C'est pourquoi nous voterons pour cette question préalable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 278, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 24 :
| Nombre de votants | 343 |
| Nombre de suffrages exprimés | 343 |
| Pour l'adoption | 98 |
| Contre | 245 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de priorité
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, au regard de l'agenda particulièrement contraint de la commission des finances en cette période, il apparaît opportun que le Sénat examine en priorité les articles et les amendements dont l'instruction a été déléguée au fond à cette commission.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales demande qu'après l'examen des amendements portant article additionnel après l'article 1er le Sénat examine en priorité les articles 3, 3 bis, 9, 15, 18, 19, 20, 20 bis, 20 ter, 20 quater et 23, ainsi que les amendements portant article additionnel qui s'y rapportent.
M. le président. Je suis donc saisi, par la commission, d'une demande d'examen par priorité des articles 3, 3 bis, 9, 15, 18, 19, 20, 20 bis, 20 ter, 20 quater et 23.
Je rappelle que, aux termes de l'article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2024, les dépenses sociales ont représenté 32 % du PIB français, soit une augmentation de près de 7 % en un an.
Notre pays est malade et ses finances sont à la dérive. Il faut donc aller faire les poches des voleurs, plutôt que celles du contribuable.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui…
M. Stéphane Ravier. En effet, les Français paient toujours plus de taxes et d'impôts et bénéficient de toujours moins de services publics et de prestations, alors qu'un véritable système frauduleux prospère en siphonnant les caisses des prestations sociales.
Par ce texte, vous nous proposez un réarmement administratif pour aller récupérer l'argent volé, alors qu'il nous faudrait un texte pour éviter de se le faire voler !
Pour cela, j'ai proposé, par voie d'amendement, d'instaurer une carte Vitale biométrique : ce dispositif a été censuré par la commission des finances et par son président, socialiste évidemment, en amont de l'examen du texte.
Avec les cosignataires patriotes de cet amendement, nous estimons que le coût de la mise en place d'une carte biométrique est dérisoire comparé au gain attendu en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales et de rétablissement de la justice fiscale et sociale, donc du consentement à l'impôt. Selon la Cour des comptes, il y aurait plus de trois millions de cartes Vitale en surnombre. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)
De son côté, l'inspection générale des finances (IGF) dénombre plus de 73 millions d'assurés sociaux en 2022 pour un peu plus de 67 millions d'habitants !
Résultat : un braquage de 5 milliards d'euros par an à la sécurité sociale.
Je trouve scandaleux que certains organismes de sécurité sociale s'évertuent à ne pas diffuser les chiffres exacts et actualisés, quand bien même ils leur sont demandés par des commissions d'enquête. Il y a là une dissimulation volontaire de l'ampleur de la fraude.
Les bonnes âmes dénonceront la chasse aux pauvres là où il n'y a qu'une chasse aux faux nécessiteux qui violent notre générosité. Alors que nous sommes à la veille des dix ans du Bataclan, songez que les islamistes sont partis faire le djihad avec nos allocations ; c'est totalement immoral !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Quel est le rapport ?
M. Alexandre Basquin. C'est honteux !
Mme Émilienne Poumirol. Scandaleux !
M. Stéphane Ravier. Il ne peut y avoir de vraie providence sociale sans un État national. Nous ne pouvons pas aider les plus pauvres des nôtres en restant un guichet social ouvert au monde entier. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
L'État a des drones pour contrôler la taille des piscines des Français, mais il n'est pas capable de croiser et de connecter les fichiers pour supprimer une carte Vitale en même temps qu'il prononce une obligation de quitter le territoire français (OQTF) !
L'État est capable de restreindre les libertés de déplacement et de travail de 67 millions de Français, de mettre l'économie à l'arrêt, d'instaurer un passe sanitaire, d'infliger de copieuses amendes à ceux qui boivent leur café assis plutôt que debout, mais il ne peut empêcher des fraudeurs décomplexés, qui se filment dans leur voiture de luxe ou à Dubaï, de percevoir de très généreuses allocations.
