M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » révèle une attaque sans précédent contre les politiques de l'emploi.

Cette mission, amputée de près de 3 milliards d'euros de fonds, devient la grande sacrifiée du PLF, alors que nous entendons dire sans cesse qu'il faut remettre les personnes sans emploi au travail. Nous avons à cœur la valeur travail, mais il faut y mettre les moyens, selon quatre principes : salaires, accompagnement, formation et réussite du projet.

Le Gouvernement décide de supprimer 515 ETP à France Travail, soit 1 % des effectifs, alors que le taux de chômage repart à la hausse, notamment chez les jeunes. Cette décision est d'autant plus incompréhensible que, en 2026, est généralisée l'obligation d'effectuer quinze heures d'activité par semaine pour les bénéficiaires du RSA.

Ainsi, l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), le Collectif Alerte, ou encore la Défenseure des droits ont souligné le risque d'un basculement de la logique d'insertion vers une logique de contrôle, au détriment du droit à l'accompagnement.

L'obligation d'effectuer quinze heures d'activité hebdomadaire, combinée à la réduction des effectifs et à la stagnation des crédits, pourrait limiter la capacité de France Travail à garantir un accompagnement et des formations de bonne qualité, mais aussi à prévenir les ruptures de droits.

Et les associations de conclure : « La réussite du dispositif dépend désormais largement des capacités d'ingénierie et de financement des conseils départementaux, ce qui accentue le risque d'inégalités territoriales d'accès à l'accompagnement. »

Au lieu d'augmenter les moyens des conseillers pour accompagner les personnes au RSA, vous vantez la digitalisation des fonctions support et l'optimisation des moyens. Mais il faudra toujours des hommes et des femmes pour s'adresser à d'autres humains, surtout lorsqu'ils ont été cassés par trente ans à l'usine ! Je songe aux ouvriers de la papeterie Wizpaper de Wizernes, liquidée la semaine dernière dans mon département, qui laisse de 120 à 150 salariés sur le carreau.

Cette diminution des emplois à France Travail est d'autant plus absurde que l'opérateur doit gérer l'inscription obligatoire des allocataires du RSA et déployer la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.

Nous déplorons la diminution de 14 % des crédits en faveur de l'insertion par l'activité économique, soit une baisse de 35 millions d'euros en 2026, qui s'ajoute aux 25 millions d'euros de réduction en 2024 et à une diminution du même montant en 2025. Au total, les crédits ont chuté de 84 millions d'euros en trois ans.

De telles coupes budgétaires successives affectent directement les salariés en insertion, dont 80 % affichent un niveau inférieur au baccalauréat.

Nous déplorons également la baisse de 13 % des crédits alloués aux entreprises adaptées. Elle signe un renoncement à accompagner le retour vers l'emploi de celles et ceux qui en sont le plus éloignés et qui sont donc les plus fragilisés.

Le Gouvernement s'en prend par ailleurs aux personnes en situation de handicap en établissement et service d'accompagnement par le travail (Ésat), qui perdront 150 euros par mois de prime d'activité en 2026, alors qu'elles font partie des travailleurs les plus pauvres.

Nous déplorons enfin la diminution de 19 % des crédits des missions locales. Celle-ci risque d'entraîner l'allongement des délais d'accueil, l'augmentation du nombre de jeunes par conseiller, la fermeture de lieux d'accueil et la baisse de la qualité de l'accompagnement, avec la suppression potentielle de plus de 1 000 emplois.

Selon le président de l'Union nationale des missions locales (UNML), il s'agit d'une réduction de moyens « comme jamais », qui affectera évidemment les têtes de réseau, mais aussi les associations locales, qui jouent un rôle essentiel.

En cette fin d'année 2025, quelque 20 % des missions locales sont déjà en grande difficulté financière et avertissent sur leurs difficultés à mener à bien leur action pour la réussite des jeunes.

Cette situation ne pourra que s'aggraver avec la coupe annoncée, laquelle est d'autant moins compréhensible que de nouvelles prérogatives ont été confiées aux missions locales à compter de janvier 2025.

Alors que les crédits dédiés aux missions locales diminuent, les budgets du contrat d'engagement jeune et du parcours contractualisé d'accompagnement adapté vers l'emploi et l'autonomie (Pacea) subissent des baisses de crédit respectives de 4,15 % et 1,2 %.

