M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Mes chers collègues, vous ne vous étonnerez pas que je vote ces deux amendements de suppression.

Il vient d’être dit que la France pourrait être considérée comme un pays de cocagne… Alors, sachez-le, le Royaume-Uni vient de mettre fin au régime des « non-dom », grâce auquel les gains obtenus à l’international n’étaient pas fiscalisés dès lors qu’ils n’étaient pas rapatriés.

Quels sont les premiers effets de cette décision ? Ceux qui auparavant bénéficiaient de ce dispositif quittent tout simplement le pays ! Ils ne s’en vont pas pour la France, qui n’est pas pour eux un pays de cocagne, mais plutôt pour la Suisse, où il existe un régime d’imposition forfaitaire, puis, deuxième choix,…

M. Albéric de Montgolfier. Ils vont en Italie, à Milan !

M. Olivier Cadic. … en effet, pour l’Italie, qui a créé un régime dit « des nouveaux résidents », aux termes duquel ceux-ci doivent acquitter un impôt forfaitaire de 100 000 euros par an. Autrement dit, les Italiens, eux, semblent considérer qu’au-delà de 100 000 euros un impôt est confiscatoire…

Dans cette compétition fiscale internationale qui n’est pas sans effets sur la France, il faut garder en tête que les mots ont un poids. Et plutôt que de dire aux milliardaires qui résident fiscalement en France qu’ils vivent dans un pays de cocagne, il conviendrait de les remercier d’être toujours là : ils participent pleinement à l’effort national. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.).

M. Patrick Kanner. Vous validez les yachts !

M. Olivier Cadic. À ces gens qui paient beaucoup, vous dites qu’ils ne paient pas encore assez ! J’entends dire : « Ce n’est que 2 % ! »

M. Yannick Jadot. Les taux de rendement sont à 10 % !

M. Olivier Cadic. Mais, bientôt, on nous proposera une autre mesure, exceptionnelle, peut-être même temporaire. Or ce millefeuille rend notre fiscalité incompréhensible. C’est bien pour cette raison que je proposais un bouclier fiscal à 50 %. Certains voudraient fixer ce seuil à 60 %, voire à 70 %, tandis que, pour d’autres, il pourrait même être supérieur à 100 % ! Le cas échéant, l’impôt serait incontestablement confiscatoire.

M. Patrick Kanner. Caricature !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je veux dire au président Kanner, ainsi qu’à Grégory Blanc, qu’il est interdit de loger un yacht dans une holding patrimoniale ! Et, pour reprendre les mots de Vanina Paoli-Gagin, il y a des juges pour venir à bout de ces excès, s’ils sont avérés. Par conséquent, les cas que vous décrivez n’existent pas dans la réalité.

Monsieur le président Kanner, vous dites – je reprends vos propos – qu’il faut « limiter la casse ». Mais si nous taxons la trésorerie des holdings, alors il ne sera plus possible de « limiter la casse », car cette trésorerie sert à financer les investissements des sociétés mères dans leurs entreprises filles. Alors ce sont les capacités d’investissement qui subiront une casse extrêmement importante !

M. Patrick Kanner. Ce n’est pas ce qui est visé !

Mme Sophie Primas. Par le crédit d’impôt recherche, nous mobilisons beaucoup d’argent public en faveur des capacités d’investissement des entreprises. Aussi, ne venons pas tout casser en touchant à leur trésorerie et, partant, à leur capacité d’investir.

Je comprends votre objectif, je comprends que vous ne vouliez pas que certains profitent de ces holdings pour faire fructifier leur patrimoine personnel. Mais, le cas échéant, il existe des lois pour les en empêcher. (M. Patrick Kanner sexclame.)

Sachons garder raison et ne disons pas aux Français le contraire de la vérité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Voilà deux amendements de suppression de l’article, dont l’adoption ferait sauter tous les suivants. Nous serait refusé, dans cette hypothèse, le droit de toucher à l’assiette et au seuil d’assujettissement !

Ce seuil, vous le savez, monsieur Rietmann, est fixé à 5 millions d’euros et à 50 % de revenus passifs. Vous voyez donc bien de qui il s’agit : non du propriétaire d’un troupeau de quelques vaches, mais de contribuables bien différents, dont les revenus sont d’un tout autre ordre.

Mme Sophie Primas. Ils font d’autres investissements !

M. Pascal Savoldelli. Il faut être sérieux !

Au-delà des questions de principe, nous débattons là de choix financiers, économiques et politiques.

