Mercredi 16 janvier 2013

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Taxe sur les transactions financières - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission procède à l'examen, en application de l'article 73 quinquies, alinéa 3, du Règlement du Sénat, du rapport de M. François Marc, rapporteur, et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 258 (2012-2013), présentée par Mme Fabienne Keller, au nom de la commission des affaires européennes, sur le projet de taxe sur les transactions financières (E 7838).

M. Philippe Marini, président. - Pour cette première séance de l'année, nous allons examiner le projet de taxe sur les transactions financières à travers le rapport de notre rapporteur général sur la proposition de résolution européenne de Fabienne Keller, qui a étudié ce sujet de longue date.

EXAMEN DU RAPPORT

M. François Marc, rapporteur. - Je vous présente tous mes voeux en ce début d'année. Je souhaite que notre travail soit fructueux, car la commission a été très sollicitée l'an dernier... et performante.

A l'initiative de Fabienne Keller, la commission des affaires européennes a adopté le 29 novembre 2012 une proposition de résolution européenne (PPRE) relative à l'autorisation d'une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières. Depuis le début de la crise financière, l'idée d'instaurer une taxe sur les transactions financières (TTF) afin de réduire la spéculation et l'instabilité sur les marchés financiers a connu un regain d'intérêt. Plusieurs initiatives ont été prises en ce sens au Sénat par certains groupes - je pense notamment à la proposition de loi de notre collègue Yvon Collin. Cependant, les négociations entamées dans le cadre du G20 ne permettent pas d'espérer, à court terme, une TTF au niveau international.

L'Union européenne a choisi d'être en pointe sur ce sujet. Cela se justifie d'autant plus qu'elle constitue un ensemble économique cohérent et suffisamment vaste pour limiter les risques de contournement ou de délocalisation. Ainsi, le 28 septembre 2011, à la demande du Parlement européen et des États membres, la Commission européenne a présenté une proposition de directive du Conseil établissant un système commun de TTF.

Plusieurs Etats, en particulier le Royaume-Uni et la Suède, ont fait connaître leur vive opposition à tout projet de TTF au sein de l'Union. La matière fiscale relevant des seuls Etats membres, selon la règle de l'unanimité, le projet n'a pas pu aboutir, comme le Conseil européen de juin 2012 l'a constaté.

Comme le permet le Traité sur l'Union européenne, neuf Etats membres au minimum peuvent engager une coopération renforcée, autorisée par le Conseil sur proposition de la Commission européenne. Le Gouvernement français a été, avec l'Allemagne, à l'initiative de cette demande : au mois de novembre 2012, onze Etats ont ainsi formulé officiellement la demande d'une coopération renforcée pour la mise en place de la TTF. Soutenue par la Commission européenne, la coopération devra être formellement autorisée, dans les prochaines semaines, par le Conseil.

Dans le cadre de cette coopération renforcée, la Commission européenne devra établir un nouveau texte. Celui-ci, qui devrait être proche de sa proposition initiale du 28 septembre 2011 dans son esprit, devra également en différer sur plusieurs points, non seulement pour tenir compte des évolutions réglementaires depuis un an et demi, ainsi que pour adapter le système au territoire, plus limité, des onze Etats membres participants.

C'est dans ce contexte que s'inscrit la PPRE présentée par notre collègue Fabienne Keller. En se saisissant de ce sujet sensible et difficile, la commission des affaires européennes a donné au Sénat l'occasion, au moment même où vont se dessiner entre la Commission européenne et les États membres les modalités de la taxe, d'affirmer sa position et de poser des principes qui devront guider le législateur européen.

Je vous propose sept amendements. D'un point de vue général, mes propositions de modifications ont trois principaux objets. Le premier est de renforcer le caractère opérationnel du texte. En particulier, j'ai distingué la proposition de résolution en sept parties : le rappel du contexte, les objectifs, le champ d'application, les modalités d'application territoriale, le taux, l'affectation du produit et les dispositions finales.

Mes amendements visent aussi à modifier certaines propositions, afin de les adapter au nouveau contexte européen. Par exemple, il ne serait pas cohérent avec la coopération renforcée, limitée à onze Etats membres, de faire du produit de la taxe une nouvelle ressource propre de l'Union. De même, sur les modalités d'application territoriale, il me semble plus cohérent et plus efficace d'adopter une approche pragmatique selon le type d'instrument financier.