Ces provocations, qui sont autant d'humiliations, sont insupportables !
La fraude sociale, mes chers collègues, c'est 345 fois le casse du Louvre chaque année, soit quasiment un casse par jour !
Il est temps d'y mettre un terme de manière structurelle, ambition que, malheureusement, les auteurs de ce texte ne veulent pas se donner. Les fraudeurs pourront donc continuer à frauder, pendant que les contribuables seront forcés de contribuer ! (M. Alain Duffourg applaudit.)
M. Loïc Hervé. En fait, rien ne va jamais, à vos yeux !
M. le président. La parole est à M. Michel Masset.
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un département comme le Lot-et-Garonne, où les services publics se battent pour rester présents, chaque euro compte.
Les fraudes, qu'elles soient fiscales ou sociales, privent nos territoires de moyens concrets pour l'école, la santé ou la ruralité. Or, à l'échelon national, plus de 30 000 emplois ont été supprimés à la DGFiP depuis sa création. Cette érosion fragilise les moyens de contrôle.
On ne lutte pas efficacement contre la fraude à distance et à coups d'algorithmes !
La fraude fiscale, ce sont près de 100 milliards d'euros par an ; la fraude sociale, ce sont environ 13 milliards d'euros.
Alors que nous ambitionnons de faire reculer le déficit public à 5,4 % du PIB, chaque euro perdu à cause de la fraude prive l'État de ressources indispensables.
Les montants que j'ai cités traduisent un déséquilibre structurel. Les moyens de contrôle se concentrent encore trop sur les prestations sociales, alors que les schémas d'évasion fiscale demeurent infiniment plus coûteux pour la collectivité.
Pour le RDSE, la lutte contre toutes les fraudes est une exigence morale autant que budgétaire.
Celle-ci doit reposer sur une approche équilibrée. Il ne faut en aucun cas opposer les fraudes entre elles. Il ne faut en aucun cas stigmatiser les petits bénéficiaires modestes. Et il faut, dans tous les cas, garantir la proportionnalité des sanctions.
Tel est l'esprit de l'amendement que nous avons déposé à l'article 27, qui vise à encadrer les retenues opérées par France Travail en cas de fraude afin qu'elles ne privent jamais un allocataire de tout moyen d'existence. Autrement dit, le recouvrement des sommes indues doit s'exercer dans le respect du minimum vital prévu par le code du travail.
Cet équilibre est essentiel : il distingue la fermeté nécessaire à l'égard de la fraude de la brutalité inutile envers ceux qui restent des citoyens et des justiciables. L'article 27, dans sa rédaction actuelle, rompt cet équilibre. Il faut donc revenir à la raison. La lutte contre la fraude ne doit jamais se transformer en politique de suspicion.
Concernant l'article 21, nous partageons l'objectif du Gouvernement. La flagrance sociale constitue un instrument utile pour agir vite et sécuriser le recouvrement. Cependant, il faut aller plus loin : la procédure devrait s'appliquer à l'ensemble des fraudes caractérisées, au-delà du seul travail dissimulé. Cette extension donnerait aux Urssaf les moyens d'intervenir plus rapidement dans les cas les plus manifestes.
J'ai participé aux travaux de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, et je salue le travail exemplaire de mes collègues Olivier Rietmann et Fabien Gay. Notre commission a montré que les dispositifs d'aide aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants souffrent d'un manque de transparence et d'un contrôle trop lâche.
Monsieur le ministre, alors que plus de 200 milliards d'euros d'aides sont attribués chaque année, il est légitime de conditionner leur versement au respect élémentaire de la loi.
Il s'agit non pas de supprimer ces aides, qui jouent un rôle essentiel pour l'investissement et l'emploi, mais de s'assurer qu'elles bénéficient uniquement aux entreprises respectueuses de leurs obligations fiscales et sociales.
