Mardi 27 septembre 2016

- Présidence de Jean-Pierre Raffarin, président -

Audition de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

La réunion est ouverte à 14 h 35

La commission auditionne M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur la situation internationale, en particulier sur la Syrie, l'Irak et la Libye.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Nous vous remercions, monsieur le ministre, d'être présent devant notre commission, dès le début de notre session, pour faire le point sur les dossiers les plus brûlants. Nous proposons de nous concentrer sur les sujets les plus graves du moment - la Syrie, l'Irak et la Libye -, même si vous pouvez bien sûr évoquer les sujets que vous souhaitez.

Je précise que la conférence des présidents devrait valider ce soir l'organisation le 18 octobre prochain d'un débat de politique étrangère avec vous, monsieur le ministre. Nous pourrions définir comme thème pour ce débat « la France et l'Europe face à la crise au Levant », ce qui permettrait de traiter de nos rapports sur les migrants et la Turquie, en partenariat avec la mission d'information sur la position de la France à l'égard de l'accord de mars 2016 entre l'Union européenne et la Turquie relatif à la crise des réfugiés et sur les conditions de mise en oeuvre de cet accord. Je signale donc à cet égard à Mme Aïchi et à MM. Gorce, Malhuret et Haut qu'il serait opportun qu'ils demandent à leur groupe respectif du temps de parole pour pouvoir s'exprimer à cette occasion.

Enchaînons tout de suite avec notre sujet. Quelle est votre analyse, monsieur le ministre, de la situation syrienne ? Notre diplomatie est sommes initialement partie avec les États-Unis contre Bachar Al-Assad et nous nous trouvons maintenant en négociation avec les Russes, et un peu moins contre Bachar Al-Assad. La situation est donc confuse, d'où la clarification demandée par la France.

Par ailleurs, vous nous direz où nous en sommes en Irak, notamment en ce qui concerne l'offensive sur Mossoul, puis vous évoquerez la Libye, dont les nouvelles sont particulièrement préoccupantes puisqu'on y est proche de la guerre civile.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. - Je reviens de l'Assemblée générale des Nations unies et ces questions, en particulier celle de la Syrie, étaient au coeur de nos échanges et ont fait l'objet de multiples réunions. La France a pris l'initiative de commencer par une réunion avec les pays dits « affinitaires », puis il y a eu deux réunions du groupe international de soutien à la Syrie, le GISS, et la réunion du Conseil de sécurité au niveau ministériel. En outre, de nombreuses rencontres bilatérales ont été organisées.

Vous connaissez la situation. Nous étions tous dans l'attente de la mise en oeuvre de l'accord russo-américain, négocié depuis des semaines et qui a abouti le 9 septembre dernier. Cet accord est très fragile, il y a eu beaucoup d'accrocs dans sa mise en oeuvre. Une frappe américaine contre Daech a provoqué, parmi des soldats syriens, 60 tués et 150 blessés, ce qui a fourni un prétexte à des ripostes, un convoi humanitaire étant attaqué par des tirs d'aviation a priori russes, bien que la Russie le nie, ce qui a entraîné de nombreux morts parmi des travailleurs humanitaires (Croissant rouge et ONU). Cet enchaînement a fait voler l'accord en éclat.

Le régime a alors accentué ses attaques, prétendument sur des groupes terroristes, en réalité sur Alep. Cette ville est ainsi privée de toute aide humanitaire depuis des mois et cette situation ne peut rester sans réponse. Or j'ai assisté, je vous le dis franchement, avec beaucoup de consternation aux réunions du GISS, durant lesquelles se manifestaient des tensions fortes et des échanges verbaux très durs entre Sergueï Lavrov et John Kerry.

Dans ce contexte, que faire ? Nous nous battons pour l'instauration d'un nouveau cessez-le-feu, mais il faut changer de méthode. On le voit, on a atteint les limites de la négociation russo-américaine, qui n'est pas efficace. C'est pourquoi la France a pris l'initiative de demander un cessez-le-feu, en priorité à Alep, afin de permettre aux organisations humanitaires d'y accéder. Elle a aussi proposé au GISS et au Conseil de sécurité de mettre en place un mécanisme, ouvert à tout pays volontaire, en vue d'un suivi collectif de ce cessez-le-feu. Après une discussion très franche, cette idée a fait sont chemin et recueilli un large soutien des membres du GISS ou du Quint, qui s'est réuni à Boston à l'issue de la semaine ministérielle de l'Assemblée générale des Nations Unies.

Cette réunion du Quint (Etats-Unis, Royaume Uni, Italie, Allemagne, France et Union européenne) a abouti à une déclaration qui met en cause le soutien russe aux bombardements du régime à Alep, appelle à une action du Conseil de Sécurité, appelle un une condamnation de l'usage d'armes chimiques par le régime de Damas par l'ONU et inclut une référence au mécanisme de suivi que j'évoquais.

Il faut maintenir notre position sur la Syrie, d'autant qu'il existe un débat de fond avec la Russie en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. Nos positions sont claires vis-à-vis de Daech et la coalition, à laquelle nous participons activement, lutte contre cette organisation. La Russie met l'accent sur la lutte contre l'ex-Front Al-Nosra - il a récemment changé de nom -, affilié à Al-Qaïda. Nous sommes d'accord sur le principe - l'accord russo-américain portait d'ailleurs principalement sur la séparation des groupes de l'opposition modérée d'Al Nosra et sur une coordination des opérations contre cette organisation, ce qui supposait une localisation précise des différents acteurs présents sur le terrain.

Au cours des derniers mois, Al-Nosra s'est renforcé. Plus le régime frappe les opposants modérés, plus il encourage leur radicalisation et renforce leur proximité d'Al Nosra. Nous avons donc demandé à Riad Hijab, le président du haut comité des négociations, d'encourager toutes les forces de l'opposition modérée à se distinguer d'Al-Nosra. Il en est d'accord, mais il a du mal à être entendu du fait d'une radicalisation des combattants sur le terrain qui luttent pour leur survie. Les Russes en déduisent qu'il existe une ambiguïté au sein de l'opposition syrienne et qu'il faut donc soutenir le régime, qui frappe tant Al-Nosra que les autres groupes de l'opposition, alors que ces frappes poussent ces groupes sans cesse davantage dans les bras d'Al Nosra.

Les objectifs du régime, qui bénéficie de l'appui russe - 5 000 hommes - et iranien - 2 000 à 3 000 hommes -, sont de prendre Alep pour obtenir une victoire militaire avant toute négociation et de créer une « Syrie utile » incluant, entre autres, Damas, Homs, Alep et Lattaquié. Cette approche va à l'encontre des objectifs de la France qui estime qu'il ne peut y avoir qu'une solution politique au conflit en Syrie, résultant de négociations de paix à Genève.

Notre but demeure en effet une Syrie unitaire, non confessionnelle, qui respecte les minorités et qui prépare une transition ayant pour finalités des élections libres et le départ de Bachar Al-Assad, avec qui la perspective d'une Syrie en paix est devenue impossible. Comment en serait-il autrement alors que sa stratégie consiste à perpétrer des massacres ? Ce que disait d'ailleurs le ministre syrien des affaires étrangères au Conseil de sécurité était épouvantable. À part le Venezuela, qui comparait la situation de la Syrie à celle du Mali - un pays indépendant qui a été attaqué par des groupes terroristes et s'est défendu -, personne ne le soutenait.

