M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Nous venons de défendre l'instauration d'une contribution des très, très grandes entreprises, dont les dividendes ont explosé depuis la crise du covid et qui, d'ailleurs, ont particulièrement bien profité de la pandémie, en 2020 et 2021, puisque c'est à ce moment-là que leurs bénéfices ont explosé.
Plusieurs amendements ont été défendus, au cours des dernières minutes, portant sur les successions, les plateformes ou encore les grandes entreprises, mais ils ont été systématiquement rejetés, ce qui prouve bien que nous n'avons pas la même vision du partage de l'effort.
Depuis le début de nos débats, on parle beaucoup de responsabiliser les patients, les médecins... Bref, on doit responsabiliser tout le monde, sauf ceux qui ont de l'argent. Pour vous, mes chers collègues, le partage de l'effort, cela signifie que les plus vulnérables, les classes les plus défavorisées, doivent participer à l'effort, mais non les plus riches. Cela prouve bien que nous sommes sur deux planètes différentes.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Nous sommes d'accord, je pense, sur un constat : le déficit actuel est intenable et nous devons le réduire.
J'ai donc du mal à comprendre, car j'ai souvent entendu que l'effort devait être « partagé ». Or, en réalité, il est partagé toujours par les mêmes !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Monique Lubin. Vous considérez, mes chers collègues, qu'un certain nombre de grandes fortunes, de très grandes entreprises, qui, certes, sont des éléments constitutifs de l'économie française – nous ne le contestons pas – mais qui engrangent des bénéfices importants, ne devraient pas participer à cet effort.
Or, depuis 2017, elles ont quand même bénéficié de réductions diverses et variées que la majorité sénatoriale a toutes approuvées : même si elle a râlé, elle a toujours fini par voter les budgets proposés. Ainsi, à ces structures ou à ces fortunes, qui, en plus d'avoir bénéficié d'un essor économique certain, ont reçu tous ces cadeaux, il ne faudrait rien demander !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout à fait !
Mme Monique Lubin. Aussi, je m'interroge : comment peut-on, en conscience, voter certaines mesures, comme le gel des pensions, le gel des prestations sociales ou le retour sur les indemnités journalières, tout en ne demandant rien, absolument rien, à ces très grandes entreprises, alors que le pays en a besoin ? Et que l'on ne me parle pas du risque de fuite ou d'optimisation, parce que, soit on est français, soit on ne l'est pas, soit on est citoyen, soit on ne l'est pas ! (M. Roger Karoutchi s'esclaffe.) Cela vous fait rire, monsieur Karoutchi ?
M. Roger Karoutchi. Cet argument est débile !
Mme Monique Lubin. Sans doute, vous détenez la vérité, vous avez raison !...
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Ce débat aura lieu dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances ; il a d'ailleurs eu lieu à l'Assemblée nationale. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Vous affirmez que rien n'a été fait pour améliorer la justice fiscale et sociale. Or l'année dernière a été mise en place la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des entreprises. Après discussion, l'Assemblée nationale l'a prolongé ; nous verrons ce qu'il en advient dans la version finale du texte, mais on ne peut pas laisser dire aux citoyens qui nous écoutent que rien n'est fait en la matière.
M. le président. L'amendement n° 1561, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre VII du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Contribution sociale exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés pétrolières
« Art. L. 137-… – I. – A. – Est instituée une contribution additionnelle sur les bénéfices générés par les activités domestiques d'exploration et d'exploitation de gisements d'hydrocarbures et de raffinage des sociétés productrices de pétrole redevables de l'impôt sur les sociétés prévu à l'article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 750 000 000 euros.
« B. – La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l'exercice considéré au titre de l'impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.
« C. – La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution additionnelle est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :
« 1° 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« 2° 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« 3° 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.
« II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d'ensemble et la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminés avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.
« B. – Le chiffre d'affaires mentionné au I du présent article s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis dudit code, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
« C. – Les réductions et crédits d'impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.