Sur l'initiative de notre présidente Maryse Carrère, notre groupe vous proposera qu'une condamnation pour fraude fiscale ou sociale entraîne l'exclusion temporaire du bénéfice des aides publiques.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Masset. Cette mesure n'est pas une double peine : il s'agit d'établir une règle de cohérence dans l'attribution des fonds publics en suspendant simplement, pour une durée limitée, le bénéfice de certaines aides pour les auteurs de fraudes caractérisées.
Mes chers collègues, notre responsabilité est de consolider la justice fiscale et sociale sans jamais céder à la démagogie. Il y va d'un combat législatif, certes, mais aussi d'une volonté politique : le courage politique est indispensable si l'on veut restaurer la confiance des électeurs et des contribuables.
Pour être crédible, la lutte contre la fraude suppose des moyens humains supplémentaires sur le terrain, au plus près des réalités. Le RDSE prendra toute sa part dans l'élaboration d'une stratégie à la fois juste et ferme à l'égard des fraudeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, il est indispensable d'allier droits et devoirs, exemplarité et responsabilité. Aussi, ce texte consacré à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales répond à cette exigence d'équité : il s'agit de renforcer l'acceptabilité des efforts budgétaires en luttant contre ceux qui trichent au détriment de la collectivité tout entière.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes.
La fraude sociale est aujourd'hui estimée à près de 13 milliards d'euros par an. En 2024, seuls 2,9 milliards d'euros ont été détectés et une part très marginale de ce total a été réellement recouvrée. Cette année, le Gouvernement espère récupérer 1,5 milliard d'euros de recettes fiscales et 800 millions d'euros de recettes sociales. Le Sénat va tenter de lui donner les moyens de ses aspirations, car, disons-le franchement, le projet initial du Gouvernement manquait d'ambition.
Je tiens ici à saluer le travail remarquable des rapporteurs, Frédérique Puissat et Olivier Henno, qui ont largement enrichi le texte et lui ont donné la force exécutive et la cohérence qu'il méritait. Après son passage en commission, il est devenu plus clair, plus précis et, surtout, plus efficace.
Je veux également saluer notre collègue Nathalie Goulet, dont la conviction et la ténacité sur ces questions ne sont plus à démontrer. Depuis des années, elle nous rappelle combien la lutte contre la fraude est essentielle à la crédibilité de notre modèle.
M. Loïc Hervé. Eh oui !
Mme Anne-Sophie Romagny. Ce texte marque une avancée concrète : l'administration sociale pourra enfin accéder aux mêmes documents que l'administration fiscale. C'est une mesure de bon sens que nous attendions depuis longtemps.
Trop souvent, les administrations ont travaillé en silos, cloisonnées, frileuses, freinées par la complexité des échanges d'informations.
Avec ce texte, un partage automatisé des données et une coopération renforcée entre organismes deviennent possibles : c'est la condition d'un contrôle plus juste et plus rapide.
Malheureusement, on nous oppose souvent la protection légitime de la vie privée. Soyons sérieux, nos administrations seront équilibrées, et ne soyons pas dupes, nos concitoyens partagent déjà chaque jour quantité d'informations sur les réseaux sociaux, en utilisant leurs smartphones ou en acceptant les cookies qui tracent nos moindres faits et gestes.
Aussi, sans remettre en cause le cadre de la protection des données, donnons-nous des moyens performants pour mieux protéger notre système social et ceux qui y contribuent honnêtement.
Par ailleurs, je regrette que certaines recommandations récentes de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) fragilisent le travail des contrôleurs. Je pense notamment à l'interdiction du droit de communication aux compagnies aériennes depuis février 2025. Ces restrictions limitent la portée de nos efforts et renforcent le camp de la fraude. Le texte rédigé par la commission y remédie.
