M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. J'ai besoin de plus d'explications, madame la ministre.

Si j'ai bien compris, ce qui est proposé par nos collègues Fouassin, Darnaud et Delahaye, c'est la neutralisation de la première tranche. Nous sommes bien d'accord ?…

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Oui !

M. Grégory Blanc. Les autres tranches ne sont donc pas neutralisées. Nous sommes toujours d'accord ?…

M. Arnaud Bazin. Absolument !

M. Grégory Blanc. L'amendement déposé par l'ensemble des groupes de gauche vise, lui, à neutraliser les trois premières tranches.

Vous nous dites que seuls 18 % des Français sont concernés par le gel, mais il faut bien expliquer de quoi nous sommes en train de parler. Les classes moyennes, celles dont le revenu les fait passer dans la deuxième tranche imposable, soit à partir de 29 000 euros annuels environ, seront, elles, bien touchées.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Marginalement !

M. Grégory Blanc. Oui, elles vont être touchées.

Je pose de nouveau les termes du débat : qui va payer ? Sommes-nous dans une logique de rééquilibrage fiscal, qui implique d'aller chercher de l'argent sur les plus hauts patrimoines, ou sommes-nous dans une logique qui consiste à faire payer les classes moyennes ? Sur ce point, nous sommes extrêmement clairs : faire payer les classes moyennes n'est pas concevable.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Je vais faire plaisir à M. Blanc, puisque je présente un amendement qui tend à favoriser les classes moyennes. En effet, lorsque l'on gagne entre 29 000 et 56 000 euros, je considère que l'on se situe dans les classes moyennes, voire dans les classes moyennes basses.

Je regrette que ni le rapporteur ni vous, madame la ministre, n'ayez pris le temps, ne serait-ce que trente secondes, pour évoquer cet amendement, car il me semble qu'il va dans le bon sens.

Je le répète, nous cherchons à favoriser et à encourager le travail. Or, le taux marginal appliqué sur les revenus du travail passe abruptement de 11 % à 30 %, ce qui est une progressivité assez brutale. Je propose un taux intermédiaire à 22 %, ce qui favorisera à la fois, j'y insiste, les classes moyennes et le travail. En contrepartie, bien sûr, pour équilibrer les comptes, je propose d'augmenter un peu la TVA.

Il me semble que cette proposition mérite au moins un débat dans notre hémicycle. C'est un sujet de fond et je regrette que nous ne nous y soyons pas arrêtés.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la ministre, j'entends votre raisonnement : l'indexation de la seule première tranche coûte déjà, si j'ose dire, 1 milliard d'euros par rapport à la proposition initiale de gel du barème.

Il y a cependant, à mon sens, un abus de langage à dire qu'ainsi l'on couvre 82 % des contribuables. On couvre intégralement les contribuables dont les revenus se situent dans la première tranche, la tranche non imposable. Les autres ne sont couverts que pour la part de leurs revenus située dans les limites de cette première tranche : c'est tout.

Ne faisons donc pas croire que 82 % des contribuables bénéficieront de l'indexation du barème.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Et pourtant…

M. Vincent Capo-Canellas. C'est pour cette raison que j'avais proposé une vision intermédiaire, qui consistait à faire un geste sur les deuxième et troisième tranches, sous la forme d'une indexation dégressive. J'entends toutefois votre raisonnement ainsi que l'avis du rapporteur général. Il faut peut-être s'arrêter à 1 milliard d'euros ; je vais donc retirer mon amendement.

Comme je l'avais fait lors de l'examen du PLFSS, je veux vous faire part d'une préoccupation que j'ai déjà exprimée hier lors de la discussion générale, au sujet de l'indexation des retraites : nous devons considérer les mesures que nous prenons de manière globale – abattement forfaitaire, CSG, etc. –, pour vérifier si nous ne sommes pas en train, tout en donnant un coup de pouce légitime aux plus démunis, de désespérer ceux qui sont juste au-dessus. Cette question mériterait que nous nous y attardions un peu plus. (M. Daniel Fargeot acquiesce.)

