Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son discours aux écoles laïques de Castres, Jean Jaurès déclarait : « La démocratie a le devoir d’éduquer l’enfance. »

À chaque examen du budget de la mission « Enseignement scolaire », nous devons nous poser cette question : sommes-nous collectivement à la hauteur de ce devoir ? Je crains que, cette année encore, la réponse ne soit négative.

Je connais cette petite musique : les moyens actuels seraient largement suffisants et l’amélioration de notre service public d’éducation nécessiterait plutôt de repenser son organisation. Pourtant, les faits sont têtus.

Selon Julien Grenet, chercheur à l’école d’économie de Paris, « la France se situe parmi les pays de l’OCDE qui dépensent le moins pour l’école primaire. La dépense par élève dans le primaire y est inférieure de 11 % à la moyenne de l’OCDE. »

M. Grenet précise que notre pays compte les classes parmi les plus chargées d’Europe. Nous dénombrons 21 élèves par classe en moyenne, soit deux de plus que la moyenne européenne. De surcroît, les salaires de nos enseignants du primaire sont inférieurs de près de 20 % à la moyenne des pays de l’OCDE.

Nous affichons l’un des pires taux d’encadrement de l’Union européenne : alors que la moyenne s’établit à 13,7 élèves par professeur, nous atteignons 18,2. D’après les données d’Eurostat pour 2022, seule la Roumanie fait moins bien.

Le sous-investissement dans notre système éducatif n’est pas une vue de l’esprit, mais une réalité tangible.

Face à ce constat, l’évolution démographique devrait être perçue comme l’occasion d’améliorer les conditions de scolarisation pour tous, à moyens constants. Or ce budget traduit encore une vision comptable et des suppressions de postes. Au total, 4 018 équivalents temps plein travaillé (ETPT) d’enseignants doivent disparaître, dont 1 891 dans le premier degré et 1 365 dans le second.

Se livrant à une surenchère difficilement compréhensible, M. le rapporteur spécial nous a même invités à aller encore plus loin, en commission, en supprimant 8 000 ETP d’enseignants.

Mes chers collègues, il y a seulement quelques mois, nous étions nombreux, sur toutes les travées de cet hémicycle, à dénoncer les fermetures de classes dans nos territoires, notamment ruraux.

Si vous faites le choix, aujourd’hui, de supprimer des postes, vous devrez assumer demain, dans vos départements respectifs et devant les élus locaux, la responsabilité de fermetures de classes douloureuses. Les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen) ne font que ce qu’ils peuvent avec les moyens que nous leur donnons, et que nous leur donnerons ce soir.

Le second degré est lourdement mis à contribution, puisque les suppressions de postes programmées vont au-delà de l’évolution démographique. Voici quelques exemples concrets des tensions existantes, faute de professeurs en nombre suffisant.

L’an dernier, dans un collège de l’Ain, le professeur de français d’une classe de troisième de 32 élèves a été absent une bonne partie de l’année. Faute de remplaçant, les cours ont finalement dû être assurés en visioconférence pour ces 32 élèves pendant plusieurs mois.

Plus près de chez moi, un chef d’établissement de la Drôme m’a récemment expliqué être confronté au dépassement du seuil de 30 élèves par classe en sixième. Il m’a également confié avoir l’habitude de se rendre sur France Travail pour pallier les vacances de postes ou chercher des professeurs remplaçants.

Dès lors, comment s’étonner du manque d’attractivité de la profession enseignante et des déficits constatés chaque année à l’issue des concours ? Nous comptons 1 700 postes vacants en 2025, dans un contexte où les salaires réels des enseignants français n’ont progressé que de 1 %, contre 4 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.

La commission d’enquête sur les défaillances de prise en charge du handicap, menée à l’Assemblée nationale, souligne que nous ne sommes pas non plus à la hauteur des promesses en matière d’inclusion scolaire. Au total, 14 % des enfants en situation de handicap ne bénéficient pas de l’accompagnement auquel ils ont droit, soit 33 % de plus qu’en 2024. Au regard de ces graves carences, le recrutement de seulement 1 200 AESH supplémentaires, prévu par ce budget, est loin d’être à la hauteur des enjeux.