Monsieur le ministre, les organismes de protection sociale sont une ressource d'expertise. Faisons-leur confiance et donnons-leur les outils nécessaires pour agir vite, avec discernement et équité, car, rappelons-le, l'argent public n'est ni abstrait ni gratuit. Il vient du travail des Français, de leur contribution à l'impôt ; il est ce bien commun qui rend possibles notre solidarité nationale, nos services publics, notre protection sociale. Il doit donc être respecté, protégé et géré avec responsabilité.
Frauder, détourner, tricher, c'est porter atteinte au pacte républicain et à la confiance qui nous lie.
Notre devoir est clair : traquer la fraude sous toutes ses formes, sans faiblesse ni complaisance, avec rigueur et équité. Il s'agit non pas de stigmatiser, mais de rappeler que la justice sociale suppose d'abord la justice tout court, dans les contributions comme dans les prestations.
Parce que ce texte enrichi par le Sénat va dans le sens de l'efficacité, de la responsabilité et de la confiance retrouvée, le groupe Union Centriste le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Bien sûr, évidemment !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrat que l'État passe avec ses citoyens doit être honnête. Si la société m'accorde des droits, j'ai aussi des devoirs envers elle et réciproquement. Mais il arrive parfois que les signataires de ce contrat soient, disons-le, malhonnêtes. Certains le sont par ignorance et la reconnaissance récente du droit à l'erreur est, à cet égard, un vrai progrès. D'autres, en revanche, fraudent sciemment, et c'est bien à eux que s'adresse ce projet de loi.
Le président Georges Pompidou disait : « La fraude est à l'impôt ce que l'ombre est à l'homme. » Il est vrai qu'en matière de fraude il existe encore beaucoup de zones d'ombre ; ce texte a précisément pour ambition de les éclairer en chiffrant l'ampleur du phénomène et en dévoilant les moyens d'action des fraudeurs.
Chaque fraude, sociale ou fiscale, est un coup de canif dans le contrat social qui nous unit. Ce contrat pourrait être ainsi résumé : je reçois, donc je respecte les règles.
Notre système repose sur une idée simple : des cotisations et des impôts en échange de protection, de justice et d'un système de santé universel.
La fraude, c'est le fait de ceux qui veulent les gains du jeu sans en respecter les règles. Et les conséquences en sont lourdes : les sommes détournées sont autant d'argent qui ne va pas à la défense, aux services publics, à l'éducation.
La fraude sociale représenterait aujourd'hui 13 milliards d'euros par an, contre à peine 850 millions en 2014. Pour ce qui est de la fraude fiscale, les estimations varient entre 60 milliards et 100 milliards d'euros.
On dit parfois que la fraude est un sport national…
Selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, 56 % des détournements viennent des professionnels employeurs, travailleurs indépendants ou autoentrepreneurs, 34 % des assurés sociaux individuels et 10 % des professionnels de santé.
Comment empêcher les fraudes si les administrations ne disposent que d'une partie des informations ? Comment arrêter une fraude dont on ignore l'existence ?
Ce projet de loi vise justement à renforcer les échanges d'informations entre administrations, et notamment entre les complémentaires santé et les CPAM. L'extension aux agents des CPAM du droit de communication auprès des banques est une mesure de bon sens. Elle permettra de lutter plus efficacement contre la fraude aux indemnités journalières ou à la complémentaire santé solidaire. Cette possibilité a été étendue, en commission, aux agents des CAF, eux aussi en première ligne face à la fraude.
Nous soutenons pleinement ces mesures et saluons les garanties de protection des données introduites par la commission, à savoir la consultation de la Cnil et des instances professionnelles.
Ce texte instaure aussi des mesures de justice et de cohérence.
Désormais, France Travail pourra tenir compte des revenus issus d'activités illicites dans le calcul des allocations chômage. Il y a là encore une mesure de bon sens et de justice, étendue par la commission à toutes les aides sociales sous condition de ressources.
La lutte contre la fraude au compte personnel de formation, le CPF, a également été fortement renforcée.
Je veux saluer ici le travail remarquable des rapporteurs, qui ont rendu ce texte plus ambitieux et plus concret, mais, pour limiter la fraude, il faut aussi des sanctions dissuasives.