M. le président. L'amendement n° I-1192 est retiré.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je le répète, comme il n'y a que 1,17 % des ménages qui accèdent aux tranches à 41 % et à 45 %, si vous indexez la première tranche à 11 % et la deuxième tranche à 30 %, ce que vous proposez, vous couvrez 99 % de nos concitoyens.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Vous ne mettez donc à contribution, en gelant leur barème, que 1,17 % des ménages…

M. Grégory Blanc. C'est bien ça !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. La proposition à laquelle je souscris, celle des auteurs des amendements nos I-177 rectifié, I-238 rectifié ter et I-384 rectifié, est de mettre à contribution 18 % des ménages de notre pays, plutôt que 1,17 %. C'est ce que je propose moi aussi, et je tiens les chiffres à votre disposition. On ne se rend pas compte qu'il n'y a que 1,02 % des ménages dont le revenu est situé dans la tranche à 41 % et seulement 0,15 % qui sont concernés par la tranche à 45 %.

Si l'on considère l'ensemble des ménages de notre pays, l'indexation de la première tranche couvre déjà, je le redis, 82 % d'entre eux ; cette mesure traduit donc bien les principes que vous défendez tous.

Je veux maintenant répondre plus précisément à M. Delahaye. Votre proposition, monsieur le sénateur, suscite en moi beaucoup d'enthousiasme ! Il serait bon, à mon sens, que d'avoir un jour une tranche intermédiaire entre le taux de 11 % et le taux de 30%. En effet, la tranche à 30 % est très large ; elle rassemble 17 % des ménages et couvre des situations très différentes les unes des autres. C'est donc une bonne idée.

Néanmoins, même si, budgétairement parlant, votre proposition d'augmenter la TVA pour compenser l'effet fiscal d'une telle mesure fonctionne bien, je ne suis en revanche pas certaine – je le dis avec beaucoup de calme – qu'elle soit politiquement praticable. En effet, il me semble que nous n'avons pas préparé les esprits de notre pays à une hausse de la TVA en 2026. C'est pourquoi je suis défavorable à votre amendement n° I-640 rectifié.

Il me semble en revanche crucial, comme je l'ai déjà indiqué, de préparer une vraie réforme de simplification fiscale et sociale dans la perspective de l'élection présidentielle de 2027 ; à l'évidence, les propositions que vous faites pourront contribuer à cette réflexion.

Je me tiens en tout cas à votre disposition, messieurs les sénateurs du groupe écologiste, pour vous apporter les chiffres corroborant mes arguments.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Ce que vous nous expliquez, madame la ministre, c'est au fond que l'échelle des revenus dans notre pays est très déséquilibrée et que, partant, seul un petit pourcentage des ménages, en haut de la distribution, est soumis à la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu ; ajoutons que, à rebours de la logique de progressivité de l'impôt, ceux qui sont vraiment tout en haut de l'échelle ne contribuent même plus proportionnellement à leur revenu !

La semaine dernière, l'examen du PLFSS par le Sénat a entériné le coup de rabot décidé par le Gouvernement sur les prestations sociales, ce qui affecte en premier lieu les classes sociales qui sont déjà le plus en difficulté ; à présent, ce que vous nous proposez, c'est, de fait, une augmentation des impôts pour les classes moyennes. Vous expliquez ne pas vouloir augmenter les impôts, mais il faudra bien tout de même vous justifier, quand vous irez sur les plateaux de télévision, de cette augmentation qui frappe – de fait ! – les classes moyennes.

Mme Sophie Primas. À côté de vous, on a de la marge !

M. Yannick Jadot. Une telle augmentation, dans le contexte politique actuel, est extrêmement inflammable. Nous devrions tous être soucieux, dans ce moment politique, de ne pas taper sur les classes moyennes, qui s'interrogent depuis longtemps déjà sur le sort qui leur est réservé dans ce pays.