Je conclus sur la Syrie en répondant à une remarque que j'entends régulièrement. On demande parfois si une nouvelle résolution de l'ONU ou une condamnation de l'usage d'armes chimiques suffisent et s'il ne faudrait pas plutôt une intervention militaire visant à clouer l'aviation syrienne au sol. Je vais être franc : en 2013, alors que la ligne rouge de l'utilisation des armes chimiques a été franchie, la France s'est retrouvée seule, du fait de la défection des États-Unis et du Royaume-Uni, et l'intervention n'a pas eu lieu. Une telle hypothèse n'est donc pas crédible, alors que la complexité de la situation s'est encore accrue. Il faut garder le fil avec la Russie, même si c'est difficile, et la convaincre que son intérêt est d'avoir la paix, car le risque encouru est l'installation durable de forces terroristes dans cette région. On peut certes faire reculer Daech, mais, si la radicalisation se poursuit, cela représente une menace pour tout le monde : la France, l'Europe, les États-Unis et la Russie.

J'en arrive à la situation en Irak. Je ne retracerai pas l'histoire de l'intervention américaine dans ce pays ni la façon dont les suites ont été gérées. Ce pays a également fait l'objet de discussions au sein de l'Assemblée générale de l'ONU. Il faut continuer de permettre à l'armée irakienne de reprendre les territoires conquis par Daech, en particulier Mossoul.

Cela dit, il faut aussi pousser en faveur d'une gouvernance en Irak plus inclusive. En effet, si les conditions militaires sont réunies pour reconquérir Mossoul, la France y prenant d'ailleurs sa part, deux problèmes subsistent : le départ, auquel nous nous préparons, de nombreux réfugiés de Mossoul et la gouvernance à venir de cette ville une fois libérée de Daech. Il faut en effet définir un schéma politique incluant notamment, après les opérations militaires, les Kurdes et les sunnites. Le Président de la République et moi-même avons rencontré le président irakien et avons abordé ce sujet.

En ce qui concerne la Libye, le Président de la République et moi-même allons recevoir cet après-midi le Premier ministre El-Sarraj, qui verra aussi M. Jean-Yves Le Drian. Lors de l'Assemblée générale de l'ONU, nous avons largement abordé ce sujet. La communauté internationale a renouvelé sa confiance au gouvernement libyen, mais les forces du général Haftar ont pris le contrôle des puits de pétrole à l'est du pays. Si rien n'est fait, si la ressource nationale est dans les mains d'un concurrent, le risque de guerre civile que vous évoquiez est réel ; la situation s'est d'ailleurs considérablement dégradée.

Nous allons donc rappeler que seule la société nationale d'exploitation pétrolière peut contrôler le pétrole et que le Gouvernement doit décider de l'utilisation de cette ressource dans l'intérêt de la population, qui en a besoin. Mais M. El-Sarraj doit aussi avoir une attitude ouverte vis-à-vis des forces politiques de l'est et rechercher avec elles un compromis. C'est le message que nous allons faire passer.

On voit toutefois les limites de cette méthode. Aussi allons-nous réunir à Paris dans les prochains jours tous les pays qui ont quelque chose à dire ou à faire pour faciliter l'émergence d'une Libye rassemblée. Cela concernera notamment l'Égypte, les Émirats arabes unis, le Qatar et la Turquie. Il est compliqué de mettre tous ces États autour de la table, mais c'est notre objectif et nous allons y parvenir.

Je voudrais aborder, pour terminer, deux derniers points.

Le premier concerne l'initiative française de paix au Proche-Orient. Je ne dis pas qu'elle est facile à mettre en oeuvre, mais elle a fait bouger les lignes. Nous en avons beaucoup discuté lors de l'Assemblée générale de l'ONU. La France a été reçue par le Quartet et j'ai organisé une rencontre de tous les participants à la réunion du 3 juin dernier au niveau des hauts fonctionnaires ; j'ai aussi participé à la réunion du groupe ad hoc de soutien aux Palestiniens. De nombreuses initiatives se font jour de l'Égypte, de la Russie ou des États-Unis qui peuvent peut-être avancer sur ce sujet, notamment si le président Obama en prend l'initiative avant la fin de son mandat. En tout cas, nous avons pu remettre la question du Proche-Orient à l'ordre du jour, bien que ce soit compliqué, compte tenu de la persistance de fortes divergences entre Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahou qui se sont clairement exprimées à l'occasion de l'Assemblée générale.

Le second point concerne le Gabon. La politique française a toujours été claire : pas d'ingérence, rappel de certains principes et utilisation des voies juridictionnelles en cas de recours. Nous avons d'ailleurs calé notre position avec nos voisins européens, d'autant que l'Union européenne avait envoyé des observateurs, lesquels ont relevé des insuffisances dans le déroulement du scrutin, la cour constitutionnelle gabonaise ayant elle-même souligné quelques zones d'ombre. Il ne faut pas déstabiliser le Gabon - ce pays et cette région n'en ont pas besoin -, mais il faut encourager l'Union africaine à définir les conditions dans lesquelles le président élu pourrait inclure l'ensemble des forces politiques gabonaises dans leur diversité. L'objectif est que le Gabon ne s'éloigne pas des standards démocratiques internationaux.

M. Gilbert Roger. - On peut tous tenter d'agir pour trouver des voies de sortie aux situations que vous avez décrites, monsieur le ministre. Les sujets sont, il est vrai, nombreux, mais il faudrait tout de même faire le point sur la Turquie, où la situation est très préoccupante, ainsi que sur le Brexit et Calais. Le temps vous est aujourd'hui compté, mais j'aimerais que l'on puisse revenir ultérieurement sur ces deux sujets.

Sur le Proche-Orient, je constate qu'il y a de petits mouvements et, à force de petits mouvements, on arrivera peut-être à une avancée importante...

M. Robert del Picchia. - Vous avez parlé, monsieur le ministre, du comportement des Russes et des Américains à l'ONU. Qu'en est-il des Iraniens ? Comment se comportent-ils ?

M. Gaëtan Gorce. - Je m'interroge sur le sens de nos interventions militaires en Syrie, en raison de trois déclarations réalisées au cours des derniers mois. La première a été faite ici même par de hauts responsables militaires, qui estimaient qu'environ 20 % des 100 000 combattants rebelles sont fiables, c'est-à-dire non terroristes ni salafistes extrémistes. Notre situation est donc ambiguë. Deuxième déclaration, pendant l'été, le procureur de la République de Paris, M. François Molins, a dit que les victoires sur Daech accroissent le risque d'attentats sur notre sol. Enfin, votre déclaration sur l'accord russo-américain sous-entendait que notre engagement militaire ne permet pas d'influencer les positions de notre allié américain. Dans ces conditions, ne devrions-nous pas suspendre notre intervention dans la région, le temps que les buts de guerre soient clairement définis ?

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Cette question est effectivement grave et l'on sent qu'elle se pose de plus en plus dans le pays.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - On estime qu'il y a 5 000 Européens parmi les 20 000 combattants djihadistes, dont 200 Français. Est-ce le cas ?

