M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise à renforcer l’efficacité du dispositif de lutte contre la fraude à l’assurance maladie en complétant l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. Nous proposons d’y intégrer explicitement le contrôle par les organismes de prise en charge du respect de certaines règles de prescription.
La qualité et les conditions de réalisation des prescriptions conditionnent l’ouverture du droit au remboursement. Lorsqu’une prescription ne respecte pas les règles, le remboursement ne doit pas être automatique.
Cet amendement vise donc à permettre de mieux identifier la responsabilité de chaque acteur en cas de manquement ou de fraude, qu’il s’agisse du prescripteur, du professionnel de santé ou de la structure qui en dépend.
Il tend par ailleurs à sanctionner les dérives constatées pour certains actes de télésanté, des prescriptions réalisées en dehors des règles ayant entraîné des prises en charge indues par la collectivité.
En somme, il s’agit d’un amendement de bon sens et de justice, qui a pour objet de renforcer la cohérence, la lisibilité et l’équité du dispositif de lutte contre la fraude dans le domaine de la santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Je rappelle la doctrine de la commission, que l’on peut résumer en une phrase : lutter contre toutes les fraudes, partout et tout le temps. Nous portons donc un regard juste tant sur la fraude fiscale que sur la fraude sociale. Pourquoi faudrait-il être plus indulgent avec l’une qu’avec l’autre ?
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce n’est pas pareil !
M. Olivier Henno, rapporteur. Tous ceux qui fraudent doivent être sanctionnés.
L’objet du présent projet de loi est de mieux détecter, de récupérer et de sanctionner davantage, dans le respect des principes de graduation et de proportionnalité.
Nous émettons un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à étendre le champ des sanctions financières. Il nous semble en effet que le dispositif proposé dépasse la limite et qu’il vient porter atteinte à la liberté de prescription des professionnels de santé, qui nous est chère.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Iacovelli, l’amendement n° 171 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Xavier Iacovelli. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 171 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 115, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le III de l’article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – En cas de nouvelle constatation de travail dissimulé dans les cinq ans à compter de la notification d’une première constatation de travail dissimulé ayant donné lieu à redressement auprès de la même personne morale ou physique, la majoration est portée à :
« 1° 90 % lorsque la majoration de redressement prononcée lors de la constatation de la première infraction était de 25 % ;
« 2° 120 % lorsque la majoration de redressement prononcée lors de la constatation de la première infraction était de 40 %. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à aggraver les sanctions en cas de fraude aux cotisations patronales. Nous ne demandons pas pour autant de doubler le montant des amendes, contrairement à ce que nous avons fait précédemment…
Selon le rapport de juillet 2024 du Haut Conseil du financement de la protection sociale, le réseau de l’Urssaf est la première victime de la fraude sociale, dont le montant s’élève à près de 7 milliards d’euros – 6,91 milliards d’euros précisément. L’essentiel de la fraude sociale trouve son origine dans les pertes associées aux cotisations.
La fraude aux cotisations, qui constitue une perte de recettes pour la sécurité sociale, représente 56 % de la fraude sociale. Selon le Haut Conseil, cette estimation est minorée, car elle ne prend pas en compte les redressements comptables d’assiettes de 4,6 milliards d’euros, dont une partie est nécessairement intentionnelle. Le montant de la fraude s’élève donc à près de 12 milliards d’euros.
La nature des sanctions et le montant des amendes actuelles doivent être plus dissuasifs. Aussi proposons-nous d’alourdir les sanctions en cas de fraude aux cotisations.
Un amendement similaire avait été adopté en séance publique à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, mais, comme par hasard, celui-ci n’avait pas été retenu par le gouvernement de Michel Barnier lors de la transmission du texte au Sénat.
Il convient de faire en sorte que la fraude aux cotisations ne devienne pas un jeu partiellement gagnant pour les employeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je vais répondre avec calme, ma chère collègue, même si j’apprécie peu la tonalité de cette présentation.
Cet amendement vise, en cas de nouvelle constatation de travail dissimulé dans les cinq ans à compter de la notification d’une première constatation de travail dissimulé, à majorer la sanction pour fraude. Nous sommes tous, dans cet hémicycle, mobilisés pour lutter contre le travail dissimulé et, singulièrement, contre les récidives de fraudes de cette nature.