Je conclurai en évoquant l’enseignement agricole. Les effectifs en hausse, de plus de 7 % sur cinq ans, témoignent du dynamisme et de l’attractivité de cet enseignement, pépite de nos territoires. Je m’en réjouis, mais je constate à regret que nous n’en tirons pas les conséquences.

La loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture a fixé l’objectif d’une augmentation de 30 % des effectifs d’élèves à l’horizon 2030. Nous devons donc nous donner les moyens de nos ambitions.

Le présent budget crée 30 ETP d’enseignants supplémentaires, mais cet effort paraît bien insuffisant au regard des 241 suppressions survenues entre 2019 et 2025. Rétablissons ces postes, comme nous l’avions voté au Sénat en 2020 ; l’enjeu est trop important pour que l’on remette cette décision à plus tard.

Pour toutes ces raisons, et d’autres, que ma collègue Colombe Brossel aura l’occasion d’évoquer, les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se prononceront contre l’adoption des crédits alloués à l’enseignement scolaire.

Il y a urgence à sauver notre école publique et il est temps d’en prendre la mesure. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous examinons ce soir le budget de l’éducation nationale, qui se trouve, selon vos propres termes, monsieur le ministre, dans une situation extrêmement inquiétante. Vous en êtes pourtant l’auteur…

Ce projet de loi de finances aggrave ainsi les inquiétudes au lieu d’y répondre.

Concernant les 4 000 postes supprimés, à l’heure où la démographie scolaire baisse, une question simple s’impose : faut-il supprimer des postes ou saisir cette occasion pour réduire les effectifs des classes, améliorer l’inclusion et renforcer l’accompagnement des élèves ? Pour votre part, vous avez tranché : ce PLF ne servira ni les élèves ni leurs enseignants.

Reléguée au neuvième rang protocolaire du Gouvernement, l’éducation nationale ne constitue définitivement plus une priorité dans notre pays.

Pour masquer ce déclassement, le Gouvernement se vante de créer 5 440 postes. Dans les faits, ces créations ne résultent que d’une manœuvre technique liée à la réforme du concours de recrutement en troisième année de licence (L3) ; les postes concernés disparaîtront mécaniquement dans trois ans. En réalité, 4 018 postes d’enseignants seront supprimés, à savoir 2 373 dans le premier degré et 1 645 dans le second.

Les moyens budgétaires stagnent. Les crédits des programmes consacrés aux premier et second degrés, ainsi qu’à l’enseignement privé sous contrat, progressent à peine. Ils ne permettront donc pas de répondre aux besoins croissants des équipes éducatives.

Cette absence d’ambition est d’autant plus grave que la situation se dégrade depuis longtemps. Depuis 2017, près de 9 000 postes ont été supprimés dans le second degré, alors même que les effectifs augmentaient. Les classes sont plus chargées, avec 26 élèves en moyenne au collège et plus de 31 au lycée ; les enseignants doivent faire face à des injonctions multiples avec toujours moins de moyens.

En outre, ce budget opère des choix antisociaux. Je pense au coup de rabot de 2 millions d’euros porté aux fonds sociaux destinés à aider les familles en grande difficulté financière, ou encore à l’amputation de près de 10 millions d’euros infligée au pass Culture scolaire.

Enfin, les opérateurs du ministère sont eux aussi touchés, singulièrement le réseau Canopé, pilier des ressources pédagogiques.

Je souhaite également attirer l’attention sur l’enseignement agricole public. Le PLF 2026 ne crée que 40 ETP, dont 30 sont affectés au nouveau bachelor Agro. Autrement dit, rien n’est prévu pour les lycées agricoles traditionnels, lesquels sont pourtant au cœur de la formation des futurs agriculteurs.

Alors que, dans le public, l’État se désengage, le secteur privé agricole bénéficie de financements multiples : dotations de l’État, subventions au titre de l’article 44, fonds européens, aides régionales et départementales, financements des opérateurs de compétences (Opco) et soutien aux frais de scolarité.

