Mme Raymonde Poncet Monge. Le scandale Orpea a montré que de grands groupes privés ont joué sur les forfaits soins et hébergement pour détourner des fonds publics. L’État a ainsi réclamé 55 millions d’euros à Orpea – c’était un minimum –, des sommes qui ont manqué à la sécurité sociale et à la branche autonomie, dont la trajectoire est déficitaire.

Prévenir les dérives du secteur privé lucratif dépend du contrôle mis en œuvre contre les détournements, une condition indispensable si l’on veut recouvrer les sommes sur le résultat fiscal des Ehpad.

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour présenter l’amendement n° 1664.

M. Simon Uzenat. Cet amendement vise à créer une contribution assise sur le résultat fiscal des Ehpad privés à but lucratif, au profit des Ehpad publics.

Comme nos collègues l’ont rappelé, Victor Castanet, dans son livre, a fait la lumière sur les pratiques scandaleuses du groupe Orpea, lesquelles, malheureusement, sont observées encore aujourd’hui dans bien des structures privées. Je pense, notamment, au rationnement des couches et de la nourriture ou au fait de laisser des personnes âgées plusieurs heures sans soins d’hygiène, sans oublier l’absence de douche pendant des jours, voire des semaines, en pleine période estivale.

Pendant ce temps-là, les profits ont explosé : entre 2008 et 2018, les dividendes versés par Orpea ont été multipliés par vingt, passant de 4 millions d’euros à 80 millions d’euros.

Malheureusement, Orpea n’est pas le seul groupe concerné. Ainsi, sur le temps long, entre 1985 et 2015, le nombre global de places en Ehpad a augmenté de 85 %, bondissant de 560 % dans le seul secteur privé lucratif.

En outre, lorsque nous comparons ce dernier secteur au public, les ratios sont édifiants, puisqu’il comporte 23 % de personnel soignant en moins tout en imposant des coûts en hausse de 44 % pour les familles, ce qui est absolument insupportable pour nombre d’entre elles, à plus de 2 600 euros par mois en moyenne.

Nous proposons donc de surtaxer les Ehpad privés à but lucratif pour aider les Ehpad publics et lutter contre la financiarisation de services essentiels, dont nos aînés et leurs familles sont les premières victimes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Nous avons déjà eu ce débat. J’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Madame la rapporteure générale, madame la ministre, sur un sujet aussi important que celui de l’équité de l’offre de soins et d’accueil dans notre pays, vos réponses me semblent quelque peu rapides. Peut-être le véhicule législatif vous paraît-il inadéquat ?

Au problème des Ehpad publics, j’ajouterai celui des Ehpad gérés par le secteur associatif non lucratif, qui rencontrent aujourd’hui les mêmes difficultés, partout en France. Il faudrait donc imaginer un dispositif de solidarité entre ces structures, toutes financées, entre autres, par des deniers publics, y compris les Ehpad privés à but lucratif.

Il s’agit aussi d’alléger la charge financière qui pèse sur les départements, lesquels, au travers de l’aide sociale, sont contributeurs des Ehpad publics et associatifs.

Ce véhicule législatif ne vous plaît peut-être pas, mais la problématique est réelle ; je trouve donc quelque peu anormales les réponses trop rapides apportées à la proposition que nous défendons au nom du groupe socialiste.

Mme Pascale Gruny. On a déjà eu le débat !

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Peut-être avons-nous déjà débattu de ces questions, mais aujourd’hui, lorsque nos personnes âgées – nous en avons, toutes et tous, dans nos familles – connaissent une situation de dépendance, ce qui peut aussi arriver quand on est très jeune, il s’agit d’un drame, pour elles comme pour leur famille.

C’est le cas en particulier quand vous n’avez d’autre choix que d’accepter une place dans une structure privée à des prix prohibitifs, quand l’ensemble des enfants et des proches se saignent pour permettre l’accueil de cette personne devenue dépendante, sans autre solution pendant des mois, si ce n’est des années…

Le simple fait d’entendre les réponses laconiques de Mme la rapporteure générale et de Mme la ministre est choquant, non pas tant pour nous que pour ces personnes âgées et leurs familles.

