Sommaire
Présidence de M. Xavier Iacovelli
Suite de la discussion d'un projet de loi
Immigration, asile et intégration
Immigration, asile et intégration (suite)
Compte d'affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
(À suivre)
Présidence de M. Xavier Iacovelli
vice-président
1
Loi de finances pour 2026
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (projet n° 138, rapport général n° 139, avis nos 140 à 145).
Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Immigration, asile et intégration
M. le président. Le Sénat va examiner, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (et article additionnel après l'article 71).
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sujets qui sous-tendent le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » sont considérés comme des questions politiques majeures sur toutes les travées de cet hémicycle : parce que la question migratoire est consubstantielle à l'avenir de notre pays, à l'heure des bouleversements géopolitiques multiples ; parce que le contrôle des flux migratoires est une préoccupation constante des Français.
Cette année encore, notre pays est confronté à une pression migratoire sans précédent. La légère contraction constatée à l'échelle de l'Union européenne ne se ressent pas en France, pour l'instant. En 2024, 154 000 demandes d'asile ont été enregistrées auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) : c'est un record historique.
La même année, plus de 324 000 premiers titres de séjour ont été accordés sur le territoire français, soit 5 % de plus qu'en 2023.
Pour 2026, le budget est en hausse. Les crédits demandés s'élèvent à 2,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2,1 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente des hausses respectives de 25 % et de près de 4 % par rapport à 2025.
Ce budget marque donc un effort substantiel dans le contexte de réduction des dépenses publiques. Il traduit la volonté de ce gouvernement, ainsi que du précédent, de mener une politique migratoire plus rigoureuse.
Cet impératif de maîtrise de nos frontières, pour contrer résolument l'immigration clandestine, a deux traductions budgétaires majeures en 2026. Tout d'abord, près de 85 millions d'euros sont alloués à la mise en œuvre du pacte européen sur la migration et l'asile.
Celui-ci offre des moyens juridiques aux États membres pour garantir des frontières extérieures sûres, avec des procédures rapides et efficaces adaptées aux situations de crise majeure liées à un nombre massif d'arrivées irrégulières.
Le pacte permet, par exemple, de soumettre à une procédure d'asile accélérée, à la frontière, les migrants a priori peu susceptibles d'obtenir une protection internationale. Dans ce cadre, plus de 600 places vont être construites à la zone d'attente (ZA) de Roissy-Charles-de-Gaulle. Des effectifs de l'Ofpra seront mobilisés sur place pour se prononcer sur ces demandes.
Ensuite, toujours pour lutter contre l'immigration irrégulière, le budget pour 2026 engage une hausse significative des dépenses d'investissement à destination des centres de rétention administrative (CRA), que j'avais appelée de mes vœux dans mon récent rapport de contrôle sur l'extension de la capacité d'accueil des centres de rétention.
Quelque 160 millions d'euros seront déployés dans ce cadre, soit une hausse de plus de 260 % par rapport à 2025. Ces moyens semblent aujourd'hui à la hauteur pour atteindre l'objectif de 3 000 places de rétention dans l'Hexagone à l'horizon de 2029.
Vous me direz que l'abondement d'un budget ne constitue pas, en soi, une politique publique : c'est vrai. Je suis bien consciente des défis à relever sur les multiples pans de la politique migratoire, à différents échelons.
Le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), même s'il a progressé à partir de 2024, est encore trop faible. À peine 11 % des OQTF ont été exécutées cette année. Le taux de protection des demandeurs d'asile, à l'issue de la procédure, atteint 49 %, ce qui pose nécessairement la question du dévoiement du droit d'asile sur notre territoire.
Enfin, l'intégration liée à l'immigration légale est encore le parent pauvre de la mission, puisqu'à peine 20 % des crédits y sont consacrés. Toutefois, eu égard au volume d'étrangers primo-arrivants, un certain réalisme budgétaire impose de trouver des solutions sans augmenter exponentiellement les moyens.
Ainsi, depuis cet été, la formation linguistique des signataires du contrat d'intégration républicaine (CIR) est entièrement dématérialisée, sauf pour les non-scripteurs et les non-lecteurs.
Nous devons rester vigilants quant aux conséquences de cette dématérialisation sur le niveau de formation en langue, même si elle permet de se conformer à l'exercice budgétaire. Il en va de même de la prise en charge par les étrangers des frais de passage des examens linguistiques et civiques, mesure que notre assemblée avait introduite dans la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
Nous ne pouvons pas nous contenter d'analyser les crédits ligne à ligne. La question essentielle est de savoir quelles politiques nous devons conduire, sur la base de ces dépenses.
Quoi qu'il en soit, nous espérons que la politique qui sera suivie sera toujours claire : moins de pression migratoire, davantage d'éloignements et une meilleure intégration de ceux qui résident régulièrement sur le territoire, pourvu qu'ils connaissent leurs devoirs.
C'est dans le cadre de cette analyse que la commission des finances propose l'adoption des crédits de la présente mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. David Margueritte, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m'appartient de présenter l'avis que mon collègue Olivier Bitz et moi-même avons émis sur cette mission budgétaire, au nom de la commission des lois.
Cet avis est favorable, pour plusieurs raisons. La première, c'est que le budget de la mission, d'un montant de 2,16 milliards d'euros – soit un quart des crédits de l'ensemble des politiques migratoires –, est en progression.
La rapporteure spéciale l'a indiqué, les crédits de paiement sont rehaussés de 3,8 % et les autorisations d'engagement de plus de 25 %. En cela, il est conforme à l'avis qu'avaient émis l'an dernier Muriel Jourda et Olivier Bitz.
Deuxième raison : ce budget nous donne les moyens de lutter contre l'immigration irrégulière. Le contexte de pression migratoire record de l'année 2024 – qui s'est caractérisé par 150 000 interpellations d'étrangers en situation irrégulière, le versement de l'aide médicale de l'État (AME) à plus de 463 000 bénéficiaires et la présence sur le territoire de plus de 700 00°étrangers dont le séjour était considéré comme illégal – justifie des mesures énergiques.
Ce contexte est également celui de mesures d'éloignement qui, malgré une progression de 23 % en 2025, restent difficiles à mettre en œuvre.
Le nombre d'OQTF exécutées, quant à lui, reste faible. Dans ce contexte, le plan CRA 3000 se dote de moyens suffisants pour atteindre en 2029, et non plus en 2027, l'objectif fixé.
En 2026, 340 places en rétention administrative seront créées. Les aléas fonciers et immobiliers expliquent le retard qui a été pris (M. le ministre opine.), comme nous l'ont confirmé nos différents interlocuteurs. Cette année, les autorisations d'engagement en la matière seront multipliées par trois.
La dernière raison pour laquelle la commission des lois approuve les crédits de la présente mission tient, bien évidemment, à la nécessité de remédier aux difficultés d'identification des étrangers, en particulier en lien avec l'Algérie. À cet égard, je rappelle que 40 % des étrangers en situation irrégulière retenus au sein des CRA sont d'origine algérienne.
Le pacte sur la migration et l'asile connaît une première traduction budgétaire au travers de cette mission. La commission des lois émet sur ce sujet quelques réserves : le pacte devra s'appliquer à partir du 12 juin prochain, ce qui suppose le dépôt d'un texte rapidement, dès le début de l'année.
En outre, la traduction budgétaire de 34 millions d'euros de crédits pour appliquer le pacte dès cette année ne nous semble pas totalement conforme avec les premières estimations.
Quelques mots de l'asile, qui relève également de la mission. L'Ofpra, qui est l'opérateur de l'État compétent en ce domaine, voit ses moyens renforcés de 48 postes, après la création de 29 postes l'année dernière, afin de réduire les délais de traitement, souvent égaux ou supérieurs à dix mois. Ces délais restent ainsi loin de l'objectif cible, soit six mois.
Il n'empêche que le renforcement du nombre d'équivalents temps plein (ETP) va dans la bonne direction et permettra d'assurer la cohérence des politiques déployées en matière de réduction de l'hébergement et de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA).
Enfin, des crédits sont alloués à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Je pense que la territorialisation devrait porter ses fruits rapidement. Je ne doute pas que mon collègue Bitz reviendra, tout à l'heure, sur la politique d'intégration. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Olivier Bitz applaudit également.)
Organisation des travaux
M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes, je vous indique, pour votre parfaite information, qu'il y a 31 amendements à examiner sur cette mission.
La conférence des présidents a fixé la durée maximum de la discussion à deux heures. Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux, telle qu'elle a été arrêtée par la conférence des présidents, et en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de cette mission serait reportée à la fin de semaine.
Par ailleurs, la conférence des présidents, réunie mercredi 3 décembre, a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraît pas pouvoir garantir l'examen serein d'une mission dans les délais impartis, les temps de parole sont fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.
Le nombre d'amendements à examiner sur la présente mission, rapporté à la durée dont nous disposons ce matin, nous conduit à observer un rythme de discussion de 31 amendements par heure – soit l'ensemble des amendements déposés –, ce qui est élevé.
Aussi, afin de nous donner toutes les chances de terminer l'examen de cette mission, les durées d'intervention seront fixées ce matin à une minute.
Immigration, asile et intégration (suite)
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui des explications de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats qui s'ouvrent aujourd'hui sur la seconde partie du projet de loi de finances constituent, chacun le sait ici, un moment particulier. Ils se dérouleront sans doute exclusivement dans notre assemblée, ce qui leur donne d'autant plus de sens.
Ce budget est le dernier du double quinquennat d'Emmanuel Macron. Or un dernier budget est toujours l'occasion de faire un bilan.
Sur le sujet de l'immigration, notre position est connue : privilégier les nôtres avant les autres. C'est un principe normal et républicain, qui est pourtant bien peu appliqué.
Profitons de l'examen des missions de ce matin pour présenter les résultats de dix ans de gouvernement.
Je commencerai par évoquer les trois objectifs majeurs fixés dans le cadre de cette mission – je vous en prie, mes chers collègues, ne rigolez pas !
Le premier objectif est celui d'une approche maîtrisée de l'immigration. Où en sommes-nous ? Selon les chiffres du ministère de l'intérieur, 220 000 entrées ont été enregistrées en 2019, contre 330 000 entrées officielles, donc légales, en 2024 : cette petite augmentation de 50 % est indéniablement le signe d'une approche maîtrisée de l'immigration !
Selon d'autres instances, comme l'Observatoire de l'immigration et de la démographie (OID), il y aurait environ 500 000 entrées légales par an, de quoi porter, en l'espace d'un quinquennat, le nombre d'étrangers à celui des habitants du département du Nord.
Si la part des étrangers représentait 10 % de la population totale, ils sont aujourd'hui 11 %, soit 16 % d'augmentation : voilà encore le signe d'une immigration maîtrisée !
Dans ces conditions, comment encore parler de contrôle ? Comment ne pas y voir une véritable logique de peuplement, voire une forme de submersion migratoire ?
Le pire, mes chers collègues, réside non pas dans toutes ces données, mais dans la négation des volontés démocratiques de notre peuple qui, de sondage en sondage, d'élection en élection, à droite comme à gauche, réclame une maîtrise effective de notre immigration – c'est-à-dire, disons-le franchement, sa drastique réduction.
On objecte parfois que l'immigration serait indispensable à notre dynamisme économique. Encore faudrait-il que ce soit vrai. À peine 20 % des titres délivrés le sont pour des motifs économiques. L'immigration actuelle ne répond donc ni aux besoins de notre économie ni à ceux de notre marché du travail.
L'immigration actuelle, en revanche, contribue à la déstabilisation présente de notre système social, de notre culture et, in fine, de notre nation.
Deuxième objectif de la mission : l'intégration des étrangers en situation régulière. Chaque mot ici mérite notre attention. Qu'en est-il de l'immigration irrégulière ? Les administrations, comme les ministres, peinent à en donner une estimation claire : les étrangers concernés seraient entre 700 000 et 1 million, signe indéniable de l'impuissance publique sur ce sujet.
Et que dire de cette notion d'intégration, qui a désormais supplanté celle, bien plus exigeante, d'assimilation ? L'assimilation est un idéal qui, pendant des décennies, a su faire de femmes et d'hommes venus d'ailleurs des Français à part entière, qui partagent nos valeurs, nos mœurs et notre histoire.
Alors que tant de Français sont issus de cette assimilation républicaine, les administrations et les élites du système ont depuis longtemps abandonné cet objectif pour la très anglo-saxonne intégration, créant ainsi un chapelet de communautés adverses qui défont notre unité nationale.
Le temps me manque, malheureusement. J'aurais dû également évoquer l'application odieuse du pacte sur la migration et l'asile, le détournement complet de notre système d'asile, la non-application des OQTF et les centaines de millions d'euros dépensés pour soutenir les associations immigrationnistes – j'en donnerai des exemples tout à l'heure.
In fine, cette politique, encore et toujours, a échoué, comme toutes les autres. Mais au vu de ses effets historiques et sociaux, c'est elle qui aura les conséquences les plus importantes.
Je le dis à nos concitoyens : gardez courage ; en 2027, nous arrivons !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.
Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », répartis entre 2,24 milliards d'euros en AE et 2,16 milliards en CP.
Ces crédits progressent par rapport à la loi de finances pour 2025, un fait suffisamment rare pour être souligné. Toutefois, cette hausse profite presque exclusivement au programme 303 « Immigration et asile », plus précisément à l'action n° 03 « Lutte contre l'immigration irrégulière ».
D'emblée, mon groupe regrette cette orientation unique, qui donne la priorité à la logique répressive au détriment de l'intégration réussie. Dans le détail, l'action « Lutte contre l'immigration irrégulière » voit ses autorisations d'engagement croître de 87 % et ses crédits de paiement de 40 %.
Le Gouvernement fait le choix d'accélérer la création de nouvelles places en CRA. Mon groupe, quant à lui, considère que l'urgence réside plutôt dans l'amélioration des centres actuels, dont les conditions de rétention sont régulièrement dénoncées.
J'aimerais d'ailleurs aborder un sujet qui a été évoqué par les rapporteurs dans leurs travaux. La rétention administrative est une politique fort coûteuse – chaque mesure de rétention est chiffrée à 16 200 euros –, alors qu'elle a une efficacité très limitée.
La Cour des comptes recommande de miser davantage sur les retours volontaires, moins chers et surtout beaucoup plus respectueux de la dignité des personnes.
Pour rappel, notre pays est le champion d'Europe de l'OQTF, avec plus de 100 000 décisions prononcées jusqu'à présent en 2025, pour un taux d'exécution très faible, de l'ordre de 10 %.
La crispation diplomatique avec Alger, qui s'est concrétisée par l'arrêt de la coopération consulaire, ne va pas améliorer les choses, surtout lorsque l'on sait que 40 % des retenus en CRA sont Algériens.
Je me suis rendue en Algérie avec deux collègues de mon groupe, en mars dernier. Nous considérons que nous devons absolument retrouver le chemin du dialogue et de la coopération.
Cela implique des efforts d'apaisement des deux côtés de la Méditerranée. Nous renouvelons notre offre, monsieur le ministre, de vous apporter notre soutien en ce sens.
Plus largement, le RDSE invite le Gouvernement à ouvrir une réflexion d'ampleur sur la politique d'immigration française. Certes, le sujet concentre des clivages idéologiques forts, mais nous vivons dans un monde où les guerres se multiplient et où les mouvements migratoires s'accélèrent, avec 117 millions de déplacés forcés à l'échelle de la planète.
De toute évidence, la réponse à ce phénomène ne peut pas se limiter aux OQTF et aux CRA.
Concernant le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », nous sommes particulièrement déçus. On le sait, à compter du 1er janvier 2026, on demandera aux étrangers une maîtrise accrue de la langue française pour obtenir leur titre, soit un niveau A2 pour la carte de séjour pluriannuelle, un niveau B1 pour la carte de résident et un niveau B2 pour la naturalisation.
Ces dispositions feront de la France l'un des pays européens les plus exigeants en matière d'intégration linguistique, aux côtés du Danemark et de la Hongrie.
Je tiens d'ailleurs à souligner la difficulté que cela va représenter pour les conjoints étrangers des Français établis hors de France : ils craignent une installation familiale dans notre pays rendue difficile sur le plan administratif, à cause du manque d'accompagnement pour l'accès à la langue française.
De fait, ce budget ne prévoit aucun renfort pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii). Nous avons même renoncé aux cours de français en présentiel en favorisant le tout numérique. Celui-ci peut constituer un début d'apprentissage, mais on ne peut pas en attendre des miracles.
En réalité, l'exigence renforcée du niveau de langue agit, faute d'accompagnement, comme un nouveau filtre migratoire qui ne s'assume pas comme tel.
Enfin, j'aimerais rappeler que la façon dont nous traitons les étrangers n'est jamais sans conséquence. La politique de délivrance des visas a de fortes répercussions sur la manière dont notre pays est perçu à l'international.
On peut comprendre le ressentiment des étrangers de certains pays qui se voient très facilement refuser leur visa de court séjour, l'administration craignant qu'ils ne restent en France alors qu'ils n'en ont nullement l'intention.
Cela finira par créer inévitablement des mesures de réciprocité, dont nos compatriotes établis hors de France seront les premiers à souffrir.
Compte tenu de ces éléments, nous pensons qu'une meilleure lutte contre l'immigration illégale passe non pas par le maintien ou une plus grande fermeture des visas de court séjour, mais par un meilleur contrôle des travailleurs saisonniers.
Vous l'aurez compris, le RDSE, qui estime que ce budget ne porte pas les valeurs d'intégration républicaine qu'il a toujours défendues, ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Ian Brossat et Guy Benarroche applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz.
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue David Margueritte et moi-même avons, en tant que corapporteurs pour avis de la commission des lois, émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Nous saluons l'effort important que le Gouvernement fait en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, à laquelle notre commission est traditionnellement très attentive. Cet effort est d'autant plus remarquable qu'il intervient dans un contexte budgétaire particulièrement contraint et qui, nous le savons, impose des choix parfois difficiles.
Je souhaiterais revenir sur trois points, à commencer par l'augmentation de la capacité des centres de rétention administrative. Il s'agit de l'une des priorités de ce budget ; en conséquence, elle fait l'objet d'un investissement important de près de 100 millions d'euros.
Ce budget permet de dessiner une trajectoire crédible pour atteindre en 2029, soit avec deux ans de retard par rapport à l'échéance initiale fixée via la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), l'objectif de disposer de 3 000 places en CRA dans l'Hexagone.
Tout en regrettant ce retard, nous saluons cet effort significatif, qui devrait se traduire par la création de plus d'un millier de places de rétention en quatre ans, dont 340 dès 2026.
Si le taux d'éloignement à l'issue d'un placement en CRA demeure décevant – il ne dépasserait pas 36,4 % en 2025 –, la rétention demeure le moyen le plus sûr de mener à bien les mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière. À cet égard, nous espérons que l'amorce d'une détente des relations avec l'Algérie se traduise par une reprise de la coopération consulaire, alors que les Algériens constituent, de loin, le groupe national le plus important dans les CRA.
Il ne suffit toutefois pas de créer des places de rétention, il faut trouver les effectifs suffisants pour permettre aux CRA de fonctionner. Les difficultés pour attirer et fidéliser les agents qui y exercent sont profondes et bien connues.
Dans le CRA de Coquelles, que j'ai visité il y a quinze jours, il manquait 40 personnels sur un effectif théorique de 140 ETP. En retenant un ratio de 1,3 policier par retenu, 1 300 agents supplémentaires seraient nécessaires d'ici à 2029.
De même, les créations de postes au profit de la police aux frontières (PAF), qui s'élèvent à 300 ETP, paraissent en deçà des besoins.
J'ajoute que, depuis l'instruction relative à l'expulsion et l'éloignement des étrangers délinquants, édictée par Gérald Darmanin le 3 août 2022, le profil des personnes retenues a évolué. On compte désormais une part très élevée d'individus sortant de prison et de personnes risquant de troubler l'ordre public. Cela appelle à changer les pratiques professionnelles des agents et les infrastructures bâtimentaires, souvent peu adaptées à un tel public.
J'en viens à la question de la formation linguistique. Les nouvelles modalités de formation décidées par le ministère et l'Ofii, notamment le recours à la dématérialisation, ont permis la mise en œuvre, à budget constant, de la réforme prévue par la loi du 26 janvier 2024. Elle présente un intérêt indiscutable puisque le coût de la mise en œuvre à condition inchangée des nouvelles exigences linguistiques avait été estimé à 100 millions d'euros.
La responsabilisation des signataires d'un contrat d'intégration républicaine, en passant d'une logique de moyens à une logique de résultats, doit également être saluée.
S'il est trop tôt pour porter un jugement sur les nouvelles modalités de la formation linguistique, nous avons été alertés sur deux aspects problématiques. D'une part, la qualité de la formation en ligne et son caractère exclusif peuvent se révéler inadaptés pour certains publics. D'autre part, en ce qui concerne les publics les plus fragiles, auxquels est proposé le parcours de 600 heures, le nombre réduit de prestataires de formation dans certains départements oblige les intéressés à faire des trajets difficilement soutenables.
Dans le département de l'Orne, au hasard, une personne qui doit se rendre dans un centre de formation à Alençon depuis Flers, afin d'y suivre son programme de 600 heures en présentiel, est contrainte de prendre le car durant deux heures le matin et deux heures le soir.
Nous serons particulièrement vigilants sur ce sujet. Il me paraît primordial qu'une évaluation de ces nouvelles modalités soit menée d'ici le prochain exercice budgétaire.
En dernier lieu, je souhaiterais évoquer le pacte européen sur la migration et l'asile. Celui-ci regroupe neuf règlements et une directive, dont la majorité des dispositions seront applicables à compter du 12 juin 2026.
Le pacte comporte des évolutions majeures du droit de l'asile. Outre la création d'une procédure de filtrage aux frontières extérieures et la refonte de la procédure d'asile à la frontière, il apporte des modifications d'ampleur à la procédure d'asile de droit commun et au régime des conditions matérielles d'accueil.
Les crédits de paiement destinés à sa mise en œuvre en 2026 atteignent 85 millions d'euros, soit quasiment la moitié de l'estimation transmise à la commission européenne l'année dernière, qui s'élevait à 150 millions d'euros en 2026 et à près de 600 millions d'euros pour la période 2025-2027.
Monsieur le ministre, à ce jour, nous n'avons pas reçu d'explications parfaitement claires sur les causes et l'ampleur de l'écart entre le budget qu'a présenté le Gouvernement à la Commission européenne l'an dernier et la trajectoire budgétaire dans laquelle nous nous situons.
Surtout, nous ne pouvons qu'être inquiets des conditions de mise en œuvre du pacte ; l'ensemble des acteurs du secteur nous ont alertés sur certains points qui demeurent incertains.
Beaucoup de dispositions étant d'application directe, nous ne pouvons pas faire l'impasse sur une adaptation de notre droit d'ici au mois de juin prochain, au risque de créer de la confusion et une certaine forme d'insécurité juridique.
Compte tenu de ces observations, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Bruno Belin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de l'immigration relève du cœur même des responsabilités régaliennes de l'État. Il s'agit de maîtriser nos flux migratoires, de garantir un asile digne et d'assurer l'intégration réussie de celles et de ceux qui ont vocation à rejoindre notre communauté nationale et à en respecter la culture, car, disons-le, il existe bel et bien une culture française.
L'année dernière, notre groupe avait exprimé une préoccupation forte face à la baisse des crédits. Nous considérions que réduire les moyens de l'État en période de forte pression migratoire envoyait un signal contraire à l'exigence de fermeté et d'efficacité que nos concitoyens attendent.
Pour l'année 2026, la trajectoire budgétaire change nettement. La mission enregistre une hausse importante des autorisations d'engagement de plus de 25 % et une progression des crédits de paiement, en cohérence avec la programmation annoncée, notamment dans le cadre du programme « Immigration et asile ».
Cette évolution reflète la prise de conscience que la maîtrise migratoire a un coût et que celui-ci doit être assumé.
Certes, à l'échelon européen, les flux se contractent légèrement, mais cette tendance ne se répercute pas encore en France. Nous continuons à faire face à une pression importante, avec une hausse de 8 % des demandes d'asile enregistrées en 2024. Et même si les chiffres de 2025 amorcent une légère baisse, ils traduisent un infléchissement encore fragile.
Dans ce contexte, nous devons veiller à ce que l'État dispose des moyens nécessaires pour répondre à la situation de façon équilibrée et lucide.
Aujourd'hui, seulement 10 % à 11 % des OQTF prononcées sont exécutées ; c'est une véritable fragilité de notre pays. Ce taux demeure trop faible et mine notre crédibilité.
