Mercredi 5 juillet 2017

- Présidence de M. Alain Milon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) - Présentation du rapport d'information

M. Alain Milon, président. - Mes chers collègues, je vous informe que le rapport concernant l'interrégimes en matière de retraite que devaient nous présenter aujourd'hui Anne Emery-Dumas et Gérard Roche sera examiné lors d'une prochaine réunion de commission, Gérard Roche ne pouvant être parmi nous ce matin.

Notre ordre du jour se limitera donc au rapport de nos collègues sur les UHSA. C'est un point extrêmement important à mes yeux. Je suis heureux qu'elles aient accepté de mener ce travail.

Je salue la présence d'Antoine Lefèvre, chargé par la commission des finances d'un contrôle budgétaire sur les dépenses de santé des détenus, sujet lié à celui que nous allons évoquer ce matin.

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Monsieur le président, mes chers collègues, le travail au long cours dans lequel nous nous sommes lancées, mes corapporteures et moi-même, s'inscrit dans la suite des précédents travaux de contrôle effectués par notre commission. La question des UHSA a été abordée une première fois en 2010 dans un rapport conjoint avec la commission des lois, pour lequel nos rapporteurs étaient Christiane Demontès et Gilbert Barbier puis, en 2012, dans le rapport du président Milon sur la prise en charge psychiatrique des personnes atteintes de troubles mentaux.

Nous avons considéré, avec le président, que le moment était venu de nous pencher à nouveau sur cette question. En effet, les UHSA sont un dispositif très spécifique destiné à apporter une réponse à un problème grave : la prise en charge psychiatrique des personnes détenues.

Elles ont été créées par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, dite loi Perben I, qui a inscrit dans le code de la santé publique la disposition suivante : « L'hospitalisation, avec ou sans son consentement, d'une personne détenue atteinte de troubles mentaux est réalisée dans un établissement de santé, au sein d'une unité spécialement aménagée ».

Ce dispositif a depuis été précisé, en dernier lieu par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Nous avons visité trois des huit UHSA actuellement en fonctionnement, celle du Vinatier à Lyon, la première UHSA, inaugurée en 2010, celle de Fresnes rattachée au centre hospitalier Paul Guiraud, ouverte en 2013 et, peu avant la suspension des travaux en séance publique, celle de l'hôpital Gérard Marchant à Toulouse, la deuxième UHSA, qui a ouvert ses portes en 2012. Je précise que l'UHSA de Lyon porte le nom de Simone Veil...

Le principe fondamental concernant les soins en prison est que les personnes détenues doivent bénéficier, dans toute la mesure du possible, des prises en charge accessibles à l'ensemble de la population.

Ainsi, depuis 1994, l'organisation des soins dans les établissements pénitentiaires ne dépend plus du ministère de la justice mais de celui de la santé, qui affecte aux unités de soins en prison des personnels hospitaliers et contractuels.

Historiquement, deux niveaux de structure existent pour la prise en charge des soins somatiques et psychiatriques.

Le premier est constitué par les unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) situées au sein de chaque établissement. Il y en a 179. Elles ont vocation à prendre en charge les soins ambulatoires tant pour ce qui concerne la santé physique que mentale.

Le deuxième niveau de prise en charge est spécifique à la santé mentale. Il est constitué de 26 services médicaux psychologiques régionaux (SMPR) qui doivent proposer des consultations psychiatriques spécialisées voire une hospitalisation de jour.

En mettant en place ces structures, on espérait couvrir les besoins en santé physique et mentale de la population détenue. Force est cependant de constater que ces moyens sont parfois insuffisants, sans parler du fait que la santé physique et mentale des personnes détenues est beaucoup plus dégradée que celles de la population générale.

De nombreuses études de prévalence ont été menées au début des années 2000, au moment où la question de la « dangerosité » agitait le débat public.

Il en ressort que la prévalence des maladies mentales en prison est particulièrement importante, soit que l'on incarcère des personnes atteintes de troubles mentaux -nous y reviendrons plus tard- soit que la prison soit elle-même pathogène. Les deux explications se cumulent.