Enfin, je vous propose d'ajouter un certain nombre d'éléments nouveaux sur l'harmonisation des taux de la taxe et sur l'inscription d'une clause de rendez-vous après une année d'application.

M. Jean Arthuis. - Si je félicite Fabienne Keller de son heureuse initiative, j'ai quelques réserves sur la proposition que fait le rapporteur général de renoncer à faire de la TTF une ressource propre de l'Union européenne : au moins pourrions-nous en faire une ressource propre d'un budget en devenir de la zone euro - même si le Mécanisme européen de stabilité (MES) constitue déjà, en fait, l'autre budget de l'Europe, et deviendra vite un enjeu autrement plus important.

M. Philippe Marini, président. - Il y a toujours plusieurs propositions d'affectation d'un nouveau produit - parfois même avant son apparition. Sans doute la meilleure manière de crédibiliser la zone euro serait-elle de faire refluer notre propre déficit.

Mme Fabienne Keller. - La Commission des affaires européennes a engagé ce travail au moment opportun : le sujet est d'actualité au niveau européen. Il est vrai qu'on en parle depuis plus de quatre-vingts ans, puisque Keynes fut le premier à évoquer cette idée, que Tobin a théorisée pour le marché des changes. La crise l'a ramenée au premier plan, en développant la volonté de lutter contre le trading à haute fréquence, ou les excès des marchés financiers. Je suis allée à Londres, rencontrer les lords, la City, les acteurs économiques et étudier le stamp duty ainsi que la taxe sur le passif des banques ; en Suisse, étudier le droit de timbre d'un pays qui abrite une grande partie des transactions sur le marché des commodities ; et au Luxembourg, pays qui concentre à peu près la moitié de la gestion d'actifs en Europe. Il y a un consensus fort sur le principe d'une taxe, mais plus on approfondit le travail et plus on s'aperçoit que la mise en oeuvre soulève de nombreuses difficultés. Si le principe a été défendu au G20, il n'a pas été possible de rassembler les États membres sur la proposition de la Commission européenne. Cela a été constaté à la fin du mois de juin, et l'on s'est replié sur la procédure de coopération renforcée, entre neuf États membres au moins, rendue possible par le traité de Lisbonne.

Le conseil « Ecofin » du 22 janvier doit décider d'autoriser ou non cette coopération renforcée. En l'absence de nouvelle proposition de la Commission, le seul texte disponible est son texte initial. L'ensemble des vingt-sept États membres doivent autoriser les onze ou douze Etats qui le souhaitent à mettre en oeuvre cette coopération renforcée : en effet, les Etats peuvent craindre d'être concernés par le dispositif même s'ils n'entrent pas dans la coopération.

Cette coopération s'inscrit dans un contexte nouveau, puisque les deux grandes directives financières sur les infrastructures de marché (EMIR) et sur les marchés d'instruments financiers (MiFID) seront alors vraisemblablement mises en oeuvre. Les opérations de gré à gré ou sur les dérivés seront davantage connues, parce qu'elles auront fait l'objet de déclarations ou qu'elles auront été traitées sur des plateformes structurées : ces flux, que l'on croyait ne pouvoir connaître, seront maîtrisés.

Les sujets majeurs de cette directive, que je vous propose de rendre offensive, afin d'ouvrir le débat, sont la protection de l'épargne : la TTF doit être une contribution du secteur financier et non des épargnants ; la territorialité : dans la proposition actuelle, la simple entrée en relation avec un ressortissant d'un Etat-membre appliquant la TTF suffit à déterminer son application ; et, enfin, l'utilisation des fonds, sur lequel il y a un vrai débat. La commission des affaires européennes a souhaité que celle-ci soit européenne, comme préfiguration d'une contribution propre au budget européen, le rapporteur général se replie sur un abondement des budgets nationaux ; j'avais proposé d'ouvrir à un troisième usage : l'aide Nord-Sud a été l'un des motifs invoqués pour la création de la taxe, et faciliterait sans doute son élargissement à l'échelle mondiale. Une première TTF a été mise en place à l'échelle nationale. Nous pouvons maintenant aller plus loin.