Cela étant, je rappelle, ma chère collègue, que vous aviez initialement déposé deux amendements, le premier visant à augmenter de façon très proportionnée la majoration existante. Nous l’avons accepté et fait voter en commission, considérant qu’il était proportionné. Le second, que vous venez de présenter, ne l’est pas ; nous l’avions rejeté.
Nous aurions apprécié que cet amendement ne soit pas redéposé en séance, voire que l’avis de la commission soit pris en compte et que l’amendement soit retiré, ce qui nous aurait fait gagner un peu de temps.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Laurence Rossignol. C’est quoi ce mépris ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne sais pas si d’autres verront dans le dépôt de cet amendement une marque de mépris. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas à l’école, madame la rapporteure !
Je l’ai dit lors de la discussion générale – et vous me trouvez pourtant ingrate –, j’ai beaucoup apprécié le fait que la commission ait retenu notre amendement tendant à majorer de 10 % les sanctions encourues en cas de travail dissimulé. Ce fut une surprise, c’est vrai, une heureuse surprise, mais alors que le montant de la fraude aux cotisations, je l’ai dit, atteint 12 milliards d’euros, combien récupérons-nous au bout du compte ? Ce n’est pas sérieux !
Si le nombre d’inspecteurs de la direction générale des finances publiques n’avait pas été divisé par quatre, nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui. Vous savez que chaque poste d’inspecteur créé rapporte plus d’argent qu’il en coûte. Nous devrions donc en augmenter le nombre et récupérer tous les postes qui ont été supprimés depuis dix ans.
Aujourd’hui, le travail dissimulé partiel est un jeu gagnant, que ce soit dans le BTP ou dans la restauration. C’est dans ces deux grands secteurs, on le sait, que l’on pratique le plus la dissimulation, seule une partie des heures travaillées étant déclarées. Les fraudeurs font un calcul mathématique, considérant que, s’ils sont pris, ils seront tout de même gagnants. Ce sera le cas tant que le montant des amendes ne sera pas suffisamment dissuasif. Vous pouvez ne pas partager cet avis, madame la rapporteure, mais je maintiens mon amendement.
Encore une fois, je suis contente que notre amendement ait été retenu, mais je le redis : nous ne sommes pas à l’école. J’apprécierais que l’on ne me considère pas comme ingrate ou que l’on ne dise pas que l’on ne goûte pas le fait que je maintienne mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié decies, présenté par Mme N. Goulet, MM. Canévet, Bitz, Dhersin, Fargeot, Fialaire, Laugier, Maurey et Salmon, Mmes Sollogoub, Tetuanui, Antoine et Guidez, MM. Kern, Lafon et Menonville, Mmes Vermeillet et Saint-Pé, M. Pillefer, Mmes Perrot et Guillotin, MM. Gold et Courtial, Mme Jacquemet et MM. Masset, Cabanel et Haye, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la situation exacte du répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l’assurance maladie et sur le nombre de bénéficiaires de cartes vitales par classes d’âge, ainsi que sur le nombre de contrôles effectués sur la base des articles L. 114-10-1 et L. 114-10-2 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je vais redire en partie ce que j’ai déjà dit au cours de la discussion générale : il est assez rafraîchissant, madame, monsieur le ministre, d’avoir de nouveaux ministres au banc du Gouvernement, cela m’évite d’avoir l’impression de radoter alors que je réclame les mêmes dispositifs depuis des années. (Sourires.)
Selon trois rapports de la Cour des comptes, que je tiens à votre disposition, la comparaison entre le répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l’assurance maladie (Rniam), et le recensement de la population française par l’Insee fait apparaître un écart d’environ 2,5 millions d’assurés ne répondant pas ou plus aux conditions d’activité ou de résidence stable en France. Dans le rapport sur la certification des comptes de la sécurité sociale pour l’exercice 2021, ce constat figure à la page 72 ; dans celui sur l’exercice 2023 à la page 43 ; dans celui sur l’exercice 2024 à la page 40.
Dans un rapport d’avril 2023, l’inspection générale des affaires sociales estime, quant à elle, qu’« avec d’importantes approximations structurelles dans les données existantes sur les populations résidentes et assurées, l’exploration de l’écart entre les deux dénombrements semble aporétique. »
En conséquence, 2,5 millions de personnes bénéficient de notre système de santé, alors qu’elles ne répondent pas aux conditions de résidence et qu’elles ne sont pas affiliées. J’ai essayé à plusieurs reprises d’obtenir des explications. Nous avons eu plusieurs débats avec le juge Prats, entre autres, mais nous n’en avons toujours pas.