Nous saluons les efforts entrepris, notamment le renforcement des effectifs. Nous nous félicitons également des effets produits par la loi du 26 janvier 2024, qui a étendu le champ des expulsions pour menaces à l'ordre public et permis de faire progresser le taux d'exécution jusqu'à 42 %.
Si nous n'augmentons pas significativement les capacités de rétention et ne parvenons pas à obtenir plus systématiquement des laissez-passer consulaires, nous resterons en deçà de l'objectif.
À ce titre, la montée en puissance des investissements dans les centres de rétention administrative, à hauteur de plus de 266 millions d'euros, va dans le bon sens. Nous devrons cependant veiller à ce que ces crédits soient effectivement consommés.
Les obstacles administratifs et fonciers ont retardé de trop nombreux projets par le passé.
L'un des volets les plus encourageants de cette mission est le renforcement des moyens de l'Ofpra pour raccourcir les délais de traitement. C'est là un point essentiel, car une décision de droit d'asile, qu'elle soit positive ou négative, doit être exécutée rapidement.
Nous saluons aussi la méthode qui consiste à améliorer l'efficacité administrative pour réduire les coûts, plutôt que de restreindre les droits.
Le pacte européen sur la migration et l'asile, qui entrera en vigueur en 2026, nécessite d'anticiper des dépenses nouvelles. Ainsi, près de 85 millions d'euros sont prévus pour cette seule année. C'est une étape importante ; la France ne peut pas répondre seule à une pression migratoire qui est structurellement européenne.
Les crises régionales, qu'elles surviennent en Afrique, au Moyen-Orient ou en Ukraine, montrent que les flux migratoires sont, de toute évidence, sensibles aux crises géopolitiques.
Les récents débats autour des politiques migratoires au sein de l'administration américaine rappellent également combien ces sujets se mondialisent rapidement.
Dans ce contexte, nos accords bilatéraux, notamment l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, devront sans doute être repensés pour renforcer notre capacité à maîtriser nos frontières et nos retours. Nous devrons aussi être plus vigilants sur les flux entrants, notamment en provenance de pays qui ne respectent pas les droits des femmes.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce budget, qui garantit une amélioration réelle de l'efficacité des éloignements, un traitement plus rapide des demandes d'asile et une intégration fondée sur l'exigence républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme Muriel Jourda. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m'incombe, au nom du groupe Les Républicains, de dire quelques mots du budget alloué aux politiques d'immigration, d'asile et d'intégration.
Je veux avant toute chose remercier la rapporteure spéciale et les rapporteurs pour avis de la clarté de leurs interventions, car elles nous permettent de mieux cerner ce budget. Celui-ci est largement inspiré du budget de votre prédécesseur, monsieur le ministre.
M. Olivier Bitz. Tant mieux !
Mme Muriel Jourda. Nous vous savons gré d'avoir la même lucidité que lui sur la question migratoire, ne serait-ce que parce que le délai dont vous disposiez pour élaborer ce budget était un peu serré.
Cette lucidité vous a conduit aussi à prévoir un certain nombre d'économies, imposées par le contexte budgétaire actuel, sans les faire pour autant peser sur les fonctions régaliennes de l'État, qui doivent être impérativement préservées.
J'indique d'emblée que le groupe Les Républicains émettra un avis favorable sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », car ce budget me semble préserver, dans l'ensemble, les fonctions régaliennes inhérentes à ces domaines.
J'évoquerai brièvement chacun de ces éléments, en commençant par l'immigration, qui comprend les flux réguliers et irréguliers.
S'agissant des premiers, nous constatons malheureusement que nous ne maîtrisons pas les entrées sur notre territoire comme nous le devrions. Cela constitue une difficulté majeure, j'y reviendrai.
Quant aux seconds, si le taux d'exécution des OQTF, que nous examinons toujours avec beaucoup d'intérêt, ne s'améliore pas sensiblement, nous observons une progression des éloignements en valeur absolue. Cette évolution résulte à la fois de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, que le Sénat a largement remaniée, et d'une volonté politique accrue en faveur des retours, forcés comme volontaires. Il convient de poursuivre dans cette voie.
À cet égard, l'augmentation significative des crédits dédiés aux places en centres de rétention administrative constitue un point positif. Nous espérons ainsi rejoindre la trajectoire définie par la Lopmi, s'agissant de l'objectif de 3 000 places à l'horizon 2029. Il s'agit d'une bonne nouvelle, car le taux d'exécution des mesures d'éloignement est bien supérieur lorsque l'étranger est placé en rétention administrative plutôt que simplement visé par une OQTF. De ce point de vue, ce budget nous paraît favorable.
Les crédits consacrés à l'asile restent, quant à eux, globalement stables, ce qui démontre toutefois combien, à moyens constants, une politique différente permet d'obtenir des résultats. Cette nouvelle approche consiste à réaffecter les ressources aux personnels de l'Ofpra, qui devrait bénéficier de 48 équivalents temps plein supplémentaires. En réduisant les délais de traitement des demandes, nous diminuons ainsi en contrepartie le besoin en places d'hébergement et le montant de l'allocation pour demandeur d'asile à verser. Cela s'est déjà confirmé, et nous formons le vœu que cette stratégie vertueuse et pertinente soit poursuivie avec la même détermination.
Les crédits destinés à l'intégration sont reconduits à l'identique ou presque. Il s'agit de financer cette politique fondamentale, rempart de notre modèle universaliste contre le danger d'un basculement vers une société communautariste. Cette stratégie essentielle, dont les évolutions ont été largement détaillées par les orateurs précédents, doit désormais être appliquée avec vigueur. J'estime en effet que les résultats en la matière sont vitaux pour l'avenir de notre nation.
J'ajouterai trois observations quant à la construction de ce budget.
Premièrement, nous nous réjouissons que celui-ci s'aligne, peu ou prou, sur la trajectoire définie par la Lopmi, c'est très positif ; deuxièmement, au nom de la sincérité budgétaire, nous saluons l'intégration des crédits relatifs à la protection temporaire des déplacés ukrainiens, qui en étaient jusqu'alors exclus pour des raisons peu compréhensibles ; troisièmement, nous soutiendrons l'amendement des rapporteurs visant à plafonner les frais irrépétibles devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Ces frais grèvent anormalement le budget de l'Ofpra, dont les ressources seraient mieux employées pour ses missions prioritaires.
Il me reste quelques instants pour formuler une observation générale sur la politique migratoire, au-delà des seules considérations budgétaires.
Ce sujet fait souvent l'objet d'une hystérisation excessive. Pourtant, pour un État doté de frontières, la politique migratoire consiste simplement à définir qui entre sur son territoire, qui y reste et à quelles conditions, ainsi qu'à ne pas y maintenir ceux qui ne remplissent pas ces critères. Tel est le fonctionnement normal de tout pays doté de frontières.
Or la difficulté de la France réside dans l'absence d'une véritable politique migratoire, remplacée par une gestion complexe de multiples titres de séjour. Lors de nos travaux précédents, nous avions dénombré 186 types de titres différents, un chiffre proprement impensable. Il suffit aujourd'hui de remplir les conditions de l'un d'entre eux pour entrer. Nous devons impérativement passer à autre chose !
L'obstacle principal en la matière tient à l'interprétation actuelle de la Constitution, qui nous empêche de mettre en œuvre une autre politique, appuyée sur l'immigration choisie. Ce terme ne doit pas effrayer : les grands pays d'immigration, qui sont les plus attractifs, comme les États-Unis, le Canada ou l'Australie pratiquent une sélection en fonction de leurs besoins. Ce n'est pas incongru, nous devrions pouvoir faire de même, mais cela n'est pas possible actuellement.
La politique de l'asile doit également être revue. La moitié, environ, des demandeurs se voient refuser le statut de réfugié au terme de la procédure. Avec plus de 100 000 demandes par an, cela signifie qu'un nombre considérable d'individus se maintiennent sur le territoire sans avoir obtenu le statut sollicité. Il faudrait donc permettre de demander l'asile hors de nos frontières, afin de n'admettre sur le territoire national que les personnes éligibles selon nos règles.
Une telle évolution doit être préparée avec l'Union européenne. Vous l'aurez compris, il nous faut mener des réformes pour nous permettre de choisir notre politique migratoire ; à mon sens, l'Union européenne elle-même doit faire de même.
Monsieur le ministre, je suis conscient que la configuration politique actuelle rend difficile l'obtention d'un large consensus parlementaire pour de telles réformes. Pour autant, la maîtrise de l'immigration est essentielle, tant pour notre pays que pour ceux que nous accueillons. C'est donc bien la mission que nous devons nous assigner.
En attendant, le groupe Les Républicains votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Pour 2026, ce budget s'établit à 2,16 milliards d'euros, en hausse de près de 4 % par rapport à l'exercice précédent. Cette évolution traduit avec « lucidité », pour reprendre le terme de la présidente de la commission des lois, la réalité de notre politique migratoire. Celle-ci repose sur trois impératifs indissociables : la maîtrise des flux, le renforcement de l'intégration des étrangers en situation régulière et la garantie de l'exercice du droit d'asile.
Cette progression budgétaire résulte d'abord d'un contexte exigeant. En 2024, la France a enregistré 153 715 demandes d'asile, soit une augmentation de 7,8 %. Elle occupe désormais le quatrième rang européen, derrière l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Face à cette pression, nous devons disposer d'outils administratifs solides, rapides et respectueux de nos engagements internationaux. Ce budget permet précisément cet effort d'adaptation.
Toutefois, notre politique migratoire ne se limite pas à la seule gestion de l'asile. Elle vise également à concilier l'attractivité économique et universitaire avec une maîtrise rigoureuse des flux.
Cette vision équilibrée se fonde sur une conviction : l'immigration légale constitue une richesse lorsqu'elle répond aux besoins de notre économie et de nos universités. À ce titre, la mobilité étudiante internationale représente un levier majeur d'attractivité : elle favorise la réussite des jeunes talents, soutient notre recherche et dynamise nos partenariats. Les initiatives engagées ces dernières années, passeport talent avec visas French Tech, stratégies Choose France ou Destination France, participent pleinement de cette dynamique d'innovation et de compétitivité.
Cet équilibre exige aussi de la fermeté, notamment à l'égard de l'immigration irrégulière, et plus encore des personnes menaçant l'ordre public. La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration a ainsi renforcé nos capacités d'éloignement et simplifié les procédures.
Plus récemment, la loi du 11 août 2025 de programmation pour la refondation de Mayotte a apporté des réponses à la situation singulière de mon territoire face à la pression migratoire.
Pour 2026, les crédits de la mission permettront donc de financer, à Mayotte, l'aide au retour volontaire des étrangers en situation irrégulière et de préparer, d'ici à 2030, l'abrogation du titre de séjour territorialisé. Par ailleurs, la centralisation des reconnaissances de paternité à Mamoudzou permettra de lutter contre les reconnaissances frauduleuses.
Enfin, l'intégration demeure un pilier essentiel. Chaque année, plus de 100 000 personnes signent le contrat d'intégration républicaine (CIR), dont un tiers sont bénéficiaires de la protection internationale.
La loi du 26 janvier 2024 a rehaussé les exigences linguistiques : le niveau A2 est requis pour une carte pluriannuelle, le niveau B1 pour la carte de résident et le niveau B2 pour la naturalisation.
Cette exigence est légitime, la maîtrise du français constituant un puissant vecteur d'insertion. Je rappelle toutefois que l'intégration ne saurait se réduire à un niveau de langue ; elle implique aussi le respect de nos règles, la participation aux institutions sociales et l'adhésion au pacte républicain.
Les crédits pour 2026 traduisent une politique migratoire équilibrée, lucide et cohérente, conjuguant humanité et fermeté, attractivité et protection, exigence républicaine et respect du droit. C'est pourquoi notre groupe votera en faveur de leur adoption.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », lesquels affichent cette année une légère hausse de 3,8 %.
Je déplore toutefois que cet effort budgétaire se concentre quasi exclusivement sur la lutte contre l'immigration irrégulière, au détriment du volet « intégration » et de l'exercice du droit d'asile. Je relève par ailleurs que le budget pour 2025 s'inscrivait quant à lui en baisse, alors même que le ministre de l'époque, un certain Bruno Retailleau, avait érigé l'immigration en priorité.
Il n'y a rien d'étonnant quant au niveau des crédits qui nous sont soumis : ce projet de loi de finances pour 2026 constitue la traduction comptable de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Ce texte n'abordait l'intégration que dans son intitulé, puisqu'il renonçait dans son contenu à toute régularisation par le travail et, partant, à toute perspective réelle d'intégration.
Premièrement, je relève que les moyens alloués à la lutte contre l'immigration irrégulière augmentent fortement. Cela s'explique par la poursuite du plan visant à porter à 3 000 le nombre de places en CRA d'ici à 2027, une mesure dont la paternité revient, rappelons-le, à M. Éric Ciotti, qui a permis son inscription dans la Lopmi.
Or, comme le souligne régulièrement la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), la priorité devrait aller à l'entretien et à la réfection des locaux existants souvent vétustes et dans un état déplorable, plutôt qu'à des constructions nouvelles.
Les faits sont têtus : cette politique d'enfermement et d'éloignement ne fonctionne pas. Le nombre de personnes retenues augmente, les durées de rétention s'allongent, sans que les éloignements suivent. Le précédent gouvernement avait même tenté de porter cette durée à 210 jours, avant d'être censuré par le Conseil constitutionnel.
Outre les CRA, cette hausse des crédits finance les fameux – et honteux ! – locaux d'unités familiales à Mayotte, institués par la loi de programmation pour la refondation de Mayotte de 2025. Ces structures permettront la rétention de mineurs, faisant de ce département, à compter du 1er juillet 2028, le seul territoire français où des enfants seront enfermés dans des CRA. Nous continuerons de combattre cette mesure indigne, qui exposera inévitablement la France à des condamnations de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
Deuxièmement, je note la stagnation des crédits alloués à la formation linguistique, alors que l'exigence d'un niveau A2 pour l'obtention d'un titre de séjour pluriannuel, inscrite dans la loi de 2024, entrera en vigueur le 1er janvier 2026. Une fois de plus, vous fixez des objectifs sans les assortir des moyens nécessaires. La rapporteure spéciale de la commission des finances reconnaît elle-même que le public concerné augmentera de 40 %, à budget constant.
Nous pouvons nous interroger : s'agit-il d'une volonté délibérée d'entraver l'intégration ? Ces milliers de personnes seront abandonnées à des formations à bas coût, à distance, via des modules numériques. Il s'agit d'une véritable usine à gaz, conçue pour décourager et opérer un tri.
Selon les propres évaluations du Gouvernement, seul un étranger sur deux atteindra le niveau requis. Quel intérêt y a-t-il à condamner l'autre moitié à la précarité d'un titre de séjour temporaire d'un an ? Cette situation empêche l'intégration durable et alourdit la charge de travail des préfectures, qui peinent déjà à traiter les demandes existantes.
Nous sommes également très inquiets de la nouvelle réduction du parc d'hébergement. Après la fermeture de 6 500 places en 2025, près de 2 000 disparaissent en 2026. Pourtant, vous n'adaptez toujours pas l'offre existante à la réalité des flux, marquée par une hausse de 44 % du nombre de femmes demandeuses d'asile en 2024. Ce changement de profil exige des hébergements adaptés et, surtout, sécurisés. La baisse est encore plus brutale pour les réfugiés ukrainiens, qui risquent de se retrouver à la rue.
Nous ne comprenons pas davantage la baisse des sommes consacrées à l'ADA. Avec un montant dérisoire de 6,80 euros par jour, cette aide ne permet pas à ses bénéficiaires de vivre dignement, ni même de se nourrir convenablement. Pourtant, vous comptez réaliser encore des économies sur ses crédits.
Ce budget ne présente que deux points positifs : d'une part, la création de 48 ETP à l'Ofpra, où les conditions de travail sont très dégradées et dont les agents sont épuisés par la pression sur les délais d'instruction ; d'autre part, le renforcement des moyens pour pallier les graves dysfonctionnements de l'Administration numérique pour les étrangers en France (Anef).
Nos deux amendements visant respectivement à ouvrir l'accès au marché du travail à l'ensemble des demandeurs d'asile et à porter la validité des documents provisoires de séjour à six mois au minimum ont été déclarés irrecevables. Nous comprenons mal ces décisions, car ces mesures entretenaient un lien direct avec le projet de loi de finances et auraient permis d'alléger les dépenses publiques.
Vous l'aurez compris, ce budget n'est pas satisfaisant. Déséquilibré, il privilégie le répressif sans faire preuve d'aucune volonté d'intégration des personnes migrantes dans notre société.
Il nous semble déconnecté du terrain et ne répond pas aux alertes des acteurs associatifs qui œuvrent au quotidien pour améliorer les conditions de vie des migrants. Pour toutes ces raisons, nous avons déposé plusieurs amendements. S'ils ne sont pas adoptés, nous voterons contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche et Mme Sophie Briante Guillemont applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, l'examen de cette mission budgétaire soulève la même interrogation. Quelle politique migratoire souhaitons-nous pour notre pays : une politique guidée par la peur et l'obsession du soupçon, ou une politique fondée sur les droits, la dignité, l'accueil et l'intégration ?
Depuis plusieurs mois, monsieur le ministre, nous avons relevé dans vos déclarations certaines inflexions, une volonté affichée de rompre avec les outrances de votre prédécesseur, voire l'esquisse d'un discours plus ouvert sur les questions d'intégration.
Toutefois, l'examen minutieux de ce budget impose une évidence : par-delà les nuances de ton, vos choix politiques demeurent inchangés.
Ce budget ne marque aucun tournant ; au contraire, il prolonge des orientations anciennes, dont nous connaissons l'inefficacité, le coût et la brutalité. Comme lors des débats précédents, la même constante transparaît : la dégradation des conditions d'accueil et la priorité donnée à la répression.
Certes, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » progressent cette année de 3,83 %. Si cette hausse peut sembler positive de prime abord, elle ne traduit aucune ambition nouvelle : elle finance d'abord la répression, au détriment de l'intégration.
Il est d'ailleurs singulier d'entendre les tenants de l'orthodoxie budgétaire, prompts à affirmer qu'il n'y a d'argent ni pour les retraites ni pour les prestations sociales, trouver soudainement des ressources lorsqu'il s'agit de réprimer l'immigration.
Or ces choix représentent un coût, à la fois budgétaire et humain. Malgré ces moyens supplémentaires, la politique d'expulsion que vous fixez n'atteint pas ses objectifs, puisque seulement 11 % des OQTF sont exécutées. Ce chiffre révèle à lui seul l'illusion d'une ambition aussi démesurée que déconnectée du réel.
Ce budget témoigne d'une dérive profonde : vous appréhendez la politique migratoire comme un tableau Excel, fait d'objectifs chiffrés, de ratios et de courbes à redresser. Derrière ces chiffres, pourtant, il y a des vies humaines et cette déshumanisation emporte des conséquences concrètes : une dégradation continue de l'accueil, un accompagnement insuffisant et des atteintes répétées aux droits fondamentaux, notamment en matière d'hébergement.
Vous érigez ensuite l'accélération des procédures d'asile en priorité absolue. Si réduire les délais peut sembler légitime, vouloir aller plus vite à moyens constants ou insuffisants fragilise les droits fondamentaux : les demandeurs d'asile ne disposent plus du temps nécessaire pour constituer un dossier solide.
Cette politique épuise également les agents de l'Ofpra. Le manque de moyens, conjugué à la pression quantitative, les enferme dans une politique du chiffre et fragilise le droit d'asile au lieu de le protéger.
De surcroît, comme si tout cela ne suffisait pas, vous poursuivez l'extension de la rétention administrative en augmentant le nombre de places en CRA pour atteindre 3 000 à l'horizon de 2026. La même logique prévaut, alors que cette politique coûteuse et brutale n'a jamais démontré son efficacité.
Mes chers collègues, nous dénoncions déjà l'an dernier cette contradiction fondamentale : vous dites que l'immigration doit être mieux organisée, mais vous consacrez l'essentiel des moyens à la répression ; vous dites que l'intégration est essentielle, mais vous ne la financez pas ; vous dites que l'asile est un droit, mais vous réduisez de facto l'accès à ce droit. Rien n'a changé.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre les crédits de cette mission. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Guy Benarroche applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget traduit en termes comptables et financiers la vision globale du Gouvernement sur les étrangers.
Sans surprise, il s'inscrit dans la droite ligne – la ligne très à droite ! – des précédents gouvernements et reflète une série de fantasmes idéologiques sur un sujet aussi sérieux que sensible pour l'opinion publique.
Prétendre baisser la pression migratoire dans notre monde relève du déni. Êtes-vous sérieux lorsque vous affirmez de telles choses ? Considérez-vous réellement que nous allons diminuer les mouvements migratoires dans notre civilisation ?
La répétition est, dit-on, la base de la pédagogie : l'asile est un mécanisme de protection pour des personnes fuyant dangers et persécutions dans leur pays. Nous avons su réagir efficacement pour l'accueil des réfugiés ukrainiens, en instaurant une procédure spécifique.
Ce dispositif nous semble si naturel que nous nous étonnons qu'il ne soit pas appliqué à l'ensemble des demandeurs d'asile. Pourquoi ne pas leur permettre de travailler dès le dépôt de leur demande ? Pourquoi ne pas généraliser ces méthodes exceptionnelles, qui ont fait leurs preuves ?
Comme un gimmick, le Gouvernement diminue, pour la quatrième année consécutive, les crédits de l'allocation pour demandeur d'asile. Ces baisses successives – de 36 %, puis 10 %, puis 16 % – se poursuivent cette année, sans aucune corrélation avec le nombre de demandeurs. Vous l'avez d'ailleurs admis vous-même : celui-ci a encore augmenté de manière sensible.
Le Gouvernement érige en priorité la lutte contre l'immigration irrégulière. Dont acte. Pour ce faire, monsieur le ministre, vous ne marchez toutefois que sur une jambe. Comme mes collègues l'ont souligné, vous négligez totalement le volet intégration.
Cette dérive, au-delà de son aspect idéologique, s'opère au détriment de l'accompagnement des nouveaux arrivants et de l'accès aux droits des étrangers ; elle nuit à cette intégration que vous prétendez pourtant soutenir, à l'instar de vos prédécesseurs.
Un exemple criant en est la baisse de près de 2,5 millions d'euros des crédits dédiés à l'hébergement des demandeurs d'asile, à rebours de la promesse formulée par le Président de la République à Orléans, en 2017 – le sort des promesses du président Macron relève toutefois d'un autre débat !
Une telle précarisation pousse les demandeurs d'asile vers l'hébergement d'urgence de droit commun ou dans les bras des marchands de sommeil. Nous condamnons ces pratiques, tout comme vous, mais il convient tout de même de faire preuve de cohérence.
La priorité du Gouvernement reste la construction effrénée de CRA. Certes, vous avez révisé vos ambitions à la baisse pour 2027, la parole ministérielle se heurtant à la réalité budgétaire, il devient évident que les annonces étaient irréalisables.
Je le répète, l'efficacité de la rétention est plus que limitée. Allonger sa durée n'améliore pas le taux d'exécution des mesures d'éloignement ; vous savez que seule la diplomatie permet de progresser en la matière. De plus, les éloignements forcés coûtent quatre fois plus cher que les mesures d'accompagnement au retour volontaire.
Le temps m'est compté, mais je pourrais évoquer le parcours semé d'embûches imposé aux étrangers : les obstacles administratifs – qu'il s'agisse d'obtenir un rendez-vous en préfecture ou de renouveler un titre de séjour – finissent par les placer dans l'illégalité, favorisant le travail dissimulé et la précarité statutaire. Cette irrégularité, nous la créons nous-mêmes par la complexité, voire l'impossibilité des démarches.
Je n'aborderai pas la formation, le sujet a déjà été traité.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Guy Benarroche. En conclusion, une intégration moins réussie et une absence de progrès face à l'immigration irrégulière, le tout sous le prétexte du leurre idéologique consistant à prétendre stopper les mouvements migratoires mondiaux : tout cela explique que nous ne voterons pas ces crédits.
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Mme Nathalie Goulet et M. Guislain Cambier applaudissent.)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après l'examen samedi des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui ceux de la mission « Immigration, asile et intégration ».
J'en suis satisfait, car le projet de loi de finances pour 2026 traduit deux priorités majeures : la sécurité des Français et le renforcement de la présence de l'État dans les territoires. Il place à ce titre la politique migratoire au cœur de nombreux défis, qu'il s'agisse du respect de nos obligations européennes, de l'accroissement des capacités de rétention ou de la poursuite des actions engagées en faveur de l'intégration et de l'accueil des demandeurs d'asile.
