M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 46 rectifié bis, présenté par Mmes Guillotin et M. Carrère, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel, M. Roux, Mme Girardin, M. Fialaire, Mme N. Delattre et MM. Bilhac, Cabanel et Gold, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Après le mot :

dissimulé

insérer les mots :

ou d'une fraude sociale caractérisée au sens de l'article L. 114-13 du présent code

II. – Alinéa 15

Après les mots :

L. 8221-1 du code du travail

insérer les mots :

ou d'une fraude sociale caractérisée au sens de l'article L. 114-13 du présent code

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement vise à étendre la procédure de flagrance sociale à l'ensemble des cas de fraude caractérisée, afin de donner aux services de l'Urssaf un outil pleinement efficace pour sécuriser le recouvrement des sommes indûment perçues.

Je salue la volonté des rapporteurs d'élargir ce dispositif à l'ensemble du travail illégal. Il s'agit certes d'une avancée, mais celle-ci ne suffit pas. Les fraudes les plus coûteuses ne relèvent pas toujours du travail dissimulé. Elles reposent souvent sur des montages complexes et délibérés : fausses déclarations, sociétés écrans, etc. Ces pratiques créent une fraude à grande échelle, qui fragilise durablement notre système social.

Selon la Cour des comptes, la fraude aux cotisations sociales représente près de 8 milliards d'euros par an. Or, faute de cadre juridique adapté, les agents de l'Urssaf sont souvent contraints d'attendre plusieurs mois avant de pouvoir agir, alors même que les fonds fraudés ont déjà disparu. Cet amendement vise à leur permettre d'intervenir dans de meilleurs délais.

M. le président. L'amendement n° 286, présenté par M. Henno et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 15, première phrase

Après la première occurrence du mot :

travail

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

dissimulé définie aux articles L. 8221-1 et suivants du code du travail, ou d'une infraction de travail illégal qui donne lieu à remboursement d'exonérations perçues, sur le fondement de l'article L. 133-4-2 du présent code, elle est immédiatement exécutoire en tant qu'elle porte sur des sommes redressées à ce titre.

II. – Alinéa 17, première phrase

Après la première occurrence du mot :

travail

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

dissimulé définie aux articles L. 8221-1 et suivants du code du travail, ou d'une infraction de travail illégal qui donne lieu à remboursement d'exonérations perçues, sur le fondement de l'article L. 133-4-2 du présent code, elle est immédiatement exécutoire en tant qu'elle porte sur des sommes redressées à ce titre.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement, dont le dispositif a été élaboré conjointement avec le Gouvernement – je le précise –, vise à joindre les deux périmètres visés par l'article 21. Il tend à permettre aux agents de l'Urssaf de recouvrer non seulement les créances issues du travail dissimulé, mais aussi le remboursement des exonérations perçues en cas de recours au travail illégal. L'article sera ainsi plus opérationnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 46 rectifié bis ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion commune ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Le Gouvernement partage évidemment la volonté exprimée par les auteurs de l'amendement n° 46 rectifié bis de renforcer l'efficacité du recouvrement des dettes sociales et de la fraude, mais l'article du code visé dans le dispositif ne crée pas en lui-même de la dette sociale. C'est pourquoi il demande le retrait de ce premier amendement ; à défaut, il y sera défavorable. En revanche, il émet un avis favorable sur l'amendement n° 286 de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 286.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 284, présenté par M. Henno et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à fonder le recours devant le juge de l'exécution sur la décision du directeur de l'organisme de procéder à des mesures conservatoires, et non sur le procès-verbal de flagrance, qui est le support matériel de la décision du directeur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. C'est bien la décision du directeur qui porte préjudice aux cotisants, et c'est donc celle-ci qui doit faire l'objet du recours.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 284.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 285, présenté par M. Henno et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

II. – Le II de l'article L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au 1°, le mot : « second » est remplacé par le mot : « dernier » ;

2° Il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 285.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié.

(L'article 21 est adopté.)

Article 21
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales
Article 22

Après l'article 21

M. le président. L'amendement n° 135, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l'article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 114-12-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces mêmes organismes et administrations communiquent, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves, avec les organismes et administrations chargés des mêmes missions dans un autre État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est une victoire de l'optimisme sur l'expérience : il vise à prévoir un échange de données entre les mêmes administrations en France et dans les États membres de l'Union européenne. En réalité, il a pour objet de réduire la fraude transfrontalière.

