compte rendu intégral

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

mandataires judiciaires à la protection des majeurs

M. le président. La parole est à M. Daniel Gueret, auteur de la question n° 784, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Daniel Gueret. Madame la ministre, ma question, qui s’adressait au garde des sceaux, ministre de la justice, concerne la situation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM).

Indexée sur la valeur du Smic et de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), la rémunération de ces professionnels libéraux – qui réalisent une mission de service public en dernier ressort, puisque les familles ou établissements hospitaliers ont décliné le suivi – est bloquée depuis plus de dix ans, sans compter la suppression des suppléments liés à la gestion des premiers et des derniers mois des dossiers des intéressés.

Qu’il s’agisse d’accompagnement social, de maîtrise du budget, du suivi d’actions en justice ou de bien-être au quotidien, les mandataires désignés par les tribunaux subissent, de fait, un transfert de charges. Or, selon la Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants (FNMJI), ils ne perçoivent que 142 euros pour chaque majeur pris en charge à domicile, en lieu et place des 178 euros escomptés si leur rémunération avait suivi l’évolution du coût de la vie.

Alors qu’on ne peut que constater le vieillissement de notre population et rappeler la nécessité accrue d’une prise en charge bienveillante des personnes les plus fragiles, cette profession, en raison d’une rémunération insuffisante, n’est absolument plus attractive.

Le manque de recrutements, vous vous en doutez, aura des conséquences très importantes dans nos territoires.

C’est la raison pour laquelle je souhaite connaître les intentions du Gouvernement concernant la juste revalorisation d’une rémunération qui n’est plus adaptée.

Par ailleurs, qu’en est-il de son engagement à soutenir cette mission de service public ? Faute de mandataires dans la décennie à venir, nos concitoyens déjà en grande difficulté pourraient se retrouver très fortement pénalisés.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée de lautonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Gueret, vous interrogez le Gouvernement sur la situation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Je me joins à vos propos : cette profession est en effet fondamentale pour garantir la protection de nos concitoyens les plus vulnérables, à savoir les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. À cet égard, il est extrêmement important de préserver leurs droits et, partant, leur pleine citoyenneté.

Vous avez raison d’indiquer que, dans le contexte de vieillissement de la population, on peut s’attendre à une augmentation des besoins de prise en charge.

Le Gouvernement est pleinement conscient de l’engagement de ces professionnels et de la nécessité de leur offrir des conditions d’exercice qui soient à la hauteur de leurs responsabilités.

Chaque année, ce sont près de 10 000 professionnels qui aident à la mise en œuvre de plus de 550 000 mesures de protection.

J’en viens à la question spécifique de la rémunération des mandataires exerçant à titre individuel, qui sont aujourd’hui au nombre de 2 500. Encore une fois, le Gouvernement est pleinement conscient des attentes formulées par la profession.

Des réflexions sont actuellement engagées non seulement pour mieux évaluer la charge de travail liée aux mesures de protection, mais aussi pour faire évoluer le modèle économique des mandataires individuels, comme des services mandataires.

Il nous faut bien analyser à la fois la charge et le modèle économique du métier, en fonction des différentes typologies d’exercice : toute évolution de la tarification devra s’inscrire dans une approche globale de la réponse apportée à nos concitoyens.

Dans cette perspective, nous devrons non seulement veiller à la reconnaissance du travail accompli, comme vous l’appelez de vos vœux, mais aussi assurer la viabilité du dispositif à moyen et à long termes, dans un contexte budgétaire contraint qui tienne compte de l’évolution du nombre de personnes ayant besoin d’un accompagnement.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Ce sera d’ailleurs l’objet de la prochaine Conférence nationale du handicap (CNH).

calcul de l’allocation différentielle dans le cadre d’un congé parental d’une famille frontalière

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, auteur de la question n° 521, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Michaël Weber. Madame la ministre, j’ai été sollicité au sujet de l’allocation différentielle (ADI) par les représentants des travailleurs frontaliers qui résident en France, mais exercent leur métier en Allemagne.

Leur question porte plus spécifiquement sur le traitement, par la caisse d’allocations familiales (CAF) et les services fiscaux français, de la différence entre la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) et son équivalent allemand, l’Elterngeld.

