Sommaire

Présidence de M. Pierre Ouzoulias

vice-président

Conférence des présidents

Conclusions de la conférence des présidents

Reprise du mandat sénatorial d'anciens membres du Gouvernement

Accès aux soins dentaires

Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

proposition de loi créant la profession d'assistant en santé bucco-dentaire

Article unique

Vote sur l'ensemble

Création d'un fichier national des personnes inéligibles

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

proposition de loi visant à créer un répertoire national des personnes inéligibles

Article unique

Vote sur l'ensemble

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Protéger la Constitution, en limitant sa révision à la voie de l'article 89

Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

Discussion générale

(À suivre)

Présidence de M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Conférence des présidents

M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie hier, mercredi 5 novembre 2025, sont consultables sur le site du Sénat.

En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.

Conclusions de la conférence des présidents

SEMAINE DE CONTRÔLE

Jeudi 6 novembre 2025

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)

- Proposition de loi visant à libérer l'accès aux soins dentaires, présentée par M. Raphaël Daubet (procédure accélérée ; texte de la commission n° 85, 2025-2026)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 28 octobre après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 novembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 novembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 5 novembre à 15 heures

- Proposition de loi visant à créer un fichier national des personnes inéligibles, présentée par Mme Sophie Briante Guillemont et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 90, 2025-2026)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 novembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 novembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 5 novembre à 15 heures

À l'issue de l'espace réservé au groupe RDSE et au plus tard de 16 heures à 20 heures

(Ordre du jour réservé au groupe SER)

- Proposition de loi constitutionnelle visant à protéger la Constitution, en limitant sa révision à la voie de l'article 89, présentée par M. Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues (n° 551, 2024-2025)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 novembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 novembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 5 novembre à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade (texte de la commission, n° 88, 2025-2026)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 27 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 novembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 novembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 5 novembre à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mercredi 12 novembre 2025

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 12 novembre à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales (procédure accélérée ; texte de la commission n° 112, 2025-2026)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des finances et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 novembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 novembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 10 novembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 12 novembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 10 novembre à 15 heures

Jeudi 13 novembre 2025

À 10 h 30, 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales (procédure accélérée ; texte de la commission n° 112, 2025-2026)

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 18 novembre 2025

À 14 h 30

- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales (procédure accélérée ; texte de la commission n° 112, 2025-2026)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d'un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 17 novembre à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 18 novembre à 12 h 30

- Débat sur la dette publique (demande des groupes Les Républicains et Union Centriste)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l'orateur de répliquer pendant 1 minute

• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes

• Conclusion par le groupe Union Centriste : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 17 novembre à 15 heures

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mercredi 19 novembre 2025

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 19 novembre à 11 heures

À 16 h 30

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (texte A.N. n° 1907) (discussion générale)

Ce texte sera envoyé à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des finances.

• Réunion de la commission pour le rapport : vendredi 14 novembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 17 novembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 19 novembre matin, soir et jeudi 20 novembre matin

• Temps attribué à la rapporteure générale de la commission des affaires sociales dans la discussion générale : 10 minutes

• Temps attribué aux rapporteurs de branche et au rapporteur pour avis : 5 minutes

• Temps attribué au président de la commission des affaires sociales : 5 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 h 30

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 18 novembre à 15 heures

Jeudi 20 novembre 2025

À 10 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (texte A.N. n° 1907) (discussion des articles)

Vendredi 21 novembre 2025

À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (texte A.N. n° 1907)

Samedi 22 novembre 2025

À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (texte A.N. n° 1907)

Éventuellement, dimanche 23 novembre 2025

À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (texte A.N. n° 1907)

Lundi 24 novembre 2025

À 10 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (texte A.N. n° 1907)

Mardi 25 novembre 2025

À 14 h 30

- Sous réserve de sa transmission, explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (texte A.N. n° 1907)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d'un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 24 novembre à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 25 novembre à 12 h 30

- Désignation des 19 membres de la commission d'enquête sur les marges des industriels et de la grande distribution (droit de tirage du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires)

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission d'enquête : mercredi 19 novembre à 16 heures

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Discussion générale

• Temps attribué au rapporteur général de la commission des finances : 15 minutes

• Temps attribué au président de la commission des finances : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 2 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 24 novembre à 15 heures

=> Examen de l'article liminaire

• Délai limite pour le dépôt des amendements à l'article liminaire et à l'article 45 : vendredi 21 novembre à 14 heures, sous réserve de la tenue du vote de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 par l'Assemblée nationale le 17 novembre

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire aux amendements à l'article liminaire et à l'article 45 : lundi 24 novembre à 15 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements à l'article liminaire et à l'article 45 : mardi 25 novembre matin, sous réserve de la tenue du vote de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 par l'Assemblée nationale le 17 novembre

=> Examen de l'article 45 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne

• Temps attribué au rapporteur spécial de la commission des finances : 5 minutes

• Temps attribué au président de la commission des affaires européennes : 3 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 24 novembre à 15 heures

Le soir

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Examen de l'article liminaire (suite)

=> Examen de l'article 45 : évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne (suite)

- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025

Ce texte sera envoyé à la commission des finances.

• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 19 novembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 24 novembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 25 novembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 24 novembre à 15 heures

PROJET DE LOI DE FINANCES

Mercredi 26 novembre 2025

À 11 heures

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Examen des articles de la première partie

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance à la première partie : vendredi 21 novembre à 14 heures, sous réserve de la tenue du vote de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 par l'Assemblée nationale le 17 novembre

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire aux amendements de la première partie : lundi 24 novembre à 15 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements à la première partie : mercredi 26 novembre matin, sous réserve de la tenue du vote de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 par l'Assemblée nationale le 17 novembre

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 26 novembre à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Examen des articles de la première partie (suite)

Jeudi 27 novembre 2025

À 10 h 30, l'après-midi et le soir

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Examen des articles de la première partie (suite)

Vendredi 28 novembre 2025

Le matin, l'après-midi, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Examen des articles de la première partie (suite)

Samedi 29 novembre 2025

Le matin, l'après-midi, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Examen des articles de la première partie (suite)

Éventuellement, dimanche 30 novembre 2025

Le matin, l'après-midi, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Examen des articles de la première partie (suite)

Lundi 1er décembre 2025

Le matin, l'après-midi et le soir

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Examen des articles de la première partie (suite)

Mardi 2 décembre 2025

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Examen des articles de la première partie (suite et fin)

=> Explications de vote sur l'ensemble de la première partie

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d'un orateur par groupe : 5 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 1er décembre à 15 heures

=> Scrutin public ordinaire de droit

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Économie (+ articles 70 et 71) (durée maximale prévisionnelle : 3 heures)

. Compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

et Investir pour la France de 2030

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (4) : 5 minutes chacun

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 28 novembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : lundi 1er décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 1er décembre à 11 heures

Mercredi 3 décembre 2025

À 10 h 30, l'après-midi, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Administration générale et territoriale de l'État (durée maximale prévisionnelle : 1 heure 15)

• Temps attribué à la rapporteure spéciale : 5 minutes

• Temps attribué à la rapporteure pour avis : 3 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 28 novembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mardi 2 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 2 décembre à 11 heures

=> Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation (durée maximale prévisionnelle : 1 heure 30)

• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes

• Temps attribué à la rapporteure pour avis : 3 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 28 novembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mardi 2 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 2 décembre à 11 heures

=> Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 72, 73, 74, 75, 76 et 77) (durée maximale prévisionnelle : 8 heures 30)

. Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun

• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 28 novembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mardi 2 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 2 décembre à 11 heures

Jeudi 4 décembre 2025

À 10 h 30, l'après-midi, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Défense (+ article 68) (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 30)

• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (8) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 1er décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mercredi 3 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 3 décembre à 11 heures

=> Enseignement scolaire (durée maximale prévisionnelle : 4 heures)

• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 1er décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mercredi 3 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 3 décembre à 11 heures

=> Outre-mer (durée maximale prévisionnelle : 4 heures)

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 1er décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mercredi 3 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 3 décembre à 11 heures

Vendredi 5 décembre 2025

Le matin, l'après-midi, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Cohésion des territoires (+ articles 66 et 67) (durée maximale prévisionnelle : 5 heures)

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 2 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : jeudi 4 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 4 décembre à 11 heures

=> Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (durée maximale prévisionnelle : 5 heures)

. Compte spécial : développement agricole et rural

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 2 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : jeudi 4 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 4 décembre à 11 heures

Samedi 6 décembre 2025

Le matin, l'après-midi, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Transformation et fonction publiques (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 15)

. Compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l'État

et Gestion des finances publiques

et Crédits non répartis

et Régimes sociaux et de retraite

. Compte spécial : pensions

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes pour l'un et 5 minutes pour l'autre

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 3 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 5 décembre à 11 heures

=> Solidarité, insertion et égalité des chances (+ article 79) (durée maximale prévisionnelle : 3 heures 30)

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun

• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 3 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 5 décembre à 11 heures

=> Travail, emploi et administration des ministères sociaux (+ articles 80 et 81) (durée maximale prévisionnelle : 3 heures)

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun

• Temps attribué au rapporteur pour avis : 3 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 3 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 5 décembre à 11 heures

=> Éventuellement, examen des missions et des articles rattachés reportés

Éventuellement, dimanche 7 décembre 2025

Le matin, l'après-midi et le soir

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Éventuellement, examen des missions et des articles rattachés reportés

Lundi 8 décembre 2025

À 9 h 30, l'après-midi, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Immigration, asile et intégration (durée maximale prévisionnelle : 2 heures)

• Temps attribué à la rapporteure spéciale : 5 minutes

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 4 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 5 décembre à 11 heures

=> Sécurités (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 30)

. Compte spécial : contrôle de la circulation et du stationnement routiers

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 4 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 5 décembre à 11 heures

=> Écologie, développement et mobilité durables (+ article 69) (durée maximale prévisionnelle : 9 heures)

. Budget annexe : contrôle et exploitation aériens

. Compte spécial : financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (4) : 7 minutes chacun

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 4 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 5 décembre à 11 heures

Mardi 9 décembre 2025

À 14 heures, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Aide publique au développement (durée maximale prévisionnelle : 1 heure 45)

. Compte spécial : prêts à des États étrangers

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 5 minutes chacun

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : lundi 8 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 8 décembre à 11 heures

=> Action extérieure de l'État (durée maximale prévisionnelle : 3 heures)

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (7) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : lundi 8 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 8 décembre à 11 heures

=> Recherche et enseignement supérieur (durée maximale prévisionnelle : 4 heures)

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (3) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : lundi 8 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 8 décembre à 11 heures

Mercredi 10 décembre 2025

À 10 h 30

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Pouvoirs publics (durée maximale prévisionnelle : 2 heures)

et Conseil et contrôle de l'État

et Direction de l'action du Gouvernement

. Budget annexe : publications officielles et information administrative

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (5) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mardi 9 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 9 décembre à 11 heures

=> Sport, jeunesse et vie associative (durée maximale prévisionnelle : 2 heures)

• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mardi 9 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 9 décembre à 11 heures

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 10 décembre à 11 heures

À 16 h 30, le soir et la nuit

- deux conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de plusieurs conventions-cadres relatives aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés, aux contrôles en cours de route et aux gares communes ou d'échange (texte n° 853, 2024-2025)

=> Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la coopération dans le domaine de la défense (procédure accélérée ; texte n° 857, 2024-2025)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : lundi 8 décembre à 15 heures

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Sport, jeunesse et vie associative (suite) (durée maximale prévisionnelle : 2 heures)

=> Engagements financiers de l'État (durée maximale prévisionnelle : 2 heures)

. Compte spécial : participations financières de l'État

. Compte spécial : accords monétaires internationaux

. Compte spécial : prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

et Remboursements et dégrèvements

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (3) : 5 minutes chacun

• Temps attribué à la rapporteure pour avis : 3 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mardi 9 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 9 décembre à 11 heures

=> Justice (+ article 78) (durée maximale prévisionnelle : 3 heures)

• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (4) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 5 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mardi 9 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 9 décembre à 11 heures

Jeudi 11 décembre 2025

À 10 h 30, l'après-midi, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Culture (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 30)

• Temps attribué aux rapporteurs spéciaux (2) : 7 minutes chacun

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (2) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 8 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mercredi 10 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 10 décembre à 11 heures

=> Médias, livre et industries culturelles (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 15)

Compte spécial : avances à l'audiovisuel public

• Temps attribué au rapporteur spécial : 7 minutes

• Temps attribué aux rapporteurs pour avis (6) : 3 minutes chacun

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 8 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mercredi 10 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 10 décembre à 11 heures

=> Santé (durée maximale prévisionnelle : 2 heures 45)

• Temps attribué au rapporteur spécial : 5 minutes

• Temps attribué à la rapporteure pour avis : 3 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 45 minutes

• Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 8 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement : mercredi 10 décembre à 11 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole : mercredi 10 décembre à 11 heures

=> Éventuellement, examen des missions et des articles rattachés reportés

=> Examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits

• Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : lundi 8 décembre à 11 heures

• Délai limite pour l'ajout d'un signataire à un amendement aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : mercredi 10 décembre à 11 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements aux articles de la seconde partie non rattachés aux crédits : mercredi 10 décembre matin

Vendredi 12 décembre 2025

Le matin

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026 (texte A.N. n° 1906)

=> Éventuellement, examen des missions et des articles rattachés reportés

=> Éventuellement, examen des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits (suite)

À 14 h 30

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2026

=> Explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2026

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d'un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : jeudi 11 décembre à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : vendredi 12 décembre à 12 h 30

=> Scrutin public à la tribune de droit

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 16 décembre 2025

À 14 h 30

- Proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies C du Règlement, visant à demander au Gouvernement français de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur, présentée par MM. Jean-François Rapin, Cédric Perrin et Mme Dominique Estrosi Sassone (texte n° 99, 2025-2026) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avec une saisine pour avis de la commission des affaires européennes.

• Délai limite pour le dépôt, auprès de la commission des affaires européennes, des amendements sur la proposition de résolution n° 99 initialement déposée : lundi 17 novembre à 12 heures

• Réunion de la commission des affaires européennes pour le rapport et le texte : jeudi 20 novembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission auprès de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : lundi 24 novembre à 12 heures

• Réunion de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour le rapport et le texte : mercredi 26 novembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour examiner les amendements de séance : mardi 16 décembre après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 décembre à 15 heures

- Proposition de loi visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique, présentée par M. Alain Milon et plusieurs de ses collègues (texte n° 385, 2024-2025) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 décembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 16 décembre début d'après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 décembre à 15 heures

Le soir

- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 18 et 19 décembre 2025

• Intervention liminaire du Gouvernement : 8 minutes

• 4 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur des commissions et des groupes pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l'orateur de répliquer pendant 1 minute

• Conclusion par la commission des affaires européennes : 4 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 15 décembre à 15 heures

Mercredi 17 décembre 2025

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 17 décembre à 11 heures

De 16 h 30 à 20 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)

- Proposition de loi visant à assouplir les contraintes à l'usage de dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation et à sécuriser l'action des forces de l'ordre, présentée par M. Pierre Jean Rochette et plusieurs de ses collègues (texte n° 66, 2025-2026)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 décembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 décembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 16 décembre à 15 heures

- Proposition de loi relative à la sécurisation des marchés publics numériques, présentée par M. Dany Wattebled et plusieurs de ses collègues (texte n° 8, 2025-2026)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 1er décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 décembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 décembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 16 décembre à 15 heures

Jeudi 18 décembre 2025

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

- Proposition de loi visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly et plusieurs de ses collègues (texte n° 744, 2024-2025)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 décembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 décembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 décembre à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à simplifier la sortie de l'indivision successorale (texte n° 415, 2024-2025)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 décembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 décembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 décembre à 15 heures

À l'issue de l'espace réservé au groupe UC et au plus tard de 16 heures à 20 heures

(Ordre du jour réservé au GEST)

- Proposition de loi visant à garantir la continuité des revenus des artistes auteurs, présentée par Mme Monique de Marco et plusieurs de ses collègues (texte n° 107 rectifié, 2024-2025)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 décembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 décembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 décembre à 15 heures

- Proposition de loi visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposés aux pesticides de synthèse, présentée par M. Guillaume Gontard et plusieurs de ses collègues (texte n° 107, 2025-2026)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 5 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 décembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 décembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 décembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 décembre à 15 heures

Suspension des travaux en séance plénière :du lundi 22 décembre 2025 au dimanche 4 janvier 2026

2

Reprise du mandat sénatorial d'anciens membres du Gouvernement

M. le président. En application des articles L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de M. Thani Mohamed Soilihi, de M. François-Noël Buffet et de Mme Nathalie Delattre a repris ce jour à zéro heure.

En conséquence, le mandat sénatorial de Mme Salama Ramia, de M. Paul Vidal et de Mme Mireille Conte Jaubert a cessé le mercredi 5 novembre 2025, à minuit.

Je salue le retour de nos collègues.

3

Accès aux soins dentaires

Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe RDSE, de la proposition de loi visant à libérer l'accès aux soins dentaires, présentée par M. Raphaël Daubet (proposition n° 899 [2024-2025], texte de la commission n° 85, rapport n° 84).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Raphaël Daubet, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP et UC. – M. Bernard Jomier et Mme Chantal Deseyne applaudissent également.)

M. Raphaël Daubet, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, partout dans notre pays, des millions de Français rencontrent aujourd'hui des difficultés pour trouver un dentiste dans des délais raisonnables. Dans certaines régions, il faut patienter plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous. Les familles renoncent aux soins. De nombreux enfants n'ont plus de suivi régulier. Dans son rapport, la Conférence nationale de santé fait un constat alarmant sur l'état de santé bucco-dentaire en France en 2025. Ce constat, nous le partageons tous ; il traduit une fracture sociale et territoriale grandissante, mais aussi un déséquilibre profond de notre système de santé.

Depuis quelques années, ici ou là, au travail, dans la rue, on croise ce que l'on ne voyait plus depuis longtemps : des sourires gênés, au milieu desquels une dent manquante laisse voir un trou béant, comme elle laisse deviner un autre trou, invisible celui-là, mais douloureux, dans l'estime de soi.

J'invite chacun à mesurer l'importance de la santé orale, parce qu'elle est le reflet de l'état général, parce qu'elle conditionne de nombreuses fonctions physiologiques : l'alimentation, la digestion, la parole, la qualité du sommeil. La bouche est aussi la première des portes d'entrée des agents infectieux, en particulier pour le diabète ou les maladies cardio-vasculaires. Quand la santé orale recule, vous le savez, c'est toute la santé qui se dégrade.

La bouche, c'est bien plus que cela. Objet d'investissement symbolique, siège des fantasmes, cet orifice tient une place singulière parmi les organes du corps humain. Ici se cristallisent les ascendants de la psychologie, les imaginaires collectifs et les influences sociales. Tout est là, depuis l'importance de l'oralité dans le développement affectif de l'enfant jusqu'au visage angoissant de la déchéance organique auquel nous avons tous été confrontés un jour, quand la bouche d'un vieillard est réduite à quelques chicots noirâtres et cariés au fond d'une cavité obscure, entrouverte et parcourue d'un mauvais souffle tiède, derrière le rideau des lèvres ridées et des joues creusées. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Entre ces deux âges, la bouche aura tout incarné : la jeunesse et le rire, les plaisirs de la table et du baiser, symbole d'un corps qui jouit ; la douleur, au contraire, et les dents arrachées, à l'image du martyr de sainte Apollonie qui hante les tableaux de la Renaissance ; ou encore la force et la dévoration, expression la plus pure de notre animalité. C'est tout cela, la bouche.

Mais le plus important, sûrement, c'est bien la dimension sociale du sourire, dans la mesure où ce mouvement de la bouche, dans sa signification profonde, reflète le mouvement de la conscience. Impossible d'échapper à la fonction sociale du sourire : il y a le sourire qui triomphe, celui qui séduit, celui qui compatit, celui qui ironise, celui qui domine.

Mes chers collègues, pardonnez-moi ce long rappel, mais je cherche à dire l'importance de ce dont nous parlons aujourd'hui. La bouche est un organe essentiel pour la physiologie, pour la psychologie comme pour la vie sociale.

Avant d'être sénateur, j'ai exercé en tant que chirurgien-dentiste. J'ai connu la réalité des cabinets, les plannings saturés, le stress de l'assistante qui court partout, les patients qui appellent sans trouver de place, les urgences qui débarquent sans prévenir, la difficulté à recruter des collaborateurs formés. Nos praticiens sont compétents, dévoués, mais ils manquent de temps et de relais. Tant que nous ne renforcerons pas les équipes, nous ne parviendrons pas à assurer la prévention et la continuité des soins dans tous les territoires.

C'est dans cet esprit que je défends aujourd'hui cette proposition de loi, que la commission des affaires sociales a adoptée la semaine dernière. Je tiens d'ailleurs à remercier chaleureusement la rapporteure Guylène Pantel de son travail rigoureux et de sa détermination.

L'ambition de ce texte est simple : libérer l'accès aux soins dentaires en créant une nouvelle profession de santé, celle d'assistant en santé bucco-dentaire, similaire à celle qui existe dans de nombreux pays du monde et que les chirurgiens-dentistes attendent depuis des années en France.

Dans cette proposition de loi, madame la ministre, nous n'inventons rien. Ce texte reprend pour l'essentiel l'ambition que Stéphanie Rist avait elle-même affichée dans la loi qui porte son nom et qui, malheureusement, ne s'est pas traduite par des décrets d'application. Je tiens ici à rendre hommage à sa volonté première. Il fallait donc un nouveau véhicule législatif pour réécrire et préciser les choses : le voici.

Ce nouveau professionnel de santé, titulaire d'un diplôme de niveau 5, c'est-à-dire bac+2, exercera sous la responsabilité et le contrôle d'un chirurgien-dentiste. Il participera aux actes d'imagerie à visée diagnostique, aux actes de prophylaxie, aux soins post-chirurgicaux et aux actions de prévention.

La délégation de tâches devrait libérer beaucoup de temps médical pour les chirurgiens-dentistes, qui pourront de ce fait se consacrer à des actes plus techniques. Les patients obtiendront des rendez-vous plus rapidement. C'est le premier objectif de cette proposition de loi.

L'assistant en santé bucco-dentaire pourra aussi, et c'est l'un des apports essentiels de ce texte, intervenir dans les établissements de santé, médico-sociaux ou scolaires.

Ces interventions, centrées sur la prévention et l'éducation à la santé orale, seront encadrées par une convention entre le chirurgien-dentiste et la structure d'accueil. Le texte offre ainsi un cadre juridique clair à des actions de prévention qui, jusqu'à présent, restaient difficiles à organiser. Il inscrit la prévention au cœur de notre politique de santé orale.

Le travail de mes collègues en commission a permis d'enrichir le texte initial sur plusieurs points essentiels. Désormais, il ancre cette nouvelle profession dans la continuité de celle d'assistant dentaire de niveau 1. L'accès à la formation sera donc réservé aux assistants dentaires qui souhaitent évoluer professionnellement, leur offrant ainsi une perspective de carrière et des missions élargies. C'est un signe de reconnaissance de celles et ceux qui, chaque jour, participent à la qualité des soins et au bon fonctionnement des cabinets dentaires.

La commission des affaires sociales a ensuite précisé les conditions d'exercice de cette profession. La responsabilité du chirurgien-dentiste est maintenue. Les actes autorisés seront strictement définis par décret en Conseil d'État, après avis de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie nationale de chirurgie dentaire. La formation sera fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis d'une commission nationale paritaire. Le titre professionnel sera protégé : son usage sans droit sera puni comme une usurpation de titre de professionnel de santé. Ces garanties étaient indispensables, elles permettent de concilier ouverture et rigueur, proximité et sécurité.

Le texte encadre également la reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l'étranger et la vérification de la maîtrise linguistique pour tout professionnel souhaitant exercer en France. Le Conseil national de l'ordre y était très attaché. Ces dispositions s'alignent sur le droit commun des professions de santé et assurent la conformité du dispositif au droit européen.

Enfin, il crée un registre professionnel tenu par un organisme désigné par le ministère de la santé afin de garantir la traçabilité des soins et la transparence des professionnels en exercice.

Ce texte, mes chers collègues, est équilibré et pragmatique. Il ne remet pas en cause le rôle du chirurgien-dentiste, il le conforte. Il ne déstructure pas l'organisation des soins, il la modernise. Surtout, il répond à un besoin concret : permettre à la prévention d'exister pleinement dans les lieux collectifs. Nous savons que c'est la clé : elle coûte moins cher, elle évite les pathologies lourdes et elle améliore la qualité de vie. Pour qu'elle fasse partie intégrante de notre système de santé, il faut des professionnels formés, encadrés, reconnus. C'est précisément ce que propose ce texte.

Mes chers collègues, cette proposition de loi est le fruit d'un travail collectif avec les professionnels, les ordres, le ministère et les parlementaires, que je souhaite remercier. Elle traduit une volonté commune : améliorer l'accès aux soins dentaires sans opposer les acteurs, en construisant une organisation plus efficace.