Sur ce sujet, madame la ministre, il était d'usage de présenter une demande de rapport, car nous ne disposons toujours pas d'un état précis de la coordination entre États et des accords conclus avec nos voisins pour limiter cette fraude transfrontalière – celles et ceux de nos collègues qui vivent dans les zones concernées voient très bien de quoi il retourne.

J'ajoute qu'il y a maintenant des années que l'on nous promet un rapport sur cette question – c'était notamment le cas lorsque notre désormais nouvelle collègue, Brigitte Bourguignon, était au banc du Gouvernement –, et que nous ne disposons toujours de rien de précis, ce qui est vraiment très ennuyeux.

Madame la ministre, il est vraiment essentiel que vous puissiez nous fournir un état détaillé des conventions : celles qui sont signées ; celles qui sont en cours ; celles qui ne le sont pas encore ; et celles qui sont appliquées sans difficulté et permettent une communication fluide des données entre organismes homologues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à étendre l'obligation de communication entre les organismes de sécurité sociale et l'administration de l'État aux organismes et administrations européens. Ce n'est effectivement pas une demande de rapport, ma chère collègue. Cependant, pour nous, cet amendement est satisfait. La commission y est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Les dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) invitent déjà à la coopération fiscale entre États membres dans le domaine de la sécurité sociale. C'est dans ce cadre que le système d'échange électronique d'informations sur la sécurité sociale (EESSI), qui connecte les administrations responsables des États membres de l'Union européenne, de l'Espace économique européen et de la Suisse, a été mis au point par la Commission européenne.

Il permet aux institutions de sécurité sociale des États membres de communiquer entre elles en ligne pour instruire et traiter les dossiers des personnes en situation de mobilité via une nouvelle interface publique de la Commission européenne. Sa mise en œuvre opérationnelle se poursuit, avec un service étendu depuis octobre 2021 au domaine des retraites. Votre amendement est donc satisfait, madame la sénatrice : avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Il n'est pas satisfait du tout ! (M. Alain Milon s'agace.) Je suis bien désolée, monsieur Milon, mais il ne l'est vraiment pas.

Vous nous dites, madame la ministre, que les textes existent, mais nos collègues sénateurs des départements frontaliers se plaignent de la fraude. La commission des affaires européennes du Sénat a également publié un rapport sur la question. Je reviendrai sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en espérant que vous ayez obtenu d'ici là les renseignements que je vous demande sur les conventions en vigueur.

Après tout, il n'y a pas tant de voisins avec lesquels nous ayons ce type de problèmes : la France est certes un grand pays, mais nous connaissons les pays qui l'entourent. Il suffit de voir si les conventions sont signées et, surtout, si elles sont appliquées !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 21
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales
Article 22 bis (nouveau)

Article 22

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 8222-1, il est inséré un article L. 8222-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 8222-1-1. – Le maître de l'ouvrage vérifie, périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat de sous-traitance d'un montant minimum, que le sous-traitant qu'il accepte en application de l'article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ou de l'article L. 2193-4 du code de la commande publique, s'acquitte des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du présent code.

« Le maître de l'ouvrage est réputé avoir procédé aux vérifications mentionnées au premier alinéa lorsqu'il se fait remettre les documents dont la liste et les conditions de remise sont fixées par décret et qu'il s'assure, en cas de doute raisonnable au vu des informations dont il dispose par ailleurs, de leur authenticité.

« Le présent article ne s'applique pas au particulier qui contracte pour son usage personnel, celui de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, de son concubin, de ses ascendants ou de ses descendants. » ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 8222-2, après la référence : « L. 8222-1 », sont insérés les mots : « ou de l'article L. 8222-1-1 » ;

3° (nouveau) Le 2° de l'article L. 8271-9 est ainsi modifié :

a) Après la référence : « L. 8222-1 », est insérée la référence : « , L. 8222-1-1 » ;

b) Après le mot : « cocontractants », sont insérés les mots : « ainsi que le ou les sous-traitants acceptés en application de l'article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ».