Ce projet de loi de finances prévoit de porter le budget du ministère à 24,5 milliards d'euros l'an prochain, soit une hausse de 587 millions d'euros. C'est pourquoi l'adoption de ce texte est essentielle : elle conditionne l'octroi des ressources nécessaires à nos forces de sécurité et de secours.
S'agissant spécifiquement de la mission « Immigration, asile et intégration », ses crédits atteindront 2,16 milliards d'euros, en progression de 80 millions d'euros par rapport à 2025.
Cette enveloppe se répartit comme suit : 1,79 milliard d'euros pour le programme 303 « Immigration et asile », en hausse de 77,5 millions d'euros, et 368,5 millions d'euros pour le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité », en augmentation de 2,5 millions d'euros.
Ces crédits permettront la mise en œuvre de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, ainsi que des deux lois du 11 août 2025, la première visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive ; la seconde portant programmation pour la refondation de Mayotte.
Ces moyens accompagneront également la transposition du pacte européen sur la migration et l'asile dont l'entrée en vigueur, prévue en juin 2026, constitue un enjeu financier majeur.
Ce nouveau cadre juridique, porté par la France, réforme en profondeur la politique migratoire européenne ; il vise à sécuriser les frontières extérieures de l'Union et à rendre la gestion de l'asile plus efficiente, en tendant vers une harmonisation des conditions d'accueil afin de limiter les mouvements secondaires au sein de l'Union.
Concrètement, il instaure une procédure d'asile aux frontières extérieures, assortie d'une capacité adéquate de places d'hébergement mobilisables, et réforme le règlement de Dublin. Il prévoit également un nouveau mécanisme de solidarité, l'adaptation des conditions matérielles d'accueil et la refonte du système d'information Eurodac. Il implique un effort budgétaire significatif estimé à plus de 72 millions d'euros en crédits de paiement sur la mission en 2026.
En outre, la création de 150 nouvelles places en zone d'attente est budgétée pour se conformer aux nouvelles procédures.
En matière d'immigration, la stratégie de l'État se concentrera sur l'amélioration des contrôles, sur la lutte contre la fraude documentaire – notamment par l'utilisation proportionnée de la biométrie –, les détournements de procédures et les filières, sur le renforcement des contrôles aux frontières, ainsi que sur la dynamisation de la politique d'éloignement.
À cette fin, les crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière se maintiennent à un niveau supérieur à 170 millions d'euros en crédits de paiement, hors immobilier.
Dans ce cadre, l'investissement important se poursuivra pour concrétiser le plan ambitieux d'ouverture de places en centre de rétention administrative prévu par la Lopmi, dit plan CRA 3000. Deux nouveaux centres seront livrés en 2026, à Bordeaux et à Dunkerque, tandis que la construction de deux autres sera engagée à Béziers et à Nantes. De plus, les capacités d'accueil de plusieurs centres, notamment à Rennes et à Metz, seront renforcées.
Au total, plus de 266 millions d'euros en autorisations d'engagement et 156 millions d'euros en crédits de paiement sont inscrits sur le volet immobilier des CRA.
Par ailleurs, la construction d'une zone d'attente est prévue à Mayotte, tout comme celle d'unités de vie familiale, conformément à la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
En matière d'intégration, la loi du 26 janvier 2024 a modifié significativement l'approche en substituant une obligation de résultat à une obligation de formation. Son article 20 dispose que, au plus tard le 1er janvier 2026, les étrangers sollicitant une carte de séjour pluriannuelle devront avoir atteint le niveau de langue A2 et réussi un examen civique.
Il en ira de même pour les demandeurs d'une carte de résident, qui devront avoir atteint le niveau de langue B1. La France se met ainsi au même niveau d'exigence que la plupart des pays européens. Un décret du 15 juillet dernier étend ces procédures à l'accès à la nationalité, qui, dès le 1er janvier 2026, sera conditionnée à l'atteinte d'un niveau de langue B2.
Les crédits pour 2026 intègrent l'adaptation, en conséquence, des formations linguistiques et civiques délivrées par l'Ofii dans le cadre du contrat d'intégration républicaine.
En ce qui concerne les bénéficiaires de la protection internationale, le déploiement sur l'ensemble du territoire hexagonal du programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés, dit Agir, s'est achevé à la mi-2025.
Ce nouveau guichet départemental contribue à améliorer l'accès aux droits, à l'emploi et au logement des personnes réfugiées grâce à une meilleure coordination de l'ensemble des acteurs locaux de l'intégration – services publics de l'emploi, de l'hébergement, du logement, de l'insertion, acteurs associatifs. Il doit également s'articuler de manière plus pertinente avec les dispositifs de droit commun et les programmes spécialisés, de manière à améliorer l'efficacité de ces derniers et à éviter les redondances, notamment les doubles financements.
Les objectifs fixés sont donc atteints, mais ces premiers résultats positifs doivent être consolidés. Les efforts doivent en particulier être amplifiés en matière d'accès au logement et à l'emploi.
Une « file active » de 25 000 à 26 000 personnes peut actuellement bénéficier du programme. Les crédits prévus permettront de maintenir cette capacité d'accueil en 2026, année au cours de laquelle un nouvel accord-cadre sera lancé pour consolider le dispositif.
Enfin – j'en terminerai par là –, les crédits alloués au déploiement du programme d'administration numérique pour les étrangers en France, de France-Visas (FV) et le programme frontières sécurisées et fluides (PFSF), seront portés à plus de 82 millions d'euros, soit plus de 8 millions d'euros qu'en 2025, afin de moderniser et de rendre plus accessible le service public aux usagers, mais aussi de faciliter et de renforcer les contrôles par les agents des préfectures, des forces de sécurité intérieure et des douanes.
En investissant dans les dispositifs destinés à corriger la vulnérabilité des titres et à améliorer les contrôles ciblant les filières d'immigration clandestine, nous renforçons donc la lutte contre l'immigration irrégulière.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget pour 2026 traduit pleinement la politique que le Gouvernement entend conduire en matière migratoire. S'inscrivant dans la continuité de la politique portée par mes prédécesseurs, celle-ci repose sur deux piliers : humanité et fermeté.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l'état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Immigration, asile et intégration |
2 239 363 408 |
2 160 935 708 |
Immigration et asile |
1 870 879 406 |
1 792 471 706 |
Intégration et accès à la nationalité française |
368 484 002 |
368 464 002 |
M. le président. L'amendement n° II-1556 rectifié, présenté par MM. Canévet, Longeot, Folliot, Delahaye, Menonville, Cambier et Maurey, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
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+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
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5 000 000 |
|
5 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
TOTAL |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
SOLDE |
-10 000 000 |
-10 000 000 |
||
La parole est à M. Guislain Cambier.
M. Guislain Cambier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Le dispositif proposé est assez général.
Par ailleurs, à l'heure où nous demandons des efforts particuliers en matière de régalien, nous nous félicitons de l'augmentation des crédits de la présente mission.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l'avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. L'adoption de cet amendement obérerait significativement le déploiement des politiques que je viens d'exposer.
Je demande donc également le retrait de cet amendement. À défaut, l'avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour explication de vote.
M. Guislain Cambier. S'agissant d'une compétence régalienne, j'estime qu'il faut soit l'assumer complètement, soit la transférer via une délégation de service public, non seulement pour en assurer un traitement approprié, mais aussi par cohérence.
Par ailleurs, il ne suffit pas de répéter combien notre État est impécunieux : encore faut-il consentir des efforts.
Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1556 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-725, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
286 680 000 |
|
286 680 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
|
|
|
TOTAL |
|
286 680 000 |
|
286 680 000 |
SOLDE |
-286 680 000 |
-286 680 000 |
||
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Au regard des difficultés financières que rencontre l'État, il est impératif de procéder à des économies généralisées. Celles-ci doivent concerner tous les secteurs, y compris la gestion des demandes d'asile.
Par cet amendement, nous proposons donc de rationaliser les dépenses publiques relatives à l'accueil des demandeurs d'asile, en réduisant de 5 % le budget alloué à l'allocation pour demandeur d'asile et de 30 % des crédits finançant l'hébergement des demandeurs d'asile, lesquels sont du reste en augmentation de 42 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.
M. le président. L'amendement n° II-717, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
|
|
|
Intégration et accès à la nationalité française |
|
100 000 000 |
|
100 000 000 |
TOTAL |
|
100 000 000 |
|
100 000 000 |
SOLDE |
- 100 000 000 |
- 100 000 000 |
||
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Les demandes d'asile dans notre pays sont actuellement enregistrées et traitées sur le territoire national, ce qui emporte des coûts substantiels, notamment d'établissement de la situation administrative des demandeurs. Ces démarches pourraient être prises en charge en grande partie dans les pays d'origine, au sein des ambassades et consulats français. Cela contribuerait à rationaliser les dépenses publiques.
Je rappelle que les autorisations d'engagement programmées pour 2026 sont en augmentation de 22 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.
M. le président. L'amendement n° II-712, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
25 200 000 |
|
25 200 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
|
|
|
TOTAL |
|
25 200 000 |
|
25 200 000 |
SOLDE |
- 25 200 000 |
-25 200 000 |
||
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-1582, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
60 000 000 |
|
60 000 000 |
|
Intégration et accès à la nationalité française |
|
60 000 000 |
|
60 000 000 |
TOTAL |
60 000 000 |
60 000 000 |
60 000 000 |
60 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
||
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, de même, du reste, que les années précédentes, la baisse des crédits finançant l'allocation pour demandeur d'asile est un non-sens.
Au-delà du démenti que l'accueil des Ukrainiens a apporté aux intentions présidant à cette diminution, je rappelle que l'ADA est un droit : celui de toute personne sollicitant la protection de la France de pouvoir vivre dignement le temps de l'examen de sa demande.
Comme le rappelait notre collègue Brossat, derrière ces crédits, il y a des femmes, des hommes, des familles, souvent sans hébergement, qui dépendent de ce soutien minimal pour se nourrir, se déplacer et accéder aux soins. Réduire ces crédits reviendrait à fragiliser davantage des vies déjà marquées par la précarité et à dégrader les conditions d'accueil que notre nation s'est engagée à garantir.
La France ne peut pas construire sa politique d'asile sur l'austérité et la défiance ; elle doit rester fidèle à l'esprit du droit d'asile.
Par cet amendement, nous demandons donc que les crédits de l'ADA soient a minima portés au même niveau que l'an dernier.
M. le président. L'amendement n° II-890 rectifié, présenté par Mme Narassiguin, MM. Féraud, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
40 000 000 |
|
40 000 000 |
|
Intégration et accès à la nationalité française |
|
40 000 000 |
|
40 000 000 |
TOTAL |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
||
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement, similaire à celui que M. Benarroche vient de présenter, vise lui aussi à augmenter l'enveloppe allouée à l'ADA, de manière à la porter à un niveau conforme aux besoins.
Je rappelle du reste qu'il nous faut prendre en compte la mise en œuvre, à compter de juin 2026, du pacte européen sur la migration et l'asile : compte tenu du nombre croissant de demandeurs d'asile qui ne bénéficieront pas d'hébergement, le montant de l'allocation qui leur sera versée sera plus élevé.
M. le président. L'amendement n° II-885 rectifié, présenté par Mme Narassiguin, MM. Féraud, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
93 100 000 |
|
93 100 000 |
|
Intégration et accès à la nationalité française |
|
93 100 000 |
|
93 100 000 |
TOTAL |
93 100 000 |
93 100 000 |
93 100 000 |
93 100 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
||
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Le présent PLF prévoit la suppression d'environ 2 000 places, qui s'ajouteront aux 6 500 places supprimées l'année dernière. En tenant compte de l'indispensable création de 500 places d'hébergement pour les demandeurs d'asile à Mayotte, le parc devrait donc se contacter de 1 400 places cette année.
Cette diminution ne nous permettant pas de répondre aux besoins, nous proposons de relever les crédits alloués au parc d'hébergement des demandeurs d'asile.
M. le président. L'amendement n° II-1579, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
45 000 000 |
|
45 000 000 |
|
Intégration et accès à la nationalité française |
|
45 000 000 |
|
45 000 000 |
TOTAL |
45 000 000 |
45 000 000 |
45 000 000 |
45 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
||
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Par cet amendement, nous entendons remédier aux difficultés, pointées lors de l'examen de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et rappelées tout à l'heure, relatives au nombre de places d'hébergement d'urgence disponibles.
Les gouvernements successifs paraissent en effet se rejoindre sur un point : dégrader les conditions de l'accueil d'urgence, qui seules permettraient de garantir qu'aucun demandeur d'asile ne dorme dans la rue.
Je n'apprendrai rien à personne en rappelant que le Samu social est saturé, que, hiver comme été, trop de personnes précaires ne trouvent pas d'endroit pour s'abriter et que seuls 65 % des demandeurs d'asile ont été hébergés en 2024.
Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, à l'écoute des acteurs de terrain comme la Fédération des acteurs de la solidarité, souhaite donc rétablir les 6 429 places d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile supprimées par la loi de finances pour 2025.
Nous ne pouvons pas, en effet, accepter que l'on compte sur les places d'hébergement d'urgence de droit commun pour répondre aux besoins des demandeurs d'asile. Les conséquences d'un tel calcul, que j'estime cynique, pèseraient beaucoup trop sur un système déjà structurellement saturé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. L'avis est défavorable, pour l'ensemble des raisons invoquées par différents orateurs lors des interventions liminaires.
Muriel Jourda a notamment rappelé que les moyens humains de l'Ofpra ont été renforcés, puisque le nombre d'ETP, qui a déjà été relevé l'année dernière, sera de nouveau rehaussé cette année, de sorte que l'augmentation sur deux ans s'établira à près de 80 ETP. C'est suffisamment exceptionnel pour être souligné.
Si l'objectif n'est pas encore atteint, la stabilisation des délais d'instruction des demandes d'asile permet de réaliser les économies nécessaires.
En réponse à votre couplet sur la maltraitance, mes chers collègues, je rappelle par ailleurs que, même si nous votons ce budget, les allocations continueront d'être perçues par les demandeurs d'asile, qui n'en subiront donc aucune conséquence.
Je vous invite également à bien examiner les crédits de la présente mission : l'hébergement d'urgence étant transféré dans les centre d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), les crédits qui lui sont alloués se maintiennent à un niveau substantiel.
J'estime toutefois que notre politique migratoire doit s'adapter aux moyens que nous pouvons lui consacrer, contrairement à vous, qui estimez que la politique migratoire doit consister à laisser rentrer tout le monde et à ne pas s'efforcer de faire sortir quiconque de notre territoire, et que, en conséquence, les moyens doivent s'adapter à la demande. Telles ne sont pas nos options.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. En ce qui concerne les crédits alloués à l'ADA, 48 ETP supplémentaires étant affectés cette année à l'Ofpra, après l'augmentation de 29 ETP intervenue l'année dernière, j'estime moi aussi que nous devrions être en mesure de réduire les dépenses, grâce à une gestion plus fine.
Pour ce qui est des places d'hébergement d'urgence, je souscris aux propos de la rapporteure spéciale, auxquels j'ajouterai que le nombre de places financées est tout de même passé de 82 762 en 2017 à 113 258 dans la loi de finances pour 2025. Je rappelle par ailleurs que les demandeurs d'asile qui ne bénéficient pas d'un logement peuvent voir leur allocation majorée de 7,40 euros par jour.
Je précise, monsieur Benarroche, que les crédits alloués à l'ADA inscrits dans la présente mission sont établis sur la base des facteurs sous-jacents conduisant à la demande de cette allocation, ainsi que des estimations que nous réalisons, en intégrant notamment les efforts de gestion que j'évoquais.
Je suis donc défavorable à l'ensemble de ces amendements.
M. le président. L'amendement n° II-798 rectifié bis, présenté par Mme Briante Guillemont, M. Masset, Mmes N. Delattre et M. Carrère et MM. Fialaire, Gold, Grosvalet, Laouedj, Roux, Daubet et Guiol, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
5 000 000 |
|
5 000 000 |
|
Intégration et accès à la nationalité française |
|
5 000 000 |
|
5 000 000 |
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
||
La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.
Mme Sophie Briante Guillemont. Cet amendement vise à accroître les capacités d'hébergement en Cada et en centre d'accueil et d'orientation (CAO), afin de remédier aux tensions persistantes pesant sur le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile (DNA).
De nombreux demandeurs n'accédant pas à un hébergement dédié, ils sont orientés vers des structures d'hébergement d'urgence déjà très sollicitées, si bien que certains se retrouvent sans solution. Cette situation complique la gestion des procédures, fragilise la mise en œuvre du droit d'asile et accroît la précarité des personnes concernées.
Un renforcement des capacités d'hébergement n'est donc plus seulement souhaitable : il est indispensable pour garantir un accueil digne et une gestion efficace des demandes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-798 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° II-888 rectifié, présenté par Mme Narassiguin, MM. Féraud, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
12 500 000 |
|
12 500 000 |
|
Intégration et accès à la nationalité française |
|
12 500 000 |
|
12 500 000 |
TOTAL |
12 500 000 |
12 500 000 |
12 500 000 |
12 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
||
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à rétablir les crédits destinés à financer le parc d'hébergement des bénéficiaires de la protection temporaire, autrement dit, des personnes ayant fui la guerre en Ukraine. Ces crédits ont été largement amputés ces deux dernières années, avec des conséquences très concrètes pour les réfugiés ukrainiennes et ukrainiens.
Ce parc d'hébergement mis en place à partir de 2022 pour faire face à l'arrivée de personnes fuyant la guerre en Ukraine a compté jusqu'à 30 000 places. Alors qu'il comptait encore 8 000 places à la fin de 2024, il n'en compte plus que 4 000, et sous prétexte de « s'adapter aux besoins réels », une nouvelle baisse est annoncée pour 2026.
Nous savons pourtant qu'à mesure que les places sont supprimées, des Ukrainiens de plus en plus nombreux sont confrontés à des difficultés d'hébergement – la presse quotidienne régionale s'en fait régulièrement l'écho sur l'ensemble du territoire.
Afin de mettre un coup d'arrêt à cette situation indigne dans notre pays, cet amendement vise donc à doubler les crédits alloués à l'hébergement des réfugiés ukrainiens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Contrairement à ce que vous paraissez sous-entendre, ma chère collègue, si nous avons d'abord paré au plus pressé en logeant les réfugiés ukrainiens dans des hébergements d'urgence, nous nous sommes ensuite efforcés de loger ces personnes de manière pérenne.
En tout état de cause, les crédits prévus étant en ligne avec les projections, l'avis est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Le présent projet de loi de finances inclut en effet le financement de l'allocation pour demandeur d'asile comme du dispositif de protection temporaire dont bénéficient les Ukrainiens.
L'avis est donc défavorable.
M. le président. L'amendement n° II-887 rectifié, présenté par Mme Narassiguin, MM. Féraud, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
500 000 |
|
500 000 |
|
Intégration et accès à la nationalité française |
|
500 000 |
|
500 000 |
TOTAL |
500 000 |
500 000 |
500 000 |
500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
||
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Par cet amendement, il est proposé d'allouer des crédits au financement de solutions d'hébergement alternatives au placement en zone d'attente pour les mineurs étrangers.
L'un des rares mérites de la loi du 11 août 2025 visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive est d'avoir interdit le placement en rétention des mineurs de 18 ans. Cette disposition, qui a depuis lors été remise en cause pour le territoire de Mayotte, ne s'applique toutefois pas aux zones d'attente, dans lesquelles les mineurs étrangers peuvent toujours être retenus dans des conditions aussi dégradantes qu'en CRA.
Dans un rapport d'enquête rendu public le 16 octobre 2025, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies estime qu'en matière de respect du droit des enfants, la France est en situation de violation de ses obligations internationales. Le Comité indique notamment que les conditions de confinement des enfants dans les zones d'attente des aéroports sont similaires à celles d'un centre de rétention administrative.
Nous vous proposons donc de nous donner les moyens de sortir les enfants concernés de ces zones d'attente, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Si ce débat est légitime, il ne relève pas d'un projet de loi de finances.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Les mineurs placés en zone d'attente à l'aéroport de Roissy sont pris en charge par la Croix-Rouge dans le cadre d'une convention, qui prévoit notamment que des médiateurs sont mis à leur disposition. Ce dispositif donne pleine satisfaction et répond donc à la préoccupation exprimée par les auteurs de l'amendement.
Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-722, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
405 142 000 |
|
405 142 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
|
|
|
TOTAL |
|
405 142 000 |
|
405 142 000 |
SOLDE |
- 405 142 000 |
- 405 142 000 |
||
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Par cet amendement, je vous soumets une petite source d'économies, mes chers collègues !
Le montant des subventions versées aux associations d'aide aux migrants s'élève à plus de 1 milliard d'euros par an. Je propose donc de diminuer de 400 millions d'euros les crédits alloués à ces associations, laquelle contribution sert bien souvent à porter plainte contre l'État ou à ralentir l'expulsion des personnes faisant l'objet d'une OQTF. L'État pourrait donc faire cette économie.
M. le président. L'amendement n° II-359 rectifié bis, présenté par MM. Cambier, Canévet, Delahaye et Fargeot, Mme Antoine, M. Maurey, Mme Billon, M. Duffourg, Mme Romagny, M. Bleunven, Mme Noël, MM. Naturel et Bonhomme, Mmes Muller-Bronn et V. Boyer et M. V. Louault, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
234 746 463 |
|
234 746 463 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
8 963 750 |
|
8 963 750 |
TOTAL |
|
243 710 213 |
|
243 710 213 |
SOLDE |
- 243 710 213 |
- 243 710 213 |
||
La parole est à M. Guislain Cambier.
M. Guislain Cambier. En matière régalienne, l'État n'assume pas ses responsabilités jusqu'au bout. En l'occurrence, il se soulage de certaines missions, en dehors de toute délégation de service public, au profit de structures qui pourraient faire l'objet d'un certain nombre d'interrogations légitimes.
À l'heure où tout un chacun déplore le déficit tout en n'assumant aucun choix budgétaire, nous proposons de réaliser une économie de près de 244 millions d'euros. Ce faisant, nous invitons également votre ministère à prendre en charge lui-même l'accompagnement des migrants, monsieur le ministre.
M. le président. L'amendement n° II-300, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
|
|
|
Intégration et accès à la nationalité française |
|
200 000 000 |
|
200 000 000 |
TOTAL |
|
200 000 000 |
|
200 000 000 |
SOLDE |
- 200 000 000 |
- 200 000 000 |
||
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. N'opposons pas les gentils et les méchants, mes chers collègues : certaines difficultés se posent et doivent être débattues.
En l'occurrence, des associations bénéficient de subventions importantes alors qu'il s'agit d'associations militantes. Ce sujet a donné lieu à un contrôle budgétaire fort intéressant de la commission des finances. Le sujet n'est pas clos, notamment parce qu'une réforme de l'Ofii s'impose et qu'il nous faut mieux contrôler les frais d'avocat.
Estimant donc que l'argent du contribuable ne doit pas servir à financer l'action d'associations militantes, je propose, comme je l'avais déjà proposé l'année dernière, de diminuer les crédits alloués à ces associations.
M. le président. L'amendement n° II-729, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
140 426 000 |
|
140 426 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
|
|
|
TOTAL |
|
140 426 000 |
|
140 426 000 |
SOLDE |
- 140 426 000 |
- 140 426 000 |
||
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-711, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
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Immigration et asile |
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120 000 000 |
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120 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
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10 000 000 |
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10 000 000 |
TOTAL |
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130 000 000 |
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130 000 000 |
SOLDE |
- 130 000 000 |
- 130 000 000 |
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La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. L'avis est défavorable sur l'ensemble des amendements, même si je partage un certain nombre d'observations qui ont été faites.
Il convient tout d'abord de distinguer les associations en fonction de leurs missions : le recours à des associations peut en effet s'entendre s'agissant notamment de l'hébergement et de l'apprentissage du français.
Par ailleurs, comme la Cour des comptes le relève dans son rapport intitulé Les missions, le financement et le contrôle par l'État des associations intervenant au titre de la politique d'immigration et d'intégration, les associations d'aide aux migrants n'étant quasiment pas contrôlées, elles sont en réalité moins fautives que l'État.
La pression migratoire est telle que ces associations sont en effet shootées aux subventions publiques. Placées dans des situations de grande difficulté, elles sont comme poussées à la faute du fait de la quasi-absence de contrôles, que l'État reconnaît indirectement dans ce rapport.
