Mme Nathalie Goulet. Cet amendement, récurrent, s'appuie sur une proposition de la mission commune d'information sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique menée en 2012, qui abordait déjà à l'époque la question du tourisme en la matière.
Madame la ministre, vous proposez un « forfait de responsabilité ». Je vous propose pour ma part d'exclure de la solidarité nationale les conséquences d'un tourisme à vocation esthétique.
Vous appelez sans cesse à la responsabilité. Je ne vois pas à quel titre la solidarité nationale devrait s'exercer pour réparer les conséquences d'implants capillaires mal réalisés ou de rhinoplasties ratées à l'étranger.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission comprend bien sûr l'intention de l'auteure de cet amendement.
Compte tenu de la situation financière de la branche maladie, le Gouvernement réclame, il est vrai, des efforts accrus aux assurés pour participer à leurs frais de santé.
Dans ce contexte, il est légitime de se demander pourquoi les suites d'opérations de chirurgie esthétique ratées et parfaitement évitables, réalisées par des professionnels peu qualifiés dans certains pays situés en dehors de l'Union européenne, continuent à être prises en charge par la sécurité sociale.
Pour autant, le principe même de l'assurance maladie repose sur une prise en charge de tous les problèmes de santé, y compris ceux dont les assurés sont directement responsables.
Ainsi, il n'est pas question de refuser la prise en charge des soins des assurés qui se blessent en pratiquant un sport dangereux ou qui tombent malades du fait de certaines habitudes alimentaires.
De plus, les opérations de chirurgie esthétique ratées peuvent avoir des conséquences vitales et engendrer des frais que beaucoup ne seront pas en mesure d'assumer.
Ayons donc bien en tête les conséquences qu'aurait l'adoption d'un tel amendement. Pour lutter contre le phénomène, il nous semble préférable de renforcer la prévention, notamment en communiquant largement sur les risques liés à ces pratiques sur les réseaux sociaux.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je partage l'avis de Mme la rapporteure : je suis défavorable à cet amendement, à moins que son auteure ne le retire, ce qui serait préférable.
Dès lors qu'elle en a le droit, toute personne de nationalité française doit être soignée et, le cas échéant, remboursée. Fixer des limites en la matière soulèverait de nombreuses questions, que Mme la rapporteure a d'ailleurs partiellement abordées. Où placerait-on, par exemple, la responsabilité d'un malade par rapport à sa maladie ?
J'ai la conviction qu'il faut privilégier l'éducation à la santé et mieux informer les personnes qui envisagent de se faire opérer à l'étranger.
Par conséquent, je souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je comprends la préoccupation de notre collègue Nathalie Goulet, dont je reconnais bien là le sens de la rigueur en matière de dépenses publiques et sociales.
En réalité, cet amendement vise à sanctionner la bêtise, celle de ces personnes assez bêtes pour subir des soins esthétiques à l'étranger dans des conditions sanitaires non sécurisées, et qui reviennent en France avec les conséquences de ces opérations.
Puisqu'elles ont été assez bêtes pour agir ainsi, nous n'aurions pas à payer pour elles. L'idée est tentante, mais elle n'est pas juste. Elle est tentante, mais non conforme au principe selon lequel nous soignons tout le monde dans ce pays.
Commencer à ne pas soigner les conséquences de la bêtise pourrait nous mener très loin, bien plus loin que vous ne le souhaitez vous-même, ma chère collègue, et pas seulement pour les soins réalisés à l'étranger. N'entrebâillons pas cette porte ! (Mme Nadia Sollogoub acquiesce.)
Comme l'a dit Mme la ministre, il faut éduquer les gens, les informer, leur expliquer les risques. Les soins esthétiques ne sont d'ailleurs pas les seuls concernés : nombre de soins dentaires se pratiquent désormais dans des pays étrangers, en Europe ou ailleurs. Ils ne se déroulent pas toujours bien, si bien que des dentistes français sont ensuite sollicités pour rattraper ce qui peut l'être. Il n'est pas question non plus de dérembourser ces soins-là.
Je comprends donc l'idée, ma chère collègue, mais l'amendement que vous proposez ne me semble pas la bonne solution.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Je partage tout à fait l'avis de Mme Imbert : il n'est pas possible d'envisager de juger les personnes sur leurs comportements en matière de santé.
Une personne qui fume pourrait être considérée en partie responsable de son cancer. Allons-nous pour autant ne pas la soigner ?
Nous nous posons de telles questions depuis très longtemps et certains pays ont fait ce choix…
Mme Stéphanie Rist, ministre. Ils en sont revenus !
Mme Anne Souyris. Ce n'est pas le nôtre. J'espère que nous continuerons à soigner les gens sans jamais juger leur comportement.
En revanche, s'il y a des mesures à prendre, madame Goulet – vous en conviendrez sans doute –, ce sont des sanctions. Il faut sanctionner les personnes qui promeuvent ce type d'opérations sur les réseaux sociaux ou qui pratiquent illégalement la médecine esthétique. Il faut conclure des accords avec les pays concernés.
Parfois même, des actes illégaux de pseudo-médecine esthétique sont pratiqués en France ou en Europe. Ils occasionnent de véritables catastrophes sanitaires.
Comme cela a été dit, il faut renforcer la prévention et l'information, mais aussi sanctionner, ainsi que le demande l'ordre des médecins.
Cette option est bien plus efficace que de ne pas soigner les gens. Que ferions-nous en cas de complications ? Nous laisserions les gens mourir ? C'est tout de même un problème.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. De prime abord, l'idée de Mme Goulet pourrait paraître tentante. Je rappelle néanmoins qu'en tant que médecins, nous prêtons le serment d'Hippocrate.
Mme Pascale Gruny. Très bien !
Mme Émilienne Poumirol. Nous nous engageons donc à soigner tout le monde, quel que soit le statut du patient ou la cause de sa maladie.
Ma chère collègue, si nous approuvions votre raisonnement, nous créerions une jurisprudence pouvant conduire, comme le soulignait à l'instant notre collègue, à juger de la responsabilité de chaque patient.
Pourquoi rembourser les soins liés au cancer du poumon, puisqu'il est lié au tabagisme ? N'est-ce pas la faute du patient s'il a développé un cancer ? Nous pourrions multiplier les exemples à foison. N'entrons pas dans cette logique.
C'est toute la noblesse du métier de médecin que d'être lié par le serment d'Hippocrate et de soigner tout le monde. Gardons ce principe, même si, en effet, nous pourrions être tentés de ne pas subir les conséquences de certains actes qui, comme l'indiquait Laurence Rossignol, relèvent de la bêtise propre.
Il est préférable d'aller sur le terrain de l'explication et de la prévention en matière de tabagisme, d'alcoolisme ou de sédentarité.
Nous aborderons le volet de la prévention à l'article 19. En attendant, nous ne pouvons pas refuser de rembourser un patient, quel qu'il soit.
Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 778 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, je vais lever la séance. Nous avons examiné 150 amendements au cours de la journée ; il en reste précisément 619 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, dimanche 23 novembre 2025 :
À neuf heures trente, quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026).
La prochaine séance aura lieu demain, dimanche 23 novembre, à 9 heures 30, pour la suite de l'examen de ce projet de loi.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le dimanche 23 novembre 2025, à zéro heure trente.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
JEAN-CYRIL MASSERON