Pourtant, la loi Duplomb fixe l’objectif d’une hausse de 30 % des effectifs d’ici à 2030. Comment former plus, mieux et plus vite à moyens constants et avec des équipes exsangues ?

Ce PLF ne répond pas à l’impératif de renouvellement des générations, alors que 45 % des agriculteurs partiront à la retraite dans les dix ans qui viennent.

J’en viens à la situation des AESH, personnels essentiels à l’inclusion et à la scolarisation des 350 000 élèves en situation de handicap.

Alors que le nombre d’enfants concernés augmente de 8 % à 10 % par an, le rythme des créations de postes ralentit dangereusement : 3 000 en 2024, contre seulement 1 200 en 2026. C’est trois fois moins en trois ans, alors même que les besoins explosent.

Par ailleurs, ces agents perçoivent entre 850 et 1 000 euros par mois, en temps partiel imposé. Votre feuille de route budgétaire ne fait que confirmer la précarité de ces personnels essentiels : ils n’y trouveront ni reconnaissance ni revalorisation.

Ce désinvestissement global de l’État est confirmé par les grandes études internationales. Selon l’OCDE, la France dépense moins que la moyenne pour ses élèves du primaire et du collège ; les classes y sont plus chargées et les enseignants bien moins rémunérés. Les compétences fondamentales stagnent ou reculent, car nous exigeons toujours plus malgré des moyens constants, voire décroissants.

Ce budget acte le renoncement à renforcer les équipes pédagogiques, à garantir l’inclusion et à faire de l’école un pilier de la République.

Monsieur le ministre, où est passée l’égalité des chances, principe de l’école de la République ? Qu’avez-vous donc fait de l’école de la réussite ?

Pour toutes ces raisons, les élus du groupe communiste refusent ce budget.

Nous l’amenderons pour défendre une véritable reconquête éducative, passant par des créations de postes, la réduction des effectifs par classe, la titularisation des AESH, l’augmentation des moyens pédagogiques et une revalorisation réelle des métiers de l’école. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Monique de Marco. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, de tous les ministères, l’éducation nationale est sans doute celui qui pâtit le plus de l’instabilité politique que nous traversons.

Pour la première fois, l’éducation n’est plus le premier budget de l’État : elle passe au deuxième rang, derrière la défense. Cette inversion illustre un changement de priorité de la Nation, selon Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la commission des finances.

Qui veut la paix prépare la paix, et l’éducation contribue à la paix : je ne peux me résoudre à cette relégation.

Comme dans les écoles, les collèges et les lycées, nous avons cessé de compter les ministres qui se sont succédé à cette tribune pour nous promettre de grandes réformes, avant même de s’assurer que l’essentiel était garanti.

Qu’est-ce que l’essentiel en matière d’éducation ? C’est un enseignant dans chaque classe, des classes dans tous les établissements et des établissements dans tous les territoires.

Monsieur le ministre, la semaine dernière, vous vous êtes rendu dans un petit village de Charente. (M. le ministre le confirme.) Vous y avez été interpellé par des parents d’élèves et des élus souhaitant préserver leur école, menacée d’être rayée d’un trait de plume.

Vous leur avez répondu par des chiffres. Vous avez fait valoir que l’école rurale représenterait 30 % des établissements pour 18 % des élèves ; que la chute de la natalité nous obligeait à nous projeter à long terme. Cette réponse est inquiétante : l’éducation deviendra-t-elle un privilège de centre urbain ?

Conformément à l’article 22 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, nous devons mettre l’instruction à la portée de tous. Comment garantir ce principe constitutionnel quand plus de 17 000 écoles ont fermé en quarante ans ? Il s’agit d’une véritable rupture d’égalité, qui frappe de plein fouet nos territoires ruraux.

Avant d’entrer au Gouvernement, votre collègue Michel Fournier, ministre délégué chargé de la ruralité, appelait de ses vœux un moratoire sur les fermetures de classes en zone rurale. Nous soutenons cette démarche, car laisser s’installer des déserts scolaires revient à renoncer à l’égalité républicaine.