Ce texte ne permettra pas de résoudre toutes les difficultés du secteur, mais il constitue une avancée utile, réaliste et attendue. En le votant, nous enverrons un message clair : la santé orale est un enjeu de santé publique majeur et la République doit s'organiser pour garantir à chacun le même droit à la prévention et aux soins.

Cette proposition de loi est un texte de confiance, d'efficacité et d'utilité. Je vous invite donc, mes chers collègues, à la soutenir avec conviction et responsabilité pour nos praticiens, pour leurs équipes et pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, RDPI, UC et Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)

Mme Guylène Pantel, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Raphaël Daubet que nous examinons aujourd'hui vise à créer une nouvelle profession de santé : celle d'assistant en santé bucco-dentaire. Ce texte répond à une forte attente des acteurs de soins dentaires. Permettez-moi de rappeler brièvement le contexte dans lequel il s'inscrit.

La France est confrontée à d'importantes difficultés d'accès aux soins dentaires dues à une densité insuffisante de professionnels sur le territoire, ainsi qu'à une répartition inégale des praticiens. En effet, la démographie des chirurgiens-dentistes, après avoir connu une légère baisse dans les années 2000, a enregistré une trop faible croissance jusqu'en 2019, face à la hausse de la demande liée à l'augmentation et au vieillissement de la population.

En 2025, on comptait environ 7 000 chirurgiens-dentistes de plus qu'il y a treize ans. Malgré cette évolution, les inégalités tendent à s'aggraver dans les zones rurales, les praticiens se concentrant dans les centres de santé situés en ville. La profession de chirurgien-dentiste est celle qui se caractérise par les inégalités d'accès territoriales les plus fortes en France.

Au sein des cabinets dentaires, l'assistant dentaire, dont la formation est sanctionnée par un diplôme de niveau 4, accompagne le praticien lors des consultations en lui donnant les instruments nécessaires à son intervention. Il nettoie, désinfecte et stérilise les instruments. Enfin, il tient à jour les dossiers des patients en fonction des demandes du praticien. Le statut et la formation actuels des assistants dentaires ne leur permettent pas de réaliser d'actes cliniques ou techniques et d'effectuer d'actes en bouche. Par ailleurs, ils ne peuvent intervenir sans le contrôle effectif du praticien.

La création d'une formation de niveau 5 dans le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) permettrait non seulement une véritable délégation de certains actes sous le contrôle du chirurgien-dentiste, mais également la mise en place de missions « d'aller-vers » en dehors du lieu d'exercice.

Pour répondre à cette demande, nous avions adopté en 2023, lors de l'examen de la loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist 2, des dispositions permettant à des assistants dentaires d'obtenir une certification les autorisant à pratiquer certains actes complémentaires. Toutefois, les textes réglementaires d'application nécessaires n'ont toujours pas été publiés. En effet, la loi ne créait pas à l'époque une profession distincte. Dès lors, il était impossible au pouvoir réglementaire de prévoir deux niveaux de formation différenciés pour une même profession.

Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est très attendue par les acteurs du secteur, tant par les chirurgiens-dentistes que par les assistants dentaires.

Initialement, le texte mentionnait les « assistants en prophylaxie bucco-dentaire ». J'ai estimé que cette dénomination ne rendait pas compte de la réalité des missions attribuées à ces nouveaux professionnels de santé et qu'elle était trop absconse pour les usagers du système de santé. C'est pourquoi j'ai proposé de la remplacer par celle d'assistant en santé bucco-dentaire. Alors que le nom de cette profession a suscité de nombreux débats, il me semble que la solution ici proposée permet d'appréhender dans sa globalité le rôle de ces nouveaux professionnels et de reconnaître leur apport à leur juste valeur.

Ces nouveaux assistants en santé bucco-dentaire pourront exercer deux types de missions bien distinctes : une mission clinique et technique, sous la supervision d'un praticien ; une mission de prévention, qui pourra être exercée sans contrôle effectif du praticien, hors des cabinets dentaires.

En ce qui concerne les missions exercées en cabinet, le texte prévoit que l'assistant en santé bucco-dentaire participe, « sous la responsabilité et le contrôle effectif » d'un praticien à divers actes cliniques ou techniques aujourd'hui exclusivement réservés aux chirurgiens-dentistes ou aux médecins. Ainsi l'assistant en santé bucco-dentaire pourrait participer à la réalisation d'« actes d'imagerie », d'« actes prophylactiques », tels que les détartrages et le contrôle des muqueuses pour repérer des pathologies, ou à des « soins postchirurgicaux ». Selon le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, cette nouvelle profession pourrait ainsi permettre aux dentistes de retrouver jusqu'à deux ou trois heures de temps médical journalier par cabinet.

Le texte prévoit également que le nombre d'assistants en santé bucco-dentaire au sein d'un cabinet sera inférieur ou égal au nombre de praticiens, afin de garantir l'effectivité du contrôle et du suivi. Cette précision est souhaitée par l'ensemble des personnes entendues lors des auditions de la commission afin notamment d'éviter la multiplication d'usines à détartrage.

Le texte prévoit que ces assistants pourront effectuer des missions en dehors du lieu d'exercice et hors le contrôle effectif du praticien, et réaliser des actions de prévention et d'éducation à la santé bucco-dentaire en établissement de santé, social ou médico-social, ou scolaire. La commission a souhaité sécuriser les modalités d'intervention de ces assistants en santé bucco-dentaire en précisant la responsabilité du chirurgien-dentiste lors de ces actions d'aller-vers. Ce dernier reste en effet le seul responsable de ses salariés et devra à ce titre contrôler les actions qui seront réalisées par l'assistant.

Le texte prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe la liste des activités et des actes que les assistants en santé bucco-dentaire pourront être autorisés à réaliser. Le décret sera soumis pour avis aux académies nationales de médecine et de chirurgie dentaire. Nous avons voulu en commission associer les ordres concernés à la préparation de ce décret.

Initialement, la proposition de loi ouvrait l'accès à la profession à toute personne titulaire du titre de formation nécessaire. Sur ma proposition, la commission a souhaité réserver l'accès à cette profession aux seuls assistants dentaires justifiant d'une durée minimale d'exercice. Cette question a été largement évoquée lors des auditions. Cette modification vise à revenir à l'esprit des dispositions adoptées lors de l'examen de la loi Rist 2 et constitue une demande forte à la fois des assistants dentaires et des chirurgiens-dentistes. Les modalités concrètes de la formation, qui pourrait par exemple se dérouler en alternance, devront être travaillées entre les acteurs et les services de l'État.

La commission a également prévu une procédure d'enregistrement préalable auprès des autorités avant l'entrée dans la profession, ainsi que, pour les professionnels issus d'un autre État membre de l'Union européenne, un contrôle des connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession.

Mes chers collègues, je souhaite insister sur l'importance de la prévention en matière bucco-dentaire. Je considère qu'il s'agit là d'un véritable enjeu de santé publique. Je regrette à cet égard le manque criant de données actualisées disponibles sur la santé bucco-dentaire des Français, notamment sur celle des plus jeunes et des plus âgés d'entre eux. La dernière étude nationale ayant mesuré l'indice relatif au nombre de dents définitives cariées chez les enfants a été réalisée en 2006 !

Dans ce contexte, ces nouveaux professionnels, qui seront à même d'intervenir dans le cadre de missions d'aller-vers dans les écoles et les établissements médico-sociaux pour effectuer des actions de prévention, constitueront un atout majeur. Je pense notamment aux Ehpad, au sein desquels ces nouveaux assistants pourraient repérer en amont des comportements à risques et, si nécessaire, faciliter l'intervention du chirurgien-dentiste.

Au sein des cabinets, ces assistants pourront réaliser certains actes considérés comme plus simples, tels que les détartrages, ce qui permettra aux praticiens de pouvoir mieux prendre en charge les patients souffrant de pathologies plus complexes et d'augmenter leur disponibilité.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ce texte nous semble nécessaire pour apporter une première réponse aux difficultés d'accès aux soins dentaires dans notre pays. C'est pourquoi la commission vous invite à l'adopter dans la rédaction issue de ses travaux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence ce matin de ma collègue, la ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées, Mme Stéphanie Rist. Elle est retenue à l'Assemblée nationale pour l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il est des métiers dont on parle peu, mais qui font beaucoup ; des métiers discrets, mais indispensables : indispensables au fonctionnement des cabinets dentaires, indispensables pour l'accès aux soins et la prévention dans nos territoires. Les près de 20 000 assistants dentaires que compte notre pays sont de ceux-là.

Je remercie l'auteur de cette proposition de loi, M. le sénateur Raphaël Daubet, et Mme la rapporteure Pantel de nous permettre de parler aujourd'hui du rôle de ces professionnels et, plus que de leur rôle, de leur place essentielle dans notre système de soins et de leurs perspectives d'évolution. Je sais l'engagement du Sénat et le vôtre pour permettre un meilleur accès aux soins partout sur notre territoire.

Aussi cette proposition de loi vient-elle utilement concrétiser des travaux qui sont en cours depuis des années afin de faire évoluer la profession d'assistant dentaire et de donner des perspectives à ceux qui l'exercent.

En effet, la profession est le produit d'une reconnaissance très progressive : d'abord dans la convention collective nationale de 1992, puis dans la loi de modernisation de notre système de santé de 2016. En 2023, dans la loi Rist 2, nous avons collectivement adopté le principe de la création d'une profession d'assistant dentaire de niveau 2. Les blocages réglementaires qui ont suivi nous conduisent aujourd'hui à examiner un nouveau texte.

L'article unique de la proposition de loi permet ainsi la création d'une nouvelle profession, que vous souhaitez dénommer « assistant en santé bucco-dentaire », destinée à seconder les chirurgiens-dentistes en leur permettant de déléguer certains actes. Il prévoit deux types de missions : ces assistants pourront d'abord réaliser des actes qui leur seront confiés sous la responsabilité d'un chirurgien-dentiste ; ils pourront également mettre en œuvre en dehors du cabinet des actions d'aller-vers, de prévention et d'éducation à la santé bucco-dentaire pour les populations qui en ont le plus besoin.

En commission, vous avez précisé que ces professionnels ne pourront pas effectuer d'actes orthodontiques, limitant leur champ d'intervention aux actes préventifs de prophylaxie. Vous avez également souligné qu'il était important de compter au moins un praticien par assistant afin d'éviter toute dérive d'industrialisation. Le Gouvernement y souscrit pleinement.

Enfin, l'article unique précise le statut et l'encadrement professionnel de ces nouveaux assistants, en précisant qu'ils ne se substituent pas aux assistants dentaires existants, mais qu'ils agissent en complémentarité.

Vous l'aurez compris, le Gouvernement soutient très fortement les dispositions que vous proposez dans ce texte. En effet, elle répond à un double enjeu fondamental.

Le premier enjeu est celui de l'équité territoriale. Malgré l'augmentation tendancielle du nombre de chirurgiens-dentistes à l'échelon national, dans certains départements ruraux – je pense à la Lozère, madame la rapporteure –, le nombre d'ETP de chirurgiens-dentistes a baissé. Dans son rapport, le Sénat note, à raison, que la profession de chirurgien-dentiste est celle qui présente les inégalités territoriales les plus fortes en France, devant les masseurs-kinésithérapeutes et les généralistes.

Avec ce texte, du temps médical utile à des actes de forte technicité pourra être libéré. Nous pouvons espérer, in fine, moins d'attente pour les patients, ainsi qu'un suivi de meilleure qualité.

Le second enjeu est celui de l'accès à la prévention. Nous savons que la prévention bucco-dentaire est à la fois moins coûteuse, moins invasive et plus efficace à long terme que la prise en charge de pathologies installées. En nous inspirant des professions d'hygiénistes de nos voisins européens et en mobilisant des assistants en santé bucco-dentaire dans des actions d'aller-vers, nous pourrons toucher des populations qui ne consultent pas, qui ne peuvent pas consulter ou qui consultent trop tard.

Je pense ici en particulier à nos aînés, aux personnes en situation de handicap, ainsi qu'aux publics les plus vulnérables et aux personnes les plus éloignées du soin. Avec votre proposition de loi, nous aurons de nouveaux acteurs de santé publique décisifs, maillons essentiels des politiques de prévention.

Cette proposition de loi ouvre aussi une possibilité d'évolution professionnelle pour des milliers de professionnels qui accompagnent chaque jour nos chirurgiens-dentistes. Je salue le travail réalisé depuis plusieurs années, ainsi que le dialogue qui a animé les professions de la santé bucco-dentaire. Ce texte traduit leur engagement et leur persévérance pour trouver des solutions répondant à de nombreux enjeux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la santé bucco-dentaire est essentielle : elle conditionne la santé générale, elle influence la nutrition, la qualité de vie, la parole et donc l'autonomie, mais aussi l'apparition de pathologies chroniques comme le diabète et les maladies cardio-vasculaires. Avec cette proposition de loi, non seulement vous répondez aux demandes anciennes d'une profession, mais vous permettez un accès aux soins et à la prévention plus juste sur tout le territoire.

Dans ce contexte, Stéphanie Rist et moi-même, au nom du Gouvernement, vous remercions pour cette proposition de loi, à laquelle nous sommes très favorables et sur laquelle nous avons engagé la procédure accélérée, afin qu'elle puisse être rapidement adoptée. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du sénateur Daubet qui nous réunit aujourd'hui répond à une urgence sanitaire bien identifiée : la difficulté d'accès aux soins dentaires sur une grande partie du territoire français.

À l'heure où la France compte près de 6 millions de citoyens vivant dans des zones sous-dotées en dentistes, où les écarts s'accroissent entre zones urbaines et zones rurales et où la demande de soins ne cesse de croître du fait du vieillissement de la population, nous devons prendre la pleine mesure de notre responsabilité collective.

À titre d'exemple, au-delà de la Lozère, la Creuse compte 38 chirurgiens-dentistes, soit 33,6 praticiens pour 100 000 habitants, parmi lesquels 18 % ont plus de 65 ans. Le même constat s'impose en Mayenne.

Face à cette réalité, il devenait nécessaire d'agir conjointement sur la démographie des chirurgiens-dentistes, les conditions d'exercice et les compétences de leurs collaborateurs. Si la loi Rist du 19 mai 2023 avait ouvert la voie en créant le statut d'assistant dentaire de niveau 2, force est de constater que cette avancée est restée malheureusement inaboutie. Aucun référentiel de formation n'a été validé, aucun professionnel n'a pu accéder à ce niveau de statut et la délégation de tâches est restée très limitée.

Cette proposition de loi apporte une solution structurante. Elle distingue et crée une nouvelle profession d'assistant en santé bucco-dentaire, plus qualifiée qu'avec le statut existant, accessible après une formation sanctionnée par un diplôme de niveau 5.

Ces nouveaux professionnels pourront, sous la responsabilité du chirurgien-dentiste, réaliser des actes de prévention, de diagnostic, d'imagerie et prendre part aux soins post-chirurgicaux. Le texte leur permet également d'effectuer des missions de prévention en établissements de santé, médico-sociaux, scolaires, auprès des publics les plus vulnérables. Cette délégation utile de temps médical est de nature à libérer jusqu'à deux à trois heures par jour pour les dentistes, que ces derniers pourront consacrer à la prise en charge des cas les plus complexes.

Le travail mené par la rapporteure, Mme Pantel, et par la commission des affaires sociales, mérite d'être salué. Ce texte a été amélioré, enrichi, sécurisé grâce à quatorze amendements adoptés en commission, dont treize proposés par la rapporteure. Citons notamment la clarification de l'appellation « assistants en santé bucco-dentaire », le cadrage strict des actes réalisables, la consultation obligatoire des ordres, l'accès réservé aux assistants dentaires qualifiés au terme d'une expérience minimale et le contrôle linguistique pour l'exercice des praticiens venant d'autres États européens.

Cette proposition de loi représente donc une avancée majeure dans la réduction des zones sous-dotées en dentistes. Elle offre une réponse pragmatique, réaliste et audacieuse. Elle garantit le contrôle et la qualité des actes médicaux tout en favorisant une prévention accrue, essentielle pour nos concitoyens, notamment les plus jeunes, les plus âgés et les publics fragiles. Elle sécurise enfin le parcours professionnel et la formation continue pour les assistants dentaires, tout en évitant le risque d'industrialisation des soins, que nous voulons tous prévenir.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera aujourd'hui en faveur de cette proposition de loi, qui porte une ambition nouvelle pour la santé des Français, pour l'équité territoriale et pour l'avenir de notre système de soins. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'accès aux soins dentaires est bien un enjeu de santé publique. Près de 6 millions de Français vivent dans une zone sous-dotée, et les délais pour obtenir un rendez-vous sont souvent de plusieurs mois.

Les effectifs des chirurgiens-dentistes en activité ont augmenté depuis les années 2010 en France : ceux-ci sont aujourd'hui 49 000, contre 42 000 en 2012. Mais la densité de l'offre reste insuffisante sur le territoire. En effet, cette croissance doit être rapportée à la hausse des besoins, qui découle de l'augmentation de la population et de son vieillissement. De plus, une part importante des chirurgiens-dentistes, près de 30 %, partira à la retraite d'ici 2030, quasiment demain.

Leur répartition territoriale reste inégale. La problématique de ce qu'on appelle les déserts dentaires est particulièrement prégnante dans les zones rurales. En plus des inégalités territoriales, les inégalités socio-économiques d'accès aux soins dentaires sont marquées. On peut même dire que l'accès aux soins dentaires est un marqueur social.

Il faut donc dégager du temps pour les chirurgiens-dentistes et améliorer l'accès aux soins. Pour cela, il nous est proposé de créer une nouvelle profession d'assistant en santé bucco-dentaire. Cette mesure est demandée par les acteurs du secteur.

Une profession d'assistant dentaire existe déjà pour aider les praticiens durant les consultations. Les assistants préparent les instruments et aident le praticien dans les tâches administratives. Mais leurs compétences cliniques sont limitées. Elles se limitent à des actes d'hygiène ; les assistants n'effectuent aucun acte directement dans la bouche du patient. Si les quelque 17 000 assistants dentaires permettent de dégager du temps médical, ce statut a ses limites.

C'est le constat qui a conduit Stéphanie Rist à faire voter, en 2023, la loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, qui crée la profession d'assistant dentaire de niveau 2, capable d'assumer des missions élargies par rapport à celles des assistants dentaires. Mais, faute d'actes réglementaires, ce statut n'a jamais été concrétisé. La lenteur de l'État, il faut le dire, n'aide pas à résoudre les défis auxquels notre système de santé est confronté.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Il n'y a pas que l'État…

M. Bernard Jomier. De telles professions existent déjà chez nos voisins. En Belgique ou en Suisse, les hygiénistes dentaires font des détartrages et effectuent des opérations de parodontie. Ils contribuent à la prévention bucco-dentaire dans les établissements scolaires ou les établissements pour personnes âgées.

La présente proposition de loi propose de créer un statut d'assistant en santé bucco-dentaire. Ce professionnel, de niveau bac+2, exercera des missions cliniques et techniques sous le contrôle du chirurgien-dentiste, mais également, de manière autonome, des missions de prévention, hors des cabinets dentaires, dans les établissements scolaires et médico-sociaux, comme les Ehpad. La création de cette profession permettra de renforcer la prévention en soins dentaires et de libérer du temps médical pour les chirurgiens-dentistes.

En transférant une partie des missions de prévention et de suivi au profit de professionnels spécifiquement formés, ce texte participe au tournant préventif dont notre système de santé a tant besoin. En effet, le déploiement d'assistants en santé bucco-dentaire permettra de mener des actions de prévention sur tout le territoire, y compris en dehors des cabinets médicaux. Cette démarche d'aller-vers est intéressante. Les visites dans les établissements scolaires et médico-sociaux aideront à repérer en amont les situations et comportements à risque et faciliteront, le cas échéant, l'intervention du chirurgien-dentiste.

La délégation d'une partie des compétences à ces nouveaux assistants permettra aux chirurgiens-dentistes de se concentrer sur les actes les plus techniques et complexes. On peut espérer un effet de réduction des délais et d'amélioration de l'accès aux soins. Les praticiens pourront mieux prendre en charge les patients souffrant de pathologies plus complexes et un cadre sécurisé d'exercice sera maintenu.

Le développement de cette nouvelle profession pourrait également réduire le manque de données sur la santé bucco-dentaire des Français, qui est particulièrement criant pour les jeunes et les plus âgés. On peut espérer que les assistants en santé bucco-dentaire pourront récolter ces données grâce à leurs visites dans les établissements scolaires et les Ehpad.

Adopter cette proposition de loi libérera du temps médical, réduira les inégalités d'accès aux soins et améliorera la prévention. Ce texte représente une avancée, que nous attendions, et j'en remercie donc l'auteur.

Attention toutefois, madame la ministre, à ne pas avancer et reculer en même temps, en favorisant l'accès aux soins dentaires tout en réduisant les remboursements de ces mêmes soins, comme cela a été fait les années précédentes, et comme cela nous sera encore demandé lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 23 septembre dernier, le groupe RDSE a déposé cette proposition de loi visant à libérer l'accès aux soins dentaires.

Je tiens tout d'abord à remercier notre collègue Raphaël Daubet, qui a donné au Sénat l'occasion de discuter de ce sujet de santé publique. Malheureusement, le Gouvernement prévoit, dans le PLFSS pour 2026, d'étendre les participations forfaitaires aux actes réalisés par les chirurgiens-dentistes, ce qui aura pour conséquence d'augmenter le reste à charge pour nos concitoyens et, surtout, d'aggraver les inégalités sociales et territoriales en santé dentaire.

Pour rappel, selon les dernières données disponibles, les enfants d'agriculteurs, d'ouvriers, d'inactifs, de même que les enfants scolarisés en zones d'éducation prioritaire (ZEP) ou en zone rurale, sont plus significativement atteints par la carie. De manière générale, dans l'ensemble de la population, les inégalités de santé bucco-dentaire sont fortement corrélées avec les inégalités sociales.

Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), 25 % des adultes n'ont consulté aucun dentiste au cours des deux dernières années. Cette proportion atteint 40 % chez les personnes à faible revenu ou sans complémentaire santé. Les renoncements aux soins pour les jeunes sont deux fois plus importants dans les classes sociales défavorisées. Et 45 % des ouvriers non qualifiés déclarent au moins une dent manquante non remplacée, contre 29 % des cadres.

Les inégalités constatées traduisent une exposition inégale au risque, car les habitudes favorables à la santé bucco-dentaire sont plus répandues dans la population qui bénéficie d'un meilleur niveau d'éducation et de revenus. De plus, le recours aux soins est inégal, en raison du faible remboursement des soins dentaires par la sécurité sociale. Le 100 % santé a corrigé un peu cet écart, mais les soins dentaires demeurent des soins extrêmement coûteux, qui reposent sur la prise en charge par les complémentaires.

Enfin, les inégalités sont aussi territoriales, puisque la répartition des chirurgiens-dentistes n'est pas régulière, ce qui se traduit par des délais d'attente excessifs, des renoncements aux soins et une prévention insuffisante. Dans ma région, les Hauts-de-France, il y avait, en 2023, 43 praticiens pour 100 000 habitants, contre 63 praticiens en moyenne en France.

Face à ce constat, la loi de 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification avait prévu la création de la profession d'assistant en médecine bucco-dentaire. En l'absence de publication des textes réglementaires d'application pour la création du statut d'assistant dentaire de niveau 2, la pénurie de chirurgiens-dentistes s'aggrave.

La création d'une nouvelle profession de santé, distincte des assistants dentaires, à laquelle seraient confiées les missions de prophylaxie, d'orthodontie, de suivi post-chirurgical et d'imagerie, semble faire consensus parmi les professionnels de santé. Créer cette profession d'assistant en santé bucco-dentaire, comme la commission des affaires sociales l'a renommée, semble apporter une solution au manque de personnel.

Ces futurs diplômés de niveau 5, qui exerceront sous la responsabilité d'un chirurgien-dentiste, pourront également intervenir de manière autonome dans le cadre d'actions de prévention et d'éducation à la santé bucco-dentaire, ce qui permettra d'augmenter le temps médical disponible pour les chirurgiens-dentistes.

Nous avons simplement une réserve sur ce dispositif, concernant les moyens mis en place par l'assurance maladie et l'ordre des chirurgiens-dentistes pour s'assurer que l'exercice sera bien fait sous la responsabilité du professionnel de santé et garantir le contrôle effectif par ce dernier. Les centres de santé dentaire financés par des fonds d'investissement ont des pratiques parfois frauduleuses, vous le savez. Ils pourraient être tentés de recruter uniquement des assistants en santé bucco-dentaire pour maximiser leurs marges. La présence effective des chirurgiens-dentistes sera un véritable enjeu pour la réussite de cette nouvelle profession.

Mon groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et CRCE-K.)

M. le président. Mes chers collègues, je souhaite la bienvenue à Mme Nathalie Delattre, qui siège de nouveau parmi nous. (Applaudissements.)

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier l'auteur de cette proposition de loi, notre collègue Raphaël Daubet, ainsi que le groupe RDSE, d'avoir fait de la santé dentaire une priorité pour cette niche parlementaire. Loin de tout cynisme, mes chers collègues, les « sans-dents » ne sont pas une caricature. Ce sont les oubliés de nos territoires.

