous plus rapidement. C'est le premier objectif de cette proposition de loi.
L'assistant en santé bucco-dentaire pourra aussi, et c'est l'un des apports essentiels de ce texte, intervenir dans les établissements de santé, médico-sociaux ou scolaires.
Ces interventions, centrées sur la prévention et l'éducation à la santé orale, seront encadrées par une convention entre le chirurgien-dentiste et la structure d'accueil. Le texte offre ainsi un cadre juridique clair à des actions de prévention qui, jusqu'à présent, restaient difficiles à organiser. Il inscrit la prévention au cœur de notre politique de santé orale.
Le travail de mes collègues en commission a permis d'enrichir le texte initial sur plusieurs points essentiels. Désormais, il ancre cette nouvelle profession dans la continuité de celle d'assistant dentaire de niveau 1. L'accès à la formation sera donc réservé aux assistants dentaires qui souhaitent évoluer professionnellement, leur offrant ainsi une perspective de carrière et des missions élargies. C'est un signe de reconnaissance de celles et de ceux qui, chaque jour, participent à la qualité des soins et au bon fonctionnement des cabinets dentaires.
La commission des affaires sociales a ensuite précisé les conditions d'exercice de cette profession. La responsabilité du chirurgien-dentiste est maintenue. Les actes autorisés seront strictement définis par décret en Conseil d'État, après avis de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie nationale de chirurgie dentaire. La formation sera fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis d'une commission nationale paritaire. Le titre professionnel sera protégé : son usage sans droit sera puni comme une usurpation de titre de professionnel de santé. Ces garanties étaient indispensables, elles permettent de concilier ouverture et rigueur, proximité et sécurité.
Le texte encadre également la reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l'étranger et la vérification de la maîtrise linguistique pour tout professionnel souhaitant exercer en France – le Conseil national de l'ordre y était très attaché. Ces dispositions s'alignent sur le droit commun des professions de santé et assurent la conformité du dispositif au droit européen.
Enfin, le texte crée un registre professionnel tenu par un organisme désigné par le ministère de la santé afin de garantir la traçabilité des soins et la transparence des professionnels en exercice.
Ce texte, mes chers collègues, est équilibré et pragmatique. Il ne remet pas en cause le rôle du chirurgien-dentiste, il le conforte. Il ne déstructure pas l'organisation des soins, il la modernise. Surtout, il répond à un besoin concret : permettre à la prévention d'exister pleinement dans les lieux collectifs. Nous savons que c'est la clé : elle coûte moins cher, elle évite les pathologies lourdes et elle améliore la qualité de vie. Pour qu'elle fasse partie intégrante de notre système de santé, il faut des professionnels formés, encadrés, reconnus. C'est précisément ce qui vous est proposé.
Mes chers collègues, cette proposition de loi est le fruit d'un travail collectif avec les professionnels, les ordres, le ministère et les parlementaires, que je souhaite remercier. Elle traduit une volonté commune : améliorer l'accès aux soins dentaires sans opposer les acteurs, en construisant une organisation plus efficace.
Ce texte ne permettra pas de résoudre toutes les difficultés du secteur, mais il constitue une avancée utile, réaliste et attendue. En le votant, nous enverrons un message clair : la santé orale est un enjeu de santé publique majeur et la République doit s'organiser pour garantir à chacun le même droit à la prévention et aux soins.
Cette proposition de loi est un texte de confiance, d'efficacité et d'utilité. Je vous invite donc, mes chers collègues, à la soutenir avec conviction et responsabilité pour nos praticiens, pour leurs équipes et pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, RDPI, UC et Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)
Mme Guylène Pantel, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Raphaël Daubet que nous examinons aujourd'hui vise à créer une nouvelle profession de santé : celle d'assistant en santé bucco-dentaire. Ce texte répond à une forte attente des acteurs de soins dentaires. Permettez-moi de rappeler brièvement le contexte dans lequel il s'inscrit.