Les jeunes sont la principale cible d'économie du Gouvernement. À ces coupes budgétaires, il faut en effet ajouter les mesures contre les apprentis, qui, rappelons-le, vont perdre pour certains jusqu'à 200 euros.

Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit la suppression de l'aide au permis de 500 euros pour les apprentis majeurs, plafonne les dépenses du compte personnel de formation et supprime les bilans de compétences.

Autant de mesures très malvenues, qui compromettent l'avenir de l'apprentissage, quand, dans le même temps, les aides aux entreprises sont appelées à diminuer. Nombre d'artisans s'en inquiètent : les conditions de vie et d'études des apprentis sont menacées.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2026 fait l'impasse sur les effectifs de l'inspection du travail, qui connaît une pénurie d'effectifs depuis une dizaine d'années.

En conclusion, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky votera contre les crédits 2026 de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Do Aeschlimann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a proposé une baisse de 11,8 % des crédits alloués à la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

Cette trajectoire prévoit un montant de 17,65 milliards d'euros en crédits de paiement, équivalent au budget de 2021. Devant le mur des déficits publics et sociaux, tous les ministères sont appelés à contribuer à l'effort d'économie ; cette mission n'y échappe pas.

Cependant, la rationalisation des dépenses ne doit pas se faire n'importe comment. À la baisse aveugle des crédits alloués à tous les programmes de la mission, la commission des affaires sociales a préféré un rééquilibrage piloté en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes, notamment.

Permettez-moi tout d'abord de déplorer l'injonction paradoxale à laquelle France Travail est confrontée. Depuis la réforme intervenue en décembre 2023, les compétences de l'opérateur ont été élargies et le nombre de bénéficiaires a augmenté de 54 %.

Dans ce contexte, une baisse de plus de 500 ETP est inconciliable avec la montée en charge des missions assignées à l'agence, qui a pour objectif de proposer un accompagnement intensif et de qualité aux demandeurs d'emploi tout en menant une lutte efficace contre les abus.

Je suis depuis longtemps attentive à l'accompagnement de nos jeunes sur le marché de l'emploi, en particulier lorsqu'ils rencontrent des difficultés spécifiques.

Les missions locales sont le premier échelon de l'accompagnement des 16-25 ans. Pourtant, alors que le nombre de jeunes accompagnés a augmenté de 8 % en 2025, l'enveloppe réservée dans le programme 102, « Accès et retour à l'emploi », reculerait de 13 %.

Il faut s'attendre à ce que ce désengagement de l'État provoque un recul des cofinancements apportés par les régions et les communes. Mes chers collègues, les collectivités locales le clament souvent, elles ne souhaitent pas être les vaches à lait d'un État impécunieux qui aurait tendance à se désengager.

La commission a donc rétabli à juste titre les crédits en faveur des missions locales. De même, le secteur de l'insertion par l'activité économique ne doit pas être sacrifié.

J'en viens à la politique de soutien à l'apprentissage. Nous avons été consternés de découvrir que le projet de budget divisait par deux l'enveloppe dédiée au fonctionnement et à l'investissement dans les centres de formation d'apprentis (CFA), la portant à 134 millions d'euros.

Régions de France a fait part de sa totale opposition à cette mesure, qui fragiliserait, dès 2026, de nombreux CFA, contraints d'arbitrer entre les projets d'investissement, la création de formations et de filières ou encore l'accompagnement des élèves.

Comment concilier ce choix avec la priorité jadis assignée à l'apprentissage ? Au fond, s'il faut continuer le travail de rééquilibrage budgétaire engagé l'année passée en matière d'apprentissage, il faut aussi se garder de vider de sa substance cette voie de formation singulière, qui a fait ses preuves en matière d'insertion professionnelle et démontré son utilité pour la compétitivité de nos entreprises.

La question de l'exonération des cotisations sociales des apprentis nous interpelle depuis plusieurs années. Elle a été réduite par paliers, avant de disparaître complètement dans ce projet de budget, ce qui limitera les effets d'aubaine. Néanmoins, le recrutement d'apprentis restera bénéfique pour l'entreprise.

Force est de constater que la baisse des exonérations inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 n'a pas entraîné l'effondrement des signatures de contrats d'apprentissage à la rentrée 2025.