Ces associations nous renvoient enfin à un débat régalien. Certains amendements d'appel qui seront présentés dans un instant visent à interpeller le Gouvernement afin d'obtenir, à rebours des présentes propositions, la confirmation qu'il compte bien continuer à s'appuyer sur ces associations, notamment pour assurer la défense des droits des personnes retenues en CRA.
Vous connaissez mon point de vue, mes chers collègues. Je suis l'auteur de la proposition de loi relative à l'information et l'assistance juridiques en rétention administrative et en zone d'attente, qui vise à interdire à ces associations militantes d'assurer l'assistance juridique des personnes retenues. Il est en effet difficile de jouer ce rôle lorsqu'on est favorable à la disparition des CRA et opposé à l'éloignement, même si c'est le droit le plus strict de ces associations de se positionner ainsi.
À l'occasion d'une question d'actualité au Gouvernement, je vous avais interrogé, monsieur le ministre, sur le paradoxe par lequel le Gouvernement augmente considérablement les crédits d'investissement alloués aux centres de rétention – nous parlons de plusieurs centaines de millions d'euros, car, si les CRA fonctionnent, ils sont coûteux –, ce qui paraît traduire sa détermination à lutter contre l'immigration irrégulière, tout en continuant de permettre que ces associations soient installées à demeure dans les CRA – choix qui a été fait dès le départ –, alors qu'il résulte de l'action de ces dernières que sept retenus sur dix sortent des centres de rétention, non pas en raison des difficultés que nous rencontrerions pour les faire partir, mais du fait de décisions de justice qui empêcheront l'éloignement.
Je souhaite donc que nous expliquiez ce paradoxe, tout comme je souhaite que vous nous indiquiez si vous comptez inscrire ma proposition de loi, très largement adoptée par notre assemblée, à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Je vous remercie de votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
En tout état de cause, l'avis est défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Ces associations ont toujours accompagné l'État, dans le cadre de conventions et de cahiers des charges encadrant leur action, pour la gestion des demandes d'asile.
S'il convient certainement de renforcer les contrôles, il serait catastrophique, au regard de l'implication de ces associations, de réduire leurs subventions.
Je note du reste que c'est d'abord l'assistance juridique dispensée aux personnes retenues administrativement qui est pointée par les auteurs des amendements. Nous y reviendrons lors de la discussion de l'amendement n° II-889 rectifié, qui sera examiné dans quelques instants. Je pourrai alors répondre à votre question, madame la rapporteure spéciale – je ne botte pas en touche. J'indique toutefois sans attendre que des difficultés existent – il arrive notamment que des recours soient effectués sans l'accord des personnes retenues –, et je vous confirme que nous allons y travailler.
L'avis est défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir quand même rappelé que l'implication de ces associations est telle qu'il serait catastrophique de nous passer de leur contribution, tout comme il serait catastrophique de nous passer de l'aide qu'elles apportent aux familles résidant dans les zones où le narcotrafic se développe ou aux familles victimes du narcotrafic.
Ces associations ne sont pas comptables de la situation qui les contraint à remédier aux carences de l'État dans un certain nombre de domaines. Si elles n'existaient pas, le déficit budgétaire serait le double, voire le triple de ce qu'il est aujourd'hui.
Vous vous leurrez donc, mes chers collègues, quand vous pensez que réduire les subventions de ces associations nous ferait économiser de l'argent.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-359 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'amendement n° II-300.
Mme Nathalie Goulet. Je souhaite attirer votre attention sur la criminalité organisée qui prospère autour des réseaux d'immigration, monsieur le ministre.
Le 7 février dernier, votre prédécesseur a signé avec Tracfin une convention visant à juguler ces filières d'immigration clandestine. Au-delà du narcotrafic, il nous faut prendre à bras-le-corps ces filières d'immigration clandestine, dont le chiffre d'affaires s'établirait entre 5 milliards et 7 milliards d'euros.
Je souscris aux propos de notre ami Benarroche, car le système est ainsi fait qu'il repose aussi sur ces associations. J'estime en revanche qu'il faut prendre sérieusement en considération le sujet que je viens d'évoquer, monsieur le ministre.
Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-300 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° II-729.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° II-1608 rectifié, présenté par Mmes Canalès, Narassiguin, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Briquet et Brossel, M. Chaillou, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mmes Daniel, de La Gontrie, Le Houerou et Matray, M. Mérillou, Mme Poumirol, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Tissot, Uzenat, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
700 000 |
|
700 000 |
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Intégration et accès à la nationalité française |
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700 000 |
|
700 000 |
TOTAL |
700 000 |
700 000 |
700 000 |
700 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à maintenir les subventions publiques versées au Centre Primo-Levi, qui aide les exilés victimes de violences.
Cette association fournit un service indispensable pour l'accompagnement post-traumatique, au profit non seulement des personnes concernées au premier chef, mais aussi de la sécurité des Français, puisqu'elle accompagne des personnes qui ont vocation à s'intégrer sur notre territoire alors qu'elles peuvent souffrir de troubles de la santé mentale.
Pour la deuxième année consécutive, une partie des subventions accordées à cette association sont supprimées, ce qui la met en danger et pourrait la contraindre à se séparer d'un tiers de ses collaborateurs dans les mois à venir.
Nous appelons donc le Gouvernement à rétablir le soutien qu'il a toujours apporté à cette association au même niveau que les années précédentes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. L'avis est a priori défavorable, mais je m'en remets à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Comme je l'ai déjà indiqué lors des travaux de la commission, les fonds qui étaient versés à cette association sont des fonds européens attribués après une sélection effectuée sur le fondement de critères très précis, à l'issue d'un appel à projets. Le programme 104 n'ayant pas vocation à compenser de tels fonds – ce serait illogique –, l'avis est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1608 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° II-889 rectifié, présenté par Mme Narassiguin, MM. Féraud, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
1 |
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1 |
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Intégration et accès à la nationalité française |
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1 |
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1 |
TOTAL |
1 |
1 |
1 |
1 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à garantir la pérennité de la présence associative au sein des centres de rétention administrative, menacée notamment par la proposition de loi votée au Sénat le 12 mai 2025, évoquée précédemment, qui confisque à certaines associations leurs missions d'information et d'assistance juridico-sociale, au profit de l'Ofii.
Cet amendement visant à allouer 1 euro symbolique au programme 303, vous aurez compris, mes chers collègues, qu'il s'agit d'un amendement d'appel. Nous souhaitons en effet que le ministre de l'intérieur nous confirme qu'il soutient la stabilité des financements alloués aux associations conventionnées dans les CRA, en particulier dans les nouveaux centres ouverts en 2026.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Je vais me répéter, mes chers collègues.
Nous avons voté des crédits substantiels qui permettront d'augmenter le nombre de places dans les centres de rétention administrative. Mais, depuis l'origine, des associations militantes, qui sont opposées à l'existence même de ces centres, sont présentes, sept jours sur sept, en leur sein. Or je rappelle que sept personnes retenues sur dix sortent des CRA sur décision de justice.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est une question juridique !
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. La Cour des comptes pointe d'ailleurs une intensité judiciaire anormale, qui conduit à l'embolisation des tribunaux.
L'État s'arme pour lutter contre l'immigration irrégulière en investissant dans les centres de rétention administrative, grâce auxquels il y a encore des éloignements dans notre pays, mais, dans le même temps, il continue de permettre la présence, au sein des CRA, d'associations qui constituent un frein au bon déroulement de la rétention.
Si ces associations venaient à être empêchées d'assurer l'accompagnement des personnes retenues, les droits de la défense ne seraient pas menacés pour autant, puisque d'autres structures – le Sénat propose que ce soit l'Ofii – pourraient assurer cette mission. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST, Mme le rapporteur spécial ayant dépassé son temps de parole.)
Le Gouvernement entend-il revenir sur ce choix qui a été fait dès l'origine ? Entend-il prendre ses responsabilités en matière régalienne ? Je vous ai interrogé trois fois, monsieur le ministre : quelle est votre réponse concernant le maintien de ces associations au sein des centres de rétention ?
L'avis est défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Pour répondre clairement à la question qui est posée, je confirme – je l'ai d'ailleurs constaté au cours de ma carrière de fonctionnaire – qu'au-delà de l'assistance juridique qu'elles dispensent, certaines structures associatives déposent des recours systématiquement.
Une proposition de loi a été adoptée ; elle sera inscrite ou non à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale par le Gouvernement. À titre personnel, je souhaite qu'elle le soit. J'estime en effet qu'il faut savoir dire stop ! Cela ferait sans doute bouger les lignes, et conduirait d'autres structures, tout aussi performantes et capables d'assurer une assistance juridique, à intervenir sans déposer de recours systématiques pour autant.
Je le répète, à titre personnel, je soutiendrai donc cette proposition de loi, qui fera l'objet d'un débat. J'estime que des arguments objectifs la sous-tendent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je ne comprends pas. Aujourd'hui, les marchés publics sont soumis à certains critères et conditions. L'État les attribue lui-même aux associations que vous venez de critiquer, monsieur le ministre. S'il y a des problèmes dans leur réalisation, pourquoi ne pas le signaler ? Pourquoi ne pas faire de recours ? Pourquoi ne pas revenir sur ces attributions ? Vous instillez là une grande confusion, et ce pour justifier votre soutien à la proposition de loi de Mme la rapporteure spéciale.
Qu'est-ce qui empêche aujourd'hui une association de mener une action militante et, en même temps, de répondre à des cahiers des charges et d'obtenir des marchés de l'État ? À ma connaissance, rien. Mais si vous voulez décider d'attribuer des subventions en fonction des lignes idéologiques des associations, il faut le dire clairement : nous ne serions plus dans une démocratie. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je tiens à exprimer tout notre soutien à Mme le rapporteur spécial et à la proposition de loi qui a été votée et, par ailleurs, je remercie le ministre de ses explications.
Nous ne pouvons pas empêcher les associations d'avoir des comportements individuels qui sont contraires à l'esprit dans lequel elles ont été désignées ou dans lequel tel marché public leur a été attribué.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les propos de Mme Ciuntu et du ministre me semblent empreints d'une grande confusion.
Madame Ciuntu défend depuis longtemps l'idée qu'il faudrait qu'il y ait le plus d'expulsions et le moins d'étrangers possible, etc. Très bien. Mais, en l'espèce, nous parlons de structures qui donnent des conseils juridiques.
En réalité, ce qui vous contrarie, madame la rapporteure spéciale, c'est que le droit soit appliqué. Lorsque vous indiquez qu'un certain nombre de personnes sortent de rétention à la suite d'une décision de justice, les mots importants sont ceux de « décision de justice ». Il est donc très paradoxal que, ici, au Parlement, l'on plaide pour que ces personnes ne puissent pas défendre leurs droits.
Quant au ministre, il évoque des recours systématiques de la part de certaines associations. Je laisse de côté, faute de temps, la question du militantisme supposé. Mais, monsieur le ministre, il existe des procédures pour recours abusif. Il y a donc d'autres moyens d'empêcher ce que vous évoquez. Même si j'entends ce que vous dites, vous ne proposez pas le bon outil.
Il y a donc une grande confusion et nous soutiendrons cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-892 rectifié, présenté par Mme Narassiguin, MM. Féraud, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
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100 000 000 |
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100 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
100 000 000 |
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100 000 000 |
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TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à inscrire au budget de l'État les moyens de formation linguistique rendus nécessaires par la loi Immigration et Intégration du 26 janvier 2024. Comme je l'ai dit dans la discussion générale, cette réforme ne s'accompagne d'aucuns moyens supplémentaires en faveur de l'apprentissage linguistique. Nous souhaitons donc pourvoir à ce besoin.
M. le président. L'amendement n° II-891 rectifié, présenté par Mme Narassiguin, MM. Féraud, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
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Immigration et asile |
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20 000 000 |
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20 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
20 000 000 |
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20 000 000 |
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TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Dans le même esprit, nous voulons renforcer l'engagement de l'État vis-à-vis des centres sociaux, des centres d'insertion et des associations qui proposent des cours de français langue étrangère aux étrangers arrivant en France. En effet, leurs moyens sont insuffisants, alors que, en matière de formation linguistique, les étrangers devront probablement recourir à ces structures pour tenter d'atteindre le niveau A2 qui est exigé. Il est donc important de soutenir celles-ci.
M. le président. L'amendement n° II-799 rectifié bis, présenté par Mme Briante Guillemont, M. Masset, Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Laouedj, Roux, Daubet et Guiol, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
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+ |
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Immigration et asile |
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5 000 000 |
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5 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
5 000 000 |
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5 000 000 |
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TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.
Mme Sophie Briante Guillemont. Nous allons dans le même sens que les auteurs des amendements qui viennent d'être défendus et considérons que la maîtrise de la langue française est un levier essentiel d'autonomie et d'intégration. Nous demandons, dans ce contexte, un effort budgétaire supplémentaire qui semble indispensable pour accompagner réellement les personnes étrangères dans leur insertion et leur intégration.
M. le président. L'amendement n° II-1415 rectifié bis, présenté par Mmes Pantel et M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Laouedj, Roux, Daubet et Guiol, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
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3 000 000 |
|
3 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
3 000 000 |
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3 000 000 |
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TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° II-1578, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
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1 000 000 |
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1 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
1 000 000 |
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1 000 000 |
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TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. La langue française est un outil indispensable d'intégration pour les étrangers. Or, comme j'ai pu le dire dans la discussion générale, l'Ofii n'a plus les moyens d'organiser et d'accompagner cette intégration, et les associations, mises à mal depuis quelques années, ne peuvent plus faire face.
La grande dématérialisation des cours de français est un phénomène qui a été soulevé par les rapporteurs eux-mêmes. Sous prétexte d'économies, la politique publique devient inopérante. Comment imaginer que des personnes, souvent précaires, puissent avoir accès à du matériel informatique, à une connexion internet, et j'en passe ?
Certes, le budget prévoit l'accompagnement de personnes, mais seulement celles qui ne savent ni lire ni écrire, ce qui, bien entendu, n'est pas suffisant. Il n'est pas besoin d'être un étranger exilé pour comprendre combien l'apprentissage d'une langue étrangère nécessite plus qu'un outil informatique. Sinon, mes chers collègues, dans cet hémicycle, nous serions tous bilingues, trilingues, quadrilingues ; nous parlerions en réalité toutes les langues.
Le problème des conjoints et des Français de l'étranger a également été soulevé.
C'est pourquoi le groupe GEST souhaite revenir sur ce changement et ouvrir l'accès aux cours de français au plus grand nombre de personnes possible, qu'elles sachent lire et écrire, ou non.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Nous voulons nous donner le temps d'apprécier les nouvelles politiques mises en place en matière linguistique. Je rappelle en effet le changement fondamental dont elles procèdent : alors qu'auparavant on exigeait simplement l'assiduité aux cours de français, le résultat n'important pas, désormais, un lien est établi entre la durée du titre de séjour et le niveau de maîtrise de la langue française, conformément, d'ailleurs, à ce qui se pratique dans d'autres pays européens.
De fait, cela incite plus fortement les étrangers à l'apprentissage de notre langue. Surtout, comme je l'ai noté dans mon rapport, le système précédent ne fonctionnait pas. À Paris, en région parisienne et dans toutes les métropoles, les stages linguistiques sont trop sollicités, ce qui met à mal leur déroulement, tandis qu'en province, les personnes concernées sont souvent éloignées du lieu où les groupes d'apprentissage se mettent en place.
Aujourd'hui, de nombreux parcours linguistiques sont offerts de manière redondante par rapport à ce qui se faisait dans le cadre du contrat d'intégration républicaine ; attendons de voir si le nouveau dispositif fonctionne, car les employeurs, notamment, seront obligés d'être beaucoup plus attentifs à la formation linguistique de leurs salariés. En effet, il est tout de même normal que la main-d'œuvre qui profite aux entreprises ait la possibilité d'apprendre le français et de se qualifier. Ces personnes ne pourront rester au sein de ces entreprises que si elles s'insèrent dans un programme d'apprentissage de notre langue de manière à s'intégrer dans notre pays.
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Nous sommes très attentifs à la qualité de l'offre de formation linguistique, dont il convient de rappeler qu'elle existe de manière bien réelle. Nous avons maintenu notamment les forfaits allant jusqu'à 600 heures de formation, ainsi que la possibilité d'organiser des formations alternatives et des formations complémentaires. L'offre paraît suffisamment importante.
Il faut donc, comme l'a dit Mme la rapporteure spéciale, observer comment la situation évoluera. Il serait, de surcroît, dommageable d'augmenter ces crédits en les prélevant sur le programme 303, qui permet aussi de lutter contre l'immigration irrégulière. Par conséquent, l'avis du Gouvernement est défavorable sur ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-799 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1415 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-1583, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
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+ |
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Immigration et asile |
30 000 000 |
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30 000 000 |
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Intégration et accès à la nationalité française |
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30 000 000 |
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30 000 000 |
TOTAL |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
30 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Par cet amendement, le groupe GEST veut renforcer les moyens dédiés au personnel de santé au sein des CRA, car celui-ci joue un rôle prépondérant dans l'accès aux soins et la mise en œuvre du respect du droit à la santé.
Les rapports du Contrôleur général des lieux de privation de liberté soulignent des carences persistantes dans la couverture médicale des CRA : insuffisance des permanences médicales, notamment avec le manque de médecins le week-end, manque de continuité des soins, ou encore difficulté d'accès à la psychiatrie et à la médecine spécialisée. Ce constat est également celui d'une association qui – jusqu'à ce que vous en décidiez le contraire, monsieur le ministre – est toujours présente dans les CRA, à savoir la Cimade.
Cet amendement vise donc à allouer des moyens supplémentaires, spécifiquement dédiés, à l'amélioration de l'accès aux soins dans les CRA, afin de garantir une prise en charge médicale adéquate et respectueuse des droits fondamentaux des personnes retenues.
M. le président. L'amendement n° II-886 rectifié, présenté par Mme Narassiguin, MM. Féraud, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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Immigration et asile |
3 696 000 |
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3 696 000 |
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Intégration et accès à la nationalité française |
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3 696 000 |
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3 696 000 |
TOTAL |
3 696 000 |
3 696 000 |
3 696 000 |
3 696 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Dans le même esprit, nous souhaitons renforcer les moyens dédiés au personnel de santé dans les CRA. Le nombre de places prévu est en augmentation, mais les moyens alloués à la prise en charge sanitaire n'augmentent pas dans les mêmes proportions, alors que l'accès aux soins est un droit fondamental qui doit être garanti à toute personne.
Par conséquent, les crédits doivent augmenter pour mieux prendre en compte la prise en charge sanitaire des personnes retenues en CRA, mais aussi pour permettre le recrutement de psychiatres, de sorte que chaque CRA soit doté d'un professionnel de santé mentale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Il faut, bien évidemment, que des unités médicales spécifiques soient présentes dans les CRA et nous ne contestons pas le droit de chacun à consulter un médecin.
Toutefois, nous souhaitons rappeler que les personnes retenues dans les centres de rétention doivent surtout repartir le plus rapidement possible, avec des délais raccourcis, vers leur pays d'origine.
Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Guy Benarroche. Quel est le rapport ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Il nous semble que cet amendement est satisfait, puisqu'il existe des unités médicales dans les CRA (UMCRA) qui ont des conventions avec les établissements de santé et qui fonctionnent de manière satisfaisante.
Je rappelle, par ailleurs, que l'État a dépensé pour les unités médicales dans vingt-quatre CRA un montant de 13 millions d'euros en 2025, et que des dépenses sont bien prévues pour les nouveaux CRA qui verront le jour en 2026, notamment à Dunkerque et à Bordeaux.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, vous dites que les UMCRA fonctionnent de manière satisfaisante. Personnellement, j'ai visité une demi-douzaine de CRA, dont certains à plusieurs reprises. À chaque visite, je me suis arrêté dans les locaux abritant les services de santé, et j'ai fait le même constat que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ce qui ne semble pas être votre cas. Ces unités médicales manquent de moyens et ne fonctionnent pas de manière satisfaisante.
La faute n'en incombe pas au personnel présent, qui accomplit bien plus que le travail qu'il devrait normalement effectuer – c'est le cas de nombreux fonctionnaires à tous les niveaux. Cette situation est liée au manque de moyens évident et à l'impossibilité d'accomplir certaines missions.
Pour être très clair, les personnes les mieux informées de la situation des retenus sont souvent les membres du personnel de santé, car ils restent longtemps dans les CRA. On le constate notamment à Marseille, où les mêmes retenus entrent, sortent et reviennent : ce sont souvent les membres du personnel de santé qui connaissent le mieux leur état et l'avancée de leur dossier. Mais, de manière contradictoire, ils ne sont pas assez nombreux pour accomplir la mission qui leur est confiée. C'est la raison pour laquelle nous demandons un budget supplémentaire, d'autant plus qu'une augmentation importante du nombre de places est prévue.
M. le président. L'amendement n° II-727, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
50 000 000 |
|
50 000 000 |
|
Intégration et accès à la nationalité française |
|
50 000 000 |
|
50 000 000 |
TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
||
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Cet amendement vise à augmenter de 50 millions d'euros les crédits consacrés à la lutte contre l'immigration, afin de permettre l'exécution des OQTF, qui reste insuffisante.
Puisque je défends mon dernier amendement, je dirai quelques mots sur les débats, qui ont été assez rapides ce matin, mais aussi éclairants. Nous avons d'un côté la gauche unie, la gauche immigrationniste, celle qui ne voit jamais le danger, qui veut toujours plus d'accueil, toujours plus de dépenses, toujours plus de laxisme. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Guy Benarroche s'exclament.) C'est ce qu'elle a défendu ici, ce matin, dans cet hémicycle.
De l'autre côté, il y a le Rassemblement national, bien seul face au déni, mais cohérent et fidèle à ce que souhaitent des millions d'électeurs, des millions de Français, ces mêmes millions d'électeurs qui, auparavant, votaient pour la gauche et que vous avez abandonnés, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Demande de retrait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Même avis.
M. le président. L'amendement n° II-1581, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Opérations de recherche et de sauvetage en mer
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
20 000 000 |
|
20 000 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
|
|
|
Opérations de recherche et de sauvetage en mer |
20 000 000 |
|
20 000 000 |
|
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet les opérations de sauvetage en mer.
En 2024, quelque 8 938 personnes ont disparu sur les routes migratoires, d'après l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les naufrages ne cessent de se multiplier : depuis janvier 2025, au moins 27 personnes sont décédées dans la Manche en tentant de faire la traversée jusqu'à l'Angleterre dans des embarcations de fortune. Ces naufrages ont parfois lieu dans des conditions assez troubles ; les actions judiciaires contre les passeurs se multiplient, les mises en cause de certains de nos militaires pour non-assistance à personne en danger hélas ! aussi.
Face à la multiplication de ces traversées dangereuses, de nombreuses associations se mobilisent pour effectuer des missions de recherche et de sauvetage en mer, et ce malgré de nombreuses pressions administratives, politiques et judiciaires.
Aussi, notre groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite voir la mise en œuvre d'une politique de sûreté en mer pour ces personnes qui tentent une traversée en Manche, en Méditerranée et dans nos eaux territoriales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Je demande le retrait de cet amendement, car nous considérons que ce débat ne peut avoir lieu dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Cet amendement n'a en effet pas forcément sa place dans l'examen du projet de loi de finances pour 2026.
Néanmoins, je souhaite rappeler à M. le sénateur Benarroche que nous menons de nombreuses actions pour limiter ces traversées. Cela passe par la lutte contre les filières d'immigration illégale, en coopération avec les pays de départ, ainsi que par le dispositif renforcé que nous avons déployé sur les côtes de la Manche et par les interventions en mer de plusieurs navires de notre flotte.
Grâce à ces mesures, alors que l'an passé nous avions déploré le décès de 78 personnes lors des traversées, ce nombre est actuellement en forte baisse. Il faut s'en réjouir.
Même s'il reste sans doute beaucoup à faire, nous menons donc de nombreuses actions de sauvetage en mer, indépendamment de la création de ce programme.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. L'amendement n° II-1580, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Expérimentation de permanences médico-psycho-sociales pour les femmes dans les SPADA
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Immigration et asile |
|
780 000 |
|
780 000 |
Intégration et accès à la nationalité française |
|
|
|
|
Expérimentation de permanences médico-psycho-sociales pour les femmes dans les SPADA |
780 000 |
|
780 000 |
|
TOTAL |
780 000 |
780 000 |
780 000 |
780 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
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La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet l'accueil psychosocial des femmes primo-arrivantes demandeuses d'asile.