La France est confrontée à d'importantes difficultés d'accès aux soins dentaires dues à une densité insuffisante de professionnels sur le territoire, ainsi qu'à une répartition inégale des praticiens. En effet, la démographie des chirurgiens-dentistes, après avoir connu une légère baisse dans les années 2000, a enregistré une trop faible croissance jusqu'en 2019, face à la hausse de la demande liée à l'augmentation et au vieillissement de la population.
En 2025, on comptait environ 7 000 chirurgiens-dentistes de plus qu'il y a treize ans. Malgré cette évolution, les inégalités tendent à s'aggraver dans les zones rurales, les praticiens se concentrant dans les centres de santé situés en ville. La profession de chirurgien-dentiste est celle qui se caractérise par les inégalités d'accès territoriales les plus fortes en France.
Au sein des cabinets dentaires, l'assistant dentaire, dont la formation est sanctionnée par un diplôme de niveau 4, accompagne le praticien lors des consultations en lui donnant les instruments nécessaires à son intervention. Il nettoie, désinfecte et stérilise les instruments. Enfin, il tient à jour les dossiers des patients en fonction des demandes du praticien. Le statut et la formation actuels des assistants dentaires ne leur permettent pas de réaliser d'actes cliniques ou techniques et d'effectuer d'actes en bouche. Par ailleurs, ils ne peuvent intervenir sans le contrôle effectif du praticien.
La création d'une formation de niveau 5 dans le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) permettrait non seulement une véritable délégation de certains actes sous le contrôle du chirurgien-dentiste, mais également la mise en place de missions « d'aller-vers » en dehors du lieu d'exercice.
Pour répondre à cette demande, nous avions adopté en 2023, lors de l'examen de la loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist 2, des dispositions permettant à des assistants dentaires d'obtenir une certification les autorisant à pratiquer certains actes complémentaires. Toutefois, les textes réglementaires d'application nécessaires n'ont toujours pas été publiés. En effet, la loi ne créait pas à l'époque une profession distincte. Dès lors, il était impossible au pouvoir réglementaire de prévoir deux niveaux de formation différenciés pour une même profession.
Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est très attendue par les acteurs du secteur, tant par les chirurgiens-dentistes que par les assistants dentaires.
Initialement, le texte mentionnait les « assistants en prophylaxie bucco-dentaire ». J'ai estimé que cette dénomination ne rendait pas compte de la réalité des missions attribuées à ces nouveaux professionnels de santé et qu'elle était trop absconse pour les usagers du système de santé. C'est pourquoi j'ai proposé de la remplacer par celle d'assistant en santé bucco-dentaire. Alors que le nom de cette profession a suscité de nombreux débats, il me semble que la solution ici proposée permet d'appréhender dans sa globalité le rôle de ces nouveaux professionnels et de reconnaître leur apport à leur juste valeur.
Ces nouveaux assistants en santé bucco-dentaire pourront exercer deux types de missions bien distinctes : une mission clinique et technique, sous la supervision d'un praticien ; une mission de prévention, qui pourra être exercée sans contrôle effectif du praticien, hors des cabinets dentaires.
En ce qui concerne les missions exercées en cabinet, le texte prévoit que l'assistant en santé bucco-dentaire participe, « sous la responsabilité et le contrôle effectif » d'un praticien à divers actes cliniques ou techniques aujourd'hui exclusivement réservés aux chirurgiens-dentistes ou aux médecins. Ainsi, l'assistant en santé bucco-dentaire pourrait participer à la réalisation d'« actes d'imagerie », d'« actes prophylactiques », tels que les détartrages et le contrôle des muqueuses pour repérer des pathologies, ou à des « soins postchirurgicaux ». Selon le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, cette nouvelle profession pourrait ainsi permettre aux dentistes de retrouver jusqu'à deux ou trois heures de temps médical journalier par cabinet.
Le texte prévoit également que le nombre d'assistants en santé bucco-dentaire au sein d'un cabinet sera inférieur ou égal au nombre de praticiens, afin de garantir l'effectivité du contrôle et du suivi. Cette précision est souhaitée par l'ensemble des personnes entendues lors des auditions de la commission afin notamment d'éviter la multiplication d'usines à détartrage.