Je le répète, si nous votons ces amendements de suppression, nous ne pourrons pas débattre de l’assiette : nous n’aurons notre mot à dire ni sur les titres cotés – qui sont, on le sait bien, forcément consacrés à l’investissement et au développement de l’entreprise… –, ni sur les biens professionnels – qui vont là encore, c’est automatique, au seul développement de l’entreprise… –, ni sur le private equity – qui n’a d’autre vocation que de financer notre économie et notre industrie… –, ni sur l’immobilier – qui, c’est entendu, n’alimente pas du tout la rente immobilière et la rente patrimoniale, mais, au contraire, favorise la création d’entreprises –, ni sur les actifs professionnels, ni sur la trésorerie issue de cessions récentes. De tout cela, on n’aura plus le droit de parler, l’assiette étant exclue du débat !

Si ces amendements de suppression sont votés, nous serons en outre dans l’impossibilité de faire notre travail de parlementaires en débattant, au moins, des seuils. N’ayez pas peur, mes chers collègues, nous voterons : nous verrons si vous êtes d’accord pour porter de 50 % à 25 % le seuil de revenus passifs déclenchant l’imposition.

M. Cadic évoquait à l’instant des taux d’imposition de 50 %, de 70 %, de 100 %, indiquant même, touché par la lumière, qu’il était prêt à aller au-delà de 100 %. (M. Olivier Cadic rit.) À l’entendre, il faudrait presque rendre de l’argent à des milliardaires ! C’est quand même assez formidable !…

Madame la ministre, vous avez une responsabilité à assumer : d’un côté, vous nous expliquez qu’un gouffre financier est devant nous ; de l’autre, avec cet article 3, vous nous proposez une mesure dont le rendement annoncé est de 1 milliard d’euros, mais c’est mal connaître ces gens-là ! Ils vont optimiser, madame la ministre, comme ils l’ont fait avec l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) au lendemain même de sa création !

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Voilà à peine deux jours, mercredi – nous discutions du PLFSS –, vous avez défendu ici même le gel des prestations sociales, mesure qui va toucher les plus pauvres de notre pays. Et voilà que vous défendez avec la dernière vigueur l’esquive fiscale des plus hauts patrimoines !

En matière de caricature, nous atteignons une forme d’épure ! Vous défendez l’esquive, mes chers collègues ! Nous avons beau vous expliquer que l’accumulation du capital est énorme dans notre pays depuis des années, nous avons beau vous expliquer que le nombre de milliardaires en France est supérieur à ce qu’il est dans d’autres pays similaires,…

Mme Sophie Primas et M. Olivier Rietmann. Mais tant mieux !

M. Thomas Dossus. Tant mieux, très bien : qu’ils paient simplement des impôts à la juste mesure de leurs revenus, c’est tout ce que nous demandons – nous ne voulons pas les mettre au bagne !

Cet été, le Conseil d’analyse économique (CAE) a produit un rapport sur les conséquences d’une augmentation de la fiscalité sur les plus hauts patrimoines quant aux risques d’exil fiscal. Il est arrivé à la conclusion qu’un tel exil serait marginal. Arrêtez donc de nous faire pleurer sur d’éventuels départs en masse : ce phénomène serait marginal !

Cet article 3 est un article de consensus. Quand nous avons débattu de la taxe Zucman avec la ministre et avec Bercy, nous en sommes arrivés à une même conclusion, en tout cas à un début de consensus : le système des holdings – ou des sociétés mères – permet bien d’esquiver l’impôt, et il faut donc resserrer le filet. Voilà l’objet de cet article, et des propositions que nous allons faire pour l’amender.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Le groupe Union Centriste est particulièrement attaché à l’esprit d’entreprise et nous souhaitons en effet que le plus grand nombre d’entreprises puissent prospérer dans notre pays. (M. Olivier Cadic applaudit.)

Eu égard aux propos que je viens d’entendre, je veux insister sur un point : il ne faut pas confondre patrimoine et revenus, stock et flux. (M. Patrick Kanner acquiesce.)

MM. Emmanuel Capus et Vincent Louault. Oui !

M. Michel Canévet. Prenons le cas du propriétaire d’un patrimoine très important constitué d’actions, lesquelles voient leurs cours soumis aux fluctuations des marchés. Tant que ce patrimoine n’est pas réalisé, il ne saurait être considéré comme un revenu pour son détenteur – il faut en être conscient.

Cela étant, la majorité des membres du groupe Union Centriste souhaitent suivre le rapporteur général dans les propositions bien proportionnées qu’il nous soumettra. Pourquoi ? Parce que des faits d’optimisation fiscale ont été révélés, et que nous devons en tenir compte. Ces pratiques, nous ne pouvons les accepter, parce que, comme cela a été dit par de nombreux orateurs tout à l’heure, chacun doit payer sa juste part d’impôt. Face aux stratégies d’optimisation, nous devons donc corriger le tir au nom de la justice fiscale.