Mme Sophie Primas. Vous êtes gonflé !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je crains de ne pas avoir saisi ce qui justifie l'avis défavorable du Gouvernement sur l'amendement n° I-1657 de notre collègue Daniel Fargeot – je suis assez sensible, à titre personnel, à son argumentation.

Cet amendement vise à revaloriser automatiquement chaque année, en fonction de l'inflation, la valeur de la demi-part fiscale. Cette disposition, sans avoir un coût financier démesuré, garantirait aux familles qui paient l'impôt sur le revenu une certaine stabilité de la politique fiscale en leur faveur.

Nous savons tous que la plupart des prestations familiales servies par les caisses d'allocations familiales (CAF) le sont sous conditions de ressources ; nous connaissons également l'état de notre démographie, ainsi que la situation des jeunes actifs qui ont des enfants. Dès lors, introduire ce principe de stabilité dans notre droit fiscal me paraît assez raisonnable, d'autant que son coût cette année ne serait pas prohibitif.

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.

M. Alexandre Ouizille. Je veux saisir l'invitation au débat que nous adresse notre collègue Vincent Delahaye.

Plusieurs types de taxation sont possibles : on peut taxer la consommation, le travail, ou encore le capital. Pour notre part, nous estimons que ceux qui travaillent doivent voir augmenter leur revenu, leur salaire net. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons proposé de baisser la CSG pour certaines catégories de personnes.

Simplement, quand nous proposons de telles baisses, nous n'envisageons pas de les gager de la même manière que vous, mon cher collègue : vous proposez de le faire en taxant davantage la consommation ; nous proposons de viser plutôt les revenus du capital. En effet, à mes yeux comme à ceux de beaucoup de Français, gager ces baisses sur la consommation serait dangereux dans un moment où les prix, en particulier des biens de première nécessité, repartent à la hausse et où, en revanche, les revenus du capital explosent, et ce depuis des années.

Dès lors, si nous voulons augmenter le salaire net des Français, le plus naturel est de financer ces mesures par la taxation des revenus du capital et du patrimoine, qui connaissent une dynamique exceptionnelle depuis plusieurs années. Je vous invite à vous y résoudre, mes chers collègues ; alors, nous nous retrouverions !

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Ce moment du débat est extrêmement intéressant : il nous a permis d'apprendre, de la bouche de Mme la ministre, que la version initiale de son projet de budget prévoyait d'économiser 1 milliard d'euros sur le dos des ménages les plus populaires. (Mme la ministre le conteste.)

Ne dites pas le contraire, madame la ministre : c'est bien le sens de vos propos, c'est de cela que nous discutons : ce texte, tel qu'il nous est soumis par le Gouvernement et tel qu'il a été transmis au Sénat, impose une charge de 1 milliard d'euros supplémentaires aux contribuables de la première tranche, c'est-à-dire aux classes populaires.

Par ailleurs, chers collègues du groupe Les Républicains, il faudra que vous trouviez un compromis, non seulement avec le Gouvernement, mais avec vos collègues de l'Assemblée nationale. En effet, les députés Les Républicains étaient pour leur part favorables à l'indexation complète de toutes les tranches. Vous avez encore le temps, au moins jusqu'à la commission mixte paritaire, mais essayez au moins de trouver un compromis au sein de votre famille politique… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier. Nous sommes au Sénat !

M. Mathieu Darnaud. Si vous allez par là, on va parler de la suspension de la réforme des retraites !

M. le président. Merci de ne pas apostropher l'orateur !

M. Pascal Savoldelli. M. Darnaud a visiblement été contrarié par mes propos…

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur Savoldelli, nous sommes concernés vous et moi par le gel ou le dégel de la première tranche. Dans un système à barème progressif par tranche marginale comme le nôtre, pour le calcul de l'impôt, la direction générale des finances publiques (DGFiP) commence par répartir notre revenu dans chaque tranche : les sommes qui ne seront pas imposées, celles qui le seront à 11 %, puis à 30 %, à 41 %, à 45 %.