Le texte prévoit que ces assistants pourront effectuer des missions en dehors du lieu d'exercice et hors le contrôle effectif du praticien, et réaliser des actions de prévention et d'éducation à la santé bucco-dentaire en établissement de santé, social ou médico-social, ou scolaire. La commission a souhaité sécuriser les modalités d'intervention de ces assistants en santé bucco-dentaire en précisant la responsabilité du chirurgien-dentiste lors de ces actions d'aller-vers. Ce dernier reste en effet le seul responsable de ses salariés et devra à ce titre contrôler les actions qui seront réalisées par l'assistant.
Le texte prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe la liste des activités et des actes que les assistants en santé bucco-dentaire pourront être autorisés à réaliser. Le décret sera soumis pour avis aux académies nationales de médecine et de chirurgie dentaire. La commission a voulu associer les ordres concernés à la préparation de ce décret.
Initialement, la proposition de loi ouvrait l'accès à la profession à toute personne titulaire du titre de formation nécessaire. Sur ma proposition, la commission a souhaité réserver l'accès à cette profession aux seuls assistants dentaires justifiant d'une durée minimale d'exercice. Cette question a été largement évoquée lors des auditions. Cette modification vise à revenir à l'esprit des dispositions adoptées lors de l'examen de la loi Rist 2 et constitue une demande forte à la fois des assistants dentaires et des chirurgiens-dentistes. Les modalités concrètes de la formation, qui pourrait par exemple se dérouler en alternance, devront être travaillées entre les acteurs et les services de l'État.
La commission a également prévu une procédure d'enregistrement préalable auprès des autorités avant l'entrée dans la profession, ainsi que, pour les professionnels issus d'un autre État membre de l'Union européenne, un contrôle des connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession.
Mes chers collègues, je souhaite insister sur l'importance de la prévention en matière bucco-dentaire. Je considère qu'il s'agit là d'un véritable enjeu de santé publique. Je regrette à cet égard le manque criant de données actualisées disponibles sur la santé bucco-dentaire des Français, notamment sur celle des plus jeunes et des plus âgés d'entre eux. La dernière étude nationale ayant mesuré l'indice relatif au nombre de dents définitives cariées chez les enfants a été réalisée en 2006 !
Dans ce contexte, ces nouveaux professionnels, qui seront à même d'intervenir dans le cadre de missions d'aller-vers dans les écoles et les établissements médico-sociaux pour effectuer des actions de prévention, constitueront un atout majeur. Je pense notamment aux Ehpad, au sein desquels ces nouveaux assistants pourraient repérer en amont des comportements à risque et, si nécessaire, faciliter l'intervention du chirurgien-dentiste.
Au sein des cabinets, ces assistants pourront réaliser certains actes considérés comme plus simples, tels que les détartrages, ce qui permettra aux praticiens de pouvoir mieux prendre en charge les patients souffrant de pathologies plus complexes et d'augmenter leur disponibilité.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ce texte nous semble nécessaire pour apporter une première réponse aux difficultés d'accès aux soins dentaires dans notre pays. C'est pourquoi la commission vous invite à l'adopter dans la rédaction issue de ses travaux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence ce matin de ma collègue, la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, Mme Stéphanie Rist. Elle est retenue à l'Assemblée nationale pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Il est des métiers dont on parle peu, mais qui font beaucoup ; des métiers discrets, mais indispensables : indispensables au fonctionnement des cabinets dentaires, indispensables pour l'accès aux soins et la prévention dans nos territoires. Les près de 20 000 assistants dentaires que compte notre pays sont de ceux-là.
Je remercie l'auteur de cette proposition de loi, M. le sénateur Raphaël Daubet, et Mme la rapporteure Guylène Pantel de nous permettre de parler aujourd'hui du rôle de ces professionnels et, plus que de leur rôle, de leur place essentielle dans notre système de soins et de leurs perspectives d'évolution. Je sais l'engagement du Sénat pour permettre un meilleur accès aux soins partout sur notre territoire.