D’année en année, la Cour des comptes constate un écart entre le nombre des bénéficiaires du Rniam et le recensement de la population française par l’Insee. C’est pour en finir avec cette question que je vous demande la remise d’un rapport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Je ne nie pas qu’il y ait un problème. Toutefois, sur cet amendement, je vais m’en tenir à la doctrine du Sénat concernant les demandes de rapport : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. En fait, les bases qui alimentent l’Insee et le Rniam ne sont pas les mêmes. L’Insee est alimenté par une base d’état civil d’identification des individus et le Rniam par la base spécifique à l’assurance maladie, qui s’appuie sur le répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP).
Ces bases n’ont pas le même périmètre, notamment en ce qui concerne les entrées et les sorties – surtout les sorties. Quand une personne n’a plus de droits auprès de l’assurance maladie, elle sort par exemple du Rniam la deuxième année, alors qu’elle ne sort de la base de l’Insee qu’une fois qu’elle est décédée. Il y a donc effectivement des chevauchements, qui expliquent les différences de chiffres que vous relevez, madame la sénatrice.
On pourrait effectuer des travaux pour rapprocher les deux bases, mais cela n’apporterait pas grand-chose aux assurés sociaux. J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, cette explication d’un écart constaté de 2,5 millions de personnes en vaut une autre.
Concrètement, lorsque le contrat de travail d’un étranger en France se termine, son titre de séjour expire, mais sa carte Vitale n’est pas désactivée. L’Igas explique qu’entre 250 000 et 500 000 personnes continuent ainsi de bénéficier de droits, alors que leur condition de résidence n’est plus remplie. C’est comme si vous aviez un permis de conduire, que vous ne voyiez plus clair, mais que vous continuiez de conduire !
Je ne comprends pas cette obstination à ne pas nous donner d’explications, que nous sommes pourtant tout à fait prêts à entendre. Nous les avons ainsi entendues sur les cartes Vitale… Le problème se pose depuis des années.
En tout cas, je ne suis pas du tout satisfaite de votre explication, madame la ministre, mais ce n’est pas grave. Nous reparlerons de ce sujet lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; j’en ai l’habitude. Et je suis là jusqu’en 2029 ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Madame la sénatrice, un rapport dans lequel on expliquerait que les bases utilisées et la prise en compte des entrées et des sorties sont différentes ne permettra pas de régler le problème. Ensuite, l’assurance maladie travaille sur ce sujet pour essayer de faire coïncider au plus près les cotisants et les bénéficiaires des droits. À mon sens, il vaut mieux compter sur cette démarche pour améliorer la situation plutôt que sur un rapport.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié decies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 17 bis (nouveau)
Au I de l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 35 % » et le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 50 % » – (Adopté.)
Article 17 ter (nouveau)
L’article L. 161-36-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret prévoit les conditions dans lesquelles le bénéfice du tiers payant peut être suspendu temporairement à l’égard d’un assuré sanctionné ou condamné à la suite de la constatation, par un organisme d’assurance maladie, de l’obtention ou de la tentative d’obtention frauduleuse de prestations, notamment à l’aide de faux documents ou de fausses déclarations. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 98 est présenté par M. Fichet, Mme Canalès, MM. Lurel, Jacquin et Kanner, Mmes Le Houerou, Conconne et Féret, M. Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 114 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marion Canalès, pour présenter l’amendement n° 98.
Mme Marion Canalès. L’objet initial – je dirais même l’esprit et la lettre – de cet article 17 ter était de permettre à l’assurance maladie de sanctionner les comportements des professionnels de santé à l’origine d’un préjudice. La commission, par l’intermédiaire de ses rapporteurs, a estimé qu’il manquait, dans le dispositif, une référence aux assurés, et qu’il était indispensable d’évoquer de nouveau la potentielle fraude de ces derniers.