Tel est le sens des propositions qui seront formulées par le rapporteur général, auxquelles souscrivent, je le répète, la majorité des membres du groupe Union Centriste ; aussi ne voterons-nous pas ces deux amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Quelle méconnaissance des sociétés mères et des sociétés filles ! Madame la ministre, en tant qu’agriculteur, j’utilise évidemment une société mère pour acheter des terres et me constituer un patrimoine, ce que je ne pourrais faire à titre personnel, car mes revenus partent en impôt sur le revenu et en cotisations versées à la MSA (Mutualité sociale agricole). Seule la holding rend possible cette constitution d’un patrimoine !

M. Olivier Rietmann. Et vous n’êtes pas milliardaire, que je sache ! (Sourires.)

M. Vincent Louault. Il ne faut pas oublier que, dans ce cadre, je paie l’impôt sur les sociétés, mais, surtout, que je paierai énormément quand je revendrai : c’est quand on sort d’une holding que l’on se fait matraquer, madame la ministre – et c’est là que vous arriverez avec votre pelle pour me reprendre ce qu’à juste titre je n’aurai pas payé au moment de l’investissement !

Puisqu’il est question de terres et de la vraie vie, sachez qu’il existe aujourd’hui des sociétés de portage foncier agricole, qui achètent des dizaines de milliers d’hectares de nos terres agricoles au moyen de sociétés de participations financières (Soparfi) luxembourgeoises. Et bien qu’elles soient contrôlées par les services de Bercy, elles ne sont pas embêtées !

Quant à moi, j’invite publiquement tous les paysans à ne plus s’ennuyer à constituer de petites holdings mémères et à monter plutôt une Soparfi au Luxembourg : il suffit d’un coup de téléphone, de trois clics, d’un ou deux administrateurs de données, et tout cela pour 5 000 balles par an ! (M. Yannick Jadot proteste.)

En réalité, on va faire fuir tout le monde de ce pays. Aussi, je vous invite, mes chers collègues, si vous ne voulez pas le supprimer, à dévitaliser cet article 3, par quelque artifice que ce soit. La vérité, c’est que cette structure juridique sert chaque jour aux entreprises.

Je connais bien le groupe Tereos, qui est constitué en société mère-fille. Plusieurs dizaines de millions d’euros sont logés dans des comptes courants d’associés, et ce n’est pas du vol : cet argent sert à garantir les emprunts et à donner du gage aux filiales. C’est ça, la vraie vie de nos entreprises ! Un tel mode de financement, c’est la sève de notre économie. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le sénateur Louault, je veux vous rassurer : cet article ne s’applique pas à la situation que vous venez de décrire.

M. Vincent Louault. On commence par la main, puis tout le bras y passe !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Non, vous ne pouvez pas dire ça. La terre qu’en tant qu’agriculteur vous achetez avec les revenus de votre activité agricole, c’est un bien professionnel. C’est là une activité opérationnelle à laquelle, je le redis ici, il n’est pas question de toucher.

M. Grégory Blanc. Évidemment !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. En revanche, si, au lieu d’utiliser les bénéfices de votre activité agricole pour financer quelque activité productive que ce soit, vous investissez votre trésorerie en actions, celles d’une grande entreprise étrangère par exemple, sans lien avec ladite activité et dans des proportions qui dépassent votre fonds de roulement, alors vous faites exactement ce que fait un particulier en souscrivant un plan d’épargne en actions ou une assurance vie, et ce doit être fiscalisé comme tel. C’est de cela que nous parlons.

M. Daniel Fargeot. C’est une prise de risque !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Selon nos estimations, en appliquant un taux de 2 % sur l’assiette que nous visons, alors nous taxerions 0,3 % ou 0,4 % de la valeur des holdings. Le Gouvernement n’est pas en train de proposer quoi que ce soit qui porterait atteinte à l’activité opérationnelle, industrielle, productive. Si tel était le cas, monsieur le sénateur, je serais bien d’accord avec vous et je serais totalement défavorable à cet article 3.

Ne mélangeons pas tout : vous avez opéré un glissement en disant qu’il fallait parler non plus des holdings, mais des sociétés mères. Or, quant à moi, je vous parle de holdings patrimoniales, c’est-à-dire de sociétés mères qui n’ont pas de participations dans des activités opérationnelles. J’insiste sur ce point : les activités opérationnelles sont exclues du champ de cet article.

