Pour ce qui vous concerne, vous n'avez de cesse de nous proposer des mesures qui pèsent sur les patients.
Les patients ne tombent pas malades exprès ! Ils ne vont pas chez le médecin par plaisir. Vous avez dit, en commission, que quelque 16 000 de nos concitoyens consultaient plus de 25 médecins. Madame la ministre, vous vous doutez bien que ces personnes souffrent probablement d'un problème que l'on pourrait qualifier de psychiatrique !
Ne pénalisons pas 70 millions de Français parce que 16 000 d'entre eux abusent.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
Mme Émilienne Poumirol. Votre raisonnement me semble extraordinaire.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je veux rappeler l'existence de plafonds journaliers – certes, pas sur les boîtes de médicaments, mais sur les actes et sur les transports – qui diminuent le coût pour le patient.
Je veux également redire que certains de nos concitoyens considèrent qu'ils pourraient payer un peu plus sur leurs boîtes de médicaments.
Il ne me semble pas que nous puissions éluder ce sujet, notamment la question de savoir qui doit payer ou non. Un sous-amendement pourrait peut-être être déposé pour exempter les patients rencontrant des difficultés d'accès aux soins.
Quoi qu'il en soit, il serait intéressant que nous puissions avoir ce débat plutôt que le balayer du revers de la main.
Vous dites que les efforts ne pèsent que sur les patients.
Il est vrai que cela représenterait un effort de 42 euros par an en moyenne, pour ceux qui doivent payer et qui ne sont pas en ALD, et de 75 euros par an pour ceux qui sont en ALD.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je crois que tout a été dit sur l'hypocrisie, sur la « novlangue », comme on dit, qui consiste à appeler une mesure de déremboursement une mesure de responsabilité.
Pour ma part, je veux souligner que nous sommes d'accord pour agir sur les dépenses : nous ne chercherons pas seulement à amender les recettes ! Nous interviendrons aussi sur les dépenses.
Mais la bonne mesure, en matière de dépenses, c'est celle qui travaille sur l'efficience. L'idée, c'est de dépenser 80 là où l'on en dépensait 100 précédemment. Par exemple, si l'on prend des mesures contre la financiarisation de la santé, on fait baisser les dépenses.
En l'occurrence, vous ne faites pas baisser les dépenses : vous transférez la dépense sur les malades.
Le problème est que, l'année suivante, l'Ondam aura mécaniquement augmenté de 3,8 %. Il faudra donc recommencer ! Cela ne suffit pas.
La preuve est que vous doublez l'effort que vous avez demandé il y a quelques années. Vous doublez les franchises, le plafond…
Et l'année prochaine ? Puisque vous ne savez que transférer, et non pas agir sur de bonnes mesures d'efficience de la dépense, vous demanderez encore un effort, et ainsi de suite.
Ce n'est pas du tout notre voie : pour les écologistes, il faut vraiment baisser les dépenses de façon efficiente. Voilà de bonnes mesures de dépenses !
Pour votre part, tout ce que vous savez faire, c'est soit transférer aux complémentaires santé – mais une mesure à 1 milliard d'euros est un fusil à un seul coup, que vous ne pourrez réutiliser l'année prochaine –, soit augmenter les franchises. Ce n'est pas de la bonne politique de santé.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. De nombreux points ont été abordés.
Nous savons très bien que le taux de couverture, que cela passe par l'instauration de franchises ou par la modification du pourcentage de remboursement, influe sur les comportements. J'en veux pour preuve la suspension de séance que nous venons d'avoir sur le taux de couverture des cures thermales.
Je m'attends désormais à ce que le Sénat, dans une même unanimité, refuse de limiter davantage la couverture de produits aussi essentiels que les médicaments…
Effectivement, comme ma collègue Raymonde Poncet vient de le dire, vous faites porter la charge sur les malades, quels que soient leurs revenus. C'est profondément injuste. Il n'y a plus d'idée de sécurité sociale et de répartition si l'effort est ramené à la boîte.
Surtout, je voudrais vous poser une question. Je voudrais comprendre, car certains points m'échappent.