Par ailleurs, il y a eu des enlèvements d'Italiens et de Canadiens en Libye. Quelle est la présence française dans ce pays aujourd'hui et de quelles protections bénéficient nos compatriotes ?

Ensuite, contrairement à ses engagements internationaux, la Russie emploierait des bombes à fragmentation. Peut-on faire pression pour qu'elle n'utilise pas ces armes ?

Enfin, je regrette que la rupture du cessez-le-feu en Syrie n'ait pas été plus condamnée par les chancelleries européennes.

M. Bernard Cazeau. - Monsieur le ministre, vous terminez votre entretien avec le journal Libération, dans son édition d'aujourd'hui, en affirmant que nous soutenons le pays syrien et que nous l'aiderons à se reconstruire quand la transition démocratique sera engagée. J'ai deux séries de questions à ce sujet. Tout d'abord, quels sont les Syriens que l'on peut qualifier de démocrates, que représentent-ils, dans la guerre, et que pensez-vous des connivences que l'on prête à certains d'entre eux vis-à-vis d'Al-Nosra ? Ensuite, au Moyen-Orient, ce sont les systèmes reposant sur un homme fort, voire les dictatures - je pense à l'Égypte, à l'Iran, ou encore à l'Arabie saoudite -, qui fonctionnent. N'est-il pas temps que les Occidentaux laissent les Syriens, et les autres, décider de leur sort et évitent d'interférer ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Il y a un drame humanitaire sans nom à Alep. Nous arrivons trop tard et l'aide est insuffisante. En outre se pose une question migratoire sans précédent en France. On parle de Calais, mais la résolution des conflits syrien et libyen apporterait une solution durable. Or on paraît impuissant... Quel est l'engagement réel des autres pays ? La France, les États-Unis sont engagés, mais existe-t-il une motivation assez forte, notamment de la part de l'Europe, pour apporter une réponse globale ?

En ce qui concerne la Turquie, nous avons vu la situation politique interne, mais il y a aussi un contexte international, avec la position ambiguë de ce pays vis-à-vis de Daech. La place de la Turquie dans l'OTAN pourrait-elle être remise en question ?

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Je voudrais pour ma part savoir où nous en sommes de la coopération avec la Tunisie.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. - La Tunisie fait justement partie des intervenants que j'évoquais pour résoudre problème libyen.

Plusieurs d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont évoqué la question des migrations. La situation libyenne est très difficile et les migrants qui viennent en France via la Libye font des récits terribles de leur passage dans ce pays. Ils font ainsi état de l'exploitation des migrants dont se rendent coupables les passeurs et de viols de femmes. Le passage le plus terrible de tout leur parcours est donc la Libye. Or cela a des conséquences, du point de vue tant du terrorisme que des migrations - des bateaux ont encore coulé récemment avec des migrants à leur bord. Si l'on n'avance pas sur la question libyenne, la question se posera à nous de façon dramatique.

L'Union européenne est très engagée pour lutter contre les passeurs. Son action inclut notamment un programme de formation des garde-côtes, mais l'on part de très loin et l'on se heurte à une corruption importante. L'opération Eunavfor Med Sophia a vu son mandat élargi à la lutte contre le trafic d'armes, grâce à une résolution dont nous avons pris l'initiative au Conseil de sécurité de l'ONU. Nous avons fait avancer cette cause au niveau européen.

En ce qui concerne la Turquie, il faut que ce pays reste dans l'OTAN.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je posais cette question en raison du rapprochement de ce pays avec la Russie et de son positionnement ambigu vis-à-vis du conflit syrien.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. - Rappelons tout de même deux ou trois éléments. Même si beaucoup de choses ne nous plaisent pas, la Turquie reste un État de droit. Les 28 membres de l'Union européenne ont reçu le ministre turc des affaires européennes à Bratislava et il ne faut pas sous-estimer l'impact sur ce pays de la tentative de coup d'État militaire de juillet dernier. Les autorités turques ont eu le sentiment que les Européens sous-estimaient l'importance de cet événement - cela n'a pas été le cas de la France, puisque nous avons réagi tout de suite. Or on ne peut nier à un État le droit de poursuivre les auteurs d'une tentative de coup d'État, même s'il est vrai que la Turquie en profite pour procéder à des « purges », visant notamment les membres du mouvement Gülen, au sein de l'armée, de l'administration et de la presse.

Pour ce qui concerne l'application de la peine de mort, il est clair qu'un pays membre du Conseil de l'Europe ne peut revenir en arrière.

Quant à la question kurde, nous assumons clairement notre position selon laquelle le PKK est un groupe terroriste, mais nous poussons au dialogue pour régler la question kurde.

Vous évoquez également les relations de la Turquie avec certains pays, mais ne sous-estimons pas le poids des liens qui l'unissent à l'Europe. Certes, elle a renoué avec la Russie, ce qui est plutôt positif, ainsi qu'avec Israël et l'Iran, mais cela n'a pas eu pour effet de réduire notre dialogue avec elle. Nous avons un partenariat stratégique avec la Turquie et y avons des intérêts importants.

La Turquie est intervenue militairement en Syrie pour, d'abord, protéger sa frontière, avec un effet non négligeable pour la France : ce faisant, elle empêche le passage des membres de Daech.

L'objectif de la Turquie était ensuite d'empêcher la jonction de deux cantons kurdes en Syrie, pour éviter l'établissement d'une zone contrôlée par les Kurdes à ses portes. C'est pour elle fondamental.

La Turquie est donc devenue un acteur engagé en Syrie, comme en Libye où elle soutient les milices de Misrata. Il faut par conséquent parler avec elle.

J'en viens à la crise migratoire. La France accueille des demandeurs d'asile dans le respect de ses engagements internationaux. Elle le fait dans la clarté et l'humanité, d'où la décision du Gouvernement, rappelée par le Président de la République hier, de démanteler la jungle de Calais, qui pose un problème majeur pour la région, mais aussi pour l'image internationale de la France - certains s'en servent contre nous.

Mais démanteler ne suffit pas. Il faut aussi gérer l'accueil de façon équitable et répartir les demandeurs d'asile par petits groupes sur l'ensemble du territoire national. C'est faisable pour un pays de 67 millions d'habitants. Pour l'essentiel, les demandeurs d'asile sont syriens, soudanais ou afghans. Ils viennent de régions exposées à la guerre. Mais soyons clairs : les autres, les migrants qui n'ont pas vocation à rester en France, doivent repartir.

J'en viens à l'Iran. Nous avons eu une réunion intéressante à l'ONU sur le nucléaire iranien. Globalement, les experts indépendants de l'Agence internationale de l'énergie atomique le disent, l'accord est respecté. La levée des sanctions économiques, engagement pris dans le cadre de cet accord, pose en revanche problème du côté des États-Unis. Cela tend les relations avec les Iraniens, qui s'en plaignent et accusent les Américains de jouer un double jeu. Pour notre part, nous ne cessons de leur demander de lever ces sanctions.

L'Iran, vous le savez, soutient Bachar Al-Assad et souhaite sa victoire. Mon homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, à qui j'ai posé la question, affirme être défavorable à la partition de la Syrie et à la préservation de la Syrie utile.

La France, quant à elle, tient sa place. Elle a fermement dénoncé les violations du cessez-le-feu en Syrie. Si nous n'avions pas été aussi fermes dans nos positions - au Conseil de sécurité, dans les réunions ministérielles du Quint -, les lignes n'auraient pas autant bougé.