La CAF considère cette dernière comme une prestation familiale qui n’est pas imposable en principe ; elle l’intègre, de fait, dans le décompte de l’ADI comme telle.

A contrario, les services fiscaux français considèrent que la différence entre le montant de la PreParE et celui de l’Elterngeld constitue un salaire de remplacement soumis à l’impôt.

Il en résulte que cette somme est prise en compte trois fois : une première fois en tant que prestation familiale, lors du congé parental ; une deuxième fois, l’année suivante, via les revenus fiscalisés, lorsque la CAF calcule les droits au logement avec les revenus de l’année n-1 ; une troisième fois, deux ans plus tard, pour les allocations calculées en tenant compte des revenus de l’année n-2.

Je prie le Gouvernement de bien vouloir mettre fin à cette incohérence, en déterminant si l’Elterngeld est une prestation familiale, en conséquence de quoi elle ne serait pas imposable, ou si elle correspond à un salaire de remplacement.

Dans ce cas, la partie de l’Elterngeld qui dépasse le montant de la PreParE ne doit pas être prise en compte par la CAF lorsqu’elle calcule l’ADI pour la période de perception de l’allocation allemande.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée de lautonomie et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur le calcul de l’allocation différentielle dans le cadre d’un congé parental d’une famille transfrontalière. Les services sociaux du ministère ont bien été alertés sur ce sujet, qui a fait l’objet d’échanges avec les représentants des travailleurs frontaliers, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et les autres ministères compétents.

La prestation familiale allemande Elterngeld compense la perte de revenus des parents qui réduisent leur activité pour s’occuper d’un enfant ; elle a pour équivalent français la PreParE. Toutefois, ces deux prestations diffèrent, car l’Elterngeld dépend des derniers revenus du parent, alors que la PreParE est une prestation forfaitaire, ce qui peut conduire à des écarts importants dans les montants versés.

Vous l’avez rappelé, l’Elterngeld est inclus dans les prestations familiales étrangères prises en compte pour le calcul de l’allocation différentielle française. Ainsi, le montant de l’Elterngeld peut venir réduire celui de l’ADI, qui résulte de la différence entre l’ensemble des prestations familiales françaises normalement dues et les prestations familiales étrangères déjà perçues.

Ce calcul est prévu par les règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale. Notez que la révision de ces textes, engagée par la Commission européenne en 2016, est toujours en cours.

Elle pourrait conduire à la mise en place d’un nouveau calcul de l’ADI plus favorable, avec deux calculs distincts : le premier pour les prestations familiales au sens strict ; le second pour les prestations parentales venant compenser les pertes de revenus des parents.

La question de l’imposition se pose également puisque la partie de l’Elterngeld qui équivaut au montant de la PreParE ne serait pas imposable en tant que prestation familiale. Ainsi, la partie restante qui dépasse ce montant serait considérée comme un revenu de remplacement imposable.

Or les services fiscaux transmettent par la suite à la CAF les revenus déclarés par les bénéficiaires. Sur ce point, les services ministériels compétents souhaiteraient approfondir leur analyse en étudiant des cas concrets.

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour la réplique.

M. Michaël Weber. Je vous remercie de ces éléments de réponse, madame la ministre. Beaucoup de travailleurs frontaliers sont concernés, y compris ceux qui exercent dans d’autres pays que l’Allemagne. Vu la période actuelle, ce sujet récurrent est particulièrement compliqué pour les bénéficiaires.

Dans ces conditions, je vous invite à faire diligence et à mettre la pression sur la Commission européenne et les services compétents du Gouvernement afin de clarifier la situation.

manque de moyens de la banque alimentaire

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, auteure de la question n° 635, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.

Mme Mireille Jouve. Madame la ministre, les chiffres nous le rappellent quotidiennement : la précarité ne cesse d’augmenter, après une période de forte inflation qui a largement amputé le pouvoir d’achat des Français.

Je vous prie, dans ce contexte, de considérer la situation de la banque alimentaire des Bouches-du-Rhône, qui, en juillet dernier, a lancé un appel au secours après avoir subi une coupe budgétaire de plus de 1 million d’euros du Fonds social européen plus (FSE+).