« D. – Sont exonérées de la contribution prévue au présent I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d'opérations de cession ou d'acquisition d'actifs, pour la fraction du résultat imposable de l'exercice concernée.
« E. – La contribution additionnelle est reversée sans rang de priorité aux branches mentionnées à l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale ».
II. – Le présent article entre en vigueur à compter de la publication de la présente loi et est applicable jusqu'au 31 décembre 2026.
III. – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation provisoire de l'application du I du présent article avant le 31 juillet 2026 et un rapport d'évaluation définitif au plus tard le 31 juillet 2027.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les bénéfices des grandes compagnies pétrolières – les majors – explosent, tandis que les ménages et la sécurité sociale subissent la crise.
Prenons l'exemple de TotalEnergies, que nous connaissons bien, au Sénat, grâce à l'excellent travail de notre collègue Yannick Jadot. Le bénéfice de cette entreprise s'élevait à 19,8 milliards d'euros en 2023, de quoi renflouer largement le déficit de la sécurité sociale ! Pourtant, loin de contribuer à notre santé, l'industrie pétrolière mine notre santé, elle est une source majeure de pollution.
Au-delà même de l'hexane, que nous avons évoqué précédemment – quel dommage que nous ayons raté une occasion d'agir dans ce domaine ! –, elle est responsable de la pollution de l'air, de l'émission de perturbateurs endocriniens, pour un coût sanitaire annuel estimé entre 70 milliards à 100 milliards d'euros, et elle est l'un des premiers responsables du changement climatique, qui menace gravement notre système public de santé.
Pour cette raison, nous proposons de renforcer le principe du pollueur-payeur en faisant contribuer ces sociétés. Toutefois, là encore, nous ne ciblons que les vrais responsables, les grands pollueurs, c'est-à-dire les sociétés qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros et des bénéfices supérieurs à 1,25 fois leur profit moyen entre 2017 et 2019.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1159, présenté par Mmes Silvani, Brulin, Apourceau-Poly et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une contribution spécifique est prélevée sur les revenus générés par les établissements d'accueil de jeunes enfants privés à but lucratif, dont le taux et l'assiette sont définis par décret. Les recettes sont directement affectées à la Caisse nationale d'allocations familiales.
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. La publication, par le journaliste Victor Castanet, du livre Les Ogres, que l'on a déjà évoqué, a mis en lumière les dysfonctionnements de la gestion des crèches par des établissements privés à but lucratif.
Vingt ans après la fin du monopole public sur le secteur, quatre grands groupes se partagent le marché, estimé à 1,7 milliard d'euros. Un rapport de l'Igas de 2021 a estimé que le niveau de rentabilité des micro-crèches était excessif, puisque leur taux de profit atteignait 25 %, voire, pour certaines, 65 % ! L'Igas souligne également que l'évolution du secteur au cours des dernières années a conduit à la dégradation progressive de la qualité de l'accueil au profit de logiques financières. L'Inspection établit donc un lien de cause à effet entre la moindre qualité de l'accueil et l'augmentation du profit.
Le fait que des entreprises privées réalisent des profits sur la gestion de l'accueil de nos tout-petits et sur le détournement des subventions des CAF, au détriment de la qualité de l'accueil des nourrissons, suscite donc un débat.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de mettre à contribution les revenus des crèches privées à but lucratif, afin de renforcer les crèches publiques et privées non lucratives.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Le décret de septembre dernier, que j'évoquais précédemment, impose à ces crèches de transmettre leurs comptes aux caisses d'allocations familiales ; vous proposez une plus grande transparence, nous l'aurons. En revanche, cette contribution ne me semble pas constituer un moyen efficace.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Deux points.