Encore une fois, comme vous l’avez tous reconnu, mes chers collègues, il faut des ressources nouvelles. Nous proposons des pistes, dont les présents amendements font incontestablement partie.

Les acteurs privés ont leur place, mais à condition d’être respectueux des personnes âgées et de leur famille. En réalité, ils emmagasinent des profits sur la détresse de familles qui n’ont pas d’autre choix, faute de solutions publiques à des prix avantageux, ou sur la détresse de millions de concitoyens qui, aujourd’hui, redoutent de finir leur vie seuls, loin de chez eux, dans un lieu inadapté à leur situation de dépendance, faute de moyens.

Nous savons donc bien qu’il s’agit de sujets lourds, qui réclament des financements, et qu’il faudrait une loi Grand Âge, laquelle n’arrive toujours pas. Chaque fois que nous évoquons ce sujet, la décence commanderait au moins de prendre en compte des vécus absolument dramatiques.

Face aux très nombreux témoignages que nous recevons toutes les semaines, nous ne pouvons, bien évidemment, rester insensibles. Au contraire, il faut tout faire pour proposer des solutions. Cet amendement, travaillé avec notre collègue Jean-Luc Fichet, en fait partie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Je vais présenter un argument complémentaire en faveur de cet amendement. Nous proposons d’instaurer une contribution sur les bénéfices réalisés par des établissements privés à but lucratif, mon collègue ayant bien rappelé les besoins considérables auxquels nous devons satisfaire, ce que nous ne faisons pas encore, pour prendre correctement nos aînés en charge.

En effet, des établissements privés à but lucratif tirent une part importante de leurs revenus de financements publics, puisque des forfaits soins leur sont versés par les ARS, tandis que les départements apportent leur concours au titre de la dépendance. En somme, c’est l’argent de la solidarité nationale qui leur permet de fonctionner. Or nombre d’entre eux réalisent des bénéfices significatifs.

La question de la juste répartition de ces profits se pose donc tout à fait légitimement. Quand la puissance publique contribue aussi massivement à un modèle économique, il est tout à fait normal qu’une part des bénéfices revienne au financement du bien commun, en l’occurrence de la branche autonomie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Je suis frappée par une chose : quand il s’agit de taxer les malades au travers de franchises ou de ponctionner la retraite des personnes âgées, cet hémicycle est pour.

En revanche, quand il s’agit de faire payer, en fonction de leurs bénéfices, des grands groupes qui, non seulement ont maltraité les personnes âgées, mais encore, au travers de la financiarisation de la santé, pillent la sécurité sociale, soudainement, ce n’est pas possible ! Il n’y a même pas d’explication ; nous recevons juste un avis défavorable.

Il y a tout de même un problème de responsabilité politique. Je le demande de nouveau : où est la droite sociale ?

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Comme l’indiquait à l’instant notre collègue Kanner, le problème se pose partout en France. Toutefois, étant issu des Côtes-d’Armor, un département à dominante rurale, j’observe que l’essentiel de nos Ehpad, sur place, sont publics ou associatifs.

Pourquoi ? Parce que ce qui détermine la solvabilité de ces établissements, c’est le niveau des retraites. Or dans notre ruralité, la majorité des retraités sont issus de l’agriculture. Je puis vous assurer que les efforts du département, en limitant à 10 % l’augmentation du coût journalier , ont eu un effet terrible sur le reste à charge pour les familles.

Par conséquent, l’on ne peut ignorer les plus nécessiteux, qui sont aussi les plus nombreux. Je ne sais si la ressource que nous proposons suffira – ce n’est sûrement pas le cas – à résoudre l’ensemble du problème, mais nous faisons œuvre de solidarité, raison pour laquelle nous la voterons sans réserve.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je n’ai pas la réponse à la question de ma collègue Anne Souyris, qui voulait savoir où était passée la droite sociale. Je crains que nous ne la cherchions encore un certain temps…

Notre débat doit reposer sur un constat : depuis les années 1960 et 1970, le partage de la valeur entre le capital et le salariat a évolué constamment, par différents mécanismes, en faveur du capital. Nous le savons parfaitement. Or une grande partie des problèmes que nous évoquons en matière de déficit de la sécurité sociale tient au fait que celle-ci, avant tout, est adossée à la valeur créée par le salariat et par l’ensemble des travailleurs.

