Sommaire

Présidence de Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Exposition excessive et précoce aux écrans et méfaits des réseaux sociaux

Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

proposition de loi visant à protéger les jeunes des risques liés à l'exposition aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, et à les accompagner vers un usage raisonné du numérique

Article 1er

Article 2

Article 3

(À suivre)

Présidence de Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

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Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les jeunes des risques liés à l'exposition aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, et à les accompagner vers un usage raisonné du numérique
Article 1er

Exposition excessive et précoce aux écrans et méfaits des réseaux sociaux

Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly et plusieurs de ses collègues (proposition n° 744 [2024-2025], texte de la commission n° 202, rapport n° 201).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la proposition de loi et rapporteure.

Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la proposition de loi, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui marque une étape importante d'un long processus, auquel de nombreuses personnes, dans cet hémicycle et en dehors, ont contribué par leur volonté, ce dont je les remercie.

J'ai une pensée particulière à cet instant pour l'ancienne députée Caroline Janvier, avec laquelle j'avais beaucoup échangé sur ce sujet.

Il y a urgence à légiférer : par rapport à la situation qui prévalait voici quelques années, les effets d'une utilisation non raisonnée des écrans sont désormais bien identifiés.

Les données de la cohorte Elfe (étude longitudinale française depuis l'enfance) montrent que les enfants de 2 ans passent déjà une heure par jour devant un écran quand la durée d'exposition est de deux heures environ chaque jour chez les 7-9 ans. Une étude Ipsos-Centre national du livre de 2024 indique par ailleurs que les 16-19 ans, eux, sont plus de cinq heures par jour devant les écrans… C'est évidemment considérable !

Les risques sanitaires d'une telle surconsommation d'écrans sont aujourd'hui bien établis : troubles du sommeil, avec des effets majeurs sur de nombreux aspects de l'état de santé des enfants, affections des yeux, ou encore aggravation du surpoids et de l'obésité.

Les écrans peuvent aussi entraîner des retards d'acquisition et des troubles du langage, mais aussi provoquer des troubles de l'écriture engendrant une moindre maîtrise du geste scripteur.

En matière de santé mentale, de nombreuses études ont par ailleurs démontré les effets délétères des réseaux dits sociaux sur les plus vulnérables.

Un rapport d'Amnesty International intitulé Poussé.e.s vers les ténèbres montre ainsi comment certaines pratiques éditoriales et algorithmiques de TikTok renforcent l'anxiété et la dépression.

Par ailleurs, les travaux scientifiques mettent de plus en plus en lumière les effets de la « technoférence » – un terme emprunté à Serge Tisseron, que nous avons auditionné lors de nos travaux préalables – chez les enfants de 0 à 3 ans, c'est-à-dire l'interposition systématique d'un écran entre les parents et leurs enfants, qui prive ces derniers des échanges directs nécessaires à leur développement.

À ces effets s'ajoutent ceux qui sont dus à l'explosion de l'intelligence artificielle : désinformation, fausses informations, hypertrucages, biais et discriminations.

Deux tiers des enfants américains échangeraient ainsi quotidiennement avec un prétendu « compagnon » numérique, et ce phénomène risque de gagner la France.

Les dangers liés à un usage non maîtrisé des écrans et de tout autre outil technologique dépassent largement les seuls aspects sanitaires.

Une étude récente de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) auprès des 11-17 ans identifie ainsi six grands types de risques : l'hyperconnexion – 88 % des adolescents y sont exposés –, qui nuit aux autres activités et au sommeil ; l'exposition aux contenus dégradants, choquants, haineux, violents et les incitations aux troubles alimentaires ; les défis dangereux ; le cyberharcèlement ; les interactions avec des adultes mal intentionnés ; et le fléau de la cyberpornographie, sur lequel le Sénat a déjà beaucoup travaillé ; enfin, les arnaques en ligne.

Malgré toutes ces alertes, le problème persiste. J'y vois deux causes principales.

Premièrement, tel le pharmakon de Platon, le numérique permet aussi, malgré toutes ses dérives, des progrès indéniables. Faire mine d'ignorer qu'il est désormais partie intégrante de notre existence n'aurait aucun sens : les enfants et les adolescents utilisent aussi les écrans pour faire leurs devoirs ou pour accéder à la culture. Pouvoir communiquer avec leurs pairs permet à certains, dont la vie familiale est chaotique, de préserver un espace de dialogue et de liberté.

Le numérique a également permis des progrès en matière d'inclusion, comme en témoignent les applications dédiées aux personnes en situation de handicap. Ainsi, nous sommes face à l'éternel problème de la séparation entre le bon grain et l'ivraie.

Deuxièmement, la responsabilité des plateformes est évidente et centrale. Celles-ci ne cessent d'innover pour rendre leurs applications plus addictives et de nourrir leur modèle, fondé sur l'économie de l'attention et sur la publicité.

Je pense en particulier à l'évolution généralisée des réseaux sociaux vers les médias sociaux, caractérisés par des séquences vidéo à défilement infini, alimentées par des algorithmes gavés de données personnelles.

Comme nous l'avons constaté lors des travaux de la commission d'enquête sur l'utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données, sa stratégie d'influence, dont le rapporteur était notre collègue Claude Malhuret, les plateformes tiennent un discours parfaitement schizophrénique.

D'un côté, elles prétendent multiplier les initiatives pour rendre leurs réseaux sociaux plus sûrs et moins addictifs. De l'autre, elles ne peuvent nier que leurs algorithmes sont élaborés spécialement pour ne jamais lâcher leurs jeunes et moins jeunes utilisateurs.

Ce rapide tour d'horizon des principaux dangers des écrans montre que nous avons été précurseurs en nous emparant de cette question il y a plusieurs années, à un moment où le scepticisme dominait encore.

Dès 2018, dans un rapport d'information de la commission de la culture, j'évoquais en effet la nécessité d'apprendre à se servir des écrans, mais aussi d'apprendre à s'en passer…

Depuis, nous avons construit, pierre après pierre, un édifice juridique visant à protéger les enfants et les adolescents des risques liés aux écrans.

Par voie d'amendement, j'ai ainsi introduit dans la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, avec le soutien de Jean-Michel Blanquer, l'obligation, pour les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé), de former étudiants et enseignants à la maîtrise des outils et technologies numériques, ainsi qu'à leur usage pédagogique.

Puis, en 2021, dans un rapport sur la proposition de législation européenne sur les services numériques, ou Digital Services Act (DSA), rédigé avec ma collègue Florence Blatrix Contat, nous plaidions pour un renforcement des exigences européennes, notamment l'interdiction de la publicité pour les enfants. Cette dernière bataille est désormais gagnée.

La loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique est ensuite venue concrétiser plusieurs autres orientations issues de ces travaux.

Je salue les efforts menés parallèlement par de nombreux acteurs du monde de la santé, de la petite enfance et de l'éducation, mus par la volonté de ne pas laisser notre jeunesse désarmée face à ces dérives.

Des associations comme e-Enfance aux professionnels de la santé, pédiatres et orthophonistes, en passant par le réseau Canopé, la communauté éducative ou encore les collectivités territoriales au travers notamment des services de la protection maternelle et infantile (PMI), les initiatives ont été très nombreuses et souvent remarquables. Nous avons d'ailleurs entendu l'ensemble de ces acteurs, qui nous ont tous soutenus dans notre démarche.

Forts de ces travaux, nous pouvons désormais proposer une approche plus systémique.

Comme vous le savez, l'essentiel du cadre juridique en la matière relève du niveau européen, les textes de référence étant le règlement général sur la protection des données (RGPD) et, surtout, le règlement sur les services numériques (RSN).

En son article 28, ce dernier impose aux plateformes de « garantir un niveau élevé de protection de la vie privée, de sûreté et de sécurité des mineurs ».

L'Arcom, chargée de mettre en musique ces obligations, nous a fait valoir qu'elle donnait actuellement la priorité à plusieurs actions auprès des plateformes. Il s'agit en particulier de vérifier que la mise en place d'environnements dédiés aux mineurs est effective. La Commission européenne a ouvert des enquêtes à ce sujet. L'Arcom nous a ainsi indiqué que, contraintes et forcées, les plateformes commençaient à bouger.

La compétence principale étant exercée en la matière par l'Union européenne, j'ai déposé en juin dernier, le même jour que le présent texte, une proposition de résolution européenne sur la protection des mineurs en ligne, avec le soutien du président Jean-François Rapin, que je tiens ici à remercier, tout comme la rapporteure de ce texte, Brigitte Devésa.

Cette résolution appelle précisément l'Union européenne à mieux protéger les mineurs dans l'espace numérique, en accentuant la pression sur les plateformes. Elle souligne aussi clairement la nécessité de définir un âge minimal d'accès aux réseaux sociaux au niveau européen ou, à défaut, au niveau national.

Sur cette question de l'âge, vous savez que la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, dite loi Marcangeli, n'est jamais entrée en application du fait de l'opposition de la Commission européenne.

Or, depuis le dépôt de cette résolution, la situation a changé. En juillet dernier, la Commission a publié des lignes directrices ambitieuses pour l'application des dispositions du RSN protégeant les mineurs.

Il y est en effet indiqué que le recours à un dispositif de vérification de l'âge est approprié « lorsque [...] le droit national [...] prescrit un âge minimum pour accéder [...] à une plateforme en ligne ». La Commission européenne a ainsi ouvert la possibilité, pour chaque État membre, de fixer un âge minimal d'accès aux réseaux sociaux. Elle a également dévoilé un prototype d'application dédiée à la vérification de l'âge, aujourd'hui en cours d'évaluation, en partenariat avec certains pays membres.

Nous avons sollicité sur cette question l'expertise de l'Arcom et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). L'accélération du débat au niveau communautaire, avec la prise de position du Parlement européen le 26 novembre dernier, autant que la multiplication d'initiatives en ce sens ces dernières semaines, nous ont convaincus de proposer aujourd'hui, dans le prolongement de nos travaux, un amendement qui permette de réfléchir ensemble à cette question de l'âge minimal d'accès aux réseaux dits sociaux.

Le dispositif de cet amendement aura bien sûr vocation à évoluer au cours de la navette parlementaire pour prendre en compte les nouveaux éléments qui seraient portés à notre connaissance, notamment sur le plan de sa conformité au droit communautaire.

Il a aussi pour objet de ménager la possibilité de la fixation d'une limite d'âge harmonisée au niveau européen, pour éviter une cacophonie qui compliquerait singulièrement sa mise en œuvre.

Notre initiative se veut donc conforme à la position exprimée par le Parlement européen, qui plaide pour la mise en place d'un dispositif d'autorisation parentale entre 13 et 16 ans. J'y reviendrai au moment de la discussion des articles.