Nous proposons, en effet, de lancer une expérimentation de permanence médico-psycho-sociale destinée aux femmes, au sein des structures de premier accueil des demandeurs d'asile (Spada). Celles-ci constituent la première interface du dispositif national d'accueil et accompagnent notamment les personnes non hébergées par l'Ofii dans leurs démarches administratives et sociales. Parmi ces personnes, plus de 40 % sont des femmes, qui ont souvent été confrontées à des violences sexistes et sexuelles au cours de l'ensemble de leur parcours migratoire, depuis leur pays d'origine jusqu'à leur arrivée en France.
Les femmes demandeuses d'asile ont dix-huit fois plus de risques d'être victimes de viol que la population générale, mais seule une sur dix sollicite un accompagnement médical ou judiciaire.
Les Spada constituent un lieu privilégié pour repérer ces situations de vulnérabilité et orienter les femmes concernées vers des soins, une aide psychologique ou un hébergement sécurisé, comme a pu le démontrer l'expérimentation mise en place par l'association France terre d'asile, à Paris – encore une association…
Par cet amendement, nous souhaitons permettre le financement à titre expérimental de ce dispositif dans trois autres départements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Je suis très sensible à la nécessité d'assurer un accompagnement psychologique à destination des femmes.
Toutefois, de nombreuses associations et structures publiques développent déjà de telles offres de soins. À titre d'exemple, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) propose un dispositif dit « parcours », avec une équipe pluridisciplinaire qui accompagne de manière globale les personnes exilées ayant vécu des violences sexuelles, et ce sur une durée non négligeable de quatre ans.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Cet amendement est satisfait. Les structures sont déjà nombreuses à intervenir sur ce sujet, comme l'a dit Mme la rapporteure spéciale.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Sans vouloir trop prolonger le débat, madame la rapporteure spéciale, monsieur le ministre, encore une fois, je veux vous dire que vos réponses ne me satisfont pas.
Tout d'abord, vous mettez en avant des associations qui agissent à la place de l'État. Or il y a encore dix minutes, madame la rapporteure spéciale, vous disiez que l'on ne pouvait pas faire confiance aux associations, dans la mesure où elles défendent une cause que vous qualifiez d'« idéologique » ; mais, en même temps, elles accomplissent un certain nombre d'actions par lesquelles elles compensent les carences de l'État. Il faudrait davantage de cohérence dans le propos.
Heureusement que ces associations existent, notamment France terre d'asile, qui fait partie de celles qui travaillent dans les CRA, comme la Cimade que j'ai citée précédemment. Ce sont donc, à chaque fois, des associations qui agissent. Et les structures dont vous parlez font en effet leur boulot : bravo, d'ailleurs, à l'AP-HM de faire ce travail, dans ma région !
Ce que nous demandons, c'est que l'État étende l'expérimentation qui a été menée à Paris par France terre d'asile sur trois départements. Nous demandons donc un budget de l'État pour le faire.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l'état B.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen de l'amendement portant sur les objectifs et indicateurs de performance de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l'état G.
ÉTAT G
893 |
Immigration, asile et intégration |
894 |
Accès et financement de la formation linguistique dans le cadre du CIR (Contrat d'intégration républicaine) |
895 |
Efficience de la formation linguistique dans le cadre du CIR |
896 |
Améliorer l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière (303) |
897 |
Nombre de retours forcés exécutés |
898 |
Réduire les délais de traitement de la demande d'asile (303) |
899 |
Délai global de traitement de la demande d'asile |
900 |
104 - Intégration et accès à la nationalité française |
901 |
Accès et financement de la formation linguistique dans le cadre du CIR (Contrat d'intégration républicaine) |
902 |
Efficience de la formation linguistique dans le cadre du CIR |
903 |
Améliorer l'efficacité du traitement des dossiers de naturalisation |
904 |
Efficacité de la procédure d'instruction d'un dossier de naturalisation |
905 |
Améliorer les conditions d'accueil et d'intégration des étrangers |
906 |
Efficience de l'entrée des étrangers primo-arrivants dans le parcours d'intégration républicaine |
907 |
Part des signataires du CIR ayant accédé à un emploi d'une durée au moins égale à un mois au cours du semestre suivant le semestre de leur inscription à France Travail |
908 |
Part des signataires du CIR ayant déclaré rechercher un emploi lors du premier entretien à l'OFII, inscrits à France Travail la même année (calendaire) que la signature du CIR |
909 |
Programme AGIR : taux de sortie positive en logement et en emploi ou en formation des bénéficiaires de la protection internationale |
910 |
303 - Immigration et asile |
911 |
Accélérer l'égalité entre les hommes et les femmes |
912 |
Part des femmes dans les postes d'encadrement à l'OFPRA |
913 |
Améliorer l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière [Stratégique] |
914 |
Nombre d'éloignements et de départs aidés exécutés |
915 |
Garantir un service de qualité en matière d'état civil aux bénéficiaires de la protection internationale |
916 |
Délai de délivrance des premiers documents d'état civil |
917 |
Optimiser la prise en charge des demandeurs d'asile |
918 |
Part des demandeurs d'asile hébergés |
919 |
Part des places occupées par des demandeurs d'asile et autres personnes autorisées |
920 |
Réduire les délais de traitement de la demande d'asile [Stratégique] |
921 |
Délai de l'examen d'une demande d'asile par l'OFPRA |
922 |
Taux de transfert des demandeurs d'asile placés sous procédure Dublin |
M. le président. L'amendement n° II-864 rectifié, présenté par Mme Narassiguin, MM. Féraud, Bourgi et Chaillou, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 919
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Nombre de décisions de retrait des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile
Nombre et pourcentage de demandeurs d'asile sous procédure « Dublin » bénéficiant des conditions matérielles d'accueil
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à intégrer un nouvel indicateur dans les documents budgétaires, dans l'objectif de faire la lumière sur l'ampleur des décisions de retrait des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.
Au fur et à mesure du durcissement de la législation en matière d'asile, les décisions de retrait des conditions matérielles d'accueil se sont multipliées sans que l'on sache combien de demandeurs d'asile sont actuellement affectés par ces décisions. Le directeur général de l'Offi, interrogé sur ce sujet, à l'Assemblée nationale, en juin 202, avait alors pris l'engagement devant les députés que le rapport annuel de l'Ofii comprendrait désormais des informations très précises sur ce sujet. Quatre années ont passé sans que ces informations, pourtant essentielles, figurent dans le rapport annuel de l'Ofii.
Nous proposons donc que le nombre de décisions de retrait des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile constitue un indicateur budgétaire, de sorte que le Parlement dispose de toutes les informations nécessaires pour apprécier l'évolution de l'enveloppe allouée au financement de l'allocation pour demandeur d'asile.
Pour les mêmes raisons, nous proposons aussi que le nombre et le pourcentage des demandeurs d'asile sous procédure Dublin qui bénéficient des conditions matérielles d'accueil constituent également un indicateur budgétaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Même si, habituellement, je ne suis pas favorable à la multiplication des indicateurs, il pourrait en effet être intéressant d'avoir plus d'informations sur le nombre de décisions de retrait des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile dans les documents budgétaires, afin d'apprécier l'évolution de l'enveloppe de dépenses de l'ADA.
Sagesse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. Je souhaite apporter une précision sur ce point.
En général, les indicateurs servent plutôt à apprécier les objectifs de politique publique. Or ces décisions de retrait des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile relèvent de l'application pure et dure du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). Dans la mesure où il ne s'agit pas d'un objectif de politique publique, nous ne sommes pas dans le cadre de l'appréciation de sa mise en œuvre.
En outre, cela représenterait un travail supplémentaire considérable pour les agents de l'administration.
À mon sens, stricto sensu, les critères qui justifieraient des indicateurs de performance sur ces sujets ne sont pas remplis. Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, vous suggérez que ces éléments pourraient éclairer la représentation nationale.
Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. J'appelle en discussion les amendements tendant à insérer un article additionnel qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission : « Immigration, asile et intégration ».
Après l'article 71
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-18 est présenté par Mme Ciuntu, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-1414 est présenté par MM. Margueritte et Bitz, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 71
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Devant la Cour nationale du droit d'asile, cette somme ne peut être supérieure à la part contributive de l'État. »
La parole est à Mme le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-18.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. Mon intention n'est pas de porter atteinte à la rémunération des avocats, mais je constate que l'aide juridictionnelle et les frais irrépétibles versés par l'Ofpra sont devenus un vrai sujet financier, alors qu'ils n'étaient pas systématiquement demandés auparavant. En effet, ces frais irrépétibles ont doublé depuis 2021, passant de 4 millions à 8 millions d'euros. Ils représentent désormais le quatrième poste de dépenses de l'Ofpra et génèrent un déficit structurel qui n'est que partiellement compensé par une revalorisation de la subvention pour charge de service public.
En effet, les avocats des demandeurs d'asile tendent à préférer les frais irrépétibles, qui sont deux fois plus rémunérateurs que l'aide juridictionnelle. L'an passé, un seul et même avocat a touché 250 000 euros de frais irrépétibles de la part de l'Ofpra.
En réduisant par cet amendement les dépenses liées aux frais irrépétibles, nous créons, certes, une spécificité procédurale devant la CNDA ; mais le contentieux de l'asile est déjà particulier, dès lors que l'aide juridictionnelle est de droit devant cette juridiction.
L'adoption de cet amendement aura pour effet de générer 4 millions d'euros d'économies par an pour le budget de l'État.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-1414.
M. David Margueritte, rapporteur pour avis. Il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, ministre. En application de l'article 75 de la loi du 18 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'Ofpra est régulièrement condamné par la CNDA au versement de sommes correspondant aux frais exposés et non compris dans les dépens, dits « frais irrépétibles ». Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer cette somme.
En application de l'article 37 de cette même loi de 1991, les frais irrépétibles viennent remplacer l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle, à laquelle les avocats renoncent lorsque l'Ofpra est condamné. L'Ofpra assume ainsi le montant des honoraires d'avocat via cette condamnation aux frais irrépétibles, qui est de surcroît avantageuse d'un point de vue pécuniaire pour l'avocat, incité à solliciter ces frais. Estimés à 139 780 euros en 2016, ces frais pèsent désormais plus de 8 millions d'euros dans le budget de l'Ofpra.
Un régime dérogatoire en matière d'asile se justifie par la situation spécifique de l'Ofpra, dont la grande majorité des décisions de rejet, soit 83 % d'entre elles, font l'objet d'un recours, et par celle des requérants devant la CNDA, qui bénéficient de plein droit de l'aide juridictionnelle.
L'avis du Gouvernement est favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. L'objet de ces deux amendements identiques est plus important que le laissent entendre ses termes, assez peu compréhensibles pour des non-praticiens. En effet, il consiste, de manière totalement inédite dans notre droit, à plafonner les honoraires que les avocats peuvent demander au titre des procédures qu'ils engagent, à charge pour eux d'en convaincre le juge, ce qui n'a rien d'aisé, je peux vous l'assurer.
Ces honoraires couvrent notamment les frais de déplacement, alors que, depuis un an, la CNDA est déconcentrée sur cinq sites, répartis dans toute la France ; mais ils ont vocation à être plafonnés au montant de l'aide juridictionnelle.
Aujourd'hui, l'aide juridictionnelle pour ce type de recours est d'environ 600 euros, TVA incluse. J'indique qu'un cabinet a en général entre 40 % et 50 %, voire 60 %, de charges.
L'Assemblée nationale avait, l'année dernière, décidé de rehausser le plafond par un amendement conjoint Gosselin-Moutchou, en indiquant qu'il fallait que cette augmentation ne dépasse pas 150 % pour que le montant ne soit pas trop élevé. C'est, me semble-t-il, la sagesse même.
Pour conclure, d'une part, la CNDA a un taux de réformation important, de 20 % ; d'autre part, cet amendement n'est pas constitutionnel, car c'est un cavalier budgétaire.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je souscris à ce que vient d'expliquer Mme de La Gontrie, et j'ajouterai deux éléments.
Tout d'abord, sept chambres territorialisées de la CNDA ont récemment ouvert. Tout comme pour les CRA, j'ai aussi fait le tour des CNDA territorialisées : en discutant avec les magistrats et les présidents de ces juridictions, j'ai constaté qu'ils rencontraient deux problèmes principaux, notamment l'impossibilité de trouver localement des avocats qui puissent prendre en charge les affaires audiencées. Pour l'instant, ils peinent à constituer un réseau dans certains endroits. Or la mesure que vous proposez est un frein qui empêchera le bon développement de la territorialisation de la CNDA, qui est une mesure que le Gouvernement a lancée et que nous avons votée.
Ensuite, rien n'empêche de plafonner les honoraires d'avocat, mais alors, il faut le dire clairement. Et pourquoi ne pas plafonner aussi les dividendes des grands actionnaires ou les bénéfices des sociétés agroalimentaires ? Vous êtes pour la libre entreprise, me semble-t-il…
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour explication de vote.
Mme Sophie Briante Guillemont. Les auteurs de ces deux amendements partent du constat que les frais irrépétibles pèsent de plus en plus dans le budget de l'Ofpra, et c'est vrai. Nous savons pourquoi : la CNDA condamne en effet de plus en plus fréquemment l'Ofpra au paiement de ces frais, ce qui relève de la libre appréciation du juge et de la Cour. (M. le rapporteur pour avis le conteste.). C'est ce qu'indique le rapport de la Cour des comptes sur le sujet.
En réalité, nous créerions une exception à une règle générale qui s'applique à tous les avocats, uniquement pour les avocats spécialisés en droit d'asile, et ce, pour des raisons purement budgétaires. Un tel motif ne nous semble pas valable pour orienter les politiques publiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-18 et II-1414.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 71.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Sécurités
Compte d'affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, mes chers collègues, avant d'entamer l'examen des crédits de la mission « Sécurités », monsieur le ministre, j'aurai un mot particulier pour les forces de l'ordre que vous représentez,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Bruno Belin, rapporteur spécial. … notamment après ce qui s'est passé à Lyon samedi soir, des événements que je qualifierai d'inadmissibles. En ces moments difficiles, je voudrais donc exprimer, du haut de cette tribune, tout notre soutien à l'ensemble de nos forces de sécurité intérieure et leur adresser un message de solidarité après la diffusion de ce message fort malvenu dont ils ont été victimes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDPI et SER.)
Mes chers collègues, c'est un honneur pour moi d'ouvrir ce débat ce matin.
Les crédits de la mission « Sécurités » sont en hausse : ils tiennent compte des enjeux très forts auxquels sont confrontées la police nationale et la gendarmerie nationale. Ces crédits sont même largement supérieurs à ce que nous avions envisagé au moment de l'examen de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).
Le budget de la seule police nationale s'élève à près de 14 milliards d'euros. Il permet de financer la création d'un millier de postes, avec un effort plus marqué en matière d'investigation et aux frontières. Il faut dire, monsieur le ministre – et vous le savez mieux que quiconque –, que l'activité n'a pas faibli en 2025 : nos forces de sécurité ont été fortement mobilisées aux frontières, ainsi que pour lutter contre le narcotrafic et la criminalité organisée.
Ces moyens nouveaux pour la police nationale sont évidemment indispensables et bienvenus ; la hausse se concentrera essentiellement sur le renouvellement du parc automobile, l'immobilier et la transformation numérique.
Concernant la gendarmerie nationale, le montant des crédits prévus dépasse les 11 milliards d'euros. Ce budget permet de financer 400 créations de poste et de poursuivre l'effort engagé depuis déjà quelques mois dans le domaine immobilier. Nous en reparlerons probablement, puisqu'un amendement du rapporteur général vise à augmenter ces crédits…
Je formulerai quelques remarques s'agissant de la gendarmerie nationale – vous connaissez mon attachement à ce corps de militaires.
D'abord, les besoins dans le domaine immobilier étaient manifestes : cela fait plusieurs années que l'on note des retards dans l'avancée des programmes. C'est ce que j'ai appelé dans l'un de mes rapports la « dette grise », laquelle atteint plusieurs milliards d'euros. Ce plan pour l'immobilier, que la commission des finances a défini et décidé, était une priorité, même s'il a pu entraîner une compression des dépenses en faveur d'autres secteurs.
Le déploiement de 58 nouvelles brigades de gendarmerie en 2026 absorbera inévitablement une partie des moyens immobiliers et humains : la création de 400 équivalents temps plein (ETP) dans la gendarmerie servira essentiellement à « armer » ces nouvelles brigades, qui, bien qu'elles soient indispensables aux territoires, auraient dû ouvrir en 2025 – on observe un léger décalage dans le temps dans la mise en œuvre de ce plan.
Mes chers collègues, je vous rappelle, car je sais combien vous êtes attachés à la gendarmerie nationale, qu'en milieu rural cette dernière est la plus présente des forces de sécurité intérieure – c'est le cas sur plus de 80 % de notre territoire.
J'ai toutefois plusieurs points d'alerte.
D'abord, si l'on peut saluer l'effort consenti dans le domaine immobilier, il faut rester attentif à la question des véhicules. Aujourd'hui, nous ne sommes en mesure d'acquérir que 600 à 700 véhicules supplémentaires pour l'ensemble du territoire, ce qui est très insuffisant, puisqu'il faudrait s'en procurer près de 3 000 pour couvrir les besoins d'une année ordinaire. Les années passées, nous renouvelions ce parc automobile à hauteur de 1 700 à 1 900 véhicules, un chiffre qui n'a fait que baisser.
J'attire également votre attention sur la question des hélicoptères. La surveillance du territoire est l'une des principales missions de nos forces de sécurité. L'an dernier, un certain nombre d'hélicoptères ont été achetés, mais ceux-ci ont été exclusivement affectés à des missions de sécurité civile. Il est désormais indispensable de renouveler notre flotte : il est notamment temps de remplacer les hélicoptères Écureuil acquis il y a une cinquantaine ou une soixantaine d'années.
Troisième point d'alerte : les réserves. La réserve de la gendarmerie nationale dispose de moyens humains – comme, d'ailleurs, la police nationale. Aujourd'hui, les 40 000 à 50 000 volontaires sont là, mais il faut prévoir les moyens suffisants pour les armer, les équiper, les former et les accompagner. Monsieur le ministre, c'est l'un des aspects de ce budget sur lequel nous nous concentrerons ce matin.
Le quatrième point d'attention concerne les Famas, les fameux fusils d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne,…
M. Pierre Jean Rochette. Bravo !
M. Bruno Belin, rapporteur spécial. … qui sont désormais complètement obsolètes et doivent donc être remplacés.
Cinquième et dernier point de vigilance : la lecture automatisée de plaques d'immatriculation (Lapi), qui fera du reste l'objet d'un débat, ici même, au Sénat, le 17 décembre prochain. En la matière, nous accusons un retard important par rapport à certains autres pays européens. Il s'agit pourtant d'un système indispensable, qui permet d'assurer la complète traçabilité des véhicules – et, j'y insiste, des seuls véhicules. Il conviendra d'accroître son financement pour rattraper notre retard et répondre à une demande nouvelle.
Je conclurai en disant quelques mots du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », couramment appelé « CAS Radars ».
En matière de sécurité routière, nous ne parvenons malheureusement pas à faire baisser le nombre de décès sur la route en deçà de cette barre dramatique des 3 000 morts. Nous ne sommes parvenus à passer sous cette barre qu'une seule fois ces dernières années : c'était en 2020, c'est-à-dire l'année du confinement lié à la crise de la covid-19.
Pour faire mieux, il faut davantage de prévention : je pense à une formation qui devrait être dispensée dès le collège. Il faudra trouver les moyens, en lien avec l'éducation nationale et les conseils départementaux, d'anticiper au mieux ces actions de prévention, seul moyen de parvenir à réduire la mortalité routière. De grandes mesures sont nécessaires : dois-je vous rappeler que le dernier grand plan sur la sécurité routière avait été initié par le président Chirac il y a une vingtaine d'années ? Il est temps de relancer un grand programme de sécurité routière.
Quoi qu'il en soit, les crédits du « CAS Radars » sont en légère progression. Je précise qu'un tiers seulement de cette enveloppe budgétaire revient aux collectivités territoriales, ce qui est dommage, monsieur le ministre, parce que ce sont elles qui financent le plus souvent, et plus généralement, les aménagements en matière de sécurité routière.
La commission des finances vous propose d'adopter l'ensemble des crédits de la mission « Sécurités », car ils permettent de répondre à une véritable attente et aux réels besoins de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer les sapeurs-pompiers, les personnels navigants, les formations militaires, les démineurs et les associations agréées de la sécurité civile.
Au-delà des questions budgétaires dont nous discutons aujourd'hui, notre modèle de sécurité civile repose avant tout sur la qualité des femmes et des hommes qui l'animent et l'incarnent au quotidien. C'est d'abord à leur courage, à leur sens de l'engagement et à leur disponibilité de chaque instant que l'on doit la force et la résilience d'un modèle français de la sécurité civile, de nouveau mis à l'épreuve en 2025. En effet, la violence du cyclone Chido qui a dévasté Mayotte ainsi que les mégafeux qui ont ravagé le sud de la France rappellent un impératif : la nécessité pour la sécurité civile de disposer de moyens humains et matériels adaptés pour faire face aux crises.
Pour ce faire, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une dotation de 995 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 860 millions d'euros en crédits de paiement (CP) en faveur du programme « Sécurité civile », ce qui représente une augmentation de 16 % en AE et de 6 % en CP par rapport à 2025.
Cependant, il faut appréhender ce budget de la sécurité civile dans une perspective pluriannuelle.
Sur la période 2023-2026, le montant des CP s'est stabilisé à environ 850 millions d'euros en moyenne, soit un niveau 40 % supérieur à celui qui avait été observé entre 2019 et 2022.
Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, cette augmentation pourrait surprendre ; elle est pourtant logique, et ce au moins pour deux raisons.
Tout d'abord, cette hausse des crédits doit être considérée comme nécessaire si l'on veut sauvegarder et mettre à niveau les moyens capacitaires, humains et matériels, de la sécurité civile afin de tenir compte de l'extension temporelle et géographique des risques climatiques.
J'en veux pour preuve les travaux du Sénat sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, ou encore sur les inondations survenues en 2023 et en 2024. Ces travaux ont mis en exergue le coût colossal que peut induire le manque de moyens de prévention et d'intervention face à l'intensification des aléas climatiques.
Ensuite, le budget du programme 161 « Sécurité civile » doit être examiné de façon transversale. Les moyens que l'on accorde à la sécurité civile sont en réalité mis au service d'un ensemble de politiques publiques.
Ainsi, le financement par la sécurité civile du matériel indispensable à la sécurisation de la Coupe du monde de rugby ou des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 a contribué à matérialiser une part des ambitions publiques en matière sportive.
Autre exemple, notre politique de cohésion et de solidarité nationale vis-à-vis des territoires ultramarins s'est traduite par la mobilisation exceptionnelle de la sécurité civile en Nouvelle-Calédonie puis à Mayotte, pour un coût dépassant les 130 millions d'euros en 2025.
Le budget de la mission « Sécurités » permet une mise à niveau de nos moyens capacitaires.
Je commencerai par évoquer la question du renouvellement de la flotte aérienne.
En 2025, la France a connu plus de 10 000 départs de feu, dont le mégafeu de l'Aude. En juillet, le sous-dimensionnement de la flotte d'avions bombardiers d'eau disponibles nous a malheureusement conduits à arbitrer entre des demandes simultanées d'opérations dans l'Aude et les Bouches-du-Rhône. Le risque de rupture capacitaire est donc avéré.
Dans ce contexte, j'insisterai sur trois points.
Premièrement, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères se poursuit au rythme prévu.
Deuxièmement, le projet de loi de finances pour 2026 consacre la pérennisation des crédits alloués à la location d'aéronefs, à hauteur de 30 millions d'euros.
Troisièmement, l'intensité exceptionnelle de la saison des feux cet été a précipité la décision de commander deux nouveaux canadairs qui seraient livrés d'ici à 2033 – le présent projet de loi de finances prévoit 200 millions d'euros en AE pour financer leur achat.
Cependant, les moyens de la sécurité civile ne se résument pas aux aéronefs. J'en viens donc à un deuxième sujet, celui des pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) par l'acquisition de matériels cofinancés par l'État.