Premièrement, lorsque nous parlons des Ehpad et de l’investissement financier de groupes privés dans ces établissements, nous sommes au cœur de ce sujet. En effet, l’une des raisons de l’évolution du partage de la valeur réside aussi dans les très petits salaires qui se sont généralisés dans la prestation de services, bien plus que dans l’industrie. En d’autres termes, ces groupes réalisent d’autant plus de bénéfices qu’ils s’appuient un système de salaires particulièrement bas.

Deuxièmement, je ne dis pas que ces groupes font toujours un mauvais travail. En effet, s’ils accomplissent un bon travail, ils obtiennent des résultats et réalisent des bénéfices. Je ne confonds absolument pas cette situation avec les scandales précédemment mentionnés.

En revanche, si ces groupes réalisent des bénéfices, c’est aussi parce qu’il existe un système de sécurité sociale dont ils bénéficient pleinement, étant donné qu’ils s’adressent à des personnes en perte d’autonomie. En réalité, ils bénéficient donc deux fois d’un système qui a évolué en faveur du capital.

Par conséquent, taxer leur résultat est parfaitement approprié, surtout au moment où l’on demande un effort important à l’ensemble de la société, compte tenu de l’état des finances publiques. Cette proposition est donc particulièrement légitime.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Bien sûr que ce débat est légitime : personne n’oserait dire le contraire.

Je veux tout d’abord vous répondre, monsieur le président Kanner. C’est la troisième fois que nous abordons ce sujet. Néanmoins, vous n’étiez pas présent lorsque nous l’avons évoqué précédemment.

M. Patrick Kanner. C’est pour cela que je suis venu vous entendre maintenant !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chaque fois que nous examinons une contribution ou une taxe, il est proposé d’en réduire le produit ou de la supprimer.

Nous avons donc déjà eu ce débat, et nous l’aurons de nouveau à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances. Pour autant, je veux vous apporter quelques réponses.

La question que vous soulevez nous touche tous. Nous vivons dans le même monde : nous connaissons tous des personnes âgées, y compris dans nos propres familles – ce sont parfois nos propres parents ! –, auxquelles il faut trouver un établissement susceptible de les accueillir.

Le sujet n’est donc pas prégnant uniquement pour la gauche. Il se pose à tous, sans nuance, et suscite une grande émotion.

Les projets d’Ehpad à but lucratif sont moins nombreux, à cause des scandales qui ont éclaté. Et c’est tout à fait logique : ce qui a été décrit est tout simplement insupportable. Il est donc vrai que le secteur en a pris un coup…

Ces révélations, d’ailleurs, ont été plus ou moins bien vécues par le personnel. Pensons aussi à ces salariés, qui ne sont pas tous auteurs de maltraitance, et qui ne bénéficient pas tous des superprofits dégagés par ces groupes.

Mme Laurence Rossignol. Ils n’en voient pas la couleur !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous sommes bien d’accord.

Ce débat n’a donc rien de nouveau.

Environ 33 % de ces établissements sont en difficulté. La proportion est peut-être moins élevée dans le secteur public, mais la baisse du nombre de projets d’établissements est bien une réalité, liée à cette actualité.

Je souhaiterais que notre débat soit plus nuancé. Le musée du Luxembourg accueille actuellement une exposition d’œuvres de Pierre Soulages. Tout semble tellement noir, ici, que l’on se demande s’il est bon de rester dans ce pays ! J’en suis quelque peu heurtée. Finalement, pendant l’examen du PLFSS, l’exposition Soulages, c’est aussi dans cet hémicycle !