Les Américains ont cru que, en discutant avec les Russes, la situation allait s'arranger. C'est tout le contraire qui s'est passé. Notre marge d'action est réduite, mais nous devons l'utiliser. C'était très clair lors de la réunion ministérielle du Quint dont je vous ai parlé : nous avons fait bouger les Américains et les Britanniques et ainsi fait en sorte que le Conseil de sécurité se réunisse en urgence à l'initiative de nos trois pays.

Gaëtan Gorce, quant à lui, me demande s'il ne vaudrait pas mieux suspendre notre intervention militaire pour faire baisser le nombre d'attentats en France.

M. Gaëtan Gorce. - Je n'ai pas dit cela !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. - C'était presque cela ! Mais peut-être ai-je mal compris ? Vous vous appuyiez même sur les propos du procureur de la République de Paris. Je les comprends différemment. Pour lui, avec le recul de Daech en Irak et en Syrie, il faudra se préparer au retour des Français partis y faire le djihad.

Il n'y a quasiment plus de départs de France vers l'Irak et la Syrie, grâce aux mesures que nous avons prises et à la coopération que nous avons avec les pays voisins, notamment avec la Turquie. Mais il faudra, le procureur Molins a raison de le dire, être d'une grande vigilance avec les Français déjà partis, endoctrinés et formés militairement, et qui veulent revenir.

Notre engagement militaire se fait dans le cadre de la coalition internationale contre Daech, et seulement dans ce cadre. Il ne faut pas y mettre fin. Cela ne suffira pas, bien sûr, à combattre le terrorisme, car la bataille est aussi politique, mais cela y contribue.

Ceux qui pensent qu'il suffit d'arrêter nos interventions contre Daech pour être protégés s'illusionnent. Daech nous attaque pour notre modèle de société, notre démocratie. Et la France n'est d'ailleurs pas la seule attaquée. Il y a eu des attentats à New York, quand j'y arrivais pour l'Assemblée générale des Nations unies, motivés par la même cause. L'Allemagne est également visée. Je ne parle pas des pays musulmans, qui sont les plus touchés. C'est une réalité nouvelle, durable, à laquelle nous devons nous confronter entièrement, sans baisser la garde.

Bernard Cazeau, dans sa question, se demande qui sont les Syriens sympathiques. Je soulignerai seulement qu'il y a 10 millions de déplacés et de réfugiés syriens. Ils sont presque plus nombreux hors du pays, au Liban par exemple, où j'en ai vu certains, en Turquie et en Jordanie. Ces gens-là n'aspirent qu'à revenir dans leur pays, mais une fois qu'il aura retrouvé la paix.

De la même façon, les dirigeants libanais, par exemple, ne souhaitent qu'une chose, le départ des réfugiés syriens, qui sont 2 millions et qui s'ajoutent aux camps palestiniens.

Nous sommes prêts à aider à la reconstruction du pays, je l'ai dit. Il y a énormément de villes, d'équipements, d'écoles et d'hôpitaux détruits. Toutefois, nous ne participerons à cet effort que si les conditions politiques sont réunies. Cela vaut aussi pour l'Union européenne, qui est prête à consacrer beaucoup de moyens.

Nous condamnerions par ailleurs, si les enquêtes diligentées le prouvaient, l'usage par la Russie de bombes à fragmentation ou de bombes incendiaires. Il faut, en la matière, procéder de la même façon que pour l'utilisation des armes chimiques par le régime de Damas : une enquête internationale doit établir les faits et permettre au Conseil de Sécurité de prendre ses responsabilités en condamnant les actes qui le méritent. Si la Russie utilisait de telles armes, cela aggraverait encore ses responsabilités.

J'en viens au Brexit. Notre position n'a pas changé : la négociation doit démarrer au plus vite. Cette situation d'entre-deux est néfaste pour tout le monde. Il y a toutefois une difficulté : les Britanniques ne sont pas nécessairement d'accord entre eux. Boris Johnson est pressé ; il a dit clairement qu'il fallait assumer le résultat du référendum. C'est moins clair pour le reste du Gouvernement, notamment pour le Premier ministre.

L'article 50 doit donc être activé au plus vite, et je souhaite que Michel Barnier, qui a reçu mission de la Commission européenne de négocier la sortie du Royaume Uni puisse se mettre au travail.

M. Rachel Mazuir. - La coalition internationale contre Daech a évolué. Qui compte-t-elle désormais, notamment parmi les pays du Golfe ?

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Plus largement, qui sont nos alliés pour préparer la suite ? Qui sont nos partenaires fiables ? Quand on connait le coût des interventions extérieures -accru par le déploiement récent du porte-avions Charles-de-Gaulle qui vient encore renforcer notre dispositif- il est légitime de se demander s'il ne faudrait pas dépenser cette somme plutôt pour la prévention et le développement : je pense notamment à l'aide nécessaire à la jeune démocratie tunisienne... Avons-nous une influence autre que marginale sur la conduite des opérations militaires par la coalition, et quelles sont les possibilités de sortie de crise politique ? Ces questions se posent.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. - L'envoi du porte-avions ne bouleversera pas la donne militaire, mais il manifeste notre engagement clair et durable.

Les membres de la coalition se sont réunis à Washington en juillet dernier. Tous les pays du Golfe en font partie, hormis le Koweït et Bahreïn. Tous les membres participent à l'effort, en fonction de leurs moyens. Et tous les pays qui en ont la capacité ont plutôt augmenté leur niveau d'engagement.

La lutte contre la source du terrorisme en Syrie et en Irak est un objectif militaire, politique et stratégique.

Je n'opposerai pas, monsieur le président, la politique de développement, en faveur de la Tunisie, mais aussi de toute l'Afrique, à la politique de défense. À chaque Conseil des affaires étrangères, j'essaie de convaincre nos partenaires européens, notamment les Allemands, qu'il faut combiner la solidarité dans la protection - au Mali, avec l'opération Barkhane, ou encore la lutte contre Boko Haram - et la nécessité de monter en puissance dans l'aide au développement de l'Afrique. J'ai d'ailleurs noté que Mme Merkel faisait référence, pour la première fois à ma connaissance, à la complémentarité entre sécurité et développement, lors de la réunion du Quint en marge du sommet de l'OTAN de Varsovie. C'est un progrès, car, si le ministère français des affaires étrangères a aussi compétence en matière de développement, l'Allemagne dispose d'un ministère dédié au développement qui voit avec méfiance cette approche globale.

C'est souvent avec les Britanniques que nous avons une certaine identité de vues sur ces questions, même si je les pousse à s'engager plus contre Boko Haram. En l'espèce, sécurité et développement vont de pair. Le Niger, par exemple, pays pauvre, mais sérieux, est très fragilisé par Boko Haram. Il faut l'aider à la fois à se protéger et à se développer, sans se substituer aux efforts qui doivent venir de lui. Le G5-Sahel doit être aidé, car la solidarité en matière de défense a un coût pour les pays qui en font partie et c'est autant d'argent qu'ils ne placent pas dans le développement.

Les perspectives démographiques du continent africain doivent être bien comprises par les Européens : il y a énormément de potentiel, mais aussi énormément de risques.