Aujourd’hui – les précédents orateurs l’ont rappelé –, les collèges et les lycées de France comptent les classes les plus chargées d’Europe. C’est là le résultat d’une baisse continue, depuis 1996, de la part du PIB consacrée à l’éducation nationale. En conséquence, la France dépense 11 % de moins par élève que la moyenne des pays de l’OCDE.

La baisse démographique est une occasion historique d’améliorer notre taux d’encadrement et de rattraper notre retard.

Au lieu de cela, votre budget est marqué par la suppression de 4 000 postes d’enseignants, saignée qui s’ajoute aux 9 000 suppressions actées depuis 2017. Il faut cesser de justifier ces coupes par la baisse du nombre d’élèves, sans prendre en compte la dégradation des conditions de travail et d’apprentissage.

L’essentiel de l’éducation nationale réside dans l’équipe pédagogique. Je pense à la fois aux professeurs et à ceux qui les accompagnent au quotidien. À la rentrée 2025, il manquait déjà plus de 3 000 enseignants. Comment espérer susciter des vocations sans améliorer les rémunérations et les conditions de travail ? Nous défendrons des amendements en ce sens.

Concernant les AESH, on ne nous propose que 1 200 nouveaux postes, soit deux fois moins que l’an dernier et trois fois moins qu’il y a deux ans. Je rappelle que plus de 48 000 enfants sont en attente d’un accompagnement.

Le métier d’AESH demeure pourtant l’un des plus précaires du service public, avec un salaire moyen inférieur à 1 000 euros. Sur ce sujet aussi, monsieur le ministre, vous devez entendre nos propositions.

L’essentiel de l’éducation nationale, ce sont aussi les élèves. Et sur ce point aussi, la situation est préoccupante : dans certaines écoles du centre-ville de Bordeaux, un enfant sur cinq est sans domicile fixe – je dis bien un enfant sur cinq. Les enseignants connaissent bien cette réalité sociale. Nous attendons que vous preniez ce sujet à bras-le-corps, avec vos collègues chargés des ministères sociaux.

Enfin, comment ne pas évoquer également la santé scolaire ? L’éducation nationale est devenue en quelques années le premier désert médical de France. Infirmières, médecins, psychologues ou encore assistantes sociales : partout, les postes manquent. Les promesses se succèdent, mais se limitent souvent à des effets d’annonce.

Je n’aurai pas le temps d’évoquer la part collective du pass Culture ou la rénovation du bâti scolaire, alors que 10 % des écoles sont vétustes et que près de 10 millions d’élèves seront exposés à de fortes chaleurs d’ici à 2030. Les financements nécessaires ne sauraient reposer exclusivement sur les collectivités territoriales.

« Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple. » Ces mots de Danton, prononcés en 1793, résonnent aujourd’hui avec une force particulière. L’éducation n’est ni un luxe ni un supplément d’âme ; elle est la condition même de notre avenir collectif. Avant de réformer encore le baccalauréat ou de débattre à nouveau des rythmes scolaires, revenons donc à l’essentiel ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox.

M. Aymeric Durox. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce budget illustre malheureusement la manière dont notre école a été maltraitée, en particulier depuis 2022. D’ailleurs, le fait que ce budget déterminant pour l’avenir de la Nation, naguère le plus important de l’État, soit examiné un vendredi soir, dans une relative indifférence, en dit long – mais c’est un autre débat…

Avec sept ministres en seulement trois ans, ce ministère a subi le plus de changements au cours de la période, et même depuis le début de la Macronie. Ce triste record démontre que, nonobstant les beaux discours, la cause de l’école n’a jamais constitué une priorité durant ces huit dernières années.

Il s’agit donc du budget des renoncements. Il porte nombre de coups de frein, voire de coups d’arrêt. Certains dispositifs phares défendus par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2022 sont d’ailleurs concernés.

Fin du service national universel (SNU) : Emmanuel Macron avait promis de le généraliser à toute une classe d’âge. Ce dispositif n’aura finalement pas survécu plus de sept ans.

Fin du fameux Conseil national de la refondation (CNR) : sa déclinaison éducative devait permettre une révolution copernicienne au sein de l’école ; il a finalement été intégralement supprimé, en catimini.