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° (nouveau) L'article L. 133-4-5 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa du I est ainsi modifié :

– à la première phrase, les mots : « méconnaît l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant » sont remplacés par les mots : « ou le maître de l'ouvrage méconnaît l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 ou à l'article L. 8222-1-1 du code du travail et que son cocontractant ou un sous-traitant » et après la seconde occurrence du mot : « ordre », sont insérés les mots : « ou le maître de l'ouvrage » ;

– à la seconde phrase, les mots : « d'ouvrage » sont remplacés par les mots : « de l'ouvrage » ;

b) Au second alinéa du II, après le mot : « ordre », sont insérés les mots : « ou le maître de l'ouvrage » ;

2° Le II de l'article L. 243-7-7 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « peut bénéficier » sont remplacés par le mot : « bénéficie » ;

– après le mot : « si, », sont insérés les mots : « au plus tard » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsque des sommes sont mises à la charge de la personne contrôlée en application des articles L. 8222-2, L. 8222-5 et L. 8222-6 du code du travail, le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage n'est pas tenu solidairement au paiement des majorations prévues au I du présent article si, au plus tard dans un délai défini par décret en Conseil d'État à compter de la notification de la mise en demeure, il procède au règlement intégral des cotisations, des pénalités et des majorations de retard notifiées ou si, dans le même délai, il présente un plan d'échelonnement du paiement au directeur de l'organisme et que ce dernier l'a accepté. »

III. – Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2026.

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les neuf premiers sont identiques.

L'amendement n° 39 rectifié ter est présenté par Mmes Josende, Lassarade, Lavarde, M. Mercier et Evren, MM. Frassa, Panunzi, Daubresse, Brisson, Pointereau et Naturel, Mme Dumont, M. Lefèvre, Mme Micouleau, MM. J.B. Blanc et Sol, Mme Vermeillet, M. Anglars, Mme P. Martin, MM. H. Leroy et Levi, Mme Petrus et MM. Houpert, Saury, Chaize et Belin.

L'amendement n° 125 rectifié ter est présenté par MM. Brault, Chevalier, Laménie, Chasseing et Pellevat, Mme L. Darcos, MM. V. Louault, Grand, A. Marc et Rochette et Mme Bourcier.

L'amendement n° 163 rectifié est présenté par M. G. Blanc.

L'amendement n° 167 rectifié quater est présenté par Mmes de Cidrac et Canayer, M. Laugier, Mme Antoine, MM. Menonville et Khalifé, Mmes Borchio Fontimp, Herzog et Gruny, MM. Chevrollier et Meignen et Mme Bellurot.

L'amendement n° 176 est présenté par M. Longeot.

L'amendement n° 189 rectifié bis est présenté par Mme Havet, M. Lévrier, Mme Schillinger, M. Rambaud et Mme Cazebonne.

L'amendement n° 194 rectifié ter est présenté par MM. Buis et Iacovelli et Mme Nadille.

L'amendement n° 209 rectifié est présenté par MM. Daubet, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel et M. Roux.

L'amendement n° 218 rectifié ter est présenté par MM. Kern et Hingray, Mme Devésa, M. Courtial, Mmes Billon, Perrot, Gacquerre, Patru et Sollogoub, MM. Parigi et Duffourg et Mme Jacquemet.

Ces neuf amendements sont ainsi libellés :

I. – Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…°Le dernier alinéa de l'article L. 8222-1 est ainsi rédigé :

« La personne mentionnée au premier alinéa est réputée avoir procédé aux vérifications imposées par le présent article lorsqu'elle se fait remettre les documents dont la liste et les conditions de remise sont fixées par décret et qu'elle s'assure, le cas échéant de leur authenticité. » ;

II. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat de sous-traitance d'un montant minimum

par les mots :

au moment de sa présentation par l'entreprise principale

et le mot :

acquitte

par les mots :

est acquitté

La parole est à Mme Florence Lassarade, pour présenter l'amendement n° 39 rectifié ter.

Mme Florence Lassarade. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour présenter l'amendement n° 125 rectifié ter.

M. le président. Les amendements nos 163 rectifié, 167 rectifié quater et 176 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l'amendement n° 189 rectifié bis.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l'amendement n° 194 rectifié ter.

M. Xavier Iacovelli. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n° 209 rectifié.

M. Michel Masset. Défendu !

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présenter l'amendement n° 218 rectifié ter.

Mme Nadia Sollogoub. Il est défendu.

M. le président. L'amendement n° 181 rectifié bis, présenté par MM. Fargeot, Courtial, Kern et Maurey, Mme Florennes, M. Delahaye, Mme Antoine, M. Menonville, Mmes Sollogoub, Jacquemet, Billon, Patru et Gacquerre, MM. Parigi et Houpert et Mme Josende, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat de sous-traitance

par les mots :

lors de la demande d'acceptation et d'agrément des conditions de paiement du sous-traitant

II. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

en cas de doute raisonnable au vu des informations dont il dispose par ailleurs

par les mots :

le cas échéant

La parole est à M. Daniel Fargeot.