À la suite des incendies de 2022, une enveloppe de 150 millions d'euros en AE a été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2023, et ce pour mieux faire face aux feux de forêt. Je constate que la promesse est tenue. Le projet de loi de finances pour 2026 consacre ainsi 22 millions d'euros en CP à ces pactes capacitaires, tandis que 120 millions d'euros ont déjà été consommés depuis 2023. En juillet 2025, plus de 300 engins de lutte contre les feux de forêt avaient déjà été livrés dans les services d'incendie et de secours (SIS).
La récurrence des inondations constitue un second défi capacitaire. L'idée de pactes capacitaires pour les inondations a émergé, mais la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a privilégié l'investissement dans des moyens nationaux mobilisables dans les différents territoires, en fonction des besoins.
L'efficacité des interventions des acteurs de la sécurité civile repose en outre sur un ensemble de systèmes d'information. À l'occasion du congrès national des sapeurs-pompiers, que j'ai accueilli au Mans, l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) a pu procéder à une démonstration de l'outil NexSIS, projet de mutualisation des systèmes d'information des SIS, dont la valeur ajoutée opérationnelle est unanimement reconnue – sans compter que cette plateforme sera incontestablement une source d'économies.
Toutefois, alors que les SIS témoignent d'un enthousiasme certain, j'attire l'attention sur les sous-effectifs de l'agence, une situation qui menace l'avancement du projet, comme le confirme la Cour des comptes dans le rapport qu'elle a publié le 5 décembre.
Enfin, le Beauvau de la sécurité civile a conclu ses travaux au début du mois de septembre en présentant un rapport de synthèse qui compile des propositions de réformes aujourd'hui sujettes à des arbitrages interministériels. Le projet de loi de refondation de la sécurité civile continue donc de se faire attendre, alors que chacun reconnaît que le modèle de financement des SIS est à bout de souffle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
Mme Muriel Jourda, en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviens ce matin en remplacement de notre collègue rapporteur pour avis Henri Leroy, qui ne peut être présent.
Je ne ferai pas durer le suspense plus longtemps, car le temps nous est compté : la commission des lois a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission « Sécurités ».
Nous formulerons néanmoins deux réserves, que nous avons déjà émises il y a quelques instants et que vous partagez peut-être vous-même, monsieur le ministre…
En premier lieu, nous déplorons le déséquilibre de traitement entre les deux composantes des forces de sécurité intérieure : la police nationale semble en effet extrêmement favorisée par rapport à la gendarmerie nationale. Ce déséquilibre ne se corrige pas ; il s'accentue. Ainsi, 1 000 créations de poste en ETP sont prévues dans la police, contre 400 seulement dans la gendarmerie, ce qui risque d'obérer le déploiement dans les temps du plan de création des 239 nouvelles brigades.
En second lieu, on observe un autre déséquilibre, qui aurait pourtant dû être corrigé par la Lopmi, entre les dépenses de personnel et les dépenses d'investissement. Le rapporteur spécial de la commission des finances, Bruno Belin, s'en est ouvert : il y a des inquiétudes sur les moyens mobiles, ainsi que sur le parc des hélicoptères de la gendarmerie nationale, qui, en l'état, ne pourra pas être remplacé ni même amélioré, alors que cela s'impose.
Sous réserve de ces observations, la commission des lois a estimé que, de manière générale, la trajectoire de la Lopmi était respectée et c'est pourquoi, je le redis, elle a émis un avis favorable sur l'adoption de ces crédits, qui valent encouragement à poursuivre dans cette voie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits du programme 161 relatifs aux moyens nationaux de la sécurité civile, qui connaissent une hausse significative de 16 % en autorisations d'engagement et de 6 % en crédits de paiement.
Ces montants sont à la hauteur de l'urgence en matière de modernisation et de renforcement des capacités opérationnelles de la sécurité civile.
Cette année encore, l'intensité de la saison des feux a en effet illustré la nécessité d'adapter nos moyens de lutte contre les incendies aux défis qu'engendre le changement climatique. En juillet notamment, la concomitance de plusieurs incendies a contraint les forces aériennes et terrestres à opérer de véritables arbitrages stratégiques, attestant, une fois de plus, la réalité de la menace de rupture capacitaire.
En réponse, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit l'acquisition de deux nouveaux avions bombardiers d'eau, ce dont nous pouvons nous réjouir.
Si les engagements du Président de la République en faveur du renouvellement de la flotte et son extension à seize appareils ne se sont pas encore concrétisés, cette nouvelle commande aura un effet concret sur notre capacité opérationnelle face aux crises.
Ce rajeunissement de notre flotte ne doit néanmoins pas nous faire oublier que des enjeux se posent en matière tant de souveraineté que d'approvisionnement. La longueur des délais et l'incertitude quant à la date effective de réception des avions sont ainsi imputables à la dépendance de la France et de ses voisins européens vis-à-vis d'une seule firme extraeuropéenne. Nous ne pouvons que souhaiter que se poursuive le travail initié par le ministère et la Commission européenne pour identifier et faire émerger de nouveaux acteurs industriels sur notre territoire.
L'augmentation des crédits est également un signal positif pour la poursuite des chantiers structurants de modernisation de la sécurité civile. Je pense notamment au programme de renouvellement des hélicoptères, prévu par la Lopmi, qui porte déjà ses fruits, puisque le taux de disponibilité des appareils est en hausse depuis deux ans.
Le soutien de l'État à l'investissement des Sdis est également préservé, avec une enveloppe de 22 millions d'euros. Si ce montant est plus faible que les années précédentes, il demeure conforme aux engagements initiaux et ne remet pas en cause les cibles d'acquisition des matériels.
Le budget de la sécurité civile pour 2026 présente donc des garanties rassurantes face à la multiplication et à l'intensification des crises.
Toutefois, il n'élude pas les enjeux de gouvernance et de stratégie de long terme qui se présentent à notre modèle de sécurité civile. Alors que le Beauvau de la sécurité civile a présenté ses conclusions il y a maintenant trois mois, tous les acteurs de la chaîne opérationnelle demeurent ainsi dans l'attente d'une véritable réforme qui permettrait de retrouver pérennité et stabilité, et de redonner du sens à leur engagement. J'espère que le M. le ministre pourra nous éclairer à ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 158 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement, la gendarmerie nationale voit sa trajectoire budgétaire maintenue, même si le ralentissement est marqué par rapport au précédent budget.
Une très grande partie de cette hausse est absorbée par l'investissement immobilier, dont la relance se confirme avec 104 millions d'euros supplémentaires. Ainsi, 278 millions d'euros seront engagés en crédits de paiement, et plus de 350 millions le seront en autorisations d'engagement. C'est évidemment une très bonne nouvelle, après les alertes émises par le Sénat, et notamment par notre collègue Bruno Belin dans son rapport d'information de 2024, mais la question du rattrapage de ces nombreuses années de sous-investissement n'est pas résolue : rappelons que l'on estime les besoins annuels à 400 millions d'euros.
Autre bonne nouvelle, la possible mise en place d'une nouvelle forme de montage financier pour les constructions de caserne : la location avec option d'achat. Dans ce système, une fois que les coûts de construction sont amortis par le bailleur, la caserne revient en propriété à la gendarmerie.
Une telle formule aurait l'avantage d'enrayer l'inflation du locatif, une pelote qui grossit d'année en année pour atteindre 628 millions d'euros dans le cadre de ce projet de loi de finances. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire à quelle échéance ces travaux aboutiront ? Peut-on espérer un décret dans le courant de l'année 2026 ?
Malheureusement, l'augmentation des crédits dédiés à l'investissement immobilier se paie sur les autres postes. À commencer par les moyens mobiles : seuls 600 véhicules légers seront acquis en 2026, soit l'équivalent de 16 % des besoins actuels, qui sont estimés à 3 750 véhicules par an pour éviter un vieillissement du parc automobile. C'est évidemment tout à fait insuffisant.
Concernant les moyens aériens, le constat est analogue : le parc est vieillissant, avec des performances qui baissent et des coûts de maintenance qui augmentent. Les vingt-six hélicoptères de type Écureuil devront être retirés du service entre 2028 et 2030, les EC135 en 2035, alors que seuls seize nouveaux hélicoptères sont attendus dans les prochains mois.
Il est par conséquent impératif d'activer, avant février 2027, la clause ayant pour objet la livraison de vingt-deux hélicoptères H145 complémentaires, prévue par un contrat passé à la fin de 2023 avec Airbus Helicopters. À défaut, les conditions du contrat seront obsolètes et des sections aériennes devront être fermées.
Monsieur le ministre, cela représente une dépense de 355 millions d'euros. Allez-vous engager cette somme avant la date prévue ?
Je terminerai en disant un mot des fusils d'assaut Famas, dont le remplacement est urgent : l'armée cessera d'assurer leur maintenance à compter de 2026. À quelle échéance leur remplacement, dont le coût est estimé à 110 millions d'euros, est-il envisagé ?
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a, sur notre recommandation, émis un avis favorable sur l'adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale », malgré, vous l'aurez compris, de fortes inquiétudes quant au mur d'investissement qui se profile à court terme et malgré les trois interrogations dont je viens de vous faire part. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue corapporteur spécial et moi-même avons choisi, cette année, de consacrer le volet thématique de notre rapport aux outre-mer.
La gendarmerie nationale est notre première et parfois seule force de souveraineté dans les territoires ultramarins, où elle couvre 70 % de la population et 99 % de la superficie. Elle y assume donc un rôle de premier plan, notamment de cheffe de file dans certaines structures interservices comme les antennes de l'Office anti-stupéfiants (Ofast). Elle y a entamé une coopération très poussée avec les forces armées, notamment en Guyane où un état-major commun a été formé dans le cadre de l'opération Harpie contre l'orpaillage illégal. Elle est enfin engagée dans la coopération internationale de proximité avec les pays voisins.
Les outre-mer ont des particularités géographiques très marquées ; ils se caractérisent par une délinquance liée à leur exposition aux flux croissants des trafics internationaux et une récurrence des crises, qu'elles soient sociales, économiques, politiques ou climatiques.
Ces événements ont une influence sur le modèle d'emploi de la gendarmerie, qui a pu se livrer, en Nouvelle-Calédonie notamment, à des engagements d'un niveau quasi militaire. Ils expliquent aussi le poids particulièrement significatif des outre-mer dans son action et son organisation.
Actuellement, environ 4 300 gendarmes sont déployés dans ces territoires, auxquels il faut ajouter, en temps normal, vingt-deux escadrons de gendarmerie mobile qui assurent, outre les renforts en cas de troubles à l'ordre public, des missions de gendarmerie départementale.
Ce système de renfort modulable – jusqu'à trente-deux escadrons se sont déployés au plus fort des troubles en Nouvelle-Calédonie – s'est révélé pertinent pour répondre aux crises, mais il a atteint ses limites. Il n'est pas exagéré de dire que la gendarmerie mobile est épuisée, ce que reflète le stock très important de congés non pris par les gendarmes.
Ces crises ont un effet d'éviction très important sur les dépenses du programme : le cyclone Chido à Mayotte, ce sont 66 millions d'euros supplémentaires ; les événements en Nouvelle-Calédonie, ce sont 127 millions d'euros en crédits de paiement pour la seule année 2025.
Quant aux moyens matériels, ils sont insuffisants – comme l'a bien expliqué mon collègue Philippe Paul –, mais davantage encore qu'en métropole. Les besoins immobiliers sont estimés par le commandement de la gendarmerie d'outre-mer à pas moins de 900 millions d'euros. Plusieurs sections aériennes ne disposent que d'un seul hélicoptère ; or ces appareils sont de plus en plus fréquemment immobilisés pour maintenance, alors qu'ils sont particulièrement indispensables dans l'environnement ultramarin.
En conclusion, la gendarmerie de l'outre-mer fait face, mais de manière exacerbée, aux mêmes défis qu'en métropole et se trouve souvent en première ligne, au regard des menaces sécuritaires auxquelles la France est confrontée. Il est donc indispensable de donner à la gendarmerie, là-bas comme ailleurs, les moyens suffisants pour remplir ses missions. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – MM. Marc Laménie et Georges Naturel applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Olivia Richard et M. Marc Laménie applaudissent également.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le périmètre de la mission « Sécurités » inclut la sécurité intérieure, la lutte contre la délinquance, la protection des populations et les capacités de gestion de crise, qui sont autant de politiques essentielles pour notre pays dans un seul budget !
Ces actions fondamentales pour la société sont au cœur des prérogatives de l'État régalien. Notre main ne doit donc pas trembler au moment de leur allouer des moyens ambitieux.
Certes, les crédits de la mission sont en augmentation, mais il convient d'entrer dans le détail.
Les hausses de crédits consacrés au programme 176 « Police nationale » et au programme 152 « Gendarmerie nationale » se concentre sur le schéma d'emploi, en donnant la priorité aux filières investigation et police judiciaire, fortement mobilisées dans la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée.
Toutefois, l'objectif qui figure dans la Lopmi de rééquilibrer les dépenses au profit de l'investissement et du fonctionnement n'est pas toujours atteint.
Or on ne peut pas augmenter les dépenses de personnel sans renforcer nos efforts dans les domaines de l'immobilier, de l'automobile, de la formation et de l'équipement numérique.
Une fois de plus, la police nationale est largement privilégiée par rapport à la gendarmerie en termes de créations de poste. Nous avions pourtant alerté sur les conséquences de l'essor du narcotrafic dans nos territoires ruraux. Car, je vous le rappelle, le combat contre le trafic de drogue ne se gagnera pas seulement dans les grandes villes !
Par ailleurs, le manque de moyens octroyés par l'État dans les zones rurales a un impact sur les finances locales. Les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) déployés par les communes pour compenser le désengagement de l'État sont une charge supplémentaire pour celles-ci.
Enfin, je constate qu'une fois encore la question de la formation des policiers et des gendarmes n'est pas prise à bras-le-corps. Le Sénat a déjà alerté sur la faiblesse chronique de la formation initiale : aucune solution pérenne n'a été proposée à ce jour.
J'en viens maintenant à la sécurité civile, et en particulier à nos sapeurs-pompiers.
À cet égard, je souhaite saluer l'adoption en première partie de l'amendement de mon collègue Philippe Grosvalet et du groupe RDSE visant à revaloriser la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA), qui est allouée aux départements pour financer les Sdis.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, je vous invite à la plus grande vigilance quant au maintien de cet amendement dans le texte final du projet de loi de finances. Toutefois, si cette disposition était attendue depuis longtemps, personne ne peut croire qu'elle suffira à répondre à la question du manque d'engagement en faveur de nos pompiers et du manque de reconnaissance à leur égard.
Chaque année, nous perdons des effectifs. Quand en prendra-t-on conscience ? Faut-il demander un énième rapport qui traînera encore sur nos étagères ?
Le programme 161 « Sécurité civile » fait certes l'objet d'une hausse de crédits, mais elle est principalement liée à la commande de deux nouveaux avions bombardiers d'eau. Or il est également nécessaire d'investir dans le matériel quotidien de nos casernes.
Au-delà de cet effort immédiat, le Beauvau de la sécurité civile a mis en évidence la nécessité de trouver un nouveau modèle de financement. Il convient de rappeler que le financement des Sdis, en particulier les coûts de fonctionnement, est supporté par les seuls départements, communes et intercommunalités.
La mutation et l'intensification des risques climatiques nous obligent à adapter notre modèle français de sécurité civile. Puissions-nous le faire de façon concertée et non dans l'urgence !
Un an après le Beauvau de la sécurité civile, nous attendons toujours le projet de loi sur la sécurité civile. Mes chers collègues, sortons des constats et agissons !
Notre groupe ne saurait en l'état apporter un soutien plein et entier aux crédits de cette mission. En effet, leur manque d'ambition est en décalage avec l'importance pour nos concitoyens des actions menées par nos forces de l'ordre et de la sécurité civile.
J'en profite pour saluer toutes ces femmes et tous ces hommes pour leur engagement quotidien, qu'ils soient professionnels ou volontaires, car nous leur devons beaucoup.
Nous appelons à un sursaut : nos débats doivent déboucher sur une réelle revalorisation de ces crédits.
Toutefois, quand bien même ce ne serait pas le cas, le groupe RDSE ne voterait pas contre les crédits de cette mission, compte tenu de la nécessité de les adopter.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur trois des quatre programmes composant la mission « Sécurités » : le programme 176 « Police nationale », le programme 152 « Gendarmerie nationale », et le programme 207 « Sécurité et éducation routières ». Je laisse à mon collègue Olivier Bitz le soin d'évoquer le programme 161 « Sécurité civile ».
Avant d'entrer dans le détail de ces crédits, je souhaite rendre hommage au travail des policiers et des gendarmes, qui veillent en permanence sur la sécurité de nos concitoyens. Leur professionnalisme, leur engagement et leur sens du devoir sont exemplaires, dans un contexte marqué par une violence toujours accrue, à l'image du fléau du narcotrafic.
J'ai également une pensée particulière pour tous les policiers et gendarmes qui ont été blessés ou agressés dans l'exercice de leur mission.
J'en viens maintenant aux moyens que nous devons donner à celles et ceux qui assurent notre sécurité et notre protection.
Comme l'ont relevé les orateurs précédents, les crédits alloués aux forces de l'ordre font l'objet d'une augmentation globale de 2,6 milliards d'euros, ce qui mérite d'être souligné en cette période de fortes contraintes budgétaires.
Nous devons cette mansuétude à la Lopmi du 24 janvier 2023, qui a garanti le maintien du budget du ministère de l'intérieur.
Ainsi, pour 2026, le programme 176 est en hausse de 515 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 427 millions d'euros en crédits de paiement.
En revanche, le programme 152 enregistrera une baisse de 168 millions d'euros en autorisations d'engagement et une augmentation limitée à 200 millions d'euros en crédits de paiement.
Depuis 2009, année du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, une disparité budgétaire subsiste. Pour reprendre la remarque du rapporteur pour avis de la commission des lois, notre collègue Henri Leroy, dont je tiens à saluer le travail, il est étonnant que les augmentations annuelles de crédits ne soient pas réparties de manière équitable.
Même si les deux corps rencontrent des difficultés comparables en matière d'équipement et de conditions de travail, la gendarmerie en ressent souvent les effets de manière plus aiguë.
Sur le plan matériel, ces difficultés portent notamment sur le renouvellement du parc de véhicules terrestres et d'hélicoptères, ainsi que sur l'entretien du patrimoine immobilier.
Mais c'est surtout sur le plan humain que les inquiétudes sont les plus vives.
Lors de son audition, le directeur général de la gendarmerie nationale nous a alertés sur la dégradation du moral des troupes, ainsi que sur des problèmes de recrutement. En effet, s'il est prévu de créer 400 ETP en 2026 pour former 58 nouvelles brigades dans le cadre du plan 239 brigades, cela ne suffira pas à résorber le retard que nous avons pris en ne créant aucun poste en 2025. L'objectif final de 3 450 ETP à l'horizon 2027 ne sera donc pas atteint.
Un autre sujet d'inquiétude pour les gendarmes, qui me tient particulièrement à cœur, est celui de la réserve opérationnelle. L'objectif ambitieux de 50 000 réservistes d'ici à 2027 peut être atteint, puisque le seuil de 37 000 vient d'être franchi. Toutefois, faute de crédits suffisants pour les rémunérer, il arrive encore trop souvent que ces réservistes ne puissent pas être déployés en mission.
Pour terminer sur ces deux programmes, je tiens à rappeler l'importance croissante du rôle des collectivités locales en matière de sécurité du quotidien. En quelques années, la police municipale est devenue un acteur essentiel, et nous examinerons au début du mois de février un projet de loi qui renforcera encore son rôle.
Enfin, les crédits du programme 207 « Sécurité et éducation routières » restant stables, les campagnes publiques de sensibilisation pourront se poursuivre, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle locale. Des faits divers récents montrent hélas ! combien il est nécessaire de maintenir cet effort. Je fais confiance pour cela à la nouvelle déléguée interministérielle à la sécurité routière, qui a été récemment nommée.
Face aux multiples tentatives de déstabilisation de nos forces de l'ordre, visant à rompre le lien entre celles-ci et les Français – nous en avons encore eu un exemple samedi soir à Lyon lors de la Fête des Lumières –, je tiens à rappeler que les agents obéissent, lorsqu'ils sont en intervention, à des règles strictes, sous le contrôle de leur hiérarchie et des instances d'inspection et de contrôle.
M. le président. Il faut conclure, chère collègue !
Mme Isabelle Florennes. Le Conseil constitutionnel n'a-t-il pas rappelé à plusieurs reprises que remettre en cause le maintien de l'ordre public, c'est remettre en cause l'une des conditions nécessaires à l'exercice des libertés publiques ?
Le groupe Union Centriste votera bien sûr ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupe UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le nombre de rapporteurs spéciaux et pour avis montre l'importance de cette mission « Sécurités », au pluriel.
Dix ans après les attentats du Bataclan, alors que notre pays s'est récemment recueilli en hommage aux victimes, chacun mesure à quel point la menace djihadiste reste présente, diffuse, mais réelle. Le terrorisme islamique n'a pas disparu ; il se transforme et renaît parfois là où on ne l'attend pas.
Dans ce contexte, les forces de sécurité intérieure sont notre première ligne de protection. Elles le sont face au terrorisme, mais aussi face à une autre menace qui s'étend silencieusement et ravage nos territoires : le narcotrafic. L'assassinat récent du frère d'Amine Kessaci nous l'a rappelé avec une brutalité glaçante. Ce fléau touche désormais non seulement des villes moyennes, mais aussi la ruralité.
C'est en ayant à l'esprit ces multiples défis que nous examinons les crédits de la mission « Sécurités » pour 2026. Notre groupe Les Indépendants salue l'engagement de ces femmes et de ces hommes qui risquent leur vie pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Comme l'ont rappelé les précédents orateurs, nos policiers, nos gendarmes – qui ont un statut de militaire – et nos sapeurs-pompiers méritent infiniment de respect et de reconnaissance.
En ce qui concerne la sécurité des personnes et des biens, j'associe bien sûr les hommages nationaux rendus chaque année en respect pour les gendarmes, pour la police nationale et aussi pour les sapeurs-pompiers.
Je me félicite que le budget global de la mission progresse : il atteint près de 25 milliards d'euros en crédits de paiement, ce qui correspond à une hausse de 2,6 %. Le groupe Les Indépendants salue cet effort, qui confirme la priorité qui est donnée au régalien.
Les finances publiques sont dégradées. Nous devons collectivement en tenir compte, mais nous savons aussi qu'il existe des missions dont la République ne peut s'exonérer. La protection des Français en fait partie.
Pour autant, si ce budget est préservé, sa répartition laisse apparaître des fragilités.
Tout d'abord, les dépenses de personnel dépassent encore 80 % du budget tant de la police que de la gendarmerie. Il s'agit d'un effort considérable. Il est indispensable de donner aux forces des moyens humains, mais cet effort est consenti au prix d'une diminution des crédits disponibles pour l'investissement.
Nos forces de l'ordre ont certes besoin d'effectifs, mais elles ont aussi besoin de véhicules, de bâtiments et de matériel moderne. Or, dans certains domaines, les retards s'accumulent dangereusement.
Je pense en particulier à la situation préoccupante de la gendarmerie. La flotte d'hélicoptères vieillit : vingt-six appareils ont près de 40 ans. Certains ont déjà dû être retirés du service, et les près de 355 millions d'euros indispensables pour les remplacer ne sont pas financés dans ce budget.
Mes chers collègues, comment imaginer que nos gendarmes, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte, puissent remplir leur mission face au trafic de stupéfiants, aux violences et aux crises locales sans moyens aériens fiables ?
Nous sommes également préoccupés par le renouvellement des véhicules terrestres. Pour la police nationale, l'achat prévu de 2 900 véhicules en 2026 compensera à peine deux années d'acquisitions insuffisantes.
Concernant la gendarmerie, les enveloppes consacrées aux véhicules ont été revues à la baisse, ce qui ne permettra d'acheter que quelques centaines de véhicules, ce qui est très loin du seuil annuel nécessaire à la simple stabilisation du parc. Cette situation met en péril la capacité opérationnelle des unités sur le terrain.
S'agissant des effectifs, le respect de la trajectoire de la Lopmi constitue un point positif. Néanmoins, l'année blanche de 2025 a créé un retard qui ne sera pas comblé à ce rythme, en particulier pour la gendarmerie. J'en profite pour rendre hommage aux gendarmes des Ardennes, ainsi qu'à l'ensemble des réservistes, des cadets de la gendarmerie et des jeunes sapeurs-pompiers.
