Le rendement de l’ISF ou les limites de la pression fiscalel

La loi de finances pour 1999 avait particulièrement alourdi le poids des cotisations d’ISF. Trois mesures avaient contribué au durcissement du dispositif :

- l’absence d’actualisation du barème pour la troisième année consécutive ;

- l’intégration de la majoration spéciale de 10 % introduite par la loi de finances rectificative de 1985 dans la cotisation de l’ISF ;

- la création d’une nouvelle tranche marginale (taux de 1,8 % concernant la fraction de la valeur nette taxable du patrimoine supérieure à 100 millions de francs).Le ministre de l’économie et des finances avait annoncé, au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 1999, que ces seules mesures permettraient déjà de rapporter 2 milliards de francs supplémentaires.

Ainsi, après avoir rapporté 11,11 milliards de francs en 1998, soit 10,7 % de plus qu’en 1997, l’ISF aurait du rapporter 14,9 milliards de francs en 1999, soit 34 % de plus par rapport à 1998.A l’époque, la Commission des finances avait émis plusieurs réserves.

1) D’une part, elle s’était montrée sceptique devant les chiffres annoncés par Bercy dans la mesure où aucun responsable n’avait été capable de détailler le produit attendu de chacune des trois mesures précitées.

2) D’autre part, elle avait critiqué le fait que la création de cette dernière tranche risquait de renforcer la caractère déjà très concentré de l’ISF.

3) Enfin, elle avait critiqué l’utilisation idéologique de cet impôt. Elle avait souligné les dangers d’un rejet de ce dernier par les contribuables concernés ainsi que les risques d’évasion fiscale ou de délocalisation.

Or, les derniers chiffres publiés par le gouvernement concernant le rendement de l’ISF semblent confirmer ces craintes. Ainsi, le produit de l’ISF ne serait pas de 14,9 milliards de francs comme il l’avait été annoncé initialement, mais seulement de 12,5 milliards de francs, soit seulement 1,4 milliard de francs de plus qu’en 1998. Et cela lorsque les valeurs mobilières ont connu une progression dynamique en 1999.

On peut donc logiquement se demander si les mesures d’alourdissement de l’ISF n’ont pas atteint leurs limites et si l’ISF n’est pas devenu un impôt à rendement décroissant.

Par ailleurs, même le député communiste Jean-Pierre Brard a reconnu dans son rapport sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales que les mesures prises par le gouvernement lors de la loi de finances pour 1999 avaient conduit plusieurs centaines de titulaires de grande fortune à transférer leur domicile à l’étranger.

A cet égard, il est intéressant de remarquer que le projet de loi de finances pour 2000 ne prévoit aucune nouvelle mesure d’alourdissement de la cotisation supplémentaire : au contraire, il est proposé de relever les seuils des tranches d’imposition du barème en proportion de la hausse prévisible des prix en 1999, soit 0,5 %.