Cette structure, pilier essentiel de l’aide alimentaire dans le département, doit faire face à de nombreux problèmes récurrents : de moins en moins de subventions lui sont accordées et le nombre de produits quotidiens récoltés baisse de manière substantielle, de l’ordre de 68 %.

L’an passé, la banque alimentaire des Bouches-du-Rhône avait obtenu près de 3 000 tonnes de denrées et distribué 7,8 millions de repas dans les centres communaux d’action sociale (CCAS) et les associations partenaires. Or il faudrait encore 160 tonnes de produits supplémentaires pour répondre aux besoins, en hausse de 30 %.

Après avoir tiré la sonnette d’alarme, et grâce à un tour de force que seule la solidarité du plus grand nombre permet, cette banque alimentaire est parvenue à mobiliser près de 3 000 bénévoles. Ces derniers ont assuré la collecte annuelle le week-end dernier, devant 229 commerces du département.

Cet événement était parrainé par Dimitri Payet, ancien joueur de l’Olympique de Marseille. Sa présence a attiré les caméras et suscité des encouragements, mais elle n’a pas apporté la moindre éclaircie concernant des solutions pérennes.

Dans ces conditions, que le Gouvernement entend-il faire pour soutenir les banques alimentaires, en particulier celle des Bouches-du-Rhône, afin d’éviter une rupture dans la distribution de l’aide alimentaire, qui est malheureusement plus que jamais nécessaire ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée de lautonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice Jouve, le Gouvernement est pleinement conscient des tensions que rencontrent les structures d’aide alimentaire, dans un contexte où les besoins sociaux demeurent élevés.

Les services déconcentrés de l’État ont reçu, dès le mois d’avril dernier, une première vague de délégations de crédits à hauteur de 54 millions d’euros. Ce montant comprend 39 millions d’euros en provenance du programme Mieux manger pour tous et 10 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2024.

Pour répondre aux difficultés remontées par les associations et les préfets, le Gouvernement s’est engagé, en juillet 2025, à abonder de 10 millions d’euros supplémentaires les crédits de lutte contre la précarité alimentaire en région.

Une attention particulière est portée à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) et au département des Bouches-du-Rhône, dans un contexte budgétaire contraint. Ainsi, en 2025, 3,3 millions d’euros de crédits au titre du programme Mieux manger pour tous et 2,7 millions d’euros au titre des crédits socles et de renforts exceptionnels leur ont été alloués, soit 10 % de la totalité des crédits délégués aux régions.

Par ailleurs, dès 2024, 600 000 euros ont été mobilisés pour cofinancer, sur la période 2024-2026, la plateforme logistique de la Fondation CMA CGM – Compagnie maritime d’affrètement Compagnie générale maritime – de Marseille, au profit des associations de lutte contre la précarité alimentaire.

L’affectation de ces crédits constitue un effort budgétaire important dans le cadre du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes ». Cependant, cette enveloppe ne permet pas de couvrir tous les besoins exprimés : elle a vocation à répondre en priorité aux situations d’urgence ; je pense notamment au risque de fermeture d’associations.

Du reste, vous interrogez le Gouvernement sur la baisse du FSE+ pour la banque alimentaire des Bouches-du-Rhône. C’est à la Fédération française des banques alimentaires (FFBA), qui est elle-même bénéficiaire de ce dispositif, qu’il appartient ensuite d’affecter aux différentes banques alimentaires les denrées financées par les fonds européens.

accompagnement des enfants orphelins à la suite d’un homicide conjugal

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, auteure de la question n° 813, transmise à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.

Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, ma question porte sur la situation extrêmement préoccupante des enfants devenus orphelins à la suite d’un homicide conjugal ; il s’agit le plus souvent d’un féminicide.

Chaque année, une centaine d’enfants perdent brutalement l’un de leurs parents, tandis que l’autre est incarcéré ou décédé. En 2022, 143 enfants ont été ainsi concernés et on en compte 446 sur la période 2019-2022.