Ce texte crée ainsi une peine spécifique pour l'escroquerie aux finances publiques en bande organisée, portée à quinze ans de réclusion criminelle et un million d'euros d'amende ; …
Mme Nathalie Goulet. Nous l'avons déjà votée !
Mme Marie-Claude Lermytte. … de nouvelles amendes administratives contre les centres de formation défaillants ; la possibilité de cumuler le déconventionnement d'un professionnel de santé fraudeur avec une pénalité financière ; le déremboursement des prescriptions des médecins déconventionnés pour fraude ; la suspension du tiers payant pour les assurés fraudeurs.
Ces mesures ne pénalisent pas les honnêtes praticiens : elles visent uniquement les fraudeurs.
Sur les 13 milliards d'euros de fraude sociale estimée, seuls 3 milliards sont détectés et 600 millions effectivement recouvrés. C'est invraisemblable !
Renforcer la détection est essentiel, mais cela ne sert à rien si nous ne récupérons pas l'argent. Le texte prévoit donc plusieurs dispositifs nouveaux pour améliorer le recouvrement des sommes détournées, qu'il s'agisse de fraude aux allocations chômage, aux cotisations sociales ou aux prestations de sécurité sociale.
Mes chers collègues, la fraude n'a pas seulement des conséquences financières : elle a une dimension morale. Elle mine la confiance de ceux qui respectent les règles, de ceux qui paient leurs impôts et qui finissent par douter de la justice du système. Personne n'aime les tricheurs !
Toutefois, méfions-nous des excès de zèle. Dans la presse, ce matin, un article révélait les abus parfois commis par l'administration, notamment en matière de saisie administrative à tiers détenteur, la somme ponctionnée sur le compte d'un contribuable étant dans certains cas disproportionnée au regard de la somme exigée et mettant en difficulté la personne visée.
Enfin, alors que nous nous apprêtons à adopter ce texte, sachons que les fraudeurs, eux, maîtrisent déjà l'intelligence artificielle.
Le temps démocratique est lent. Le temps technologique, lui, est fulgurant. Veillons à ce que cette loi, une fois adoptée, ne soit pas déjà dépassée.
Mes chers collègues, ce projet de loi va dans le bon sens. Il renforce la prévention, la détection, la sanction et le recouvrement.
Le groupe Les Indépendants le soutiendra sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, vous en conviendrez, n'est pas un texte purement financier ou encore comptable : c'est aussi de justice qu'il s'agit.
Entre ceux qui cherchent à se désengager de la solidarité nationale et ceux qui la dépouillent, il ne faut pas choisir. Il y va, me semble-t-il, du consentement à l'impôt et, in fine, de la confiance en l'action publique.
J'en suis sûr, comme moi, vous l'entendez lors de vos déplacements : nombre de nos concitoyens fustigent ceux qui, pensent-ils, abusent d'un système jugé trop généreux et permissif, un système parfois fantasmé sous l'influence d'un parti politique qui aime flatter les bas instincts.
Il nous revient aujourd'hui de lutter contre cette défiance qui empoisonne et divise notre société.
Nos concitoyens le voient chaque jour : l'éducation, la santé, la justice manquent de moyens. Alors ils se tournent vers nous et nous demandent, légitimement, où peut bien passer l'argent. Bien sûr, ce projet de loi ne réglera pas tout, tant notre État est gangrené par les comités Théodule et les structures ad hoc qui, très souvent, passent sous les radars. Je profite de cette occasion pour saluer, à cet égard, l'excellent travail de notre collègue Christine Lavarde sur l'« agencification » de l'État.
Ainsi, et pour en revenir au texte qui nous intéresse aujourd'hui, je me réjouis du renforcement des échanges d'information entre administrations, mais aussi du renforcement de leurs pouvoirs d'investigation. À n'en pas douter, la possibilité d'opérer sous une fausse identité ou anonymement pour contrôler les formations professionnelles dématérialisées sera fort utile.