M. Richard Yung. - Nous avons eu un long débat, lorsque la proposition de Fabienne Keller est venue à la commission des affaires européennes. Ce texte de portée générale, que nous avons fait avancer, énonce ce que nous voulons dire au Gouvernement français, qui participe à la négociation de cette directive. Il ne s'agit pas d'une loi. Nous avons l'espoir que le nombre de pays augmentera, même s'il n'ira peut-être pas jusqu'aux dix-sept membres de la zone euro.

L'utilisation de ces fonds est le débat politique majeur sur ce texte. Nous avons eu une large discussion en commission des affaires européennes, dont a émergé la position majoritaire suivante : il ne faut pas affecter le produit de cette taxe à telle ou telle dépense (coopération, défense...), mais en faire une ressource nouvelle pour le budget de l'Union. La difficulté, c'est que seuls onze Etats membres participent : Mme Thatcher se réjouirait... Il faut trouver une solution élégante pour contourner cet écueil.

M. Philippe Marini, président. - Je crois que notre rapporteur général va nous faire une proposition pour franchir ce petit obstacle.

M. Philippe Dominati. - Il faut se demander quel a été le succès de la taxe sur les billets d'avions, que la France a instaurée il y a quelques années : a-t-elle eu un effet d'entraînement ? Onze pays, ce n'est pas la majorité des vingt-sept. Et au G20, il n'y a pas même l'esquisse d'une dynamique pour aller dans notre sens. Or dans les onze Etats membres, il n'y a ni l'Angleterre ni le Luxembourg, dont les activités financières sont importantes. Je suis préoccupé par la place financière de Paris, qui accumule des déboires année après année : son récent rachat, et sa vente annoncée, posent problème quand, dans le même temps, les principales transactions dans notre monnaie se font à Londres. Il faut avoir une stratégie de longue durée, car ce type d'idée, pour belle qu'elle soit, affaiblit notre compétitivité...

M. Philippe Marini, président. - Elle est politiquement très correcte !

M. Philippe Dominati. - Et inefficace...

M. Philippe Marini, président. - C'est en effet un facteur de compétitivité pour la place de Londres !

M. Albéric de Montgolfier. - Pourquoi la taxe Tobin, qui porte sur les changes, a-t-elle été abandonnée, alors qu'elle aurait été neutre ?

M. François Marc, rapporteur. - La taxe Tobin, qui avait d'abord un objectif de politique monétaire, semble moins efficace pour réduire la spéculation financière, ce qui est l'objectif actuel.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Philippe Marini, président. - Le texte qui résultera de notre délibération sera texte du Sénat, dans les conditions précisées par l'article 73 quinquies du Règlement.

M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 1 apporte des précisions rédactionnelles.

L'amendement n° 1 est adopté.

M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 2 porte sur les objectifs du dispositif proposé par cette proposition de résolution européenne. Apportant quelques modifications rédactionnelles, l'amendement n° 2 déclare que le Sénat accueille favorablement la mise en oeuvre d'une TTF dans le cadre d'une coopération renforcée et précise les objectifs assignés : limiter les opérations spéculatives et faire contribuer le secteur financier au financement des charges publiques.

M. Richard Yung. - Le sous-amendement n° 8 rectifié à l'amendement du rapporteur ajoute les mots « , à réorienter les marchés financiers vers le financement de l'économie réelle ». La philosophie de cette taxe est bien d'inciter le secteur financier à financer l'économie réelle et de limiter la spéculation.

M. Philippe Marini, président. - Les deux rédactions seraient donc complémentaires et non alternatives : nous écririons « rappelle que le projet de taxe sur les transactions financières doit principalement viser à dissuader les opérations spéculatives, à réorienter les marchés financiers vers le financement de l'économie réelle et à faire contribuer le secteur financier aux charges publiques. »

M. Albéric de Montgolfier. - J'aime comprendre ce que je vote : que veut dire « économie réelle » ?

M. Philippe Marini, président. - Tout ce qui est ami, le reste étant ennemi.

M. Albéric de Montgolfier. - La finance, c'est l'ennemi...

M. Richard Yung. - La spéculation ! Une banque qui collecte des dépôts et qui les transforme en crédits finançant le cycle de production est dans l'économie réelle. Quand on achète quelque chose en pensant que le cours va monter et qu'on pourra vendre une demi-heure après en réalisant une marge, cela n'apporte guère à l'économie. Le trading à haute fréquence, par exemple, soulève quelques problèmes...