Mise à l’arrêt du pacte enseignant, annoncé en grande pompe à la rentrée 2023 pour mieux rémunérer les professeurs : monsieur le ministre, vous proposez cette année de diviser ses crédits par deux. Dans le même temps – n’est-ce pas ! –, vous imposez une mutuelle obligatoire pour les enseignants, plus chère et moins protectrice que ses concurrentes. J’ai déjà évoqué ce sujet lors de votre audition.

Une fois de plus, les conditions matérielles des professeurs se dégradent, ce qui n’aidera certainement pas à résoudre la crise des vocations.

Quant au fameux « choc des savoirs », annoncé tambour battant il y a deux ans, vous en reportez sans cesse le calendrier initial, ce qui brouille la ligne et perturbe les enseignants.

En réalité, la présidence Macron aura fait de la rue de Grenelle le ministère de la communication, des grandes annonces sans lendemain ou remises en cause le jour même ; celui de l’esbroufe, en définitive.

Pourtant, aujourd’hui, le bilan est catastrophique, comme l’illustrent nos pathétiques résultats internationaux. Ces derniers sont en chute libre ! Pour triste rappel, 50 % des collégiens de sixième ne maîtrisent pas la lecture fluide et 20 % des jeunes de 17 ans éprouvent de sérieuses difficultés de lecture.

En mathématiques, le niveau des écoliers se situe, selon l’étude Timss (Trends in International Mathematics and Science Study), entre le Kazakhstan et le Monténégro, parmi les tout derniers de l’OCDE. C’est un comble pour notre pays, qui est le deuxième au monde pour le nombre de médailles Fields !

Il y a à peine soixante ans, la France pouvait se targuer d’avoir l’une des meilleures écoles au monde ; nous figurons désormais parmi les derniers de la classe.

Ces nombreuses difficultés structurelles sont aggravées par le poids de l’immigration massive, véritable éléphant au milieu de la pièce que tout le monde voyait, mais dont personne n’osait parler.

Ce phénomène a enfin été mis en lumière par une récente étude produite pour l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), que je suis à l’évidence le seul à évoquer. Le poids de l’immigration a également été reconnu par l’ancien ministre de l’éducation nationale, un personnage emblématique de votre mouvement, Jean-Michel Blanquer, dans un récent entretien audiovisuel.

Monsieur le ministre, l’avenir de notre pays est en jeu. Selon certains économistes, vingt-cinq points PISA supplémentaires représentent 30 % de PIB en plus à l’horizon 2100.

Comme le disait il y a cent cinquante ans l’un de nos augustes prédécesseurs, Jules Simon, ministre de l’instruction publique, puis sénateur, « le peuple qui a les meilleures écoles est le premier peuple ; s’il ne l’est pas aujourd’hui, il le sera demain. » Si nous voulons que la France soit toujours au premier rang des nations demain, elle doit disposer d’une école à la hauteur de son histoire et de son génie. Ce budget ne le permet pas. C’est pourquoi nous nous y opposerons.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, je m’exprime à présent au nom du groupe du RDSE.

Dans un contexte budgétaire contraint, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » demeurent globalement stables. Ce constat pourrait rassurer, d’autant que la démographie, bien qu’inquiétante pour la société, pourrait d’une certaine manière favoriser l’enseignement.

Toutefois, l’examen attentif du budget révèle des fragilités que nous ne saurions ignorer. Le système éducatif entre dans une phase de transformation profonde : la baisse durable du nombre d’élèves modifie l’équilibre général de l’organisation scolaire.

Cette évolution pourrait fournir l’occasion d’améliorer les conditions d’enseignement et de renforcer l’accompagnement des élèves. Mais le PLF 2026 opère plusieurs suppressions de postes d’enseignants, alors même que la moyenne d’élèves par classe en France reste supérieure à celle que l’on observe dans tous les pays affichant de meilleurs résultats scolaires.

Cette logique d’ajustement méconnaît également la réalité de nombreux territoires dans lesquels les besoins pédagogiques, sociaux et sanitaires demeurent élevés.