Dès lors, le dégel du point d'entrée dans la tranche imposée à 11 % touche y compris les contribuables des tranches supérieures.

Voilà pourquoi, a contrario, le rendement attendu de la désindexation du point d'entrée dans la première tranche imposable était de 1 milliard d'euros. L'ensemble des Français seront concernés par cette indexation, et 82 % d'entre eux ne subiront même aucune conséquence de la non-indexation des tranches suivantes. Les 200 000 ménages que la désindexation du seuil d'entrée dans le barème aurait rendus imposables auraient en moyenne dû s'acquitter de 20 euros d'impôt sur le revenu : le calcul est rapide, on voit bien que ce n'est pas ainsi que l'on aurait atteint un rendement de 1 milliard d'euros ! Si un tel rendement était attendu, c'est parce que tous les ménages imposables, et non les seuls ménages nouvellement imposables, auraient été affectés, du fait du système des taux marginaux ; un impôt progressif par tranches produit des effets qui se cumulent.

Et, symétriquement, nous tous ici, qui sommes imposés à des taux marginaux supérieurs à celui de la première tranche – rappelons que les taux marginaux à 41 % et à 45 % concernent seulement 1,17 % des ménages –, allons bénéficier, dans des proportions variables, du dégel de la première tranche, si vous adoptez les amendements identiques auxquels je suis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-640 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1259.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-2133.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-256 rectifié bis, I-1260, I-1391 et I-1502.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-177 rectifié, I-238 rectifié ter et I-384 rectifié.

(Les amendements nos I-177 rectifié, I-238 rectifié ter et I-384 rectifié, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

Je mets aux voix l'amendement n° I-605 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1657 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-2417 rectifié, présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Ros, Lurel, Bourgi, Omar Oili et Temal, Mmes Blatrix Contat, Matray et Narassiguin, M. Mérillou, Mme Bélim, MM. Uzenat, Stanzione, Ziane et Tissot et Mmes Brossel et Monier, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I de l'article 197, après la référence : « l'article 4 B », sont insérés les mots : « et les contribuables non domiciliés en France au sens du même article 4 B » ;

2° Le a de l'article 197 A est ainsi rédigé :

« a. Perçoivent des revenus de source française ; dans ce cas, le taux de l'impôt français applicable sur l'ensemble des revenus de source française ou étrangère des contribuables qui ont leur domicile fiscal dans un État membre de l'Union européenne ou dans un État avec lequel la France a signé une convention d'assistance administrative de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ou une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement d'impôt ; »

II. – Le I et le II s'appliquent pour les revenus perçus à compter du 1er janvier 2026.

III. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Mme Florence Blatrix Contat. Nous proposons, par cet amendement, une modernisation et une simplification de la fiscalité des non-résidents : les revenus de sources française et étrangère des non-résidents seraient automatiquement imposés au taux moyen, donc soumis au barème progressif de l'impôt sur les revenus de source française.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Demande de retrait !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-2417 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-1924, présenté par M. Cadic, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article 223 sexies du code général des impôts est abrogé.

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, la CEHR, n'a plus ni justification économique ni efficacité fiscale. Créée en 2012 comme mesure temporaire – j'insiste sur ce mot ! – elle s'est ajoutée à un système qui compte déjà parmi les plus progressifs d'Europe, sans en renforcer la cohérence.

La CEHR complexifie la fiscalité du revenu.

Elle constitue une couche supplémentaire d'imposition, en sus de l'impôt sur le revenu, du PFU et des prélèvements sociaux, contribuant à une pression fiscale déjà élevée et peu lisible. Surtout, la CEHR nuit à l'attractivité du territoire français. Elle pénalise les contribuables mobiles, notamment les cadres dirigeants, les investisseurs et les entrepreneurs internationaux, au moment même où les pays voisins renforcent leur régime d'accueil. Enfin, aucune étude ne démontre son utilité ou son efficacité redistributive.