M. François Marc, rapporteur. - Avis favorable. L'économie réelle est clairement définie par les économistes : tout ce qui produit un bien ou un service par opposition à certains des mouvements transactionnels que l'on peut observer, qui ne produisent rien et qui n'appartiennent pas à l'économie réelle.

Le sous-amendement n° 8 rectifié est adopté.

Mme Fabienne Keller. - Vos amendements suppriment certains alinéas de la proposition initiale.

M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 2 réorganise les différents paragraphes dans une optique que j'ai précisée tout à l'heure, sans rien supprimer.

Mme Fabienne Keller. - J'entends bien votre souci d'être rationnel, mais nous avions souligné à dessein certains défis.

M. Jean Arthuis. - Je salue le travail qui a été mené, mais vous êtes-vous interrogé sur la possibilité de faire de cet impôt le premier de la zone euro ?

L'amendement n° 2, sous-amendé, est adopté.

M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 3 rectifié opère une correction rédactionnelle. Il se traduit par la suppression de quelques alinéas, mais en restitue la philosophie première sous une forme plus pertinente, par exemple en ce qui concerne les transactions financières de gré à gré. Notre objectif est de préciser le champ d'application : nous souhaitons que la taxe soit applicable au plus grand nombre possible d'instruments financiers pour éviter les effets d'éviction et de contournement, et au plus grand nombre d'échanges possible, qu'ils soient réalisés sur les marchés réglementés ou qu'ils relèvent des transactions de gré à gré. Il s'agit aussi d'exclure des paiements en cascade par des intermédiaires financiers pour une même transaction, en veillant à ce que la taxe ne soit due qu'une seule fois pour une seule opération finale.

M. Philippe Marini, président. - Il y a un point important dans le texte initial et que vous conservez sous une autre forme : c'est le souci que cette taxe soit perçue un jour sur l'ensemble des transactions financières, et notamment sur les contrats dérivés.

Mme Fabienne Keller. - Je salue l'effort de rédaction, cependant, si nous voulons que cette résolution européenne porte, donnons-lui des formules claires et fortes. Que la TTF ne frappe pas seulement les transactions les plus visibles est un objectif majeur. Si on ne le met pas en valeur, les produits non normalisés ne seront pas assujettis. Nous mettions aussi en garde contre la technique qui consiste à substituer aux actions des titres à l'échéance desquels elles seront délivrées, de manière à échapper à la taxe. Il importe que la rédaction mette l'accent sur les défis. Au troisième alinéa, il y a deux objectifs à ne pas oublier : protéger l'épargne et accroître la transparence des marchés financiers. Aujourd'hui, la TTF française représente surtout un coût pour l'épargnant. Nous avions fait le choix d'une rédaction qui pointait plus clairement les écueils.

M. Richard Yung. - Fabienne Keller pointe un problème : tout ce qui est en dehors des marchés constitue une partie importante des transactions. Un élément de réponse est que nous progressons avec le règlement EMIR qui va entrer en vigueur ainsi que, espérons-le, la future directive sur les marchés financiers. Nous aurons des chambres de compensation pour la plus grande partie de ces produits dérivés. Ces marchés seront organisés, avec un régulateur et un responsable. On pourra saisir ces mouvements. Resteront les produits non cotés, dont les prix sont fixés par les intermédiaires financiers qui les ont créés. Ce reliquat, on ne pourra, en tout état de cause, le saisir que rétroactivement.

M. Philippe Marini, président. - La rédaction initiale me semble contreproductive en ce qu'elle pouvait laisser penser que les promoteurs de la taxe n'y croient guère eux-mêmes... Celle que le rapporteur nous propose est plus directe.