N'étant pas membre de la commission des affaires sociales, je suis avec intérêt tous vos débats techniques. Mais, sur le plan politique, j'avais cru comprendre que vous cherchiez un accord avec le Parlement ! Un débat assez important a eu lieu à l'Assemblée nationale. Que le Sénat lui-même, en tant qu'assemblée responsable, dépose des amendements pour marquer son désaccord relève du jeu parlementaire normal. Or c'est vous-même qui revenez sur les arbitrages de l'Assemblée nationale ! Au moment où il nous semblait que l'on souhaitait parvenir à un accord au terme du processus, vous envoyez des signaux qui nous amènent à nous demander où vous voulez en venir.
Pourriez-vous donc nous éclairer sur votre stratégie pour parvenir à un accord au bout du bout, au-delà du jeu parlementaire normal qui se déroule dans les deux chambres ? J'avoue que je suis un peu perdu.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Les personnes qui bénéficient de la complémentaire santé solidaire (C2S) ne paient pas les franchises. Donc, non, l'effort ne sera pas supporté « quels que soient les revenus » !
Je répète ce que nous avons dit, mes collègues Amélie de Montchalin et Jean-Pierre Farandou et moi-même, au début de nos débats.
C'est vraiment par souci de transparence que j'ai déposé cet amendement, afin que nous puissions avoir ce débat, dont je considère qu'il doit être mené non pas uniquement avec l'Assemblée nationale, mais aussi avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Les mesures relatives aux franchises sont prises par décret. Le décret est prêt, mais je ne l'ai pas signé. Je dis depuis le début, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, qu'il ne sera pas signé pendant nos débats.
Nous verrons ce qui sortira de ces derniers et, en fonction du déficit notamment, si ce décret doit être signé.
Toutefois, il me semble qu'il est de mon devoir, en tant que membre d'un gouvernement qui a dit vouloir accompagner les débats parlementaires, de faire en sorte que le Sénat puisse aussi s'exprimer sur ces sujets. Cela me paraît logique.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Ce forfait de responsabilité, qui n'est autre – ma collègue l'a dit – qu'un déremboursement, est une mesure de rationalisation financière. Nous sommes d'accord sur ce point, et mon collègue Simon Uzenat l'a bien exprimé. On est sur du chiffre !
Vous l'avez dit, madame la ministre, cet article a fait débat à l'Assemblée nationale.
Le Conseil économique, social et environnemental, qui conseille le Gouvernement, formule des avis, représente les organisations de la société civile, a lui-même émis un avis dans lequel il dit s'inquiéter de cette disposition, qui risque d'accentuer le non-recours aux soins.
La consécration des droits ne suffit pas ; c'est leur application effective qu'il faut assurer.
Or, même si certains assurés sont exonérés et que vous indiquez que l'on peut éventuellement encore y travailler, la présente mesure comporte, comme l'indique l'étude d'impact, un risque d'accentuation de ce phénomène de non-recours.
C'est donc un report de charge que nous allons constater à terme.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous ne serez évidemment pas étonnée, madame la ministre, que j'aille dans le sens de mes collègues qui siègent sur les travées de gauche de cet hémicycle.
Cette mesure est profondément injuste.
Vous avez dit qu'il y avait eu des débats à l'Assemblée nationale ; vous voyez bien qu'il y en a ici aussi !
Je vous demande de ne pas prendre ce décret.
Je répète ce que plusieurs de mes collègues ont déjà dit : personne ne fait semblant d'être malade ! On ne choisit pas de l'être. Vous le savez, et personne ici ne dit le contraire.
Tout cela casse le système de solidarité et va conduire à des non-recours aux soins, notamment pour les personnes les plus pauvres et les plus précarisées de ce pays, y compris pour les travailleurs et travailleuses qui touchent de petits salaires et sont au Smic, qui vont voir les franchises médicales doubler.
En outre, le non-recours aux soins coûtera beaucoup plus cher à la sécurité sociale : il y a des gens, dans ce pays, qui n'ont même pas les moyens de donner 4 ou 5 euros par semaine pour des médicaments, parce qu'ils n'ont déjà pas assez d'argent pour se nourrir. Vous voyez ce que cela va donner !