Au-delà de la seule question de l'âge, nous entendons promouvoir, au travers de cette proposition de loi, une approche plus systémique du sujet, en misant fortement sur la formation et sur la sensibilisation de l'ensemble des professionnels concernés.

Les auditions que nous avons conduites font apparaître un réel besoin dans ce domaine. Il s'agit en somme de consolider une culture du numérique, en coopération avec l'ensemble des acteurs de l'enfance et de l'adolescence, et de la faire partager aux parents et à leurs enfants, loin de toute culpabilisation.

C'est dans cette optique que la commission a modifié le texte, ajoutant aux actions de prévention aux risques la promotion d'un usage raisonné du numérique, ainsi que des solutions alternatives aux écrans.

Le texte prévoit également d'inscrire dans les règlements intérieurs des établissements accueillant des enfants de moins de 6 ans des mesures encadrant l'usage des appareils numériques en présence des enfants. En effet, si les crèches ont déjà proscrit les écrans, des usages résiduels subsistent.

La proposition de loi introduit par ailleurs dans les missions de la PMI la prévention des risques liés aux écrans. Ce service départemental, fréquenté par un large public, y compris par les familles les plus modestes, est en effet un levier précieux pour sensibiliser les parents à cette question dès la grossesse.

Enfin, l'article 3 prévoit que les mesures de prévention sanitaire et sociale bénéficiant à tous les mineurs à intervalles réguliers incluent une sensibilisation à ces risques.

Pour l'ensemble de ces dispositions, la commission a substitué à la notion d'usage excessif celle d'un usage non raisonné, car la première formule réduisait le problème des écrans à une question de durée d'exposition. Or certains effets négatifs peuvent se manifester très rapidement ; inversement, certains usages peuvent apporter un réel bénéfice sur le plan culturel ou relationnel.

Ces actions de formation et de sensibilisation devront notamment traiter la question complexe de l'accès différencié selon l'âge. La formule des « 3-6-9-12 » de Serge Tisseron reste une référence importante. Des représentants de pédiatres ont même préconisé une exposition quasi nulle avant l'âge de 6 ans.

Par ailleurs, il existe une fragilité particulière chez les adolescents âgés de 13 à 16 ans. L'ensemble de ces éléments devront être pris en compte dans les actions de formation rendues obligatoires par le texte.

La deuxième partie de la proposition de loi concerne l'éducation nationale. Ce volet éducatif est né d'une double ambition. D'une part, il me semble essentiel d'élaborer une stratégie commune autour de tous les temps de l'enfant. D'autre part, il faut adapter la formation des enseignants afin de tenir compte des évolutions des usages numériques.

À ce sujet, je rappelle la nécessité que cette formation soit effective dans les Inspé. Je n'ai de cesse de le rappeler aux différents ministres depuis 2019. Certes, il peut être tentant de déléguer à des entreprises privées la formation des personnels de l'éducation nationale et de nos élèves au motif que ce sont elles qui connaissent le mieux les outils qu'elles commercialisent, ou encore de miser sur l'autorégulation des plateformes. Toutefois, les pouvoirs publics ne peuvent se dessaisir de ces questions essentielles.

L'article 4 traduit la nécessité d'une prise en compte de la place des écrans dans tous les temps de l'enfant, qu'ils soient scolaires ou périscolaires, dans le cadre d'une démarche cohérente entre l'ensemble des intervenants.

L'article 5 permet quant à lui de définir, dans les projets d'école et d'établissement, une vision partagée de l'école à l'heure du numérique. Il s'agit ainsi de fédérer la communauté éducative autour de cet objectif.

Cela permet aussi d'associer les collectivités territoriales à la discussion. Mes chers collègues, nous savons combien celles-ci jouent un rôle important dans l'équipement numérique des établissements et des élèves, notamment au lycée.

Les collectivités doivent néanmoins avoir conscience qu'un tel équipement n'est pas anodin ; elles doivent participer aux réflexions sur les usages. Le choix du tout-numérique qu'ont fait certaines régions implique en effet la présence d'un écran dans la chambre des jeunes. Or nous avons tous des téléphones portables ou des tablettes : qui parmi nous n'a jamais eu son attention détournée par une notification ou par la réception d'un message, alors même qu'il était en train de lire un document important ? Il en va de même pour les enfants…

Monsieur le ministre, il me semble également essentiel que l'éducation nationale clarifie sa doctrine sur l'utilisation des outils et des technologies numériques : d'un côté, elle appelle à une pause numérique dans les collèges, mais, de l'autre, les agendas papier disparaissent au profit de Pronote.

En commission, nous avons également étendu la portée de ce texte aux établissements privés sous contrat, qui scolarisent près de deux millions d'élèves.

Enfin, l'article 6 permet d'ancrer dans la loi la campagne de sensibilisation organisée chaque année par l'Arcom sur les dangers de l'exposition aux écrans et d'y associer la Cnil, ainsi que les ministères chargés de l'éducation nationale, de la santé et du numérique.

Les chaînes de télévision et les radios ont en effet pour obligation de diffuser des spots d'information autour d'un contenu imposé par l'Arcom. Il est important de mobiliser l'ensemble des ministères, en particulier celui de l'éducation nationale, pour utiliser par exemple comme support des applications comme Pronote ou Ma classe numérique. Cette campagne dure actuellement quatre jours. Elle doit être plus longue, plus intense et régulière.

Mes chers collègues, la présente proposition de loi complète l'édifice juridique européen et national que nous construisons progressivement pour combattre les effets néfastes du développement de l'écosystème numérique et de ses technologies sur les enfants et les adolescents.

Au fil du temps, nous sommes passés, devant le numérique, d'une attitude émerveillée, parfois quelque peu naïve, à une posture plus critique et plus exigeante.

Grâce au droit européen qu'il nous appartient aujourd'hui de parfaire, nous faisons avancer les choses. Tâchons surtout d'être intransigeants avec les fournisseurs de contenus, qui restent les grands responsables des méfaits des réseaux dits sociaux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP, Les Républicains et SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Madame la présidente, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission de la culture, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord remercier le groupe Union Centriste de l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour de votre assemblée.

Ce texte soulève des enjeux bien documentés. Les données scientifiques comme les retours de terrain des professionnels sont unanimes : l'exposition précoce et excessive des enfants et des adolescents aux écrans est facteur de fragilisation du lien social et d'altération de la santé mentale, et peut peser durablement sur le développement des enfants.

C'est pourquoi l'action publique reflète une prise de conscience progressive et traduit une mobilisation collective depuis maintenant plusieurs années.

À cet égard, je veux saluer le rôle précurseur du Parlement et singulièrement du Sénat, qui a su, dès 2018, poser des jalons décisifs au travers de propositions de loi visant, par exemple, à interdire les téléphones portables à l'école.

Le Gouvernement agit aussi, selon une ligne claire : nous souhaitons mieux accompagner les professionnels et les familles, en intervenant à trois niveaux : sur l'information et la prévention ; sur l'environnement des enfants ; et sur la capacité d'agir des professionnels.

Le premier axe, l'information et la prévention auprès des parents, passe par des repères simples et partagés de tous. À cet égard, le carnet de santé remis à chaque famille rappelle désormais des principes clairs : pas d'écrans avant l'âge de 3 ans ; un usage occasionnel et encadré jusqu'à 6 ans ; et une attention particulière à porter au sommeil, aux interactions sociales et à l'activité physique.

Ces informations sont complétées par des ressources dédiées et des courriels ciblés à destination des parents de très jeunes enfants, qui prennent la forme de fiches pratiques et de messages pédagogiques rappelant les repères d'âge, les effets des écrans sur le développement, ainsi que des conseils concrets pour préserver le sommeil, les interactions sociales et l'activité physique.

L'information passe également par la valorisation des initiatives locales : c'est ce que font par exemple les caisses d'allocations familiales (CAF) avec le label « P@rents, parlons numérique ».

Mais l'information, c'est aussi l'information des enfants eux-mêmes. Nous préparons actuellement, avec Santé publique France, une campagne nationale qui s'adressera directement aux 6-12 ans.

Le deuxième axe de notre politique est l'action directe sur l'environnement des enfants. Comme vous le savez, depuis le 3 juillet dernier, l'exposition aux écrans est interdite aux enfants de moins de 3 ans dans tous les lieux d'accueil du jeune enfant.

Dans le cadre scolaire, une pause numérique a été instaurée au collège et le téléphone y est interdit depuis la rentrée 2025.

Les travaux scientifiques sont en cours, notamment sur la question de la majorité numérique, comme l'illustrent le rapport Enfants et écrans : à la recherche du temps perdu de Servane Mouton et Amine Benyamina, mais également les réflexions engagées par nos voisins européens ou d'autres États extra-européens, qui sont confrontés aux mêmes enjeux.

Troisième et dernier axe, la capacité d'agir des professionnels : d'ici à 2026-2027, nous mettrons en œuvre une offre structurée de formation continue à destination des professionnels de santé non médicaux.

Cette formation contre l'addiction aux écrans et aux réseaux sociaux visera notamment à comprendre les mécanismes neuropsychologiques à l'œuvre dans l'usage excessif des écrans, à repérer les situations à risques et à outiller les professionnels pour prévenir, accompagner et orienter les publics, notamment les jeunes et leurs familles. Elle favorisera l'acculturation de tous les professionnels.

En la matière, nous travaillons en lien étroit avec l'éducation nationale et son ministère, qui jouent un rôle central dans l'éducation aux médias et à l'information.

Au regard de ces enjeux, l'initiative qui sous-tend cette proposition de loi mérite d'être saluée. Ce texte vise à consolider, à structurer et à rendre lisibles des actions déjà engagées, en leur offrant un cadre législatif clair. Surtout, il affirme une idée simple, mais essentielle : l'exposition aux écrans est un déterminant de santé à part entière.

C'est dans cet esprit que ce texte peut trouver pleinement sa place dans notre arsenal de prévention en santé publique.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale. Madame la rapporteure, vous êtes reconnue pour votre engagement de longue date sur la question de l'exposition des enfants et des adolescents aux écrans, ce dont je vous remercie.

Nous avons ce combat en commun. Par la constance et la qualité de vos travaux, vous avez beaucoup contribué à structurer le débat public et à imposer durablement la notion de sobriété numérique dans les politiques publiques et, plus généralement, dans le débat démocratique.

L'objectif est clair : protéger les plus jeunes des risques liés à une exposition précoce et excessive aux écrans et aux réseaux sociaux.

La proposition de loi que vous présentez aujourd'hui s'inscrit pleinement dans cette perspective. Elle prolonge des réflexions déjà engagées et a nourri très concrètement les travaux du Gouvernement, notamment au sein de l'éducation nationale.

Nous partageons totalement le diagnostic sur lequel elle repose. Toutes les études montrent que l'exposition excessive aux écrans peut affecter durablement le développement de nos enfants.