Ce type de mesures très favorables, parmi lesquelles l'aide à l'embauche, ont permis de doper la croissance de l'apprentissage, et je m'en réjouis. À cet égard, nous devons aussi soutenir l'aide au permis de conduire, comme cela a été souligné à de nombreuses reprises. Il est en effet important de lever les freins à l'insertion des jeunes apprentis.

Pour conclure, prenant acte de l'excellent travail effectué par Mme le rapporteur pour avis pour rendre cette proposition de budget raisonnable, le groupe Les Républicains votera en faveur des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) parue le 26 novembre dernier met en évidence une singularité de l'économie française : à contresens de la tendance observée chez nos voisins européens, les taux d'emploi et de pauvreté connaissent depuis ces dix dernières années une augmentation concomitante.

Entre 2014 et 2024, le taux d'emploi chez les 15-64 ans a ainsi augmenté de 4,4 points, tandis que, dans le même temps, le taux de pauvreté progressait de 2,6 points.

L'examen de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » intervient donc dans un climat économique marqué par un faible taux de chômage, mais aussi par une paupérisation de l'emploi.

La rigueur financière à laquelle nous devons nous astreindre appelle des arbitrages budgétaires d'une grande fermeté. Pour autant, nous devons veiller à ne pas totalement déposséder les politiques de soutien à l'insertion professionnelle, essentielles à l'activité économique et à la reprise de la croissance.

Or les crédits de la mission subissent cette année une diminution de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,4 milliards d'euros en crédits de paiement, ce qui constitue des baisses de 15 % et 12 % respectivement.

Ces coupes concernent trois des quatre programmes de la mission et touchent en majeure partie les dispositifs d'accompagnement du licenciement et du reclassement des salariés.

Je salue le travail des rapporteurs spéciaux, ainsi que celui de Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Chacun d'entre eux s'est appliqué à mettre en évidence les effets délétères pour l'emploi de ces importantes baisses de crédit.

En tant que président de la maison de l'emploi et de la formation de Laon, dans l'Aisne, je suis particulièrement préoccupé par le sort des missions locales.

La hausse affichée de 8,7 % des crédits de paiement ne correspond en réalité qu'au rattrapage de la reprise d'excédents de 2025. Les missions locales connaissent surtout une baisse drastique de 13 % de leurs autorisations d'engagement, qui porte à 20 % les baisses de financement de l'État en l'espace de seulement deux ans.

C'est une évolution catastrophique au regard des enjeux actuels de l'accompagnement des bénéficiaires de contrats d'engagement jeune, qui subiront nécessairement les effets de ces coupes.

Après 200 000 contrats enregistrés cette année, le réseau des missions locales est contraint, fatalement, de revoir ses ambitions à la baisse. Le Gouvernement a donc fixé à un peu plus de 188 000 l'objectif d'entrées en contrats d'engagement jeune pour 2026.

Alors que le marché du travail se rétracte, avec une baisse de 12 % des offres de CDI et de 19 % des offres d'alternance, les coupes opérées dans les crédits de la mission sont un très mauvais signal face à l'afflux des jeunes à la recherche d'un contrat.

Rien que depuis le 1er septembre dernier, les missions locales ont vu le nombre de jeunes inscrits augmenter de 8 % en moyenne, cette hausse atteignant même 10 % pour les demandeurs mineurs, en raison d'une augmentation des décrochages scolaires.

Le choix de gestion opéré par le Gouvernement condamne les missions locales à ralentir la mise en œuvre de leurs actions. Pourtant, celles-ci constituent un point d'entrée de choix pour assurer la proximité du tissu d'emplois au niveau local, diversifier les offres et les adapter au profil varié des jeunes qui s'y présentent, avec les difficultés respectives qu'ils peuvent connaître.

Par ailleurs, les missions locales voient leurs équivalents temps plein diminuer de 7,5 %, avec une suppression nette de 1 503 postes. Une coupe dans les effectifs se traduira inévitablement par un effet de ciseaux sur la qualité du service rendu, avec un allongement des délais d'attente, une hausse des licenciements, voire, pour certaines missions situées en milieu rural, la menace de mettre la clé sous la porte. C'est pourtant là que les besoins sont les plus pressants.