Car oui, l'inégalité d'accès aux soins dentaires est sans doute la plus criante et la plus inacceptable. La combattre doit être une priorité. Je le rappelle ici : les 10 % des territoires les plus dotés ont une accessibilité aux soins dentaires 7,8 fois supérieure à celle des 10 % les moins dotés.

À ces inégalités territoriales s'ajoutent des inégalités économiques. En 2023, parmi les personnes les plus modestes, environ une sur dix a dû renoncer à des soins dentaires pour des raisons financières, soit quatre points de plus que dans l'ensemble de la population. Plus globalement, les soins dentaires sont ceux auxquels les citoyens renoncent le plus souvent, en raison notamment de restes à charge plus élevés que dans la plupart des autres secteurs.

Clairement, le PLFSS pour 2026 ne va pas arranger les choses. Après la hausse du ticket modérateur à 40 % en 2023, les participations forfaitaires seront étendues aux actes et consultations dentaires, et même doublées, selon le texte initial.

Revenons à la proposition de loi. Si ce texte n'est pas une solution miracle et ne résout pas les inégalités économiques d'accès aux soins, il apporte une première réponse à l'inégalité territoriale. En créant le statut d'assistant dentaire de niveau 2, cette proposition de loi participe à l'amélioration du partage des tâches en soins dentaires. Cette mesure est attendue et plébiscitée par l'ensemble de la profession. Permettre aux assistants en santé bucco-dentaire de réaliser des actes d'imagerie, de prévention, ou encore des soins post-chirurgicaux, aidera les chirurgiens-dentistes à regagner du temps médical. Ainsi, les populations issues de territoires sous-dotés auront accès à davantage de soins, plus rapidement, et surtout à une prévention encore trop négligée.

En outre, la création de ce statut constitue une véritable reconnaissance du rôle essentiel des assistants dentaires. En mai 2023, la loi Rist 2 visait déjà à créer le statut d'assistant dentaire de niveau 2, mais des problèmes rédactionnels avaient empêché la publication des décrets d'application. Pour aller dans le détail, la loi Rist 2 exigeait notamment un baccalauréat, alors que le niveau requis devait être bac+2. En conséquence, aucun référentiel de formation n'avait pu être validé par les professionnels. Par ailleurs, l'exigence de présence du chirurgien-dentiste empêchait le déploiement d'actes de prévention dans les établissements médico-sociaux, scolaires ou auprès des publics vulnérables.

Aujourd'hui, cette proposition de loi vise à corriger ces insuffisances, et le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s'en félicite. Pour autant, la vigilance doit rester de mise afin que ce statut ne soit pas dévoyé au profit, une fois de plus, d'une financiarisation galopante, notamment dans le secteur dentaire. Ce statut d'assistant de niveau 2 ne doit pas devenir un outil favorisant la multiplication d'actes inutiles – je pense par exemple aux redondances d'actes d'imagerie observées dans de nombreux centres dentaires à but lucratif.

Enfin, il ne faut pas oublier que le secteur dentaire fait face à d'importantes difficultés de formation. Près de la moitié des chirurgiens-dentistes qui s'installent chaque année en France ont été formés à l'étranger. Ils représentent aujourd'hui 14 % des praticiens exerçant sur notre territoire, contre 4 % en 2012. Le plus souvent, leur formation est insuffisante, et cela a donné lieu à de nombreux signalements d'actes mal réalisés auprès de l'ordre des chirurgiens-dentistes.

Formation, lutte contre la financiarisation, lutte contre les inégalités d'accès aux soins, le chemin reste long, mais ce texte va dans le bon sens. En conséquence, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, CRCE-K et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m'exprime aujourd'hui non seulement en tant qu'oratrice du groupe RDSE, mais également en tant que médecin exerçant sur un territoire proche de la Belgique, où la profession d'hygiéniste dentaire existe depuis plusieurs années déjà.

La proposition de loi présentée par notre collègue Raphaël Daubet constitue une excellente initiative. Elle traduit, sur le plan législatif, une demande de longue date de la profession. Son adoption permettra à la fois de dégager du temps médical pour les chirurgiens-dentistes, d'améliorer la prise en charge des pathologies complexes et de renforcer la prévention ainsi que l'offre de soins dentaires sur l'ensemble des territoires. Elle s'inscrit pleinement dans la dynamique des montées en compétences, devenues aujourd'hui indispensables.

La santé bucco-dentaire n'échappe pas aux difficultés d'accès aux soins : les délais s'allongent, la prévention recule et les inégalités territoriales se creusent. Cette proposition de loi apporte une réponse concrète et efficace, par la création d'une nouvelle profession de santé, l'assistant en santé bucco-dentaire, dotée d'une formation de niveau 5 et de compétences encadrées.

Cette évolution est le fruit d'un consensus né de l'échec du dispositif d'assistant dentaire de niveau 2, resté lettre morte faute de référentiel validé et de niveau de qualification suffisant. Pourquoi ce texte est-il décisif ? Parce que déléguer, c'est soigner mieux. L'assistant en santé bucco-dentaire pourra, sous la responsabilité du praticien, réaliser des actes d'imagerie à visée diagnostique, des actes prophylactiques tels que le détartrage, et certains gestes d'orthodontie ou de suivi post-chirurgical. Il pourra surtout mener, sans la présence physique du chirurgien-dentiste, des actions de prévention hors du cabinet, notamment dans les écoles, les établissements médico-sociaux et les Ehpad. J'insiste sur ce dernier point, car la santé bucco-dentaire constitue un rempart particulièrement efficace contre la dénutrition de nos aînés.

Ce dispositif représente un levier majeur pour dégager du temps médical au bénéfice des praticiens et un outil puissant pour aller à la rencontre des publics les plus vulnérables. L'exercice en cabinet de groupe ou en centre de santé est désormais majoritaire : le nombre de centres dentaires est passé de 896 en 2020 à 1 252 en 2023. Dans le même temps, l'augmentation constante du nombre d'assistants dentaires entre 2013 et 2023 témoigne de l'existence d'un vivier de professionnels formés, prêts à évoluer vers un niveau de qualification supérieur.

Cette proposition de loi répond donc à un besoin des patients et à une attente forte de la profession. Je salue l'équilibre trouvé par la commission des affaires sociales, notamment l'accès réservé aux assistants dentaires déjà en exercice et le respect du principe de responsabilité du praticien. Ces garde-fous garantissent à la fois une perspective d'évolution de carrière pour les assistants dentaires, la qualité et la sécurité des soins, et une libération de temps médical là où il fait le plus défaut.

Ce texte ne se limite pas à une réforme de métier, il porte une véritable vision de santé publique. En renforçant la prévention bucco-dentaire dès l'enfance, nous réduirons les pathologies évitables, les hospitalisations, la douleur chronique et, in fine, les coûts pour l'assurance maladie. Prévenir, c'est éviter des soins invasifs et coûteux pour les patients, c'est redonner du temps aux dentistes pour les actes de haute technicité. Prévenir, c'est traiter les causes plutôt que de courir après les conséquences.

En résumé, cette nouvelle profession constitue une réponse immédiate, territorialisée, compatible avec les pratiques de coordination et attractive pour les professionnels, qui attendent des perspectives d'évolution et une juste reconnaissance. C'est aussi un message d'unité adressé aux équipes de soins : chaque compétence compte, chacun doit pouvoir exercer au meilleur niveau de responsabilité.

Chers collègues, nous avons souvent, dans cet hémicycle, appelé à faire confiance aux soignants. Aujourd'hui, nous transformons cet appel en acte, grâce à un dispositif solide, équilibré et sécurisé. Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE recommande, bien évidemment, l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans les années 1950, avec sa chanson Blouse du dentiste, Henri Salvador montrait combien cette visite, perçue comme un supplice, inspirait la peur. Aujourd'hui, ce ne sont plus les soins que redoutent les Français, mais bien la difficulté à trouver ce fameux fauteuil. Justement, cette proposition de loi vise à réduire la fracture dans l'accès aux soins dentaires.

Les chiffres, hélas, parlent d'eux-mêmes. Malgré une hausse de plus de 15 % du nombre de chirurgiens-dentistes en quinze ans, les inégalités territoriales demeurent abyssales. Je n'ai de dent contre personne, mais nous ne pouvons pas continuer ainsi ! Nous comptons en moyenne un chirurgien-dentiste pour 1 400 habitants, mais les 10 % de territoires les mieux dotés bénéficient d'une accessibilité près de huit fois supérieure à celle des 10 % les moins bien pourvus. Parmi les professions de santé, la chirurgie dentaire présente l'une des plus fortes inégalités d'accès territorial.

C'est dans ce contexte qu'intervient la proposition de loi déposée par notre collègue Raphaël Daubet, enrichie par la rapporteure Guylène Pantel et adoptée à l'unanimité en commission. Elle crée une nouvelle profession de santé, l'assistant en santé bucco-dentaire. Ce métier, de niveau bac+2, sera inscrit au RNCP. Il s'exercera sous la responsabilité d'un chirurgien-dentiste, tout en bénéficiant d'une réelle autonomie pour mener des actions de prévention. La profession, comme le Sénat, soutient cette initiative concrète, car elle va dans le bon sens.

Avant d'en venir aux aspects positifs, il convient toutefois de rappeler ce qui aurait dû être fait. Nous ne devrions pas être ici ce matin. La loi Rist 2 du 19 mai 2023 avait déjà ouvert la voie à un élargissement des missions des assistants dentaires. Mais faute de décrets d'application, rien n'a vu le jour : aucun texte, aucun référentiel de formation, aucun professionnel concerné. Les ambitions du législateur sont restées lettre morte.

Lorsque le Parlement vote une loi, il faut que l'exécutif l'applique. Sinon, la crédibilité même de notre travail législatif s'en trouve affaiblie. Nous attendons donc du Gouvernement l'engagement clair que les décrets d'application de cette nouvelle loi soient publiés dans un délai raisonnable après sa promulgation.

Voyons maintenant le verre à moitié plein. Ces deux années ont permis de bâtir un dispositif plus solide et de créer une profession à part entière. Les obstacles identifiés ont été corrigés : le niveau de formation est précisé, la présence physique du chirurgien-dentiste n'est plus systématiquement exigée. Cette proposition de loi met en œuvre une logique d'aller-vers : vers les écoles, les Ehpad, les établissements médico-sociaux. Aller vers, sous la responsabilité d'un chirurgien-dentiste, mais sans exigence de contrôle constant, constitue une évolution de bon sens, au bénéfice des publics les plus vulnérables.

Aujourd'hui, la prévention bucco-dentaire s'adresse surtout aux jeunes, via le dispositif « M'T dents ». Pour les autres publics, elle demeure insuffisante. Chez les personnes âgées, 75 % des résidents d'Ehpad présentent un état bucco-dentaire dégradé ; 42 % d'entre eux n'ont pas consulté depuis plus de cinq ans, et une majorité d'établissements n'organisent aucun dépistage. Les conséquences sont connues : troubles de l'alimentation, dénutrition, douleurs chroniques, autant de situations évitables.

Chez les personnes en situation de handicap, le constat est tout aussi préoccupant. Merci, madame la ministre, d'en avoir parlé. Beaucoup d'établissements médico-sociaux n'ont plus de lien avec un cabinet dentaire. Les troubles sensoriels, la peur du soin ou le manque de formation des équipes rendent les consultations très difficiles. La Cour des comptes soulignait déjà, il y a plus de dix ans, la nécessité de développer les interventions dans les institutions accueillant des personnes handicapées. Cette proposition de loi répond précisément à cette recommandation.

Elle permettra à des professionnels spécifiquement formés de repérer les situations à risque, de sensibiliser les équipes et de mener des actions de prévention auprès des publics fragiles. Il me paraît essentiel que la formation de ces nouveaux assistants intègre des modules sur le handicap et le vieillissement : apprentissage de la communication adaptée, sensibilisation sensorielle, utilisation de pictogrammes ou de matériel spécifique. Ces compétences rendront la santé bucco-dentaire réellement accessible à tous.

Les déserts médicaux sont aussi dentaires. La création de cette nouvelle profession constitue donc un véritable outil d'organisation du temps médical. La délégation de certaines tâches – prophylaxie, imagerie, suivi postopératoire – pourrait libérer deux à trois heures par jour et par cabinet. Ce serait un gain considérable, tant pour les chirurgiens-dentistes que pour les patients. L'objectif est non pas de substituer les uns aux autres, mais de mieux articuler les compétences, et de permettre aux chirurgiens-dentistes de se concentrer sur les actes les plus techniques en confiant aux assistants la prévention, l'éducation à la santé bucco-dentaire et le suivi des patients à risque.

Pour éviter tout excès, la délégation sera strictement encadrée : le nombre d'assistants ne pourra excéder celui des praticiens présents sur le site ; les actes orthodontiques seront limités à la prophylaxie orthodontique ; toute intervention hors cabinet devra être formalisée par une convention avec la structure d'accueil. Il s'agit donc d'une délégation maîtrisée, comparable à ce qui a déjà été fait pour les assistants médicaux ou les infirmiers en pratique avancée.

Surtout, cette proposition de loi constitue une réponse concrète aux déserts dentaires. Le temps libéré dans les cabinets permettra d'accueillir davantage de patients et de réduire les délais d'attente. En créant cette nouvelle profession, nous donnons à la fois de l'air à nos dentistes et un meilleur accès aux soins à nos concitoyens. C'est une proposition de loi de confiance, d'organisation et d'équité territoriale. Le groupe Union Centriste la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)

Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la fracture territoriale en matière de santé publique est une réalité, et l'accès aux soins dentaires n'y échappe pas. Cette situation s'explique à la fois par une répartition inégale des chirurgiens-dentistes et par un nombre insuffisant de praticiens sur l'ensemble du territoire. Les zones rurales apparaissent ainsi très largement sous-dotées, tandis que les professionnels se concentrent dans les milieux urbains, privilégiant souvent l'exercice en cabinet de groupe ou en centre de santé.

Ces inégalités territoriales d'accès aux soins dentaires sont aggravées par l'impossibilité, pour les praticiens, de déléguer certaines tâches. En effet, le statut et la formation actuels des assistants dentaires ne leur permettent pas d'intervenir sans le contrôle direct du chirurgien-dentiste, ce qui empêche toute délégation de tâches.

Pourtant, la médecine a depuis plusieurs années accepté la délégation d'actes. Je pense notamment aux infirmiers et infirmières en pratique avancée, qui apportent un appui essentiel aux médecins dans la prise en charge de patients atteints de pathologies ciblées, ou encore aux orthoptistes, qui contribuent eux aussi à renforcer la qualité du parcours de soins. Bien que cette évolution soit positive, les chirurgiens-dentistes demeurent seuls face à une multitude de missions. L'impossibilité de déléguer a pour conséquence directe de réduire l'offre de soins disponible pour nos concitoyens.

L'initiative de notre collègue Raphaël Daubet est donc bienvenue. La proposition de loi que nous examinons ce matin est très attendue, tant par les chirurgiens-dentistes que par les assistants dentaires. Elle fait suite à l'échec, pour diverses raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, de la loi Rist 2 du 19 mai 2023, dont les dispositions visaient déjà à élargir les missions des assistants dentaires.

Cette proposition de loi crée, par son article unique, une profession d'assistant en prophylaxie bucco-dentaire, distincte de celle d'assistant dentaire. Les missions de ce nouvel assistant seraient doubles. D'une part, il assurerait une mission clinique et technique, sous le contrôle réel du praticien. D'autre part, il exercerait une mission de prévention en dehors des cabinets dentaires, sans être placé sous supervision directe.

Je me félicite que la commission ait partagé l'objectif de cette proposition de loi tout en y apportant des améliorations.

Limiter l'accès à la nouvelle profession aux assistants dentaires après une durée minimale d'exercice était souhaitable. De même, il était utile de souligner que la responsabilité du chirurgien-dentiste serait en jeu lorsque les missions du nouveau professionnel seront effectuées hors du lieu d'exercice.

Je me réjouis enfin que la commission ait remplacé le terme d'« assistant en prophylaxie bucco-dentaire » par celui d'« assistant en santé bucco-dentaire ». En effet, cette terminologie permet de mieux appréhender le rôle de ce nouveau professionnel dans sa globalité.

Avant de conclure, je tiens à saluer Mme la rapporteure, notre collègue Guylène Pantel, pour la qualité de ses travaux.

Créer une nouvelle profession d'assistant en santé bucco-dentaire, c'est libérer du temps médical. C'est aussi améliorer la prise en charge des patients et renforcer la prévention. C'est enfin redonner confiance aux territoires actuellement sous-dotés en offre de soins dentaires.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE, RDPI, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)

Mme Chantal Deseyne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi présentée par notre collègue Raphaël Daubet, dont l'ambition est de répondre à un enjeu majeur de santé publique : faciliter l'accès de nos concitoyens aux soins dentaires.

Pour y parvenir, il est proposé de créer une nouvelle profession de santé qui pourra se voir déléguer certains actes, ainsi que la réalisation de missions de prévention.

Comme l'a rappelé Mme la rapporteure, la loi Rist 2 de 2023 avait ouvert la voie à la création d'un assistant dentaire de niveau 2, censé pouvoir accomplir certains actes complémentaires.

Cette loi créait non pas une nouvelle profession, mais un niveau supplémentaire au sein de la profession existante. Plus de deux ans après sa promulgation, aucun texte d'application n'a toutefois encore vu le jour. Cette mesure est donc restée lettre morte.

C'est précisément la correction qu'apporterait la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en créant une profession à part entière, avec un cadre clair, une formation dédiée et de véritables missions.

Ce texte est d'autant plus important que beaucoup de nos concitoyens peinent à obtenir un rendez-vous chez le dentiste, en particulier dans les zones rurales, comme cela a été rappelé.

Si les assistants dentaires jouent un rôle indispensable auprès des praticiens, leurs missions sont aujourd'hui limitées. Aucune délégation de tâche n'est possible et la prévention bucco-dentaire reste trop souvent absente.

Le texte que nous examinons propose donc de créer un nouveau métier, assistant en prophylaxie bucco-dentaire, dont la dénomination a été modifiée, à bon escient, par Mme la rapporteure. Il est, en effet, plus aisé de parler d'assistant en santé bucco-dentaire.

Ces nouveaux professionnels de santé auront deux types de missions. En cabinet, d'une part, ils pourraient participer, sous la supervision d'un chirurgien-dentiste, à certains actes comme les détartrages, le contrôle des muqueuses ou encore l'accompagnement postopératoire. Hors du cabinet, d'autre part, ils mèneraient des actions de prévention dans les écoles, les Ehpad ou les établissements médico-sociaux.

Bien sûr, un encadrement strict est prévu. Le nombre d'assistants sera d'abord limité pour garantir le contrôle effectif du praticien et prévenir toute dérive vers une industrialisation des soins.

L'accès à la nouvelle profession sera par ailleurs réservé aux assistants dentaires expérimentés via la formation continue. Un décret en Conseil d'État, préparé en concertation avec les ordres et les académies, précisera la liste des actes autorisés afin de garantir la sécurité des patients et la qualité des soins.

J'insiste sur ce point : la prévention bucco-dentaire est un véritable enjeu de santé publique. Chez les enfants comme chez les personnes âgées, un meilleur suivi permet d'éviter des pathologies beaucoup plus lourdes.

Dans les Ehpad, les nouveaux assistants seraient en mesure d'identifier rapidement les situations à risque et de faciliter l'orientation des patients vers un dentiste. En cabinet, leur présence permettrait aux praticiens de se consacrer davantage aux interventions les plus techniques.

Mes chers collègues, cette proposition de loi est à la fois pragmatique et ambitieuse. Elle constitue une avancée attendue par les professionnels et devrait améliorer l'accès aux soins dentaires de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte.

Je vous remercie particulièrement de votre attention : il n'est pas simple d'intervenir en dernière position sur une proposition de loi qui fait l'unanimité ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE, RDPI et INDEP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi créant la profession d'assistant en santé bucco-dentaire

Article unique

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Aux intitulés du livre III de la quatrième partie et du titre IX du même livre III, après le mot : « dentaires », sont insérés les mots : « , assistants en santé bucco-dentaire » ;

2° Le chapitre III bis du même titre IX est ainsi modifié :

a) L'intitulé est ainsi rédigé : « Chapitre III bis : Assistants dentaires et assistants en santé bucco-dentaire » ;

b) Après l'article L. 4393-18, sont insérés des articles L. 4393-18-1 à L. 4393-18-10 ainsi rédigés :

« Art. L. 4393-18-1. – L'assistant en santé bucco-dentaire est un professionnel de santé qui exerce sous la responsabilité et le contrôle effectif d'un chirurgien-dentiste ou d'un médecin exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire. Il participe aux actes d'imagerie à visée diagnostique, aux actes prophylactiques, aux actes de prophylaxie orthodontique et à des soins postchirurgicaux.

« Le nombre d'assistants en santé bucco-dentaire contribuant aux actes d'imagerie à visée diagnostique, aux actes prophylactiques, aux actes de prophylaxie orthodontique ou à des soins postchirurgicaux ne peut, sur un même site d'exercice de l'art dentaire, excéder le nombre de chirurgiens-dentistes ou de médecins exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire effectivement présents.

« L'assistant en santé bucco-dentaire peut intervenir, sans le contrôle effectif mais sous la responsabilité du chirurgien-dentiste ou du médecin exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire, dans le cadre d'actions de prévention, d'éducation à la santé bucco-dentaire ou de suivi prophylactique réalisées dans un établissement de santé mentionné à l'article L. 6111-1, un établissement social et médico-social mentionné à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles ou un établissement d'enseignement scolaire mentionné aux titres I à IV du livre IV de la deuxième partie du code de l'éducation.

« Une convention entre le chirurgien-dentiste ou le médecin exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire et la structure d'accueil fixe les conditions d'intervention de l'assistant en santé bucco-dentaire.

« La liste des activités et des actes que l'assistant en santé bucco-dentaire peut se voir confier ainsi que les conditions de leur réalisation sont déterminées par décret en Conseil d'État pris après avis de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie nationale de chirurgie dentaire. Les conseils nationaux des ordres intéressés sont également consultés.

« Art. L. 4393-18-2. – L'assistant en santé bucco-dentaire exerce dans un cabinet dentaire, un établissement de santé mentionné à l'article L. 6111-1, un établissement social et médico-social mentionné à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, un établissement d'enseignement scolaire mentionné aux titres I à IV du livre IV de la deuxième partie du code de l'éducation ou dans toute structure autorisée à délivrer des soins bucco-dentaires.

« L'assistant en santé bucco-dentaire est soumis au secret professionnel.

« Art. L. 4393-18-3. – Peuvent exercer la profession d'assistant en santé bucco-dentaire les assistants dentaires qui justifient d'une durée d'exercice minimale de leur profession et sont titulaires du titre de formation français permettant l'exercice de cette profession.

« Les modalités de la formation, notamment les conditions d'accès, la durée d'exercice minimale de l'exercice de la profession d'assistant dentaire, le référentiel des compétences ainsi que les modalités de délivrance de ce titre, sont fixés par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis d'une commission comprenant des représentants de l'État, des chirurgiens-dentistes et des assistants dentaires et dont la composition est fixée par décret.

« Art. L. 4393-18-4 et L. 4393-18-5. – (Supprimés)

« Art. L. 4393-18-6. – Par dérogation à l'article L. 4393-18-3, l'autorité compétente peut autoriser individuellement les étudiants en chirurgie dentaire qui ont obtenu un niveau de connaissance suffisant à exercer la profession d'assistant en santé bucco-dentaire dans les cabinets dentaires pendant la durée de leurs études.

« Le niveau de formation requis et les conditions de mise en œuvre de cette autorisation sont fixés par décret.

« Art. L. 4393-18-7. – L'autorité compétente peut, après avis d'une commission composée notamment de professionnels, autoriser individuellement à exercer la profession d'assistant en santé bucco-dentaire les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui, sans posséder le titre de formation mentionné à l'article L. 4393-18-3, sont titulaires :

« 1° De titres de formation délivrés par un ou plusieurs États, membres ou parties, et requis par l'autorité compétente de ces États, membres ou parties, qui réglementent l'accès à cette profession ou son exercice, et permettant d'exercer légalement ces fonctions dans ces États ;

« 2° Ou, lorsque les intéressés ont exercé dans un ou plusieurs États, membres ou parties, qui ne réglementent ni la formation, ni l'accès à cette profession ou son exercice, de titres de formation délivrés par un ou plusieurs États, membres ou parties, attestant de la préparation à l'exercice de la profession, accompagnés d'une attestation justifiant, dans ces États, de son exercice à temps plein pendant un an ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix dernières années ;

« 3° Ou d'un titre de formation délivré par un État tiers et reconnu dans un État, membre ou partie, autre que la France, permettant d'y exercer légalement la profession. L'intéressé justifie avoir exercé la profession pendant trois ans à temps plein ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente dans cet État, membre ou partie.

« Dans ces cas, lorsque l'examen des qualifications professionnelles attestées par l'ensemble des titres de formation initiale, de l'expérience professionnelle pertinente et de la formation tout au long de la vie ayant fait l'objet d'une validation par un organisme compétent fait apparaître des différences substantielles au regard des qualifications requises pour l'accès et l'exercice de la profession d'assistant en santé bucco-dentaire en France, l'autorité compétente exige que l'intéressé se soumette à une mesure de compensation.