La filière investigation souffre d'un manque d'effectifs. Les 700 postes supplémentaires annoncés ne permettront qu'un rattrapage partiel, alors même que les stocks de procédures augmentent et que la criminalité organisée se structure plus vite que notre réponse judiciaire. Sans un investissement durable dans la police judiciaire, nous courons le risque de constater les infractions sans être en mesure d'en appréhender les auteurs.
Notre groupe le redit ici, les nécessaires baisses des dépenses publiques doivent intervenir partout ailleurs que dans le régalien, car il s'agit du cœur de l'action de l'État, sous l'autorité de M. le ministre et des représentants de l'État en métropole et en outre-mer.
À présent, l'objectif de créations de poste à l'horizon 2027 prévu par la Lopmi apparaît compromis. Nos concitoyens voient leurs centres-villes changer. Depuis 2010, les atteintes aux personnes ont augmenté de plus de 45 % et les réseaux de stupéfiants se professionnalisent. Ils demandent légitimement la présence de policiers et de gendarmes.
Les violences du quotidien, les violences intrafamiliales, les tensions qui peuvent dégénérer, comme en Nouvelle-Calédonie l'an passé, montrent que la préservation de l'ordre public nécessite un travail constant.
Notre groupe considère qu'il n'y a pas de liberté sans sécurité et votera les crédits de cette mission indispensable à notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à apporter tout mon soutien aux forces de l'ordre et à condamner les slogans anti-police qui ont été scandés à Lyon. La police est là pour nous protéger, et non pas pour tuer !
M. Olivier Paccaud. Très bien !
Mme Nadine Bellurot. Nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Sécurités » et je veux saluer le travail de nos rapporteurs.
Malgré le contexte budgétaire considérablement dégradé, il demeurait crucial de préserver nos forces de sécurité intérieure des restrictions.
Le budget de la mission respecte pour l'essentiel la trajectoire de la Lopmi, même si nous pouvons tous regretter que l'augmentation soit moindre que par le passé.
De même, nous sommes en droit de nous interroger sur les différences de dynamique observées chaque année entre les crédits de la police et ceux de la gendarmerie.
La préservation de nos forces de l'ordre est une absolue nécessité dans le contexte actuel. Je rappelle tout de même que sur 100 euros de dépenses publiques, seuls 2,20 euros sont consacrés aux forces de l'ordre. Pourtant, les Français attendent des réponses fermes pour enrayer le narcotrafic, les incivilités du quotidien et l'augmentation de la violence en général, qui est le fait d'individus de plus en plus jeunes et de plus en plus violents.
Les atteintes aux personnes ont progressé de plus de 45 % depuis 2010, tandis que le total des crimes et délits enregistrés a augmenté de 5,2 %. La criminalité organisée se professionnalise et ses réseaux se complexifient. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.) Le terrorisme est toujours une menace.
Les propositions de loi récemment adoptées sur le narcotrafic et sur la lutte contre le blanchiment d'argent dotent les forces de sécurité d'outils juridiques nécessaires, mais il nous faut dégager des moyens importants pour garantir leur pleine efficacité.
L'exécution 2025 a été particulièrement tendue. Par exemple, la gendarmerie nationale s'est vu forcer d'interrompre le recours aux réservistes faute de financements disponibles. À cet égard, je soutiens l'amendement de Jean-François Husson, que j'ai cosigné, visant à apporter sans délai une réponse opérationnelle au déploiement de 239 brigades sur l'ensemble du territoire, dont deux dans l'Indre.
Nous devrons toutefois veiller à ce que les engagements qui ont été pris en matière d'investissement soient tenus.
La gendarmerie bénéficiera de 400 créations de poste, mais un rattrapage massif devra intervenir pour tenir l'objectif final fixé dans la Lopmi, à savoir 3 450 postes créés d'ici à 2027.
La police nationale pourra compter sur 1 000 ETP supplémentaires. Là aussi, nous avions pris du retard en 2025, compromettant ainsi la réalisation de nos objectifs en matière de lutte contre l'immigration irrégulière et contre la criminalité organisée. Monsieur le ministre, je connais votre engagement sur ces sujets prioritaires et je souhaite saluer le rattrapage significatif qui est effectué en 2026.
Ces renforts seront les bienvenus, puisque la filière investigation est notoirement en souffrance, comme nous l'avons rappelé, mon ancien collègue Jérôme Durain et moi-même, dans les rapports que nous avons produits sur la police judiciaire dans le cadre de la réforme de la police nationale. Un chiffre suffit pour l'illustrer : 3,5 millions de procédures sont en cours.
La filière investigation peine à attirer les profils, du fait notamment de conditions de travail défavorables, qui lui sont propres. Pour être sûres de ne pas l'intégrer, de jeunes recrues vont jusqu'à rendre des copies blanches à l'examen, car cela impliquerait d'assumer plus d'heures et plus de responsabilités, et de se confronter à une procédure pénale de plus en plus complexe, sans obtenir une reconnaissance suffisante, qui se traduise sur les fiches de paie.
La filière investigation appelle donc à une revalorisation, et à la réouverture d'un concours spécifique à la filière police judiciaire. Nous le savons, il nous faut des enquêteurs de plus en plus spécialisés, notamment en matière économique et financière. Peut-être pourrions-nous créer une direction générale de la police judiciaire, sur le même modèle que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Monsieur le ministre, vous avez annoncé un plan investigation pour relancer la filière, à la suite de la remise à Bruno Retailleau du rapport de la direction générale de la police nationale (DGPN). Les besoins pour l'investigation sont chiffrés à 1 000 ETP supplémentaires, pour un coût estimé à 139 millions d'euros. Pouvez-vous nous en dire un peu plus aujourd'hui ?
Je conclurai mon intervention en saluant l'engagement sans faille de nos pompiers professionnels, mais aussi de nos pompiers volontaires – avec un clin d'œil pour ceux de l'Indre.
Je veux rappeler les besoins financiers croissants des Sdis face à la multiplication des risques. Dans mon département, plus de 13 000 interventions ont été recensées en 2025. Et ce chiffre est destiné à croître, le risque de crise étant désormais permanent.
Ce financement est soutenu en très grande partie par les conseils départementaux, mais aussi par les communes. À cet égard, je me félicite que nous ayons adopté il y a quelques jours un amendement tendant à augmenter la taxe spéciale sur les conventions d'assurances au profit des Sdis. Je suis d'autant plus heureuse qu'il ait été adopté que je l'avais moi-même défendu l'année dernière dans cet hémicycle.
Enfin, je veux alerter une nouvelle fois sur la mise en conformité de la France avec la directive européenne sur le temps de travail, qui menace l'activité des sapeurs-pompiers volontaires. Notre modèle de sécurité civile s'appuyant à plus de 80 % sur le volontariat., il convient de le protéger et de le promouvoir, ce qui implique de continuer de s'opposer à cette directive.
Par ailleurs, je répète qu'il revient à l'État de reprendre à sa charge les carences ambulancières. En effet, le coût de cette politique de santé publique est actuellement assumé par les collectivités.
Ces différents appels ayant été lancés, le groupe Les Républicains votera évidemment les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2026 consacre près de 26 milliards d'euros à la mission « Sécurités », soit une progression maîtrisée de 2,7 % par rapport à l'an dernier.
Cette évolution s'inscrit dans un contexte budgétaire contraint. Pourtant, la Nation fait ici le choix clair de maintenir la sécurité des Français au rang de ses priorités absolues. Nous abordons en effet la quatrième année de mise en œuvre de la Lopmi, qui a engagé un effort inédit de transformation de nos forces de sécurité intérieure.
Après une période où les investissements ont été particulièrement soutenus, nous entrons désormais dans une phase de consolidation. Il ne s'agit plus tant d'ouvrir de nouveaux chantiers que de faire en sorte que les réformes engagées produisent pleinement leurs effets.
Pour 2026, près de 8 milliards d'euros seront consacrés à la masse salariale. La police nationale bénéficiera de la création de 1 000 emplois supplémentaires, prioritairement destinés à l'investigation, à la lutte contre l'immigration clandestine et au contrôle aux frontières.
Ces renforts répondront à des besoins opérationnels bien identifiés, et ils s'accompagneront de la montée en puissance de la réserve opérationnelle, qui constitue un outil précieux pour renforcer la présence sur la voie publique et améliorer la réactivité des forces de l'ordre.
Je me réjouis également que la lutte contre les trafics et la criminalité organisée soit érigée comme une priorité. Cette orientation va dans le sens des avancées techniques et juridiques que nous avons votées dans le cadre de la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic de nos ex-collègue Jérôme Durain et collègue Étienne Blanc.
Nos services spécialisés, déjà pleinement mobilisés, doivent pouvoir s'appuyer sur ces outils pour frapper au cœur les réseaux qui minent nos territoires et entraver durablement leurs capacités d'action.
Toutefois, mes chers collègues, l'examen des crédits de cette mission révèle aussi quelques fragilités, en particulier en ce qui concerne la gendarmerie nationale.
Si le schéma d'emploi est certes positif, il peine à compenser les carences matérielles qui sont encore trop souvent constatées sur le terrain. Le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Hubert Bonneau, l'a rappelé : ces quatre dernières années, seuls 5 000 véhicules ont pu être acquis, alors que 15 000 auraient été nécessaires.
En outre, la dynamique de création de brigades, pourtant essentielle pour nombre de territoires ruraux ou ultramarins, a été mise en pause en 2025.
À cela s'ajoute un problème structurel majeur : l'immobilier. Sur près de 3 700 brigades, seules 649 appartiennent au parc domanial. Concrètement, cela signifie que 77 % des crédits immobiliers du budget 2026 seront absorbés par le paiement des loyers, dans un contexte de crise du logement qui fait mécaniquement grimper ces dépenses. Cette inflation empêche parfois la création ou l'installation de nouvelles brigades.
Dans ce contexte, je veux néanmoins saluer l'effort significatif consenti pour soutenir plusieurs opérations structurantes.
La reconstruction ou la réhabilitation des casernes en Guadeloupe, en Martinique, en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion constitue une avancée notable pour améliorer les conditions de vie et de travail de nos gendarmes dans les territoires d'outre-mer.
À cet égard, je remercie le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères Jérôme Darras d'avoir consacré le volet thématique de son rapport aux outre-mer. Il est important d'en parler ici devant la représentation nationale.
À moyens constants, les actions de sécurité routière pourront se poursuivre dans l'objectif de réduire durablement le nombre de tués et de blessés sur nos routes.
À ce sujet, mes chères collègues, j'appelle votre attention sur la situation inquiétante dans les territoires d'outre-mer, où les chiffres restent préoccupants : les accidents de la route ont causé 160 décès en 2024, contre 135 en 2023, soit une augmentation de 18,5 %.
Cette hausse, lourde de conséquences humaines, doit être considérée avec le plus grand sérieux. Usagers comme pouvoirs publics doivent se mobiliser pleinement pour inverser cette tendance et enrayer une mortalité qui détruit des familles et des territoires déjà durement éprouvés.
Enfin, je souhaite souligner l'augmentation de 6,3 % des crédits destinés à la sécurité civile.
Notre modèle est aujourd'hui confronté à l'accélération des aléas climatiques. Je pense avant tout au cyclone Chido, qui a ravagé Mayotte en 2024 et laissé derrière lui un territoire meurtri, mais aussi au mégafeu dans l'Aude, ou encore à la tempête Benjamin, qui a récemment causé un mort et plusieurs blessés.
Face à cette intensification des épisodes climatiques extrêmes, les moyens doivent suivre. Le budget 2026 renforcera la flotte aérienne, en permettant d'acquérir deux nouveaux canadairs et huit hélicoptères H145. Il prévoit également une montée en puissance du 4e régiment d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (Riisc) de Libourne, qui comptera 163 militaires à la fin de 2025 et 30 de plus en 2026.
Il s'agit d'un investissement indispensable pour protéger nos compatriotes et soutenir les forces de sécurité civile qui, chaque jour, interviennent au péril de leur vie.
Les crédits de la mission « Sécurités » pour 2026 traduisent la volonté de consolider les réformes engagées, d'accompagner nos forces au plus près de leurs besoins, et de continuer de faire de la protection des Français une exigence cardinale de l'action publique.
Notre groupe, convaincu de l'importance de cet effort maîtrisé, mais ambitieux, votera ces crédits. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons la mission « Sécurités », dont chacun mesure évidemment l'importance, tant le besoin est fort, dans l'Hexagone comme dans les outre-mer, de protection, de confiance et de présence des forces intérieures, auxquelles je veux à mon tour rendre hommage ce matin.
Comme je l'ai indiqué lors de l'examen des crédits en commission des lois, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, s'opposer à ce budget n'aurait que peu de sens dans la mesure où nous partageons plusieurs des constats qui y sont dressés et où nous reconnaissons les efforts consentis. En effet, nous sommes globalement en phase avec le diagnostic posé par les rapporteurs pour avis, en particulier Henri Leroy et Jérôme Darras.
Dans le contexte budgétaire difficile, comment ne pas souligner la hausse, même modeste, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement ? Surtout, comment ne pas saluer les 1 000 emplois supplémentaires octroyés à la police et les 400 octroyés à la gendarmerie ?
Pour autant, si ces chiffres se rapprochent de la trajectoire financière de la Lopmi, l'objectif final a peu de chances d'être atteint au regard des retards accumulés, en particulier en fonctionnement et en investissement.
Nous restons en dessous du niveau des effectifs de 2007, avant la révision générale des politiques publiques. Or les défis en matière de sécurité se sont multipliés en vingt ans : les menaces terroristes, la cybercriminalité et le narcotrafic se sont ajoutés aux violences sexuelles et sexistes et, malheureusement, à toutes les violences du quotidien.
Des effectifs supplémentaires seraient encore nécessaires pour mettre fin à la sous-dotation des compagnies afin que nos forces de sécurité intérieure puissent répondre à l'intégralité des besoins qui remontent du terrain, qu'ils soient exprimés par les policiers et les gendarmes eux-mêmes, par les élus locaux, ou encore par nos concitoyens.
À cet égard, comme les rapporteurs spéciaux et pour avis, nous ne pouvons que regretter le contraste entre la dotation de la police et celle de la gendarmerie. Les crédits de la gendarmerie sont globalement en décalage avec les besoins, tant du point de vue des moyens opérationnels que du point de vue des effectifs, malgré le rattrapage tardif que constitue la création de 58 nouvelles brigades dans le cadre du plan 239 brigades.
Par ailleurs, il est dommage de constater que la dette grise continue de s'accumuler à cause du manque d'investissement dans les casernes et de la part croissante des loyers dans le budget immobilier depuis que les locations sont privilégiées par rapport à la détention patrimoniale. Sur cette question, un changement d'orientation serait souhaitable.
Comme je l'ai dit, la question des moyens de fonctionnement et d'investissement se pose. C'est un enjeu d'efficacité important pour nos gendarmes et nos policiers, mais aussi un élément d'attractivité et de fidélisation dans ces métiers essentiels.
Quand sont vieillissants ou inadaptés les voitures, les motos, les hélicoptères, les armes, les casernes, les bureaux, le matériel informatique ou les outils numériques, les conditions de travail en pâtissent forcément, de même que la manière dont on accueille les citoyens et les victimes.
Dans cette mission budgétaire, des progrès sont donc possibles et espérés, y compris pour la police judiciaire. Indéniablement, un geste est fait, et il était attendu depuis longtemps, y compris dans les récents rapports de nos ex-collègue Jérôme Durain et collègue Nadine Bellurot. Mais cet effort n'est pas suffisant pour résorber le stock énorme de procédures en souffrance, puisqu'il manquerait 2 500 enquêteurs en France, d'après les représentants des personnels que nous avons auditionnés. Nous présenterons donc des amendements pour aller plus loin sur la filière judiciaire, pour mieux mesurer, élucider et démanteler.
L'investigation est au cœur de la lutte contre la délinquance et la criminalité du haut du spectre dans les affaires sophistiquées de drogues, financières ou en lien avec d'autres trafics.
À l'autre bout du spectre, nous défendrons également un amendement pour rééquilibrer les emplois en faveur de la sécurité du quotidien.
Comment ne pas s'étonner que la police aux frontières, qui s'intéresse d'abord aux étrangers, voie ses effectifs augmenter, quand la police chargée de l'ordre public et de la sécurité publique voit dans le même temps ses effectifs diminuer ? C'est là un drôle de symbole : certains ici approuvent peut-être un tel choix politique, mais, de notre côté, nous voulons revenir dessus. Car la sécurité, ce sont des hommes et des femmes présents sur le terrain, visibles dans la rue, capables de prévenir les violences, de recueillir la parole et d'assurer le lien police-population. Sur ce dernier aspect, nous avons aussi des propositions à faire.
Enfin, parce que les métiers de la sécurité évoluent vite, et dans l'intérêt des agents qui les exercent comme des victimes qu'ils accompagnent, nous souhaitons pousser encore certains moyens pour les enquêtes et l'accueil, en particulier face aux violences sexistes et sexuelles, contre les adultes comme contre les enfants, dans le monde réel comme virtuel.
Contrairement aux apparences et à ce que pourraient laisser croire les gages dans nos amendements, nous ne voulons évidemment pas « déshabiller » la gendarmerie au profit de la police ou mieux doter la sécurité intérieure au détriment de la sécurité routière. D'ailleurs, dans le droit fil des vingt postes supplémentaires d'inspecteur du permis de conduire que notre groupe a fait voter samedi matin, nous vous suggérons davantage de formations associées.
Mes chers collègues, ainsi que nous l'avons montré au moment du vote de la Lopmi, puis, récemment, avec la proposition de loi sur le narcotrafic, nous ne sommes ni dans le déni des réalités en matière de sécurité ni dans le déni des efforts faits. Nous sommes dans l'exigence, parce que la sécurité est un droit fondamental, mais complexe à appréhender, qui implique des moyens, des indicateurs, de la transparence, de l'efficacité.
Le vote du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur les crédits de cette mission budgétaire ne sera pas défavorable. Mais nous tiendrons compte des évolutions encore possibles dans la discussion, notamment via nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Michel Masset et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Sécurités », un budget essentiel pour protéger nos concitoyennes et nos concitoyens. Et pourtant, ce qui nous est présenté est bien loin d'être à la hauteur des défis auxquels notre pays est confronté.
Je souhaite d'abord évoquer la sécurité civile. Les chiffres pourraient, au premier regard, sembler encourageants : une hausse de 15 % en autorisations d'engagement et de 6 % en crédits de paiement. Mais cette augmentation ne fait que traduire tardivement et très partiellement les annonces du Président de la République en 2022. Ne vous y trompez pas, nous sommes loin de l'investissement nécessaire. Le Président de la République avait promis seize canadairs d'ici à 2027 ; dans ce budget, seuls deux avions bombardiers d'eau apparaissent. C'est très insuffisant au regard de l'urgence.
Pourtant, nous ne pouvons plus nous permettre d'ignorer la réalité. Les mégafeux se multiplient, deviennent plus intenses chaque année et mettent nos capacités de réponse au bord de la rupture. Chaque été, les incendies gagnent en intensité. Chaque année, les épisodes climatiques extrêmes se multiplient. Et chaque fois, nos moyens peinent à suivre.
Nous savons d'ailleurs désormais que la promesse du Président de la République ne sera pas tenue : l'échéance est repoussée de six ans, et le renouvellement intégral de la flotte n'est plus d'actualité. Si le Président de la République aime se voir en sauveur, ses renoncements budgétaires, eux, exposent nos concitoyens à un risque réel.
À ce titre, le rapport du Beauvau de la sécurité civile, publié au mois de septembre dernier, est clair. L'écrasante majorité des acteurs demandent un engagement beaucoup plus fort de l'État. Ils réclament de la cohérence, de la prévisibilité, des moyens pérennes. Ils attendent une stratégie nationale.
Pendant ce temps, les services départementaux d'incendie et de secours sont à bout de souffle. Les associations de sécurité civile survivent avec des moyens bien souvent dérisoires. Et pourtant, aucune proposition sérieuse ne figure dans ce programme : pas d'augmentation significative des financements pour les Sdis, pas de fonds national de péréquation pour les départements les plus exposés. Ce renoncement est lourd de conséquences.
Quant aux crédits de la police et de la gendarmerie, ils poursuivent leur expansion, mais pas toujours dans la bonne direction. La part dédiée à la police judiciaire est largement insuffisante. Il manque encore 2 500 enquêteurs. Et la police de proximité, celle du quotidien, est la grande oubliée. Ses effectifs sont diminués de vingt-trois ETP pour 2026, ses missions délaissées. Je ne peux que regretter ce choix politique.
Pourtant, la police de proximité a un double avantage. Elle rétablit la confiance entre la population et l'État, et elle contribue à restaurer un climat de sécurité pour nos concitoyennes et nos concitoyens. C'est cette confiance, qui, je le rappelle, est parfois aujourd'hui endommagée.
Le tout-répressif ne mène nulle part ; il alimente les tensions sans résoudre les problèmes de fond. C'est une impasse, et les chiffres de l'inflation répressive le démontrent.
J'aimerais enfin dire un mot de l'orientation préoccupante de votre politique migratoire. Vous affichez dans les documents budgétaires que la priorité en matière d'emploi reste mise sur le contrôle de nos frontières et la lutte contre l'immigration irrégulière. En ce sens, la police aux frontières voit ses effectifs augmenter de 288 ETP. Il est établi un lien implicite et persistant entre immigration et insécurité. Or ce lien est erroné et dangereux.
La sécurité civile devrait être notre première ligne de protection ; au lieu de cela, elle reste sous-financée. Ce n'est pas seulement une faute budgétaire : c'est une faute politique. Nous devons par ailleurs reconstruire de toute urgence – je l'ai dit – le lien social et la confiance entre la police et la population. Sortons de l'impasse du tout-répressif.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2026 présente pour la mission « Sécurités » un budget en légère hausse qui, pour l'essentiel, suit la trajectoire définie dans le cadre de la Lopmi et est, de manière assez positive, relativement épargné par la politique d'austérité du Gouvernement.
Nous saluons l'augmentation des effectifs, avec la création de 1 000 postes supplémentaires dans la police, dont 70 % d'officiers de police judiciaire, et de 400 postes dans la gendarmerie. Même si ces recrutements ne suffiront pas à compenser la réduction d'effectifs des deux dernières années, ils sont – vous le savez – essentiels pour améliorer le traitement des enquêtes et pour renforcer les luttes contre le narcotrafic, dont l'ampleur et les conséquences croissent tragiquement.
Pour autant, nous regrettons qu'une part importante de ces nouveaux postes soient fléchés vers le contrôle aux frontières, alors que les besoins sont criants pour développer la police de proximité, pour mieux former à la prise en charge des victimes de violences sexistes et sexuelles – nous le savons, ce sont les violences intrafamiliales et sexuelles qui augmentent le plus en France –, pour recouvrer une spécialisation des filières mises à mal par la réforme de la Lopmi, pour lutter contre le narcotrafic ou pour améliorer les conditions de travail du personnel de gendarmerie.
De fait, en plus du besoin d'investissement et d'équipements, il nous faut enfin prendre au sérieux la souffrance au travail qui persiste chez nos forces de l'ordre, avec un taux encore très élevé de suicides tragiques et intolérables. Ces difficultés ont des effets délétères tant pour les agents eux-mêmes – c'est évident – que pour le maintien de l'ordre, réalisé dans des conditions dégradées.
Nous ne cessons de le rappeler depuis des années, le lien entre la population et la police est abîmé, d'un côté comme de l'autre. La politique actuelle, qui est centrée sur le chiffre, épuise les agents et n'a pas toujours de pertinence en termes d'efficacité. Des contrôles discriminatoires, des violences parfois volontaires et à rebours de la mission de police, comme on l'a vu et redécouvert pendant les manifestations de Sainte-Soline ou à Paris avec les brigades de répression de l'action violente motorisées (Brav-M), minent durablement le lien avec la population. Ce lien indispensable, il faut le réparer avec des moyens adéquats.
Concernant la sécurité civile, nous nous félicitons de la hausse des moyens. Elle permettra d'investir dans de nouveaux avions bombardiers d'eau et hélicoptères nécessaires pour prévenir les feux, qui ne cesseront de se multiplier avec le dérèglement climatique.
Vous le comprendrez toutefois, nous rappelons que cet engagement de l'État reste insuffisant pour financer les Sdis, pour soutenir les associations de sécurité civile et pour engager une réflexion sur les questions d'assurabilité face aux risques climatiques. Le domaine de la sécurité civile requiert une stratégie de long terme pour anticiper la dotation en équipements, les formations et, surtout, la prévention des crises.
Le vote du Sénat en faveur de l'augmentation de la TSCA a été un signal positif.