Aussi cette proposition de loi vient-elle utilement concrétiser des travaux qui sont en cours depuis des années afin de faire évoluer la profession d'assistant dentaire et de donner des perspectives à ceux qui l'exercent.
En effet, la profession est le produit d'une reconnaissance très progressive : d'abord dans la convention collective nationale de 1992, puis dans la loi de modernisation de notre système de santé de 2016. En 2023, dans la loi Rist 2, nous avons collectivement adopté le principe de la création d'une profession d'assistant dentaire de niveau 2. Les blocages réglementaires qui ont suivi nous conduisent aujourd'hui à examiner un nouveau texte.
L'article unique de la proposition de loi permet ainsi la création d'une nouvelle profession, que vous souhaitez dénommer « assistant en santé bucco-dentaire », destinée à seconder les chirurgiens-dentistes en leur permettant de déléguer certains actes. Il prévoit deux types de missions : ces assistants pourront d'abord réaliser des actes qui leur seront confiés sous la responsabilité d'un chirurgien-dentiste ; ils pourront également mettre en œuvre en dehors du cabinet des actions d'aller-vers, de prévention et d'éducation à la santé bucco-dentaire pour les populations qui en ont le plus besoin.
En commission, vous avez précisé que ces professionnels ne pourront pas effectuer d'actes orthodontiques, limitant leur champ d'intervention aux actes préventifs de prophylaxie. Vous avez également souligné qu'il était important de compter au moins un praticien par assistant afin d'éviter toute dérive d'industrialisation. Le Gouvernement souscrit pleinement à ces ajustements.
Enfin, l'article unique précise le statut et l'encadrement professionnel de ces nouveaux assistants, en précisant qu'ils ne se substituent pas aux assistants dentaires existants, mais qu'ils agissent en complémentarité.
Vous l'aurez compris, le Gouvernement soutient très fortement les dispositions que vous proposez dans ce texte. En effet, elle répond à un double enjeu fondamental.
Le premier enjeu est celui de l'équité territoriale. Malgré l'augmentation tendancielle du nombre de chirurgiens-dentistes à l'échelon national, dans certains départements ruraux – je pense à la Lozère, madame la rapporteure –, le nombre d'ETP de chirurgiens-dentistes a baissé. Dans son rapport, le Sénat note, à raison, que la profession de chirurgien-dentiste est celle qui présente les inégalités territoriales les plus fortes en France, devant celles de masseur-kinésithérapeute et de médecin généraliste.
Avec ce texte, du temps médical utile à des actes de forte technicité pourra être libéré. Nous pouvons espérer, in fine, moins d'attente pour les patients, ainsi qu'un suivi de meilleure qualité.
Le second enjeu est celui de l'accès à la prévention. Nous savons que la prévention bucco-dentaire est à la fois moins coûteuse, moins invasive et plus efficace à long terme que la prise en charge de pathologies installées. En nous inspirant des professions d'hygiénistes de nos voisins européens et en mobilisant des assistants en santé bucco-dentaire dans des actions d'aller-vers, nous pourrons toucher des populations qui ne consultent pas, qui ne peuvent pas consulter ou qui consultent trop tard.
Je pense ici en particulier à nos aînés, aux personnes en situation de handicap, ainsi qu'aux publics les plus vulnérables et aux personnes les plus éloignées du soin. Avec votre proposition de loi, nous aurons de nouveaux acteurs de santé publique décisifs, maillons essentiels des politiques de prévention.
Cette proposition de loi ouvre aussi une possibilité d'évolution professionnelle pour des milliers de professionnels qui accompagnent chaque jour nos chirurgiens-dentistes. Je salue le travail réalisé depuis plusieurs années, ainsi que le dialogue qui a animé les professions de la santé bucco-dentaire. Ce texte traduit leur engagement et leur persévérance pour trouver des solutions répondant à de nombreux enjeux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la santé bucco-dentaire est essentielle : elle conditionne la santé générale, elle influence la nutrition, la qualité de vie, la parole et donc l'autonomie, mais aussi l'apparition de pathologies chroniques comme le diabète et les maladies cardio-vasculaires. Avec cette proposition de loi, non seulement vous répondez aux demandes anciennes d'une profession, mais vous permettez un accès aux soins et à la prévention plus juste sur tout le territoire.