« Selon le niveau de qualification exigé en France et celui détenu par l'intéressé, l'autorité compétente peut soit proposer au demandeur de choisir entre un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude, soit imposer un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude, soit imposer un stage d'adaptation et une épreuve d'aptitude.

« La nature des mesures de compensation selon les niveaux de qualification en France et dans les autres États, membres ou parties, est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé.

« La délivrance de l'autorisation d'exercice permet à l'intéressé d'exercer la profession dans les mêmes conditions que les personnes titulaires du titre mentionné à l'article L. 4393-18-3.

« L'assistant en santé bucco-dentaire peut faire usage de son titre de formation dans la langue de l'État qui le lui a délivré. Il est tenu de faire figurer le lieu et l'établissement où il l'a obtenu.

« Dans le cas où le titre de formation de l'État d'origine, membre ou partie, est susceptible d'être confondu avec un titre exigeant en France une formation complémentaire, l'autorité compétente peut décider que l'assistant en santé bucco-dentaire fait état du titre de formation de l'État d'origine, membre ou partie, dans une forme appropriée qu'elle lui indique.

« L'intéressé porte le titre professionnel d'assistant en santé bucco-dentaire.

« La composition et le fonctionnement de la commission mentionnée au premier alinéa du présent article ainsi que les conditions dans lesquelles l'intéressé est soumis à une mesure de compensation sont déterminés par décret en Conseil d'État.

« Art. L. 4393-18-8 (nouveau). – L'assistant en santé bucco-dentaire, ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui est établi et exerce légalement les activités d'assistant en santé bucco-dentaire dans un État, membre ou partie, peut exécuter en France des actes professionnels, de manière temporaire ou occasionnelle.

« Lorsque l'exercice ou la formation conduisant à la profession n'est pas réglementé dans l'État où il est établi, le prestataire de services doit justifier avoir exercé dans un ou plusieurs États, membres ou parties, pendant un an au moins à temps plein ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix années précédentes. L'exécution de cette activité est subordonnée à une déclaration préalable qui est accompagnée de pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Le prestataire joint une déclaration concernant les connaissances linguistiques nécessaires à la réalisation de la prestation.

« L'assistant en santé bucco-dentaire prestataire de services est soumis aux conditions d'exercice de la profession ainsi qu'aux règles professionnelles applicables en France. L'assistant en santé bucco-dentaire prestataire de services ne peut exercer que sous la responsabilité et le contrôle effectif d'un chirurgien-dentiste ou d'un médecin.

« Les qualifications professionnelles de l'assistant en santé bucco-dentaire prestataire de services sont vérifiées par l'autorité compétente, après avis d'une commission composée notamment de professionnels, avant la première prestation de service. En cas de différence substantielle entre les qualifications du prestataire et la formation exigée en France, de nature à nuire à la santé publique, l'autorité compétente soumet le professionnel à une épreuve d'aptitude.

« L'assistant en santé bucco-dentaire prestataire de services peut faire usage de son titre de formation dans la langue de l'État qui le lui a délivré. Il est tenu d'y faire figurer le lieu et l'établissement où il l'a obtenu.

« Dans le cas où le titre de formation de l'État d'origine, membre ou partie, est susceptible d'être confondu avec un titre exigeant en France une formation complémentaire, l'autorité compétente peut décider que l'intéressé fait état du titre de formation de l'État d'origine, membre ou partie, dans une forme appropriée qu'elle lui indique.

« La prestation de services est réalisée sous le titre professionnel de l'État d'établissement, de manière à éviter toute confusion avec le titre professionnel français. Toutefois, dans le cas où les qualifications ont été vérifiées, la prestation de services est réalisée sous le titre professionnel français.

« La composition et le fonctionnement de la commission mentionnée au quatrième alinéa du présent article ainsi que les modalités de vérification des qualifications professionnelles sont déterminés par décret en Conseil d'État.

« Art. L. 4393-18-9 (nouveau). – L'assistant en santé bucco-dentaire, lors de la délivrance de l'autorisation d'exercice ou de la déclaration de prestation de services, doit posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession et les connaissances relatives aux systèmes de poids et mesures utilisés en France.

« Le contrôle de la maîtrise de la langue doit être proportionné à l'activité à exercer et réalisé une fois la qualification professionnelle reconnue.

« Art. L. 4393-18-10 (nouveau). – Les personnes ayant obtenu un titre de formation ou une autorisation requis pour l'exercice de la profession d'assistant en santé bucco-dentaire sont tenues de se faire enregistrer auprès du service ou de l'organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé avant leur entrée dans la profession.

« L'enregistrement de ces personnes est réalisé après vérification des pièces justificatives attestant de leur identité et de leur titre de formation ou de leur autorisation. Elles informent le même service ou organisme de tout changement dans leur situation professionnelle.

« La procédure d'enregistrement est sans frais.

« Il est établi, pour chaque département, par le service ou l'organisme désigné à cette fin, des listes distinctes de ces professions, portées à la connaissance du public.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. » ;

c) (nouveau) La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 4393-8 est supprimée ;

d) (nouveau) L'article L. 4393-18 est abrogé ;

3° Après l'article L. 4394-4, il est inséré un article L. 4394-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4394-4-1. – L'usage sans droit de la qualité d'assistant en santé bucco-dentaire ou d'un diplôme, certificat, ou autre titre légalement requis pour l'exercice de cette profession est puni comme le délit d'usurpation de titre prévu à l'article 433-17 du code pénal.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ce délit, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du même code. Elles encourent les peines prévues pour le délit d'usurpation de titre aux articles 433-17 et 433-25 dudit code. » ;

4° (nouveau) Au premier alinéa de l'article L. 4011-1, après la référence : « L. 4393-8, », est insérée la référence : « L. 4393-18-1, » ;

5° (nouveau) Au deuxième alinéa du IV de l'article L. 6323-1-11, après le mot : « chirurgiens-dentistes, », sont insérés les mots : « des assistants en santé bucco-dentaire, ».

M. le président. Sur l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi, je n'ai été saisi d'aucun amendement.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de loi, dont la commission a ainsi rédigé l'intitulé : proposition de loi créant la profession d'assistant en santé bucco-dentaire.

Je rappelle que le vote sur l'article vaudra vote sur l'ensemble de la proposition de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 22 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 341
Contre 0

Le Sénat a adopté à l'unanimité. (Applaudissements.)

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Création d'un fichier national des personnes inéligibles

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, la discussion de la proposition de loi visant à créer un fichier national des personnes inéligibles, présentée par Mme Sophie Briante Guillemont et plusieurs de ses collègues (proposition n° 884 [2024-2025], texte de la commission n° 90, rapport n° 89).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, auteure de la proposition de loi.

Mme Sophie Briante Guillemont, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous nous apprêtons à débattre part d'un constat.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, personne n'est capable de dire combien il existe, aujourd'hui en France, de personnes inéligibles ni exactement de qui il s'agit. C'est un problème pour les services enregistrant les candidatures, mais aussi pour notre démocratie.

L'éligibilité est un droit fondamental appartenant à la catégorie des droits dits politiques : celui de prendre part directement à la direction des affaires publiques de son pays, c'est-à-dire de se présenter aux élections.

Le fait de perdre ce droit n'a rien d'anodin. Hormis les inéligibilités dites fonctionnelles, qui sont liées à une fonction particulière pouvant avoir une influence sur le corps électoral dans un territoire et pour un temps déterminé, les autres inéligibilités prévues par la loi sont prononcées par le juge. Ce sont uniquement celles-ci qui nous occuperont aujourd'hui.

Historiquement, la conception française de ce droit va de pair avec la notion de devoir. Tout mandat de représentant exige d'être à la hauteur de la fonction. Cela implique un certain discernement – c'est la raison pour laquelle les majeurs protégés en ont été privés –, ainsi que des qualités morales : les citoyens ayant commis certains faits ne peuvent pas prétendre représenter les Français.

Si ces notions ont quelque peu évolué, le droit d'éligibilité est devenu plus subjectif avec le temps, et davantage attaché à la personne qu'au citoyen. Le droit électoral français reflète cette distinction.

Quatre juges peuvent actuellement prononcer l'inéligibilité : le juge pénal, le juge administratif, le Conseil constitutionnel et le juge des contentieux de la protection, auparavant dénommé juge des tutelles.

Le juge pénal prononce de plus en plus de peines complémentaires d'inéligibilité. Depuis la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, cette exigence a été renforcée : la peine complémentaire d'inéligibilité est désormais obligatoirement prononcée pour certains crimes et délits, dans une optique de probité et d'exemplarité.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Entre 2015 et 2017, moins de cinquante condamnations ont entraîné une mesure d'inéligibilité. Pour la seule année 2024, on en recense en revanche près de 16 000, alors même que ces peines ne sont prononcées que dans 42 % des cas et sont expressément écartées par le juge pour le reste des condamnations.

Pour leur part, le juge administratif et le Conseil constitutionnel peuvent prononcer l'inéligibilité d'un candidat dans deux cas de figure : lorsque les manœuvres électorales de ce dernier ont été exposées et, seconde situation, lorsque les règles de financement des campagnes électorales ont été enfreintes.

Si la première situation concerne de rares cas, le nombre de ceux qui relèvent de la seconde explose. L'accroissement du nombre de contentieux en matière de comptes de campagne est d'ailleurs un sujet en lui-même, étant donné la complexité des règles applicables.

Entre 2021 et 2025, le Conseil constitutionnel a ainsi rendu plus de cinq cents décisions d'inéligibilité pour les seuls candidats aux élections législatives et sénatoriales. En ce qui concerne le juge administratif, qui a compétence sur les élections locales et sur celles des représentants français au Parlement européen, le ministère de l'intérieur n'a pas été en mesure de nous fournir des chiffres.

À ces situations où l'inéligibilité est prononcée comme une peine ou une sanction s'ajoute le cas particulier des majeurs protégés. En 2024, plus de 60 000 personnes ont été placées sous tutelle ou curatelle.

Le code électoral prévoit l'inéligibilité de ces personnes, non pas dans un objectif répressif, mais, dans la continuité des raisons historiques que j'évoquais précédemment, en raison de leur capacité limitée à représenter leurs concitoyens et, potentiellement, à gouverner.

Ce dernier point mériterait peut-être d'être débattu, mais tel n'est pas l'objet de la présente proposition de loi. Celle-ci vise en effet non pas à modifier les motifs d'inéligibilité, mais simplement à recenser les personnes concernées.

Au total, plus de 80 000 personnes par an sont ainsi déclarées inéligibles, sans que nous soyons capables de centraliser cette information.

Les sources de l'inéligibilité sont donc multiples, ses fondements variés, ses justifications diverses ; et l'information en la matière éclatée, morcelée, pour ne pas dire, dans certains cas, inaccessible.

En vertu de la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie, dite loi Bien Vieillir, les mesures liées au majeur protégé devraient être regroupées dans un fichier dédié. Toutefois, le décret d'application n'est pas encore paru à ce jour.

En attendant la création d'un tel fichier, la seule manière de vérifier effectivement qu'un candidat n'est pas sous tutelle ou sous curatelle est d'obtenir son acte de naissance. En la matière, une simple déclaration sur l'honneur ne saurait suffire, en particulier lorsqu'elle provient d'une personne dont les facultés sont altérées ou qui ne peut pas veiller sur ses propres intérêts.

Les décisions du juge administratif sont notifiées au ministère de l'intérieur, qui ne tient pour le moment aucun registre recensant ces décisions. Celles du Conseil constitutionnel sont publiées au Journal officiel et ne sont pas anonymes, mais elles ne font pas l'objet d'une centralisation.

Enfin, concernant le casier judiciaire national, les services en charge de l'enregistrement des candidatures peuvent théoriquement demander, en vertu de la loi de 2017 précitée, la transmission du bulletin n° 2 (B2) des candidats. En pratique, cependant, le système ne permet aucune transmission automatisée. Les demandes doivent donc être réalisées une par une.

Pour donner un ordre de grandeur, le ministère de l'intérieur attend environ 950 000 candidatures aux prochaines élections municipales. Cela représente près d'un million de demandes de B2 à transmettre manuellement dans un délai plus que restreint, les autorités ne disposant que de quatre jours entre le dépôt de la candidature et la remise du récépissé.

C'est, disons-le franchement, matériellement impossible. Dès lors, le ministère de l'intérieur n'a d'autre choix que de procéder par échantillonnage. De fait, lors des élections municipales de 2020, seulement 6 % des candidatures avaient fait l'objet d'une vérification du B2 et une seule inéligibilité avait été détectée.

Face à ce constat, un rapport inter-inspections, remis en juin 2020 par l'inspection générale des finances, l'inspection générale de l'administration et l'inspection générale des affaires étrangères, ainsi qu'un rapport de la Cour des comptes rendu à l'automne 2024 préconisent tous deux la création d'un répertoire national des personnes inéligibles.

Tel est l'objet de la proposition de loi que je vous soumets aujourd'hui, enrichie par l'excellent travail du rapporteur Olivier Bitz, que je tiens à saluer et à remercier.

Soyons clairs, ce répertoire ne crée ni n'éteint aucun droit. Il a pour but non pas de juger ou de sanctionner, mais seulement de recenser. Il rassemblerait les décisions d'inéligibilité déjà rendues, qu'elles émanent du juge pénal, du juge administratif et du Conseil constitutionnel, ainsi que les mesures de tutelle et de curatelle.

L'objectif est double : d'une part, faciliter le travail des préfectures et, dans le cas de l'élection des conseillers des Français de l'étranger, des consulats ; d'autre part, garantir la sincérité du processus électoral.

Aujourd'hui, les agents chargés d'enregistrer les candidatures doivent, en quatre jours, consulter le casier judiciaire des candidats, vérifier leurs actes de naissance et lire le Journal officiel. C'est tout à fait impossible.

Un tel répertoire vise donc simplement à rendre le contrôle réalisable. Ce serait d'ailleurs aussi un progrès en matière de protection des données personnelles : actuellement, lorsque l'autorité compétente pour enregistrer une candidature reçoit le B2 d'un candidat, elle obtient toutes ses condamnations, y compris celles qui sont sans lien avec une éventuelle incapacité à se présenter aux élections.

Le répertoire, au contraire, se limiterait à l'information strictement nécessaire, à savoir la mention de l'inéligibilité effective.

Enfin, il s'agit également de renforcer la confiance dans le processus électoral. L'an dernier, dans la deuxième circonscription du Jura, une élection législative a été annulée au motif que l'un des candidats, placé sous curatelle renforcée, était inéligible. L'information a été révélée par la presse entre les deux tours, mais la machine électorale était déjà lancée. Il a fallu attendre la saisine du Conseil constitutionnel et sa décision, que l'on connaissait à l'avance, pour que l'élection soit finalement annulée.

Une telle situation n'est pas seulement absurde ; elle est coûteuse, tant pour l'État que pour la démocratie. Organiser une élection implique en effet de mobiliser des moyens et du personnel, d'agencer les bureaux de vote, d'imprimer des affiches et des bulletins ou encore de recruter des scrutateurs.

C'est aussi appeler aux urnes des citoyens, à qui il est tout de même difficile d'expliquer qu'une personne inéligible est passée entre les mailles du filet.

Nous le savons, les élections partielles enregistrent des taux de participation souvent déplorables, ce qui nuit chaque fois un peu plus à la démocratie représentative.

Bien sûr, la mise en place d'un tel registre aura un coût initial, cela a été relevé lors des auditions. Toutefois, comme le souligne également le rapport, des gains de coût et de temps sont aussi espérés à long terme, car l'objectif est d'éviter d'annuler des élections.

Un tel outil, qui a vocation à s'appliquer à toutes les élections françaises, est indispensable pour garantir la sincérité et la solidité de nos procédures électorales. Il y va également de la crédibilité de la justice : ses décisions doivent être respectées.

Pour terminer, j'aimerais revenir sur un point d'ordre technique. Aussi bien pendant les travaux de rédaction du texte que pendant l'examen du rapport est apparue de façon évidente la grande complexité de notre droit des élections, en particulier celle du code électoral.

Il n'est pas rare que ses articles contiennent des renvois en cascade vers une autre partie du code, puis vers une autre, puis encore une autre, ce qui rend la navigation dans ce code et la compréhension particulièrement complexes.

Une partie du droit électoral n'est même pas codifiée. C'est le cas, d'ailleurs, en dehors des élections législatives, des dispositions concernant les représentants des Français de l'étranger.

Il faudra donc un jour mener à terme un chantier d'ampleur : la clarification et l'harmonisation du code électoral. Les citoyens et les candidats doivent pouvoir disposer d'une loi claire et intelligible.

Mes chers collègues, la présente proposition de loi a vocation à apporter de la lisibilité à notre administration et à renforcer la confiance dans le processus électoral. Ces deux objectifs sont particulièrement chers au groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, que je remercie d'avoir fait inscrire ce texte à l'ordre du jour.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de voter en faveur de la création d'un répertoire national des personnes inéligibles. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et GEST. – Mme Nadia Sollogoub, ainsi que MM. Martin Lévrier et Jean-Claude Tissot applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Bitz, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin la proposition de loi visant, dans son intitulé adopté par la commission des lois, à créer un répertoire national des personnes inéligibles.

Je tiens à remercier l'auteure de la proposition de loi, Sophie Briante Guillemont, de cette initiative, ainsi que le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen de l'avoir fait inscrire à l'ordre du jour.

Ce texte a été adopté à l'unanimité par la commission des lois, qui a vu dans la création d'une base de données unique centralisant l'ensemble des informations relatives à l'inéligibilité des personnes majeures une mesure bienvenue, et ce pour deux raisons principales.

En amont des élections, une telle base de données permettrait aux services chargés de recevoir les déclarations de candidature d'effectuer un contrôle rapide et exhaustif de l'absence d'inéligibilité des candidats.

En aval des élections, elle limiterait le risque d'annulation par le juge pour des motifs d'inéligibilité qui auraient dû être identifiés lors du dépôt des candidatures. Cela pourrait contribuer, in fine, à restaurer la confiance des citoyens dans le processus électoral.

En effet, alors même que la vérification de l'absence d'inéligibilité revêt une importance décisive au regard de la sincérité du scrutin, il n'existe pas, aujourd'hui, d'instrument de contrôle systématique et automatique permettant de valider, dans les délais contraints de l'enregistrement incombant aux préfectures, qu'aucun candidat ne se trouve dans une situation d'inéligibilité.

Comme l'a rappelé l'auteure de la proposition, il existe quatre principaux types d'inéligibilité : celles qui résultent d'une condamnation pénale ; celles qui sont prononcées par le juge électoral, notamment en cas de violation de la législation relative aux comptes de campagne ; celles qui sont liées à l'absence de capacité juridique et qui concernent les personnes placées sous tutelle ou sous curatelle ; et, enfin, les inéligibilités fonctionnelles, variables selon l'élection, qui visent principalement à éviter les conflits d'intérêts et qui, à la différence des trois autres motifs, sont subjectives et relatives.

S'il existe des outils permettant d'assurer un contrôle a priori de l'absence d'inéligibilité, ce contrôle demeure extrêmement restreint. En particulier, le casier judiciaire national n'est pas équipé pour assurer une transmission automatisée aux préfectures des bulletins n° 2, qui mentionnent l'éventuelle peine d'inéligibilité.

En conséquence, les services des préfectures sont contraints de faire une demande expresse pour chaque candidat, ce qui rend le système actuel inadapté au volume à traiter, au regard, d'une part, du nombre de candidats – plus de 900 000 candidatures ont été enregistrées aux élections municipales de 2020 –, d'autre part, de la tendance à la hausse du nombre de peines complémentaires d'inéligibilité.

À cet égard, la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a rendu obligatoire le prononcé de ces peines, si bien que, en 2024, on comptait environ 16 000 condamnations.

Certes, des améliorations sont en cours. La nouvelle application B2+, qui sera déployée par le ministère de la justice d'ici à la fin de l'année, devrait permettre aux préfectures, lors des prochaines élections municipales, d'obtenir le B2 des candidats dans un délai maximal de quarante-huit heures. Toutefois, le contrôle ne pourra toujours pas être systématique ni intégral.

Par ailleurs, il n'existe pas davantage de système d'information centralisé répertoriant les décisions de placement sous tutelle ou curatelle. En effet, le registre des mesures de protection des majeurs protégés prévu par la loi Bien Vieillir du 8 avril 2024 n'a pas encore vu le jour.

Quant aux décisions prononçant l'inéligibilité rendues par les juridictions administratives et par le Conseil constitutionnel, elles sont transmises aux services du ministère de l'intérieur sans que le caractère intégral et immédiat de la transmission puisse être garanti avec certitude.

Dans ce contexte, la proposition de Sophie Briante Guillemont de créer un fichier national des personnes inéligibles présente un intérêt évident, en tout premier lieu pour les services chargés d'enregistrer les candidatures.

C'est pourquoi la commission a adopté à l'unanimité la proposition de loi, en y apportant quelques modifications, de manière à assurer l'efficacité, l'opérationnalité et la lisibilité du dispositif.

Tout d'abord, la commission a modifié à deux titres la liste des informations ayant vocation à figurer dans le futur fichier.

D'une part, dans un objectif de minimisation et de proportionnalité des données traitées, tel qu'il est posé par le règlement général sur la protection des données (RGPD) et par la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, elle a supprimé certaines données, comme la nationalité ou le domicile, qui sont apparues sans lien avec la finalité du traitement.

D'autre part, elle a jugé nécessaire d'ajouter à cette liste la totalité des prénoms et le lieu de naissance, afin de garantir l'identification univoque de la personne concernée.

En outre, dans sa version initiale, la proposition de loi comportait plusieurs dispositions relatives aux modalités de gestion, d'alimentation et de consultation du fichier.

La commission a jugé que celles-ci relevaient davantage du règlement que de la loi. À titre d'exemple, il reviendra au Gouvernement de décider à quel ministère la gestion du fichier doit être confiée. Le texte a ainsi été resserré sur ses seules dispositions de nature législative.

Évidemment, souligner l'intérêt que présenterait ce nouveau fichier n'empêche pas de rappeler les contraintes techniques et budgétaires auxquelles serait soumise sa mise en œuvre. En particulier, la commission n'ignore pas les importants développements informatiques qui seraient nécessaires.

Du reste, nous en convenons tous, le fichier ne pourrait assurément pas être opérationnel dès les prochaines élections municipales. La commission a toutefois jugé souhaitable de donner un horizon temporel raisonnable à la mise en œuvre de cet outil, en retenant la date du 31 décembre 2029.

De plus, la commission a renforcé l'effectivité du dispositif en rendant obligatoire la consultation du nouveau fichier par les autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidature.

À ce sujet, il convient de prévoir des mesures de coordination complémentaires, de manière à rendre applicable cette obligation de consultation aux élections régies par d'autres textes que le seul livre Ier du code électoral, notamment les élections sénatoriales qui nous sont chères, les élections des représentants au Parlement européen ou encore les élections relatives aux Français établis hors de France.

Tel est l'objectif des amendements que la commission des lois vous présentera tout à l'heure, mais aussi de l'amendement déposé par l'auteure de ce texte.

Je rappellerai, pour conclure, que la commission a également adopté, par souci de clarté, deux modifications de forme. Elle a ainsi regroupé l'ensemble des dispositions au sein d'un nouvel article L. 45-2 du code électoral, qui prendrait sa place dans le chapitre relatif aux conditions d'éligibilité et d'inéligibilité.

Par ailleurs, elle a renommé le futur dispositif « répertoire national des personnes inéligibles », par cohérence avec l'appellation déjà retenue en matière électorale.

Si elle était adoptée, cette proposition de loi créerait un outil de contrôle efficace des candidatures aux élections, au service d'une concurrence équitable entre candidats et de la sincérité du scrutin.

C'est la raison pour laquelle la commission des lois vous propose d'adopter le texte ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur Olivier Bitz, madame la présidente de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi soulève un enjeu majeur de rigueur démocratique.

En effet, contrôler l'éligibilité des candidats revient à conforter la crédibilité du processus électoral, le bon déroulement d'une élection et, en bout de chaîne, l'image de la démocratie.

Comme l'a rappelé Mme la sénatrice, l'annulation de l'élection législative de 2024 dans la deuxième circonscription du Jura a marqué les esprits : un candidat était qualifié au second tour alors qu'il était sous curatelle et, à ce titre, inéligible.

Il est vrai que des moyens de contrôle existent ; ils permettent aux préfectures, pour chaque élection, de contrôler les candidatures. Rien n'est cependant systématisé ni formalisé dans un fichier unique.

En déposant cette proposition de loi, Mme la sénatrice Sophie Briante Guillemont a donc pour ambition de centraliser les décisions d'inéligibilité prononcées par les juridictions, par le juge de l'élection, ainsi que les mesures de protection juridique limitant la capacité électorale.

Une telle initiative parlementaire permet de répondre aux difficultés que le Conseil constitutionnel est amené à constater a posteriori. Elle permet également de satisfaire les recommandations de la Cour des comptes.

Madame la sénatrice, votre proposition a le mérite de viser clairement un triple objectif politique : garantir la transparence des candidatures, renforcer la crédibilité de la vie publique et maintenir la confiance des citoyens dans nos institutions.

En centralisant des informations aujourd'hui dispersées, le dispositif que vous appelez de vos vœux permettrait de fluidifier les contrôles opérés par les services de l'État au moment du dépôt des candidatures.