M. Grégory Blanc. Tout à fait !
Mme Mélanie Vogel. Renforcer les moyens est nécessaire. Mais ce renforcement sera vain si nous ne faisons pas assez dès maintenant pour réduire à la source les catastrophes naturelles, les mégafeux, les inondations et pour éviter qu'ils ne se multiplient encore et encore sous le coup du réchauffement climatique.
Et cette logique de prévention doit s'appliquer à tous les domaines : investir dans la lutte contre la pauvreté, l'exclusion et les discriminations pour prévenir les violences et l'alimentation, entre autres, du narcotrafic et de la délinquance ; soutenir la santé mentale et la formation de nos forces de l'ordre pour améliorer la prise en charge des victimes, pour mettre fin aux débordements et pour apaiser les relations ; redéployer les personnels pour retrouver un lien de confiance grâce à des équipes qui connaissent les territoires sur lesquels elles interviennent, leurs enjeux, leur population, et qui peuvent apporter des solutions adaptées, vouées à faire diminuer sur le long terme des insécurités auxquelles la répression seule n'apporte pas de solution durable.
Au regard des efforts budgétaires réalisés, nous ne voterons pas contre ce budget. Mais nous appelons à une prise de conscience collective : les choix globaux décidés actuellement orientent la politique de sécurité vers la réaction plutôt que vers la prévention de long terme.
Pour ces raisons, notre groupe s'abstiendra sur l'adoption de ces crédits, tout en appelant à un débat approfondi sur des priorités structurelles nécessaires à la protection de nos concitoyens et de nos libertés publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
(Mme Sylvie Robert remplace M. Xavier Iacovelli au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une mission absolument centrale pour la vie quotidienne de nos concitoyens : le budget de la sécurité. Nous saluons d'abord la légère hausse des crédits alloués. Les besoins sont immenses ; chacun le sait ici. Mais force est de constater que, sous la majorité actuelle, si les budgets augmentent, l'insécurité aussi !
Les chiffres du ministère de l'intérieur sont sans appel. Depuis 2016, aucun indicateur de délinquance n'a reculé. Nos compatriotes doivent connaître la réalité de la France de 2025. Chaque jour, ce sont trois homicides, douze tentatives et près de 600 cambriolages. Voilà le bilan !
Cette insécurité, qui n'est plus depuis longtemps un simple sentiment, touche désormais tous les territoires. Hier encore, des fusillades ont éclaté en plein cœur de Rennes. Et dans ma ville de Denain, le 23 novembre dernier, une violente rixe a éclaté. Trois jeunes alcoolisés se sont introduits chez un voisin après avoir brisé une fenêtre. La bagarre a dégénéré, des coups de feu ont été tirés, heureusement sans blessé. Les suspects ont été interpellés et deux mis en examen pour violences avec armes et violation de domicile. Remercions encore une fois ici les forces de l'ordre.
Jadis, ces scènes faisaient la une dans les grandes métropoles. Aujourd'hui, elles surviennent dans nos petites communes, dans nos campagnes, dans les territoires ruraux, qui connaissent eux aussi désormais une montée des violences, des atteintes aux biens et des agressions gratuites.
La sécurité, ce n'est pas seulement la police et la gendarmerie, mais celles-ci en constituent le cœur battant. Ce sont aussi les services de secours et les associations agréées de sécurité civile, parfois contraints d'agir avec des moyens insuffisants, financés par nos collectivités. Je pense bien évidemment aux services départementaux d'incendie et de secours, à nos pompiers, à ces femmes et à ces hommes qui interviennent les premiers face au danger. C'est pourquoi nous proposerons dans des amendements l'acquisition de nouveaux canadairs, ainsi que la création d'un fonds d'intervention d'urgence dédié aux services départementaux d'incendie et de secours, activable lors de crises majeures, afin de soulager les départements les plus touchés – certains ont été évoqués ici.
Face aux crises climatiques, désormais récurrentes, nous devons armer davantage notre sécurité civile et respecter d'ailleurs les engagements du Président de la République, qui, une fois encore, ne furent que des mots. Que ce soit sur notre économie, sur notre diplomatie, sur nos frontières ou sur la sécurité, le bilan du macronisme se résume en un seul adjectif : triste !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Olivier Bitz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l'examen des crédits de la mission « Sécurités », j'aborderai plus spécialement ceux qui sont consacrés à la sécurité civile.
J'observe d'abord que la structure budgétaire ne nous permet pas de saisir l'ensemble des moyens publics consacrés à cette politique si importante pour nos concitoyens, puisque nous parlons quasi exclusivement des moyens nationaux ce matin. J'espère que le projet de loi, annoncé pour le début d'année, pour tirer les conclusions du Beauvau de la sécurité civile nous permettra d'appréhender globalement le sujet et de conforter notre modèle, fondé principalement sur le volontariat.
Aujourd'hui, je souhaiterais avant tout me féliciter de la fin de ce qui a été, en 2025, une véritable année blanche, d'un point de vue budgétaire, pour la sécurité civile. Alors même que les risques et les menaces augmentent à la fois dans le temps et dans l'espace, ce gel des investissements en 2025 n'était pas tenable dans le temps.
Ainsi, la reprise de la montée en charge de la quatrième unité de sécurité civile est à saluer, même si la trajectoire, avec la création de trente postes pour cette quatrième unité en 2026, n'est pas tout à fait celle qui avait été initialement envisagée. La création d'une quatrième unité n'a de sens que si l'effectif du régiment est complet ; sinon, on aurait mieux fait de créer des compagnies d'intervention supplémentaires dans les unités existantes de Brignoles ou de Nogent-le-Rotrou, ce qui nous aurait épargné des investissements immobiliers importants.
Autre élément de satisfaction, l'inscription des crédits pour la commande de deux canadairs supplémentaires, ce qui portera à terme notre flotte à seize aéronefs de ce type. C'est surtout la relance de la chaîne de production par De Havilland qu'il faut aujourd'hui souligner, grâce à une approche européenne des besoins.
J'exprimerai néanmoins deux points de vigilance.
D'une part, monsieur le ministre, nous sommes toujours dans l'attente de la définition d'une véritable stratégie pour nos moyens aériens. Des travaux de la Cour des comptes, en 2022, si ma mémoire est bonne, pointaient cette absence de vision stratégique à moyen terme et à long terme. Nous en avons plus que jamais besoin. Aujourd'hui, les moyens aériens, c'est, certes, ce que l'État possède, mais c'est aussi maintenant ce qu'il loue de plus en plus et ce que les Sdis font de leur côté. Il y a donc une multiplication à la fois de moyens et de donneurs d'ordres, en tout cas de commandes d'un point de vue administratif et financier. À mon avis, cela nuit au dispositif général.
D'autre part – c'est pour moi le point de vigilance le plus important –, la Lopmi avait, je le rappelle, envisagé 40 millions d'euros pour aménager la base aérienne de Nîmes, afin d'accueillir les nouveaux aéronefs, de permettre leur entretien dans des conditions correctes et aussi de mettre les appareils à l'abri en toutes circonstances, sachant qu'ils sont en ce moment remisés à l'extérieur.
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Olivier Bitz. Je conclus en soulignant que les quatre canadairs supplémentaires – les deux qui sont prévus pour l'année prochaine vont s'ajouter aux deux autres – nécessitent des moyens supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur spécial Bruno Belin et M. Marc Laménie applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Do Aeschlimann. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous examinons aujourd'hui la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2026, qu'il me soit permis de saluer l'engagement exceptionnel de nos forces de sécurité, policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers. Au péril de leur vie, ils sécurisent, protègent et sauvent. Ils ont notre entière reconnaissance.
Avec près de 25 milliards d'euros en crédits de paiement, la mission « Sécurités » affiche une hausse de 2,6 % par rapport au budget pour 2025. La police et la gendarmerie nationales voient ainsi leurs moyens augmenter. C'est un signal positif, qui ne doit pas être minoré dans un contexte budgétaire particulièrement contraint. Mais l'effort est-il suffisant face à l'ampleur des défis sécuritaires ? L'essentiel de la hausse est absorbé par la masse salariale, qui représente près de 75 % des crédits.
Sur le papier, la trajectoire de la Lopmi est respectée, avec 1 600 ETP créés, dont 1 000 pour la police et 400 pour la gendarmerie. L'objectif de 7 412 créations de poste d'ici à 2027 apparaît toutefois compromis, monsieur le ministre. Cela réduit d'autant les marges pour des investissements pourtant indispensables : véhicules, armements modernes et en nombre suffisant et, surtout, renouvellement des hélicoptères – cela a été dit.
À cet égard, la situation de la gendarmerie est particulièrement préoccupante. La flotte d'hélicoptères Écureuil, composée de vingt-six appareils âgés de près de 40 ans, devra être renouvelée d'ici à 2030. Nos collègues rapporteurs Bruno Belin et Henri Leroy ont souligné le caractère alarmant de la situation. Il manquerait 355 millions d'euros pour financer cette flotte, exposant certains territoires, notamment ultramarins, à un risque réel de rupture capacitaire.
Plus globalement, les moyens de la police nationale et de la gendarmerie restent insuffisants face aux difficultés que nous constatons chaque jour : commissariats en sous-effectif, brigades rurales sous pression, maillage territorial fragilisé, etc. Nos concitoyens en subissent les conséquences, et, dans cet hémicycle, nous n'avons de cesse de vous alerter sur de telles difficultés.
Ces faiblesses structurelles sont d'autant plus préoccupantes que nos forces de sécurité sont engagées simultanément sur plusieurs fronts prioritaires. Je pense évidemment au terrorisme, qui demeure une menace constante. La menace est protéiforme : radicalisation rampante et en ligne, propagande diffuse, passage à l'acte opportuniste, individus suivis au long cours, etc. Nos services accomplissent un travail admirable et leurs moyens doivent être à la hauteur du risque encouru.
À ces défis s'ajoute la guerre contre le narcotrafic, où nos forces de sécurité sont en première ligne. En 2024, la commission d'enquête sénatoriale a révélé l'ampleur de ce fléau, qui gangrène notre pays et n'épargne plus aucun quartier, aucun bourg et aucun territoire. Récemment, avec l'assassinat du jeune Mehdi Kessaci à Marseille, un nouveau seuil a été franchi dans la brutalité. Tous les moyens – je dis bien « tous les moyens » ! – doivent être engagés pour éradiquer ces fléaux, ces réseaux qui distribuent la mort, sèment le chaos et défient l'autorité de l'État.
Ce combat exige une coordination renforcée entre police, gendarmerie et douanes, avec la montée en puissance de l'Ofast, que le Sénat appelle de ses vœux.
Parallèlement, un autre front, plus silencieux, requiert toute notre attention : les violences faites aux mineurs et la pédocriminalité, notamment en ligne.
L'Office mineurs (Ofmin), qui traque les pédocriminels numériques, ne comptait l'an dernier que dix-huit enquêteurs spécialisés pour plus de 300 000 signalements par an. Les moyens humains et technologiques doivent être renforcés face à l'irruption de l'intelligence artificielle, la nouvelle arme des pédocriminels !
Monsieur le ministre, nous comptons sur vos arbitrages. La protection de nos enfants doit rester une priorité nationale, absolue, et les moyens doivent suivre !
Le programme 207 « Sécurité et éducation routières » constitue un autre champ d'action de la mission dont nous discutons aujourd'hui. Ses crédits demeurent stables en 2026, avec 82 millions d'euros en crédits de paiement. Ils financent principalement les actions de communication, d'éducation et de prévention, ainsi que l'organisation du permis de conduire. Rappelons que les jeunes conducteurs sont surreprésentés parmi les tués et les blessés graves sur la route. Plusieurs drames récents rappellent l'ampleur de ce défi : excès de vitesse, consommation d'alcool, usage de stupéfiants et, désormais, protoxyde d'azote, dont la banalisation alimente les comportements à risque inquiétants.
Ces comportements mobilisent déjà massivement nos forces de l'ordre. Leur gravité appelle un sursaut collectif, mais aussi un renforcement de l'action publique.
Je conclurai en évoquant l'action de nos maires et de nos communes, bien que cela ne relève pas de cette mission. Malgré des budgets contraints, de plus en plus de maires compensent les carences de l'État pour assurer la sécurité dans leur commune. De fait, les dépenses de fonctionnement consacrées aux polices municipales ont progressé en moyenne de 41 % sur le mandat en cours, contre 16 % de croissance pour les dépenses de fonctionnement des autres services publics. C'est un paradoxe, puisque la sécurité est la compétence de l'État.
Les élus locaux font du mieux possible avec très peu de moyens. Ils sont même prêts à aller beaucoup plus loin en déployant des technologies innovantes. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous.
Le groupe Les Républicains votera en faveur des crédits de cette mission, avec toute la vigilance requise. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Madame la présidente, mes chers collègues, je tiens d'abord, monsieur le ministre, à vous exprimer tout mon soutien face à ce qui s'est passé à Lyon lors de la Fête des Lumières, des « lumières » obscurcies par un acte tout à fait inqualifiable. Nous assurons donc la police de la République et nos gendarmes de notre plein soutien.
Le programme 161 « Sécurité civile » affiche une hausse de crédits que nul ne conteste : 882 millions d'euros, +8,6 %. Mais, derrière ces chiffres, une réalité s'impose : nous finançons l'urgence, mais nous continuons peut-être, malheureusement, à ignorer l'avenir.
Ce budget ne répond pas à la poussée historique des risques : 12 300 feux, 30 000 hectares brûlés en 2025, dont l'incendie le plus dévastateur depuis 1949, celui de l'Aude. Mais comment passer sous silence l'autre versant de la crise ? Les inondations sont désormais le premier risque naturel en France.
La simultanéité des crises a mis notre système à la limite de la rupture. Cela a été démontré l'été dernier, où plusieurs fronts majeurs ont dû être arbitrés faute de capacités suffisantes. Et pourtant, dans ce budget, la réponse demeure malheureusement fragmentaire.
Le premier angle mort est l'investissement aérien. Oui, deux nouveaux canadairs sont annoncés, mais ils arriveront au mieux en 2033. Nous avons aujourd'hui une flotte qui vieillit et qui ne parvient plus à atteindre ses propres objectifs de disponibilité. Et nous ne pouvons plus construire une politique aérienne sur des délais industriels qui s'allongent et sur la location saisonnière comme variable d'ajustement.
Le deuxième angle mort, ce sont les Sdis, colonne vertébrale de la sécurité civile. Les départements, qui financent 60 % de leur fonctionnement, sont aujourd'hui étranglés : suppression de la taxe d'habitation, chute des recettes, explosion des dépenses sociales. Notre système est à bout de souffle. Ce n'est pas moi qui le dis ; c'est le Beauvau de la sécurité civile qui pointe un déficit d'anticipation stratégique et de gouvernance. Heureusement, nous avons augmenté la TSCA dans un vote que l'on peut qualifier d'historique dans cette Haute Assemblée. En tout cas, les Sdis ne pourront plus absorber longtemps l'augmentation constante de leurs missions.
Le troisième angle mort concerne le numérique. L'Agence du numérique de la sécurité civile dispose de 3 millions à 4 millions d'euros, quand ses besoins réels sont estimés à dix fois plus. Résultat : externalisations coûteuses, retards, sous-dimensionnement humain, alors même que NexSIS 18-112 est un outil vital pour la coordination opérationnelle.
Enfin, la pression du secours à personne, qui représente 86 % des interventions, est désormais insoutenable. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers demande l'étude d'un vrai modèle contractuel avec les agences régionales de santé (ARS).
Monsieur le ministre, ce budget manque de souffle, de stratégie et de vérité. Nous proposerons des amendements clairs : renforcer les moyens opérationnels, bâtir une stratégie aérienne européenne, garantir un financement pérenne des Sdis et reconnaître le rôle vital de nos sapeurs-pompiers.
Sans cela, ce ne sont pas des crédits que nous risquons de perdre ; c'est la protection des Français. Le sort réservé à ces amendements orientera notre vote définitif. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les rapporteurs spéciaux et pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier l'ensemble des intervenants qui se sont exprimés d'avoir manifesté leur soutien à nos forces de sécurité intérieure à la suite de la projection sauvage lors de la Fête des Lumières à Lyon. Je vous en remercie à titre personnel et en leur nom, à plus forte raison quand, dans le même temps, un député se permettait de confirmer le message des auteurs de cette projection en écrivant dans un tweet : « Oui, la police tue. » Vous le savez, une plainte a été déposée à la suite de cette projection.
Après la mission « Administration générale et territoriale de l'État » et la mission « Immigration, asile et intégration », je termine la présentation du budget du ministère de l'intérieur avec la mission « Sécurités ».
Je le répète, c'est une satisfaction pour moi, car le projet de loi de finances pour 2026 vient traduire de véritables priorités.
Il s'agit d'un projet de budget au service de la sécurité des Français, qui vient renforcer les moyens de lutte contre les différentes formes de menace, en particulier le narcotrafic et le terrorisme.
Sur les 24,5 milliards d'euros composant le budget du ministère de l'intérieur l'an prochain, la mission « Sécurités » représente 17,7 milliards d'euros, soit 72,3 % du budget du ministère de l'intérieur : ses crédits sont en augmentation de 371 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2025, soit 103 millions d'euros au-dessus de la trajectoire prévue par la Lopmi.
Cet écart s'explique par un effort de priorisation. Dans un contexte budgétaire exigeant, le ministère a fait le choix de redéployer ses crédits, en particulier vers la mission « Sécurités ». Ce sont notamment les économies réalisées sur les dépenses d'administration centrale qui nous permettent de compenser le fait que l'annuité 2026 de la Lopmi n'est que partiellement appliquée.
Les crédits alloués à la mission « Sécurités » permettent, tout d'abord, de renforcer le programme « Police nationale », qui augmente de 158,7 millions d'euros par rapport à 2026, afin de financer les priorités structurantes.
Il s'agit de créer 1 000 effectifs supplémentaires pour répondre aux enjeux de la filière investigation, ainsi que pour armer les centres de rétention administrative qui seront livrés l'année prochaine, à savoir ceux de Bordeaux et de Dunkerque.
Ces moyens complémentaires doivent permettre de financer les diverses composantes du plan investigation, et en particulier de renforcer l'équipement des services, avec une attention portée aux moyens numériques.
Ce projet de loi de finances pour 2026 doit également favoriser la poursuite de l'effort en matière de transformation numérique – acquisition de drones, lutte anti-drones, vidéoprotection de la préfecture de police, etc. –, et garantir un équipement adapté pour assurer la sécurité et l'efficacité des personnels.
Enfin, il s'agit de maintenir des crédits immobiliers à un niveau élevé, soit 283 millions d'euros, permettant de couvrir les « coups partis » – hôtel des polices de Nice, hôtel de police d'Annecy, par exemple – et d'accompagner les prochains programmes immobiliers.
Aux côtés de la police nationale, le projet de loi de finances pour 2026 permet un effort significatif au profit de la gendarmerie nationale, dont le budget progresse de 163 millions d'euros. Ces crédits viendront soutenir la création de 400 emplois nécessaires pour la continuité du programme, initié par le Président de la République, visant à créer de nouvelles brigades, dont 59 en 2026.
Les moyens humains seront également augmentés au travers de la hausse des crédits en faveur de la réserve opérationnelle – 100 millions d'euros en 2026 –, ce qui permettra le renforcement de sa présence sur la voie publique.
Il s'agit également de prolonger l'effort en matière immobilière, dont vous connaissez l'importance dans vos territoires, avec une augmentation de 100 millions d'euros des crédits dédiés par rapport à 2025. Le budget immobilier de la gendarmerie s'établira ainsi à 279 millions d'euros en crédits de paiement. À cela s'ajoute le lancement d'une consultation d'entreprises pour la rénovation du site de Satory, dans le cadre d'un partenariat public-privé (PPP) qui est intervenu à la suite de travaux interministériels.
Enfin, le PLF pour 2026 permettra l'acquisition de certains équipements prioritaires, tels que les véhicules de maintien de l'ordre.
La mission « Sécurités » comprend aussi le programme « Sécurité civile », qui augmente de 49,8 millions d'euros en crédits de paiement. Cette hausse doit financer la création de cinquante emplois nouveaux, nécessaires notamment pour poursuivre la montée en puissance du 4e Riisc à Libourne, l'acquisition de deux nouveaux canadairs, ou encore le renouvellement de la flotte d'hélicoptères.
Je conclurai mon propos en évoquant le programme « Sécurité et éducation routières », dont le budget est stable par rapport à 2025. L'objectif prioritaire demeure la diminution du délai de passage du permis de conduire. À cette fin, le projet de loi de finances prévoyait la création de dix emplois d'inspecteur du permis de conduire dans le cadre de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Le Sénat a décidé d'intensifier encore l'effort et adopté un amendement, samedi dernier, portant à vingt le nombre de créations d'emploi d'inspecteur du permis de conduire.
Comme vous pouvez le constater, le projet de loi de finances pour 2026 permet de porter nos ambitions en matière de renforcement de la sécurité de nos concitoyens et d'anticipation de la menace. Pour cette raison, il est important que les crédits de la mission et, plus largement, le projet de loi de finances pour 2026 soient adoptés.
J'ai bien entendu les diverses remarques que vous avez faites, mesdames, messieurs les sénateurs, et noté que de nombreux amendements déposés concernent ces questions ; j'aurai l'occasion d'y répondre point par point.
Permettez-moi de formuler quelques considérations d'ordre général.
Tout d'abord, je tiens à dire que l'impression de distorsion, dont il a été fait part, entre la gendarmerie et la police nationales, est erronée. En effet, dans la trajectoire de la Lopmi, notamment, la gendarmerie est mieux dotée que la police.
Pour 2026, les crédits de la gendarmerie nationale sont au-dessus de la trajectoire Lopmi de 158 millions d'euros, tandis que ceux de la police sont inférieurs de 40 millions d'euros. Cet effet de distorsion est une illusion liée à la présentation du projet de budget pour 2026 : l'effort fait pour la gendarmerie porte pour une grande part sur l'immobilier, et un peu moins sur les moyens mobiles – j'expliciterai ce point en donnant mon avis sur les différents amendements.
La fin de gestion 2025 de la gendarmerie nationale se caractérise par de nombreux achats de véhicule, qui vont lui permettre de rattraper son retard.
Cette impression, que je souhaite relativiser, est aussi due aux créations d'emploi. En effet, davantage d'emplois sont créés pour la police nationale parce qu'il convient de revaloriser la filière investigation et d'armer les CRA. Au passage, monsieur le sénateur Ian Brossat, cela n'a rien à voir avec une quelconque politique répressive : lorsque l'on crée des CRA, il faut les armer ; c'est aussi la raison pour laquelle il est prévu de créer 300 emplois pour la police aux frontières. Quant aux 400 emplois qui seront créés dans la gendarmerie, ils sont destinés à armer les brigades.
Je tenais donc à m'inscrire en faux concernant cette impression de distorsion.
Ensuite, et de manière plus générale, je vous confirme que le Beauvau de la sécurité civile donnera bien lieu à un texte, comme vous êtes nombreux à l'avoir appelé de vos vœux. Une discussion va donc s'engager sur la mise en œuvre de ce Beauvau, au cours duquel les questions de financement ne seront pas éludées.
Enfin, monsieur le sénateur Bitz, je vous confirme que nous avons bien une stratégie ministérielle pour les moyens aériens, notamment concernant la sécurité civile, comme l'avait d'ailleurs demandé la Cour des comptes en 2022.
Le ministère a donc créé en 2023 un comité stratégique des moyens aériens (CSMA) qui doit permettre de définir une stratégie conjointe entre la sécurité civile, la police et la gendarmerie. Nous disposerons en début d'année d'une première restitution de cette vision stratégique relative à nos moyens aériens, à un niveau interdirectionnel et sans doute interministériel. C'est un point important.
J'aurai également l'occasion, lors de l'examen des amendements, de répondre aux inquiétudes relatives aux hélicoptères de la gendarmerie nationale, des moyens qui sont intégrés à la réflexion stratégique ministérielle que je viens d'évoquer.
Concernant les questions qui portent sur les moyens matériels, j'y répondrai amendement par amendement – ceux-ci sont nombreux sur ces sujets – et je donnerai un certain nombre de précisions à cet égard.
Je tenais à apporter ces trois éclairages stratégiques, qui m'ont permis de vous répondre de manière plus globale sur le Beauvau de la sécurité civile, sur l'absence de distorsion entre les moyens de la police nationale et ceux de la gendarmerie nationale, et sur notre stratégie de gestion des moyens aériens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix,
(À suivre)