Le nombre de féminicides reste tragiquement constant. Au 29 novembre dernier, nous en déplorions déjà 153, soit quatre femmes tuées durant la seule journée du 20 novembre.

Les enfants orphelins sont confrontés à un double traumatisme : la perte de leurs parents et l’effondrement soudain de leur environnement familial. Lorsque la famille ne peut les accueillir, ils sont pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) et sont parfois placés en foyer, faute de famille d’accueil disponible, ce qui accroît encore leur vulnérabilité.

Ces enfants sont des victimes à part entière : ils sont victimes non seulement de la violence d’un parent, mais aussi de l’incapacité de la société à prévenir parfois de tels drames.

Alors que s’est tenue, le 25 novembre dernier, la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, il est de notre devoir collectif de nous poser cette question : sommes-nous réellement à leurs côtés ?

Selon de nombreuses associations de victimes, des familles concernées et des professionnels, la prise en charge psychologique, éducative et matérielle de ces enfants reste insuffisamment structurée ; dans certains cas, elle est même inexistante. Les proches qui assument leur accueil manquent eux aussi de soutien.

Ma question est donc simple : quelle politique le Gouvernement entend-il mettre en œuvre concrètement pour garantir à ces enfants un accompagnement sur la durée qui les protège à la fois sur les plans psychologique, éducatif et matériel ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée de lautonomie et des personnes handicapées. Je vous remercie de votre engagement sur ce sujet ô combien sensible de l’accompagnement des enfants orphelins à la suite d’un homicide conjugale, madame la sénatrice Gacquerre. Chaque année, ce sont des dizaines d’enfants – 124 en 2024 – qui perdent leur mère sous les coups d’un conjoint ou d’un ex-conjoint.

Ils perdent, dans le même instant, leurs deux figures d’attachement et se retrouvent dans un état de choc comparable à celui qui est vécu sur des théâtres de guerre.

Des expérimentations ont été menées et, depuis 2022, une généralisation du protocole de prise en charge d’un enfant témoin d’un féminicide a été engagée. Sachez qu’elle a été éprouvée en Seine-Saint-Denis, depuis 2014, et dans le Rhône, depuis 2021.

Dans le cadre de ce protocole, l’enfant fait l’objet d’une hospitalisation immédiate et reçoit un bilan pédopsychiatrique en soixante-douze heures. En outre est assurée une coordination entre la justice, les services sociaux, les équipes pédiatriques et les centres régionaux du psychotraumatisme. Enfin, la situation de l’enfant est sécurisée sur le plan juridique, en vertu d’une ordonnance de placement provisoire.

Je vous le confirme, les directives nationales seront pleinement généralisées afin d’assurer leur mise en œuvre homogène sur l’ensemble du territoire. En novembre 2025, 79 protocoles étaient signés ou en cours de signature dans treize régions. Vous le voyez, ces efforts des acteurs territoriaux pour déployer de manière effective ce dispositif apparaissent dans ces résultats.

Notez que 60 000 euros sont délégués pour chaque nouveau protocole mis en place ; 4,74 millions d’euros sont ainsi délégués à ce jour.

Reste que la prise en charge d’urgence ne suffit pas. Ces enfants se trouvent souvent confiés à l’aide sociale à l’enfance et présentent des traumatismes complexes et des troubles de la l’attachement, en plus de subir des ruptures d’environnement.

Le déploiement du parcours de soins coordonné des enfants et adolescents protégés, qui sera engagé dès janvier 2026, permettra d’apporter des évolutions inédites grâce à un bilan de santé complet, une orientation systématique vers des soins gradués et l’intervention de structures départementales.

Quelque 120 millions d’euros seront annuellement consacrés à ce programme, une fois qu’il sera pleinement déployé.

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour la réplique.

Mme Amel Gacquerre. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais nous devons aller plus loin. À cet égard, je plaide pour reconnaître le statut de ces enfants, comme il existe le statut de pupille de la Nation. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)

prise en compte du champ visuel pour l’attribution du forfait cécité dans le cadre de la prestation de compensation du handicap

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, auteure de la question n° 720, adressée à Mme la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées.