Enfin, il est regrettable que l'ensemble des emplois aidés, financés sur la mission, fassent l'objet de diminutions de crédits. Les Pacea subissent une baisse de 1,2 %, tandis que le CEJ connaît une baisse de 4,2 %. Ces mécanismes fonctionnent pourtant comme des filets de sécurité contre la pauvreté.

En conclusion, il est évident que le contexte économique que nous connaissons exige de la responsabilité et de la fermeté. Nous devons cependant veiller à ne pas recourir à des arbitrages financiers qui seraient trop préjudiciables à des publics déjà défavorisés.

Le groupe Les Républicains adoptera sans modification les crédits demandés pour la mission, mais maintiendra toutefois sa vigilance sur leur exécution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Mme le rapporteur pour avis applaudit.)

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, madame le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, je vous remercie de la qualité de vos travaux et des apports de vos commissions respectives.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant d'entrer dans le détail des propositions du Gouvernement, permettez-moi de rappeler le périmètre de la mission « Teams », qui signifie non pas « équipe », mais bien « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

Cette mission finance les dispositifs d'insertion professionnelle, de formation professionnelle, d'amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail, ainsi que les dépenses de fonctionnement et de personnel des ministères sociaux.

Dans le contexte actuel, la première version du projet de loi de finances du Gouvernement visait à répondre, comme vous le savez, à l'urgence de la situation de nos finances publiques et à la volonté de maîtriser nos déficits, peut-être un peu radicalement, je le concède, mais il fallait affirmer notre détermination à maîtriser les déficits de notre pays et à les ramener en dessous de 5 % du PIB.

L'État et le ministère du travail et des solidarités sont eux aussi mis à contribution : c'est un effort juste, puissant et partagé dans lequel nous devons nous engager.

Bien évidemment, s'agissant d'un ministère social, nous sommes conscients que les missions dont nous parlons sont sensibles et touchent l'ensemble de nos concitoyens, y compris ceux qui se trouvent dans des situations difficiles.

Le texte soumis à votre examen prévoit bien, comme vous l'avez tous souligné, une baisse de 15 % des crédits en autorisations d'engagement et de 12 % en crédits de paiement. Si le budget 2026 est de toute évidence en baisse, il est ramené à un niveau équivalent à celui de 2021.

Remettons ces chiffres en perspective. Depuis 2021, le budget de la mission a connu une forte augmentation. Il a été de 21 milliards d'euros en 2023, puis de 23 milliards d'euros en 2024, alors qu'il ne s'élevait qu'à 12 milliards d'euros en 2019, dernière année avant la crise du covid.

Cette crise a manifestement joué un rôle évident, le relèvement des budgets correspondant à la volonté, à mon sens justifiée, d'accompagner la relance de notre pays à la suite du choc qu'elle a provoqué.

Toutefois, la persistance de ces hausses budgétaires et leur caractère quelque peu extensif ne sont certainement pas soutenables sur le long terme pour nos finances publiques, alors que la crise du covid est heureusement surmontée.

Si la politique de relance lancée après la crise a permis de redonner du tonus au pays, ces hausses ne semblent plus justifiées. Dans la phase de réajustement dans laquelle nous sommes entrés, la situation budgétaire nous contraint à procéder autrement et à privilégier le ciblage et l'efficacité.

De fait, quelques chiffres indiquent que la situation n'est peut-être pas aussi grise que l'on veut bien le souligner. Le budget 2026 de l'insertion par l'activité économique est ainsi supérieur de 60 % à celui de 2017.

L'enveloppe 2026 pour les entreprises adaptées est supérieure de 30 % par rapport, là encore, à la référence de 2017. Le nombre de contrats d'engagement jeune en 2025, soit 285 000, était près de trois fois supérieur au nombre de garanties jeunes en 2020.

Augmenter les crédits est toujours facile, les ajuster l'est bien moins. Le débat budgétaire est complexe : il est toujours plus simple d'accroître les recettes que de diminuer les dépenses. Nous devons donc mener une discussion apaisée sur des sujets difficiles et parfois sensibles. Notre situation budgétaire nous oblige à agir différemment et à privilégier, je le répète, le ciblage et l'efficacité.

