Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bruyen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Bruyen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut que se réjouir de constater la prise en compte effective de la LOA, à tout le moins en matière d'enseignement agricole.

Au titre des sujets de satisfaction, je tiens à souligner la mise en œuvre assez rapide, car l'exercice n'était pas simple, du bachelor Agro. Les premières unités proposant la préparation de ce diplôme devraient ouvrir en 2026.

Les acteurs de l'enseignement expriment toutefois des inquiétudes fondées.

Les maisons familiales rurales, qui voient leurs effectifs progresser significativement, pourraient légitimement prétendre à une revalorisation de leur dotation prenant en compte à juste niveau l'évolution du nombre de jeunes en formation. À défaut, il est à craindre que cette insuffisance de crédits ne contraigne les établissements à des choix douloureux, dont les autres formations dispensées dans le domaine des services à la personne seraient les victimes collatérales formations, et ce alors même que ces formations, qui sont essentielles au développement socioéconomique du monde rural, paraissent aujourd'hui retrouver un peu de souffle.

Un autre sujet particulièrement important, parce qu'il est encore insuffisamment pris en considération, est l'accueil d'élèves à besoins particuliers, lesquels présentent des niveaux de handicap bien plus élevés que par le passé.

La difficulté la plus inquiétante a toutefois été mise en lumière par le Conseil national de l'enseignement agricole privé, lequel compte 173 établissements, rejoints par les 90 structures de l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (Unrep), fédération laïque privée d'enseignement agricole. Oui, il est urgent de corriger une approche budgétaire qui bafoue depuis trop longtemps le principe d'équité entre le public et le privé, ainsi que les règles qui l'encadrent.

Il faut sans délai effacer un contentieux qui pourrait demain coûter bien plus cher que la somme évoquée aujourd'hui. Ne pas le faire reviendrait à placer un grand nombre d'établissements, déjà plus que fragilisés, en situation d'inévitable fermeture dès 2026. Le secteur public serait alors dans l'incapacité de se substituer à ces établissements privés qui accueillent 40 % des effectifs d'apprenants.

Je sais votre capacité à entendre nos alertes, monsieur le ministre. L'objectif d'une hausse de 30 % des personnes formées est à notre portée, il est crucial pour assurer l'indispensable renouvellement des générations.

Si je reste optimiste quant à nos capacités à atteindre cet objectif, notre réussite suppose que deux conditions soient remplies.

D'une part, si le contexte difficile que nous connaissons appelle un effort global de réduction de la dépense publique, la trajectoire budgétaire des prochains exercices devra prendre en compte la hausse des effectifs. Nous n'accueillerons pas 30 % d'étudiants supplémentaires sans moyens complémentaires significatifs.

D'autre part, il faut corriger sans attendre la distorsion d'équité de financement entre les établissements publics et privés. Aujourd'hui, l'estimation de ce différentiel ne fait raisonnablement pas état des années antérieures. Il est toutefois admis que le protocole d'accord pourra prévoir un étalement de la somme due sur plusieurs exercices. Naturellement, pas un centime d'euro ne sera engagé avant la signature de cet accord.

Tout en souhaitant vous faire confiance, je le dis donc avec un peu de gravité, monsieur le ministre : il faut adresser un signal rassurant, encourageant à ces établissements en grande difficulté. En l'état, l'enseignement agricole, que l'on qualifie souvent à juste titre de pépite de notre système éducatif,

Mme Nathalie Goulet. Oui, c'est une réussite !

M. Christian Bruyen. … ne dispose d'aucune marge de manœuvre. Au vu des enjeux agricoles majeurs qui sont devant nous, efforçons-nous de ne pas ternir son éclat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Colombe Brossel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si, comme Marie-Pierre Monier vient de le rappeler au nom du groupe socialiste, les enseignants et personnels de direction sont au cœur du système éducatif, la vie des élèves ne commence pas à la porte des salles de classe et elle ne s'arrête pas à l'heure de la sonnerie.