Je vous demande donc d'y réfléchir et de ne pas prendre ce décret.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je veux faire trois brèves observations.
Premièrement, je veux remercier Mme la ministre pour ce débat, qui n'est qu'un débat d'orientation. Vous ferez ce que vous voudrez, mais, au moins, vous nous demandez notre avis, vous venez nous écouter, ce qui est très bien. Le fait de permettre au Parlement de débattre du sujet me paraît très positif. Je vous en remercie.
Deuxièmement, j'ai bien entendu qu'un certain nombre de personnes n'étaient pas concernées. Il était très important de l'entendre.
Troisièmement, j'ai entendu qu'il y avait plus de 16 000 personnes qui, visiblement, « surabusaient » des remboursements.
Je veux attirer votre attention sur le cas des chirurgiens-dentistes. Je ne connais personne qui aime aller chez le dentiste ! J'aime beaucoup mon chirurgien-dentiste, mais aller chez lui n'est jamais un plaisir… (Sourires.) J'ai un peu peur de ce que cette mesure pourrait donner, car, dans les campagnes, on voit déjà de plus en plus de gens qui souffrent de problèmes dentaires justement parce qu'ils ont cette « terreur ».
Dans ces conditions, l'ajout de franchises me paraît un danger supplémentaire pour la prévention dentaire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1862.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1327 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 demeure supprimé.
Après l'article 18
M. le président. L'amendement n° 1863, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les deux premières phrases du dernier alinéa du II sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles la participation forfaitaire peut être acquittée par l'assuré auprès du professionnel de santé, qui la reverse à l'assurance maladie, ou récupérée par l'organisme d'assurance maladie sur les prestations de toute nature à venir ou directement auprès de l'assuré. » ;
2° Le III est ainsi modifié :
a) La première phrase du huitième alinéa est ainsi rédigée : « Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de mise en œuvre du présent III, notamment les conditions dans lesquelles la franchise peut être acquittée par l'assuré auprès du professionnel de santé, qui la reverse à l'assurance maladie, ou récupérée par l'organisme d'assurance maladie sur les prestations de toute nature à venir ou directement auprès de l'assuré. » ;
b) Le dernier alinéa est supprimé.
II. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2027.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Il s'agit de permettre aux assurés de payer les participations forfaitaires et les franchises directement auprès des professionnels de santé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je m'exprimerai à titre personnel, puisque l'amendement n'a pas été examiné en commission.
C'est le mode d'encaissement des franchises par les professionnels de santé, tel qu'il est proposé, qui a fait polémique. Tous les professionnels de santé y sont opposés.
Cela poserait aussi, techniquement – dans la « vraie vie », comme on dit –, quelques soucis pour ces professionnels.
À titre personnel, mon avis sera donc très défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Je le répète, nous sommes contre le principe des forfaits et des franchises et contre toute extension de ceux-ci.
En l'occurrence, cet amendement va plus loin, puisqu'il prévoit que le patient peut s'acquitter de ce forfait ou de cette franchise auprès du professionnel de santé, qui reverse les sommes à l'assurance maladie.
Non seulement cette mesure créerait des complexités administratives monstres, alors que, cette semaine encore, le Premier ministre appelait à simplifier – c'est à se demander si la simplification ne concerne que le droit de l'environnement… –, mais elle changerait aussi profondément la relation entre le patient et le soignant. La mission des soignants est de soigner, non de responsabiliser les assurés aux dépenses de l'assurance maladie.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je rejoins Mme la rapporteure. Madame la ministre, franchement, on marche sur la tête ! Je ne peux pas vous le dire autrement.
Depuis des années, l'assurance maladie a fait évoluer les logiciels Vitale. La connexion avec les mutuelles est réalisée. Le flux unique existe désormais, même si cela a pris beaucoup de temps.
Aujourd'hui, en pratique – j'imagine que vous le faites vous aussi –, le professionnel de santé insère la carte Vitale, et le patient qui a une mutuelle, une complémentaire, ne paie rien.