D'abord, dans le rapport d'information rédigé sur le sujet par plusieurs de nos collègues – Pour un contrôle des crèches au service de la qualité de l'accueil des enfants – figure une information très importante, à savoir que les établissements médico-sociaux peuvent être contrôlés par la Cour des comptes, mais non les crèches. Le décret évoqué par Mme la ministre permettra certes de contrôler un peu mieux les comptes de ces structures, mais il conviendrait d'aller plus loin en donnant cette prérogative à la Cour des comptes.
Ensuite, pour prolonger les propos de Mme Silvani, il y a également un véritable enjeu autour des intermédiaires de réservation des berceaux. Ces entreprises, qui sont d'ailleurs des filiales des grands groupes dont parlait notre collègue, se sont constitué une nouvelle petite activité et captent ainsi une partie du crédit d'impôt famille, non pas pour mettre à disposition des berceaux pour les salariés des entreprises mais pour rémunérer la réservation d'un berceau ; voilà une nouvelle activité lucrative !
Il faudra rapidement se pencher sur cette question, en prenant le temps nécessaire, car elle est importante. D'un côté, il y a la question de la contribution de ces entreprises – c'est l'objet de cet amendement –, mais, de l'autre, il y a aussi toutes les activités masquées de ces grands groupes, qui sont très inventifs pour capter une partie des financements publics et la mettre, si j'ose dire, dans la poche de leurs actionnaires. Avançons sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.
M. Pierre-Alain Roiron. C'est une vraie question, la prise en charge de la petite enfance.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. Pierre-Alain Roiron. Plusieurs d'entre nous avons été élus locaux et nous avons bien vu les problèmes qui se posaient quand les crèches étaient attribuées au secteur privé. Souvent, les entreprises prenaient beaucoup moins cher, ce qui aurait déjà dû susciter notre intérêt. Puis, on a vu que, malheureusement, les conditions d'accueil des jeunes enfants n'étaient pas acceptables.
Je suis, pour ma part, tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit. Il n'est pas normal que de l'argent public revienne à des groupes privés. Je n'ai rien contre les actionnaires en tant que tels, dans certains cas il en faut, mais pas, selon moi, dans ce secteur. D'ailleurs, le Président de la République lui-même parle du service public de la petite enfance, en évoquant un service public pour tous, non pas un service qui devrait rapporter à certains.
Nous soutiendrons donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Je souhaite insister sur un point. Ce que nous mettons en cause, c'est le fait de réaliser des profits extrêmement importants en bénéficiant d'aides publiques et au détriment de l'accueil, qui se dégrade.
En outre, ces profits ne sont en rien redistribués pour améliorer les conditions de travail des salariés de ces crèches ni réinvestis dans l'accueil. À la limite, si c'était le cas, on pourrait discuter.
M. le président. L'amendement n° 850 rectifié bis, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile et Fouassin, Mme Nadille, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l'article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 242-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 242-1-… – I. Il est institué un Plan d'Épargne Association, dispositif d'épargne salariale permettant aux salariés des associations soumises aux dispositions du titre III du livre III de la troisième partie du code du travail, et qui dégagent un excédent net comptable positif au cours des trois derniers exercices clos, de se constituer un portefeuille de valeurs mobilières avec l'aide de leur employeur.
« Les conditions d'ouverture, de fonctionnement, de blocage des sommes et les plafonds d'abondement de ce plan sont ceux prévus aux articles L. 3332-1 à L. 3332-27 du code du travail, l'association étant réputée « entreprise ».
« II. – L'abondement versé par l'association au titre du Plan d'Épargne Association est exclu de l'assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale mentionnées à l'article L. 242-1 du présent code, sous réserve du respect des conditions et limites fixées par le code du travail.
« III. – Par dérogation au II, cet abondement demeure soumis :
« 1° À la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale, dans les conditions prévues au 3° du I de l'article L. 136-8, sans qu'il soit fait application de l'abattement mentionné au III de l'article L. 136-1-1.
