M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne me souviens plus qui – il n'était pas de notre bord – avait avancé que si la rentabilité des investissements dans les Ehpad et les crèches n'était pas forte, les grands groupes privés lucratifs n'investiraient pas le secteur.
La preuve de la rentabilité financière importante du secteur, c'est l'arrivée du privé lucratif. Depuis que les Ehpad sont un peu régulés – après la mise au jour de ce grand scandale, merci de la réactivité ! –, ces groupes investissent les cliniques psychiatriques, où la rentabilité de l'investissement atteint 8 %. On attend un grand scandale sur la situation dans les cliniques psychiatriques, duquel certains s'étonneront avant d'envoyer les contrôleurs de l'Igas.
Je tiens à le dire : s'il n'y a pas d'offre publique en la matière, c'est que les collectivités territoriales ont été asséchées.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
Mme Raymonde Poncet Monge. Les collectivités territoriales n'ont plus les moyens d'ouvrir des berceaux ou de construire des Ehpad – à Lyon, nous pouvons encore le faire, mais toutes les collectivités n'y parviennent pas. Le privé arrive comme un sauveur, mais c'est uniquement parce que le public n'a plus les moyens d'offrir ces services !
Il devrait pourtant y avoir un service public de la petite enfance : on ne devrait pas pouvoir faire de profit dans les crèches ou dans les Ehpad.
Mme Pascale Gruny. Ah bon ?
Mme Raymonde Poncet Monge. Voilà la réalité ! On ne devrait pas non plus priver de ressources les collectivités qui rempliraient ces services au travers de structures publiques ou associatives à but non lucratif.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Durant les auditions menées par la commission des affaires sociales, nous nous sommes tous émus, à juste titre, des situations décrites dans les livres de Victor Castanet sur les Ehpad et sur les crèches. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée proteste.)
À droite comme à gauche de cet hémicycle, nous avons tous été profondément émus par ses propos, notamment sur les Ehpad privés lucratifs et les crèches privées lucratives. N'opposons donc pas ceux qui auraient du cœur et ceux qui n'en auraient pas.
Le constat, aujourd'hui, c'est que tout continue comme avant. Certes, quelques contrôles ont été renforcés, mais cela ne suffit pas.
Nous militons pour la création d'un service public de la petite enfance. Si celui-ci ne peut pas voir le jour, c'est parce que, comme notre collègue vient de le préciser, dans nos municipalités, on a peu de moyens pour investir ! Les entreprises sont d'ailleurs mises en difficulté, car leur fonctionnement repose aussi sur l'investissement public.
Les municipalités ne peuvent qu'entretenir l'existant, sans avoir les moyens de développer des politiques publiques, parce que l'État assèche les collectivités. Je ne suis pas la seule à le dire : lors du congrès des maires, tous les maires ont regretté que l'État assèche les collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je ne peux pas laisser dire que les entreprises privées seraient mauvaises. Sincèrement, mes chers collègues, je ne sais pas si vous avez visité des Ehpad publics, mais la situation n'y est pas franchement terrible !
Mme Émilienne Poumirol. On sait pourquoi !
Mme Pascale Gruny. Bien sûr que c'est parce qu'ils manquent d'argent, mais il y a aussi des questions de personnes.
Pourquoi les Ehpad adossés aux hôpitaux n'ont-ils pas d'argent ? La principale raison, chers collègues, je vous l'indique droit dans les yeux : ce sont les 35 heures ! (M. Francis Szpiner applaudit. – Protestations sur les travées du groupe SER.) Allez questionner les médecins, c'est ce qu'ils vous diront.
Cessez donc d'avancer que l'on n'a pas besoin de l'argent du privé, car cela n'est pas vrai.
Le sujet, ce n'est pas d'opposer le privé au public ; c'est plutôt de vraiment s'occuper des personnes vulnérables, qu'il s'agisse d'enfants, de personnes âgées ou de personnes handicapées. Malheureusement, lorsque ces personnes vulnérables sont maltraitées, c'est non pas par ceux qui touchent des dividendes, mais bien par le personnel ! Ma chère collègue, l'amendement que vous avez déposé n'a rien à voir avec votre propos en sa défense.
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Mes chers collègues, instaurer une cotisation sur les dividendes touchés par les groupes des établissements médico-sociaux n'empêchera pas la moindre maltraitance.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n'est pas le but !