M. Dantec se demandait où est passée la droite sociale depuis les années 1970. Pour ma part, j’ai parfois l’impression d’entendre des discours tirés du XIXe siècle – les patrons contre les ouvriers ! (M. Ronan Dantec lève les bras au ciel.) Nous avons tout de même un peu évolué depuis Émile Zola et Victor Hugo ! (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n’est pas ce que nous disons !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je vous invite à réécouter nos débats, car c’est bien l’impression que l’on en retire. Faisons preuve d’un peu de nuance. (M. Vincent Capo-Canellas et Mme Nadia Sollogoub applaudissent.)

Nous aimons notre pays. Dans l’ensemble, nos concitoyens se comportent très bien. Mais il faut aussi que l’économie fonctionne pour que notre pays dégage des revenus et que chacun puisse s’épanouir.

Nous n’avons pas les mêmes orientations économiques ni politiques. Je comprends que vous soyez un peu frustrés que nous n’acceptions pas vos amendements, mais c’est le choix de la majorité.

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas nous qui sommes frustrés !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ce choix, vous avez aussi dû le faire à l’époque où vous étiez majoritaires, au Sénat comme à l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Mon intention était de faciliter l’avancée du débat : puisque nous avions déjà eu cette discussion, je n’ai pas cru nécessaire de développer l’avis du Gouvernement. Veuillez m’en excuser.

Les auteurs de ces amendements souhaitent instituer une contribution, en partant du postulat qu’un Ehpad lucratif risquerait de mal utiliser ses ressources.

J’ai rappelé les risques inhérents à la financiarisation. Nous nous sentons tous concernés par ce sujet. Des lois ont d’ailleurs été récemment votées pour la combattre.

Désormais, les Ehpad devront mettre en œuvre une comptabilité analytique, qui fera l’objet d’une attestation d’un commissaire aux comptes et qui retracera notamment l’utilisation des fonds publics.

En outre, l’intégralité du budget des Ehpad sera soumis au contrôle de l’inspection générale des affaires sociales, de l’inspection générale des finances et de la Cour des comptes. Si les excédents ne sont pas justifiés, il sera possible de réduire les dotations.

Enfin, nous avons augmenté le montant des sanctions applicables aux Ehpad, qui sont passées de 1 % à 5 % du chiffre d’affaires.

Ainsi, des mesures ont été prévues pour répondre au risque que soulèvent ces amendements, auxquels je suis donc défavorable.

Par ailleurs, il est ici question d’un secteur dont la rentabilité moyenne est de 4 % à 5,5 %. Les articles suivants du PLFSS nous donneront l’occasion de parler de secteurs dont la rentabilité atteint 25 % à 30 %. Il faudra là encore se montrer vigilants.

Mme Émilienne Poumirol. Nous le serons !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1158.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je ne peux m’empêcher de répondre aux arguments de Mme la rapporteure générale : sa réponse me semble située à des années-lumière de notre débat !

Revenons, si vous le souhaitez, au temps d’Émile Zola : la sécurité sociale n’existait pas, non plus que cet accord, rassemblant la droite jusqu’aux communistes, pour une mutualisation adossée à un salariat, auquel des droits avaient été garantis, de même que des revenus en augmentation. Revenons à Zola : mais alors, le débat n’est plus le même.

Madame la ministre, la réponse que vous nous avez apportée est très éloignée de nos propos. Permettez-moi de m’expliquer.

Dans un monde où le partage de la valeur entre salariat et capital n’est plus le même, quand on observe un résultat financier capitalistique, lié à un environnement où l’argent public joue un rôle clé au travers de la mutualisation de la sécurité sociale, et dans un contexte de tension financière, nous proposons d’établir une contribution sur ce revenu. Il ne s’agit en rien de rendre plus difficile l’exploitation des établissements !

Selon nous, une telle mesure correspond à la vision que partageait, autrefois, la droite sociale : il était normal qu’une partie des profits générés bénéficie à l’environnement dont ceux-ci provenaient. De cette manière, tout le monde était gagnant.

Or, à cette époque du gagnant-gagnant, vous proposez aujourd’hui d’opposer un système qui fait, d’un côté, des gagnants, et de l’autre des perdants : les gagnants sont les détenteurs du capital, et les perdants les salariés, notamment les plus modestes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous ne sommes plus au XIXe siècle, certes, mais il est un domaine dans lequel nous revenons en arrière. Pour une fois, je n’ai pas de chiffres à vous donner, mais dans son excellent livre Le capital au XXIe siècle, Thomas Piketty explique que nous revenons peu à peu aux inégalités patrimoniales du siècle précédent !