Bernard Cazeau disait que nous n'avions pas à imposer le modèle démocratique. Les Tunisiens, pourtant, ont fait le choix de la démocratie. C'est le seul pays ayant connu le printemps arabe dans ce cas. Cela nous engage à les aider.

Avec le Qatar, qui a des moyens, nous allons d'ailleurs co-présider une conférence à la fin du mois de novembre sur l'investissement en Tunisie. Il faut aider la population tunisienne, sa jeunesse, qui sans cela s'impatientera, avec les risques de radicalisation que cela emporte.

Je suis admiratif des choix faits par les Tunisiens. La situation est fragile, mais la tendance est constante. Il faut donc les aider sans se substituer à eux.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Merci, monsieur le ministre.

La réunion est levée à 15 heures 35

Mercredi 28 septembre 2016

- Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président -

Accord France-Royaume Uni - Centres d'excellence et stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles - Examen du rapport et du texte de la commission

La réunion est ouverte à 10 h 04

La commission examine le rapport de M. Jacques Gautier et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 752 (2015-2016) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concernant les centres d'excellence mis en oeuvre dans le cadre de la stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles.

M. Jacques Gautier, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, cet accord relatif à la mise en oeuvre des centres d'excellence dans le cadre de la stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles entre la France et le Royaume-Uni s'inscrit dans le cadre plus global de la coopération de défense très étroite existant entre nos deux pays et à laquelle le Sénat prend toute sa part, via des réunions périodiques conjointes entre les commissions parlementaires françaises et britanniques chargées de la défense - la dernière édition s'est tenue au Sénat le 12 juillet dernier.

Je tiens à vous indiquer d'emblée que le vote britannique en faveur du Brexit du 23 juin dernier ne devrait pas remettre en cause cet accord bilatéral, comme l'indiquent quasiment tous les observateurs et comme a tenu à le souligner le ministre de la défense britannique, Michael Fallon, à l'occasion de l'Université d'été de la défense des 5 et 6 septembre 2016.

Cet accord s'inscrit plus précisément dans le volet industriel du Traité de Lancaster House de 2010, dont l'objectif est de rationaliser la base industrielle et technologique de défense franco-britannique. Dans le domaine hautement sensible des missiles, la France et le Royaume-Uni ont ainsi accepté une plus grande « dépendance mutuelle », tout en préservant leur autonomie stratégique, la sécurité de leurs approvisionnements et l'indépendance de leur politique extérieure, et ont décidé d'accompagner une intégration plus poussée des activités des filiales française et britannique du principal groupe missilier européen MBDA, sur une base de réciprocité et d'équilibre entre les deux filiales. Il s'agit avant tout de réduire la charge de développement des missiles nationaux et d'optimiser les investissements par des gains de synergie. MBDA estime que cela devrait lui permettre de réduire ses coûts d'environ 30 %.

Dans le secteur des missiles, la France et le Royaume-Uni coopèrent actuellement pour la rénovation des missiles de croisière SCALP et Storm Shadow (SCALP-PSSCEP), pour le développement du programme de missile anti-navire léger (ANL). L'accord de coopération relatif à ce programme a d'ailleurs permis de tester, avec succès, les principes qui seront appliqués dans la mise en oeuvre des centres d'excellence prévus par l'accord que nous examinons, « en lançant la spécialisation des bureaux d'études de part et d'autre de la Manche dans quatre disciplines ». Lors du sommet d'Amiens de mars 2016, une déclaration d'intention commune a été signée par les deux ministres de la défense pour le lancement d'une phase de conception commune pour le programme Futur Missile Anti-Navire-Futur Missile de Croisière (FMAN-FMC). Ce programme, qui a vocation à identifier des solutions communes pour remplacer à terme les missiles de croisière SCALP pour la France et Storm Shadow pour le Royaume-Uni, ainsi que les missiles anti-navires Exocet pour la France et Harpoon pour le Royaume-Uni, devrait faire l'objet d'un arrangement gouvernemental d'ici à la fin 2016, afin d'ouvrir la voie à des contrats possibles d'ici mars 2017. Il devrait être le premier grand programme développé par les centres d'excellence mis en place par le présent accord.

Nous venons de recevoir une très bonne nouvelle, dont je vous livre la primeur : hier soir, la ministre britannique en charge des acquisitions pour la défense, Mme Harriett Baldwin, en déplacement à Paris, a annoncé, que l'agence contractante sur le projet FMAN-FMC serait française. Si aucun contrat n'est encore signé, nous avons de bonnes raisons de nous réjouir.

Cet accord définit les obligations réciproques de la France et du Royaume-Uni relatives à la mise en oeuvre des centres d'excellence par le groupe MBDA sur chacun des territoires.

Pour mémoire, le groupe MBDA, créé en 2001, est détenu actuellement par trois principaux actionnaires : Airbus Group pour 37,5 %, BAE Systems pour 37,5 % et Finmeccanica, récemment renommé Leonardo, pour 25 %. En 2015, MBDA a réalisé un chiffre d'affaires de l'ordre de 3 Mds d'euros, soit une progression de 20 % par rapport à 2014, dont 50 % en France. Il a enregistré 5,2 Mds d'euros de prise de commandes, dont 70 % à l'export, à la suite notamment de la vente des avions de combat Rafale à l'Égypte et au Qatar - soit 27 % de croissance par rapport à 2014. Son carnet de commandes s'établissait à 15,1 Mds d'euros, l'équivalent d'environ cinq ans d'activités. En 2015, le Groupe comprenait 10 000 personnes en Europe, réparties principalement entre MBDA France (4 500 personnes), MBDA UK (2 850 personnes), MBDA Italie (1 350 personnes) et MBDA Allemagne (1 250 personnes). Actuellement ce groupe détient 20 à 25 % du marché mondial des missiles hors Russie et Chine.

Voyons en premier lieu en quoi consistent les centres d'excellence : ils sont globalement définis comme des centres techniques conjoints situés au sein de MBDA-France et de MBDA-UK. Leur mise en oeuvre a pour but la consolidation de l'expertise de ces deux filiales, afin de garantir des améliorations en termes d'efficacité, au bénéfice des deux Parties. Ces centres pourraient employer environ 1 000 personnes, dont environ 600 en France et 400 au Royaume-Uni. Il en existe deux catégories.

Première catégorie : les centres d'excellence fédérés combinent des expertises et des compétences technologiques détenues par MBDA-France et MBDA-UK. Ils permettent une utilisation plus optimale des ressources en vue d'une efficacité accrue mais conservent un niveau significatif et équilibré de compétences sur les territoires de chacune des deux Parties. Ils fonctionneront avec des équipes regroupant des personnels de MBDA-France et de MBDA-UK, spécialistes du domaine considéré et qui resteront dans leur pays d'origine. Chaque centre aura une gouvernance unique avec un seul responsable ayant autorité à la fois sur les équipes française et britannique.

Quatre centres d'excellence fédérés sont prévus par l'accord : dans le domaine des algorithmes, au Plessis-Robinson, à Bristol et Stevenage ; dans le domaine des logiciels, à Bourges, à Plessis-Robinson ainsi que Bristol, Stevenage et Lostock ; dans le domaine des senseurs de navigation, à Plessis Robinson ainsi que Bristol et Stevenage et dans le domaine des charges militaires complexes, à Plessis Robinson et Lostock-Bolton. Suite aux nominations de juillet 2016, la responsabilité de ces quatre centres sera partagée entre deux responsables français et deux responsables britanniques.