M. Daniel Fargeot. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Bien que la présentation de ces dix amendements ait été succincte – je remercie mes collègues de leur efficacité –, je m'attarderai quelque peu sur cet article 22, qui me semble intéressant.

Sans doute ces amendements similaires ont-ils été élaborés de bonne foi avec l'aide des représentants locaux du secteur du bâtiment et travaux publics (BTP), un secteur qui est souvent force de proposition sur la question de l'emploi illicite.

Je rappelle que la dette sociale de l'Urssaf s'élève à environ 7 milliards d'euros et que, en regard, seulement 121 millions d'euros sont recouvrés dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé. Cette situation pose évidemment un certain nombre de difficultés.

Par ailleurs, nous constatons tous dans nos territoires un recours accru à la sous-traitance en cascade. La généralisation du très haut débit, un sujet sur lequel nous avons tous travaillé dans nos départements, en est une très bonne illustration : ces projets ont parfois suscité des interrogations légitimes sur les conditions de travail parfois « rock'n'roll » des salariés qui s'activaient sur les chantiers et sur leur nationalité réelle – la plupart d'entre eux n'étaient vraisemblablement pas Français. S'agissait-il de travail illicite ? En tout cas, la question mérite d'être posée.

Dans ce contexte, il était nécessaire de renforcer la responsabilité du maître d'ouvrage, acteur qui se situe tout en haut de la pyramide. C'est précisément l'objet de l'article 22, qui accroît le devoir de vigilance de celui-ci.

Ces dix amendements en discussion commune tendent à alléger non pas ce devoir de vigilance du maître d'ouvrage, mais celui du donneur d'ordre, qui se situe, dans la pyramide, au-dessous du maître d'ouvrage. S'ils étaient adoptés, je vous le dis, mes chers collègues, ce ne sont pas 121 millions d'euros que nous recouvrerions – et c'est déjà peu au regard des 7 milliards d'euros de dette sociale ! –, mais encore moins…

Par ailleurs, ces amendements visent à supprimer le caractère périodique des vérifications imposées au maître d'ouvrage. Si le projet de loi ne précise pas la périodicité en question, un décret devrait la fixer à plus ou moins six mois – peut-être M. le ministre le confirmera-t-il. Autrement dit, on demandera au maître d'ouvrage de vérifier tous les six mois qu'il n'y a aucun travail illicite dans l'ensemble de la chaîne de sous-traitance.

Honnêtement, si la tâche n'est pas négligeable, elle n'est pas non plus excessive. Du reste, le directeur de l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) préconise, lui, des vérifications tous les trois mois, considérant que ce délai de six mois était presque trop long.

Non seulement l'ensemble des amendements dont nous débattons tendent à alléger la contrainte pesant sur le donneur d'ordre, mais leur adoption ne rendrait pas non plus les contrôles plus efficients.

Nous considérons même que les dispositifs qui sont proposés iraient à l'encontre de l'objectif visé à l'article 22, lequel prévoit, d'une part, de responsabiliser le maître d'ouvrage, et, d'autre part, de mieux recouvrer les cotisations et de sanctionner le travail illicite, qui, je le rappelle, représente 7 milliards d'euros, soit le principal manque à gagner en matière de fraude sociale.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'ensemble des amendements en discussion commune.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Peut-être serait-il utile à ce stade, comme l'a fait Mme la rapporteure, d'esquisser une présentation générale de l'article 22 qui, par son ambition et les apports qu'il prévoit, peut nous permettre de réaliser de grands progrès en matière de solidarité financière.

Les concepts fondamentaux – maîtrise d'ouvrage et donneur d'ordre – sur lesquels repose cet article méritent d'être clarifiés, et ce afin d'éviter toute interprétation divergente.

Comme l'a dit Mme la rapporteure, l'idée est bien de redéfinir le rôle des différents acteurs en renforçant la responsabilité, tout en haut de la pyramide, des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre, de sorte qu'ils vérifient que toute la chaîne de sous-traitance remplit les conditions légales.

L'article 22 comporte également une dimension financière, celle liée au recouvrement des sommes non réglées. En effet, alors que le maître d'ouvrage et le donneur d'ordre sont clairement identifiés, les sous-traitants défaillants peuvent parfois disparaître. L'objectif est donc aussi de mettre en place une véritable solidarité financière.