Vous proposez d'introduire le paiement d'une somme de quelques euros, soit par carte bancaire – ce qui réjouira les banques, dont je rappelle qu'elles prélèvent un pourcentage sur les paiements par carte bancaire –, soit en espèces.
Il faut comprendre la levée de boucliers qu'une telle mesure suscite chez l'ensemble des professions de santé ! À raison de 4 euros par patient, ils vont se retrouver avec un sac de pièces à la fin de la journée, qu'ils devront apporter à la caisse d'assurance maladie. (Sourires sur les travées SER et CRCE.) À moins qu'ils ne puissent faire des virements journaliers ou hebdomadaires, ce qui les obligera à faire des comptes…
Franchement, même quand on a une idée aussi géniale que celle-là, tant que la tuyauterie n'est pas prête, on ne saurait en faire une mesure…
Je vois la question que vous essayez de soulever au travers de cet amendement. Si je suis ce que je crois être votre raisonnement, il faudrait que les gens comprennent ce que coûte la santé. C'est une vraie question, alors qu'il n'y a plus de prix sur les boîtes de médicaments, par exemple. Mais on ne peut pas résoudre le problème de cette façon !
Je ne comprends donc pas que vous vous entêtiez à vouloir faire encaisser des sommes de quelques euros par les professionnels de santé.
Mme Pascale Gruny. Bien sûr !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1863.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1251, présenté par Mmes M. Vogel, Ollivier, Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 160-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil économique, social et environnemental et de l'Assemblée des Français de l'étranger ou, dans l'intervalle de ses sessions, de son bureau, précise les conditions dans lesquelles les anciens assurés qui ont cessé de bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé au titre de l'article L. 160-1 puisqu'ils ont cessé de remplir les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 111-1 recouvrent le bénéfice de la prise en charge de leurs frais de santé à leur retour sur le territoire. »
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Si vous me le permettez, monsieur le président, pour gagner un peu de temps, je présenterai en même temps l'amendement n° 1284, qui concerne le même sujet.
M. le président. J'appelle en discussion l'amendement n° 1284, présenté par Mmes M. Vogel, Ollivier, Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Mellouli et Salmon et Mme Senée, et ainsi libellé :
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 160-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil économique, social et environnemental et de l'Assemblée des Français de l'étranger ou, dans l'intervalle de ses sessions, de son bureau, précise les conditions dans lesquelles les anciens assurés qui ont cessé de bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé au titre de l'article L. 160-1 puisqu'ils ont cessé de remplir les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 111-1 recouvrent le bénéfice de la prise en charge de leurs frais de santé dans les meilleurs délais après leur retour sur le territoire. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Mélanie Vogel. Ces deux amendements ont pour objet d'assurer la continuité des droits sociaux pour les Français établis à l'étranger qui rentrent en France et qui, avant leur départ, étaient assurés à la sécurité sociale française.
Il existe aujourd'hui un délai de carence de trois mois après le retour en France pour recouvrer ses droits. Trois mois, c'est très long ! C'est bien au-delà du délai raisonnable que l'on peut considérer comme utile pour éviter les frais médicaux engagés lors de vacances ou de tourisme.
Cela crée des situations très compliquées pour certaines personnes, qui, ayant déjà trouvé un emploi mais ne l'exerçant pas immédiatement à leur retour, n'ont aucune couverture maladie en France du fait d'un vide juridique total.
Comme il n'est pas possible de supprimer ce délai par la loi, nous proposons qu'un décret puisse être pris en Conseil d'État pour préciser les modalités selon lesquelles les Français de l'étranger qui rentrent en France et qui étaient assurés en France avant de partir puissent recouvrer leurs droits.
Le premier amendement vise à ce qu'ils puissent les recouvrer dès leur retour en France. Je veux vous rassurer, mes chers collègues : comme il s'agit d'un décret pris en Conseil d'État, cela laisse la possibilité de clarifier de quelles personnes nous parlons – il s'agit bien des personnes qui rentrent pour s'établir en France de manière stable, non de celles qui rentrent pour Noël.