Je me référerai, une fois de plus, à l’étude d’impact : en 2024, 800 pénalités ont été infligées par les CPAM aux offreurs de soins, pour un montant total de 628 millions d’euros de fraudes détectées et stoppées ; au total, 68 % des sanctions concernaient les professionnels ; environ 18 % de celles-ci avaient trait aux assurés, et ce pour des volumes extrêmement faibles.
Je comprends que vous teniez à rappeler régulièrement la responsabilité des assurés en matière de fraude. Cependant, pour le groupe socialiste, cette nouvelle disposition est quelque peu accessoire : supprimer le tiers payant à des assurés fraudeurs déjà sanctionnés nous semble même disproportionné. Nous sommes certes évidemment favorables à la sanction de la fraude et à la fermeté, mais, en l’occurrence, le fraudeur a déjà été condamné et sanctionné. Avec cet article, on propose en plus de lui retirer le bénéfice du tiers payant !
Cette mesure soulève des difficultés au regard du principe de proportionnalité. Hier déjà, je disais qu’il ne fallait pas sortir un bazooka pour abattre des mouches. En l’espèce, il s’agit d’une double peine. Certes, l’assuré en question a commis plus qu’une erreur, une erreur vraiment très grave, mais il a été sanctionné. Cette mesure risque surtout de renforcer le non-recours aux soins, alors que 60 % des Français déclarent déjà avoir renoncé à des soins, ou les avoir reportés.
Pour toutes ces raisons, nous souhaiterions que cet article, introduit dans le projet de loi par la commission, soit supprimé.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 114.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les dispositions de l’article 17 ter n’apparaissent ni proportionnées ni adaptées à l’objectif que l’on cherche à atteindre.
Vous êtes, je le sais, monsieur le rapporteur, attaché aux principes de gradation et de proportionnalité des sanctions : j’espère donc que vous nous suivrez sur ce point.
En prévoyant la suspension du bénéfice du tiers payant pour les assurés ayant commis une fraude, quelle qu’en soit la nature et quel qu’en soit le montant, cet article instaure une sanction uniforme qui peut se révéler manifestement excessive. Une personne ayant commis une fraude d’un montant minime pourrait ainsi se voir privée du bénéfice du tiers payant pour des dépenses bien plus élevées, telles que celles liées à une hospitalisation ou à un traitement innovant particulièrement coûteux. Une telle disposition méconnaît le principe de proportionnalité des sanctions et rompt tout lien entre la gravité de la faute et l’ampleur de ses conséquences.
Par ailleurs, la suspension du bénéfice du tiers payant constitue davantage une mesure de trésorerie qu’une véritable sanction. Elle ne remet pas en cause le droit au remboursement, mais uniquement la possibilité de ne pas avancer les frais. L’assuré reste remboursé a posteriori, ce qui rend cette mesure à la fois symbolique et peu pertinente. Elle ne répare aucun préjudice, ne modifie pas les droits, et se borne à imposer une contrainte administrative et financière temporaire.
L’argument d’un effet prétendument dissuasif n’est pas convaincant. Rien ne permet d’affirmer qu’une telle suspension découragerait les fraudeurs, d’autant que peu de personnes en auront connaissance avant le fait fautif.
En revanche, une telle mesure de rétorsion, car c’est bien de cela qu’il s’agit, n’existe pas dans les autres champs de la fraude. Ainsi, pour les fraudes massives aux cotisations, aucune disposition équivalente n’est prévue. Les entreprises redressées pour travail dissimulé ne se voient pas privées, même temporairement, des allègements généraux de cotisations sur les salaires à venir – que l’on pourrait pourtant suspendre six mois avant de les rétablir ensuite. De même, s’agissant des fraudes aux prestations des professionnels de santé, dont on vient de débattre, aucune disposition comparable n’existe.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer cet article et de rétablir pleinement le principe de proportionnalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Un fraudeur est un fraudeur : il y a dans tous les cas de figure une forme de rupture de confiance, qui justifie une suspension temporaire du bénéfice du tiers payant. Ce dispositif constituera un frein à la récidive, une mesure efficace pour lutter contre toute fraude.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Le tiers payant évite le renoncement aux soins : le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Nous sommes parfaitement d’accord avec M. le rapporteur : un fraudeur est un fraudeur. Hier, nous parlions des cabinets de conseil qui aident certaines entreprises à mettre en place des procédés constitutifs de fraude fiscale : on ne leur impose pas de double ou de triple peine ! Pourquoi s’en prendre à un dispositif annexe, le tiers payant, lorsqu’une personne est condamnée et assume sa peine – ce qui est normal ? Cela semble profondément disproportionné.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, vous auriez dû aller jusqu’au bout de votre raisonnement et émettre un avis favorable sur nos amendements. Cela semble bien difficile, lorsqu’une proposition émane d’une certaine partie de l’hémicycle…
Vous avez raison de rappeler que le tiers payant sert avant tout à faire reculer le renoncement aux soins. Le fait de devoir avancer les frais conduira en effet, pour nombre de nos concitoyens, à un tel renoncement, ce qui, in fine, coûtera plus cher à la sécurité sociale.