Mme Fabienne Keller. - La question se pose bien en termes de stratégie rédactionnelle. Faut-il, à ce stade de la négociation, pointer le risque ? Je le crois. Aux États-Unis, se sont créés des titres représentatifs d'actions, à seule fin d'échapper aux contraintes auxquelles sont soumises les actions. Le rythme du marché, c'est l'heure ou la minute, quand les directives demandent plusieurs années. Le risque n'est donc pas mince de voir émerger des produits faits pour échapper à la taxe, d'où la nécessité de souligner ce risque. Un langage lissé serait moins percutant.

M. François Marc, rapporteur. - Avec EMIR, nous pourrons identifier l'ensemble des transactions sur dérivés. La finance n'est en cela pas différente de l'agriculture, où coexistent le marché au cadran, parfaitement transparent, et le « tope là ! ». Dès lors qu'il y a obligation de déclaration, on a connaissance des transactions, quelles qu'elles soient.

Pour répondre à la préoccupation de Fabienne Keller, je puis compléter ma rédaction, en insérant, à la fin du premier alinéa après l'alinéa 11 : « en veillant à ce qu'elle ne produise aucun effet d'éviction ou de contournement ».

Mme Fabienne Keller. - C'est une bonne formulation.

M. Philippe Marini, président. - Bonne motion de synthèse... Vous savez que sur ce sujet, je ne suis guère croyant, mais je pense que vous affaiblissez la formulation. Cela dit, si la commission le veut...

M. François Marc, rapporteur. - Pratiquer sans croire peut être douloureux...

M. Philippe Marini, président. - Je ne me battrai pas contre vos convictions, d'autant que nous sommes, à mon sens, dans le virtuel.

L'amendement n° 3 rectifié bis est adopté.

M. François Marc, rapporteur. - Mon amendement n° 4, ainsi que les deux amendements n° 9 et 10 du groupe socialiste font écho à ce que disait Jean Arthuis sur le champ d'application et le principe qui sera mis en oeuvre. La Commission européenne, dans sa proposition initiale, se référait à un principe de résidence élargi qui aboutissait à taxer toute transaction, y compris hors de l'Union européenne, avec le risque de non-recouvrement effectif que cela entraînait. Nous proposons une position pragmatique, selon le type d'instrument financier. Pour les actions, il est d'usage de se référer au lieu du siège social de l'entreprise émettrice. Le stamp duty britannique fonctionne selon ce même principe.

L'idée est de faire référence au critère le plus approprié, soit le principe de résidence, soit le lieu d'émission. Je souhaiterais, au bénéfice de ces précisions, le retrait des deux amendements concurrents. Plus large, le mien préserve nos capacités d'action, sachant que les produits dérivés peuvent prendre la forme de packages difficiles à rattacher.

M. Richard Yung. - Notre rapporteur général a bien souligné qu'il s'agit de rechercher la couverture la plus large, conformément à la philosophie de la taxe : couvrir le plus possible de transactions à un taux relativement bas. Dans ces conditions, nous retirons nos amendements.

L'amendement n° 9 est retiré, ainsi que l'amendement n° 10.

Mme Fabienne Keller. - Extrêmement synthétique, le texte de substitution n'est-il pas trop elliptique ? La proposition de la Commission européenne retenait, il est vrai, un principe de territorialité très large. Tout intervenant à la transaction ayant un lien avec un Etat membre, était pris en compte pour rendre la transaction taxable. A contrario, le principe de résidence à la française ou le stamp duty britannique sont plus restrictifs. Que vise-t-on en parlant de modalités d'application territoriale efficaces et adaptées ?

M. Philippe Marini, président. - Les termes sont efficaces et adaptés...

Mme Fabienne Keller. - Nous sommes dans un marché ouvert, où les capitaux circulent librement. L'on introduit des seuils, à onze et bientôt à vingt-huit, qui complexifient encore les choses. Il faudrait une définition prospective, qui ne nous ramène pas aux taxes existantes.

M. François Marc, rapporteur. - Je vous remercie de souligner mon effort de synthèse, même si vous la jugez elliptique. Il ressort de nos contacts qu'il serait souhaitable de garder une formulation ouverte, qui nous laisse quelques marges. A supposer qu'une transaction sur une action française ait lieu à Londres entre deux acteurs anglais, les choses seront claires. Je ne peux pas suivre Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. - Nous intervenons en amont d'un texte : le Gouvernement n'est pas toujours habitué à voir nos assemblées donner leur avis à ce stade.