Nous proposons des mesures d'économies sans pour autant renoncer à défendre sur le fond nos ambitions en matière de travail, d'emploi et de solidarité ni à mener des politiques publiques efficaces qui répondent aux préoccupations des Françaises et des Français.

Prenons l'exemple de l'apprentissage, que beaucoup d'entre vous ont mentionné. Il s'agit manifestement, à juste titre, d'un sujet transpartisan. Je ne vois aucun groupe qui ne le défende, et c'est tout à fait normal : la politique de soutien à l'apprentissage, fortement relancée à partir de 2017, a produit des résultats remarquables.

L'apprentissage s'est ainsi imposé comme une voie de formation à part entière : près de 10 % des diplômes décernés dans notre pays sont maintenant, me semble-t-il, le fruit de l'apprentissage. En sept ans, le nombre de nouveaux apprentis a presque triplé, passant de 300 000 environ en 2017 à presque 900 000 en 2024.

Il n'y a pas de secret : une telle réussite a été rendue possible par un investissement public massif. Pour la seule année 2024, l'appui public dédié à l'apprentissage s'est élevé à 16 milliards d'euros, soit 16 000 euros par an et par apprenti.

Si un tel engagement était tout à fait légitime pour lancer et consolider la réforme de l'apprentissage, il n'est plus adapté à la phase de maturité dans laquelle nous sommes désormais entrés, ni à l'état de nos finances publiques.

Nous devons continuer à favoriser l'accès des jeunes à l'emploi et à soutenir les entreprises, qui, je le rappelle, sont le véritable moteur de la création des emplois. Parallèlement, nous devons orienter nos actions vers davantage de performances et de bonne gestion des ressources. Cette exigence doit également guider l'évolution et l'ajustement du dispositif d'apprentissage.

Comme tous les ans, le budget 2026 de l'apprentissage a été bâti sur une hypothèse d'entrées en apprentissage. Cet exercice de prévision était cependant plus incertain cette année, car, comme vous l'avez souligné, l'an dernier nous avions ajusté à la baisse un certain nombre d'éléments de cette politique, notamment les aides aux entreprises.

Il se trouve que les chiffres de la rentrée 2025 se sont révélés meilleurs que les hypothèses que nous avions retenues. Nous pouvons nous en réjouir, même si cela soulève des interrogations sur notre méthode budgétaire.

Je réponds donc à la question qui m'a été posée : nous constatons une légère baisse – 3 %, soit 20 000 apprentis en moins –, alors que nos modèles prévoyaient une baisse deux à trois fois supérieure.

Dans le même temps, soyons honnêtes, un certain nombre d'économies que nous avions prévues au cours de ce processus budgétaire ne seront pas au rendez-vous. Par exemple, nous avions proposé de réduire les exonérations de cotisations des nouveaux apprentis en flux. Malheureusement, nous n'avons pas été capables de rencontrer une majorité dans les deux chambres sur ce sujet.

Cette affaire n'est pas anodine : elle nous prive de 400 millions d'euros d'économies l'an prochain et, en année pleine, de 1,4 milliard d'euros. Honnêtement, cette somme manquera à nos comptes. Renoncer à une économie, c'est une chose, mais il faut voir quels effets très concrets cela entraîne dans les comptes d'une politique publique.

Je le dis de manière quelque peu solennelle : je ne connais pas encore l'équilibre général du budget, puisque nous cheminons, mais nous verrons bien ; nous ferons les comptes à la fin du processus.

À ce stade, même si rien n'est décidé, le Gouvernement est contraint d'envisager – à contrecœur, je vous prie de me croire –, des scénarios de révision du barème des aides à l'apprentissage versées aux entreprises. C'est en effet le seul facteur de régulation dont nous disposerions si, in fine, nous manquions de ressources pour assumer nos ambitions et absorber le volume d'entrées en apprentissage. (Mme Silvana Silvani s'exclame.)

Permettez-moi à présent d'enjamber les enjeux budgétaires pour évoquer deux chantiers prioritaires, qui me tiennent à cœur et sur lesquels je veux rapidement avancer.

Premièrement, je souhaite mettre au cœur de mon action le soutien au dialogue social. J'en suis un praticien ; je l'ai expérimenté avec un certain succès, me semble-t-il.

Deuxièmement, j'attache beaucoup d'importance à l'amélioration des conditions de travail, pour que les salariés se sentent bien dans les entreprises et dans leur emploi. Cela n'est pas sans lien, d'ailleurs, avec les débats sur l'allongement des carrières.