Supprimer la CEHR, c'est rendre notre système fiscal plus simple, plus lisible et plus compétitif, sans coût budgétaire excessif.

M. le président. L'amendement n° I-1267, présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1 du I de l'article 223 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;

2° Au troisième alinéa, le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Je veux faire un petit clin d'œil à mes collègues du groupe Les Républicains : la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, mes chers collègues, c'est vous ! Elle a été créée en 2011 par François Baroin, ministre des finances du gouvernement Fillon,…

M. Albéric de Montgolfier. Tout le monde fait des erreurs !

M. Pascal Savoldelli. … au nom d'un principe simple : les revenus les plus élevés doivent participer davantage à l'effort collectif.

Seulement, treize ans plus tard, ça coince ! Les taux fixés pour chacune des deux tranches de cette contribution, respectivement 3 % et 4 %, n'ont pas bougé, alors même que d'autres éléments ont beaucoup changé pendant cette même période de treize années : il y a davantage de dividendes et de plus-values – ça crève les yeux –, davantage de placements, davantage d'ingénierie fiscale et patrimoniale. La CEHR a été figée, alors que la structure des très hauts revenus a muté, pour le dire gentiment.

Nous proposons donc de réviser ces taux, pour les porter respectivement de 3 % à 8 % et de 4 % à 10 %. Quand nous avions fait la même demande, l'an dernier, le rapporteur général avait invoqué, pour la refuser, le ras-le-bol fiscal. Gageons que cette année il ne le dira pas ainsi… Mais vous savez comme moi, monsieur Husson, que le point d'entrée réel dans cette contribution ne se situe pas à 250 000 euros de revenu fiscal de référence pour une personne seule, ou à 500 000 euros pour un couple : non, ceux qui l'acquittent aujourd'hui, ce sont les ménages à hauts revenus qui ne peuvent ni optimiser, ni arbitrer, ni délocaliser.

Dès lors, si vous nous renvoyez, cette année encore, à la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), c'est que vous reconnaissez désormais que l'optimisation est devenue telle qu'il faut un mécanisme de plancher pour la contenir, puisque vous admettez que les taux actuels de la CEHR ne suffisent plus à faire contribuer les très hauts revenus à hauteur de leur capacité réelle. Il s'agit donc de corriger des comportements agressifs.

Enfin, dans l'évaluation des voies et moyens annexée au PLF, le rendement propre de la CEHR n'apparaît plus clairement. J'interroge donc Mme la ministre : cette donnée est-elle maintenue, ou bien est-elle intégrée à la montée en charge de la CDHR, ou de l'impôt sur le revenu ? Nous avons besoin d'une réponse à ces questions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ces deux amendements sont assez éloignés l'un de l'autre…

M. Pascal Savoldelli. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. D'une part, M. Cadic propose la suppression de la CEHR. Disons les choses, mon cher collègue : on ne peut pas faire comme si l'on n'était pas dans une période de difficultés, où se fait entendre un appel à ce que chacun contribue fiscalement de façon plus équilibrée, plus juste.

D'autre part, il n'est pas inimaginable que la proposition de M. Savoldelli aboutisse, pour certains contribuables, à un taux marginal d'imposition supérieur à 50 %, ce qui serait pour le moins original. J'avoue, mon cher collègue, que vous n'y allez pas avec le dos de la cuiller !

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que vos amendements reçoivent tous deux un avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous avons là deux amendements diamétralement opposés. D'un côté, M. Cadic nous dit qu'on peut se passer de la CEHR ; de l'autre, M. Savoldelli propose de la renforcer.

Pour ma part, je vous propose d'en rester là où nous en sommes : depuis 2011, les taux de cette contribution sont fixés à 3 % et à 4 %, en fonction du niveau de revenu des ménages concernés. Je précise que ces taux ne sont pas des taux marginaux ; ils s'appliquent dès le premier euro.