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Taxer n'est pas la réponse aux abus qui ont été constatés et aux situations de maltraitance ; il faut prendre en compte les tarifs et procéder à des contrôles.
En réalité, il n'y aurait pas de raison de restreindre la nouvelle contribution que vous proposez aux établissements médico-sociaux. Une telle contribution pourrait concerner tout le secteur de la santé ; vous pourriez tout aussi bien avancer qu'il n'est pas juste que certains médecins libéraux exercent dans des cliniques privées.
Le projet de société que vous défendez, c'est la nationalisation du secteur sanitaire et médico-social. Prétendre que la création d'un impôt nouveau sur des sociétés privées permettrait de faire reculer la maltraitance, ce n'est pas réaliste, et vous le savez bien !
Mme Frédérique Puissat. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Mes chers collègues, notre débat s'éloigne de l'objet de l'amendement en tant que tel, mais je vous invite à faire davantage attention : derrière le sujet de la maltraitance, il y a surtout énormément de femmes et d'hommes qui travaillent au service des autres.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et qui n'y peuvent rien !
M. Martin Lévrier. À force de dire que, d'un côté, il y a le privé lucratif et que, de l'autre, le public n'est pas mieux, on en oublie que 99 % des personnes qui travaillent dans ce secteur sont dévouées et qu'elles rendent service à la Nation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Qui a dit le contraire ?
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Que les choses soient claires : cet amendement concerne non pas les personnels qui travaillent dans ces structures, tant privées que publiques, mais les bénéfices reçus par les actionnaires de structures privées lucratives à la suite de leurs investissements.
Nous proposons de faire payer à ces actionnaires une cotisation de 15 % sur leurs bénéfices, pour réinjecter ces sommes dans le financement du secteur, d'autant plus que ces structures privées bénéficient de multiples financements et aides publics.
M. Jean-François Rapin. Ces établissements paient déjà des impôts !
Mme Pascale Gruny. Exactement ! Soyez honnêtes !
Mme Marion Canalès. Personne ne conteste que nous avons besoin de crèches privées en complément des crèches publiques. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Avec cette contribution, nous demandons simplement aux groupes qui tirent des bénéfices d'une activité à but lucratif une petite participation, au service du collectif.
Mme Frédérique Puissat. Pourquoi discriminer aussi systématiquement le privé ?
Mme Marion Canalès. Par ailleurs, Mme Poncet Monge a mentionné les établissements psychiatriques, nouveau champ d'investissements privés. La commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance insiste sur l'extrême difficulté dans laquelle les départements sont plongés. Des sociétés privées à but lucratif font irruption dans le secteur et s'apprêtent à gérer des pans entiers de la protection de l'enfance, parce que les pouvoirs publics ne parviennent plus à affronter les difficultés !
Nous proposons simplement qu'une petite partie des bénéfices réalisés soit réinjectée dans le budget de la sécurité sociale, pour que ces sommes puissent être allouées à d'autres politiques publiques, par exemple pour accompagner les Ehpad publics en difficulté.
Mme Annie Le Houerou. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je remercie M. Lévrier de ses propos sur les soignants qui s'occupent des personnes fragiles. Nous devons d'ailleurs mieux valoriser ces métiers.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il faut mieux les payer !
Mme Stéphanie Rist, ministre. Lors du congrès des maires, j'ai eu l'occasion de signer une charte avec les associations concernées et France Travail, pour favoriser l'évolution de ces métiers tout au long de la vie.
Madame la sénatrice, le service public de la petite enfance est mis en place depuis le 1er janvier 2025 ; ce PLFSS prévoit 87,4 millions d'euros pour poursuivre son développement. Notre objectif est d'améliorer la qualité de l'accueil des enfants, quel que soit le mode de garde choisi. La compétence ayant été transférée aux communes, il s'agit également d'aider celles-ci à mieux recenser l'accueil des enfants, d'améliorer l'information et de financer les investissements permettant d'augmenter le nombre de places.
M. le président. L'amendement n° 1027, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
« Section…
« Contribution exceptionnelle sur les successions et donations
« Art. L. 137-… – Est créée une contribution exceptionnelle sur les successions et les donations.
« Son taux est fixé, dès le premier euro, à 1 % sur l'actif net taxable. Les modalités de recouvrement sont réalisées dans les conditions déterminées par l'article 750 ter du code général des impôts.