Si le Gouvernement comprend votre intention, qui est fort pertinente, la mise en œuvre d'une telle proposition de loi serait néanmoins loin d'être évidente d'un point de vue technique, mais aussi d'un point de vue juridique.

Sur le plan opérationnel, il convient de rappeler que l'ensemble des informations relatives aux inéligibilités sont déjà accessibles : elles figurent dans le casier judiciaire et les décisions de justice sont soumises au principe de publicité.

La création d'un répertoire centralisé soulève également la question du rapport entre son coût et son utilité réelle, d'autant que la réalité statistique de l'inéligibilité ne plaide pas en sa faveur. Ainsi, en 2018, seulement 10 678 peines d'inéligibilité ont été prononcées, ce qui concerne moins de 0,022 % du corps électoral. Certes, comme vous l'avez rappelé, c'est déjà trop.

Pour prendre un exemple concret, lors des dernières élections municipales, celles de 2020, près de 62 000 candidatures ont fait l'objet d'une demande de communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire dans le cadre du contrôle d'éligibilité a priori par les services préfectoraux. Un seul cas d'inéligibilité a alors été constaté. J'y insiste : un seul !

Par ailleurs, le nouveau service B2+, qui sera déployé par le ministère de la justice d'ici à la fin de l'année, permettra aux services préfectoraux d'obtenir, pour les élections municipales et communautaires de mars prochain, le B2 d'un candidat dans un délai maximal de vingt-quatre à quarante-huit heures. Une systématisation du contrôle est à l'étude, afin que les services puissent traiter plus rapidement l'intégralité des candidatures et, ainsi, rendre, dans des délais très courts, un avis sur l'éligibilité des candidats. Ce nouveau mécanisme contribuera à simplifier le contrôle de l'éligibilité, à garantir son efficacité et sa transparence.

Un dispositif complémentaire permet déjà aujourd'hui au juge, lorsque l'inéligibilité d'un élu est découverte après les élections, de prononcer la démission d'office de ce dernier. Cela met immédiatement fin à son mandat et relance le processus électoral.

N'oublions pas non plus – c'est une réalité – que les cas d'inéligibilité sont aussi souvent connus localement, grâce notamment à la proximité avec le territoire des services de l'État, qui identifient facilement des candidats frappés d'inéligibilité.

Sur le plan technique, la mise en œuvre de l'outil envisagé dans ce texte demanderait la création de lourdes interconnexions entre les systèmes du ministère de la justice, du Conseil constitutionnel et du ministère de l'intérieur. Elle impliquerait de normaliser la codification des peines et de créer des interfaces de consultation. Cela engendrerait des coûts de développement, de maintenance et de sécurisation non négligeables.

Cette proposition de loi est donc à la fois clairement légitime en ce qui concerne la vision qui la sous-tend, pertinente en raison de l'objectif visé, mais également complexe à mettre en œuvre. Elle répond à une préoccupation réelle de transparence démocratique, étant entendu que des outils existent – casier judiciaire, échanges entre administrations –, qui permettent d'assurer, dans une large mesure, la régularité du processus électoral.

Dans ces conditions, et sans remettre en cause l'esprit du texte, il paraît raisonnable au Gouvernement d'adopter une position de sagesse, tout en reconnaissant, comme je l'ai dit, les vertus politiques du dispositif proposé et en soulignant les limites techniques et juridiques de sa mise en œuvre.

Cette proposition de loi devrait s'accompagner d'un engagement clair en faveur d'un travail interministériel structuré avec le ministère de la justice, afin d'envisager, dans un temps plus long, l'émergence d'une solution pleinement articulée avec les systèmes d'information existants ou intégrée à d'autres chantiers numériques de l'État.

Dans cet esprit d'équilibre et de responsabilité, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à saluer aujourd'hui la démarche de vos collègues, tout en réservant votre position sur le fond, dans l'attente d'une analyse plus approfondie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE, ainsi qu'au banc des commissions.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme nous le constatons depuis le début de cette discussion, ce que nous voulons tous, c'est garantir la sincérité du suffrage et la sécurité juridique des élections.

Le texte que nous examinons est non pas un texte technique, mais un texte de confiance, aussi bien envers les électeurs qu'envers l'administration et, au fond, la démocratie elle-même.

Il vise à répondre d'ailleurs aux recommandations convergentes de la Cour des comptes et d'un rapport inter-inspections de 2020.

Le constat est préoccupant : les services préfectoraux ne disposent pas toujours des informations nécessaires pour vérifier l'éligibilité des candidats.

Ce constat est ancien, il a été fait maintenant depuis un certain nombre d'années. Certaines jurisprudences nous ont montré que la difficulté était réelle. C'est pourquoi je souhaite vous faire part, madame la ministre, de notre étonnement face à la position de sagesse du Gouvernement sur ce texte.

Comme cela a été rappelé, 80 000 personnes par an sont déclarées inéligibles, dont 16 000 au titre de condamnations pénales. Lors des élections municipales de 2020, par exemple, sur 900 000 candidatures, 6 % seulement d'entre elles ont fait l'objet d'une vérification auprès du casier judiciaire national pour détecter une éventuelle inéligibilité. Ce chiffre illustre à lui seul l'insuffisance criante de nos moyens de contrôle actuels.

L'affaire de la deuxième circonscription du Jura a été rappelée. Celle-ci n'est pas anecdotique. Elle est révélatrice d'une défaillance structurelle, liée à l'absence d'un dispositif centralisé permettant à l'administration de connaître en temps réel les situations d'inéligibilité.

Certes, la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a prévu la possibilité de demander la transmission du B2 du casier judiciaire des candidats, mais, faute de transmission automatisée, les demandes des préfectures doivent être réalisées une par une, dans des délais souvent contraints.

Le nouveau service du ministère de la justice, qui sera déployé à la fin de l'année 2025, ne permettra pas davantage de systématiser les contrôles, car, comme cela a été rappelé par l'auteure de la proposition de loi, il existe plusieurs voies d'inéligibilité, qui ne sont pas toutes consignées au casier judiciaire national.

La commission des lois, dans sa grande sagesse – je ne le dis que sur ce texte, madame la présidente (Sourires.) –, a, grâce au travail de son rapporteur, enrichi le texte initial, d'une manière que certains qualifieront sans doute de substantielle, mais je n'irai toutefois pas jusque-là.

Elle a ainsi renommé le dispositif en « répertoire » – il s'agit toujours d'un fichier, mais le terme est moins stigmatisant –, dans un souci de cohérence avec les outils électoraux déjà existants.

Elle a inscrit dans la loi l'obligation pour les autorités compétentes de consulter le répertoire, car sinon, en effet, le texte ne servirait à rien.

Enfin, elle s'est montrée favorable à la possibilité d'interconnecter le casier judiciaire national avec les fichiers d'autres ministères que celui de la justice, dans l'hypothèse où la gestion du répertoire serait confiée à un autre ministère. Cela n'est pas totalement illogique, puisque c'est le ministère de l'intérieur qui est en charge de l'organisation des élections. Il convient de penser au caractère opérationnel du projet.

Le groupe socialiste soutient pleinement cette initiative, mais son efficacité dépendra des conditions de sa mise en œuvre. Nous formulons trois exigences à cet égard.

Une exigence de coordination, tout d'abord. Nous plaidons pour une articulation fluide – l'emploi de ce terme indique que nous sommes très optimistes – entre le ministère de l'intérieur, la Chancellerie, le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel et les services chargés de la protection juridique des majeurs. Cette coopération interministérielle sera, évidemment, indispensable.

Une exigence de réactivité, ensuite. Un tel dispositif n'aura de valeur que s'il est mis à jour en temps réel. À titre personnel, c'est ma plus grande préoccupation. Un décalage, même ponctuel, entre la levée d'une inéligibilité et sa radiation effective du répertoire pourrait conduire à priver un citoyen de son droit de se présenter à une élection. Nous le savons, l'existence d'un répertoire obsolète serait presque plus dangereuse que l'absence de répertoire, car elle créerait une illusion de sécurité.

Le code électoral prévoit une possibilité de recours, lorsqu'une préfecture refuse d'enregistrer une candidature pour raison d'inéligibilité, mais nous savons tous ici, dans la mesure où nous avons tous déjà été candidats, que le délai pendant lequel on peut déposer sa candidature est parfois un petit peu court. La question de savoir comment tout cela s'articulera est donc posée, mais je laisse à l'auteure de la proposition de loi, au rapporteur et aux ministères compétents le soin de régler ce détail, qui n'est pas que technique.

Enfin, notre dernière exigence a trait à la protection des libertés publiques. On touche à des données sensibles, relatives à la vie judiciaire et aux droits civiques. La consultation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) sera, de ce point de vue, très importante.

Le rapporteur a proposé que le dispositif entre en vigueur au plus tard le 31 décembre 2029. En dépit de l'instabilité gouvernementale actuelle, je pense que ce mécanisme, qui réclame une coordination interministérielle, pourra être opérationnel à cette date. Évidemment, nous aurions souhaité qu'il puisse l'être pour les élections municipales de 2026, mais vous nous répondriez sans doute, madame la ministre, que ce n'est pas possible, et je crains que nous ne puissions qu'être d'accord avec vous sur ce point, compte tenu des difficultés à résoudre.

Le groupe socialiste soutient totalement cette proposition de loi. Le chantier est considérable, puisque, selon les estimations, nous devrions recenser plus de 950 000 candidatures lors des prochaines élections municipales. Les préfectures seront donc confrontées de nouveau aux difficultés que nous avons évoquées. Nous espérons que les services de l'administration de l'État sauront y faire face. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui part d'un constat simple : notre démocratie repose sur la confiance. Mais pour que celle-ci soit pleinement effective, encore faut-il que les règles du jeu électoral soient connues, respectées et, surtout, appliquées.

Nous avons tous en mémoire les dernières élections législatives, au cours desquelles le Rassemblement national a présenté, dans le Jura, un candidat qui était placé sous curatelle renforcée et, par conséquent, inéligible.

Il nous paraît donc nécessaire, tout autant qu'à l'auteure de la proposition de loi, dont nous partageons la préoccupation, que, compte tenu des manquements de certains partis, l'administration puisse avoir accès à un outil fiable pour être en mesure de vérifier, avant une élection, si un candidat est ou non inéligible.

Ce texte crée, à cette fin, un répertoire. Son accès serait limité aux autorités compétentes. Il recenserait les personnes dont le droit d'être élu a été suspendu à la suite d'une condamnation pénale, d'une décision administrative ou constitutionnelle, ou encore en raison d'un régime de protection juridique. C'est, au fond, un instrument de clarté et de fiabilité.

On entend parfois l'expression d'inquiétudes à l'idée de créer un fichier de plus. Convenons cependant qu'il est souhaitable que l'État sache, avec précision, qui peut ou non se présenter à une élection, en particulier à une époque où la transparence est devenue une condition de la confiance publique.

De plus, ce répertoire ne serait pas inutile : depuis quelques années, grâce au travail de la presse et de la justice indépendante, les juridictions prononcent de plus en plus souvent des peines d'inéligibilité.

Il ne s'agit pas, au travers de cette proposition de loi, de raviver des souvenirs douloureux, mais simplement de constater que nul, en République, n'est dispensé de faire preuve d'exemplarité. Comme le proclame la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse », tous les citoyens étant égaux à ses yeux. L'existence de ce répertoire permettrait, sans stigmatiser personne, d'éviter que l'on confonde la salle d'audience avec la salle du conseil municipal.

Mes chers collègues, nous devons veiller à ce que ce dispositif soit proportionné, protégé et utilisé uniquement par les autorités habilitées. Cependant, pour des raisons de principe, il nous semble difficile de nous opposer à sa création : il s'agit moins de punir que de prévenir. En adoptant ce texte, nous rappellerions que le droit à être élu est aussi une responsabilité.

En somme, sans prétendre que ce texte, à lui seul, permettra de moraliser la vie politique – il en faudrait bien davantage pour cela ! –, il faut reconnaître que celui-ci apporte une pierre utile à l'édifice de la confiance en politique. En effet, en démocratie, la probité des élus est indispensable, et parfois, un peu de mémoire administrative ne fait pas de mal.

C'est pourquoi, tout en restant vigilant sur les modalités d'application du texte, le groupe CRCE-K votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous soutiendrons et voterons ce texte relatif à la création d'un fichier national des personnes inéligibles. Notre collègue du RDSE Sophie Briante Guillemont a eu une bonne idée.

Le groupe écologiste est pourtant plutôt prudent, en général, en ce qui concerne la création, la manipulation et les modes de consultation des fichiers. Indépendamment de la question de savoir si leur création est pertinente, notre prudence vient de la mauvaise utilisation qui pourrait en être faite, les dérives de l'exercice du pouvoir étant, hélas ! trop connues et de plus en plus visibles.

Je commencerai par la question du coût, madame la ministre, qui est fréquemment avancée pour s'opposer à des propositions de loi. On nous dit qu'il n'y a pas de sous. Mais, je le répète souvent, la démocratie a un coût ! Un coût que le Gouvernement oublie parfois sciemment, quand cela l'arrange, comme lors de l'examen de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, dite loi PLM, qui prévoit l'organisation d'un double scrutin, ce qui grèvera considérablement les finances des collectivités territoriales concernées. Mais cela n'a pas empêché le Gouvernement, à l'époque, de soutenir le texte !

Nous ne pouvons pas non plus souhaiter que nos concitoyens participent davantage à la vie politique, sans nous assurer du bon déroulement des élections.

Certes, le nombre de candidatures a diminué lors des élections législatives de 2024 – peut-être est-ce dû aux alliances électorales qui ont été contractées alors. Il y a toutefois eu des problèmes : les orateurs précédents ont rappelé le cas de cette personne sous curatelle qui avait réussi à passer le premier tour dans sa circonscription.

Est-il donc plus responsable financièrement de risquer de voir une élection annulée et d'avoir à en réorganiser une autre, comme cela s'est passé en 2024, ou de procéder à un contrôle a priori des candidatures ? La question mérite d'être posée.

Ce texte vise en fait à mettre en œuvre une recommandation que la Cour des comptes a formulée dans son rapport de novembre 2024 sur l'organisation des élections. Elle préconisait ainsi de « donner accès aux agents des bureaux des élections des préfectures, ainsi qu'aux autres autorités chargées d'examiner la recevabilité des candidatures aux élections, à un répertoire spécifique construit à partir du casier judiciaire national, qui ne comporterait que les informations nécessaires à cet examen ».

J'ai d'ailleurs relevé, dans ce rapport, une information qui m'avait surpris et qui a influé sur notre réflexion sur ce texte. La Cour des comptes indique ainsi que, comme l'a souligné Marie-Pierre de La Gontrie, « pour les élections municipales de 2020, sur 902 465 candidatures, seules 62 000 candidatures ont fait l'objet d'une demande de délivrance du B2 », soit moins de 7 % d'entre elles. Je rappelle que sur ce document figurent les condamnations judiciaires à des peines d'inéligibilité.

Devons-nous alors prévoir un contrôle exhaustif dans le cadre d'une telle vérification des candidatures ? Est-ce ce que les citoyens souhaitent ? Je ne le pense pas.

Le problème réside dans le morcellement des informations, le volume des candidatures à traiter et les délais contraints pour effectuer les recherches.

Cette proposition de loi constitue une parfaite réponse, puisqu'elle vise à créer un fichier consultable par les autorités chargées de recevoir les déclarations de candidature à une élection. La gestion technique et administrative de ce fichier serait confiée au ministère de l'intérieur, responsable de l'organisation des élections.

Les services préfectoraux ne peuvent pas tout faire, particulièrement dans des délais si contraints.

Nous, écologistes, préférerions, comme nous l'avons souvent dit et comme nous continuerons à le faire, que le temps du personnel dans les préfectures soit mieux utilisé, afin qu'il puisse répondre aux besoins de l'ensemble de nos concitoyens et des usagers. Je pense, par exemple, aux demandes en matière de droits des étrangers : à cet égard, le système est défaillant, comme l'a montré Amnesty International dans sa dernière étude, qui pointe les difficultés rencontrées par les travailleurs étrangers pour obtenir des papiers ou un rendez-vous. Le nombre de recours et de référés administratifs sur le sujet le prouve d'ailleurs, et cela coûte très cher à l'État.

Nous entendons la réticence du Gouvernement sur cette proposition de loi. Je sais que les temps sont durs, que la tendance est de n'avancer quasiment sur rien.

Permettez-moi toutefois de citer de nouveau le rapport de la Cour des comptes : « En réponse à la Cour, le ministère de l'intérieur fait part de son accord avec cette recommandation […] et précise qu'il a entamé avec le ministère de la justice des échanges exploratoires visant à étudier les différentes options de création d'un tel répertoire, qui vont être poursuivis en vue des élections municipales de 2026. »

La commission des lois, sur l'initiative de son rapporteur, a reporté, avec une grande prudence, l'entrée en vigueur du dispositif à 2029. Dès lors, madame la ministre, pourquoi s'opposer à ce texte ? Il représente un petit pas en avant pour sécuriser les prochaines élections et contribuer à redonner confiance à nos électeurs. Il ne devrait poser de problème à personne. Il apporte une réponse cohérente à un problème sérieux, en instaurant un procédé de vérification exhaustif et simplifié des candidatures aux élections.

Notre groupe le votera avec enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDSE. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans une période où la défiance s'installe entre les citoyens et leurs institutions, chaque progrès en matière de transparence électorale contribue à renouer la confiance dans notre pacte républicain.

Derrière cela se logent des problématiques très concrètes. Je pense notamment à la nécessité pour l'État de vérifier qu'un candidat est éligible.

C'est précisément le sens de cette proposition de loi, déposée par notre collègue Sophie Briante Guillemont – que je salue –, soutenue par l'ensemble du groupe RDSE. (Exclamations amusées.)

M. Francis Szpiner. Quel événement !

M. Michel Masset. Elle part d'un constat lucide : notre système de contrôle des inéligibilités demeure morcelé, incomplet et son intervention est parfois tardive.

Les préfectures, chargées de l'enregistrement des candidatures, ne disposent que d'outils partiels pour vérifier l'absence d'inéligibilité. Nous connaissons le résultat : des élections annulées, des recours à répétition et, à terme, une atteinte à la sécurité juridique du vote.

Cette proposition de loi vise donc à créer un répertoire national des personnes inéligibles, afin de les recenser dans une base unique centralisée.

L'ambition est avant tout pragmatique : il s'agit de donner aux autorités administratives un instrument fiable, rapide et exhaustif, leur permettant de vérifier, en amont, qu'un candidat remplit bien les conditions fixées par le code électoral.

Il ne s'agit nullement de créer de nouveaux motifs d'inéligibilité ni d'introduire une quelconque forme de stigmatisation. Comme l'auteure de la proposition de loi l'a souligné, ce texte ne modifie pas en substance le droit existant ; il ne fait que rendre effectif un contrôle déjà prévu, mais qui est actuellement très imparfait.

Ainsi, ce répertoire recensera les inéligibilités résultant d'une condamnation pénale, d'une décision du juge électoral ou d'une mesure de protection juridique prononcée par le juge judiciaire. Il permettra aux préfectures de vérifier rapidement, avant toute élection, qu'un candidat n'est pas frappé d'inéligibilité.

Le groupe RDSE y voit une avancée importante pour la fiabilité de nos processus électoraux et la transparence de la vie publique.

Les difficultés récentes, relevées notamment par la Cour des comptes et par les inspections générales, montrent qu'un tel outil est devenu indispensable. En effet, selon les chiffres qui nous ont été transmis, lors des dernières élections municipales, en 2020, seulement 6 % des candidatures ont donné lieu à une vérification du casier judiciaire.

Certains ont exprimé des inquiétudes légitimes, notamment parce que le répertoire recensera une population fragile, les majeurs sous protection juridique. Nous devons donc être parfaitement clairs : ce texte a pas pour objet non pas d'élargir ou de réviser les motifs d'inéligibilité, mais simplement de faciliter la vérification par l'administration que les conditions d'éligibilité sont bien réunies.

Ce répertoire sera strictement encadré ; il n'aura qu'un usage administratif et ses modalités d'accès seront fixées par décret, après, bien sûr, avis de la Cnil.

La proposition de loi ne vise en fait qu'à regrouper, dans un dispositif unique, des décisions déjà existantes, dans le respect des droits et de la dignité de chacun. En ce sens, la commission des lois a, sur l'initiative de son rapporteur, utilement resserré le texte sur son cœur juridique, en renommant ledit dispositif « répertoire » plutôt que « fichier ».

Cette proposition de loi s'inscrit dans une démarche fidèle à l'esprit du Sénat et, bien sûr, du groupe RDSE : elle constitue une réforme concrète, équilibrée et respectueuse des libertés publiques.

Le groupe RDSE la votera avec conviction, à l'unanimité ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST, RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Sophie Patru. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crédibilité de nos institutions électorales repose sur la confiance que leur accordent les citoyens. Cette dernière constitue un pilier essentiel de notre démocratie.

Pourtant, cette confiance est aujourd'hui fragilisée par divers facteurs, et notamment par des dysfonctionnements administratifs qui, bien qu'étant d'ordre technique, entraînent des répercussions politiques et financières.

La proposition de loi visant à créer un répertoire national des personnes inéligibles tend précisément à corriger l'une de ces failles : l'absence de vérification systématique et fiable des inéligibilités avant les élections, un problème qui a déjà été relevé lors des dernières échéances.

Les auditions menées par notre rapporteur, Olivier Bitz, ont permis de mettre en lumière une réalité inquiétante : le contrôle des inéligibilités en France est actuellement fragmenté, lent et peu efficace.

Lors des dernières élections municipales, celles de 2020, seulement 6 % des 902 465 candidatures ont fait l'objet d'une demande de transmission du B2 à des fins de vérification, et une seule inéligibilité a été détectée. Ce taux excessivement bas s'explique par l'absence de transmission automatisée entre le casier judiciaire national et les préfectures, ce qui oblige ces dernières à effectuer des demandes manuelles pour chaque candidat.

Même si les délais de transmission devraient être réduits à vingt-quatre ou à quarante-huit heures grâce au déploiement du nouveau service B2+, qui devrait intervenir à la fin de l'année, celui-ci ne permettra pas de généraliser les contrôles pour toutes les candidatures, dans la mesure où les demandes restent ponctuelles et ne sont pas automatisées.

Depuis l'adoption de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, le nombre des peines complémentaires d'inéligibilité prononcées a fortement augmenté. En 2024, 16 000 condamnations ont inclus une peine d'inéligibilité, contre moins de 50 par an avant 2017.

Pourtant, ces informations ne sont pas transmises efficacement aux autorités chargées d'enregistrer les candidatures. Cette situation crée un risque majeur : des personnes inéligibles peuvent se présenter aux élections et leur inéligibilité n'est découverte qu'après coup, à la suite d'un recours devant le juge électoral. Cela peut mener à l'annulation du scrutin, comme lors d'une élection législative dans la deuxième circonscription du Jura en 2024 : le cas d'un candidat sous curatelle renforcée a suscité un fort écho médiatique, et l'élection a dû être annulée.

Aujourd'hui, aucun système centralisé ne recense les décisions de placement sous tutelle ou curatelle, alors que près de 65 000 mesures de protection sont prononcées chaque année. Cette lacune est d'autant plus préoccupante que, selon la loi, ces personnes sont automatiquement inéligibles.

Face à ces constats, la création d'un répertoire national des personnes inéligibles s'impose comme une solution pragmatique, proportionnée et indispensable. Je salue, à cet égard, l'initiative pertinente de notre collègue Sophie Briante Guillemont, auteure de cette proposition de loi.

Ce répertoire serait alimenté par le ministère de la justice pour les inéligibilités liées à des condamnations pénales, par le Conseil d'État pour des inéligibilités prononcées par le juge administratif et, enfin, par les greffes des tribunaux judiciaires pour les mesures de protection juridique. Il ne concernerait pas toutes les inéligibilités, mais uniquement celles qui sont objectives et vérifiables : les condamnations pénales, les décisions du juge électoral et les mesures de protection juridique. Les inéligibilités fonctionnelles, plus subjectives et variables selon les élections, en seraient donc exclues.

Le rapporteur a veillé à ce que seules les données strictement nécessaires soient transmises, conformément au principe de minimisation prévu par le RGPD. La Cnil devra être pleinement associée à la mise en place du répertoire pour garantir le respect de ce principe.

De même, l'accès à ce répertoire sera strictement encadré : ne pourront y accéder que les préfectures, les juridictions, le Conseil constitutionnel et les personnes concernées.

Le texte prévoit également que les préfectures auront l'obligation légale de consulter le répertoire avant d'enregistrer une candidature. Cette mesure est cruciale pour éviter les annulations d'élections a posteriori – objectif important et partagé de cette proposition de loi – et pour garantir la sincérité du scrutin ainsi que la sécurité juridique des candidats.

La commission des lois a reporté la date d'entrée en vigueur au 31 décembre 2029, afin de laisser le temps nécessaire pour développer les interconnexions informatiques entre les différents acteurs, former les agents et assurer la fiabilité du système. Dans la mesure où le répertoire électoral unique a été opérationnel trois ans après son adoption, ce calendrier semble réaliste.