Le dispositif d'accès aux soins des détenus prévoit que, si une consultation spécialisée est nécessaire et qu'elle ne peut être organisée au sein de l'UCSA, elle doit l'être dans le centre hospitalier dont dépend la prison. Mais, en pratique, il est souvent difficile d'organiser la sortie, on parle d'extraction, d'une personne détenue pour une consultation de spécialistes ou une hospitalisation.

Cette difficulté tient au fait que toute sortie d'un détenu se fait sous escorte. Du fait des difficultés de coordination avec la gendarmerie, celles-ci sont désormais uniquement assurées par les surveillants pénitentiaires. Or ils sont peu nombreux -nous avons pu nous-mêmes le constater- et les moyens de transports dont ils disposent varient d'un département à l'autre.

Concrètement, il est donc difficile de mobiliser les moyens pour qu'un détenu puisse se rendre à une consultation à l'hôpital, d'autant plus que la demande doit correspondre aux capacités d'organisation des services hospitaliers. Tant qu'un détenu est à l'hôpital, il doit se trouver sous surveillance de l'administration pénitentiaire ou être dans un local sécurisé.

Ceci aboutit à ce que la contrainte de surveillance prime sur les besoins en matière de soins, particulièrement pour ce qui relève de la psychiatrie. Les détenus nécessitant une hospitalisation en établissement psychiatrique se trouvaient parfois placés d'office dans les chambres d'isolement ou orientés vers les unités pour malades difficiles, quelle que soit la pathologie dont ils souffraient, et même si cette forme de prise en charge s'avérait inappropriée, voire contre-productive.

Mme Brigitte Micouleau, rapporteure. - C'est pour remédier à cette situation qu'il a été décidé de créer des UHSA pour l'accueil des détenus nécessitant une hospitalisation psychiatrique à temps plein.

Ces unités ont été définies par la loi et par des décrets. Il s'agit de bâtiments dédiés, construits sur l'emprise d'établissements psychiatriques, et dont la sécurité périmétrique est assurée par le ministère de la justice.

Chaque UHSA dispose de 40 ou 60 places d'hospitalisation et d'un nombre de personnels dédiés fixé par une circulaire de 2011. Dans l'ensemble, le ratio soignants-patients est le même qu'en population générale.

On peut néanmoins noter que les postes de soignants en UHSA sont plutôt valorisés par les personnels et qu'on constate moins d'absentéisme que dans les autres services. La présence effective tend donc à être plus importante.

Cette uniformité dans l'organisation recouvre une forte diversité régionale. Les huit UHSA actuellement en fonctionnement - une neuvième vient d'ouvrir à Marseille cette année - sont en effet le fruit de plusieurs compromis locaux.

Tout d'abord, un compromis entre les exigences de sécurité fixées par l'administration pénitentiaire et le projet de soins porté par l'équipe médicale qui a préfiguré l'unité.

Extérieurement, bien qu'elles se trouvent sur un terrain comprenant un ensemble de bâtiments dédiés aux soins psychiatriques, les UHSA se présentent comme des prisons. Elles ont un mur d'enceinte entouré de grillages et un accès sécurisé, contrôlé par des surveillants de l'administration pénitentiaire. Nul ne peut y entrer sans justifier de son identité et passer par les portiques de sécurité qui mènent aux parloirs, surveillés par l'administration pénitentiaire, et aux unités de soins.

Cependant, une fois ces formalités accomplies, les surveillants de l'administration pénitentiaire n'ont plus accès aux locaux internes de l'UHSA, qui sont des services hospitaliers placés sous l'autorité des médecins.

La difficulté à concilier les deux cultures se traduit dans l'agencement des bâtiments : à Lyon et à Toulouse, nous avons ainsi pu voir des cours réservées à la promenade des détenus ou destinées à offrir un espace de pause aux personnels, dont l'administration pénitentiaire avait obtenu que l'accès soit interdit ou particulièrement restreint par crainte d'une évasion par hélicoptère.

De même, ce sont des considérations de sécurité qui ont limité les espaces réservés aux familles tant au Vinatier qu'à Toulouse, ce qui limite singulièrement la possibilité de travail avec ces mêmes familles.

En outre, chaque projet médical a entraîné des choix qui font qu'aucune UHSA ne ressemble à une autre.

Celle de Lyon, la première à avoir été construite, se situe sur deux niveaux, tandis que celle de Toulouse, de plain-pied, présente une forme rayonnante complexe, et que celle de Villejuif adopte un agencement plus classique en rectangle.