Seconde catégorie : les centres d'excellence prédominant spécialisés permettent de consolider, majoritairement - à hauteur de 80 % en pratique - sur le territoire d'une des Parties, les compétences et les expertises se rapportant à certaines technologies choisies de manière à permettre un équilibre technologique global entre les deux États. Une capacité résiduelle - en pratique à hauteur de 20 %- peut subsister sur le territoire de l'autre Partie, pour lui permettre de travailler sur des armements existants et sur des activités sensibles à l'échelon national.

Quatre centres d'excellence prédominants spécialisés sont envisagés. Ceux basés sur le territoire français portent sur les calculateurs de missiles (Plessis-Robinson) et les équipements de test (Bourges). Ceux basés sur le territoire britannique portent sur les technologies de liaisons de données embarquées sur les missiles (Stevenage et Bristol) et sur les actionneurs de gouverne (Stevenage).

Un suivi des capacités industrielles communes résultant de la mise en oeuvre des centres d'excellence est prévu et l'évolution des centres d'excellence fait l'objet d'une procédure de consultation et d'instruction préalables. L'élargissement des centres d'excellence à des États tiers, choisis en vue d'associer d'autres composantes nationales de MBDA, (Italie, Allemagne, Espagne) est également rendu possible, sous réserve de la conclusion d'un nouvel accord intergouvernemental entre les États ayant vocation à les accueillir.

Voyons maintenant les engagements réciproques des Parties en vue d'aménager leur interdépendance technologique

L'article 11 pose le principe d'un engagement de non-rétablissement : les Parties « s'abstiennent de financer des projets ou de prendre de décisions qui contribuent à la reconstitution ou au rétablissement sur leur territoire de capacités transférées sur le territoire de l'autre Partie dans le cadre des centres d'excellence ».

L'article 6 relatif à la sécurité d'approvisionnement garantit la fourniture réciproque d'informations et de technologies développées et fabriquées par les centres d'excellence, en temps de paix comme en cas de crise ou de conflit armé, ainsi qu'un accès sans obstacles aux centres eux-mêmes.

L'article 7 traite des niveaux de protection ou de classification des informations et technologies créées par les centres d'excellence, qu'il s'agisse de données futures ou déjà existantes, afin que les échanges ne soient pas inutilement entravés par des restrictions de sécurité nationale. D'une manière générale, les Parties facilitent l'échange d'informations, y compris d'informations classifiées, et protègent ces informations conformément aux dispositions de l'accord bilatéral de sécurité (conclu en 2008 et modifié en 2014), qui prévoit l'équivalence des classifications de sécurité des deux pays, aux fins de partage de certaines informations sensibles.

L'article 8 vise à faciliter le transfert, entre les Parties, de produits liés à la défense, notamment par le biais de licences globales réciproques et de même portée, couvrant l'ensemble du domaine d'activité du centre d'excellence. Ces licences globales vont permettre aux personnels français et britannique d'échanger sur l'ensemble des activités du centre d'excellence : données, matériels, technologies, logiciel, procédés ou expériences sauf s'il existe des restrictions nationales. Selon MBDA, ce sera « un facilitateur essentiel et indispensable au succès des Centres d'excellence », car chaque échange entre les filiales française et britannique nécessite actuellement la délivrance d'une licence individuelle de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG), après un temps d'instruction plus ou moins long.

L'article 9 pose un principe d'autorisation des transferts et des exportations à des tiers des productions issues des centres d'excellence, auquel il ne peut être dérogé que pour des motifs de politique étrangère et de sécurité nationale.

L'article 10 définit les règles de divulgation et d'utilisation des informations détenues par MBDA - France et MBDA-UK, entre les États signataires. Ce sont deux de ces dispositions, relevant du domaine de la loi, qui rendent nécessaires le recours à une autorisation parlementaire pour la ratification de l'accord, en application de l'article 53 de la Constitution. En premier lieu, les Parties s'engagent à n'empêcher ni l'échange d'informations, ni les cessions ou transferts des droits de propriété intellectuelle générés par les centres d'excellence, ni l'octroi de licences d'exploitation entre MBDA - France et MBDA-UK, sauf s'il existe de « sérieuses restrictions de sécurité nationale ». En second lieu, lorsque MBDA - France et MBDA-UK sont titulaires des droits sur une invention faisant l'objet d'un brevet ou d'une demande de brevet, les Parties s'assurent que MBDA octroie à chaque Partie, sur la même base, une licence d'utilisation irrévocable et exempte de redevance.

S'agissant des autres dispositions de l'accord, il faut surtout retenir que les décisions relatives à sa mise en oeuvre et à son fonctionnement sont prises dans le cadre d'une instance de pilotage spécifique, le Comité en charge de la stratégie de rationalisation du secteur des systèmes de missiles, composé d'un membre représentant chacune des Parties ainsi que d'un membre associé de de MBDA-France et d'un membre associé de MBDA-UK.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Cet accord propose un modèle innovant de coopération, sans équivalent à ce jour, qui, tout en préservant l'autonomie stratégique de chacune des Parties, la sécurité de leurs approvisionnements, leurs capacités opérationnelles ainsi que l'indépendance de leur politique extérieure, accroît leur dépendance mutuelle pour la fourniture de technologies intégrées dans les systèmes de missiles. Enfin, au moment où le Royaume-Uni s'apprête à quitter l'Union européenne, il importe de resserrer les liens bilatéraux, notamment dans un domaine où la coopération de défense et d'armement - celui des missiles - est particulièrement avancée et efficace. Le Royaume-Uni a déjà fait savoir, par note verbale, du 23 février 2016 qu'il avait achevé sa procédure interne de ratification de sa procédure.

L'examen en séance publique est fixé au jeudi 29 septembre 2016. La Conférence des Présidents a proposé son examen en procédure simplifiée, ce à quoi je souscris, car cela nous garantit une adoption rapide.

M. Jeanny Lorgeoux. - Merci. Il s'agit d'un accord considérable qui concrétise le travail de MBDA et de son président Antoine Bouvier. Il permet d'envisager avec bonheur l'avenir économique et les emplois sur les sites du Plessis-Robinson mais aussi de Bourges et de la Selles-Saint-Denis, qui me sont particulièrement chers. Cet accord est un signe fort de coopération franco-britannique en matière de coopération militaire, un signe nécessaire après le vote en faveur Brexit. Il « articule » parfaitement l'indépendance nationale et la volonté de coopération dans le domaine militaire.

M. Robert del Picchia. - C'est un accord important pour les entreprises, l'emploi, mais également pour la coopération franco-britannique après le vote en faveur du Brexit. Cet accord aura-t-il une influence sur nos partenaires européens ? Nos partenaires allemands et italiens ne risquent-ils pas d'être déçus devant cette coopération industrielle avec le Royaume-Uni ?