« 2° Au forfait social mentionné à l'article L. 137-15, dans les conditions et aux taux prévus pour les sommes versées au titre du plan d'épargne entreprise.
« IV. – Les modalités d'application du présent article, notamment la définition précise de l'excédent net comptable de l'association mentionné au I ainsi que la date d'entrée en vigueur de ces dispositions, sont fixées par décret en Conseil d'État, et au plus tard au 1er juillet 2026. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. On parle beaucoup dans cet hémicycle, depuis un certain temps, des systèmes de participation des salariés, de distribution d'actions, de retraites en entreprise, via les plans d'épargne ceci ou cela, mais il demeure un angle mort : la situation des 1,5 million de salariés d'association, qui sont pour la plupart investis dans des missions d'intérêt général mais ne bénéficient d'aucun outil d'épargne, car ces derniers sont tous réservés aux entreprises. Je sais de quoi je parle, j'en ai institué un dans l'association que je dirige et cela a été excessivement compliqué.
Je propose donc que l'on crée un plan d'épargne association, calqué sur le modèle du plan d'épargne entreprise (PEE) que nous connaissons tous ici, puisque l'Association pour la gestion des assistants de sénateurs (Agas) en propose un, dont profitent, j'imagine, la plupart de vos collaborateurs, mes chers collègues. Je propose donc que les salariés d'associations puissent aussi en bénéficier, si l'association et son comité social et économique (CSE) le souhaitent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. À première vue, la commission pense qu'un tel plan serait de nature à soutenir le milieu associatif et ses salariés. Toutefois, elle n'a pas eu le temps d'en étudier précisément les conséquences. C'est pourquoi elle souhaite entendre l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Vous souhaitez créer, monsieur le sénateur, un nouveau type de plan d'épargne à destination non pas des entreprises mais des structures du secteur de l'économie sociale et solidaire.
D'une part, le propre des associations à but non lucratif est de réinvestir les excédents nets comptables au profit des publics qu'elles accompagnent, non de les orienter vers ses salariés.
D'autre part, rien n'empêche ces associations de verser des primes de partage de la valeur à leurs salariés, lesquels peuvent ensuite les placer dans un plan d'épargne en actions (PEA) ou un plan d'épargne retraite (PER) à titre individuel.
Pour ces raisons, il ne me paraît pas souhaitable d'instituer un dispositif supplémentaire. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement et, à défaut, émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Les bras m'en tombent !
Faisons alors plus simple, madame la ministre : ouvrons le bénéfice du PEE aux salariés des associations, car il arrive que des associations veuillent donner une gratification ou une prime à leurs salariés. Sinon, soyons cohérents, allons au bout de la logique et interdisons clairement aux associations de donner toute prime de quelque nature que ce soit à leurs salariés, parce que l'intégralité de leurs excédents doit être réinvestie dans leur activité.
Je suis très étonné. Il arrive que des associations aient un excédent. Comme la notion de bénéfice n'existe pas, le conseil d'administration décide effectivement dans la plupart des cas de le réinvestir, mais il peut arriver que des associations « gratifient », au travers d'une prime, leurs salariés, pour une raison simple : si l'association fonctionne bien et qu'elle fait quelques excédents, c'est aussi que les salariés y ont contribué.
Si ma proposition ne convient pas, alors je demande juste que l'on étende le bénéfice du PEE aux salariés d'association ; simplement le mot « entreprise » pose un problème.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement, qui semble motivé par une bonne intention, m'inspire une double réaction.
Ma première réaction consiste à dire que l'idée d'un partage de l'excédent – dans nos rêves les plus fous, les associations feraient des excédents, même si cela fait longtemps que cela n'existe plus –, qui n'est effectivement pas un profit, sous la forme d'une redistribution ou d'une prime, entre en contradiction avec la philosophie et les valeurs des associations loi 1901.