Ces choix découlent de la manière dont les soignants ont conçu la prise en charge des patients. Tous suivent en effet une progression entre le moment de leur arrivée et celui de leur sortie qui les place successivement dans différentes parties de l'UHSA.

Ces parcours sont conçus de manière plus ou moins fluide. Les malades qui arrivent au sein de l'UHSA nécessitent une hospitalisation à temps plein car ils sont en situation de crise. Si un premier traitement a parfois pu être administré au sein de l'établissement pénitentiaire où ils se trouvaient, ou du SMPR où ils ont été transférés, voire dans un hôpital extérieur, les malades qui arrivent en UHSA sont dans une situation qui implique une première phase d'observation et de prise en charge médicamenteuse souvent lourde. Nous avons surtout pu le constater à Lyon.

À l'issue de cette première phase, la pathologie peut être précisément déterminée, et un traitement destiné à la stabiliser peut être mis en place.

Enfin, dans une troisième phase, le patient stabilisé est placé dans une situation d'autonomie croissante destinée à lui permettre de réintégrer son établissement d'origine.

L'accent mis sur ces différentes phases et le degré d'accompagnement des patients varient d'une équipe médicale à l'autre, ce qui se traduit dans l'agencement des locaux.

À l'issue de nos auditions et de nos visites de terrain, nous avons pu formuler les constats suivants sur le fonctionnement des UHSA...

Tout d'abord, l'engagement des équipes soignantes est particulièrement remarquable. Les médecins, très majoritairement des femmes, les infirmiers, les psychologues, et l'ensemble des intervenants -ergothérapeutes, art-thérapeutes...- que nous avons rencontrés sont particulièrement investis dans leur travail et dans le projet, qu'ils portent le plus souvent depuis son origine.

Nous avons été très impressionnées de voir que les équipes qui ont contribué à la création des UHSA continuent à y travailler.

Par ailleurs, les contacts au quotidien entre personnel hospitalier et administration pénitentiaire semblent s'effectuer de manière satisfaisante.

Il n'était pas acquis qu'il en soit ainsi, et la création de la première UHSA à Lyon s'est avérée assez conflictuelle. Il faut donc nous féliciter de ce que le caractère hybride de ces établissements soit assumé de chaque côté et que, localement, le dialogue parvienne à se nouer pour parvenir à un fonctionnement le plus efficace possible.

La prise en charge effectuée par les UHSA répond à des besoins réels. Leur taux de remplissage est partout proche de 100 % et elles ont toute une liste d'attente. La durée moyenne de séjour est de 45 jours pour une prise en charge de pathologies lourdes : schizophrénie, troubles bipolaires, dépressions et troubles spécifiques de la personnalité.

Les femmes constituent moins de 10 % des patients, en miroir de la population carcérale générale. Le taux de réadmission est relativement faible : ce ne sont donc pas toujours les mêmes qui reviennent à l'UHSA.

Les UHSA répondent à un problème spécifique, celui des soins psychiatriques sans consentement en prison. Ceux-ci, longtemps impossibles, étaient particulièrement difficiles à mettre en oeuvre.

Les UHSA accueillent en moyenne près 50 % de patients en soins sans consentement, bien qu'il existe de fortes disparités locales. Ces cas, a priori les plus graves, trouvent donc généralement une réponse adéquate et ce dans des délais raisonnables, puisque la plupart des UHSA parviennent à répondre à une demande d'hospitalisation dans les 48 heures. Ce délai peut cependant parfois s'allonger jusqu'à une quinze jours, voire plus.

La contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Mme Adeline Hazan, a d'ailleurs dénoncé le caractère très contraignant des procédures d'entrée dans les UHSA qui peuvent aboutir à des listes d'attente longues -30 personnes pour les 60 places de l'UHSA Paul Guiraud.

En pratique les UHSA n'acceptent un patient que si la structure SMPR ou UCSA garantit qu'elle reprendra le malade à l'issue de son traitement.

Parallèlement, il est intéressant de relever que plus de la moitié des hospitalisations en UHSA sont volontaires et que les malades consentent aux soins. Les équipes nous ont d'ailleurs fait part du fait que, souvent, un patient arrivé en situation de crise dans le cadre d'une hospitalisation sans consentement, consent en fait aux soins dès qu'il est pris en charge de manière adéquate.