Je vous ai donné des chiffres plus tôt : Thomas Piketty montre bien la place que prend l’héritage patrimonial dans les revenus et les transmissions. Or cela n’est ni plus ni moins que le modèle d’une société de rente !

En refusant nos propositions, vous contribuez finalement à nous faire sortir de la société du XXe siècle, dans laquelle, dès lors que l’autofinancement était possible, on ne prélevait pas de dividendes pour investir. Aujourd’hui, il y a directement un arbitrage entre les dividendes et les investissements : si les résultats ne sont pas au rendez-vous, on puise dans les réserves des grands groupes !

Ainsi, si l’on s’en tient aux inégalités patrimoniales, nous revenons bien au siècle précédent.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. En défendant cet amendement, je veux aussi défendre Pierre Soulages. (Sourires.) Tout d’abord, je veux rappeler qu’il y a de la lumière dans l’œuvre de Soulages : il y en a même beaucoup !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Gérard Lahellec. Ensuite, il y a chez Soulages une volonté de dépassement, qu’il désignait sous l’expression d’« Outrenoir », ce qui n’éteint d’ailleurs pas la lumière… (Mme Cathy Apourceau-Poly sourit.)

Mes chers collègues, la différence entre Soulages et nous, c’est que lui est parvenu à opérer ce dépassement, et que nous n’y sommes pas encore tout à fait. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Monsieur Dantec, vous avez fait preuve de sagesse dans votre première intervention, mais un peu moins dans la seconde, en attaquant le gaullisme social. (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Ronan Dantec. Je ne l’attaquais pas !

M. Laurent Somon. Vous disiez que certains d’entre nous semblaient avoir perdu leurs valeurs : je vous rassure, il n’en est rien.

Tout d’abord, personne ne reviendra sur les conclusions de l’affaire Orpea, qui a été une révélation pour certains établissements. Mais de là à mettre tous les Ehpad dans le même sac, n’exagérons rien. Ce n’est pas l’arbre qui cache la forêt.

Pour autant, en tant que président de département, j’ai eu l’occasion de contrôler des établissements publics. Certains n’offrent pas non plus des conditions d’accueil mirobolantes, pas nécessairement à cause du personnel, mais en raison, par exemple, de l’état du bâti.

Je ne veux donc pas opposer le public au privé, comme vous le faites régulièrement. Il me semble au contraire que, de même que pour l’école, les établissements publics et privés sont complémentaires.

Mme Laurence Rossignol. Non, non, non !

M. Laurent Somon. Ce que vous n’avez pas dit, en revanche, c’est que le contrôle de ces établissements, y compris publics, est insuffisant. Nous avons été les premiers à en subir les conséquences.

En effet, la double tutelle des départements et de l’ARS limite l’efficacité de l’action en matière de contrôle et d’amélioration des conditions de ces établissements.

Or ce qui est essentiel – et vous l’avez tous dit –, c’est bien la qualité de la prise en charge et l’accessibilité financière. Nous devons avant tout nous demander comment répondre aux besoins de la personne accueillie. C’est en tout cas la question qui prévalait lorsque je menais mes politiques au niveau départemental. Il ne s’agit pas de savoir qui fait quoi, mais comment rendre le meilleur service possible, tout en contrôlant, parfois, l’utilisation des aides publiques au regard de la qualité de service.

Évitons d’opposer systématiquement une droite purement libérale à une gauche strictement tournée vers le secteur public. Une complémentarité est nécessaire.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tout à fait.

M. Laurent Somon. C’est vrai pour les services de santé. Mme la ministre l’a dit : le risque contre lequel nous devons tous nous battre, c’est la financiarisation.

En outre, je vous rappelle qu’il y a aussi une inégalité en matière d’impôts. Comme l’a souligné M. Dantec,…

Mme la présidente. Cher collègue, il faut conclure.