Elle affecte tout d'abord leur santé. Vous avez évoqué, comme Stéphanie Rist à l'instant, les troubles du sommeil qu'elle occasionne. Elle affecte aussi leurs apprentissages. Une étude scientifique internationale récente montre ainsi que, chez un enfant de 3 ans, un temps d'écran supérieur à quatre heures détériore de 56 % le taux d'attention par rapport à la moyenne des enfants non exposés aux écrans.

À ces constats s'ajoutent les risques liés aux comportements sur les réseaux sociaux, notamment le cyberharcèlement – nous avons également ce combat en commun – et l'exposition à des contenus inadaptés. Une action publique structurée devient donc de plus en plus nécessaire.

C'est dans ce cadre que nous avons souhaité engager notre action, en privilégiant une démarche claire, cohérente, mais aussi collective. Comme sur d'autres sujets, en effet, l'école ne peut pas tout faire toute seule.

La question implique également les familles, qui se sentent parfois démunies, ainsi que les acteurs du numérique, qui, à l'inverse, ne se sentent pas suffisamment démunis. (Sourires au banc de la commission.) Elle implique encore les professionnels de santé, les collectivités territoriales et les autorités de régulation, singulièrement l'Arcom et la Cnil – hier, j'ai d'ailleurs signé avec cette dernière une convention sur l'éducation au numérique.

Mes priorités en la matière sont au nombre de trois : il faut à la fois limiter l'exposition, éduquer au bon usage des écrans et proposer des activités sociales de substitution.

Pour ce qui est de la première priorité, à savoir la réduction de l'exposition des enfants aux écrans, notre doctrine est simple : à l'école maternelle, la règle doit être la proscription de tout écran individuel, sauf cas particulier, comme celui d'enfants en situation de handicap pour lesquels l'écran serait une aide à l'acquisition du geste scripteur.

Cette exigence se prolonge à l'école élémentaire et au collège, où les usages numériques sont strictement encadrés et où l'expérimentation de l'interdiction du téléphone portable a été généralisée. Elle est désormais respectée.

Comme vous le savez, nous souhaitons également, conformément aux orientations définies par le Président de la République, engager un travail sur la limitation des usages du téléphone au lycée, en vue, là encore, de protéger nos jeunes.

La deuxième priorité est bien sûr d'éduquer aux écrans sans les subir. Veillons en effet à ne pas basculer de l'autre côté et à considérer que, par nature, le numérique ou l'écran serait nocif.

En réalité, le cœur du sujet n'est pas tant technologique qu'éducatif. Il s'agit de former à des usages responsables et à l'esprit critique, en apprenant à nos élèves à lire, à comprendre le monde, à questionner les contenus et, tout simplement, à développer leurs capacités à douter et à s'interroger, le tout de manière technologiquement neutre, si j'ose dire.

Je ne sais pas ce que seront les écrans dans vingt ou trente ans. Je sais en revanche que nos générations étaient suffisamment armées pour en avoir un usage raisonné le jour où elles y ont été exposées. Dans le fond, nous devons préparer nos jeunes à faire face non seulement à la déferlante actuelle, mais également, et au-delà, aux nouveaux outils qui bouleverseront leur vie future.

La troisième priorité consiste bien sûr à développer des solutions alternatives aux écrans, en recréant des espaces de sociabilité « normaux » ou physiques. Il suffit d'assister à une sortie d'établissement pour constater que, désormais, les élèves passent plus de temps sur leurs écrans qu'à discuter entre eux.

Pour y parvenir, nous devons avoir une action extrêmement résolue en matière d'éducation artistique, culturelle, sportive et associative, et promouvoir d'autres formes d'écrans. Comme vous le savez, nous menons ce combat autour du dispositif « Ma classe au cinéma ». L'objectif est de transformer l'égoïsme du petit écran en expérience sociale, intellectuelle et esthétique du grand écran.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Très bien !

M. Edouard Geffray, ministre. Madame la rapporteure, plusieurs des orientations que vous défendez sont évidemment déjà prises en considération. Vous avez évoqué la formation des enseignants à la sobriété numérique, qui est inscrite dans les plans de formation des Inspé depuis 2019.

Vous savez également que, du côté des élèves, un dispositif tel que Pix, un parcours progressif qui débute dès la fin du primaire et s'achève au lycée, permet d'obtenir des certifications qui sont obligatoires en troisième et en terminale. Tous les élèves sans exception les obtiennent, d'autant que, désormais, elles sont intégrées à Parcoursup.

Quant au contrôle parental, il a été renforcé par la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet. La coopération avec l'Arcom a pour objet notamment de lutter contre les contenus inappropriés.

L'enjeu, maintenant, est de donner aux mesures que comporte la présente proposition de loi le degré de normativité approprié pour garantir leur mise en œuvre dans les projets éducatifs territoriaux et les projets d'établissement.

Il s'agit de faire en sorte que les initiatives locales qui sont couronnées de succès s'insèrent dans ce nouveau cadre et ne s'en trouvent pas entravées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la rapporteure, nous souscrivons donc aux objectifs comme à l'ambition qui sous-tendent cette proposition de loi. C'est dans cet esprit que nous travaillerons aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les écrans et les réseaux sociaux sont devenus, pour une partie de notre jeunesse, un environnement total, parfois un enfermement, avec des conséquences que l'on ne peut plus ignorer ni minimiser.

Conçues pour capter et retenir l'attention, les applications jouent sur les mécanismes de la dopamine, de la récompense immédiate et de la répétition compulsive. Elles poussent l'enfant à une mono-exposition réduite à quelques centres d'intérêt et pouvant aller jusqu'à l'obsession.

Les études comme les témoignages de terrain convergent : on voit apparaître des comportements addictifs, des troubles de l'attention, une altération profonde du sommeil, une accentuation de l'anxiété et parfois, chez des préadolescents déjà fragiles, des passages à l'acte dramatiques, pouvant aller jusqu'au suicide, souvent encouragés par des contenus qui confortent leur mal-être.

Nous savons aussi que l'exposition non raisonnée aux écrans, dès le plus jeune âge, peut perturber la construction du langage, la relation à l'autre, et nourrir des symptômes qui s'apparentent, dans certains cas, à des troubles du spectre autistique, même si la science appelle ici à beaucoup de prudence.

À ces risques s'ajoutent ceux liés aux phénomènes d'ingérence ou de radicalisation, religieuse ou politique, qui trouvent dans les réseaux un terreau idéal.

Face à cela, nous ne pouvons plus nous contenter de slogans sur le bon usage des écrans. C'est une prise de conscience collective que le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) appelle de ses vœux, et que chacun ici doit assumer.

Pour ma part, j'ai proposé que nous allions plus loin encore, en déposant, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement visant à interdire la détention d'un smartphone par un enfant de moins de 16 ans, car, sans apprentissage du discernement, cet outil devient une arme qui peut être utilisée contre d'autres, mais qui peut aussi se retourner contre son possesseur. Il s'agit certes d'une proposition radicale, mais qui est à la hauteur de ce qui est en jeu. La question, en effet, est la suivante : devons-nous combattre toutes les applications ou plateformes qui enfreignent la loi, ou bien leur support ? Faut-il s'en prendre à l'arme ou aux munitions ?

Dans ce contexte, le groupe RDPI tient à remercier très sincèrement l'auteure et rapporteure de ce texte, Catherine Morin-Desailly, ainsi que l'ensemble des membres de la commission de la culture pour la qualité du travail qu'ils ont accompli.

Cette proposition de loi s'inscrit dans un continuum d'initiatives : je pense notamment à la loi du 3 août 2018 relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire, mais aussi aux réflexions européennes qui sont en cours sur l'instauration d'un âge minimal d'accès aux réseaux sociaux ou encore aux lignes directrices que la Commission européenne vient de publier sur la protection des mineurs en ligne.

Cette proposition de loi fait écho également à la mobilisation de l'exécutif. Le Président de la République a clairement exprimé sa volonté de durcir les règles en évoquant une interdiction d'accès aux réseaux sociaux avant l'âge de 15 ou 16 ans. Il a annoncé un projet de loi consacré à cet enjeu.

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui relève d'une approche que notre groupe juge équilibrée.

Il renforce la formation de tous les adultes référents – professionnels de la petite enfance, de l'éducation nationale, acteurs du périscolaire, etc. –, afin de leur donner les moyens de comprendre les risques et de proposer des solutions alternatives concrètes aux écrans.

Il encadre l'usage des appareils numériques dans les structures de la petite enfance et dans les établissements scolaires, publics comme privés sous contrat. Les règles en la matière devront être inscrites dans les projets éducatifs et dans les règlements intérieurs.

Il prévoit enfin l'organisation d'une campagne nationale de sensibilisation annuelle et structurée associant l'Arcom, la Cnil et les ministères concernés, afin de délivrer un message clair et cohérent à toutes les familles du pays.

Nos enfants sont notre avenir. La France ne peut pas être timide. Sur cet enjeu, elle doit jouer un rôle moteur. Dans un monde où les grandes plateformes mondialisées structurent le temps, l'attention et parfois les émotions de nos adolescents, notre responsabilité est de fixer des limites, d'offrir des repères et de dire ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.

Pour toutes ces raisons, parce que cette proposition de loi va dans le sens d'une protection plus forte de notre jeunesse, parce qu'elle complète utilement les instruments déjà adoptés, le groupe RDPI votera en sa faveur.

Mme la présidente. La parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Alexandre Basquin applaudit également.)

M. David Ros. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer et de féliciter Catherine Morin-Desailly pour le dépôt de cette proposition de loi visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et aux réseaux sociaux.

Ce texte s'inscrit dans le prolongement de multiples travaux qui ont été menés depuis 2018 dans cette assemblée. Ces derniers étaient, comme vous l'avez dit, souvent précurseurs et utiles dans le débat public.

Les récentes prises de position médiatiques du Président de la République, des ministres chargés du numérique et de l'intelligence artificielle, ainsi que des ministres présents au banc du Gouvernement ce matin, démontrent, s'il en était besoin, la pertinence de nos travaux et, par conséquent, l'intérêt de cette proposition de loi.

De plus, les auditions menées par notre rapporteure, par leur nombre et leur qualité, ont illustré à quel point l'attente des acteurs concernés était grande. L'expertise et les témoignages de ces derniers ont permis de valider, voire d'enrichir le texte initial.

Sur le fond, cette proposition de loi présente un double intérêt : celui, bien sûr et principalement, comme nous le verrons par la suite, de protéger les plus jeunes face à un usage excessif des écrans et des réseaux sociaux, mais aussi celui, par effet miroir, de pousser les adultes à s'interroger sur leurs propres pratiques numériques.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Tout à fait !