« La contribution sur les successions et les donations est affectée à la caisse mentionnée à l'article L. 222-1 du présent code. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le présent amendement vise à créer une contribution de 1 % sur les successions, qui serait affectée à la branche autonomie.
Actuellement, les rendements de la taxation sur les successions sont très faibles, car seule une petite minorité d'entre elles occasionne un prélèvement. Selon la direction générale du Trésor, les droits de succession rapportent moins de 13 milliards d'euros par an.
L'idée d'une taxation des successions n'est pas nouvelle. Elle vient non pas de nous, mais du Conseil d'analyse économique (CAE), qui propose une « réforme en profondeur de la taxation de l'héritage », qui permettrait de « réduire les droits de succession pour 99 % de la population tout en apportant un surplus de recettes fiscales substantiel » – mes chers collègues, ce n'est pas la peine de défendre l'héritage comme « fruit de toute une vie de travail »...
Permettez-moi de poursuivre la citation du rapport du CAE : « La part de la fortune héritée dans le patrimoine total représente désormais 60 % contre 35 % au début des années 1970. Ce retour de l'héritage, extrêmement concentré, nourrit une dynamique de renforcement des inégalités patrimoniales fondées sur la naissance et dont l'ampleur est beaucoup plus élevée que les inégalités observées pour les revenus du travail. »
L'OCDE en dit autant, et dans le prolongement de ces études, le rapport Vachey avait préconisé la mise en place d'un prélèvement obligatoire sur les successions, d'un rendement estimé de 500 millions d'euros en 2020, qui serait affecté à la branche autonomie, ce qui me semble avoir beaucoup de sens.
En plus de constituer une très petite mesure de redistribution du patrimoine, ce financement ne touchant pas 99 % de la population pourrait ainsi financer les besoins de la branche autonomie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 920, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section… ainsi rédigée :
« Section…
« Contribution patrimoniale de solidarité aux régimes de retraite.
« Art. L. … – Est instituée une contribution dénommée contribution patrimoniale exceptionnelle de solidarité aux régimes de retraite.
« Son taux est fixé à 0,2 % sur les encours financiers existant au titre de l'assurance vie. Les modalités de recouvrement sont réalisées dans les conditions déterminées par l'article 750 ter du code général des impôts.
« La contribution patrimoniale exceptionnelle de solidarité aux régimes de retraite est affectée à la Caisse d'assurance retraite mentionnée à l'article L. 215-1 du présent code.
« Les dispositions du présent article prennent fin au 31 décembre 2030. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je constate que, quand on propose des recettes qui sont assises non pas sur le travail mais sur le patrimoine, ouh là là…
J'en viens à mon amendement.
Dans son rapport de 2021 intitulé Repenser l'héritage, le CAE indique : « Il faut noter que l'assurance vie dispose d'une taxation totalement séparée. En effet, les assurances vie sont soit totalement exonérées, soit taxées avec un barème ad hoc et une plus grande exonération. »
Depuis la publication de ce rapport, les assurances vie se sont largement développées, au gré notamment de la baisse du taux de rendement des autres formes d'épargne, atteignant, selon France Assureurs un niveau de collecte record de 15 milliards d'euros en 2025, ce qui représente une hausse de près de 20 % en un an. Ainsi, l'encours global de l'assurance vie dépasse désormais 2 000 milliards d'euros, ce qui représente une progression de 5 % sur un an, poussée par un taux d'épargne des ménages toujours plus important du fait de la dégradation du contexte macroéconomique.
S'il est vrai que l'assurance vie est une épargne en partie populaire et qu'elle constitue le deuxième placement financier détenu par les ménages selon l'Insee, la répartition n'est pas égale au sein de la population, puisque 65 % des cadres retraités possèdent un contrat d'assurance vie contre seulement 23,5 % des ouvriers.
Ainsi, suivant les recommandations du rapport des trois Hauts Conseils – Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) et Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) –, je propose, au travers de cet amendement, de contribuer au rétablissement des comptes sociaux par la création d'une contribution exceptionnelle de 0,2 % – ne soyons pas radicaux… – sur le stock d'assurance vie, pendant cinq ans.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Les amendements que défend Raymonde Poncet Monge présentent un intérêt majeur : ils permettent de soulever une véritable question, celle de l'héritage.
On le sait, c'est parfaitement documenté, la génération des baby-boomers est en train de léguer et va continuer de léguer au cours des dix prochaines années un patrimoine d'une valeur inédite en France.