M. Laurent Somon. … les bénéfices sont imposés au titre de l’impôt sur les sociétés.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. M. Somon a déjà dit le fond de ma pensée. Il y a tout de même un raccourci à faire du privé le diable tout droit sorti des ténèbres, et du public la perfection auréolée de lumière ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Ronan Dantec. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Olivier Henno. Cela me paraît un peu simpliste et rapide.

Sur le terrain, il nous arrive à tous de visiter des maisons de retraite remarquablement gérées.

La situation est plus complexe que vous ne la décrivez, car il faut distinguer le privé lucratif du privé non lucratif. De même, parfois, dans le public, des établissements peinent à recruter du personnel, et l’accueil n’est pas toujours exemplaire. C’est la réalité ! Ne jugeons donc pas les établissements en fonction de leur statut – public ou privé –, mais selon la valeur qu’ils apportent aux personnes accueillies.

Vous vous demandez où est passée la droite sociale. Depuis le début de ces débats, pour ma part, il me semble qu’il y a un grand disparu : c’est la gauche de gouvernement ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Jean-Baptiste Lemoyne sourit. – Mme Pascale Gruny et M. Bernard Pillefer applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Je veux réagir aux propos sur la complémentarité entre le public et le privé, car j’avais pris soin de rappeler que nous n’avions pas d’hostilité radicale à l’égard du secteur privé.

Le premier postulat, lorsque l’on parle de complémentarité, notamment pour l’école, c’est la liberté de choix du citoyen. Or, aujourd’hui, quelle liberté ont nos concitoyens dans le choix d’une solution d’hébergement pour leurs proches âgés, qu’elle soit publique ou privée, à but ou non lucratif ? Strictement aucune !

Ces citoyens et leurs familles sont captifs. Et ils subissent, de surcroît, des prix devenus inaccessibles : dans le privé, le coût moyen mensuel atteint 2 600 euros par mois, contre moins de 2 000 euros dans le public. Aujourd’hui, quelle famille peut se permettre de telles dépenses ?

Dans le même temps, le taux d’encadrement dans les établissements privés est inférieur de près de 23 % à celui des Ehpad publics. Les difficultés de recrutement y sont aussi plus importantes, parce que les conditions de travail y sont plus dégradées.

Je le dis donc à nos collègues de la droite sénatoriale : il ne s’agit pas d’opposer le public au privé. Cependant, dans le public, les difficultés sont principalement liées à un problème de recettes, tandis que dans le privé à but lucratif, le problème provient de la ventilation des dépenses.

En l’espèce, considérons-nous que la priorité est de donner aux Ehpad des moyens pour nourrir et prendre soin de nos aînés, ou d’augmenter les dividendes des actionnaires ? Ce sont bien là les arbitrages. J’espère donc que, sur ce point, nous saurons tomber d’accord !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. La question que j’ai posée sur la droite a eu un certain succès. Mais ce n’était pas un gros mot : en réalité, j’attendais précisément la réaction inverse, à savoir un sursaut de la fibre de la droite sociale, dont je sais qu’elle existe encore dans cet hémicycle. Seulement, je ne l’entends pas s’exprimer.

Vous nous demandez où est la gauche de gouvernement. J’ignore ce que vous entendez par là. L’expression « de gouvernement » m’évoque celle de « responsabilité ». Pourtant, dans un contexte où la sécurité sociale se porte très mal, quand nous proposons de prélever les bénéfices de grands groupes, au travers d’une taxe exceptionnelle, qui plus est, vous criez haro sur une telle taxe – au prétexte que celle-ci mettrait à mal les grands groupes, les traînerait dans la boue et nous renverrait à l’époque de Zola… Qui, parmi nous, est caricatural ?

Parmi ceux qui défendent ces taxes, de ce côté-ci de l’hémicycle, personne n’a exprimé de tels arguments. En revanche, vous ne vous en privez pas !

M. Laurent Somon. Nous n’avons pas dit cela !

Mme Anne Souyris. Nous voulons faire preuve de responsabilité. Il n’est pas question de diaboliser qui que ce soit. Prenons nos responsabilités, ensemble. C’est le sens de cette taxe.