L'école de la République est un lieu de vie, d'apprentissage et d'émancipation qui doit être considéré dans son ensemble. Chaque jour, des professionnels tout aussi importants du point de vue éducatif que les enseignants sont présents aux côtés des élèves. Je pense aux infirmiers, aux médecins, aux psychologues, aux travailleurs sociaux, aux AESH, aux conseillers principaux d'éducation (CPE) ou encore aux assistants d'éducation (AED).

Tous ces professionnels qui participent à l'encadrement, au bien-être, in fine à la réussite scolaire des élèves, doivent également avoir toute notre attention et bénéficier des moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions.

Mes chers collègues, à la lecture du budget qui nous est proposé, le groupe socialiste constate à regret que le Gouvernement ne partage pas son analyse.

Quelque 900 : c'est le nombre de médecins scolaires présents dans les établissements, ce qui revient à 1 médecin pour 12 000 élèves, alors qu'il en faudrait 1 pour 5 000 élèves. Face à cette situation, le Gouvernement ne propose rien, ni pour relever le nombre de postes ni pour rendre le métier plus attractif.

Quelque 125 : c'est le nombre moyen d'élèves par AED, au collège comme au lycée, alors que celui-ci s'établissait à 89 en 2019. Là encore, le Gouvernement ne prévoit rien.

Comment lutter, par exemple contre le harcèlement scolaire, lorsque le nombre d'adultes présents dans les établissements décroît ? Nous présenterons des amendements visant à remédier à cette situation.

Nous nous opposerons par ailleurs au projet du Gouvernement de diminuer une nouvelle fois la part collective du pass Culture, qui constitue pourtant la grande réussite de ce dispositif, ainsi que les crédits pédagogiques. Une telle disposition viserait, nous dit-on, à éviter des effets d'aubaine. Dans ce cas, augmentez les crédits alloués à l'éducation artistique et culturelle, monsieur le ministre ! Vous n'en faites rien.

Une baisse s'ajoutant à une autre, à la fin, c'est l'ambition que nous avons pour nos élèves qui baisse.

La seule bonne nouvelle, ce soir, c'est que les masques tombent. Les sénateurs du Rassemblement national ont en effet retiré, juste avant la séance, un amendement visant à revenir sur la suppression de 4 000 postes d'enseignants. Ils ont d'ailleurs quitté l'hémicycle ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Bien qu'apparemment anecdotique, une telle décision ne sera pas sans conséquence au cours des semaines et des mois à venir, lorsque nous irons à la rencontre des habitants de nos territoires et que, du fait de ces suppressions, des fermetures de classe auront été annoncées, notamment dans les territoires ruraux et périurbains. Nous rappellerons alors que les membres du Rassemblement national sont les amis des grands patrons, encouragent les politiques libérales et, apportant en cela leur soutien au Gouvernement, ont refusé de se battre contre la suppression de 4 000 postes d'enseignants. Ils sont donc les fossoyeurs des services publics.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Colombe Brossel. C'est une bonne nouvelle pour la démocratie que les masques soient tombés de la sorte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Evren. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Evren. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons un budget dont le montant, qui s'élève à près de 90 milliards d'euros, en fit longtemps le premier budget de l'État.

Derrière les chiffres, l'inquiétude persiste pourtant. L'école, premier chantier de notre pays, tient-elle encore sa promesse républicaine ?

Du point de vue budgétaire, il y a un immense paradoxe : alors que le montant des crédits paraît considérable, le niveau scolaire est en chute libre. L'attractivité du métier d'enseignant baisse et le nombre de postes vacants progresse.

L'institution est menacée par un délitement de l'autorité et par les failles qui compromettent la protection des personnels éducatifs – une surveillante assassinée, des professeurs agressés, des proviseurs menacés, des enseignants qui s'autocensurent.