M. David Ros. Le cœur du texte concerne donc les plus jeunes, celles et ceux qui seront les citoyens de demain. Il était nécessaire de les protéger face à l'exposition excessive aux objets numériques en tant que tels, mais aussi face aux contenus véhiculés par les objets équipés d'intelligence artificielle ou via les réseaux auxquels ils peuvent être connectés.

À travers les six articles de la proposition de loi, son auteure jongle, avec une dextérité remarquable, entre interdiction, sensibilisation, prévention et formation.

Il serait en effet dérisoire, inefficace, voire contre-productif, d'adopter un texte uniquement marqué d'interdits et de sanctions.

De même, il serait illusoire de vouloir bannir l'usage des nouvelles technologies et de leur armada de logiciels dans le cadre de l'apprentissage de nos enfants. Ce serait surtout une erreur, tant les aspects positifs, innovants et stimulants de ces outils en matière de pédagogie et de développement personnel sont par ailleurs illimités.

Nous voici donc une nouvelle fois confrontés, comme à chaque nouvelle révolution technologique majeure, au débat sur la lumière et l'ombre, ou sur la séparation du bon grain de l'ivraie.

M. Stéphane Piednoir. Quel poète !

M. David Ros. Si vous me le permettez, à vrai dire, c'est là que réside tout l'intérêt de cette proposition de loi, car un consensus scientifique net et indiscutable se dégage quant au caractère néfaste des écrans et des réseaux sociaux sur la santé des enfants et des adolescents, en ce qui concerne le sommeil, la fatigue visuelle, la concentration, l'irritabilité, l'anxiété, voire la dépression, l'obésité.

Il est donc indispensable de mobiliser les professionnels et les familles dans les structures d'accueil des enfants de moins de 6 ans par le biais des règlements intérieurs des établissements – c'est l'objet de l'article 1er.

Il faut également organiser des consultations et des actions de prévention dans les services départementaux de la protection maternelle et infantile (PMI) – c'est l'objet de l'article 2.

L'article 3 prévoit une sensibilisation de l'ensemble de la classe d'âge des enfants de moins de 18 ans, sur le fondement des connaissances scientifiques et des études disponibles. Cela participe à cette volonté d'éclairer les futurs citoyens de la Nation.

Cette sensibilisation positive devrait aussi être, selon les termes de l'article 4, étendue au champ des activités périscolaires. Les enseignants et les étudiants devraient suivre une formation obligatoire sur la maîtrise et le bon usage des outils et des ressources numériques.

Ces éléments d'acculturation, entre un usage excessif et un usage raisonné, permettent d'envisager sereinement et efficacement l'appropriation de ces questions de sensibilisation au sein des établissements d'enseignement scolaire, au travers notamment de leurs règlements intérieurs. C'est l'objet de l'article 5.

Enfin, les ministères chargés de l'éducation nationale, de la santé et du numérique sont invités, par l'article 6, à organiser chaque année des campagnes de sensibilisation.

Dans la même veine, je défendrai, au nom du groupe socialiste, un amendement visant à souligner le rôle fédérateur que doit jouer le ministère de l'éducation nationale en la matière.

Le texte tel qu'il est rédigé nous semble équilibré, cohérent et applicable. Ce sera a fortiori le cas si nos amendements sont adoptés.

Il ne règle pas, bien sûr, la question des risques et des méfaits inhérents au développement des usages excessifs des objets numériques et des écrans connectés, et il ne fera pas disparaître les dangers liés aux réseaux sociaux, en particulier ceux qui ont trait au cyberharcèlement, mais il a le mérite de faire évoluer le cadre législatif.

Ainsi, en cette fin d'année 2025, ce texte est un cadeau fort à propos sous le sapin législatif. (Mme Annick Billon s'exclame.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Belle image !

M. David Ros. Il contribuera, s'il est adopté, à éveiller la conscience de nos jeunes sur les risques liés à une exposition excessive et précoce aux écrans et aux réseaux sociaux, à aider ces derniers à devenir des citoyens éclairés, à développer leur sens critique vis-à-vis du flux permanent d'informations et de sollicitations numériques, dont il est souvent bon et utile de savoir se protéger.

En effet, mes chers collègues, savoir se servir de ces technologies, c'est aussi savoir s'en passer !

Ce texte permettra à notre jeunesse de se guider avec maîtrise dans le nouveau monde numérique en devenir, et non de devenir maîtrisée dans un monde numérique qui serait son nouveau guide…

Pour conclure, et pour lever le suspense addictif lié à notre position finale,…

M. Stéphane Piednoir. Un suspense insoutenable !

M. David Ros. … le groupe socialiste donnera à son vote une exposition maximale (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER.), une exposition mûrie et non précoce : il votera en faveur de ce texte à l'unanimité ! (Ah ! et applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST, UC et LR. – Mme la rapporteure applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Basquin.

M. Alexandre Basquin. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, depuis un an, onze familles françaises ont assigné TikTok en justice, accusant à raison l'application d'exposer les enfants à de nombreuses vidéos qui font la promotion du suicide, de l'automutilation ou encore des troubles alimentaires.

Malheureusement, des jeunes filles en sont mortes : Marie, Emma, Charlize, Pénélope, Lilou. Je ne les connaissais pas, mais permettez-moi, mes chers collègues, d'avoir une pensée pour elles en cet instant.

C'est dire l'ampleur du sujet et, par conséquent, l'ampleur de notre responsabilité collective face à un monde numérique qui est devenu un monstre numérique.

Mon groupe salue l'initiative qui sous-tend cette proposition de loi ; il la votera à l'unanimité.

En effet, en matière d'exposition aux écrans et aux réseaux sociaux, il est nécessaire de miser sur la formation des professionnels de santé et de l'enseignement, comme sur la prévention des familles, et ce, sans culpabiliser quiconque et en n'oubliant jamais de pointer du doigt la responsabilité des plateformes.

Nous le constatons tous autour de nous : l'utilisation des réseaux sociaux et des agents conversationnels fait des ravages, qui ne cessent de se multiplier.

Une étude publiée en octobre dernier montre que 600 000 cas de dépression chez les jeunes Français sont liés à un usage excessif des réseaux sociaux – 600 000 cas, j'y insiste, mes chers collègues !

Comment pourrait-il en être autrement, quand les plateformes sont prêtes à tout pour capter notre attention, qui est devenue une marchandise précieuse, négociable, monétisable ?

Elles agissent dans le plus grand mépris et de manière insupportable, à l'image de TikTok, dont l'algorithme toxique met en avant les messages les plus radicaux et les plus choquants. YouTube, Meta, Snapchat, X ne sont pas en reste, tout comme les agents conversationnels – ChatGPT en tête –, dont l'usage est massif chez les jeunes, notamment en tant que soutien émotionnel.

Rappelons-le, derrière les réseaux sociaux et l'intelligence artificielle générative ne se trouvent qu'une poignée de multimilliardaires, dont le seul but est d'engranger toujours plus de profits, en exploitant nos données personnelles et en monétisant notre attention. Nos enfants sont malheureusement devenus pour eux une cible privilégiée. Il ne faut jamais l'oublier !

Tout cela est dénoncé actuellement par le Président de la République dans son tour de France sur le thème de la démocratie et des réseaux sociaux, et c'est tant mieux.

C'est pourtant ce même président qui a reçu avec faste les dirigeants de la tech, qui n'a pas donné suite aux recommandations émises par la commission chargée d'évaluer l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans, qu'il avait pourtant lui-même mise en place. C'est ce même président, enfin, qui a inauguré en mai dernier les bureaux parisiens de Snapchat…

Nous ne pouvons plus nous satisfaire du double langage et des contradictions !

Alors, disons-le, cette proposition de loi va dans le bon sens, même si elle traite plus les conséquences du phénomène que ses causes.

Il nous semble important d'aller encore plus loin pour la sécurité de nos enfants. Je salue, à cet égard, le gouvernement australien qui a eu le courage d'interdire les réseaux sociaux aux moins de 16 ans.

La puissance publique doit s'emparer plus que jamais du numérique et mettre un terme au discours pernicieux imposé par les géants de la tech, qui nous racontent que leurs avancées technologiques seraient forcément source de bien-être social. Je n'en suis pas du tout convaincu !

Voilà un récit digne du roman Le Meilleur des mondes, d'Aldous Huxley, dans lequel les citoyens sont incités à consommer une drogue qui les aiderait à lutter contre les maux de la vie en société… Étant donné le développement des réseaux sociaux aujourd'hui, nous n'en sommes vraiment pas loin !

J'ose le dire, je suis un peu à contre-courant : je n'ai pas de réseaux sociaux, je ne les utilise pas, et j'ai une vision critique de ces outils.

Je pense, sans vouloir donner de leçon à quiconque, que nous devons arrêter cette machine infernale qui déshumanise. Si nous voulons développer de véritables solutions alternatives à l'usage des écrans et de ces outils technologiques, nous devons avoir le courage de remettre de l'humain et du sens dans les services publics, dans toutes les structures collectives, notamment dans celles qui interviennent auprès des enfants et des adolescents. Telle devrait être notre démarche collective, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l'examen de cette proposition de loi intervient à un moment décisif, celui où notre société prend enfin la mesure de l'impact massif des écrans et des réseaux sociaux sur la vie, la santé et le développement de nos enfants.

Depuis vingt ans, l'exposition des plus jeunes aux écrans n'a cessé de croître. Les chiffres sont sans appel : le temps passé devant un écran est de près d'une heure et demie par jour en moyenne pour les enfants de plus de 3 ans, de deux heures et demie pour ceux qui entrent en sixième. Un enfant sur trois de moins de 3 ans mange devant un écran…

Les études montrent, de manière convergente, les effets négatifs de telles situations pour les enfants : sommeil dégradé, acquisition du langage entravée, risque accru de surpoids, perte d'attention.

Pour les adolescents, l'alerte est semblable : ils souffrent d'addictions, d'altération de leur santé mentale ; ils sont exposés à des contenus violents ou dégradants, à de la désinformation.

Ces constats démontrent qu'il est urgent d'agir.

Cette proposition de loi met enfin la prévention au cœur du débat public.

Oui, il est indispensable d'accompagner, d'éduquer et de protéger.

Oui, il est de notre responsabilité collective de donner des repères aux parents, aux professionnels et aux enfants eux-mêmes. Il est temps de réduire les inégalités, car, nous le savons, l'exposition aux écrans varie fortement selon l'origine sociale et le niveau de diplôme des parents.

Madame la rapporteure, votre engagement sur ce sujet date d'il y a plusieurs années. Je salue votre constance, qui a conduit au dépôt de ce texte et à son examen en séance ce matin. Bravo pour le travail de fond mené de manière intense ces dernières semaines dans un calendrier législatif compliqué.

Vous avez su améliorer utilement le texte à la suite des nombreuses auditions que vous avez organisées.