Le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi qui allie efficacité administrative et respect des libertés individuelles. Plus qu'un simple répertoire, elle crée un outil qui permettra de renforcer le lien démocratique entre les citoyens et les élus, dans la voie d'une démocratie plus transparente et numérique. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et RDPI.)

M. Olivier Bitz, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un rapport rendu public le 20 novembre 2024 sur l'organisation des élections en France, la Cour des comptes a dressé un certain nombre de constats. Parmi ceux-ci, elle relève la difficulté des préfectures à assurer avec une pleine efficacité leur mission de contrôle a priori des candidatures.

Or la vérification des inéligibilités est une étape indispensable au bon déroulement du processus électoral. Elle garantit que seules les personnes remplissant les conditions fixées par la loi peuvent se présenter devant le suffrage universel.

Les outils dont disposent aujourd'hui les services de l'État ne permettent pas une vérification rapide et fiable des inéligibilités dans des délais particulièrement courts. Faute d'instrument de contrôle systématique et automatique des candidatures, les démarches sont lentes et complexes, et le risque d'erreur est élevé.

Aussi la Cour recommande-t-elle de créer un répertoire spécifique, qui serait alimenté par le casier judiciaire national et recenserait uniquement les personnes ayant perdu leur droit à être éligibles. Ce fichier serait accessible de manière sécurisée aux agents des bureaux des élections dans les préfectures et aux autres autorités chargées d'examiner la recevabilité des candidatures.

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi vise à créer et à sécuriser un tel dispositif, afin de répondre à la recommandation claire et pragmatique de la Cour des comptes. L'initiative de notre collègue Sophie Briante Guillemont est donc la bienvenue.

L'article unique tend ainsi à instaurer un fichier national des personnes devenues inéligibles à la suite d'une condamnation pénale, d'une décision du juge électoral ou d'une décision du juge judiciaire prononçant une mesure de protection juridique d'une personne majeure.

Le but n'est pas, je veux le rappeler avec force, de stigmatiser qui que ce soit, encore moins les personnes en situation de handicap, comme le craint le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Il s'agit de faciliter le travail d'évaluation des candidatures par les services préfectoraux et de réduire le nombre d'annulations d'élections par le juge électoral.

Ce texte permettra aux préfectures, qui sont au cœur de notre organisation électorale, de s'appuyer sur un outil sûr et efficace pour contrôler l'éligibilité des candidats.

Je me félicite que la commission partage cet objectif. Celle-ci a toutefois apporté quelques améliorations au texte.

Dans un souci de lisibilité du droit, elle a notamment renommé « répertoire » la nouvelle base de données et regroupé l'ensemble des dispositions au sein d'un nouvel article L. 45-2 du code électoral.

Je rejoins également la position de la commission, qui a souhaité, pour plus d'efficacité, ne retenir que les dispositions relevant du champ de compétence du législateur et renvoyer au pouvoir réglementaire l'identification de l'autorité compétente chargée de gérer et d'alimenter le fichier, ainsi que la définition de ses modalités de consultation.

Enfin, je salue le volontarisme et le pragmatisme de la commission des lois, qui a tenu, d'une part, à créer une obligation de consultation du nouveau répertoire par les autorités concernées et, d'autre part, à prévoir une entrée en vigueur du texte au plus tard le 31 décembre 2029.

Avant de conclure, je tiens à remercier le rapporteur, notre collègue Olivier Bitz, pour la qualité de ses travaux.

Madame la ministre, mes chers collègues, en offrant aux services préfectoraux un outil de contrôle leur permettant d'assurer leur mission de façon fiable dans des délais contraints, la proposition de loi contribue pleinement à renforcer l'efficacité administrative.

Vous l'avez compris, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, imaginez un maire élu dont l'élection est annulée par le tribunal administratif quelques mois plus tard. Comment est-ce possible ? Cela s'explique tout simplement par le fait que l'intéressé était inéligible au jour de l'élection et que personne ne l'avait vu, faute d'outil fiable pour le vérifier… Résultat : scrutin annulé ; campagne à recommencer ; argent public de nouveau dépensé ; élus locaux déstabilisés ; citoyens exaspérés.

Cette situation n'est pas théorique. Elle s'est déjà produite et se reproduira. Et pendant ce temps-là, la confiance dans nos institutions s'effrite petit à petit.

Le contrôle de l'éligibilité est aujourd'hui trop complexe, et nous manquons d'outils pour l'assurer efficacement. En effet, les préfectures habilitées à recevoir les déclarations de candidatures pour la plupart des élections doivent, dans des délais très courts, recouper manuellement des informations dispersées : casier judiciaire ; décisions constitutionnelles ; décisions administratives ; mesures de protection juridique. En un mot : c'est un véritable labyrinthe !

Nous demandons l'impossible aux services de l'État, puis nous nous étonnons que des erreurs surviennent. Notre responsabilité – je dirai même notre devoir institutionnel – est simple : moderniser le contrôle de l'éligibilité.

C'est pourquoi je soutiens pleinement la création d'un répertoire national des personnes inéligibles, non pas pour stigmatiser ni pour punir deux fois, mais pour garantir ce qui devrait être une évidence : qu'aucune personne légalement inéligible ne puisse se présenter ; que chaque scrutin soit inattaquable en droit ; que chaque électeur puisse avoir confiance dans la sincérité du vote.

Ce répertoire administré par le ministère de l'intérieur, au périmètre clairement défini, et consultable uniquement par les autorités compétentes et par la personne concernée, n'a rien d'une atteinte à la liberté. C'est une garantie démocratique.

Permettez-moi d'insister sur un point essentiel. Notre République présente une singularité remarquable : elle dispose d'une représentation politique pour ses citoyens résidant à l'étranger. Or la proposition de loi risque de ne pas leur être applicable, car cette représentation est régie par des dispositions électorales qui ne relèvent pas directement du code électoral…

C'est pourquoi je voterai l'amendement de Sophie Briante Guillemont visant à préciser que les candidats aux élections des Français de l'étranger seront soumis au même contrôle, dans les mêmes conditions, avec le même niveau d'exigence que les autres candidats. En effet, laisser place à l'incertitude ouvrirait la voie à des interprétations divergentes et, potentiellement, à des contentieux. Mieux vaut donc prévoir explicitement leur insertion dans le dispositif.

La démocratie ne s'arrête pas à l'Hexagone. Elle vit aussi à Casablanca, à Montréal, à Singapour, à Tel-Aviv, à São Paulo, à Abidjan, à Londres. Partout où les Français sollicitent la confiance de leurs compatriotes, l'intégrité du vote doit être garantie.

Cependant, un registre n'a de sens que s'il est effectivement contrôlé et consulté. La commission le rappelle clairement : l'expérience des dispositifs existants montre qu'un outil, même robuste, devient inefficace si la consultation n'est pas obligatoire et systématique.

C'est la raison pour laquelle il a été justement prévu que toute autorité habilitée à enregistrer une candidature devra vérifier ce registre. Cette exigence n'est pas un détail : elle est primordiale.

Bien sûr, je n'ignore pas les préoccupations que suscite ce fichier. Elles sont légitimes. Protéger les données des citoyens, c'est non pas une précaution administrative, mais une exigence juridique et une responsabilité publique. Cela implique des données strictement nécessaires, et rien de plus, des accès limités, tracés, contrôlés, une surveillance constante par les autorités compétentes, et le droit effectif de corriger toute erreur dans des délais compatibles avec le calendrier électoral.

Ce texte va dans le bon sens. Pour autant, nous resterons vigilants quant à sa mise en œuvre.

Mes chers collègues, créons enfin cet outil simple, efficace, responsable, un outil au service de la République, de l'égalité des candidats et de la confiance des électeurs, en France comme à l'étranger. Garantir la sincérité du vote, c'est garantir la légitimité de nos institutions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier. (M. le rapporteur applaudit.)

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par notre collègue Sophie Briante Guillemont, et examinée aujourd'hui dans le cadre de l'espace réservé au groupe du RDSE, comble une faille manifeste de notre système électoral : l'absence d'un outil fiable permettant de vérifier, en amont, l'éligibilité de chaque candidat aux fonctions électives.

Cette carence dans le contrôle de l'éligibilité a été mise en lumière lors des législatives anticipées de juin 2024. En effet, dans la deuxième circonscription du Jura, un candidat placé sous curatelle renforcée a pu se présenter et recueillir plus de 30 % des suffrages, ce qui a conduit le Conseil constitutionnel à annuler l'élection.

Cet épisode a malheureusement démontré la fragilité de nos mécanismes de vérification et la nécessité d'un dispositif centralisé, accessible et sécurisé.

La réponse apportée par nos collègues à travers cette proposition de loi est à la fois claire et pragmatique : créer un répertoire national des personnes inéligibles à toute fonction élective. Ce fichier recensera les personnes frappées d'une mesure d'inéligibilité prononcée par une juridiction, ainsi que celles qui seraient placées sous mesure de protection juridique – curatelle ou tutelle. Ces données, strictement encadrées, seront mises à la disposition des autorités administratives au moment du dépôt des candidatures, afin de permettre un contrôle automatique, rapide et exhaustif.

Le travail mené par le rapporteur, M. Olivier Bitz, et la commission des lois a permis d'ajuster ce dispositif pour le rendre à la fois plus opérationnel et respectueux des libertés individuelles. Le texte a d'ailleurs été adopté à l'unanimité en commission, ce qui témoigne d'un large accord sur son principe.

Les apports de la commission portent notamment sur la clarification du champ des données inscrites, les modalités de consultation obligatoire du répertoire, ainsi que sur la sécurisation du traitement des informations personnelles. Ces garde-fous traduisent un souci constant d'équilibre entre efficacité administrative et respect des droits fondamentaux.

Je veux également saluer la cohérence de cette initiative avec les recommandations de la Cour des comptes, qui appelait depuis plusieurs années à une plus grande fiabilité du contrôle des candidatures. En ce sens, le texte s'inscrit pleinement dans une logique de modernisation et de transparence de notre vie démocratique.

Le Gouvernement, par votre voix, madame la ministre, a néanmoins souhaité rappeler les défis techniques et financiers liés à la mise en œuvre du dispositif. Son interconnexion avec le casier judiciaire national, la charge potentielle pour les services préfectoraux, ou encore le calendrier très contraint, qui rend difficile toute application avant les municipales de 2026, sont autant de réserves que nous entendons et que nous prenons sérieusement en considération. La question de la gestion du futur répertoire, partagée entre les ministères de la justice et de l'intérieur, mérite ainsi d'être précisée afin d'éviter toute ambiguïté.

Pour autant, ces difficultés techniques ne doivent pas occulter le fondement politique et démocratique de la proposition : garantir la sincérité du scrutin, renforcer la confiance dans nos institutions et doter l'administration d'un outil moderne, fiable, au service de la transparence électorale.

Le groupe RDPI, convaincu de l'utilité de cette réforme, soutiendra pleinement ce texte, qui représente une avancée concrète pour préserver la crédibilité de notre démocratie et sécuriser le travail des services préfectoraux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP et GEST.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à créer un répertoire national des personnes inéligibles

Article unique

I. – Le chapitre III du titre Ier du livre Ier du code électoral est complété par des articles L. 45-2 à L. 45-8 ainsi rédigés :

« Art. L. 45-2. – I. – Un répertoire national des personnes inéligibles recense, dans les conditions définies au présent article, l'identité des personnes inéligibles, aux seules fins de contrôle de l'absence d'inéligibilité par les autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidature.

« Les autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidature consultent ce répertoire afin de vérifier que les candidats ne font pas l'objet d'une peine d'inéligibilité ni d'une mesure aux fins de protection juridique qui entraîne la perte du droit d'éligibilité.

« II (nouveau). – Le répertoire national des personnes inéligibles recense l'identité des personnes déclarées inéligibles en conséquence :

« 1° De la décision d'une juridiction pénale prononçant une peine ayant pour objet ou pour effet de priver la personne condamnée de son droit d'éligibilité ;

« 2° De la décision d'une juridiction administrative prononçant l'inéligibilité ;

« 3° De la décision du Conseil constitutionnel prononçant l'inéligibilité ;

« 4° De la décision du juge judiciaire prononçant une mesure aux fins de protection juridique d'une personne majeure, lorsqu'une disposition législative en vigueur fait découler de cette décision la perte du droit d'éligibilité de la personne majeure en cause.

« III (nouveau). – Le répertoire national des personnes inéligibles comprend les nom, prénoms, date et lieu de naissance de la personne inéligible.

« Il comporte la date de début de l'inéligibilité et, le cas échéant, la date de fin de l'inéligibilité ainsi que la référence de la décision prononçant l'inéligibilité.

« IV (nouveau). – Les informations nécessaires à la tenue et à la mise à jour du répertoire national des personnes inéligibles sont transmises par voie électronique.

« Les règles relatives au traitement de ces informations sont fixées dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les conditions d'application du présent article.

« Art. L. 45-3 à L. 45-8. – (Supprimés) ».

bis (nouveau). – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2029.

II. – Les éventuelles conséquences financières résultant pour l'État du I sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À la date de fin de l'inéligibilité, les données personnelles relatives à la personne concernée sont effacées du répertoire national.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Nous proposons d'inscrire expressément dans le code électoral l'obligation d'effacer les données à caractère personnel du répertoire national, dès lors que la mesure d'inéligibilité frappant le candidat n'est plus en vigueur.

Bien sûr, on nous objectera que notre amendement est déjà satisfait, puisque l'article 18 du règlement général sur la protection des données (RGPD) pose le principe du droit à la limitation du traitement des fichiers lorsque les données à caractère personnel ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées. Néanmoins, il nous semble nécessaire de le faire figurer clairement dans ce texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Bitz, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez à la fois présenté votre amendement et exposé les raisons qui vont me conduire à vous en demander le retrait. (M. Guy Benarroche sourit. – Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.) Vous l'avez rappelé, ce que vous proposez est d'ores et déjà satisfait par le RGPD.

Cela étant, je partage vos préoccupations et je souhaite à cet égard vous rassurer : les modalités de gestion du fichier seront précisées par un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

Ce cadre – les dispositions du RGPD conjuguées à l'avis de la Cnil – me semble apporter des garanties suffisantes. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur ; à défaut j'y serai défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je suis tout à fait d'accord avec vos propos, mais je rejoins aussi M. le rapporteur : votre amendement est satisfait à la fois par les dispositions du RGPD et les recommandations attendues de la Cnil.

Comme la commission, le Gouvernement vous demande donc le retrait de votre amendement ; à défaut, il y sera défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Briante Guillemont, M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel, M. Roux, Mme Jouve et M. Cabanel, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 10

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Par dérogation à l'article 777-3 du code de procédure pénale et afin d'assurer l'inscription au répertoire des personnes ayant été privées de leur droit d'éligibilité par une condamnation pénale, une interconnexion, au sens du 3° du I de l'article 33 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, est autorisée entre le casier judiciaire national automatisé et le répertoire national des personnes inéligibles.

La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.

Mme Sophie Briante Guillemont. Puisque nous confions au Gouvernement le soin de décider qui, du ministère de l'intérieur ou du ministère de la justice, aura à mettre en œuvre ce nouveau registre, nous proposons la mise en place d'une interconnexion avec le casier judiciaire national automatisé, ce qui implique de prévoir expressément une dérogation au code de procédure pénale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Bitz, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée. Cet amendement a pour objet d'autoriser l'interconnexion entre le casier judiciaire national automatisé et le répertoire national des personnes inéligibles.

Si nous comprenons l'intérêt juridique d'un tel dispositif, cette mesure nécessite des expertises complémentaires et un travail beaucoup plus approfondi entre les ministères de l'intérieur et de la justice.

C'est pourquoi nous nous en remettons à la sagesse du Sénat, en cohérence avec la position du Gouvernement sur l'ensemble de cette proposition de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Bitz, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 12

1° Au début

Insérer la référence :

« IV. –

2° Remplacer les mots :

de ces

par le mot :

des

3° Après le mot :

informations

insérer les mots :

nécessaires à la tenue et à la mise à jour du répertoire national des personnes inéligibles 

La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Bitz, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la disposition relative aux modalités de transmission des informations contenues dans le répertoire, qui relève du pouvoir réglementaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Bitz, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 14

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.... – Le second alinéa de l'article L. 301 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le second alinéa du I de l'article L. 45-2 est applicable. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Bitz, rapporteur. Cet amendement tend à garantir l'effectivité des dispositions de la proposition de loi en prévoyant de façon expresse l'application de l'obligation de consultation du répertoire par les autorités compétentes pour recevoir les déclarations de candidature, et ce en ce qui concerne l'élection des sénateurs de nos départements, sujet auquel nous sommes évidemment très sensibles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée. Cet amendement ainsi que les deux suivants sont un peu de même nature. Il importera d'avancer sur ces différents points, mais, en cohérence avec notre position générale sur le texte, nous nous en remettrons, sur cet amendement n° 5, à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Bitz, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l'alinéa 14

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.... – L'article 13 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le second alinéa du I de l'article L. 45-2 du code électoral est applicable. »

II. – Alinéa 15

Remplacer la référence :

I

par les mots :

présent article

La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Bitz, rapporteur. Cet amendement est quasiment similaire au précédent, mais il concerne cette fois-ci les représentants au Parlement européen.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée. Cet amendement est tout de même quelque peu différent du précédent : nous en demandons le retrait ; à défaut, nous y serons défavorables.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme Briante Guillemont, M. Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel, MM. Roux et Ruelle, Mmes Renaud-Garabedian et Jouve et M. Cabanel, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 14

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa du I de l'article 15, après la première occurrence du mot : « titre » , sont insérés les mots : « , le second alinéa du I de l'article L. 45-2 » ;

2° Le deuxième alinéa de l'article 46 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le second alinéa du I de l'article L. 45-2 du code électoral est applicable. »

La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.

Mme Sophie Briante Guillemont. Cet amendement de coordination vise à prévoir l'application des dispositions de la proposition de loi à l'élection des représentants des Français établis hors de France.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Bitz, rapporteur. Mme l'auteure de la proposition de loi a déjà tout expliqué : avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je vais mettre aux voix l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi.

Je rappelle que le vote sur l'article vaudra vote sur l'ensemble du texte.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Comme je l'ai indiqué lors de mon intervention liminaire, mon groupe est totalement favorable à ce texte. Aussi, je ne prends la parole que pour regretter la position du Gouvernement.

Sur un tel sujet, qui relève de la responsabilité de l'État, c'est le ministère de l'intérieur qui aurait dû prendre l'initiative. Or c'est le Parlement qui a dû pallier l'inaction du Gouvernement par l'intermédiaire de l'une de nos collègues. Dans ces conditions, je ne comprends pas pourquoi Mme la ministre s'est contentée d'émettre des avis de sagesse, alors même que les délais fixés pour la mise en place de ce nouveau répertoire ne sont vraiment pas insurmontables.

C'est extrêmement décevant de la part du ministère de l'intérieur, qui, de mon point de vue, n'est pas tout à fait à la hauteur des enjeux sur cette question. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour explication de vote.

Mme Sophie Briante Guillemont. Je partage les propos de Marie-Pierre de La Gontrie

Madame la ministre, nos débats ont démontré que cette proposition de loi était transpartisane et qu'elle était l'objet de grandes attentes. Or M. le rapporteur et moi-même avons constaté que, depuis la publication du rapport de la Cour des comptes, cette initiative n'avait débouché sur aucune avancée de la part du ministère de l'intérieur et du ministère de la justice. Il est désormais de votre responsabilité de faire prospérer ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER et Les Républicains.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi visant à créer un fichier national des personnes inéligibles.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, je constate que la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité des présents. (Applaudissements.)

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante,

est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Anne Chain-Larché.)

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

Protéger la Constitution, en limitant sa révision à la voie de l'article 89

Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger la Constitution, en limitant sa révision à la voie de l'article 89, présentée par M. Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues (proposition n° 551 [2024-2025], résultat des travaux n° 92, rapport n° 91).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de loi constitutionnelle. « Et tout compte fait quel type de violence pouvait [être] imposé dans un État où le droit était solidement ancré, […] où chaque citoyen croyait sa liberté et l'égalité des droits garanties par la Constitution solennellement jurée ? […]

« Ancrés dans notre vision du droit, nous croyions à l'existence d'une conscience morale […], européenne, universelle, et nous étions convaincus qu'il y avait un certain degré d'inhumanité qui s'éliminait une fois pour toutes devant l'humanité.

« Comme j'essaie ici d'être aussi honnête que possible, je dois reconnaître que chaque fois […] nous n'avons pas cru possible un centième ni même un millième de ce qui allait faire irruption quelques semaines plus tard. »

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces lignes sont tirées d'un livre qui hante la conscience européenne : Le Monde d'hier de Stefan Zweig. Ces mots marquent une sidération, celle que l'on ressent face à la fin brutale des certitudes, face à la vitesse de déliquescence de principes qui semblaient intangibles.

Nous avons l'impression que notre démocratie est intangible, et pourtant… Le droit a la force de cette apparence. Il fait advenir ce qui n'est pas. Il donne l'illusion d'une solidité à toute épreuve, mais cette solidité est conditionnelle. Tous les textes principiels peuvent être remis en question, y compris celui de la Constitution.

L'inquiétude sur la solidité des normes démocratiques n'est pas une affaire du passé. L'institut V-Dem de l'université de Göteborg, en Suède, publie régulièrement un rapport sur l'état de la démocratie dans le monde. Alors que, il y a vingt ans seulement, plus de la moitié de la population mondiale vivait dans un régime démocratique, l'équilibre bascule aujourd'hui. À la fin du mois de décembre 2023, 71 % de la population mondiale vivait dans une autocratie, contre 48 % dix ans plus tôt ; quarante-cinq pays étaient « en voie d'autocratisation », alors que dix-neuf seulement progressaient sur la voie démocratique, soit trois fois moins qu'il y a trente ans.

La démocratie recule moins du fait de coups d'État ou d'invasions armées que par une érosion intérieure des droits fondamentaux. Tous les indicateurs – liberté d'expression, liberté d'association, sincérité du scrutin électoral – sont au rouge, tant et si bien que la situation de la démocratie dans le monde est pire que celle que nous avons connue dans les années 1930.

Les dérives autoritaires viennent de tous les camps politiques. Sur le continent américain, le Venezuela est prisonnier du régime autoritaire de Nicolas Maduro, qui ne survit que par la violence ; aux États-Unis, Donald Trump outrepasse ses prérogatives constitutionnelles, écrasant un Congrès qui s'est rendu lui-même impuissant, tout en organisant une chasse aux migrants qui touche même les étrangers installés de longue date.

En Europe, en Hongrie et en Pologne, les partis populistes de droite ont instauré et instaurent encore, par touches successives, des mesures illibérales : contrôle des médias publics, restriction des droits fondamentaux, notamment ceux de la presse, remise en cause du droit à l'avortement.

L'illibéralisme n'est pas une rupture extérieure au constitutionnalisme libéral, mais un phénomène interne à celui-ci : des gouvernements élus utilisent le droit et le langage des libertés pour justifier des politiques liberticides. Ils détournent les principes de l'État de droit pour légitimer un pouvoir sans contrepoids, invoquant la souveraineté nationale ou l'efficacité politique pour affaiblir la garantie des droits.

En quelques années, la Hongrie est ainsi passée d'un constitutionnalisme à l'allemande à un régime où la Cour constitutionnelle est diminuée et placée sous contrôle politique. Ce n'est pas le seul régime populiste dont l'essor a remis en cause de manière fondamentale les cours constitutionnelles : à la marginalisation hongroise, d'autres, en Pologne ou aux États-Unis, ont préféré la capture.

Dans notre pays cette tentation illibérale s'incarne notamment dans une proposition de loi constitutionnelle du Rassemblement national (RN) intitulée « Citoyenneté-Identité-Immigration ».

Cette proposition de loi constitutionnelle dépasse largement le cadre annoncé d'un simple « référendum sur l'immigration », qui n'est qu'un écran de fumée. Présentée comme un texte technique, destiné à combler un prétendu vide constitutionnel, elle n'est ni plus ni moins qu'une tentative de redéfinir la nature même de notre régime républicain, en modifiant près de 20 % de la Constitution.

Le texte en question instaurerait ainsi la « priorité nationale », une discrimination légale envers les étrangers, y compris réguliers, et les binationaux ; il limiterait l'accès de ces catégories aux prestations sociales et aux emplois publics, restreindrait le regroupement familial et supprimerait le droit du sol. En outre, il placerait la Constitution au-dessus des traités internationaux, privant tous les citoyens de recours devant les juridictions européennes et, tout particulièrement, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Il ne s'agit pas, comme le prétendent ses auteurs, d'un « bouclier constitutionnel », mais bien plutôt d'une bombe à fragmentation qui ferait voler en éclats les fondements démocratiques de notre État de droit.

Ce texte vise à instaurer une nouvelle Constitution de type plébiscitaire consacrant la « priorité nationale », la xénophobie d'État et le nationalisme identitaire. Sous couvert de souveraineté nationale, il isolerait juridiquement la France et affaiblirait la protection des droits et libertés.

Au cœur du dispositif proposé se situe le concept d'« identité française », à la fois omniprésent et jamais défini. Supposément menacée, cette identité devient un principe constitutionnel flou, instrumentalisé pour justifier la fermeture migratoire, la primauté du droit national et le repli culturel, ce qui ouvre la voie à une dérive autoritaire fondée sur une conception idéologique de la « francité ».