Mme Monique Lubin. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur la prise compte du champ visuel pour l’attribution du forfait cécité dans le cadre de la prestation de compensation du handicap (PCH).

En 2023, j’avais déjà alerté le Gouvernement sur l’inadéquation des critères existants pour l’attribution de ce forfait, la prise en compte du champ visuel en étant exclue.

En l’état actuel du droit, seule la vision centrale est retenue pour l’attribution de cette prestation. Or l’acuité visuelle et le champ visuel sont deux fonctions indispensables dans l’appréciation du déficit visuel, comme le confirment le Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Concernant les critères d’évaluation pour l’attribution du forfait cécité, le ministère a répondu que des critères d’appréciation supplémentaires pouvaient être retenus pour l’éligibilité générale à la PCH.

En outre, il a indiqué que la non-prise en compte de l’atteinte du champ visuel dans les conditions d’attribution du forfait cécité n’excluait pas que d’autres difficultés puissent servir de critères pertinents pour l’attribution de la prestation.

Il se trouve que j’ai été sollicitée par une personne souffrant d’une extrême réduction de son champ visuel, ce qui crée un handicap très lourd au quotidien.

La maison départementale de l’autonomie (MDA) qu’elle a saisie a refusé de lui verser la prestation. Pourtant, elle reconnaissait que les difficultés à réaliser des activités de la vie quotidienne étaient suffisamment importantes pour justifier l’octroi de la PCH.

Pour motiver sa décision, la MDA a renvoyé cette personne au référentiel d’accès à la PCH, auquel elle est contrainte de se référer pour asseoir ses décisions.

Je vous rappelle que ce référentiel, fixé à l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles, est modifiable par décret. Compte tenu de cet élément, quelles modifications entendez-vous apporter à ce référentiel pour répondre de manière enfin appropriée aux personnes concernées, jusqu’à présent injustement déboutées de leurs demandes ? En outre, dans quel délai comptez-vous agir ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de lautonomie et des personnes handicapées, chargée de lautonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice Lubin, le Gouvernement est pleinement conscient des difficultés que peut entraîner une altération du champ visuel pour l’autonomie, la mobilité et la sécurité des personnes.

Je vous confirme les éléments qui vous avaient été communiqués en 2023. Il y a bien deux dispositifs : d’une part, le forfait cécité de la PCH, qui repose sur des critères médicaux précis définis à l’article D. 245-9 du code de l’action sociale et des familles ; d’autre part, l’accès personnalisé à la prestation, qui dépend de l’évaluation des difficultés rencontrées pour réaliser les activités de la vie quotidienne.

À cet égard, l’altération du champ visuel fait pleinement partie des éléments qui peuvent justifier un accès à la PCH. Sur ce sujet, la réglementation est claire et ne nécessite pas de modifications.

La question que vous soulevez est plutôt celle de l’application de ce cadre réglementaire par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les MDA.

Vous avez raison de le souligner, des divergences d’interprétation des critères d’éligibilité peuvent nuire à la lisibilité du dispositif. Il existe toutefois des voies de recours. D’ailleurs, je vous invite à me faire suivre le cas concret que vous avez mentionné, afin que nous puissions trouver une solution avec la MDPH concernée.

Dans son guide PCH Aide humaine, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) rappelle expressément que les conséquences d’une atteinte visuelle doivent être pleinement prises en compte pour apprécier les capacités fonctionnelles et déterminer l’éligibilité à la prestation. L’accès à celle-ci demeure donc ouvert, même sans l’attribution du forfait cécité.

Je demanderai à la CNSA de procéder à un rappel de ces règles à l’ensemble des MDPH.

Les efforts réalisés en ce domaine s’inscrivent dans une démarche de travail plus globale avec les MDPH, que j’ai engagée il y a maintenant plusieurs mois. Dans ce cadre, je leur ai demandé d’appliquer strictement certaines règles, comme celle que vous évoquez, ainsi que d’améliorer le délai de traitement des dossiers.

quotas de pêche au maquereau commun et filière artisanale française

M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin, auteur de la question n° 753, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargée de la mer et de la pêche.