Sur votre initiative, la commission de la culture a ainsi remplacé la notion d'« usage excessif » par celle d'« usage non raisonné », qui apparaît plus pertinente et adaptée pour ne pas limiter le champ du texte à la question du temps d'écran, ce qui permettra d'adopter une approche différenciée selon les usages.

De même, la commission a renforcé les obligations incombant aux établissements qui accueillent de jeunes enfants, en prévoyant qu'ils doivent mener une « politique de soutien à la parentalité promouvant les alternatives aux écrans ».

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires (GEST) soutient pleinement ces avancées.

Vous l'aurez compris, madame la rapporteure, nous partageons les objectifs que vous visez au travers de cette proposition de loi, mais nous souhaitons également être une force de proposition pour l'enrichir.

C'est tout le sens de nos amendements.

Avant l'âge de 3 ans, et même de 6 ans, la priorité devrait être donnée à la limitation stricte de l'usage des écrans. Nous proposons donc de renforcer l'accompagnement des familles pour les informer sur les solutions alternatives concrètes à l'usage des écrans et leur fournir des conseils pratiques.

En ce qui concerne les adolescents, la prévention devrait intégrer une véritable éducation aux usages, afin de leur faire comprendre les mécanismes addictifs, le fonctionnement des algorithmes et les enjeux de la citoyenneté numérique.

Enfin, je terminerai mon propos en rappelant que, si ce texte répond à un impératif de santé publique, il ne peut toutefois se substituer à une politique globale et cohérente sur le numérique et l'utilisation des réseaux sociaux dans notre société, qui aurait pu et dû être impulsée par le Gouvernement de la start-up nation.

Les travaux de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs montrent à quel point les dangers sont profonds et systémiques.

Les annonces successives du Président de la République et les initiatives parlementaires du bloc présidentiel s'apparentent davantage à des effets d'annonce qu'à une stratégie lisible et à la hauteur des risques.

Nous le disons clairement : un projet de loi complet, ambitieux et transversal sur l'usage du numérique et des réseaux sociaux dans notre pays est nécessaire. Nous avons besoin d'un texte qui traite des plateformes, de la régulation, de l'addiction, des données personnelles et des droits numériques des citoyens, quel que soit leur âge.

Il convient bien sûr que ces ambitions soient aussi défendues avec force à l'échelon européen, afin de protéger les droits de nos concitoyens, particulièrement à l'heure actuelle, alors que les pressions extérieures sont fortes.

Cette proposition de loi apporte une pierre utile et nécessaire à l'édifice. Le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires la votera et nous déposerons des amendements pour l'enrichir. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE-K et UC. – Mme la rapporteure applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Ahmed Laouedj. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, en Seine-Saint-Denis, l'un des départements les plus jeunes de France, les écrans sont omniprésents dès la petite enfance, non pas par choix, mais par nécessité, par contrainte sociale et, parfois, faute de solutions alternatives.

C'est précisément dans ces territoires que les effets d'une exposition non maîtrisée des enfants se font sentir plus tôt et plus durement.

Oui, mes chers collègues, les constats sont aujourd'hui bien étayés. Les travaux scientifiques convergent pour établir qu'une exposition intensive, précoce ou inadaptée peut altérer le développement cognitif et émotionnel des enfants, perturber les cycles de sommeil et fragiliser durablement les capacités d'attention et d'apprentissage.

Les professionnels de santé observent aussi une augmentation continue des demandes de diagnostic et de prise en charge, dans un contexte où les structures médico-psycho-pédagogiques sont déjà fortement sollicitées.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que les usages numériques apparaissent désormais très tôt dans l'enfance, dans un environnement technologique qui évolue plus rapidement que les capacités d'accompagnement des familles.

À cet enjeu sanitaire s'ajoutent des risques sociaux et comportementaux désormais bien identifiés.

Les plateformes numériques reposent sur des architectures de services et des mécanismes algorithmiques conçus pour maximiser l'engagement des usagers et prolonger leur temps d'exposition.

Cette logique favorise le développement d'usages répétitifs et difficilement maîtrisables, en particulier chez les mineurs exposés à des phénomènes de dépendance comportementale, de cyberharcèlement ou de contenus inadaptés.

Dans ce contexte, la prévention ne peut reposer exclusivement sur les familles. Bien souvent, celles-ci ne maîtrisent ni la conception des services qu'elles utilisent ni les mécanismes techniques qui structurent les usages.

Les outils de contrôle parental existants, même s'ils sont utiles, demeurent hétérogènes, contournables et souvent mal adaptés à l'âge ou à la maturité des enfants.

Une réponse fondée uniquement sur la responsabilité individuelle revient à laisser les familles seules face à des acteurs économiques puissants.

Le texte qui nous est soumis procède donc d'un constat lucide. Il ne vise pas à interdire ni à moraliser, mais à organiser une réponse publique plus cohérente.

Le renforcement de la formation des professionnels constitue à cet égard un levier opérationnel essentiel.

L'objet du texte est d'améliorer les capacités de repérage des situations à risque et de mieux informer les familles, sans créer de contraintes excessives.

L'inscription de ces enjeux dans les projets éducatifs et le règlement intérieur des établissements contribuera également à améliorer la lisibilité des règles relatives à l'usage des écrans et à harmoniser, dans un souci de cohérence, les messages adressés aux enfants, aux parents et aux personnels. Ces messages participent à la diffusion d'une culture partagée de prudence numérique, fondée sur l'accompagnement plutôt que sur l'interdiction systématique.

L'information du public constitue enfin un axe structurant de la prévention. Le renforcement de la visibilité des messages, notamment sur les équipements numériques, vise à rééquilibrer le contenu de l'information disponible, qui est aujourd'hui largement dominée par les discours commerciaux, et à rappeler les enjeux sanitaires associés à certains usages.

Pour conclure, ce texte ne saurait être considéré comme un aboutissement. Il constitue une étape utile, en ce qu'il tend à structurer une politique de prévention et d'accompagnement, qui est aujourd'hui nécessaire, tout en appelant à poursuivre la réflexion.

La question de l'accès des mineurs à certains réseaux sociaux en fonction de l'âge devra être abordée dans un cadre national et européen cohérent.

Nous voulons que la politique de prévention ne reste pas cantonnée à l'accompagnement des familles, mais concerne aussi les conditions mêmes de l'offre numérique.

C'est dans cet esprit de continuité et de responsabilité que le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi qu'au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions.)

Mme Annick Billon. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer l'implication constante de notre collègue Catherine Morin-Desailly, auteure et rapporteure de cette proposition de loi sur l'accès des enfants aux écrans.

L'hyperconnexion subie par les enfants et ses effets sur leur développement et leur avenir ont été démontrés.

Une récente synthèse de Santé publique France fait état de données signifiantes. En 2022, les enfants âgés de 3 à 5 ans passaient en moyenne une heure et vingt-deux minutes par jour devant les écrans. La moitié des enfants possédaient un smartphone avant d'être en âge d'entrer au collège. Près d'un enfant sur deux de moins de 13 ans utilisait les réseaux sociaux.

L'étude met également en évidence les disparités sociales : les enfants des familles les moins diplômées passent plus de temps devant les écrans et disposent plus souvent d'appareils personnels. On constate que 55 % des enfants âgés de 6 à 8 ans dans les familles les moins diplômées passent plus de deux heures par jour en moyenne devant un écran, alors qu'ils ne sont que 20 % dans ce cas dans les autres familles.

Plusieurs textes d'initiative parlementaire ont été adoptés pour lutter contre ce qui apparaît clairement comme un danger pour nos enfants. Je pense notamment à la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne. Toutefois, en l'absence de décret d'application et faute de l'aval de la Commission européenne, elle n'est pas appliquée.

Cette nouvelle proposition de loi apparaît donc comme un impératif de santé publique.

Déclinée en sept articles, elle prévoit de former les enseignants, les professionnels de santé, du secteur médico-social et de la petite enfance, d'informer les parents, notamment par l'intermédiaire des services de la protection maternelle et infantile (PMI).

Elle vise aussi à sensibiliser les consommateurs par des mentions sur les emballages, des campagnes de communication, ou des actions de sensibilisation destinées aux enfants de moins de 18 ans.

Enfin, parce que l'exemple vient des adultes, le texte prévoit que les établissements recevant des enfants, à savoir les écoles, les garderies, les crèches, devront définir des règles de bon usage de l'outil numérique.

Former, informer, sensibiliser : telles sont les mesures préconisées par l'auteure de ce texte pour protéger les jeunes. Ces pistes sont à privilégier, tout autant sans doute que l'instauration d'une interdiction d'accès aux écrans : celle-ci est souhaitable quand les moyens techniques permettent de la mettre en œuvre.

C'est pourquoi nous serons attentifs à ce qui se passe en Australie, où, depuis le 10 décembre, les adolescents de moins de 16 ans ont l'interdiction d'utiliser les réseaux sociaux.

Hélas, il semble difficile d'interdire les écrans quand ils sont au cœur de nos vies, quand les enfants ont souvent une maîtrise des outils informatiques qui leur permet de contourner les règles. La difficulté ne doit cependant pas nous amener à renoncer.

L'auteure de ce texte établit, à juste titre, un parallèle avec le rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat : Porno : l'enfer du décor. Selon un sondage d'avril 2018, évoqué dans ledit rapport, les constats étaient les suivants : deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers des enfants de moins de 12 ans étaient déjà exposés à des contenus pornographiques.

Selon une enquête de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), publiée en 2022, ce sont quelque 2,3 millions de mineurs qui fréquentaient déjà chaque mois des sites pour adultes – un chiffre en augmentation de 36 % en cinq ans.

Bien que l'industrie pornographique véhicule une image très dégradée, qu'il faut combattre, de la femme, nous ne pouvons évidemment pas interdire ces sites.

Toutefois, il est de notre responsabilité de protéger nos enfants en restreignant l'accès de ces sites au seul public adulte.

Des outils inspirés des recommandations du rapport de la délégation aux droits des femmes ont été mis en place depuis sa publication en 2022. Je pense notamment à la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, dite loi Sren. Celle-ci impose à certains sites internet, tels que ceux ayant un caractère pornographique, de contrôler l'âge des visiteurs, par la mise en place d'un système robuste et protecteur, que l'on appelle le double anonymat. C'est une avancée en faveur de la protection des enfants.

Cette loi gagnerait aussi en efficacité avec l'application effective du programme relatif à l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars). Malheureusement, les séquences qui y sont consacrées, même si elles sont obligatoires, d'une durée de trois heures par an et par niveau – ce qui équivaut d'ailleurs au temps passé par un enfant de 3 ans devant un écran en deux jours ! – ne sont encore que trop peu dispensées.