L'école doit redevenir le sanctuaire décrit par Hannah Arendt : elle doit permettre la transmission des savoirs fondamentaux et la construction d'un esprit critique.

Les classements internationaux montrent pourtant que nos résultats académiques s'effondrent. L'addiction aux écrans, qui nuit à la concentration et à la santé mentale et physique de nos enfants, contribue à ces médiocres performances.

Il nous faut écouter les alertes émanant de la communauté éducative, des parents et des élèves, que ce soit sur l'autorité, sur la crise des vocations, sur le niveau scolaire des élèves ou sur la santé mentale de nos enfants.

L'autorité doit redevenir le socle de notre école républicaine. Quelque 100 000 professeurs sont agressés ou menacés chaque année et près de la moitié des enseignants déclarent s'être déjà autocensurés. Rien qu'en octobre 2025 527 atteintes à la laïcité ont été recensées. Au cours de l'année scolaire 2024-2025, 1 668 actes antisémites ont été perpétrés au sein de nos établissements scolaires.

Ces signaux faibles sont devenus des signaux forts : lorsque nos professeurs ne sont plus protégés, c'est la République elle-même qui est en danger. Je salue d'ailleurs à ce titre la nécessaire et courageuse proposition de loi visant à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent de Laurent Lafon, dont Annick Billon est la rapporteure.

J'en viens à la crise des vocations. On comptait près de 100 000 élèves de moins dans les classes à la rentrée 2025. Comme mon collègue Jacques Grosperrin le soulignait, nous souhaitons que les revalorisations salariales soient enfin effectives, même si elles ne suffiront pas à mettre un terme aux vagues de démissions dans l'éducation nationale, dont – faut-il le rappeler ? – le nombre a été multiplié par six en dix ans.

Mieux former, mieux recruter, offrir des perspectives d'évolution : voilà, comme l'a rappelé Max Brisson, ce que nous devons à nos professeurs.

En ce qui concerne le niveau scolaire, les évaluations internationales attestent un recul continu en mathématiques, une augmentation du nombre d'élèves en grande difficulté de lecture et un recul des apprentissages fondamentaux.

La part d'élèves ayant un niveau très faible en mathématiques a été multipliée par six en trente ans, tandis que dans le dernier classement Pisa (programme international pour le suivi des acquis des élèves), la France était classée au vingt-huitième rang en compréhension écrite.

La succession de huit ministres de l'éducation nationale depuis 2022, qui a conduit à une politique de zigzag permanent, n'a pas permis de fixer un cap clair et une ambition élevée pour l'éducation de nos enfants.

J'aborde un dernier sujet qui me paraît tout à fait fondamental : la santé mentale de nos élèves.

Si elle ne peut pas porter seule tout le poids des fragilités psychiques, l'école ne peut détourner le regard non plus. Tel est du reste le sens de la proposition de loi visant à rendre obligatoire le dépôt des téléphones portables à l'entrée des écoles et collèges et à renforcer la prévention concernant l'abus d'écrans chez les jeunes, que j'ai déposée avec l'aide de Catherine Morin-Desailly.

Où en est, par ailleurs, la généralisation annoncée de la pause numérique ? Quid du manque cruel d'infirmières, de psychologue et de médecins scolaires qu'a souligné Laure Darcos ?

Pour conclure, ce budget ne se résume pas à un tableau comptable. Il est la projection de ce que nous voulons pour l'école de demain : une école qui assume l'autorité en soutenant ses enseignants, en accompagnant les élèves, en investissant dans les savoirs.

Monsieur le ministre, l'éducation nationale a une obligation de résultat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que je viens vous présenter doit à mon sens satisfaire à deux exigences : d'une part, pourvoir aux besoins et financer les réformes qui interviendront en 2026, pour permettre à l'éducation nationale de préparer le plus sereinement possible la prochaine rentrée, ce qui se fait dès maintenant, d'autre part, s'inscrire dans une perspective de plus long terme marquée par la chute démographique que notre école connaît en avance de phase des autres services publics, en particulier dans les territoires ruraux.