Le second amendement vise à une plus grande souplesse, puisqu'il tend à donner une plus grande marge de manœuvre au décret, en indiquant que les droits sont recouvrés dans les meilleurs délais après le retour en France.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je vous livre ici l'avis de la commission.
Ce sujet a déjà été abordé lors de l'examen de précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il semble souhaitable d'adapter certaines dispositions au cas particulier des Français qui reviennent de l'étranger et ne peuvent justifier d'une condition de résidence stable et régulière ni d'un emploi sur le territoire national. Il s'agit d'éviter qu'ils ne soient lésés individuellement.
En conséquence, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 1284, dont le dispositif a déjà été adopté par le Sénat lors de l'examen de deux précédents PLFSS.
Elle demande, en revanche, le retrait de l'amendement n° 1251, qui serait globalement satisfait par l'adoption du premier, mais dont la rédaction est moins satisfaisante.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Ces amendements me paraissent satisfaits, raison pour laquelle je sollicite leur retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Toutefois, je comprends, d'après vos propos, qu'il puisse rester des trous dans la raquette pour certaines personnes, et je suis tout à fait disposée à ce que nous avancions sur ce point. Comme il s'agit d'une mesure réglementaire, nous pourrons la corriger.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il s'agit d'un sujet essentiel pour nos compatriotes établis hors de France, pour lesquels ce délai de carence de trois mois peut être pénalisant.
Il est important d'avoir une accroche législative.
Nous avons été amenés à mettre en place ce que propose Mme Mélanie Vogel – et que j'appelle de mes vœux – dans des circonstances exceptionnelles, en l'occurrence pendant la pandémie de covid-19.
J'étais moi-même ministre à ce moment, et le gouvernement auquel j'appartenais avait proposé, au mois de mars 2020, dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, un amendement suspendant le délai de carence de trois mois. Cette mesure a par la suite été reportée jusqu'à la fin de 2021. Le Sénat avait d'ailleurs voté, le 26 mai 2020, la prolongation de la suspension de ce délai de carence de trois mois.
Forts de ce précédent, il serait utile que nous le pérennisions de nouveau.
Les Français de l'étranger forment un public qui peut être amené à revenir, alors que des crises éclatent partout dans le monde et que l'instabilité est de plus en plus forte. Lorsqu'il faut parfois recommencer sa vie à zéro, attendre trois mois pour pouvoir accéder à des soins, c'est très long !
C'est la raison pour laquelle je voterai ces amendements.
Je pense, madame la rapporteure, qu'il vaut mieux voter l'amendement n° 1251, qui tend à ce que la mesure s'applique « au retour sur le territoire », que le n° 1284, qui vise « les meilleurs délais ». Cette expression est vague. Il est préférable de partir du fait générateur qu'est le retour sur le territoire national.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je souhaite préciser les raisons pour lesquelles j'estime ces amendements satisfaits.
Plusieurs exceptions permettent déjà une affiliation immédiate au retour de l'étranger : la reprise d'une activité professionnelle, le rattachement familial ou le retour après un volontariat international.
D'autres dispositifs, comme les allocations chômage d'un État de l'Union européenne ou l'affiliation préalable à la Caisse des Français de l'étranger (CFE), assurent en outre une couverture transitoire.
Je le répète, je suis disposée à étudier les éventuels cas particuliers de non-couverture.
M. le président. Madame Vogel, l'amendement n° 1251 est-il maintenu ?
Mme Mélanie Vogel. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Comme le remarquait Jean-Baptiste Lemoyne, cet amendement est plus clair et plus efficace : sa rédaction lève toute ambiguïté en précisant que la couverture serait assurée dès le retour en France.
Vous avez raison, madame la ministre, il existe plusieurs exceptions, parmi lesquelles l'affiliation à la CFE – être dispensé du délai de carence fait d'ailleurs partie des avantages d'y être affilié – ou encore le fait de disposer d'un emploi dès le retour.
Nous sommes donc dans une situation où, dans certains cas, la couverture est possible et où dans d'autres elle n'est pas possible.