M. Franck Dhersin. Madame la ministre, je souhaite vous parler du maquereau : c’est un petit poisson, certes, mais il représente un enjeu de taille.

Aujourd’hui, la situation est absurde et intenable. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir déjà accueilli notre colère et celle des pêcheurs du port de Boulogne-sur-Mer, qui est le premier port de pêche de France. J’associe d’ailleurs à ma question ma collègue Brigitte Bourguignon, sénatrice du Pas-de-Calais.

Dans dix jours, soit les 11 et 12 décembre prochain, nos pêcheurs seront fixés sur le total admissible de capture (TAC) de maquereaux pour l’année 2026, en baisse de 70 %, comme le préconisent les scientifiques.

Je vous remercie d’avoir réservé votre première visite d’une criée à celle de Boulogne-sur-Mer, le 14 novembre dernier. La veille, un préaccord unilatéral a été conclu entre la Norvège, l’Islande, les îles Féroé et la Grande-Bretagne, en l’absence de l’Union européenne.

Oui, la situation est intenable, car, faute d’un accord entre l’Union européenne et ces pays tiers, ces derniers continuent de s’arroger unilatéralement des quotas de pêche totalement déraisonnables au regard de la ressource halieutique.

Oui, la situation est absurde, car, si la crise dans la gestion du maquereau atteint aujourd’hui son point d’orgue, elle dure depuis au moins dix ans.

Chaque année, des scientifiques émettent un avis sur l’état d’une biomasse de plus en plus dégradée et, chaque année, les pêcheurs européens sont, de ce fait, astreints à des quotas de plus en plus drastiques.

Pendant ce temps, les pêcheurs des États non européens conservent le libre droit de piller – osons le dire ainsi – la ressource. Force est de constater qu’ils ne s’en privent pas.

Madame la ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il d’intervenir auprès de l’Union européenne non seulement pour instaurer des quotas de pêche européens adaptés à l’intérêt de la pêche française et de l’économie qu’elle représente pour nos littoraux, mais aussi pour assurer véritablement une gestion durable de la ressource ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargée de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Dhersin, votre question porte sur un enjeu majeur, celui de la négociation des TAC et des quotas de pêche pour le maquereau sur l’année 2026.

La baisse du total autorisé de capture prévue pour l’an prochain, de l’ordre de 70 %, est drastique, et même vertigineuse, mais c’est ce que recommandent les scientifiques. En outre, elle reflète des comportements absolument irresponsables adoptés par certains pays tiers depuis plus de dix ans et la volonté de la Norvège et de la Russie de nier les droits historiques de l’Union européenne dans cette zone.

Les services de mon ministère et de celui des affaires étrangères sont mobilisés pour soutenir la Commission européenne dans ses négociations avec la Commission des pêches de l’Atlantique du Nord-Est (CPANE), qui regroupe les États côtiers.

Ces derniers ne parviennent pas à s’accorder sur une répartition du quota de pêche de maquereaux, ce qui conduit chaque partie à s’accorder un quota de manière totalement unilatérale.

Cette année, les discussions sont encore plus difficiles avec les États tiers. Aucun accord n’a encore été trouvé, pas même sur le total admissible de capture.

Malheureusement, l’Union européenne est isolée, notamment parce qu’elle prône le suivi de l’avis scientifique, qui, malgré une estimation très basse, est nécessaire pour espérer limiter la dégradation de l’état de ce stock surpêché.

Aujourd’hui, ce stock est même au bord de l’effondrement, si bien que les professionnels de la pêche, il faut le savoir, soutiennent cette démarche.

Sur le plan juridique, un règlement renforçant la capacité de l’Union européenne à sanctionner économiquement les États non coopérants a récemment été adopté.

Sur un plan plus politique, j’ai échangé avec mon homologue britannique, la semaine dernière, pour engager un travail plus constructif et relancer des négociations collectives sur le TAC de maquereaux. J’ai également mobilisé mes collègues de Bruxelles.

La France, vous le savez, défendra auprès de la Commission européenne les intérêts de la pêche nationale et veillera à une meilleure gestion du stock, dont l’importance est cruciale, tous segments de flotte confondus.

exemption des emballages en carton des objectifs du réemploi