Les enfants qui naissent aujourd'hui entreront à l'école dans trois ans et passeront leur baccalauréat en 2043, dans une école qui comptera environ 20 % d'élèves de moins qu'aujourd'hui. En 2043, l'école accueillera en effet moins de 10 millions d'élèves, contre près de 12 millions aujourd'hui.

Ce que vous déciderez aura des effets non seulement pour la rentrée 2026, mais aussi bien au-delà. Comme vous le savez, depuis le début de nos fructueuses discussions, j'estime que, pour s'emparer pleinement de la question éducative, il faut avoir simultanément une vision annuelle et une vision à vingt ans.

En réponse aux observations qui ont été formulées, ou en tout cas à une grande partie d'entre elles, permettez-moi de rappeler les trois axes qui sont à mes yeux prioritaires.

Il nous faut premièrement assurer l'efficacité et la qualité pédagogique du service public de l'éducation. Si la situation est loin d'être parfaite, les efforts engagés dans le premier degré depuis 2017 ont porté des fruits. Jamais les écarts n'ont été aussi faibles entre les élèves qui sont scolarisés au sein d'un réseau d'éducation prioritaire (REP), singulièrement en REP+, et les élèves scolarisés en dehors de ces réseaux.

Notre école primaire a par ailleurs progressé dans les classements internationaux. L'enquête réalisée en 2021 par le programme international de recherche en lecture scolaire (Pirls) montre en effet que les élèves français sont les seuls dont le niveau a augmenté. Entre 2017 et 2024, le score de nos élèves a augmenté de quatre points en mathématiques et de six points en français, cette dernière hausse étant encore plus marquée en REP+, où elle atteint neuf points.

Quant à la fluence qu'évoquait M. le sénateur Durox, le taux d'élèves atteignant les attendus en début de sixième s'établissait en septembre dernier non pas à 50 % – ce taux date de 2021 –, mais à 61,7 %. Nous progressons donc, même si le niveau reste très fragile, en particulier au collège.

Depuis vingt-cinq ans, notre pays se distingue des autres pays de l'OCDE par deux spécificités : nous formons globalement de moins en moins d'élèves que l'on pourrait qualifier d'excellents et nous avons un nombre anormalement haut d'élèves en grande difficulté.

Pour remédier à ces difficultés de niveau, il nous faut des professeurs compétents et formés. Un élève réussit quand il a un professeur compétent, formé, mais aussi accompagné et soutenu par l'institution.

Comme je l'ai déjà indiqué dans cet hémicycle, il est à mes yeux essentiel que l'institution soutienne et prenne soin de l'ensemble de ses personnels, en veillant notamment à la qualité de la communication et de la gestion des carrières. J'en fais une priorité absolue.

Il nous faut remettre les personnels au centre, singulièrement les professeurs : ils ont pour mission d'instruire, de transmettre et de faire grandir ; à ce titre, ils doivent être non seulement formés, mais aussi respectés, soutenus et encouragés.

Nous devons deuxièmement remédier à la très grande difficulté scolaire et aux inégalités territoriales. Dans 15 % des collèges, plus de 40 % des élèves obtiennent au diplôme national du brevet une note inférieure à huit sur vingt en français et en mathématiques. Nous ne pouvons pas nous résoudre à avoir autant d'élèves en si grande difficulté, qui sortent du système éducatif ou poursuivent leur cursus avec de très grandes lacunes, d'autant que cette situation dure depuis des années.

Je souhaite donc qu'un effort particulier soit fourni en faveur de ces établissements – c'est l'un des enjeux de ce budget. Je ne crois pas, moi non plus, qu'il existe une organisation universelle applicable partout. Je constate sur le terrain qu'il existe toute sorte d'écoles et d'établissements et que les conditions d'apprentissage n'étant pas les mêmes sur l'ensemble du territoire, il nous faut élaborer des réponses spécifiques.