Il me semble que nous devons concentrer nos efforts avec beaucoup de détermination sur la prévention des risques professionnels et des accidents du travail. C'est un sujet français, que nous devons prendre à bras-le-corps. Franchement, si la démocratie me donne l'occasion de durer dans mes fonctions (Sourires au banc des commissions.), je mettrai tout mon poids et toute ma conviction pour progresser sur ces sujets.

Vous le savez, je viens du monde de l'entreprise. Je connais bien le travail, notamment le dialogue social. Je me réjouis par conséquent que, dans le cadre du budget, nous ayons réussi à maintenir une subvention de l'État à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact).

Cet effort montre la volonté du Gouvernement de soutenir l'action de cette agence auprès des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE). Les grandes entreprises peuvent s'en passer, mais les petites, qui ne disposent pas des mêmes fonctions support, ont besoin de cette agence pour les aider à progresser en matière de qualité de vie au travail et de dialogue social.

Les crédits consacrés au financement du paritarisme sont stabilisés, tout comme ceux qui sont alloués aux acteurs du dialogue social. C'est un acte fort en faveur de la démocratie sociale, à laquelle je fais confiance pour apporter des réponses et formuler des propositions aux décideurs politiques.

Nous avons vu récemment, au mois d'octobre dernier, un accord national interprofessionnel (ANI) sur les seniors se transformer en loi. C'est la bonne manière de procéder.

Vous avez évoqué l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. C'est une belle appellation et une belle ambition. Il est difficile d'être contre… (Sourires au banc des commissions.)

Il faut toutefois bien mesurer les impacts de cette innovation. Nous procéderons donc à des évaluations, qui sont d'ailleurs déjà en partie engagées. Des réflexions sont en cours quant au devenir du dispositif, d'autant plus que l'expérimentation se termine au mois de juin prochain.

Pour nous donner collectivement le temps de la réflexion sur un sujet très important, il semble nécessaire au Gouvernement de prolonger cette expérimentation de six mois.

Mme Silvana Silvani. C'est inutile !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. C'est pourquoi le Gouvernement sera favorable aux amendements nos II-1227 rectifié, 1318 rectifié, 1371 rectifié et 1384 rectifié bis, dont les dispositions vont dans ce sens.

Il est important de préciser que le texte initial du projet de loi de finances pour 2026 prévoit déjà les crédits nécessaires pour couvrir toute l'année 2026. Ces amendements n'ont pas d'incidence financière, et aucune ouverture de crédits n'est nécessaire.

Je ne doute pas que ces propositions nourriront de nombreuses discussions au sein de la Haute Assemblée, dont je connais la qualité et le sérieux.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Comme vous le savez, sur les textes budgétaires comme sur les autres projets de loi, le Gouvernement et votre serviteur sont ouverts à toutes les propositions.

L'objectif est de construire le projet de loi de finances pour 2026 ensemble, dans l'intérêt des Françaises et des Français, et de répondre à la demande de stabilité des acteurs économiques et sociaux.

J'ai écouté attentivement vos interventions. Sachons trouver l'équilibre cher à Mme Sollogoub (Ah ! sur les travées du groupe UC.) et convergeons, par une décroissance pilotée des dépenses, telle qu'elle a été recommandée par M. Laurent Burgoa, vers le meilleur budget possible pour les Français. (Applaudissement au banc des commissions.)

travail, emploi et administration des ministères sociaux

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Travail, emploi et administration des ministères sociaux

16 855 836 067

17 649 700 411

Accès et retour à l'emploi

6 692 579 102

6 765 692 415

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

8 148 609 571

8 747 467 735

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

40 997 840

77 166 395

Soutien des ministères sociaux

1 973 649 554

2 059 373 866

dont titre 2

1 077 279 008

1 077 279 008

M. le président. L'amendement n° II-1298 rectifié, présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet et MM. Menonville, Longeot, Folliot, Delahaye, Cambier et Maurey, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

Soutien des ministères sociaux

dont titre 2

200 000 000

200 000 000

TOTAL

200 000 000

200 000 000

SOLDE

-200 000 000

-200 000 000

La parole est à Mme Nathalie Goulet.