M. Jacques Gautier, rapporteur. - Merci à mes deux collègues pour leurs questions. Cet accord est technique mais c'est un pas essentiel vers une dépendance encadrée, car nous n'avons plus les moyens d'acquérir des matériels perfectionnés tout seuls. Il faut réduire les coûts, dans le respect de la souveraineté nationale. Je veux rassurer mon collègue Robert del Picchia : l'accord prévoit que nos partenaires européens, allemand et italien, qui sont actionnaires de MBDA, pourront être invités à rejoindre cette coopération par le biais des centres d'excellence, sous réserve de la conclusion d'accords intergouvernementaux. Depuis les traités de Lancaster House, le projet « One MBDA » dans le domaine des missiles a permis le rapprochement des structures française et britannique. C'était un premier pas vers ce que nous officialisons aujourd'hui. C'est une avancée importante dans la confiance partagée en matière de défense. Le travail de l'entreprise Nexter et de son homologue allemand, dans le domaine des véhicules terrestres, va un peu dans le même sens, même s'il s'agit de la fusion de deux entreprises.

Mme Nathalie Goulet. - En multipliant le nombre d'acteurs, on augmente aussi les risques en matière de propriété industrielle et de sécurité informatique. Qu'est-il prévu en la matière ?

M. Jacques Gautier, rapporteur. - s'agissant de la propriété industrielle, l'article 10 est entièrement consacré à la question. Les deux Etats veillent d'ailleurs eux-mêmes à ce que MBDA leur accorde des licences d'utilisation équivalente. Pour le reste, les réseaux informatiques et les communications sont sécurisées, même si une cyber-attaque n'est jamais totalement exclue. Le fait que 80 % du travail soit effectué dans le centre d'excellence d'un pays limitera aussi les échanges d'information et au-delà les risques de piratage évoqués

M. Joël Guerriau. - Merci. Je constate qu'entre 2008 et 2015, les commandes de MBDA ont plus que doublé. Il faut s'en réjouir même si cela révèle une montée des menaces dans le monde dans lequel nous vivons. MBDA est implanté dans cinq pays, dont le dernier en date les Etats-Unis. Nous venons de rencontrer l'ambassadrice des Etats-Unis et je me demande comment évolue le carnet de commandes de MBDA dans ce pays et plus largement quel avantage en retire la France. Par ailleurs, je viens d'apprendre qu'il y a une licence sur un missile qui autorise l'utilisation de l'uranium. Que faut-il en penser ?

M. Jacques Gautier, rapporteur. - Sur le point précis de l'utilisation éventuelle d'uranium dans un missile, je reviendrai vers vous ultérieurement, après de plus amples recherches. La pénétration du marché américain des missiles est très difficile du fait du protectionnisme, mais aussi parce que le leader mondial est l'entreprise américaine Raytheon. MBDA fait un gros travail en direction du marché américain. Pour la signature des contrats à l'exportation, comme ceux concernant le Rafale déjà évoqués, il faut savoir que les missiles et les bombes de qualité favorisent l'exportation. MBDA n'est pas tout seul, c'est l'équipe France qui se déplace à chaque fois. On peut penser que les exportations d'avions Rafale vont assurer, pour l'avenir, à MBDA, de longues fournitures de missiles. En effet, il est fréquent qu'au moment de la commande d'avions, les acheteurs limitent leur commande en missiles, mais doivent ensuite les compléter.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport (abstention de Mme Leila Aïchi) ainsi que le projet de loi précité. Il sera examiné par le Sénat en séance publique le 29 septembre 2016, selon la procédure simplifiée.

Répression des actes illicites contre l'aviation civile internationale et répression de la capture illicite d'aéronefs - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. Jean-Pierre Cantegrit et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 751 (2015-2016) autorisant la ratification de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale et du protocole complémentaire à la convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs.

M. Jean-Pierre Cantegrit. - Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l'aviation civile internationale et de son protocole complémentaire sur la répression de la capture illicite d'aéronefs.

Ces deux textes, adoptés par consensus à Pékin, le 10 septembre 2010, sous l'égide de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) visent à renforcer - et à remplacer - la convention de Montréal et la convention de La Haye qui, depuis plus de quarante ans, garantissent la sûreté de l'aviation civile internationale contre les risques de terrorisme aérien.

Ces deux instruments s'inscrivent dans le contexte d'un nombre croissant de victimes d'actes illicites contre l'aviation civile internationale : depuis le premier acte commis en février 1931 (détournement d'avion par des activistes politiques au Pérou), on compte près de 1 100 actes violents contre l'aviation civile, dont la grande majorité dans les années 1960 à 1990. Leur nombre a diminué à partir des années 1990 - de 200 en1990, on passe ainsi à 80 en 2000 puis à 12 en 2010 - avec pour contrepartie un accroissement significatif du nombre de victimes. On passe ainsi de 320 morts entre le début des années 1930 et la fin des années 60 à 2 300 dans les années 1980 et à plus de 3 250 dans les années 2000. Au total, les actes de violence contre l'aviation civile auraient causé la mort de près de 6 300 personnes depuis 1931. À signaler que plus des trois quart des victimes ont perdu la vie au cours des 20 attaques les plus meurtrières - l'attaque du 11 septembre représentant à elle seule près de la moitié des victimes.

Ces deux instruments s'inscrivent également dans le contexte d'un changement de nature des menaces dirigées contre l'aviation civile internationale : l'histoire des actes de piraterie aérienne a connu grosso modo trois grandes phases. Une première phase où l'objectif recherché était surtout de faire pression sur des gouvernements pour obtenir des rançons, la libération de détenus, une inflexion de leur politique ou bien encore l'asile politique. Les détournements d'aéronefs, bien que violents, ne faisaient pas ou peu de victimes. La deuxième période commence dans les années 1970, lorsque des groupes armés - voire des États - cherchent à détruire des aéronefs ciblés pour faire le maximum de victimes et accroître ainsi leurs pressions sur les autres États et-ou intimider des populations, au moyen de tirs d'armes de guerre contre des appareils en vol ou au sol ou par le placement de bombes à bord. Ce mode opératoire aurait causé au moins 2 500 victimes jusqu'à la fin des années 1990. On se souvient des 270 victimes de l'explosion du Boeing 747 de la Pan Am au-dessus de Lockerbie, en Ecosse, en décembre 1988, un attentat reconnu, en 2003, par le régime libyen de Mouammar Kadhafi. Les conventions de Montréal et de La Haye ont été adoptées, au début de cette période, en vue d'ériger en infractions internationales, le fait de commettre un acte de violence, quelle que soit sa nature, mettant en cause la sûreté d'un aéronef ainsi que la capture illicite d'aéronef civil. La troisième phase correspond à l'utilisation d'aéronefs comme armes pour conduire des attaques, en les projetant sur une cible, ainsi qu'à une intensification des attaques visant à détruire des appareils pour causer le maximum de victimes. Sont ainsi particulièrement emblématiques, les attentats du 11 septembre 2001, lorsque 19 terroristes ont détourné 4 avions de ligne pour les écraser sur le World Trade Center, le Pentagone et en Pennsylvanie. Avec 2 977 morts et disparus, il s'agit de l'acte de violence le plus meurtrier de l'histoire de l'aviation civile. Cette forme d'attaque est assez largement le fait du terrorisme islamiste qui compte à son actif une vingtaine de tentatives ou d'actes réussis depuis 1994 (les faits les plus récents se sont produits le 31 octobre 2015 en Egypte (tir de missile contre un avion russe par la branche égyptienne de Daech : 224 morts et le 29 mars 2016 en Somalie : attaque à la bombe contre un avion djiboutien : 1 mort). Pour faire face à ces nouvelles menaces terroristes, notamment au risque de plus en plus grand de voir des aéronefs employés comme vecteurs d'une attaque contre des cibles au sol ainsi qu'à la prolifération des armes de destruction massive, l'Organisation de l'aviation civile internationale a entamé, dès 2001, des réflexions en vue de renforcer les conventions existantes. Les deux instruments de Pékin que nous examinons aujourd'hui se présentent comme l'aboutissement de ces réflexions.