En 2024, le rendement de la CEHR était de 2 milliards d'euros ; on ne peut donc dire ni qu'il n'est pas évalué ni que cette contribution ne rapporte plus rien ; il s'agit tout de même, monsieur Cadic, d'une contribution non négligeable à nos finances publiques, acquittée par les ménages les plus aisés.

Monsieur Savoldelli, vous proposez de porter les taux respectivement à 8 % et à 10 %, mais je rappelle qu'il ne s'agit pas de taux marginaux : l'augmentation s'appliquerait à l'ensemble des revenus, dès le premier euro. Cela reviendrait à augmenter de 5 points le taux d'imposition moyen. Je comprends votre objectif, mais nous disposons déjà de la CDHR pour garantir un taux effectif d'imposition d'au moins 20 %. Si votre amendement était adopté, ce taux passerait d'un coup à 25 %. Je tiens donc à éclairer la Haute Assemblée sur la portée réelle de cette proposition.

Enfin, monsieur Cadic, vous critiquez la pertinence et le manque d'évaluation de cette surimposition – on peut l'appeler ainsi –, mais nous connaissons du moins son rendement – 2 milliards d'euros – et le nombre de ménages qui en sont redevables : ils sont 60 000 cette année. Les membres de votre groupe, monsieur le sénateur, ont beaucoup d'idées pour réformer le système fiscal ; c'est très bien, j'apprécie les discussions fiscales d'ensemble, mais on ne peut pas procéder à de telles réformes par le biais d'amendements successifs au PLF 2026 ; il faudrait plutôt une réforme d'ensemble, qui serait tout à fait bienvenue si vous la proposiez.

Le Gouvernement demande donc le retrait de ces deux amendements ; à défaut, l'avis serait défavorable.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je remercie Mme la ministre d'avoir bien voulu nous fournir un élément qui nous manquait jusqu'alors : nous savons désormais que cette contribution rapporte 2 milliards d'euros, ce qui n'est certes pas marginal. Il est également intéressant d'apprendre qu'elle est acquittée par 60 000 ménages.

Enfin, je fais observer que ce n'est pas moi qui ai parlé de « surimposition » : c'est vous, madame la ministre. Nous apprécions d'entendre reconnaître que certains contribuables sont surimposés, alors qu'on les accuse souvent plutôt de ne pas payer leur juste part. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir employé ce terme. (M. Guy Benarroche s'exclame.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1924.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1267.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-1268, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 1° du III de l'article 224 du code général des impôts, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. La création de la CDHR, l'an dernier, validait ce que vous aviez suggéré, monsieur le rapporteur général : la progressivité n'a certes pas disparu, mais certains revenus l'ont dépassée sans que l'assiette suive. En effet, le taux marginal affiché ne dit plus rien du taux de l'impôt réellement payé.

Contrairement à la CEHR, qui ajoutait un niveau d'imposition en haut du barème, la CDHR joue en aval, si l'on peut dire : elle ne surtaxe pas, elle corrige. Seulement, cette contribution concerne aujourd'hui seulement 62 500 foyers fiscaux, c'est-à-dire 0,16 % des contribuables. Parmi eux, seuls 24 300 s'en acquittent effectivement. Autrement dit, moins de la moitié des foyers qui devraient être concernés franchissent réellement le seuil plancher. Ce constat statistique, mes chers collègues, nous indique très exactement où se situe le problème.

C'est pourquoi nous proposons de relever le taux de la CDHR, en le portant de 20 % à 30 % du revenu fiscal de référence. Nous ne modifions pas le barème, nous relevons seulement le niveau minimal d'imposition pour les seuls foyers qui sont capables aujourd'hui de faire descendre leur taux d'imposition effectif sous ce seuil via des stratégies d'ingénierie fiscale ou patrimoniale. Il faudra bien, d'une manière ou d'une autre, rattraper les 40 000 foyers qui manquent à l'appel !