La pratique croissante de la sous-traitance en cascade rend, dans certains secteurs, le sujet encore plus complexe à traiter. Certaines entreprises recourent en effet au travail dissimulé et disparaissent sans que l'on ait pu recouvrer les sommes éludées. Il y a là un véritable enjeu : la solidarité financière, qui fonctionne au niveau des donneurs d'ordre, s'applique mal en présence de sous-traitants de sous-traitants…

Cet article a donné lieu, je le sais, à des débats riches et fournis en commission. Certains souhaitaient durcir les contraintes, d'autres les alléger. Si nous sommes parfois tiraillés entre ces deux options, nous sommes tous convaincus qu'il faut être plus efficace.

La solidarité financière qui doit s'appliquer aux maîtres d'ouvrage n'est pas tout à fait la même que celle qui concerne les donneurs d'ordre : le lien contractuel est en effet plus étroit entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants – ce sont eux qui concluent les contrats de sous-traitance. A contrario, la relation contractuelle est plus lâche entre maîtres d'ouvrage et sous-traitants. C'est du reste la raison pour laquelle, dans son approche, le Gouvernement distingue les deux notions.

Les collectivités locales par exemple – vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, pour l'avoir vécu dans vos territoires – sont souvent maîtres d'ouvrage. Ayons donc bien en tête les responsabilités de chacun : maître d'ouvrage, d'un côté ; donneur d'ordre, de l'autre.

C'est aussi pourquoi le Gouvernement propose de limiter l'engagement de la responsabilité du maître d'ouvrage aux cas où ce dernier n'a pas demandé les attestations de vigilance des sous-traitants qu'il accepte et ne s'est donc pas assuré qu'ils étaient en règle avec la législation sociale.

Aller plus loin, en imposant notamment une vérification concrète de l'organisation de l'entreprise sous-traitante en cas de doute, introduirait une forte incertitude juridique pour les maîtres d'ouvrage.

Aussi, je vous proposerai, au cours de la navette parlementaire, d'en revenir à l'équilibre initial de l'article 22, tout en préservant l'intention exprimée par le Sénat au travers des apports opérés par les rapporteurs, dont je tiens à saluer le travail remarquable sur l'ensemble de ce texte.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 39 rectifié ter, 125 rectifié ter, 189 rectifié bis, 194 rectifié ter, 209 rectifié et 218 rectifié ter, dont l'adoption aboutirait à vider le dispositif d'une part de sa substance. En effet, prévoir l'obligation de vérification de la conformité des sous-traitants à la législation sociale uniquement au stade de la conclusion du contrat reviendrait à donner une sorte de blanc-seing, ce que nous ne souhaitons pas. Ainsi rédigé, l'article n'empêcherait que marginalement les entreprises visées de disparaître, en privant la sécurité sociale de ressources légitimes.

L'amendement n° 181 rectifié bis a lui aussi pour objet de revenir sur les modifications apportées par la commission, mais son dispositif irait plus loin en supprimant l'obligation de vérification périodique. Le Gouvernement, qui plaide en effet pour une périodicité de six mois, madame la rapporteure, émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je suis totalement en phase avec Mme la rapporteure sur cette question – vous le voyez, je le dis quand c'est le cas ! (Sourires.)

Ceux qui veulent revenir sur le caractère périodique des vérifications manquent vraiment de cohérence. Ce sont les mêmes qui demandent que l'on vérifie tous les trois mois, ou plus régulièrement encore, si les salariés qui sont en arrêt de travail sont véritablement malades et s'ils ne sont pas aptes à retravailler.

Mes chers collègues, je vous invite à ne pas user, selon les circonstances, d'arguments totalement opposés, voire orthogonaux, comme on dit. Certes, aucun d'entre vous n'a défendu son amendement – et la Fédération française du bâtiment ne participe pas à nos débats en tant que telle –, mais vous vous faites tout de même l'écho des desiderata d'un secteur qui, tout comme celui de la restauration, est particulièrement « fraudogène » – je ne vous apprends rien – en matière de travail dissimulé.

Certes, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier ni avoir l'esprit de système. Mais de là à reprendre in extenso les demandes des professionnels de ces secteurs sans même avoir le courage de les défendre ! De là à refuser qu'une chaîne de sous-traitance soit contrôlée tous les six mois et à s'en tenir à une vérification initiale qui, comme l'a dit M. le ministre, ressemble fort à un blanc-seing pour toute la durée du contrat ! Tout cela manque vraiment de pertinence.

Je remercie Mme la rapporteure d'avoir rappelé que, sur 7 milliards d'euros de fraude, seulement 121 millions d'euros sont recouvrés. Ça suffit ! Cessons d'être aussi tolérants à l'égard des responsables de la fraude sociale.