Mme Michèle André. - C'est vrai.

Mme Fabienne Keller. - Nous n'entendons pourtant pas les affaiblir, mais trouver une solution équilibrée et peser dans la négociation.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. François Marc, rapporteur. - Avec l'amendement n° 5 le même taux s'appliquera sur l'ensemble du territoire, sans possibilité de dérogation ou de modulation pour les pays entrant dans la coopération renforcée.

L'amendement n° 5 est adopté.

M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 6 rectifié porte sur l'affectation de la taxe. Notre rédaction initiale, qui prévoyait que dans le cadre de la coopération renforcée, le produit de la taxe reviendrait aux États membres, pouvait être regardée comme insuffisamment pro-européenne. Nous l'avons donc rectifiée, en ajoutant que ce produit « peut constituer une nouvelle ressource de l'Union européenne ».

M. Philippe Marini, président. - J'ai du mal à concevoir comment cette ressource pourrait à la fois bénéficier aux États membres et à l'Union européenne ?

M. François Marc, rapporteur. - L'exposé des motifs de l'amendement l'indique, qui précise que les États membres, attributaires de ce produit, pourront librement choisir de l'affecter au budget de l'Union européenne.

M. Philippe Marini, président. - Autrement dit, tant que nous sommes au-delà des 3 % de déficit, nous gardons cet argent, et nous pourrons être généreux lorsque nous serons dans les clous...

M. Richard Yung. - Les 3 %, on s'en rapproche.

Mme Michèle André. - C'est à la fin de cette année.

M. Jean Arthuis. - Je suis frappé d'admiration par les travaux de la commission des affaires européennes, mais pourquoi cette autocensure ? A force d'hésiter à faire passer le message, on tue à petit feu la construction européenne, et le citoyen se détourne d'une caricature d'Europe. La vraie novation, c'est le pilotage de la zone euro. Cette taxe aurait pu être un début de ces ressources propres que le président du Conseil européen ne peut qu'appeler de ses voeux puisqu'il a, dans un grand moment d'audace, évoqué un budget de la zone euro. A tout vouloir concilier - taxer, mais sans gêner personne, au bénéfice des États, mais aussi de l'Union européenne, y compris au profit des Etats qui n'ont pas eu le courage de l'instituer... - on dilue tout.

M. Philippe Marini, président. - Nouveau budget, nouvelle taxe, nouvelle administration, pendant qu'on y est...

M. Jean Arthuis. - Il y a déjà un budget de la zone euro, pour lequel nous prenons des engagements d'une audace folle, et qui n'est pas piloté.

M. Richard Yung. - Le produit de cette taxe aurait pu être affecté au financement de projets transnationaux...

M. Philippe Marini, président. - Le canal Seine-Nord ?

M. Richard Yung. - ... pour les pays qui auraient apporté le financement. Cela aurait été trop précis.

Mme Fabienne Keller. - Je proposais à l'origine que l'on ouvre bien la discussion. La commission des affaires européennes a voulu que l'on soit précurseurs, en faisant de ce produit un début de ressource européenne, qu'on impulse quelque chose qui soit généralisable à la zone euro. Je souscris aux propos de Jean Arthuis : la position nationale que nous adoptons est très restrictive. Dans l'esprit de la commission des affaires européennes, il s'agit de mettre en place un outil avant qu'il ne soit généralisé.

M. Albéric de Montgolfier. - Notre président est dans le vrai quand il évoque le seuil des 3 %.

Mme Fabienne Keller. - Pourquoi ne pas écrire « ou » ?

M. Philippe Marini, président. - Dans la construction institutionnelle, que l'on souhaite voir progresser, mais où demeure une dichotomie entre la zone euro et le reste, il faut au moins laisser quelques armes de négociation aux pays qui prennent le risque de créer cette taxe. La formulation du rapporteur général me semble donc raisonnable, en ce qu'elle donne des outils de négociation.

L'amendement n° 6 rectifié est adopté.

M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 7 introduit une clause de rendez-vous.

L'amendement n° 7 est adopté.

La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.