Tout comme nous l'avons fait pour la pornographie, nous devons protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et de la dépendance au numérique.

Ce texte constitue une étape importante qui permet d'agir concrètement.

De notre capacité collective à former, informer, sensibiliser, éduquer les enfants face à ces dangers dépendra l'avenir de notre société. Si nous vivons dans une société de l'hyperconnexion, nous voulons avant tout une société hyperconnectée avec le réel, faite de relations sociales plus que de réseaux sociaux.

Pour cela, il faut, je le répète, former, informer, sensibiliser. Le groupe Union Centriste soutient et votera bien entendu cette proposition de loi de notre collègue Catherine Morin-Desailly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Marie-Do Aeschlimann applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est l'aboutissement d'un travail de fond réalisé par notre collègue Catherine Morin-Desailly, dont je salue la constance et la ténacité.

Dans ce texte, elle propose des solutions concrètes et pertinentes pour lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans.

L'usage non raisonné des écrans, des plateformes numériques et des réseaux sociaux peut avoir des conséquences dévastatrices sur l'équilibre psychique des enfants. Il peut s'accompagner d'attitudes de repli sur soi, de troubles du comportement, de difficultés d'attention et d'apprentissage ou encore de retards dans l'acquisition du langage. La vie sociale se réduit alors parfois à sa plus simple expression. Les interactions avec l'entourage se limitent fortement, le goût pour d'autres activités, en particulier pour la culture et pour le sport, décline, tandis que la tendance à la sédentarité s'accentue.

La commission d'enquête du Sénat sur l'utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données et sa stratégie d'influence, dont le rapporteur était Claude Malhuret, a mis en exergue l'utilisation d'un algorithme de recommandation addictif, afin de retenir des heures durant ses utilisateurs, dont beaucoup sont des adolescents, devant leur écran.

Pire, l'accès à des contenus prohibés peut avoir des répercussions sur le développement affectif, social et sexuel futur de nos enfants et de nos adolescents.

Je rappelle que deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers de ceux de moins de 12 ans ont déjà été exposés, volontairement ou non, à des images et vidéos pornographiques.

Le rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat, intitulé Porno : l'enfer du décor, a démontré que la pornographie et ses contenus, de plus en plus violents et dégradants vis-à-vis des femmes, influencent fortement la représentation de la sexualité, du consentement et des relations.

Face au fléau des réseaux sociaux et des écrans, il y a donc urgence à agir. La passivité n'est pas une option !

La présente proposition de loi prévoit très justement la mise en place d'une formation spécifique pour tous les professionnels de santé du secteur médico-social et de la petite enfance, ainsi qu'un renforcement de la formation initiale et continue des personnels de l'éducation nationale.

Les règlements intérieurs des établissements de la petite enfance devront encadrer les conditions d'utilisation des équipements numériques par leurs personnels en présence des enfants. Les établissements scolaires, publics et privés, sont également concernés. Leurs règlements intérieurs seront appelés à définir les règles d'usage des appareils connectés.

Dans une logique de prévention, des messages informatifs figureront sur les emballages des téléphones portables, tablettes, téléviseurs et équipements assimilés, ainsi que dans les publicités.

En outre, tous les mineurs devront bénéficier d'une sensibilisation aux risques liés à l'exposition non raisonnée aux écrans, ainsi qu'au caractère addictif des réseaux sociaux.

En définitive, mes chers collègues, nous mesurons tous l'urgence de protéger les plus jeunes, connectés massivement aux réseaux sociaux, et de mieux réguler l'espace numérique.

Le Sénat s'y est toujours montré très attentif. Le numérique doit devenir un espace de confiance pour tous les citoyens, notamment les plus jeunes.

Le texte de notre collègue Catherine Morin-Desailly est d'une grande utilité, alors que, le 14 juillet dernier, la Commission européenne a adopté ses lignes directrices concernant la protection des mineurs au titre du règlement sur les services numériques. Pour rappel, la Commission propose un certain nombre de mesures en vue d'éviter aux utilisateurs mineurs les effets néfastes des systèmes de recommandation algorithmiques. Elle suggère également l'adoption de systèmes de modération adaptés à ces utilisateurs âgés de moins de 18 ans pour leur offrir une protection renforcée. Enfin, elle recommande la mise en œuvre de méthodes précises, fiables, robustes, non intrusives et non discriminatoires de contrôle de l'âge par les plateformes en ligne.

Bien entendu, d'autres dispositions pourront être adoptées. Toutes les mesures de lutte contre l'usage non raisonné des réseaux sociaux ne sont pas de portée législative ; il appartient donc au Gouvernement d'agir avec diligence en ce domaine.

Par ailleurs se posera inévitablement la question de la majorité numérique et du contrôle de l'âge des utilisateurs des réseaux sociaux. Nous n'avons jamais réussi à inscrire de telles règles dans notre droit positif, le décret d'application de la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne n'ayant pas été publié.

Faudra-t-il aller jusqu'à une interdiction complète, comme l'Australie l'a instaurée ? Ce sont des débats que nous devons avoir, car ils soulèvent des questions majeures pour notre jeunesse.

Quoi qu'il en soit, c'est avec conviction que l'ensemble des membres du groupe Les Indépendants soutiendra cette proposition de loi. (Mme Olivia Richard applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Evren. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Evren. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, entre 7 ans et 19 ans, nos jeunes consacrent dix fois plus de temps aux écrans qu'à la lecture. À l'âge de 2 ans, un enfant passe déjà 56 minutes par jour devant un écran. Les adolescents, eux, passent plus de quinze heures par semaine en ligne, et près de deux heures par jour sur TikTok.

Il est important de le rappeler d'emblée, si les écrans peuvent être, à bien des égards, source de progrès et d'opportunités, l'hyperconnexion a des effets délétères.

Une exposition excessive et précoce aux écrans a des conséquences sur le développement cognitif : difficultés d'attention ; troubles de l'apprentissage, qui prennent la forme de retards dans l'acquisition du langage, de difficultés de concentration ou de pertes de mémoire. Celle-ci affecte aussi la santé mentale et physique : troubles du comportement ; dépression ; cyberharcèlement ; troubles du sommeil ; myopie ; surpoids ; obésité… Enfin, elle creuse les inégalités sociales, car les enfants issus des milieux les moins favorisés sont ceux qui passent le plus de temps devant les écrans.

Les auditions qu'a menées Mme la rapporteure et auxquelles j'ai assisté l'ont démontré : les enjeux sont systémiques ; ils ne se résument pas à la question de la limite d'âge. Notre réflexion doit porter tout à la fois sur l'âge de l'enfant, la durée d'exposition aux écrans, les types d'usage et l'accompagnement proposé. La situation la plus néfaste est celle de l'exposition d'enfants très jeunes, placés seuls devant des contenus non adaptés.

L'éducation à un usage raisonnable et intelligent des écrans constitue donc une absolue priorité. C'est une responsabilité collective.

Nous devons nous montrer exigeants à l'égard des parents, qu'il faut accompagner pour leur faire prendre conscience de la place que les écrans ont prise dans les foyers et des bonnes pratiques à adopter. Le psychiatre Serge Tisseron l'a rappelé : pas d'écran avant 3 ans ; pas de console de jeux avant 6 ans ; pas d'internet avant 9 ans ; et une utilisation autonome à partir de 12 ans seulement.

La communauté éducative et les personnels de la petite enfance ont aussi un rôle essentiel à jouer.

C'est pourquoi, en associant l'ensemble des acteurs concernés, ce texte vise à déployer une stratégie globale de protection de notre jeunesse. Il met en place tout un arsenal coordonné de mesures de prévention, de formation et de sensibilisation.

Son volet sanitaire s'adresse aux professionnels de la petite enfance, afin d'en faire des relais de parents parfois démunis.

Son volet éducatif renforce la formation des personnels de l'éducation nationale et établit une stratégie commune pour intégrer aux règlements intérieurs les règles liées aux appareils connectés.

Enfin, son volet préventif vise à mettre en place une campagne de sensibilisation d'ampleur, en lien avec l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

Nous avons aujourd'hui la responsabilité de définir un cadre juridique ambitieux. Si l'Union européenne doit assumer pleinement sa compétence en matière de régulation numérique, le législateur français doit sans attendre se doter d'outils complémentaires. Le Sénat s'y attelle depuis 2018, et je remercie Mme la rapporteure de son engagement historique à cet égard.

Le Danemark et l'Australie ont interdit l'accès aux réseaux sociaux aux mineurs de moins de 16 ans. La Scandinavie, longtemps à la pointe du tout-numérique éducatif, fait désormais marche arrière toute. Ainsi, la Suède a entrepris de remplacer les écrans par des manuels scolaires.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Agnès Evren. Mes chers collègues, nous sommes face à un enjeu de société et de civilisation. N'attendons pas de voir les dégâts se multiplier pour réagir, rectifier le tir et remettre les outils numériques à leur juste place : la technologie au service de l'humain, et non l'inverse.

Madame la rapporteure, vous pouvez compter sur le soutien du groupe Les Républicains ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)

Mme Marie-Do Aeschlimann. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, chacun s'accorde à dire que la surexposition aux écrans est un fléau pour notre jeunesse, et pas que pour elle.

En effet, si notre époque a laissé les écrans coloniser le quotidien de nos enfants, la responsabilité en incombe d'abord aux adultes, car les plus « accros » ne sont pas toujours les enfants – ayons l'honnêteté de le reconnaître –, mais nous, les parents... Le milieu familial est un modèle et la première référence en termes d'apprentissage. Or un parent absorbé par son téléphone adresse à son enfant le message que la connexion prime la présence.

Cette proposition de loi est la bienvenue. Partout dans le monde, les pouvoirs publics s'interrogent sur la place à accorder aux écrans et aux réseaux sociaux dans la vie des plus jeunes. En France, ces dernières années, de nombreuses initiatives ont visé à encadrer les usages du numérique, sans vraiment y parvenir. Cette problématique épineuse est aujourd'hui envisagée sous l'angle éducatif, sociétal, mais aussi sanitaire.

Les professionnels de santé sont unanimes : l'exposition précoce et prolongée aux écrans et aux réseaux sociaux perturbe le développement psychomoteur, la concentration, le sommeil, le langage, et favorise la sédentarité. Elle exacerbe les comportements à problème, le cyberharcèlement et facilite l'accès à des contenus inappropriés.

Le nouveau carnet de santé a commencé à prendre en compte la question des écrans, mais il le fait de manière encore trop superficielle. Or certains signaux faibles peuvent aisément passer inaperçus lors des consultations pédiatriques.

Face à ce nouvel enjeu de santé publique, notre responsabilité collective est de mettre en œuvre d'indispensables mesures de prévention. Il s'agit non pas de diaboliser le numérique, mais de lui faire retrouver sa juste place : celle d'un outil d'apprentissage qui doit être utilisé de manière éclairée et équilibrée.