Bien souvent, les assurances contractées dans le pays de résidence ne sont pas valables en France. Vous pouvez donc avoir cotisé à la sécurité sociale pendant des années, parfois même des décennies, et vous retrouver sans aucune couverture lors de votre retour si, par exemple, vous n'occupez votre nouvel emploi qu'au bout d'un mois et demi.
Le nombre de personnes concernées et les délais à couvrir me paraissent tout à fait raisonnables compte tenu du besoin de santé publique très simple à satisfaire. De plus, le coût de la prise en charge serait tout à fait acceptable. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)
J'appuie par ailleurs les propos de mon collègue : en raison du contexte géopolitique, de nombreux Français vivant par exemple aux États-Unis – je le constate souvent lors de mes déplacements – se posent désormais la question du retour, qu'ils ne se posaient pas du tout il y a trois ans encore. Ils se demandent avec une certaine angoisse s'ils pourront se faire soigner en France.
Trois mois, c'est très long. En trois mois, bien des choses peuvent se passer. La mesure de solidarité nationale que nous proposons présente un intérêt majeur pour un coût modique. Il est donc raisonnable de voter l'amendement n° 1251.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, comme vous le reconnaissez d'ailleurs vous-même, la demande n'est qu'en partie satisfaite. La preuve en est qu'au moment du covid-19, il a fallu prendre des mesures d'urgence.
La question de la couverture sociale des Français installés à l'étranger qui rentrent en France est récurrente dans cet hémicycle. Elle est ici posée par Mélanie Vogel, mais d'autres collègues, comme Yan Chantrel ou Hélène Conway-Mouret, s'en font souvent l'écho.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Samantha Cazebonne également !
Mme Laurence Rossignol. Samantha Cazebonne, et d'autres collègues encore, siégeant de l'autre côté de cet hémicycle et qui seront peut-être cités.
Il est important d'agir aujourd'hui sur le plan législatif et le Gouvernement s'honorerait à émettre un avis favorable sur l'amendement de Mme Vogel.
Son adoption permettrait de rassurer les Français qui s'apprêtent à rentrer au pays et qui, dans les conditions actuelles, ne bénéficieraient d'aucune couverture sociale.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je souhaite expliciter la raison pour laquelle j'émets un avis favorable sur l'amendement n° 1284 tout en demandant le retrait de l'amendement n° 1251.
L'amendement n° 1251 dispose que les intéressés « recouvrent le bénéfice de la prise en charge de leurs frais de santé à leur retour sur le territoire ». Or cette disposition n'est pas opérationnelle : nous savons bien que le recouvrement de la prise en charge ne peut être immédiat.
L'amendement n° 1284 mentionne quant à lui un rétablissement des droits « dans les meilleurs délais », ce qui me semble plus réaliste.
Je confirme ce qui a été dit. La procédure est beaucoup plus simple pour nos compatriotes qui reviennent en France avec un travail que pour une famille avec deux enfants dont les parents sont sans emploi. J'ai notamment en tête la situation d'un couple et de leur enfant en bas âge en situation de handicap : ces personnes ont quelque peu peiné pour retrouver leurs droits.
Je maintiens donc mes avis : avis favorable sur l'amendement n° 1284 ; demande de retrait, sinon avis défavorable sur l'amendement n° 1251.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L'amendement n° 1251 de Mme Vogel me semble tout à fait pertinent : je suis également favorable au remboursement des soins dès l'arrivée sur le territoire français.
Je m'interroge néanmoins sur la situation des étudiants qui quittent leur domicile pour une année d'études à l'étranger, ce qui est un cas de figure de plus en plus fréquent. Comment cela se passe-t-il pour eux ? Sont-ils concernés par le délai de carence de trois mois ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1251.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1284.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.
L'amendement n° 778 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet, Romagny et Sollogoub et MM. Canévet et Bitz, est ainsi libellé :
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 160-8 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La protection sociale contre le risque et les conséquences de la maladie ne comporte pas la couverture des conséquences d'actes de chirurgie esthétique non réparatrice réalisés dans un pays non membre de l'Union européenne. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.