Un sénateur du groupe Les Républicains. C'est le fruit du travail !
Mme Monique Lubin. Contrairement aux caricatures que l'on nous fait, nous ne sommes absolument pas contre les héritages (Mme Anne-Sophie Romagny s'exclame.), ni contre, d'ailleurs, les assurances vie. Simplement, il faut refondre tout cela. Ce qui est paradoxal, c'est qu'une grande majorité des Français refuse que l'on touche à l'héritage, alors même qu'elle n'est pas concernée. Il y a donc une confusion dans la tête des gens, qu'il faut absolument combattre.
Alors, oui, nous allons devoir regarder cette question en face à brève échéance.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J'entends dire sur certaines travées que l'héritage est le fruit du travail.
Eh bien, non, ce n'est pas le fruit que du travail, car certains économistes viennent de démontrer que 50 % de la valeur des actifs mobiliers et immobiliers qui vont être transmis est due à la spéculation.
À la limite, les 50 % de ce patrimoine qui proviennent du travail, on peut en discuter, mais, je le répète, 50 % de la valeur nominale du patrimoine qui va être transmis est due à l'explosion de la valeur des actifs immobiliers et du CAC 40.
Aussi, une contribution de 0,5 % assise sur ce patrimoine, dont 50 % de la valeur est le fruit de cette spéculation, ne paraît pas démesurée, car en l'espèce c'est l'argent qui a « travaillé » et non le détenteur du patrimoine. Ou alors, si vous ne voulez pas que la branche autonomie soit financée par le patrimoine, arrêtons de dire qu'elle ne doit pas peser sur le travail…
M. le président. L'amendement n° 1152, présenté par M. Savoldelli, Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 10 du chapitre VII du titre III du livre I du code de la sécurité sociale, est insérée une section… ainsi rédigée :
« Section…
« Contribution sur les plateformes de mise en relation par voie électronique
« Art. L. 137-18-1. – Il est institué une contribution sociale au taux de 10 % assise sur l'ensemble des bénéfices réalisés en France ainsi que sur ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.
« Elle est affectée aux caisses de retraite du régime de base obligatoire.
« Cette contribution est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale.
« Un décret en Conseil d'État fixe la date d'application du présent article. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement de mon collègue Pascal Savoldelli vise à cibler les plateformes de mise en relation entre des travailleurs ubérisés et leurs clients.
Les plateformes comme Uber, Bolt, Deliveroo, et j'en passe, misent toutes sur un modèle de contournement du droit du travail – cela a déjà été amplement évoqué ici – en s'appuyant sur le statut d'auto-entrepreneur de salariés déguisés. Ce modèle se développe notamment en raison de ses aspects pratiques pour les usagers des plateformes, mais cela n'est pas sans conséquence sur les conditions de travail des travailleurs ubérisés ni pour le financement de notre modèle social.
Or des recettes très importantes sont engrangées par ces plateformes, qui ont un quasi-monopole sur leur secteur. Pourtant, elles ne participent pas au financement de la sécurité sociale, même si les travailleurs qui les font vivre peuvent, eux aussi, tomber malades. Il s'agit là d'une concurrence déloyale par rapport aux autres entreprises des secteurs concernés, qui s'évertuent à respecter le code du travail et à payer leurs cotisations.
Afin de rétablir une forme de justice fiscale, et même de justice tout court, et pour contribuer à l'équilibre budgétaire, nous proposons donc une contribution sociale de 10 % assise sur les bénéfices de ces plateformes réalisés en France ou dont l'imposition est attribuable à la France. Cette proposition nous paraît juste et équilibrée, car elle favorise la participation de tous les acteurs de notre économie en fonction de leurs moyens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous nous sommes beaucoup penchés sur ces plateformes de mise en relation par voie électronique.
Instaurer une nouvelle contribution, est-ce la bonne solution ? En tout cas, l'année dernière, la commission avait estimé que non ; aussi a-t-elle émis cette année encore, en cohérence, un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, non seulement il ne nous semble pas pertinent d'augmenter la fiscalité des entreprises, mais il s'agit en outre d'un moyen détourné de punir, par l'impôt, un modèle économique spécifique. Nous sommes d'accord, il y a des dérives, mais ce mode d'organisation du travail existe et il faut faire avec.