Seconde réaction : soyons cohérents. On nous annonce que le budget de l'État va réduire de 50 % le financement des têtes de réseau associatives – les associations s'en sont émues –, donc je ne vois pas bien ce qu'il y aura à redistribuer l'année prochaine…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, vous affirmez que les associations peuvent verser des primes et que chacun peut alors, s'il n'a pas de problème de pouvoir d'achat, la placer dans un plan d'épargne complémentaire. Vous parlez de primes de partage de la valeur et non d'une augmentation de salaire ; or celles-ci sont exonérées, de même que les plans d'épargne collective.
Alors même que nous débattons du budget de la sécurité sociale, la proposition de M. Lévrier ou les dispositifs préconisés par Mme la ministre ne lui apportent pas la moindre ressource. La capitalisation – le plan d'épargne entreprise en est une forme –, elle, est aidée à hauteur de 2 milliards d'euros, comme je l'indiquais tout à l'heure en reprenant les chiffres de la Cour des comptes. Ainsi, non seulement elle ne rapporte rien à la sécurité sociale, mais elle lui coûte. C'est tout de même fort !
Mme la rapporteure générale a dit que les fonctionnaires ne se plaignaient pas de bénéficier d'un plan d'épargne retraite... Il est curieux de déplorer, ensuite, que l'État ait des « déficits cachés ». Ces derniers n'existent pas, mais ce qui est certain, c'est que les plans de capitalisation ne rapportent pas de ressources aux acteurs, y compris étatiques, du système de retraite.
Je ne vois pas ce qu'il y a de vertueux dans le fait que les fonctionnaires bénéficient de la capitalisation, quand celle-ci non seulement ne rapporte rien, mais coûte.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je soutiens cet amendement. Le plan d'épargne entreprise est, en effet, mal adapté à l'économie sociale et solidaire. Le PEA pourrait être une mesure concrète en faveur du pouvoir d'achat des salariés du secteur associatif et une mesure d'équité par rapport au secteur lucratif.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Je trouve l'idée générale soulevée par notre collègue intéressante, car, effectivement, il y a association et association, même si toutes sont régies par la loi de 1901. Alors que certaines sont actuellement des piliers de la protection sociale, leurs salariés ne bénéficient de presque aucun avantage : une fois leur salaire payé, on ne peut plus rien leur verser.
Je ne suis pas sûre qu'il faille ouvrir une discussion sur la rémunération des salariés des associations à l'occasion de l'examen du présent texte, mais – j'y insiste – la question est tout à fait intéressante. Autant il serait choquant de partager les excédents avec les administrateurs, autant les partager avec les salariés dans le secteur médico-social est une piste à étudier.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je viens également au soutien de l'amendement de notre collègue. Quel signal enverrions-nous aux associations en le rejetant ? Puisque nous reconnaissons tous que nous avons besoin d'elles, que le secteur est exsangue et que leur personnel est exemplaire par sa disponibilité, je voterai en faveur de cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.
M. Michel Masset. Mon groupe votera également cet amendement en ayant une pensée particulière pour le monde de l'économie sociale et solidaire (ESS).
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. À titre personnel, je ne suivrai pas l'avis du Gouvernement.
La commission s'en remet à la sagesse de cette assemblée.
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11 septies.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 541 rectifié ter est présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve, MM. Masset et Roux et Mme Girardin.
L'amendement n° 1143 est présenté par Mmes Brulin, Silvani, Apourceau-Poly et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 1 679 est présenté par Mmes Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 11 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 241-5 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il est instauré un malus, déterminé par voie réglementaire, sur les cotisations des employeurs dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les entreprises n'ayant pas pris les mesures nécessaires pour éliminer un risque avéré de maladie professionnelle.
« La détermination de l'effort de l'employeur en matière de prévention et de lutte contre les maladies professionnelles se fait sur la base de critères définis par voie réglementaire à partir du bilan social de l'entreprise défini aux articles L. 2312-28 à L. 2312-33 du code du travail. »
La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n°° 541 rectifié ter.