En tout état de cause, ces établissements caractérisés par une forte proportion d'élèves en difficulté doivent bénéficier d'un effort particulier, en lien étroit avec les collectivités territoriales, qui sont à mes yeux les partenaires « absolus » de l'éducation nationale.

Nous devons troisièmement prendre soin de la santé mentale et physique de nos élèves, comme plusieurs d'entre vous l'ont rappelé. Nous avons deux missions : instruire et prendre soin, c'est-à-dire protéger.

Un certain nombre de signaux, corroborés par la science, convergent pour attester de la dégradation de la santé psychique d'une partie de nos jeunes. Un tiers des jeunes entre 11 ans et 24 ans déclarent souffrir de troubles anxiodépressifs – cela figure dans l'étude Mentalo de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). La proportion deux fois plus élevée chez les filles et croît avec la consommation d'écrans.

Pour faire face à cet enjeu collectif, l'école ne suffit pas, mais elle joue un rôle majeur. J'aurai l'occasion, au cours des prochaines semaines, de prendre un certain nombre de décisions, après concertation, notamment au sujet de l'usage des écrans pendant l'intégralité du cycle scolaire.

Nous devons également achever de réussir le défi de l'école inclusive. Je rappelle que c'est un véritable service public de l'école inclusive qui s'est développé depuis une dizaine d'années. Le métier d'accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) est devenu le deuxième de l'éducation nationale, avec plus de 145 000 AESH, à rapporter aux 800 000 professeurs. Les élèves en situation de handicap augmentent de 10 % par an.

C'est à tous ces enjeux, et aux autres que vous avez évoqués, mais que je n'ai pas le temps d'aborder dans le temps qui m'est imparti, que le budget 2026 apporte une réponse à l'échelle annuelle, mais dans une perspective que je souhaite, bien sûr, pluriannuelle.

Pour entrer davantage dans le détail, j'observe, pour m'en réjouir, que ce budget augmente de nouveau cette année, que ce soit en masse financière ou en emplois. En crédits de paiement, l'éducation nationale demeure ainsi le premier budget de l'État avec 63 milliards d'euros, l'augmentation ayant tout de même été de 30 % depuis 2017.

Le schéma d'emplois demeure positif, parce que nous voulons continuer de recruter et, surtout, amorcer la pompe de l'attractivité avec la réforme du concours pour renforcer aussi le taux d'encadrement dans nos écoles et nos établissements.

Cependant, augmenter un budget ne signifie pas qu'il faut ignorer les réalités. La première d'entre elles, j'y reviens, c'est la transformation démographique que connaît notre pays.

Entre 2019 et 2029, nous aurons perdu un million d'élèves dans le premier degré : nous passerons de 6,7 millions à 5,7 millions d'élèves. J'ai eu l'occasion, il y a quarante-huit heures d'assister à un séminaire dans lequel intervenait l'économiste Julien Grenet. Selon lui, d'ici à 2034, nous connaîtrons une chute de 25 % des effectifs dans le premier degré par rapport à 2015. Le collège commence à être sérieusement touché et, dans deux ou trois ans, ce sont les lycées qui le seront. La pente s'accélère : il y a quelques années, nous perdions 40 000 élèves par an ; à la rentrée prochaine, nous en perdrons 150 000.

Cette perspective à vingt ans doit nous pousser à repenser en profondeur le contenu de l'offre scolaire. De quoi s'agit-il au XXIe siècle, dans un pays où la démographie ne correspond plus à ce pour quoi le paysage scolaire a été conçu, à savoir une démographie réputée rester dynamique ?

Dans ce cadre, partant d'un principe qui consiste à agir et à ne pas subir, le Gouvernement propose la suppression de 4 000 postes d'enseignants. En voici la logique, qui n'est ni comptable ni théorique. Elle s'articule autour de trois points.