Venons-en aux dispositions de ces deux textes : elles sont pour la plupart rédigées de manière analogue, même si ceux-ci poursuivent des objectifs spécifiques :

La Convention de Pékin, composée de 25 articles, a pour principal objet de compléter la convention de Montréal qui visait les actes violents mettant en danger la sûreté d'un aéronef et des personnes à bord. Elle crée notamment plusieurs nouvelles infractions visant à incriminer un certain nombre d'actes, dès lors qu'ils sont commis dans le but de causer la mort, des blessures ou des dommages graves à des biens ou à l'environnement et qui sont relatives à l'utilisation d'un aéronef « en service » comme arme, au largage à partir d'un aéronef de substances biologiques, chimiques ou nucléaires dites « arme BCN » ou encore des matières explosives ou radioactives, à l'utilisation d'arme BCN ou de matières similaires contre ou à bord d'un aéronef, au transport illicite d'arme BCN ou de matières similaires et enfin à l'interruption des services d'un aéroport à l'aide d'un dispositif, en particulier les cyber-attaques contre les installations de navigation aérienne.

Le protocole de Pékin, composé également de 25 articles, a pour objet de renforcer la convention de La Haye qui visait les détournements d'aéronefs en vol, la tentative de commettre cette infraction ainsi que la complicité dans sa commission. Il érige désormais en infraction pénale le fait de s'emparer, illicitement et intentionnellement d'un aéronef « en service », c'est-à-dire d'un appareil « se trouvant au sol depuis le moment où le personnel au sol ou l'équipage commence à le préparer en vue d'un vol déterminé jusqu'à l'expiration d'un délai de 24 heures suivant tout atterrissage » ou d'en exercer le contrôle par tout moyen technologique.

Outre la complicité et la tentative déjà prévues, ces deux instruments ont en commun de sanctionner désormais la menace, la transmission de la menace, l'organisation, l'association de malfaiteurs, l'aide à la soustraction aux poursuites, la contribution à la commission qui permet de couvrir le financement. Ils prévoient que les États Parties s'engagent à réprimer ces infractions par des peines sévères, qu'ils ont la possibilité d'engager la responsabilité des personnes morales impliquées lorsque celles-ci sont constituées sous leur droit ou sur leur territoire. Les tribunaux des États Parties sont désormais compétents lorsque l'infraction est commise par un de leurs ressortissants ou contre l'un d'eux ou par une personne sans nationalité résidant sur leur territoire. D'une manière générale, les États Parties ont l'obligation de s'assurer que leurs tribunaux sont compétents pour toutes les infractions listées. Ces textes réaffirment aussi le principe aut dedere aut judicare (extrader ou poursuivre) qui impose aux États de prendre toute mesure utile pour qu'un auteur présumé d'infraction présent sur le territoire d'un des États Parties soit jugé ou extradé vers une autre Partie désireuse d'engager les poursuites. Ils mettent tous deux en place un dispositif garantissant le respect des droits des personnes en cas de détention et d'extradition : droit à un procès équitable, dépolitisation des infractions - une demande d'extradition ne peut donc pas être refusée au motif qu'elle concerne une infraction politique - et non-discrimination touchant aux personnes poursuivies - il n'y a pas d'obligation d'extrader s'il apparaît que la personne sera poursuivie sur le fondement de sa race, religion, nationalité, origine ethnique, opinion politique ou genre. Ces dernières clauses sont reprises de conventions récentes traitant de la répression du financement du terrorisme, des attentats terroristes à l'explosif et des actes de terrorisme nucléaire.

L'articulation entre ces instruments et le droit européen ne soulève aucune difficulté particulière. Le droit français, quant à lui, permet de répondre à la plupart des obligations introduites par ces deux instruments qui sont, pour l'essentiel, des précisions ou des élargissements d'obligations déjà existants. Il faudra cependant procéder aux trois adaptations suivantes. Dans le code pénal, la définition du détournement d'aéronef devra être révisée pour tenir compte de la définition de « l'aéronef en service » et de la nécessité de réprimer la prise de contrôle d'un aéronef par tout moyen technologique, et il faudra créer la nouvelle incrimination d'interruption des services d'un aéroport. Il faudra aussi modifier le code de procédure pénale pour permettre aux juridictions françaises d'avoir une compétence quasi-universelle, s'étendant aux infractions prévues par ces textes et commises hors du territoire français. Je rappelle à cette occasion que la délégation française a activement participé à l'élaboration de ces textes et que la Chancellerie a naturellement été associée à toute la négociation.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. En effet, les instruments de Pékin vont permettre de faire face aux nouvelles menaces qui pèsent sur l'aviation civile internationale et qui sont liées au terrorisme et à la prolifération des armes de destruction massive, en insérant dans le corpus juridique international de nouvelles incriminations. Ils entreront en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt du vingt-deuxième instrument de ratification ou d'approbation. Ouverts à la signature depuis le 10 septembre 2010; la convention de Pékin compte à ce jour 31 signatures et 8 ratifications et le protocole de Pékin, 33 signatures et 7 ratifications.

L'examen en séance publique est fixé au jeudi 29 septembre 2016. La Conférence des Présidents a proposé son examen en procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

Mme Nathalie Goulet. - C'est le trente-cinquième anniversaire de l'abolition de la peine de mort. Le refus de l'extradition vers les pays qui appliquent la peine de mort est-il évoqué dans ces deux instruments ? Ce type d'attentat peut notamment avoir lieu dans des pays ou être commis par des ressortissants de pays où la peine de mort est toujours en vigueur.

M. Jean-Pierre Cantegrit, rapporteur. - Ces deux instruments ne contiennent pas de disposition particulière sur cette question. On peut donc penser que les pays seront fidèles à leur pratique constante en matière d'extradition.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité. Il sera examiné par le Sénat en séance publique le 29 septembre 2016, selon la procédure simplifiée.

Nomination de rapporteurs

La commission nomme rapporteurs :

. M. Robert del Picchia sur le projet de loi n° 863 (2015-2016) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Autriche relatif au statut juridique des personnels de l'armée fédérale autrichienne au cours de leur séjour dans la collectivité territoriale française de Guyane ;

. Mme Nathalie Goulet sur le projet de loi n° 448 (2014-2015) autorisant l'approbation de la convention d'extradition signée le 2 mai 2007 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État des Émirats arabes unis ;

. M. Joël Guerriau sur les projets de loi n° 260 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama relatif aux services aériens, n° 241 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif aux services aériens et n° 242 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique du Congo ;

. Mme Marie-Françoise Perol-Dumont sur les projets de loi n° 130 (2014-2015) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica, n° 131 (2014-2015) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica et n° 221 (2014-2015) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Union des Comores.

La réunion est levée à 10 h 53