L'interdiction de versement des allocations chômage sur des comptes ouverts hors Union européenne me semble également plus que nécessaire.
Dans un tout autre domaine, l'obligation pour les titulaires d'un CPF de se présenter aux épreuves prévues me paraît de bon sens.
Je ne vais pas toutes les citer, mais il faut se féliciter du renforcement de nombreuses sanctions – je pense notamment aux cas de travail dissimulé.
En résumé, il convient de tenir compte de la métamorphose de la fraude en matière fiscale et sociale. Aidée par les outils numériques, celle-ci est entrée dans une nouvelle ère. Ceux qui en tirent profit se jouent des frontières et nous devons adapter notre arsenal juridique à cette nouvelle donne : nos administrations doivent cesser de travailler en silos et exploiter toutes les données dont elles disposent.
Mes chers collègues, ce projet de loi reste utile, bien que son contenu ne soit pas à la hauteur de l'ambition affichée. Je veux saluer tout particulièrement le travail remarquable de nos deux rapporteurs, qui ont su améliorer le texte qui nous a été transmis.
Il s'agit de permettre une détection des fraudes plus rapide, mais aussi un recouvrement plus efficace. Par exemple, trop de sociétés organisent encore leur liquidation avant le recouvrement de la fraude ou réalisent des transferts de fonds vers l'étranger.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Laurent Burgoa. Il était donc pertinent de s'atteler à cette tâche, pour que la détection des fraudes soit suivie d'effet.
À l'heure où nous devons rendre acceptables les efforts demandés aux Français, rappelons que, selon le Conseil d'analyse économique, la fraude fiscale représente entre 14 milliards et 52 milliards d'euros annuels, et que, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, le manque à gagner lié à la fraude sociale s'élève à 13 milliards d'euros par an au minimum. Il y a donc de quoi faire, mes chers collègues.
Permettez-moi simplement une observation avant de conclure : monsieur le ministre, voter une loi, c'est bien ; être en mesure de la faire respecter, c'est encore mieux. Aussi devrions-nous prendre un soin tout particulier à chiffrer convenablement le coût du contrôle de la mise en œuvre des dispositions que nous votons. Soyons attentifs à cet aspect, mes chers collègues.
Le groupe Les Républicains votera ce texte dans l'attente des textes financiers à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous échangeons aujourd'hui sur les fraudes fiscales et sociales, sujet traité avec ténacité depuis de nombreuses années par notre collègue Nathalie Goulet, que je salue tout particulièrement.
La fraude, qu'elle soit fiscale ou sociale, n'est pas seulement une infraction : c'est aussi une injustice. Elle frappe silencieusement, mais elle mine en profondeur la cohésion nationale. C'est une solidarité qui s'effrite, un contrat républicain qui se fissure.
Voilà pourquoi la lutte contre la fraude n'est pas un simple exercice comptable.
Certes, dans quelques jours, nous devrons compter au-delà de nos dix doigts pour trouver un compromis budgétaire équilibré et juste pour les Français, au moment de l'examen du PLFSS et du PLF. Cependant, ce texte relatif à la lutte contre les fraudes en est le complément naturel : il s'inscrit pleinement dans le cadre des grandes orientations budgétaires pour 2026.
Au-delà des chiffres, c'est bien la question de l'équité, de la confiance et du respect de notre contrat social qui se joue ici.
Ce projet de loi, annoncé par le précédent gouvernement au mois de juillet dernier, fait partie d'une stratégie globale, celle du plan interministériel de lutte contre les fraudes aux finances publiques de mai 2023, complété par la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic et la loi du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques.
En 2024, 20 milliards d'euros de fraudes fiscales, sociales, douanières et aux aides publiques ont été détectés, soit près de deux fois plus qu'en 2020. Au sein de ce total, on recense 16,7 milliards d'euros de fraude fiscale et 2,9 milliards d'euros de fraude sociale.