Premièrement, nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de la démographie. J'en suis intimement convaincu.

Deuxièmement, nous devons favoriser un atterrissage en douceur des effets de la baisse de la démographie et, autant que faire se peut, tempérer ceux qui sont négatifs pour freiner les fermetures de classes, notamment en milieu rural. C'est dans ce cadre que j'ai demandé que les observatoires des dynamiques rurales couvrent désormais tout le territoire, que leurs données soient systématiquement partagées à un horizon d'un an, trois ans et cinq ans – voire plus, si possible – et qu'ils deviennent des lieux de travail avec les collectivités sur l'évolution de l'offre scolaire.

Troisièmement, nous devons, paradoxalement, prendre un peu de temps pour réfléchir à l'évolution de cette offre, territoire par territoire. Cela ne se fera pas depuis la rue de Grenelle. Comme cela était rappelé, je me suis rendu à l'école de Bunzac, en Charente ; depuis mon ministère, je ne sais pas quelle sera la destinée de cet établissement. En revanche, j'ai pu observer que, localement, notamment dans le cadre des intercommunalités, les élus locaux accomplissent un travail remarquable ; quand consensus il y a, l'école doit bien évidemment accompagner le mouvement.

Nous avons trois options théoriques, qu'il faudrait en réalité projeter sur plusieurs années.

La première option consiste à dire que, dans le fond, il n'est pas nécessaire de s'ajuster par rapport à la démographie. Il suffirait de ne supprimer aucun poste. Ainsi, nous nous rapprocherions des standards de l'OCDE qui sont aujourd'hui de dix-neuf enfants par classe.

Pour pouvoir apprécier cet effectif, il faut tenir compte de la situation des pays membres de l'OCDE. Ainsi, depuis trente, l'Italie a ans un taux de fécondité inférieur à 1,3 enfant par femme, contre 1,6 dans notre pays, alors même que nous abordons la faille démographique. Nous ne parlons donc pas de la même réalité au même moment.

Choisir cette option reviendrait à créer une crise de recrutement d'ici sept à dix ans. Je ne tiens pas à laisser à mes successeurs, quels qu'ils soient, une situation dans laquelle ils devront réduire drastiquement le nombre de postes, parce que tout aurait été maintenu à l'identique pendant trop longtemps.

La deuxième option serait de suivre strictement l'évolution de la démographie. Cela ne paraît pas non plus souhaitable. Nous avons déjà eu une discussion très fructueuse à ce sujet.

La troisième option s'inscrit entre ces deux extrêmes. Nous faisons le choix d'une évolution qui me semble profondément raisonnable, consistant à suivre une partie de la démographie et à mobiliser les marges générées, si je puis dire, par l'autre partie de la démographie, pour limiter autant que possible les fermetures de classes en milieu rural et pour améliorer le taux d'encadrement.

Vous savez en effet que, depuis 2017, le taux d'encadrement dans le premier degré s'est amélioré systématiquement dans tous les départements, chaque année. Il n'y a pas eu un seul département, pas une seule année où le taux d'encadrement ne s'est pas amélioré en nombre de professeurs pour cent élèves.

J'en viens à la réforme de la formation initiale des enseignants, que je considère comme l'autre grand chantier de ce budget. Le recrutement en troisième année de licence (L3) est un enjeu déterminant, puisque ces étudiants, futurs enseignants, seront rémunérés pendant leurs deux années de master. Nous vous proposons de créer, dans le cadre de ce projet de loi de finances, 8 000 postes d'élèves fonctionnaires, avec un enjeu de réalisation majeur, puisque ces élèves seront rémunérés 1 400 euros net en première année de master et 1 800 euros net en deuxième année.

