M. Michel Masset. Par cet amendement, nous proposons d'instaurer un malus sur les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles lorsque des entreprises ne prennent pas les mesures nécessaires pour éliminer un risque avéré. Concrètement, il s'agit de responsabiliser les employeurs dont la sinistralité de l'entreprise reste anormalement élevée alors même que des outils de prévention existent.

Cette idée n'est pas nouvelle. En effet, elle figure dans les recommandations du rapport parlementaire sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie (risques chimiques, psychosociaux ou physiques) et les moyens à déployer pour leur élimination. La Cour des comptes l'avait également formulée, par la voix de M. Didier Migaud, en 2018.

L'objectif est double : d'abord, encourager réellement la prévention en valorisant les entreprises exemplaires et en incitant les autres à agir ; ensuite, dégager des moyens pour mieux réparer, mieux évaluer et, surtout, mieux prévenir les risques professionnels. C'est une mesure juste, efficace et cohérente avec la promotion de la santé au travail.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l'amendement n° 1143.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à relever les cotisations à la branche AT-MP des entreprises présentant une sinistralité anormalement élevée.

Face à la situation quelque peu dramatique que l'on connaît à cet égard, nous pensons qu'augmenter les sanctions pourrait inciter les entreprises à travailler davantage sur la question de la prévention. Je rappelle tout de même que, en France, l'assurance maladie a recensé plus d'un million d'accidents du travail : accidents de trajet, maladies professionnelles déclarées… Ce n'est pas rien. Nous sommes tout de même en 2025 ! Les entreprises pourraient être beaucoup plus vertueuses dans ce domaine. Aussi, il est de notre devoir de taper au portefeuille celles qui ne le sont pas.

Je suis choquée quand des entreprises font la fête quand elles enregistrent peu d'accidents de travail. (M. Jean-François Rapin et Mme Pascale Gruny s'exclament.) Tant mieux s'il y en a peu ; j'en suis la première ravie, car c'est une bonne chose. Néanmoins, en arriver, en 2025, à fêter cela, c'est grave ! Cela signifie qu'il existe par ailleurs un développement sans précédent de ces accidents.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l'amendement n° 1679.

Mme Monique Lubin. La réalité est préoccupante : certaines entreprises accumulent les accidents du travail. D'ailleurs, des chiffres publiés ces deux derniers jours prouvent qu'il y a une recrudescence des accidents graves.

Cet amendement tend donc à renforcer la tarification des risques professionnels pour les entreprises les plus accidentogènes. Je ne répéterai pas les propos de mes collègues, mais je veux dire qu'il conviendrait de prendre ce sujet à bras-le-corps. Il me paraît assez normal que le manque de prévention soit sanctionné par une augmentation de cotisation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission reconnaît que le sujet est éminemment important. Toutefois, les auteurs des amendements stigmatisent l'ensemble des acteurs : ils mettent l'accent sur des dérives que nous n'acceptons ni les uns ni les autres – nous sommes tous d'accord là-dessus –, mais donnent l'impression que toutes les entreprises sont concernées.

Si un malus n'est pas contrebalancé par un bonus, ce n'est pas une bonne mesure, car cela revient à agir sur un plan seulement punitif, alors que des entreprises vertueuses mettent en place des actions de prévention.

Par ailleurs, les employeurs sont exposés à des sanctions pénales. Je rappelle qu'il y a des inspecteurs du travail (Mme Cathy Apourceau-Poly s'exclame.) et que des mesures de contrôle permettent de sanctionner les dirigeants fautifs.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je partage votre objectif de diminution du nombre d'accidents du travail. D'ailleurs, l'un des ateliers que lancera Jean-Pierre Farandou dans le cadre de la conférence sur le travail et les retraites du 5 décembre prochain sera consacré à la prévention. Il nous faut avancer sur le sujet.

Mais pour les raisons techniques que Mme la rapporteure générale a données, l'avis est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.

M. Jean-François Rapin. Je rebondis sur le propos de Mme Apourceau-Poly, car je sais quelle entreprise elle vise : cette dernière, qui a fêté récemment plus de mille jours sans accident du travail, se situe dans le département où nous sommes élus tous deux, dans la commune dont j'ai été le maire.

M. Jean-François Rapin. Cet événement était moins une fête que la reconnaissance d'une démarche anticipatrice, de prévention, associant les dirigeants et les salariés de l'entreprise. C'est un exemple à suivre !