J’ai naturellement à l’esprit les départements contraints de maintenir le maillage scolaire en dépit de l’éloignement géographique et des regroupements de classes. Dans ces territoires, chaque fermeture de poste modifie l’équilibre des équipes, dégrade l’offre pédagogique et fragilise tout un bassin de vie.

Nous nourrissons les mêmes inquiétudes quant à la politique d’inclusion. Le nombre d’élèves en situation de handicap augmente chaque année, la demande d’accompagnement suivant la même courbe.

Les AESH se trouvent au cœur de cette évolution. Si leur mission est essentielle, leurs conditions d’exercice demeurent précaires et leur formation, insuffisante. Les équipes le constatent quotidiennement : trop d’élèves ne bénéficient que d’un accompagnement partiel ou attendent encore une notification. Les familles s’essoufflent et les enseignants s’adaptent tant bien que mal.

Les élus du groupe RDSE défendent des propositions visant à rétablir des moyens cohérents en la matière. Il s’agit non pas d’engager des dépenses nouvelles, mais de sécuriser un dispositif sans lequel l’inclusion demeure théorique. La formation des AESH, les recrutements nécessaires et la stabilité des équipes doivent être érigés en priorités. Ce sont les conditions de la réussite scolaire de milliers d’enfants.

D’autres signaux doivent être pris en compte. La santé scolaire reste en difficulté dans de nombreux établissements. Comme je vous l’ai déjà indiqué, monsieur le ministre, il faudra bien, un jour, clarifier la répartition des compétences médico-sociales entre les services de protection maternelle et infantile (PMI), qui relèvent des départements, et l’éducation nationale.

L’organisation actuelle ne permet pas de répondre correctement aux problématiques de santé mentale, aux situations de vulnérabilité sociale et aux besoins de prévention, qui vont croissant.

Mes chers collègues, nous abordons ce sujet avec lucidité. Si les revalorisations engagées ces dernières années méritent d’être saluées, le PLF 2026 comporte plusieurs points de fragilité.

Les suppressions de postes d’enseignants, les tensions s’exerçant sur l’inclusion, l’indigence de la santé scolaire et les disparités territoriales montrent que l’équilibre est loin d’être atteint.

Les amendements que nous vous soumettrons en séance tendent à répondre à ces besoins. Ils visent à renforcer l’inclusion, à soutenir les élèves allophones et à allouer des moyens là où les équipes sont les plus exposées. Loin de représenter des ajouts dispersés, ces dispositifs s’inscrivent dans une logique d’efficacité et de continuité du service public.

Les membres du groupe RDSE se prononceront sur les crédits de cette mission en fonction des amendements qui seront adoptés, mais s’opposeront à toute suppression de postes supplémentaires, monsieur le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Annick Billon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2017, les effectifs scolaires chutent sous l’effet d’une démographie en forte baisse.

À titre d’exemple, la cohorte de 2022, qui a fait sa rentrée en maternelle cette année, compte 143 000 enfants de moins que celle de 2007. C’est l’équivalent de 5 700 classes de 25 élèves. Dans quinze ans, une baisse de 20 % du nombre d’élèves est attendue.

Cette tendance soulève une question de fond quant au schéma d’emploi des enseignants. L’approche comptable voudrait qu’à moins d’élèves correspondent moins de professeurs. En réalité, cette équation est inexacte pour deux raisons.

D’une part, nos classes demeurent parmi les plus chargées de l’OCDE : on compte en moyenne 21,6 élèves par classe dans le premier degré et 25,9 dans le second.

D’autre part, dans le même temps, les résultats sont inquiétants : un élève sur trois entre en sixième avec des difficultés en français et un élève sur quatre, avec des difficultés en mathématiques.

Avec un taux d’encadrement trop élevé et des performances scolaires en baisse, la France porte un double bonnet d’âne.

Face à ce bilan, une autre équation existe : moins d’élèves avec autant de professeurs permet un meilleur encadrement des élèves et de meilleurs résultats. La Cour des comptes confirme d’ailleurs que la baisse des effectifs est l’occasion de repenser notre modèle scolaire.