En bref, pour reprendre un titre du sociologue François Dubet, il s'agit d'une proposition adaptée au « temps des passions tristes ».

Elle se distingue surtout par sa manière de faire. Prenant le prétexte d'un précédent historique malheureux et déjà illégal, ses auteurs entendent détourner un article de la Constitution consacré au référendum législatif, l'article 11, pour réviser la Constitution, alors qu'en l'espèce seul l'article 89 doit être utilisé.

Le but est donc de détruire les principes constitutionnels de l'intérieur. Ce choix est funeste, non seulement pour notre régime politique, mais également pour la France.

Une Constitution est un acte fondateur par lequel une société se constitue un socle de valeurs et décide de l'ordre sociétal voulu. Cela va bien au-delà de la simple organisation des pouvoirs publics.

La place de la Constitution au sommet de l'ordre juridique explique pourquoi il doit être difficile de modifier ce texte, qui ne peut ni ne doit être assimilé à une loi ordinaire. Tel est bien le choix qu'a fait le constituant de 1958, en ne faisant figurer qu'un seul article – l'article 89 – dans le titre XVI, intitulé « De la révision ».

Tenter de passer par l'article 11, alors que l'article 89 existe, n'est pas indifférent. On vise ici à effacer le rôle du Conseil constitutionnel comme celui des deux assemblées.

La proposition de loi constitutionnelle que je vous soumets, avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a donc une finalité toute simple : boucher la porte dérobée qui existe au sein de nos institutions et simplement confirmer que seul l'article 89, à l'exclusion de tous les autres, doit servir à réviser notre texte constitutionnel.

Cette précision est d'autant plus nécessaire que nous ne faisons pas face à une seule menace. Dans un contexte international de dérive illibérale généralisée, tout président élu – de gauche, du centre, ou de droite – pourrait avoir la tentation de contourner nos institutions par le biais de l'article 11.

Une précision s'impose cependant. Il est clair que, si n'importe quel parti extrémiste arrivait au pouvoir, il pourrait appliquer son programme, mais il devrait respecter les règles institutionnelles et constitutionnelles.

En fait, c'est l'ambiguïté du principe de souveraineté nationale qui est exploité : né de la Révolution comme fondement de la démocratie et de la citoyenneté, ce principe peut aussi dériver vers l'exclusion. Gérard Noiriel a montré que, lors de chaque crise majeure, un même réflexe est réactivé en France : on désigne les étrangers comme responsables des difficultés du pays. Depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui, la « préférence nationale » sert de réponse politique aux angoisses sociales : protection du « travail français » en 1880, quotas et exclusions dans les années 1930, puis durcissement des politiques migratoires dans les années 1980.

Or ce réflexe est à rebours de ce que nous sommes. Depuis deux cents ans, les droits se développent en France : les droits-libertés, d'abord, déjà reconnus par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, puis les droits-créances, introduits dans notre droit positif par le préambule de la Constitution de 1946.

La constitutionnalisation de la préférence nationale et la fermeture de notre pays détruiraient cet édifice. Honnêtement, ce n'est pas à la hauteur de ce que nous sommes.

Oui, mes chers collègues, notre pays est bien plus que cela. « La France est une composition », a dit Mona Ozouf. Elle est bien loin du discours de l'extrême droite ou de la droite extrême, qui glorifient une France éternelle qui n'a jamais existé tout en oubliant les ajouts géographiques, les adjonctions comme les retraits de territoire. Reconnaître la pluralité des identités françaises, c'est s'inscrire en faux contre l'enfermement et la sécession identitaires ; c'est donner une chance à notre pays.

Notre texte a été conçu pour protéger la Constitution. Si je suis favorable au référendum d'initiative populaire (RIP) comme à son potentiel élargissement, le référendum d'initiative citoyenne (RIC), la mise en œuvre des outils référendaires ne peut se faire sur la base de l'émotion, sauf à céder au risque plébiscitaire, en donnant plus de pouvoir à un Président de la République qui en a déjà trop. (M. Joshua Hochart s'exclame.)

C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de prendre la mesure du risque qui pèse sur notre démocratie et de contribuer, ensemble, à la sauvegarder. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'objet du texte que nous examinons aujourd'hui est annoncé avec clarté dans son intitulé même : « protéger la Constitution, en limitant sa révision à la voie de l'article 89 ».

Comme son auteur, notre collègue Éric Kerrouche, l'a lui-même exposé à l'instant, cette initiative s'inscrit dans le cadre d'enjeux politiques tout à fait contemporains, sur lesquels je reviendrai.

Cependant, l'objet de cette proposition de loi constitutionnelle nous renvoie à une vieille querelle juridique, celle qu'avait provoquée le général de Gaulle en ayant recours, en 1962, à l'article 11 de la Constitution pour modifier celle-ci.

Le sujet est bien connu ; je ne m'étendrai donc pas outre mesure sur le contexte et me bornerai à quelques rappels.

La Constitution comporte un article spécialement consacré à sa révision, l'article 89. Il dispose que l'initiative de la révision « appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement ». Pour que le texte de révision soit adopté, il faut ensuite qu'il soit voté dans les mêmes termes par les deux assemblées.

Pour entrer en vigueur, le texte doit enfin faire l'objet d'une approbation définitive. Deux cas de figure se présentent alors.

S'il s'agit d'un projet de loi constitutionnelle, le Président de la République a le choix : il le fait approuver soit par référendum, soit par le Congrès, qui se prononce à la majorité des trois cinquièmes – c'est de loin le cas le plus fréquent.

S'il s'agit en revanche d'une proposition de loi constitutionnelle, comme le texte qui nous est soumis aujourd'hui, celle-ci ne peut entrer en vigueur que si le Président de la République décide de la soumettre au référendum. Il faut d'ailleurs bien garder cela à l'esprit lorsque, comme aujourd'hui, nous avons à débattre d'un tel texte.

Toujours est-il qu'en 1962 le général de Gaulle a eu recours à un autre article de la Constitution – l'article 11 – pour faire adopter une loi modifiant celle-ci. Il s'agissait, en l'occurrence, de modifier le mode d'élection du Président de la République, de façon à ce que celui-ci soit élu au suffrage universel direct.

Rappelons que l'article 11 a pour objet le référendum législatif. Il permet au Président de la République, sur proposition du Gouvernement ou sur proposition conjointe des deux assemblées, de soumettre au référendum « tout projet de loi » portant sur une série de matières limitativement énumérées, parmi lesquelles figure « l'organisation des pouvoirs publics ».

Le général de Gaulle s'était appuyé sur l'ambiguïté de cette formulation pour utiliser l'article 11 à des fins de révision constitutionnelle. La régularité du recours à cette procédure avait toutefois d'emblée fait l'objet d'un avis négatif du Conseil d'État.

Surtout, cet usage de l'article 11 avait été perçu comme une stratégie de contournement du Parlement. Il avait ainsi suscité une forte opposition des deux assemblées – aussi bien le Sénat, sous la présidence de Gaston Monnerville, que l'Assemblée nationale, qui vota la censure du gouvernement Pompidou.

Néanmoins, le projet fut bien soumis au référendum et fut adopté par le peuple. Le Conseil constitutionnel s'étant jugé incompétent pour contrôler des lois référendaires, le texte a pu entrer en vigueur. Ainsi, depuis 1965, le Président de la République est effectivement élu au suffrage universel direct.

M. Olivier Paccaud. Tant mieux !

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Depuis lors, la Constitution n'a plus jamais été modifiée via l'article 11. La seule autre tentative en ce sens, à nouveau de la part du général de Gaulle, en 1969, s'est soldée par un échec.

Par la suite, vingt-trois révisions constitutionnelles ont eu lieu, toutes par la voie de l'article 89 et toutes, sauf une, au moyen d'une approbation par le Congrès.

Dans ces conditions, pourquoi, et de quoi, « protéger la Constitution » ?

La réponse à ces questions nous a été donnée par M. Kerrouche à l'instant. Il s'agit en vérité de s'opposer au projet, publiquement affiché par le Rassemblement national, de recourir de nouveau à l'article 11 pour réviser la Constitution, dans l'hypothèse où son candidat remporterait l'élection présidentielle. Cette révision aurait pour objet l'inscription dans la Constitution d'un principe dit de « priorité nationale », ainsi que d'autres mesures liées à son programme en matière d'immigration et de droit des étrangers – notre collègue les a rappelées.

J'en viens maintenant à l'analyse de la proposition de loi constitutionnelle que nous examinons aujourd'hui et aux raisons pour lesquelles la commission des lois l'a rejetée.

Tout au long des travaux que j'ai menés au nom de la commission des lois, je me suis posé, au fond, deux questions.

D'abord, une question juridique : le dispositif proposé permet-il d'atteindre l'effet recherché par ses auteurs ?

Ensuite, une question politique : est-il opportun pour le Sénat d'adopter ce texte, dans le contexte politique actuel ?

Il nous faut répondre par la négative à ces deux questions : premièrement, la proposition de loi constitutionnelle est juridiquement inefficace ; deuxièmement, elle est politiquement contre-productive.

Commençons par la première question, juridique, et la raison pour laquelle cette proposition de loi constitutionnelle est juridiquement inefficace.

Ce texte, mes chers collègues, ne fait que consacrer une interprétation qui est déjà celle de l'écrasante majorité de la doctrine, ainsi que celle du Conseil d'État. Cette lecture est claire : l'article 89 constitue la seule voie régulière de révision de la Constitution. La doctrine le dit aujourd'hui ; elle le disait déjà en 1962. À cette aune, la présente proposition de loi constitutionnelle ne produit pas d'effet juridique particulier.

Mais il faut aller plus loin. En pratique, ce texte ne permettrait pas d'empêcher un Président de la République de recourir une nouvelle fois à l'article 11 pour introduire dans l'ordre juridique des dispositions de valeur constitutionnelle – en tout cas pas davantage que la rédaction actuelle de la Constitution.

Formellement, aussi déroutant que cela puisse paraître d'un point de vue juridique, c'est une loi ordinaire qui avait modifié la Constitution en 1962 et non une loi « constitutionnelle », comme sont toujours intitulés les textes adoptés sur le fondement de l'article 89. Cela ne l'a pas empêchée d'entrer en vigueur, parce que le Conseil constitutionnel – je l'ai rappelé – ne contrôle pas les lois référendaires.

Or le dispositif proposé est dépourvu de toute incidence sur le régime juridictionnel des actes du Président de la République, comme d'ailleurs sur les compétences du Conseil constitutionnel.

Rien dans la rédaction proposée ne permettrait donc d'empêcher un Président de procéder de la même façon qu'en 1962. C'est pourquoi cette proposition de loi constitutionnelle, qui est présentée comme un « rempart institutionnel » par ses auteurs, ne serait en pratique qu'une barrière de papier.

M. Joshua Hochart. Il faut le dire au PS !

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Certes, mes chers collègues, certains d'entre vous pourraient considérer que cela reste mieux que rien, ou encore arguer : « Cela va mieux en le disant. »

M. Patrick Kanner. Eh oui !

Mme Lauriane Josende, rapporteure. La commission ne partage pas ce point de vue.

Cette proposition de loi constitutionnelle est juridiquement inefficace, je l'ai montré. Mais ce n'est pas la seule ni même la principale raison pour laquelle je vous invite, au nom de la commission, à la rejeter. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Dès lors que le texte ne produit pas d'effet juridique particulier, la seule question qui compte est celle du message politique que nous enverrions par nos votes.

Or, d'un point de vue politique, cette proposition de loi constitutionnelle est assurément contre-productive.

Je préfère le dire ici clairement : à titre personnel, je partage sincèrement l'objectif des auteurs de ce texte. Je ne défends en aucun cas le projet de révision constitutionnelle défendu par le Rassemblement national. Toutefois, ce n'est pas sur ce projet que je m'exprime aujourd'hui au nom de la commission, mais sur cette proposition de loi constitutionnelle ci et uniquement sur elle.

En l'adoptant, mes chers collègues, quel message enverrions-nous donc ?

M. Patrick Kanner. Un bon message !

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Immanquablement, nous donnerions l'impression que nous procédons à une révision constitutionnelle dirigée contre le Rassemblement national.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Certes, ses auteurs s'en défendent ; ils avancent que la proposition de loi constitutionnelle vise à prévenir toute dérive illibérale, d'où qu'elle vienne.

Mme Laurence Rossignol. C'est ça qui vous gêne !

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Mais l'exposé des motifs vise sans équivoque le RN et c'est ainsi que la proposition de loi constitutionnelle sera perçue et comprise ; il serait illusoire de croire le contraire.

Immanquablement, nous donnerions le sentiment de réviser la Constitution à la hâte, à quelques mois de l'élection présidentielle, pour nous protéger d'un résultat que nous redouterions, celui issu des urnes.

Mme Laurence Rossignol. Parce que vous ne le craignez pas ?

M. Joshua Hochart. On a peur des Français !

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Je vous laisse imaginer, mes chers collègues, la facilité avec laquelle cela pourrait ensuite être exploité politiquement, médiatiquement, et d'autres manières encore…

À mon sens, il est au contraire impératif, aujourd'hui plus que jamais, de préserver la Constitution, notre pacte fondamental, de toute appropriation partisane.

Dans le contexte que nous connaissons, alors qu'une part croissante de nos concitoyens perd confiance dans les institutions, c'est absolument fondamental.

Sur ce sujet, un peu de recul historique s'impose. Entre 1789 et 1958, soit pendant plus de cent cinquante ans, la France était le pays de l'instabilité constitutionnelle, et ce pour une raison simple : les forces politiques en présence entretenaient toutes un rapport partisan à la Constitution.

C'est à cette aune que l'on doit considérer la rupture opérée par la Ve République. Pour la première fois, la Constitution s'est véritablement imposée comme « la chose de tous ».

Il nous appartient de faire en sorte qu'elle le reste. Cela nous oblige à faire preuve de la plus grande précaution lorsqu'il est question de la modifier. Cela implique de veiller à le faire dans un cadre adéquat.

La discussion de ce texte, on l'a bien vu, nous amène inévitablement à nous interroger sur les grands équilibres institutionnels de notre régime politique. Il y va en effet du rapport entre le Président de la République, en tant que gardien de la Constitution, et le Parlement, en tant que part essentielle du pouvoir constituant, ainsi que du rôle du Conseil constitutionnel.

En commission, l'examen de la proposition de loi constitutionnelle a donné lieu à des échanges certes vifs, mais surtout extrêmement riches. Ces débats témoignent de l'intérêt constant que notre assemblée porte aux enjeux institutionnels, comme c'est d'ailleurs le cas depuis le début de la Ve République.

À cet égard, je tiens tout de même (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.) à saluer Éric Kerrouche pour son initiative, ainsi que l'ensemble des collègues qui ont signé avec lui cette proposition de loi constitutionnelle, car les questions qu'elle soulève sont essentielles.

Mme Laurence Rossignol. Il s'agirait d'y répondre !

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Mais c'est là que le bât blesse. L'esprit de la Ve République veut que des questions d'équilibre institutionnel de cette envergure soient tranchées devant les Français lors de l'élection présidentielle, et non, comme aujourd'hui, par le biais d'une proposition de loi.

Pour l'ensemble de ces motifs, la commission vous invite à ne pas adopter cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Olivia Richard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Laurent Panifous, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le sénateur Éric Kerrouche, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. le garde des sceaux, qui est retenu à Lyon par les consultations qu'il mène avec les magistrats. Il me revient de le remplacer pour l'examen de cette proposition de loi constitutionnelle visant à protéger notre Constitution, en limitant sa révision à la voie de l'article 89.

Les auteurs de cette initiative, que je salue, entendent ainsi mettre un terme à un contentieux juridique qui a animé nombre de chroniques constitutionnelles.

Sur le papier, l'intention est vertueuse : protéger notre loi fondamentale, garantir sa stabilité, éviter toute dérive autoritaire.

Mais, à plusieurs égards, cette proposition de loi constitutionnelle pose des difficultés à la fois juridiques, politiques et symboliques.

Pour ce qui concerne l'aspect juridique, d'abord, le droit positif est déjà limpide.

La Constitution comporte un titre XVI, intitulé « De la révision » dont l'unique article – l'article 89 – détaille la procédure de révision constitutionnelle. Il est donc clair qu'une révision de la Constitution ne peut intervenir que par ce biais. Cette lecture est confirmée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, depuis plus de trente ans, juge que la seule voie pour modifier la Constitution est celle de l'article 89.

Certes, un contrôle du Conseil constitutionnel n'avait pas été possible en 1962, quand l'article 11 a été utilisé pour réviser la Constitution et instaurer l'élection du Président de la République au suffrage universel direct.

Toutefois, le Conseil constitutionnel a depuis établi une jurisprudence claire.

D'abord, dans sa décision du 2 septembre 1992, dite « Maastricht II », le Conseil constitutionnel a indiqué expressément que la Constitution ne pouvait être modifiée que selon les formes et par les procédures qu'elle prévoit elle-même.

Par la suite, le Conseil d'État a explicitement circonscrit le champ des deux procédures, en jugeant que « les référendums par lesquels le peuple français exerce sa souveraineté, soit en matière législative […], soit en matière constitutionnelle […], sont soumis au contrôle du Conseil constitutionnel ». Ce faisant, il a procédé à une distinction claire entre les référendums législatifs et constitutionnels, ouvrant ainsi la voie à un contrôle.

Enfin, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 2000, dite Hauchemaille I, il est clairement établi que le Conseil constitutionnel peut contrôler les actes préparatoires au référendum, en particulier le décret de convocation des électeurs. Un tel décret serait censuré si l'article 11 était utilisé pour réviser la Constitution ; la convocation du référendum serait ainsi rendue impossible. La situation de 1962, qui s'inscrivait par ailleurs dans un contexte particulier, ne pourrait donc en aucun cas se reproduire de nos jours.

Laurent Fabius lui-même, ancien président du Conseil constitutionnel, a rappelé à plusieurs reprises que « quand on dit qu'on veut réviser la Constitution, ça ne peut être fait que par l'article 89, qui suppose d'abord un accord des deux chambres ».

Ainsi, le verrou que cette proposition entend créer existe déjà. L'inscrire de nouveau dans le texte constitutionnel ne modifierait donc pas l'état du droit et n'apporterait qu'une forme de redondance qui n'apparaît pas nécessaire. En faisant se répéter la Constitution, nous prendrions le risque de créer des ambiguïtés d'interprétation là où il n'y en a pas.

Ensuite, cette proposition de loi enverrait à nos concitoyens un signal politique inopportun.

Sur le plan politique, cette proposition de loi constitutionnelle pourrait être perçue comme la manifestation d'une crainte à l'égard du peuple.

Elle paraît opposer la souveraineté populaire, qui appartient au peuple, à la souveraineté nationale, exercée par ses représentants. Or la souveraineté nationale et la souveraineté populaire ne sont pas antinomiques : elles sont les deux faces d'une même pièce ; ensemble, elles permettent de faire vivre la démocratie.

Adopter ce texte adresserait ainsi un message paradoxal aux citoyens, au moment même où ceux-ci demandent plus de participation, plus de confiance, plus d'écoute. Nous avons pu le voir pendant l'épisode des « gilets jaunes », mais aussi plus récemment.

Je connais pourtant votre souhait de donner voix au chapitre à l'ensemble de nos concitoyens. Il s'agit de l'une des préoccupations principales des élus de la République, à l'échelon local comme au niveau national. Or ce texte peut donner l'impression d'aller à l'encontre de cette volonté.

Enfin, je veux vous livrer ma conviction profonde : ce n'est pas en faisant se répéter la Constitution que nous protégeons la République ; c'est en préservant la qualité du débat public et en donnant aux citoyens toutes les clefs pour faire des choix éclairés. Cela suppose de renforcer la participation citoyenne, tout en veillant à la fourniture d'une information de qualité au public.

Le véritable rempart, ce n'est donc pas un alinéa supplémentaire dans notre loi fondamentale ; c'est la vigilance démocratique de chaque instant et la maturité collective dont nous avons toujours su faire preuve.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte de 1958 a prouvé sa solidité, son équilibre et sa capacité d'adaptation.

Protéger la Constitution lorsque cela est nécessaire, assurément. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce, les irrégularités procédurales du passé ne pouvant plus être reproduites.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi constitutionnelle.

Je tiens cependant à vous remercier d'avoir déposé ce texte, qui a le mérite d'ouvrir un débat qui me semble essentiel : celui du rôle des citoyens dans le processus législatif, qu'il soit ordinaire ou constitutionnel. La question de la participation citoyenne est un sujet majeur ; nous devrons être à la hauteur de cette exigence, aujourd'hui en débattant de ce texte, mais aussi dans les jours et les mois à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle que nous examinons aujourd'hui ont eu raison de le rappeler, le projet du Rassemblement national est un projet profondément raciste.

La proposition de loi constitutionnelle « Citoyenneté-Identité-Immigration » déposée par Mme Le Pen au mois de janvier 2024 en est la preuve manifeste et éclatante.

Par ce texte, l'élue d'extrême droite cherche notamment à restaurer la préférence nationale, rebaptisée pudiquement « priorité nationale », c'est-à-dire, en réalité, à inscrire la discrimination dans notre Constitution.

Il est donc de notre devoir républicain de dénoncer cette surenchère permanente qui désigne l'immigration, l'immigré, sa famille, ses descendants, comme les responsables de tous les maux de notre société.

Cette obsession du Rassemblement national à instiller le venin de la division au cœur de notre peuple s'incarne dans l'inscription dans la Constitution de mesures érigeant la xénophobie au rang de norme constitutionnelle.

Et nous ne pouvons cacher notre inquiétude grandissante devant la multiplication des signes témoignant que la droite républicaine s'est désormais emparée de cette obsession, qui a longtemps été le monopole de l'extrême droite française.

M. Joshua Hochart. Et des Français, surtout !

M. Ian Brossat. Nous l'avons vu au moment du débat sur la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, dite loi Darmanin. Nous l'avons également vu la semaine dernière, lorsque des élus de la droite dite « républicaine » et une partie des élus de la majorité présidentielle ont fait le choix de voter une proposition de résolution émanant de l'extrême droite, dont l'objet est de montrer du doigt les Algériens.

M. Ian Brossat. Nous voyons donc bien les menaces qui pèsent sur nos principes républicains, des menaces qui ne sont pas le propre de la France : une internationale réactionnaire se constitue sous nos yeux dans bien d'autres pays du monde. Et nous savons bien ce qui risque de nous arriver si nous ne réagissons pas efficacement.

Les auteurs de ce texte ont parfaitement raison de pointer ce danger et le groupe CRCE-K votera évidemment en faveur de cette proposition de loi constitutionnelle.

Néanmoins, il nous semble important de rappeler que le combat contre l'extrême droite doit d'abord être mené sur le terrain des idées, sur le terrain politique. Le meilleur antidote à l'extrême droite, ce n'est pas le verrou constitutionnel. Le meilleur remède à l'extrême droite, je le dis en tant que communiste et je l'assume parfaitement, c'est la conscience de classe ! J'entends par là la conscience des acteurs du monde du travail qu'ils partagent un intérêt commun face à la bourgeoisie et face au capital.

M. Joshua Hochart. Ça fait longtemps que vous avez oublié les ouvriers !

M. Ian Brossat. C'est la conviction, quelle que soit sa couleur de peau ou sa religion, que l'on partage cet intérêt commun. Ce n'est qu'en faisant grandir cette conscience de classe au sein du monde du travail que nous ferons reculer l'extrême droite.

Si, comme je l'ai dit, nous voterons évidemment cette proposition de loi constitutionnelle, nous considérons que le combat contre l'extrême droite doit d'abord être mené sur le terrain idéologique. Et nous participerons à ce combat avec l'ensemble de ceux qui défendent les principes républicains. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte n'intervient-il pas au moment opportun, à l'heure où la démocratie est certes en crise, mais est toujours fonctionnelle, alors qu'il existe, je l'espère, une majorité parlementaire pour la protéger ?

N'est-ce pas le bon moment pour limiter les fragilités de notre Constitution, dans lesquelles pourrait s'engouffrer quiconque voudrait un jour en finir avec la promesse républicaine ?

Mon groupe et moi pensons que si ! Et c'est l'objet de la proposition de loi constitutionnelle que nous examinons aujourd'hui. En effet, en consacrant sans ambiguïté la procédure prévue à l'article 89 de la Constitution comme la seule permettant de réviser notre loi fondamentale, ce texte comble une faille largement connue depuis des décennies.

Cette faille a été exploitée par le général de Gaulle, qui a contourné l'article 89 et le Parlement en s'appuyant sur l'article 11 pour soumettre aux Français deux réformes constitutionnelles.

M. Francis Szpiner. Il a bien fait !

M. Jacques Fernique. Ce présidentialisme exacerbé constitue une fragilité et un danger, qui emportent des effets jusqu'à nos jours. Sans vigilance de notre part, le risque sera même encore plus grand demain.

Certes, un consensus très large s'est dégagé parmi les constitutionnalistes autour de l'idée que la Constitution ne peut être révisée que par le biais de l'article 89. Mais comment prétendre qu'une clarification du texte constitutionnel n'est pas indispensable, alors qu'il existe un précédent, qu'aucune garantie autre que jurisprudentielle n'a été mise en place depuis et que certains partis politiques affirment, aujourd'hui encore, vouloir récidiver ?