J'ai d'ailleurs proposé aux différents rapporteurs de la commission des affaires sociales d'auditionner des acteurs ayant obtenu des résultats dans ce domaine afin qu'ils nous expliquent comment ils ont agi. Optons pour la démonstration, mais pas pour la sanction, s'il vous plaît !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 541 rectifié ter, 1143 et 1679.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 924 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 1167 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Silvani, M. Barros, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 242-7 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Des cotisations supplémentaires sont en particulier imposées aux entreprises donneuses d'ordre lorsqu'une entreprise sous-traitante dépasse un taux de sinistralité fixé par décret. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 924.

Mme Raymonde Poncet Monge. Selon les chercheurs Nicolas Dufour, Caroline Diard et Abdel Bencheikh, « la France est le seul pays [en Europe] qui a vu le nombre de décès s'accroître entre 2009 et 2017 », s'agissant des accidents du travail. En outre, les auteurs du dernier rapport annuel de l'assurance maladie sur les risques professionnels indiquent qu'en 2023 il y a eu 759 décès au travail. En 2024, on a recensé 810 morts au travail, soit 51 de plus que l'année précédente. La mort au travail, voilà ce qu'est une véritable sanction !

Selon les dernières prévisions d'Eurostat, notre pays n'atteindra jamais l'objectif de zéro mort au travail d'ici à 2030, sauf peut-être dans l'entreprise qui a été citée et dont nous nous réjouissons des résultats dans ce domaine... Sans même évoquer les décès, le taux d'incidence des accidents du travail en France demeure très élevé : il est le plus haut d'Europe – Eurostat le confirme aussi –, numériquement et tendanciellement.

Les accidents du travail surviennent majoritairement dans les métiers du nettoyage, un secteur où le travail temporaire et la sous-traitance sont importants. De fait, selon une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) sur l'exposition aux accidents du travail, les salariés des entreprises sous-traitantes sont surexposés aux risques professionnels, physiques et organisationnels. Pour le dire autrement, ils meurent un peu plus...

Toutes ces données démontrent l'importance de responsabiliser les entreprises donneuses d'ordre – il m'a semblé comprendre que nous étions dans une culture de la responsabilisation –, tant celles qui ont recours à la sous-traitance se défaussent de leur responsabilité pour ce qui des AT-MP en externalisant les risques.

Cet amendement vise donc à augmenter les cotisations dues au titre des AT-MP par les donneurs d'ordre quand leurs sous-traitants présentent un taux de sinistralité important, fixé par décret. Nous souhaitons que l'on fasse preuve de sagesse en la matière !

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l'amendement n° 1167.

Mme Marianne Margaté. Au moment de rédiger cet amendement identique, nous sommes partis de ce constat accablant : la sous-traitance est devenue l'angle mort de la prévention des accidents du travail. De fait, les donneurs d'ordre externalisent les tâches, la main-d'œuvre et, surtout, le risque. Ce sont dès lors les salariés des sous-traitants qui paient le prix fort, quand les donneurs d'ordre n'assument jamais les conséquences financières.

Comme l'a indiqué ma collègue en citant l'étude de la Dares, les salariés des entreprises sous-traitantes sont plus exposés et plus souvent victimes d'accidents du travail que ceux des donneurs d'ordre.

La sous-traitance est, à l'heure actuelle, le principal vecteur d'externalisation du risque professionnel. J'y insiste : les entreprises qui pilotent la chaîne de production se déresponsabilisent largement des accidents et des maladies professionnelles qui frappent les salariés de leurs prestataires. Cette situation est injuste et cette manière de procéder inefficace. Elle alimente un modèle de sous-traitance low cost fondé sur la prise de risque.

Nous proposons donc une mesure de justice élémentaire : lorsqu'un sous-traitant présente un taux de sinistralité anormalement élevé, les cotisations AT-MP du donneur d'ordre doivent augmenter. Au travers de cet amendement, nous affirmons clairement ce message : si vous tirez les prix vers le bas, si vous imposez une organisation du travail dangereuse, si vous choisissez vos prestataires uniquement sur le fondement du coût, sans regarder leurs pratiques en matière de sécurité, alors vous en assumerez les conséquences financières.