Dans ce contexte, Stéphanie Rist et moi-même, au nom du Gouvernement, vous remercions pour cette proposition de loi, à laquelle nous sommes très favorables et sur laquelle nous avons engagé la procédure accélérée, afin qu'elle puisse être rapidement adoptée. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du sénateur Daubet qui nous réunit aujourd'hui répond à une urgence sanitaire bien identifiée : la difficulté d'accès aux soins dentaires sur une grande partie du territoire français.
À l'heure où la France compte près de 6 millions de citoyens vivant dans des zones sous-dotées en dentistes, où les écarts s'accroissent entre zones urbaines et zones rurales et où la demande de soins ne cesse de croître du fait du vieillissement de la population, nous devons prendre la pleine mesure de notre responsabilité collective.
À titre d'exemple, au-delà de la Lozère, la Creuse compte 38 chirurgiens-dentistes, soit 33,6 praticiens pour 100 000 habitants, parmi lesquels 18 % ont plus de 65 ans. Le même constat s'impose en Mayenne.
Face à cette réalité, il devenait nécessaire d'agir conjointement sur la démographie des chirurgiens-dentistes, les conditions d'exercice et les compétences de leurs collaborateurs. Si la loi Rist du 19 mai 2023 avait ouvert la voie en créant le statut d'assistant dentaire de niveau 2, force est de constater que cette avancée est restée malheureusement inaboutie. Aucun référentiel de formation n'a été validé, aucun professionnel n'a pu accéder à ce niveau de statut et la délégation de tâches est restée très limitée.
Cette proposition de loi apporte une solution structurante. Elle distingue et crée une nouvelle profession d'assistant en santé bucco-dentaire, plus qualifiée qu'avec le statut existant, accessible après une formation sanctionnée par un diplôme de niveau 5.
Ces nouveaux professionnels pourront, sous la responsabilité du chirurgien-dentiste, réaliser des actes de prévention, de diagnostic, d'imagerie et prendre part aux soins post-chirurgicaux. Le texte leur permet également d'effectuer des missions de prévention en établissements de santé, médico-sociaux, scolaires, auprès des publics les plus vulnérables. Cette délégation utile de temps médical est de nature à libérer jusqu'à deux à trois heures par jour pour les dentistes, que ces derniers pourront consacrer à la prise en charge des cas les plus complexes.
Le travail mené par la rapporteure, Mme Pantel, et par la commission des affaires sociales, mérite d'être salué. Ce texte a été amélioré, enrichi, sécurisé grâce à quatorze amendements adoptés en commission, dont treize proposés par la rapporteure. Citons notamment la clarification de l'appellation « assistants en santé bucco-dentaire », le cadrage strict des actes réalisables, la consultation obligatoire des ordres, l'accès réservé aux assistants dentaires qualifiés au terme d'une expérience minimale et le contrôle linguistique pour l'exercice des praticiens venant d'autres États européens.
Cette proposition de loi représente donc une avancée majeure dans la réduction des zones sous-dotées en dentistes. Elle offre une réponse pragmatique, réaliste et audacieuse. Elle garantit le contrôle et la qualité des actes médicaux tout en favorisant une prévention accrue, essentielle pour nos concitoyens, notamment les plus jeunes, les plus âgés et les publics fragiles. Elle sécurise enfin le parcours professionnel et la formation continue pour les assistants dentaires, tout en évitant le risque d'industrialisation des soins, que nous voulons tous prévenir.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera aujourd'hui en faveur de cette proposition de loi, qui porte une ambition nouvelle pour la santé des Français, pour l'équité territoriale et pour l'avenir de notre système de soins. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)