Le consensus doctrinal ne suffit pas à dissuader le personnel politique de tordre la Constitution. Il faut que la Constitution elle-même les en empêche !

J'entends l'argument selon lequel une révision constitutionnelle ne devrait pas viser un parti en particulier. C'est vrai, nous devons soutenir ce texte indépendamment de notre lutte contre le Rassemblement national.

Certes, ce parti politique projette – il ne s'en cache pas – d'exploiter la faille que nous voulons combler pour faire de la France tout ce qu'elle n'est pas, en instaurant une priorité nationale, en niant le droit international et en sortant de l'ordre européen que notre pays a contribué à bâtir. Mais notre problème n'est pas que l'extrême droite veuille exploiter cette faille ; notre problème, c'est que cette faille existe !

Si l'existence même de la proposition de loi constitutionnelle du RN ne justifie pas que l'on ait élaboré le texte qui nous est soumis aujourd'hui, il est toutefois ridicule d'affirmer qu'elle serait une mauvaise raison de le voter.

Mme Audrey Linkenheld. Tout à fait !

M. Jacques Fernique. Quel que soit le côté où l'on se place, il ne sert à rien de politiser ce texte. Il y a un problème et il faut y répondre : la voix du Parlement étant de plus en plus bafouée, notre Constitution ne doit laisser planer aucun doute sur l'impossibilité qu'il y aurait à l'outrepasser.

Il est normal – toutes les démocraties du monde le prévoient – que des seuils et des verrous protègent la Constitution de modifications opportunistes et dangereuses. C'est une garantie de stabilité ; c'est l'essence même d'une loi fondamentale.

J'ai entendu dire que nous aurions peur du vote populaire. Mais ce texte n'enlève rien à la faculté qui nous est offerte de recourir au référendum pour adopter une révision constitutionnelle ! Ainsi, un texte constitutionnel déposé par un parlementaire est obligatoirement soumis au référendum quand un texte d'origine gouvernementale peut l'être si le Président de la République le décide.

Enfin, cette proposition de loi constitutionnelle ne remet absolument pas en cause le combat que nous menons depuis des années pour répondre au besoin vital de redynamiser la démocratie directe. Le référendum d'initiative partagée est quasi inaccessible, les conventions citoyennes sont ignorées et le référendum n'est jamais utilisé, malgré l'engagement présidentiel.

Nous appelons au renforcement de la démocratie et à la protection de l'État de droit, et cela passe par l'adoption du texte que nous examinons aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Sophie Briante Guillemont. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd'hui est presque aussi ancien que la Ve République.

Mme Sophie Briante Guillemont. La question est la suivante : peut-on réformer la Constitution via son article 11, qui prévoit la consultation directe du peuple français par référendum, sans avoir obtenu au préalable l'assentiment du Parlement, ou faut-il le faire exclusivement via l'article 89, qui porte précisément sur les modalités de révision de la Constitution ?

Dès le lendemain de la mise en place des institutions de la Ve République, le général de Gaulle s'est inquiété de l'éventuel manque de légitimité dont pourraient souffrir ses successeurs pour gouverner. Afin d'affermir le pouvoir du chef de l'État, il a considéré qu'il était nécessaire de faire élire directement le Président de la République par le peuple français. Il s'agissait, d'après lui, de « parfaire les institutions nationales sur un point dont, demain, tout peut dépendre ».

A-t-il eu raison de faire cela ? C'était le général de Gaulle, il avait cet objectif en tête, et les assemblées parlementaires ne lui auraient jamais permis d'effectuer cette modification.

Sa décision d'utiliser l'article 11 pour, précisément, contourner le Parlement, confirme la théorie selon laquelle il plaçait l'intérêt national au-dessus de la politique, et la politique au-dessus du droit, qu'il qualifiait volontiers de « juridisme ».

Cette analyse n'est pas la mienne, mais celle de Léon Noël, gaulliste inconditionnel qui fut le premier président du Conseil constitutionnel. Celui-ci s'était très fortement opposé – en privé, jamais en public – au recours à l'article 11 pour modifier la Constitution. Il avait même réussi à faire changer d'avis le général de Gaulle, avant que ce dernier soit victime de l'attentat du Petit-Clamart.

Depuis, l'ensemble des constitutionnalistes – la doctrine – se sont accordés pour dire que la Constitution ne pouvait être réformée que par la voie de l'article 89, et que, sinon, cet article n'aurait que peu d'intérêt. En théorie, l'article 11 ne vise que le domaine législatif, et non le domaine constitutionnel.

Le temps a passé et le général de Gaulle a quitté le pouvoir en 1969, après le « non » au référendum relatif aux pouvoirs du Sénat. Depuis cette date, nous n'avons cependant jamais refermé la brèche qu'il avait ouverte.

Or cette brèche pourrait conduire à une modification totale de notre Constitution sans que nous, parlementaires, ayons notre mot à dire, alors même que le référendum convoque le peuple en tant que pouvoir constitué, et non constituant.

Nous aurions dû nous emparer politiquement et juridiquement du sujet, mais nous avons laissé, depuis plus de soixante ans, cette brèche subsister.

Celle-ci est pourtant dangereuse. Elle l'a toujours été, et elle le demeurera tant qu'elle ne sera pas comblée. C'est ce que nous proposent aujourd'hui de faire Éric Kerrouche et le groupe socialiste, en provoquant un débat qui est, selon moi, salutaire.

L'adoption de cette proposition de loi constitutionnelle suffira-t-elle à empêcher des dérives illibérales ou autoritaires ? Certainement pas. Pour autant, peut-on se permettre de négliger un seul mécanisme, un seul contre-pouvoir susceptible de garantir les fondamentaux de notre démocratie ? La réponse de mon groupe est assurément non.

En effet, que la doctrine soit unanime sur le sujet ne protège pas contre l'interprétation qui peut être faite de l'article 11. En se saisissant du pouvoir de contrôler les décrets de convocation des électeurs à un référendum au travers de sa jurisprudence Hauchemaille, le Conseil constitutionnel a apporté une garantie nécessaire, mais insuffisante. Le Sénat lui-même a dressé ce constat l'an dernier encore.

Il me semble que notre rôle, en tant que parlementaires, est de protéger, et même de servir, notre pacte fondamental, à savoir la Constitution. Or ce n'est pas le protéger que de laisser subsister une faille que l'on pourrait exploiter pour faire régner l'arbitraire. Cela valait en 1962 et cela vaut encore aujourd'hui, indépendamment du parti ou de la personne qui serait amenée à recourir à l'article 11 pour modifier la Constitution.

En votant cette proposition de loi, il ne s'agit pas de cadenasser la Constitution. Il s'agit simplement de la réviser selon des règles permettant un débat et un dialogue démocratique approfondis. Dans notre conception des institutions, cela passe inévitablement par la représentation nationale.

Alors président du Sénat, le grand radical qu'était Gaston Monnerville s'était fermement opposé au référendum de 1962. Je fais miens ses mots : « Il faut [que le peuple français] comprenne que réviser cette Constitution par le biais de l'article 11, c'est porter atteinte à ses droits et à ses libertés, car lorsque les garanties qui lui sont données par la Constitution sont violées, il n'y a plus de République. »

C'est la raison pour laquelle le groupe du RDSE votera, avec conviction et en accord avec son histoire, en faveur de cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST, SER et CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Olivia Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Olivia Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, n'est-il pas question avec ce texte d'un référendum sur le référendum ? Ne serions-nous pas dans Retour vers le futur ? Je pose ces questions, car nos collègues socialistes reprennent une idée qui remonte à 1984 !

Le 12 juillet 1984 plus précisément, alors que la réforme Savary sur l'école privée avait jeté plus d'un million de personnes dans la rue, François Mitterrand proposait à la télévision un « référendum sur le référendum ». Il s'agissait alors d'élargir le champ d'application de l'article 11 aux libertés publiques. Heureusement, ce référendum n'a jamais eu lieu…

Aujourd'hui, nous sommes réunis dans cet hémicycle non pas pour étendre ce champ d'application, mais pour nous assurer qu'il n'est pas déjà trop vaste.

Les auteurs de cette proposition de loi constitutionnelle veulent empêcher une dérive populiste en cas d'élection d'un candidat illibéral à la présidence de la République. Nous sommes tous d'accord pour dire que ce serait vraiment une très mauvaise nouvelle. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il serait inacceptable de détourner la procédure du référendum législatif pour réviser la Constitution. Nous sommes tous convaincus que la seule voie possible pour ce faire est celle de l'article 89.

Néanmoins, les travaux de notre rapporteure, que je salue, ont clairement montré que le dispositif de ce texte n'aurait aucunement pour effet d'empêcher un tel contournement de procédure. Il est tout bonnement inopérant !

Pour autant, ses auteurs ont tout de même le mérite de poser une question importante : comment préserver les valeurs garanties par notre Constitution et protégées par le Conseil constitutionnel ?

Admettons que le Sénat accepte de voter cette proposition de loi constitutionnelle, alors même que celle-ci ne répond pas à la question qu'elle pose. Bien sûr, notre assemblée pourrait répugner à verrouiller une porte dont seuls les électeurs ont la clef, mais imaginons malgré tout que nous adoptions ce texte déclaratoire, pour dire notre refus du populisme et notre attachement à l'article 89 de la Constitution.

Soit ! Mais encore faut-il que l'Assemblée nationale l'inscrive à son ordre du jour ! Or j'ai l'impression que les députés socialistes sont quelque peu occupés en ce moment... (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Joshua Hochart. Magouilles !

Mme Olivia Richard. Peu importe, envisageons un scénario dans lequel cette proposition de loi constitutionnelle serait inscrite à l'ordre du jour par le Gouvernement, lequel chercherait ainsi à faire plaisir aux députés socialistes – c'est la mode en ce moment. (Sourires.)

M. Patrick Kanner. Ce n'est pas un argument !

Mme Laurence Rossignol. Ce n'est pas au niveau !

Mme Olivia Richard. Encore faut-il que ce texte recueille la majorité des voix à l'Assemblée nationale.

M. Éric Kerrouche. C'est le principe…

Mme Olivia Richard. C'est le principe, en effet !

Rappelons à ce stade que le texte doit être voté conforme par les deux chambres. Même si les députés pourraient être tentés de l'améliorer pour le rendre opérant, j'écarterais néanmoins cette option, car elle me semble peu probable. Après tout, c'est plutôt au Sénat que cela se passe ainsi…

Disons donc que le texte est adopté conforme. Le Président de la République doit alors convoquer les électeurs en vue d'un référendum, seule voie possible pour une adoption définitive.

Notons au passage que ce même Président de la République avait proposé aux responsables politiques, lors des rencontres de Saint-Denis de 2023, d'élargir le champ de l'article 11 pour qu'il soit possible d'organiser un référendum sur l'immigration.

Mais revenons-en au référendum sur le référendum. À supposer qu'il y ait encore un gouvernement pour l'organiser, quand le ferait-il ? En même temps que les élections municipales ? Avant ou après les élections sénatoriales ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous êtes pour ou contre ?

M. Éric Kerrouche. C'est ridicule…

Mme Olivia Richard. Espérons qu'il n'y aura pas de nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale, car, à ce stade de notre scénario, il nous reste déjà moins d'un an avant l'élection présidentielle. On est large !

Mes chers collègues, vous auriez pu privilégier une démarche transpartisane plutôt qu'imaginer ce scénario improbable.

Mme Laurence Rossignol. En quoi est-ce improbable ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Centriste un jour, centriste toujours !

Mme Olivia Richard. Nous aurions ainsi pu réfléchir ensemble à différents chantiers qui permettraient de dynamiser notre démocratie. Ainsi avions-nous eu, il y a quelques mois, un débat sur la proportionnelle.

Bref, nous aurions pu essayer de réconcilier les Français avec leurs institutions, au lieu de donner l'impression que nous tentons de nous barricader pour nous protéger d'eux.

Mes chers collègues, si le sujet est sérieux, cette démarche ne me semble pas l'être. Lorsqu'on inscrit un texte à l'ordre du jour de notre assemblée, c'est, en principe, dans l'espoir de le voir prospérer. Sinon, c'est pour faire de la politique – ce qui n'est pas un gros mot. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Vous ne faites jamais ça, vous les centristes !

Mme Olivia Richard. Pourtant, nous partageons la conviction qu'il est nécessaire de réaffirmer notre attachement à l'État de droit.

Mes chers collègues, si vous cherchez à sensibiliser nos compatriotes sur le danger que représente le Front national – pardon, le Rassemblement national – pour notre État de droit, et à réaffirmer à quel point cet État de droit est précieux, je vous rejoins sans hésiter, et je ne serai pas la seule.

Si, en revanche, votre intention est de défendre un texte « invotable », qui n'a aucune chance de prospérer, pour pouvoir reprocher par la suite à la majorité sénatoriale de ne pas le voter et de ne pas vouloir protéger notre Constitution face au RN, je trouve cela indigne de la crise démocratique que nous vivons ! (M. Pierre-Alain Roiron s'exclame.)

Mme Olivia Richard. Le groupe Union Centriste ne votera pas cette proposition de loi constitutionnelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Stéphane Le Rudulier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, faut-il protéger le peuple de lui-même ? Voilà en quelque sorte la question que se posent les auteurs du texte que nous examinons aujourd'hui.

Nos collègues socialistes s'inquiètent d'un hypothétique recours du Rassemblement national à l'article 11 de notre Constitution pour organiser un référendum visant à la modifier. Pourtant, l'écrasante majorité des spécialistes considèrent que la procédure définie à l'article 11 ne s'applique pas s'il s'agit de modifier la Constitution.

En effet, les révisions constitutionnelles sont encadrées par le titre XVI de notre loi fondamentale, qui contient un article unique – l'article 89. Que la révision prenne la forme d'un projet ou d'une proposition de loi constitutionnelle, cet article prévoit la consultation du Parlement, qui doit voter le texte en des termes identiques.

En outre, dans le cas des textes d'initiative gouvernementale, le Président de la République a deux options pour les faire approuver définitivement : la voie du Congrès, ou celle du référendum.

Au-delà du consensus doctrinal, force est de rappeler que le général de Gaulle a fait usage de l'article 11 par deux fois pour modifier ou tenter de modifier la Constitution. Le Conseil constitutionnel s'était alors déclaré incompétent pour juger les lois adoptées par le peuple à la suite d'un référendum, dans la mesure où elles découlent de l'expression directe de la souveraineté nationale.

M. Francis Szpiner. Tout à fait !

Mme Laure Darcos. Alors que les mouvements populistes remportent des victoires dans de nombreux pays, y compris en Europe, nous comprenons l'inquiétude du groupe socialiste. Dans un scénario dystopique, les Français pourraient adopter par référendum une révision de la Constitution de nature à faire basculer la France dans un régime illibéral et autoritaire.

Mme Audrey Linkenheld. Dystopique, vraiment ?

Mme Laure Darcos. Les sénateurs socialistes nous proposent d'inscrire explicitement dans la Constitution que la seule procédure de révision possible est celle prévue par l'article 89, qui requiert un examen du texte par le Parlement. Nous comprenons leur raisonnement, mais nous pensons que la réponse apportée n'est pas la bonne.

Tout d'abord, la solution qu'ils nous proposent est inopérante. Même si elles étaient adoptées, ces dispositions n'empêcheraient pas un Président de la République de soumettre au référendum un projet de loi modifiant la Constitution, comme le fit jadis le général de Gaulle. Le Conseil constitutionnel ne pourrait pas davantage s'y opposer qu'en 1962.

Au-delà de son inefficacité, il me semble, ainsi qu'à mon groupe, que cette proposition de loi pose une question de philosophie politique : en démocratie, faut-il craindre le peuple ? Nous ne le croyons pas, et nous trouvons même dangereux de laisser penser que les représentants des Français souhaiteraient les bâillonner.

Depuis de Gaulle, l'écrasante majorité des révisions constitutionnelles ont été approuvées par le Parlement réuni en Congrès. Le dernier référendum sur lequel ils ont eu à se prononcer en 2005 a laissé un souvenir amer à nos concitoyens : alors même qu'ils sont rarement consultés sur des sujets législatifs, il n'a pas été tenu compte de leur vote.

Le choix opéré à l'époque de passer outre ce référendum a envoyé un message terrible aux électeurs, message qui est encore présent dans la mémoire collective vingt ans plus tard. C'est ainsi que l'on nourrit la division entre le peuple et ses représentants !

En plus d'être inopérante sur le plan juridique, la proposition de loi constitutionnelle que nous examinons alimenterait une fois encore le sentiment que partagent nombre de nos concitoyens de n'être ni écoutés ni entendus. Les institutions et les représentants du peuple que nous sommes n'ont pourtant pas besoin de davantage de défiance…

Enfin, si cette proposition de loi constitutionnelle devait être adoptée par le Parlement, elle ne pourrait être approuvée que par un référendum. En somme, ce référendum reviendrait à demander au peuple de bien vouloir accepter par avance de ne plus être consulté sur la modification de la Constitution.

Mme Laure Darcos. Pour sortir de cette impasse ubuesque, certains imaginent un hypothétique texte d'initiative gouvernementale pouvant, in fine, être approuvé par le Parlement réuni en Congrès, afin d'éviter la tenue d'un référendum. Voilà qui achèverait d'acter le divorce entre nos concitoyens et leurs représentants !

La faille constitutionnelle pointée par nos collègues socialistes constitue une menace réelle, qui pèse sur la protection des droits et des libertés individuelles. Les Françaises et les Français doivent en prendre conscience et choisir la manière dont ils souhaitent y répondre. Nous pourrions par exemple imposer une participation minimum, ou encore une majorité qualifiée.

En tout état de cause, il nous semble qu'une campagne présidentielle se prête bien mieux à un tel débat que l'espace réservé à un groupe parlementaire. Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais formuler plusieurs observations sur la proposition de loi constitutionnelle qui nous est soumise aujourd'hui.

Première observation : ce texte semble relever d'une logique contextuelle, de circonstance. Or le temps du droit constitutionnel n'est pas celui de la politique. Il ne me semble pas opportun qu'une révision de notre loi fondamentale soit subordonnée à des arrière-pensées partisanes, dont l'objet serait peu ou prou de bloquer une hypothétique future majorité.

Deuxième observation : le texte qui nous est soumis supprime une procédure utile. D'un point de vue juridique, le recours à l'article 11 en vue de réviser la Constitution est condamné par une partie dominante de la doctrine. Pour autant, d'un point de vue politique, il peut se justifier par le simple fait qu'une seule des deux chambres – Sénat ou Assemblée nationale – peut interdire durablement, voire indéfiniment, une révision de la Constitution recueillant l'adhésion de la majorité des citoyens.

Cette proposition de loi constitutionnelle se heurte donc selon moi à une difficulté d'ordre démocratique.

Du reste, si, pour certains, la procédure définie à l'article 11 est en concurrence avec celle que prévoit l'article 89, pour d'autres, il s'agit d'une simple coutume constitutionnelle. Le président François Mitterrand s'est d'ailleurs rallié à cette seconde thèse en 1988.

Troisième observation : cette proposition de loi constitutionnelle me paraît inutile. Le référendum d'initiative présidentielle ne fait l'objet d'aucun contrôle préventif par le Conseil constitutionnel, celui-ci ne s'estimant pas compétent pour contrôler la constitutionnalité d'un processus relevant de l'expression directe de la souveraineté populaire.

Partant de ce postulat, malgré le dispositif que vous proposez, une loi ordinaire adoptée selon la procédure définie à l'article 11 portant, par exemple, sur la politique de l'immigration ou sur l'âge de départ à la retraite – et donc pas sur une quelconque révision de la Constitution –, pourrait comporter des dispositions d'ordre constitutionnel et, donc, empiéter, de fait, sur la compétence dévolue au pouvoir constituant.

Dans un tel cas, ce texte serait donc sans effet, à moins de retirer l'initiative du référendum à l'exécutif ou à la soumettre au contrôle préalable du Conseil constitutionnel. Les conséquences d'un tel rééquilibrage des pouvoirs doivent faire l'objet d'une réflexion beaucoup plus approfondie que celle qui motive cette proposition de loi constitutionnelle.

Quatrième observation : le référendum prévu à l'article 11 ne relève pas des pouvoirs propres du Président de la République. Ce dernier ne dispose pas, contrairement à ce qui figure dans l'exposé des motifs de ce texte, d'un droit d'initiative spontanée. Son seul pouvoir consiste à accepter ou non de soumettre un projet de loi au référendum et de convoquer le collège électoral.

Or la proposition de loi constitutionnelle repose sur une interprétation quelque peu erronée de l'article 11. En effet, ses auteurs considèrent que le « pouvoir propre du chef de l'État lui permet de soumettre un texte au référendum sans examen par les chambres parlementaires ». Ce n'est pas totalement exact.

Dans le cas du projet de loi référendaire, le Gouvernement doit prononcer une déclaration devant chaque assemblée, suivie d'un débat. À cette occasion, rien n'interdit à l'Assemblée nationale de renverser le Gouvernement, sur le fondement de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution, si elle s'estime victime d'un détournement de procédure.

Cinquième et dernière observation : cette proposition de loi constitutionnelle prive le peuple de sa souveraineté. Bien entendu, je ne suis pas favorable à un détournement de la Constitution. Toutefois, la consultation du peuple offre, pendant une période de campagne électorale, les garanties d'un débat démocratique et pluraliste susceptible d'éclairer les citoyens sur les questions qui leur seront soumises.

Contrairement à ce que semblent considérer les auteurs du texte, l'issue du référendum n'est pas acquise. J'en veux pour preuve le référendum de 1969. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Christopher Szczurek applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est clair que nul ici ne met en cause la souveraineté populaire ni le recours au référendum.

Le cœur de notre délibération repose sur deux piliers essentiels : l'établissement de limites constitutionnelles claires et la définition du rôle que le Parlement doit exercer dans tout processus de révision de notre Constitution.

La proposition de loi constitutionnelle que nous examinons aujourd'hui vise à ce qu'à l'avenir toute révision constitutionnelle ne puisse intervenir que selon les dispositions de l'article 89. Elle ne bouleverse en rien l'idée originelle de notre Constitution ; elle la conforte.

Bien que la doctrine constitutionnelle soit majoritairement alignée sur cette question, l'histoire nous enseigne à quoi nous expose l'absence de limites. En 1962, le référendum a eu lieu malgré l'avis défavorable du Conseil d'État, la motion de censure de l'Assemblée nationale et la dénonciation du président du Sénat, Gaston Monnerville.

En deux mois, la France est passée à l'élection présidentielle au suffrage universel direct. Ce précédent démontre la faisabilité et la rapidité d'un recours à l'article 11 pour toucher au cœur même du pacte constitutionnel.

Au-delà de ce précédent, la faisabilité juridique d'un référendum de révision de la Constitution fondé sur l'article 11 et les effets institutionnels qu'il induit posent question.

La nature même du référendum constitutionnel est contestable, dans la mesure où il réduit des objets souvent complexes à une simple alternative. La question posée ne fait l'objet ni de travaux en commission, ni d'amendements, ni de compromis, ni de délibération… Elle se résume à une campagne, puis un verdict !

Nul doute que la parole du peuple doit être écoutée, mais elle ne doit pas se résumer à un choix binaire ; notre démocratie mérite mieux ! En 1962, la décision du Conseil constitutionnel de se déclarer incompétent pour juger de la conformité d'une loi adoptée par référendum a ajouté à ce tableau un angle mort qui nous invite à la plus grande prudence.

Défendre l'article 89 comme l'unique voie de révision de la Constitution, ce n'est pas se défier du peuple ! Cet article prévoit bel et bien la possibilité de soumettre le projet de révision au référendum. Simplement, il lui adjoint une délibération parlementaire préalable. Ce faisant, il confère au Parlement une place singulière ; il en fait un acteur incontournable d'un équilibre délicat à tenir. C'est cette chorégraphie qui confère aux révisions constitutionnelles passées toute leur légitimité.

Cette clarification a un mérite simple : elle limite les contournements du Parlement et évite tout usage démagogique du référendum, qu'il émane de l'extrême droite ou de l'extrême gauche. Les tentations de court-circuiter le Parlement au nom d'une urgence ne sont l'apanage d'aucun camp. Elles prospèrent à chaque fois que l'on préfère aller vite plutôt que faire bien.

Notre responsabilité commune est d'éviter qu'une majorité passagère, portée par l'émotion, ne bouscule notre équilibre démocratique.

Pour notre part, sans triomphalisme et sans nous faire d'illusion sur l'avenir de ce texte, nous y voyons un rappel utile des bonnes pratiques institutionnelles dont le Sénat s'est toujours porté garant. Il ne retire aucune voix au peuple : il remet simplement la clef du référendum constitutionnel à sa place légitime, c'est-à-dire dans la procédure de l'article 89.

Parce que toute réflexion sur la Constitution mérite de s'inscrire dans le temps long, parce que la délibération parlementaire est non pas un obstacle, mais une garantie, parce que le Sénat a vocation à protéger l'équilibre des pouvoirs, les membres de mon groupe voteront majoritairement en faveur de cette proposition de loi constitutionnelle, notre volonté constante étant de préserver la République de ses emballements ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Raphaël Daubet applaudit également.)

(À suivre)