Au passage, je remarque que le mode de financement que vous proposez consiste à fiscaliser davantage le financement de la protection sociale et conduit donc à renforcer la place de l'État dans la gestion de la protection sociale, au détriment des partenaires sociaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Vous proposez, madame la sénatrice, d'instituer un nouvel impôt sur les sociétés.
Toutefois, je vous rappelle que nous avons souhaité améliorer la garantie de la participation de ces entreprises en privilégiant une réforme qui vise à rendre obligatoires la déclaration et le prélèvement direct par les opérateurs de plateforme des cotisations et contributions sociales dues par leurs utilisateurs exerçant sous le régime de la micro-entreprise. La mise en œuvre de cette réforme, issue de la loi de financement de la sécurité sociale pou 2024, sera généralisée à compter du 1er janvier 2027.
Enfin, votre amendement tend à cibler un secteur d'activité spécifique alors que nous avons intérêt à élargir la base des prélèvements. C'est pourquoi j'y suis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 1658, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre 7 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section 16 ainsi rédigée :
« Section 16
« Contribution sociale exceptionnelle des sociétés réalisant des superprofits
« Art. L. 137-… – I. – A. – Est instituée une contribution sociale exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés redevables de l'impôt sur les sociétés au sens de l'article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 750 000 000 €.
« B. – La contribution est due lorsque le résultat imposable de la société pour l'exercice considéré au titre de l'impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable sur les trois derniers exercices.
« C. – La contribution est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :
« 1° 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« 2° 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« 3° 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.
« II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, la contribution est due par la société mère. Cette contribution est assise sur le résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.
« B. – Le chiffre d'affaires mentionné au I du présent article s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du même code, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
« C. – Les réductions et crédits d'impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution.
« D. – Sont exonérées de la contribution prévue au I du présent article, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des trois derniers exercices résulte d'opérations de cession ou d'acquisition d'actifs, pour la fraction du résultat imposable de l'exercice concernée.
« E. – La contribution additionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt. La contribution additionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l'article 1668 du même code pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés. »
II. – Le présent article entre en vigueur à compter de la promulgation de la présente loi et est applicable jusqu'au 31 décembre 2030. Il s'applique également à l'exercice fiscal de l'année de son entrée en vigueur.
III. – Les produits de la contribution sociale exceptionnelle créée par le présent article sont affectées sans rang de priorité aux branches mentionnées à l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Nous vous proposons, mes chers collègues, d'instaurer une taxe sur les superprofits des très grandes entreprises, dont le chiffre d'affaires dépasse 750 millions d'euros.
Le produit de cette contribution serait affecté à la sécurité sociale, notamment au financement de notre système de retraite, afin de compenser l'abrogation des mesures, adoptées via le recours au 49.3 en avril 2023, de report de l'âge légal et d'accélération de l'allongement de la durée de cotisation.
Depuis 2021, les entreprises françaises ont vu leur « facture fiscale » s'alléger de 10 milliards d'euros en la matière et quinze très grandes entreprises, qui réalisent plusieurs centaines de millions d'euros de chiffre d'affaires, ont bénéficié de cette baisse d'impôts.
Légalement, toutes les entreprises sont soumises au même taux d'impôt sur les sociétés – 25 % depuis 2021 –, mais de nombreux outils permettent de réduire ce taux sur certains revenus ou de déduire certaines charges du bénéfice. Les grandes entreprises exploitent ces outils et toutes les failles possibles ; le taux réel d'imposition sur les bénéfices serait ainsi de 14 % pour les grands groupes, contre 25 % pour les PME. Les grandes entreprises françaises continuent de payer moins d'impôt que les PME ; ce n'est pas acceptable.
Ainsi, non seulement les grandes entreprises bénéficient davantage des baisses d'impôt, mais ce sont aussi elles qui concentrent les superprofits dépassant 750 millions d'euros, atteignant parfois plusieurs milliards.
Pourtant, de l'autre côté, nos besoins sociaux sont immenses. Les 10 milliards d'euros que rapporterait cette taxe pourraient financer l'augmentation des salaires dans le secteur sanitaire, social et médico-social, qui en a besoin, et permettraient d'ouvrir de nouvelles places de crèche, d'accroître les capacités d'accueil des personnes en situation de handicap, d'améliorer les prestations compensatoires ou encore d'engager un large plan de recrutement pour rendre à nouveau attractifs les métiers du « prendre soin », aujourd'hui dramatiquement défavorisés ; et je ne parle même pas de notre hôpital public…