Cette mesure est superfétatoire ; je comprends que, pour vous, en remettre une petite couche contre les assurés ne fait jamais de mal, mais, en l’occurrence, cela n’a pas lieu d’être.
Enfin, comment imaginer qu’une telle mesure soit dissuasive ? Croire que les assurés suivent nos débats dans le détail et sont au courant des dispositifs législatifs que nous votons relève de l’illusion. Le tiers payant joue un rôle dans l’accès aux soins. Il doit continuer à le faire et ne saurait devenir un instrument de rétorsion.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. J’ai une question à poser à ceux de nos collègues qui soutiennent l’article 17 ter, ou à ceux qui n’ont pas le courage de s’y opposer clairement : priver un individu de soins, est-ce une sanction juste et compatible avec la déontologie des médecins, avec l’État de droit et avec l’idée que nous nous faisons des droits humains ? On ne peut répondre que par oui ou par non. (Murmures désapprobateurs sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Henno, rapporteur. C’est une manœuvre dialectique bien connue que de réduire le débat à une opposition stérile entre partisans du « oui » et partisans du « non ». Il ne s’agit pas du tout de priver quiconque de soins. Il s’agit simplement de suspendre temporairement le bénéfice du tiers payant, parce qu’il nous semble que ce serait dissuasif. Alors, s’il vous plaît, pas de caricatures !
Mme Laurence Rossignol. On ne peut être que pour ou contre !
M. Olivier Henno, rapporteur. Nous n’allons pas tomber dans votre piège, ma chère collègue, nous connaissons aussi la dialectique… (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 98 et 114.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 17 ter.
(L’article 17 ter est adopté.)
Après l’article 17 ter
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 38 rectifié quater est présenté par M. Menonville, Mme N. Goulet, MM. Laugier, Delahaye et Dhersin, Mme Saint-Pé, M. J.M. Arnaud, Mmes Antoine, Loisier et Romagny, MM. Levi et Kern, Mmes Jacquemet et Gacquerre et M. Haye.
L’amendement n° 91 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Fichet, Mme Canalès, MM. Lurel, Jacquin et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 17 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 161-36-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la troisième phrase, après les mots : « l’organisme d’assurance maladie » , sont insérés les mots : « déclenche la procédure d’enquête ou » et les mots : « l’avant-dernier alinéa de » sont supprimés ;
– sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Ce décret fixe également les conditions et les limites dans lesquelles le tiers payant peut être suspendu, à l’issue des contrôles adéquats, dès l’envoi de la notification de placement hors de la convention ou de suspension de ses effets dans les conditions prévues à l’article L. 162-15-1. Ce décret détermine également le délai à l’expiration duquel le professionnel peut appliquer le tiers payant lorsque celui-ci est de nouveau placé sous le régime conventionnel à la suite d’une sanction ou condamnation pour fraude. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application des dispositions prévues au premier alinéa, il est tenu compte de l’ensemble des activités du professionnel à titre libéral ou au sein d’un ou plusieurs centres de santé. »
2° L’article L. 871-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles prévoient la suspension du mécanisme du tiers payant à compter de la date à laquelle les organismes d’assurance maladie complémentaire sont informés par l’organisme local d’assurance maladie de la mise en œuvre de la procédure visée à l’article L. 114-9 du code de la sécurité sociale pour des faits de nature à constituer une fraude ou de la notification de placement hors de la convention ou de suspension de ces effets dans les conditions prévues à l’article L. 162-15-1. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié quater.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement, déposé par notre collègue Franck Menonville, a pour objet d’autoriser la suspension du tiers payant complémentaire pour les professionnels de santé condamnés pour fraude.