Au Sénat, le groupe Les Républicains s'est pleinement emparé de cette question. Depuis un an, nous avons mené de nombreuses auditions, et nous ferons des propositions dans les semaines à venir.

Je conclurai en évoquant l'essor de l'intelligence artificielle générative et des compagnons conversationnels, qui prennent une place grandissante dans notre quotidien. Ils sont même désormais intégrés à certains jouets mis à la disposition des plus petits. Leur caractère immersif et leur capacité à interagir brouillent la frontière entre le réel et l'artificiel. Ils influencent les apprentissages, affectent la socialisation et le développement cognitif des plus jeunes.

Les membres du groupe Les Républicains tiennent à remercier Catherine Morin-Desailly de son travail. Ils voteront en faveur de cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie Mercier. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l'usage des écrans s'est imposé dans notre vie quotidienne, souvent avec bonheur, mais malheureusement trop et, surtout, trop tôt. Gérer le temps que passent nos enfants devant les écrans devient aujourd'hui un enjeu de santé publique.

Je prendrai pour exemple la commission d'enquête sénatoriale sur l'utilisation du réseau social TikTok, qui a montré que l'algorithme visait à capter l'attention de ses utilisateurs et à l'accaparer le plus longtemps possible

Addiction ou abrutissement : les constats sont préoccupants et le doute n'est plus permis quant aux effets néfastes des réseaux sociaux. Je ne m'y attarderai pas, les orateurs précédents les ayant très bien décrits.

J'insisterai pour ma part sur une constatation glaçante. L'application en question – TikTok – avait tendance à proposer davantage de contenus dangereux aux personnes vulnérables. Par exemple, des vidéos ayant pour thème le suicide étaient envoyées aux personnes ayant recherché des renseignements sur la santé mentale. Il n'y a plus aucune limite dans la déshumanisation !

Cet enfermement est nocif, en particulier pour les adolescents, qui sont à une période charnière de leur construction. Comment les protéger ?

Le contrôle de l'âge est ici inefficace : TikTok est interdit aux moins de 13 ans, mais 45 % des 11-12 ans possèdent un compte. Mes chers collègues, rappelez-vous le combat très difficile que nous avons dû mener pour interdire l'accès des mineurs aux sites pornographiques gratuits. Il faut faire autrement ici, et c'est ce que vous avez entrepris, madame le rapporteur.

Les mesures de prévention que vous proposez, chère Catherine Morin-Desailly, sont indispensables, essentielles, et doivent intégrer l'éducation donnée à nos enfants par tous : les parents, l'école et toutes les personnes chargées de notre jeunesse.

Ce texte fixe deux objectifs que nous partageons – mieux former les professionnels et informer le public. Il a toute sa place dans les initiatives parlementaires qui tendent à mieux protéger nos enfants, partout, et tout le temps.

Je rappellerai les autres apports du Sénat dans ce domaine : le contrôle obligatoire de l'âge pour accéder à des sites pornographiques gratuits réservés aux adultes ; la lutte contre la prostitution des mineurs et, demain, la prostitution en ligne – car il faut bien l'appeler ainsi.

Sur toutes les questions liées au numérique et à l'intelligence artificielle, il faut adapter nos textes jour après jour : c'est ainsi que nous construirons la loi. Nous le savons, celle-ci sera malheureusement toujours en retard par rapport aux innovations technologiques, car elle n'aura jamais la souplesse de la vie.

Le monde numérique ne doit pas être un royaume sans roi, sans lois, sans frontières. C'est en unissant nos forces, comme sur ce texte, que nous parviendrons ensemble à éduquer nos enfants et nos jeunes qui évoluent dans cet univers, certes virtuel, mais d'une grande cruauté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à protéger les jeunes des risques liés à l'exposition aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, et à les accompagner vers un usage raisonné du numérique

TITRE I

VOLET SANITAIRE

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les jeunes des risques liés à l'exposition aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, et à les accompagner vers un usage raisonné du numérique
Article 2

Article 1er

Le titre III du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Prévention des risques liés à l'exposition des jeunes enfants aux écrans numériques

« Art. L. 2137-1. – La formation initiale et la formation continue des professionnels de santé et du secteur médico-social ainsi que des professionnels de la petite enfance incluent une formation spécifique sur les risques associés aux différents degrés d'exposition aux écrans pour les enfants et les adolescents, sur les alternatives aux écrans pour les jeunes enfants et sur les actions de soutien à la parentalité dans ce domaine.

« Art. L. 2137-2. – Les emballages extérieurs de téléphones portables, d'ordinateurs, de tablettes, de montres connectées, de téléviseurs et de produits assimilés, y compris les emballages de produits reconditionnés, comportent un message de prévention visant à informer les consommateurs des risques encourus pour le développement psychomoteur, physique et cognitif des jeunes enfants en cas d'usage non raisonné de ces produits.

« Art. L. 2137-3. – Les messages publicitaires télévisés et les publicités en ligne, portant sur des téléphones portables, des ordinateurs, des tablettes, des montres connectées, des téléviseurs et des produits assimilés comportent un message de prévention visant à informer les consommateurs des risques encourus pour le développement psychomoteur, physique et cognitif des jeunes enfants en cas d'usage non raisonné de ces produits.

« L'obligation d'information mentionnée au premier alinéa ne s'applique qu'aux messages émis et diffusés à partir du territoire français et reçus sur ce territoire. Cette obligation d'information s'impose à toute promotion, destinée au public, par voie d'imprimés ou de publications périodiques édités par les producteurs ou les distributeurs de ces produits.

« Le non-respect de l'obligation d'information mentionnée au même premier alinéa par les annonceurs et promoteurs est puni de 37 500 € d'amende. Le montant de cette amende peut être porté à 30 % des dépenses consacrées à l'émission et à la diffusion des messages mentionnés audit premier alinéa ou à la réalisation et à la distribution des imprimés ou des publications mentionnés au deuxième alinéa.

« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État, après consultation de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité.

« Art. L. 2137-4. – I. – Le règlement intérieur, le projet d'établissement ou le règlement de fonctionnement des établissements mentionnés à l'article L. 2324-1 du code de la santé publique fixe les règles relatives à l'utilisation en présence des enfants, par les professionnels, des téléphones portables, des ordinateurs, des tablettes, des montres connectées, des téléviseurs et des équipements assimilés. Ces établissements mettent en place une politique de prévention des risques liés à l'exposition non raisonnée aux écrans chez les enfants et une politique de soutien à la parentalité promouvant les alternatives aux écrans pour les enfants de moins de trois ans.

« II. – (Supprimé)

« Art. L. 2137-5. – Les modalités d'application du présent chapitre sont déterminées par décret. »

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 26, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 2137-1. – Les professionnels de santé et du secteur médico-social ainsi que les professionnels de la petite enfance bénéficient, au cours de leur formation initiale ou continue, d'une formation obligatoire spécifique sur les risques associés aux différents degrés d'exposition aux écrans numériques pour les enfants et adolescents.

La parole est à M. Alexandre Basquin.

M. Alexandre Basquin. Cet amendement de notre collègue Evelyne Corbière Naminzo vise à inscrire dans la loi le caractère obligatoire de la formation des professionnels, afin de rendre cette disposition plus explicite.

Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après la première occurrence du mot :

écrans

insérer les mots :

, et à l'usage de dispositifs intégrant l'intelligence artificielle générative, 

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. La présente proposition de loi introduit un nouvel article dans le code de la santé publique, l'article L. 2137-1, qui vise à renforcer la sensibilisation et la formation des professionnels de santé, du médico-social et de la petite enfance aux effets de l'exposition précoce aux écrans.

Nous proposons d'élargir ce champ à l'usage des dispositifs intégrant l'intelligence artificielle conversationnelle, afin de tenir compte de l'évolution rapide des outils numériques auxquels les jeunes peuvent être exposés. En effet, ces technologies récentes représentent un nouveau danger pour ces derniers. Leur caractère immersif et leur capacité à interagir en langage naturel peuvent avoir une influence sur le comportement et les apprentissages des enfants.

Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Vérien, M. Maurey, Mmes O. Richard, Romagny, Perrot et Jacquemet et M. Capo-Canellas, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces formations font l'objet d'une actualisation régulière afin de tenir compte de l'évolution des technologies numériques et des connaissances scientifiques disponibles.

La parole est à Mme Dominique Vérien.

Mme Dominique Vérien. Par cet amendement, je souhaite préciser qu'il est indispensable de procéder à une actualisation régulière des formations pour tenir compte de l'évolution des technologies numériques et des connaissances scientifiques disponibles.

Il y a cinq ans, TikTok n'existait pas ou, en tout cas, n'était pas présent dans la vie de nos enfants. Aujourd'hui, dès l'âge de 9 ans, certains d'entre eux utilisent des téléphones. Ils ont accès de plus en plus tôt à des contenus de plus en plus variés. Il faut donc mieux former les professionnels !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. L'amendement n° 26 est déjà satisfait par une disposition que nous avons adoptée en commission et qui précise justement qu'il existe une obligation de formation. C'est pourquoi j'en demande le retrait ; à défaut, j'y serai défavorable.

Par son amendement n° 13, Mme Aeschlimann aborde une question très importante. En effet, nous observons déjà chez certains enfants et adolescents se servant de jouets ou de peluches dotés d'agents conversationnels les conséquences délétères de l'intelligence artificielle, laquelle fait courir des risques très importants à nos jeunes. Il me semble pertinent d'ajouter une mention spécifique à l'article 1er, car il a trait aux formations ayant vocation à concerner à la fois les professionnels de santé et du secteur médico-social et les professionnels de la petite enfance. Je suis donc favorable à cet amendement.

Pour autant, et cela vaudra pour l'ensemble des autres amendements, j'indique d'ores et déjà qu'il ne nous paraît pas souhaitable de décliner cette problématique de l'intelligence artificielle dans chaque disposition ponctuelle du texte, au risque de détailler à l'excès la pratique de ces professionnels, qui sont précisément formés à ces enjeux.

Enfin, je suis bien sûr favorable à l'amendement n° 2 rectifié, car il s'agit d'une précision tout à fait utile.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Mesdames les sénatrices, monsieur le sénateur, si je vous rejoins sur le fond quant à l'intérêt de former les professionnels, je demanderai le retrait de vos amendements et, à défaut, émettrai un avis défavorable.

En effet, ces dispositifs, s'ils étaient adoptés, emporteraient une obligation immédiate de formation, qui pourrait empêcher lesdits professionnels d'exercer – je pense en particulier aux conséquences d'une adoption de l'amendement n° 26.