Il s'agit d'une mesure de responsabilité, de justice, de cohérence et de courage politique. Le coût du risque doit être supporté non plus par les plus précaires ou par la collectivité, mais par ceux qui organisent, structurent et profitent réellement de la chaîne de production.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'idée qui sous-tend ces amendements identiques est intéressante. Vous mettez en avant un phénomène qui s'observe ces dernières années : on voit se développer un transfert des activités les plus sinistrogènes depuis les entreprises donneuses d'ordre vers des sous-traitants, afin que les premières puissent éviter une hausse de leur cotisation AT-MP.

Pour autant, la commission ne recommande pas d'instaurer un malus sur les cotisations, qui viendrait alourdir encore les prélèvements obligatoires. Surtout, comme je le disais précédemment, instaurer un malus sans bonus pour les entreprises vertueuses n'a pas de sens. Nous resterions dans une logique punitive alors qu'il faut aussi saluer les efforts que certaines entreprises accomplissent.

Un meilleur partage du coût des sinistres professionnels entre sous-traitants et donneurs d'ordre serait sans doute préférable. Cette logique a d'ailleurs prévalu dans la récente réforme de la tarification des AT-MP subie par les intérimaires.

J'invite donc les auteurs de ces amendements à retravailler leur rédaction en ce sens d'ici à l'an prochain ; en effet, je sais qu'ils sont tenaces...

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ah ça, tenaces, nous le sommes !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il faudra également associer les partenaires sociaux, qui semblent avoir été quelque peu oubliés dans ces amendements.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Mesdames les sénatrices, je partage votre idée de donner la priorité à la prévention des accidents du travail, notamment ceux qui sont graves et mortels, et ce que vous avez dit sur l'enjeu spécifique des chaînes de sous-traitance. Tel est d'ailleurs l'objet de l'axe 5 du prochain plan santé au travail (PST), qui est en cours d'élaboration.

Le taux des cotisations dues au titre des AT-MP est calculé, et majoré, en fonction de la sinistralité des entreprises.

J'y insiste, le sujet de la chaîne de sous-traitance a été bien identifié et les partenaires sociaux travaillent actuellement à améliorer les règles. J'espère donc que nous n'aurons pas à examiner le même amendement l'année prochaine !

Avis défavorable.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Parfait !

Mme Stéphanie Rist, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Mon groupe votera en faveur de ces propositions. Nous avions d'ailleurs déposé des amendements similaires l'an dernier et abordé le sujet du devoir de vigilance des sous-traitants lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Je tiens à ajouter un point qui échappe à nos débats d'aujourd'hui : le contexte européen n'est plus du tout le même que l'année dernière. En 2024, nous avions encore l'espoir que la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité soit maintenue. Ce texte avait été particulièrement soutenu par la France dès 2017, mais notre pays a fini par y renoncer.

Cette directive visait à imposer des règles aux grandes entreprises donneuses d'ordre. Celles-ci devaient vérifier que les consignes de production qu'elles donnent, y compris à leurs sous-traitants, respectent les droits humains – interdiction du travail des enfants et protection des salariés afin éviter les accidents mortels, notamment. Je rappelle qu'au Bangladesh, 1 100 ouvriers sont morts alors qu'ils travaillaient dans les industries de la fast fashion !

Ce devoir de vigilance visait aussi à protéger l'environnement : les entreprises devaient s'assurer que leurs sous-traitants, en plus de ne pas exploiter des gens, ne polluent pas.

Malheureusement, le 13 novembre dernier, en raison d'un accord entre des partis de droite et l'extrême droite, le devoir de vigilance a été rayé de la carte.

Madame la ministre, même si nous pouvons avancer sur le sujet à l'échelle nationale – nous en reparlerons sans doute –, nous avons tout de même fait un énorme pas en arrière. Le Gouvernement français a accepté par l'intermédiaire de son commissaire européen cette importante régression, extrêmement néfaste. Aujourd'hui, nous imposerons peut-être un devoir de vigilance un peu plus soutenu en France alors que, à l'échelle européenne, notre pays a totalement abdiqué. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Nous avons longuement abordé la question de la sous-traitance lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Le sujet mérite en soi d'être traité au fond.

En effet, la sous-traitance peut comporter jusqu'à trois rangs : le maître d'ouvrage passe un marché avec un donneur d'ordre, qui lui-même en passe un avec un premier sous-traitant, lequel, n'étant pas en mesure de faire le travail, signe un contrat avec un deuxième sous-traitant, qui lui-même sous-traitera. Il en résulte que les marges réalisées sur un chantier par une entreprise sont partagées. Le troisième sous-traitant se retrouve dans une situation où il doit, pour gagner un minimum d'argent, se livrer à des formes d'exploitation de son personnel – conditions de travail dégradées, non-déclarations.