Madame la sénatrice Primas, à ce jour, il n’est pas interdit de loger dans une holding un yacht, que vous utilisez cinquante et une semaines à titre personnel et que vous louez une semaine, ce qui en fait un bien professionnel.

MM. Grégory Blanc et Patrick Kanner. Eh oui !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. C’est bien cela, le sujet. Nous parlons d’un cadre qui est non pas fiscal, mais moral. Et c’est bien pour cette raison que nous proposons, à l’article 3, un mécanisme anti-optimisation.

Enfin, même si c’est la saison – Noël approche –, nous n’avons offert aucun cadeau à je ne sais qui : nous ne faisons pas de paquets avec des rubans ! (Sourires.) Les entreprises ont gagné en valeur, certes, mais ces valeurs sont des extrapolations fixées sur la base de levées de fonds : ce ne sont pas des valeurs liquides – cela ne signifie pas que des acheteurs seraient prêts à payer de tels prix.

Par ailleurs, si beaucoup d’entre elles ont vu leur valeur augmenter, c’est parce qu’elles ont été productives, parce que des gens veulent investir dans ces entreprises ; et c’est une bonne nouvelle ! Oui, c’est une bonne nouvelle que nos entreprises valent plus cher aujourd’hui qu’hier : cela veut dire qu’elles ont innové, qu’elles ont développé des marques, qu’elles ont conquis des marchés.

Revenons à ce qu’est l’article 3 : il a pour objet d’éviter que la fiscalité des entreprises ne soit mise au service de la constitution d’un patrimoine personnel – j’insiste sur ce dernier terme –, qui n’est pas ce que vous dites, monsieur le sénateur Louault. Quand on est agriculteur, les terres que l’on possède deviennent in fine des biens susceptibles d’être transmis – nous en reparlerons en débattant du pacte Dutreil –, mais, le cas échéant, ce sont assurément des biens productifs, puisqu’il n’y a rien de plus productif pour un agriculteur que des terres mises en culture.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-44 rectifié bis et I-500 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 65 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 32
Contre 309

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° I-1394, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Devinaz, Fagnen, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Marie, Mme Matray, MM. Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre II du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section ainsi rédigée :

« Section

« Surtaxe sur les bénéfices non distribués

« Art. 223. – I. – Les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés en France sont redevables d’une taxe de 30 % sur les bénéfices accumulés non distribués.

« Les bénéfices non distribués sont déterminés :

« 1. Pour les entreprises dont les produits sont composés à plus de 60 % de revenus dits passifs, comme la somme des bénéfices diminué :

« – des distributions effectuées aux associés ou actionnaires ;

« – de la constitution de la réserve légale telle que définie à l’article L. 232-10 du code de commerce ;

« Les revenus passifs au sens du présent article sont considérés comme la somme de toutes sortes de dividendes ou rémunération du capital, intérêts, plus-value d’investissements, loyers, droits d’auteurs, redevances et assimilés.

« 2. Pour les autres entreprises comme le bénéfice net de l’exercice, diminué :

« - des distributions effectuées aux associés ou actionnaires ;

« - de la constitution de la réserve légale telle que définie à l’article L. 232-10 du code de commerce ;

« - des montants justifiés par les besoins de formation brute de capital fixe (BFCP), tels que définis par le règlement (UE) n° 549/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013, ou par la trésorerie nécessaire au financement du cycle d’exploitation, déterminée selon les modalités fixées par décret.

« II. – La taxe est due lorsque les bénéfices non distribués excèdent, au titre d’un exercice :

« - 50 000 € pour les sociétés dont plus de 60 % des produits sont des revenus dits passifs ;

« - 150 000 € pour les autres sociétés.

« III. – La taxe est déclarée et liquidée selon les mêmes modalités que l’impôt sur les sociétés.

« IV. – Un décret précise les modalités d’application du présent article, notamment les conditions de calcul des bénéfices non distribués et les obligations déclaratives des sociétés. »

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement, qui vise à taxer les flux, obéit à une logique différente de celle qui prévaut pour l’instant à l’article 3. Il s’agit de mieux encadrer la fiscalité des bénéfices non distribués et non réinvestis, en particulier lorsqu’ils s’accumulent dans des holdings sans jamais être réinjectés dans l’économie réelle.

Nous n’entendons pas remettre en cause le rôle économique de ces sociétés : nous voulons seulement répondre à une réalité documentée. En effet, les multiples exemptions actuelles permettent de loger durablement des bénéfices dans des structures tout en différant indéfiniment l’imposition des dividendes. C’est pourquoi nous proposons d’instaurer une taxe de 30 % sur les bénéfices non distribués dépassant un certain seuil, selon des modalités strictement proportionnées.