Par ailleurs, nous avons déjà prévu, comme je l'ai dit lors de la discussion générale, de proposer, dès fin 2026 ou début 2027, une formation sur les risques liés à l'intelligence artificielle. J'ai ainsi annoncé en novembre, lors du lancement de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle en santé, un volet spécifique sur la formation, en plus de mesures sur l'éthique, la responsabilité et la protection des publics les plus vulnérables. Les demandes des uns et des autres sont donc satisfaites.

M. Alexandre Basquin. Je retire l'amendement n° 26, madame la présidente !

Mme la présidente. L'amendement n° 26 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 22, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Le non-respect de l'obligation d'information mentionnée au premier alinéa est puni de 37 500 € d'amende. Le montant de cette amende peut être porté à 30 % des dépenses consacrées à la fabrication ou au reconditionnement des produits mentionnés au même premier alinéa.

« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État. »

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement tend à prévoir une sanction en cas de non-respect de l'obligation d'apposition d'un message de prévention sur les emballages d'appareils connectés neufs ou reconditionnés.

La présente proposition de loi prévoit une obligation d'information par les commerçants et les publicitaires sur les produits connectés. Cette mesure permet de responsabiliser les acteurs commerciaux quant aux effets néfastes des produits qu'ils vendent.

En effet, si une amende est prévue pour les publicitaires qui ne respecteraient pas une telle obligation d'information dans le cadre des promotions de produits connectés, il n'en est prévu aucune pour les commerçants qui ne respecteraient pas l'obligation d'apposer des informations sur les emballages des produits.

Par cet amendement, nous proposons de combler une lacune, afin de garantir la pleine effectivité de la nouvelle obligation légale.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Notre commission estime qu'une telle disposition est pertinente et qu'elle rendra encore plus effective le dispositif de l'article 1er. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. La sanction pénale que tend à mettre en œuvre cet amendement vise le non-respect d'une obligation qui nous semble imprécise juridiquement. Un tel dispositif emporte un risque d'inconstitutionnalité au regard des principes de légalité et de proportionnalité des peines.

Aussi, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il y sera défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme Vérien, M. Maurey, Mmes O. Richard, Romagny, Perrot et Jacquemet, M. Capo-Canellas et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Ces messages de prévention sont également visibles sur les lieux de vente de ces produits.

La parole est à Mme Dominique Vérien.

Mme Dominique Vérien. L'article 1er prévoit déjà l'apposition de messages de prévention sur les emballages et dans les publicités pour certains équipements numériques. Toutefois, dans la pratique, la décision d'achat se prend souvent dans les rayons des magasins, parfois sous l'influence de promotions ciblées ou de contenus sponsorisés.

Rendre ces messages de prévention visibles sur les supports matériels, mais aussi sur les lieux de vente physiques permet d'intervenir au moment le plus pertinent, c'est-à-dire quand les parents s'interrogent sur l'opportunité d'acquérir un nouveau terminal.

Cet affichage renforcerait leur capacité à exercer leur libre arbitre de manière rationnelle et cohérente avec les recommandations actuelles en matière de santé publique. Il contribuerait ainsi à réduire l'exposition très précoce ou massive aux écrans, notamment lorsque les produits sont présentés comme ludiques ou éducatifs et destinés à de très jeunes enfants, sans que les risques qui leur sont associés soient clairement mis en évidence.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Ce dispositif me semble tout à fait judicieux, dans la mesure où ces produits ne sont pas nécessairement présentés avec leur emballage et où le message de prévention peut alors échapper à l'acheteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Votre intention est louable, madame la sénatrice, mais, encore une fois, il existe un important risque d'inconstitutionnalité lié aux modalités d'affichage sur les emballages, un risque déjà identifié du reste par le Conseil constitutionnel. Un dispositif insuffisamment encadré créerait une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, serait source d'insécurité juridique, et ferait courir le risque d'une rupture d'égalité entre opérateurs. Une telle mesure serait donc exposée à un fort risque de censure.

Compte tenu de ce risque contentieux, le Gouvernement demande le retrait de l'amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Je précise qu'un amendement analogue a déjà été voté à l'unanimité de cette assemblée en 2019. Une disposition similaire a également été votée à la quasi-unanimité de l'Assemblée nationale, sur l'initiative de l'ancienne députée Caroline Janvier.

Le Parlement souhaite donc réaffirmer son soutien à cette mesure.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. On parvient à imposer le Nutri-score, mais on ne pourrait pas préserver les enfants des écrans ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Vérien, M. Maurey, Mmes O. Richard, Romagny, Perrot et Jacquemet, M. Capo-Canellas et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :  

Toute publicité pour des appareils numériques ou applications explicitement destinés aux enfants de moins de six ans est interdite.

La parole est à Mme Dominique Vérien.

Mme Dominique Vérien. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. L'article L. 5231-3 du code de la santé publique prévoit déjà que la publicité ayant pour but de promouvoir la vente, la mise à disposition, l'utilisation ou l'usage d'un téléphone mobile par des enfants de moins de 14 ans est interdite. La commission est davantage favorable à l'amendement n° 25, qui sera examiné dans quelques instants, et qui tend à compléter l'interdiction déjà prévue par le code en en élargissant le champ à tous les autres appareils numériques.

Pour cette raison, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme Dominique Vérien. Je retire mon amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les jeunes des risques liés à l'exposition aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, et à les accompagner vers un usage raisonné du numérique
Article 3 (début)

Article 2

À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 2112-2 du code de la santé publique, après la seconde occurrence du mot : « prévention », sont insérés les mots : « , de prévention de l'exposition non raisonnée des enfants aux écrans, ».

Mme la présidente. L'amendement n° 35, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 2112-2 du code de la santé publique, après le mot : « sensoriels », sont insérés les mots : « , aux actions de sensibilisation sur les risques de l'exposition non raisonnée aux écrans et sur les alternatives à ceux-ci, ». 

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. Cet amendement vise, d'une part, à mieux insérer cette disposition dans l'article L. 2112-2 du code de la santé publique, et, d'autre part, à préciser que les actions de sensibilisation menées par les services de la protection maternelle et infantile (PMI) concernant les risques liés aux écrans intégreront également, de manière plus positive, des informations sur les options alternatives aux écrans à destination des parents. Ce dispositif répond ainsi aux demandes exprimées par nos collègues Ollivier et de Marco à travers leur amendement n° 23.

Il convient par ailleurs d'indiquer que la fin de la phrase visée par le présent article au sein de l'article L. 2112-2 du code de la santé publique évoque déjà des actions de promotion des environnements et comportements favorables à la santé, ce qui peut inclure les aspects relatifs au soutien à la parentalité et aux bonnes pratiques numériques que cherchent à promouvoir les auteurs des différents amendements à l'article 2.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je me permets tout d'abord de répondre à Mme Vérien que, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer que l'obligation d'apposition du Nutri-score était, selon moi, probablement inconstitutionnelle.

Pour ce qui est de l'amendement n° 35, madame la rapporteure, vous l'avez dit vous-même, il me semble satisfait. Il existe déjà des messages de prévention sur les écrans qui sont inclus au titre de la promotion des environnements et des comportements favorables à la santé, promotion à laquelle les services de la protection maternelle et infantile (PMI) contribuent sur le fondement du même article du code de la santé publique.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé, et les amendements nos 14, 23 et 4 rectifié n'ont plus d'objet.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les jeunes des risques liés à l'exposition aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, et à les accompagner vers un usage raisonné du numérique
Article 3 (fin)

Article 3

Le premier alinéa de l'article L. 2132-2 du code de la santé publique est complété par les mots : « et une sensibilisation aux risques sanitaires liés à une exposition non raisonnée aux écrans et au caractère addictif des réseaux sociaux ».

Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Remplacer la première occurrence du mot :

et

par le signe :

,

II. – Compléter cet article par les mots :

, une éducation à leurs usages adaptée à l'âge de l'enfant

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement vise à compléter l'action de prévention prévue pour les enfants de moins de 18 ans, afin qu'elle ne se limite pas à une sensibilisation aux risques, mais qu'elle comporte également, de façon plus positive, une éducation aux usages adaptée à l'âge de l'enfant.

Cette éducation aux usages sert à accompagner progressivement les mineurs vers une pratique raisonnée, éclairée et responsable des outils numériques. Elle peut notamment comprendre des conseils pratiques sur la gestion du temps passé devant l'écran, la protection de la vie privée, les mécanismes d'attention, les risques de dépendance, ou encore sur l'adoption de comportements adaptés dans l'environnement numérique.

Nous précisons que cette sensibilisation doit intervenir à un âge approprié, afin d'éviter une exposition trop précoce à des notions inadaptées au développement des plus jeunes. Avant l'âge de 3 ans, voire celui de 6 ans, la priorité doit rester à la prévention de l'exposition en tant que telle ; au-delà, il devient pertinent d'aborder cette question de l'éducation aux usages du numérique.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. L'article L. 2132-2 du code de la santé publique a pour objet de prévoir un cadre de base, avec des mesures de prévention sanitaire et sociale et des examens de santé obligatoires pour l'ensemble des mineurs, sans détailler l'ensemble des problèmes de santé ou des sujets de sensibilisation concernés ni les bonnes pratiques que devront adopter les professionnels. Le même article dispose que le contenu des examens obligatoires des enfants est fixé par voie réglementaire.

En outre, le texte de la commission prévoit déjà, dans son article 1er, que les professionnels de l'enfance seront formés à ces questions.

Nous considérons qu'il est préférable de ne pas insérer de dispositions trop détaillées dans cet article, car il faudrait alors allonger la liste sans pour autant avoir la garantie de ne rien avoir omis. Il en ira de même pour les amendements suivants, qui traitent, certes, de sujets importants et que nous prenons en compte, comme l'intelligence artificielle ou le développement de l'esprit critique, mais qui alourdiraient trop la version actuelle de l'article L. 2132-2 du code de la santé publique. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je suis également défavorable à cet amendement.

Même si je suis d'accord avec vous sur le fond, madame la sénatrice, car la notion d'usage gradué est effectivement essentielle, j'estime que les examens de santé obligatoires, que vous proposez de compléter, ne constituent pas le cadre approprié pour dispenser cette éducation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Par cet amendement, je ne propose pas d'examen de santé – c'est en revanche le cas dans l'un des dispositifs que je vous présenterai dans quelques instants. Je précise simplement pourquoi nous parlons ici d'éducation.

Lors des travaux de la commission, plusieurs des personnes auditionnées ont insisté sur la prévention des usages raisonnés, mais aussi sur la nécessité de prévoir une éducation aux usages. Dans un monde où les enfants sont très exposés aux écrans, il est important de dispenser cette éducation, notamment parce que les inégalités en la matière sont importantes. C'est l'une des conditions pour mettre en place une prévention efficace dans notre société numérisée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les jeunes des risques liés à l'exposition aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, et à les accompagner vers un usage raisonné du numérique
 

(À suivre)