Nous avons reçu, hier soir, les chiffres des inscriptions aux concours. Je vous les livre : ce nombre a quasiment doublé. Cela paraît logique, puisqu'il y a deux niveaux de recrutement, sauf qu'il y a moins de candidats en deuxième année de master et plus de candidats en troisième année de licence. En d'autres termes, l'effet de dilatation progressif – et il sera progressif, il n'y aura pas de miracle – de la pyramide au niveau de la troisième année de licence, donc d'ouverture sociale aussi, commence à jouer.

Vous me pardonnerez de le dire d'une manière aussi directe, mais l'éducation nationale a besoin d'un budget pour financer la mesure nouvelle que représente la création de ces 8 000 équivalents temps plein (ETP). Concrètement, sans moyens budgétaires, les 85 000 étudiants en troisième année de licence qui se sont inscrits cette année au concours ne pourront pas le passer, car je ne serai pas en mesure d'ouvrir ces nouveaux postes.

Au-delà de ces transformations structurelles – la dimension démographique et, en corollaire, la réflexion sur l'offre scolaire et les concours de recrutement –, nous devons également nous emparer des sujets que vous avez évoqués en matière d'inclusion et de santé scolaire.

Quelque 1 500 créations d'emplois sont prévues dans ce domaine, notamment 1 200 emplois d'accompagnants d'élèves en situation de handicap. Cela représente un effort important. Progressivement, nous essayons d'améliorer leurs conditions d'emploi : ils bénéficient désormais d'un quasi-statut et leur rémunération a augmenté de 13 % au cours des deux dernières années. Nous avons créé en vis-à-vis 300 postes médico-sociaux – psychologues, assistants sociaux et infirmiers –, qui visent à renforcer l'accompagnement des élèves en dehors de l'enseignement.

À mon sens, c'est un enjeu à la fois essentiel et de long terme. En réalité, si nous nous projetons sur les dix ou vingt prochaines années, nous aurons sans doute progressivement besoin d'un peu moins de professeurs du fait de la démographie, mais de plus d'infirmiers, d'assistants sociaux ou de psychologues de l'éducation nationale. Je suis convaincu de cela.

Quant à l'enseignement agricole, au sujet duquel je représente ma collègue Annie Genevard, il voit ses crédits augmenter de 7 % en cinq ans. Il y a quelques années, nous étions tous très inquiets. Nous avons fait un travail d'orientation considérable pour faire connaître cette voie de réussite et d'avenir pour notre souveraineté alimentaire. Manifestement, cela porte ses fruits et je me permets de m'en réjouir au nom de tous ceux qui y participent.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je défends devant vous en présentant ce budget. J'ai bien conscience des défis qu'il nous faut relever. Je vous assure également que la coopération étroite avec les collectivités territoriales, quel que soit leur niveau, sera au cœur de mon action.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures dix,

est reprise à vingt et une heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2026.

Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission, figurant à l'état B.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à quatre heures.

Nous pourrions prévoir une heure de discussion supplémentaire pour terminer son examen aux alentours d'une heure du matin. Au-delà de cet horaire, conformément à l'organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents et en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de cette mission sera reportée au dimanche 7 décembre.

Quatre-vingt-huit amendements sont à examiner.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Enseignement scolaire

89 623 156 280

89 643 976 423

Enseignement scolaire public du premier degré

27 909 445 801

27 911 895 801

dont titre 2

27 853 974 129

27 853 974 129

Enseignement scolaire public du second degré

40 007 854 624

40 007 854 624

dont titre 2

39 646 484 228

39 646 484 228

Vie de l'élève

8 074 529 556

8 078 759 956

dont titre 2

5 631 528 394

5 631 528 394

Enseignement privé du premier et du second degrés

8 874 491 322

8 874 491 322

dont titre 2

7 974 120 679

7 974 120 679

Soutien de la politique de l'éducation nationale

3 023 059 802

3 056 170 353

dont titre 2

2 199 743 616

2 199 743 616

Enseignement technique agricole

1 733 775 175

1 714 804 367

dont titre 2

1 149 864 516

1 149 864 516