Le dispositif proposé distingue les entreprises à revenus principalement passifs – dividendes, intérêts, plus-values –, qui seront concernées par la taxation, et les entreprises à activités productives, pour lesquelles les dépenses d’investissement et la trésorerie nécessaire au cycle d’exploitation sont explicitement exclues de l’assiette.

Autrement dit, l’investissement est préservé et seule la rétention excessive est ciblée.

L’objectif est clair : encourager la circulation des capitaux. Les bénéfices doivent financer l’activité économique, l’innovation, la compétitivité – il en a été question –, et non pas rester immobilisés de manière injustifiée dans des holdings.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Comme je viens de le dire, nous devons être vigilants. Qu’il y ait de la trésorerie dans les holdings, c’est normal. Une trésorerie équivalant à deux ans de bénéfices, par exemple, peut avoir été constituée en vue d’investir, d’agrandir une ligne de production ou d’acheter une petite entreprise pour l’intégrer dans la consolidation.

Par conséquent, les montants visés ne peuvent être fixes. Si l’on prend l’exemple de certaines holdings détenant de très grandes entreprises, la limite de 150 000 euros les empêcherait même d’accomplir leur activité opérationnelle et productive.

La rédaction proposée par le Gouvernement, bien qu’elle suscite beaucoup de débats, a la vertu de séparer la partie opérationnelle de la vie d’une entreprise, d’une part, et ce qui a trait, d’autre part, à la vie d’un dirigeant qui utiliserait la holding, censément opérationnelle et productive, à des fins personnelles. Telle est la distinction que nous nous efforçons d’établir.

Les amendements que vous proposez vont beaucoup plus loin et ne sont pas adaptés à la réalité de beaucoup de nos entreprises, qui font très bien leur travail, ne versent pas dans des schémas de suroptimisation et pour lesquelles – je le dis très sincèrement – je ne veux rien changer : avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1394.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de dix amendements et de six sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L’amendement n° I-647 est présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Devinaz, Fagnen, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Marie, Mme Matray, MM. Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° I-1289 est présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 5

Supprimer les mots :

non affectés à une activité opérationnelle

II. – Alinéa 6

Supprimer les mots :

non professionnels

III. – Alinéa 9

Remplacer le taux :

50 %

par le taux :

25 %

IV. – Alinéas 38 à 41

Supprimer ces alinéas.

V. – Après l’alinéa 73

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4. La valeur vénale des biens, droits et valeurs imposables s’apparentant à des actifs affectés à une société opérationnelle contrôlée par la société mentionnée au premier alinéa du A du I, et nécessaires à l’exercice d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

VI. – Alinéas 85 et 86

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° I-647.

M. Rémi Féraud. Nous allons poursuivre ce débat, puisque nous n’avons pas voté les amendements de suppression de l’article 3 portant création de cette taxe sur les holdings.

Je reviens toutefois sur les arguments qui ont été avancés. Nous avons entendu s’exprimer, sur l’ensemble des travées de la majorité sénatoriale, une franche hostilité à cette taxe ; mais les amendements de suppression n’ont pas pour autant été adoptés. J’imagine que l’objectif est d’adopter l’amendement du rapporteur général, ce qui réduirait de beaucoup la portée de cette nouvelle taxe.

Pour notre part, nous allons au bout du raisonnement : par le présent amendement, nous souhaitons donner à la disposition inscrite à l’article 3 une portée beaucoup plus générale, en intégrant au champ de cette taxe les biens professionnels, c’est-à-dire les titres de participation financière.

Mme la ministre l’a bien dit : avec la taxe telle qu’elle est proposée, 0,2 % à 0,3 % seulement des actifs des holdings seraient pris en compte.

Aux arguments sur l’attractivité invoqués par le Gouvernement et par la majorité sénatoriale, je voudrais opposer deux observations.

Premièrement, la réalité de l’augmentation des inégalités, notamment de patrimoine, nous conduit à défendre la taxe Zucman, mais aussi, pour ce qui est de cette taxe sur les holdings, le présent amendement.

Deuxièmement, vu l’état de nos finances publiques, nous avons besoin de recettes supplémentaires, qui se comptent en milliards d’euros.

Je ne doute pas que notre amendement sera rejeté, mais nous voulons poursuivre ce débat et continuer de mobiliser les uns et les autres autour de la revendication d’une taxation et d’une fiscalité plus justes, ainsi que de ressources fiscales plus importantes.