La responsabilité du donneur d'ordre est importante, cela a été souligné. Sans doute pourrions-nous imposer des cotisations sociales supplémentaires, mais, sur le fond, la question même de la sous-traitance se pose : interrogeons-nous sur les conditions de travail des salariés de deuxième ou de troisième rang !

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, le taux de cotisation des entreprises dépend de la sinistralité, puisque la branche AT-MP fonctionne comme un système assurantiel. Là est justement la difficulté, d'où nos amendements. En effet, que font en fin de compte les donneurs d'ordre ? Ils externalisent le risque AT-MP.

Mme Raymonde Poncet Monge. Non seulement ils exercent une pression sur les coûts, mais, de cette manière – il faut le voir ! –, ils multiplient les allégements généraux. Chacun en bénéficie selon un taux multiplicateur ; nous en avons parlé hier.

J'y insiste, il est évident que, au-delà de chercher à réduire les coûts – je l'ai constaté dans le secteur de la chimie –, les donneurs d'ordre externalisent les risques AT-MP.

Dès lors, il faut que nous tenions davantage compte de la sinistralité. Nous précisons bien dans l'amendement que cela se fera « par décret ». Madame la ministre, je connais la sagesse du Gouvernement...

De fait, nous proposons que, à partir d'un certain taux de sur-sinistralité chez les sous-traitants, le donneur d'ordre ne réponde pas uniquement des accidents du travail survenus dans sa propre entreprise, mais aussi de la surexposition qu'il impose aux entreprises sous-traitantes pour des raisons de coûts. Telle est notre logique.

Il est temps d'agir si nous voulons mettre un terme à cette situation. La France est le pays d'Europe avec le plus grand nombre d'accidents du travail.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Arrêtez, ce n'est pas vrai.

Mme Raymonde Poncet Monge. C'est une honte, d'autant que la tendance est mauvaise. On me dit que les modes de calcul divergent. Certes, nous pouvons débattre de la méthodologie, mais, à méthode équivalente, il n'en demeure pas moins que le nombre de morts au travail augmente chaque année...

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Il faut être prudent avec les comparaisons européennes (Mme Anne-Sophie Romagny acquiesce.), car les éléments pris en compte pour le calcul du nombre d'accidents du travail ne sont pas les mêmes. Par exemple, les malaises ne sont pas comptabilisés dans certains pays alors qu'ils le sont en France.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je comprends l'enjeu. Il me semble nécessaire d'avancer sur ce point grâce au travail en cours avec les partenaires sociaux.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 924 et 1167.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 1165, présenté par Mmes Silvani, Brulin, Apourceau-Poly et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 3 du chapitre 2 du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 242-10-… ainsi rédigé :

« Art. L. 242-10-…. – Les entreprises d'au moins vingt salariés, dont le nombre de salariés à temps partiel de moins de vingt-quatre heures est égal ou supérieur à 20 % du nombre total de salariés de l'entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l'ensemble de leurs salariés à temps partiel de moins de vingt-quatre heures. »

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Depuis le 10 novembre à 11 heures 31, les femmes en France travaillent gratuitement ; nous le répétons chaque année, et nous prévoyons de le refaire en 2026… C'est le résultat d'inégalités salariales structurelles, aggravées par le recours massif à des temps partiels trop courts.

Cet amendement – nous en avons déjà présenté un similaire l'an dernier – vise à mettre fin à cette injustice. Nous proposons que les entreprises où plus de 20 % des salariés ont un contrat de travail à temps partiel très court paient 10 % de cotisations supplémentaires. Il s'agit d'une mesure juste, nécessaire et légitime destinée à inciter les employeurs à créer des emplois dignes, à temps plein, accompagnés de droits et de perspectives de carrière, ainsi qu'à les engager à assumer leur part de responsabilité dans le financement de la sécurité sociale.

Cet amendement est un outil concret. Il tend à punir les abus, non le temps partiel choisi, et à protéger les salariés, non les profits.

On nous rétorquera qu'il est périlleux de pénaliser les entreprises, au motif qu'elles risquent de ne plus créer d'emplois ou de fermer leurs portes. Je réponds donc par avance : il s'agit non pas de mettre toutes les entreprises sur le même plan, mais de cibler celles qui réalisent des profits sur le dos des femmes les plus précaires en abusant de contrats à temps partiel trop court. J'espère avoir été suffisamment précise...