Oui, certaines suppressions de postes peuvent se justifier à condition d’être pensées, anticipées. Prendre à la hâte des décisions comptables peut avoir des conséquences lourdes sur l’enseignement et sur les élèves.

Chaque année, l’élaboration de la carte scolaire provoque tensions et crispations. Les territoires ruraux souffrent particulièrement de fermetures sèches.

La responsabilité budgétaire doit chercher l’efficacité de la dépense publique, avec l’intérêt de l’élève comme boussole. Tel est le sens des recommandations que Jacques Grosperrin, Colombe Brossel et moi-même avons formulées dans le rapport d’information Baisse démographique, réussite des élèves : quel maillage scolaire pour la France de demain ? : une vision à long terme pour l’école grâce à des politiques pérennes.

L’an dernier, le Sénat s’est déjà opposé à la suppression de 4 000 équivalents temps plein (ETP). Nos auditions ont montré que ces postes sauvés n’ont pas été gâchés, bien au contraire : ils ont permis de renforcer les remplacements, les groupes de besoins, l’école inclusive et la souplesse de la carte scolaire. En d’autres termes, ils ont servi précisément là où, chaque année, nous réclamons des moyens supplémentaires.

Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit la création de 7 000 ETP. Cette augmentation étant la conséquence de la réforme de la formation initiale, ces postes seront occupés par des enseignants stagiaires. Ils ne compenseront donc en rien les 4 000 suppressions de postes de professeurs titulaires.

Un amendement de la commission visait à aller plus loin, en supprimant 8 000 postes. Son adoption aurait mécaniquement entraîné la fermeture de 1 500 écoles. Le groupe Union Centriste s’est donc fermement opposé à cette proposition.

En résumé, mes chers collègues, pendant plus de vingt-cinq ans, l’éducation nationale a été le premier budget de l’État. Les résultats n’ont pourtant cessé de baisser. Dépenser beaucoup ne suffit pas : il faut dépenser mieux.

Permettez-moi à ce titre de vous soumettre plusieurs points de vigilance pour cette année.

Premièrement, le pacte enseignant n’apporte qu’une solution ponctuelle à des problèmes structurels. Il présente des faiblesses : une efficacité à géométrie variable en fonction des réseaux d’éducation et un aspect inégalitaire, puisqu’il est majoritairement sollicité par les hommes.

Ce pacte apporte toutefois un premier niveau de réponse. Attention, toutefois, son enveloppe pourrait être entièrement consommée dès le mois de juin. Il manquerait alors près de 10 millions d’euros.

Deuxièmement, si les besoins en matière d’inclusion scolaire vont croissant, les moyens restent insuffisants. Le manque de place en institut médico-éducatif (IME) provoque un effet domino sur toute la chaîne médico-sociale. En dépit des efforts importants consentis les années précédentes et cette année, avec la création de 1 200 EPT d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), le constat est sévère : 42 000 enfants étaient sans AESH deux mois après la rentrée.

Derrière les chiffres, ce sont des élèves et des familles qui sont en souffrance. Les difficultés de recrutement emportent des fractures territoriales majeures. En 2024, 1 736 postes n’ont pas été pourvus. Le métier reste précaire, certains professionnels devant prendre en charge jusqu’à dix élèves. Il doit donc absolument être revalorisé afin de remédier à son manque d’attractivité, avec une formation renforcée, un temps de travail et des missions repensées.

Troisièmement, il nous faut revaloriser les milieux de carrière des enseignants. Le décret pris au printemps dernier n’a pas été mis en œuvre. Si, en début et en fin de carrière, les rémunérations des enseignants français se situent dans la moyenne des pays de l’OCDE, notre pays décroche pour ce qui est de la rémunération en milieu de carrière : le salaire des enseignants est alors inférieur de 16 % à la moyenne. L’attractivité du métier dépend aussi de cette revalorisation.

Quatrièmement, depuis vingt-quatre ans, la loi impose trois séances d’éducation à la vie affective et relationnelle (Evars) par an et par niveau. Pourtant, moins de 15 % des élèves se les voient dispenser. Une génération entière a été sacrifiée, mes chers collègues.