C'est colossal ! Et, surtout, c'est le miroir d'un pays qui peine à se doter des outils adaptés pour contrôler et agir afin de faire respecter les règles communes à tous.
Sans excès d'optimisme, la position du Gouvernement fixant l'objectif de 40 milliards d'euros de détection d'ici à 2029 me semble une trajectoire certes exigeante, mais nécessaire. Cet objectif est atteignable si et seulement si nous donnons à nos administrations et services compétents des moyens suffisants pour contrôler à la fois a posteriori et a priori.
Je partage le terme de « naïveté » employé en commission par notre collègue rapporteur Olivier Henno : oui, il est temps de sortir de la naïveté administrative qui nous rend collectivement coupables par inaction.
Je veux saluer le travail de nos rapporteurs, Frédérique Puissat et Olivier Henno, ainsi que celui de tous nos collègues qui, par leurs amendements en commission, ont renforcé les outils et la cohérence de ce texte. Nous défendrons tout à l'heure, dans cette même logique, un certain nombre d'amendements afin d'en étendre la portée.
Le triptyque d'une lutte cohérente contre les fraudes est bien celui-ci : des outils de détection adaptés et modernes ; des pouvoirs de recouvrement efficaces ; le renforcement des sanctions quand il y a fraude.
Nous ne pouvons plus nous contenter d'empiler les dispositifs en restant privés de « bras » pour les mettre en œuvre. Au fond, la lutte contre la fraude, c'est aussi la lutte contre l'impuissance publique, laquelle, devenue presque structurelle, désespère les Français. Elle laisse la place aux populistes, à ces mots faciles qui rassurent, mais qui, à l'épreuve des faits, ne produisent rien, sinon davantage de désillusion.
Je le dis souvent, car j'en suis convaincu, notre modèle social était un chef-d'œuvre de protection. Il s'est toutefois figé dans le temps sans tenir compte de l'évolution de la société.
Il ressemble désormais à un grand sac troué : on y verse toujours plus, mais il se vide à mesure qu'on le remplit. Ce texte, c'est la tentative de recoudre ce sac, de stopper cette hémorragie silencieuse qui ronge nos comptes publics et sape notre confiance collective en notre système. À force de laisser filer la fraude, on finit par fragiliser le consentement à l'impôt.
La fraude fiscale demeure plus importante que la fraude sociale, mais, dans les deux cas, le poison est le même : une fraude reste une fraude.
La fraude sociale abîme le lien de solidarité ; la fraude fiscale abîme le contrat de citoyenneté. L'une comme l'autre alimente le ressentiment, la défiance et la colère chez nos concitoyens. C'est pourquoi le texte issu des travaux de la commission, avec ses quarante-trois articles, est juste. Il vise à restaurer l'équité entre les contribuables, la confiance dans la République et le consentement à l'impôt.
Je veux insister sur l'article 5, qui représente une avancée cruciale, puisqu'il permet un meilleur partage des données entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires. J'avais formulé cette recommandation en septembre 2024 dans un rapport d'information sur les complémentaires santé et leur impact sur le pouvoir d'achat des Français, que j'avais commis avec notre collègue Marie-Claire Carrère-Gée. Il s'agit à la fois de transparence, de simplification et d'un retour au bon sens administratif.
Mes chers collègues, ce texte n'a pas seulement pour objet de récupérer des recettes. Il vise aussi à réduire les dépenses injustifiées, à assainir nos comptes et à restaurer la confiance entre l'État et les citoyens.
En matière de finances publiques, nous n'avons plus le luxe de choisir entre la rigueur et la justice. Nous devons garantir les deux, ensemble.
Lutter contre la fraude, c'est faire Nation d'un point de vue égalitaire, c'est rappeler que, dans un État de droit, les droits et les devoirs vont de pair et que la solidarité ne peut exister que si chacun assume sa part.
En votant ce texte, nous réaffirmerons que la République est non pas naïve, mais exigeante, et qu'elle ne confond pas justice sociale et complaisance.