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 1138 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

L'amendement n° 1318 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 1 642 est présenté par Mmes Lubin et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article L. 731-42 du code rural et de la pêche maritime est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« ... ° Une cotisation à la charge de chaque chef d'exploitation ou d'entreprise, calculée sur la part de l'assiette déterminée en application des articles L. 731-15, L. 731-16 et L. 731-22 qui excède deux fois le plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.

« Le taux de cette cotisation est égal à la somme des taux fixés en application des cinquième et sixième alinéas du même article L. 241-3. »

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa de l'article L. 241-3, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« La couverture des charges de l'assurance vieillesse et de l'assurance veuvage est également assurée par des cotisations à la charge des employeurs et des salariés et assises sur la part des revenus d'activité tels qu'ils sont pris en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations définie au même article L. 242-1 perçus par les travailleurs salariés ou assimilés qui excède deux fois le plafond mentionné au premier alinéa du présent article. Le taux de ces cotisations est fixé :

« – à 2 % pour les salariés ;

« – à 3,8 % pour les employeurs. » ;

2° L'article L. 633-1 est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase du premier alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les travailleurs indépendants mentionnés au premier alinéa sont également redevables de cotisations d'assurance vieillesse assises sur la part du revenu d'activité qui excède deux fois le plafond mentionné au premier alinéa dudit article L. 241-3. Le taux de ces cotisations est égal à la somme des taux fixés en application des cinquième et sixième alinéas du même article L. 241-3. »

III. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, une conférence sociale et de financement des retraites associant les organisations syndicales représentatives, les organisations professionnelles d'employeurs représentatives, l'État et les organismes gestionnaires des régimes de retraite obligatoires de base et complémentaire est réunie. Cette conférence est chargée :

1° D'identifier des conditions de financement permettant d'assurer l'équilibre financier durable du système de retraites par répartition tout en garantissant un âge d'ouverture du droit à une pension de retraite à soixante-deux ans ;

2° De négocier les modalités de prise en compte de la situation des assurés justifiant d'une carrière longue et de ceux n'ayant pas accompli la durée d'assurance minimale requise pour le bénéfice d'une pension au taux plein ;

3° De proposer des évolutions des dispositifs de compensation dont bénéficient les assurés exposés à des facteurs de risques professionnels et de pénibilité au travail.

La composition de la conférence nationale est déterminée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Ses membres exercent leurs fonctions à titre gratuit. 

Elle se réunit au moins une fois par an sur convocation des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l'amendement n° 1138.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement, les groupes parlementaires de gauche proposent d'augmenter le taux de cotisation des plus hauts revenus pour financer l'abrogation de la réforme scélérate des retraites de 2023.

Cette réforme s'est distinguée par sa brutalité inouïe, tant dans sa mise en œuvre que dans son projet. Jamais, en effet, une réforme des retraites n'était allée aussi loin dans les conditions imposées aux travailleurs : un relèvement de l'âge de départ de deux ans, de 62 à 64 ans, et, pour prétendre à une carrière complète, une durée de cotisation portée à quarante-trois annuités dès 2027, au lieu de 2035, obligeant chacun à travailler un trimestre de plus tous les ans.

De surcroît, la réforme s'est appliquée immédiatement, de sorte que la génération au seuil de la retraite, celle née en 1961, a vu, dès 2023, son âge de départ minimal reculer de trois mois.

Elle aura été également inouïe par la mobilisation historique qu'elle a provoquée. Pendant plus de six mois, les travailleurs, les retraités et la jeunesse, soutenus par les huit principaux syndicats de salariés constitués en intersyndicale, ont exprimé sans discontinuer leur stricte opposition à cette réforme de grande régression sociale.

Deux ans après sa promulgation, la réforme des retraites demeure le symbole d'une rupture profonde entre nos concitoyens et le pouvoir politique. Si les gouvernements qui se sont succédé depuis 2023 espéraient que le temps viendrait à bout de la contestation sociale et syndicale, force est de constater qu'ils se sont trompés. Cette réforme, passée en force, sans vote au Parlement, contre une majorité du peuple et un front syndical uni, est à l'origine de la crise sociale sans précédent que connaît notre pays.

Il est temps de revenir sur cette réforme brutale et injuste !