Les qualités professionnelles des équipes soignantes et de celles de l'administration pénitentiaire permettent donc aux UHSA d'assurer les missions qui leur ont été confiées.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Plusieurs difficultés demeurent néanmoins, dont certaines sont propres aux UHSA, tandis que d'autres sont le reflet des difficultés de notre système pénitentiaire dans son ensemble.

Les UHSA sont par nature des structures particulièrement coûteuses sur le plan de la psychiatrie et de la santé mentale, ainsi que l'a relevé la Cour des comptes dans son rapport de 2011.

Outre l'investissement immobilier très lourd, puisqu'il s'agit de construire à neuf un service hospitalier et une enceinte de prison, les frais de personnel sont difficiles à assumer, particulièrement du côté de l'administration pénitentiaire, qui a vu le nombre de gardiens diminuer dans le cadre de la RGPP.

De plus, les moyens de l'administration pénitentiaire sont très variables localement.

Dans certaines régions, l'administration pénitentiaire a eu recours, pour les transports de détenus qu'elle doit assurer, à des contrats de partenariat public-privé qui s'avèrent très insatisfaisants. Les représentants de l'administration ont insisté sur ce point à Lyon : malgré un coût important, il n'y a pas suffisamment de chauffeurs et de véhicules pour assurer le transport des détenus de toute une région vers et depuis l'UHSA.

Surtout la population des UHSA est par nature difficile. Elle est composée d'une majorité de criminels condamnés pour des crimes de sang. La nécessité pour les personnels soignants d'appeler en renfort les gardiens de prison varie fortement d'un établissement à l'autre mais, à Toulouse notamment, le rapport annuel de l'UHSA constate depuis deux ans une augmentation de l'insécurité au sein des unités de soins.

Plus largement, les critiques adressées aux UHSA rejoignent celles relatives à notre système pénitentiaire en général et, plus spécifiquement, à l'incarcération des personnes atteintes de troubles mentaux. C'est sur un fond de polémique que les UHSA ont été créées, polémique nourrie par une déclaration du Président de la République de l'époque, qui avait parlé d'« hôpital-prison ».

On a pu craindre que ces unités servent à cautionner l'enfermement des personnes malades dans une optique de protection de la société peu compatible, vous en conviendrez, avec le respect des droits individuels. L'équipe médicale de l'UHSA du Vinatier nous a expliqué le long travail de discussion en son sein et auprès des autres psychiatres pour fonder et expliquer leur projet thérapeutique.

L'équipe accueille certains patients qui viennent d'être incarcérés et qui sont en attente que la justice statue sur leur responsabilité pénale. Le but n'est pas de permettre de les garder en prison mais de poser le diagnostic le plus exact, et de mettre en place le plus rapidement possible la prise en charge.

De même, pour les personnes condamnées, il ne s'agit pas de permettre leur maintien en prison, mais bien de leur apporter les soins qu'elles nécessitent dans les meilleures conditions.

Nous nous sommes néanmoins interrogées lors de notre visite sur le fait de savoir si parfois, quand l'équipe n'a pas mis en place une prise en charge séquencée destinée à accompagner la progression des malades, ceux-ci ne se trouvent pas soumis à une « camisole chimique » qui rend leur état compatible avec le retour en prison « ordinaire ».

De fait, plusieurs types de patients pris en charge au sein des UHSA amènent les équipes à s'interroger sur la meilleure démarche à suivre et sur la cohérence d'ensemble du système. Leur présence en prison apparaît effectivement comme contestable. Il y a ceux qui sont trop malades pour que l'incarcération ait un véritable sens pour eux, mais qui ont été reconnus responsables de leurs actes. Ceux-là tendent à occuper durablement les lits des structures où ils sont transférés.

À Toulouse, on nous a indiqué que l'unité venait de transférer vers une unité pour malades dangereux, afin de lui faire subir un traitement par électroconvulsivothérapie, un patient qui se trouvait au sein de l'UHSA depuis son ouverture, soit cinq ans.

Ces durées d'hospitalisation hors norme se reproduisent pour quelques cas dans chaque UHSA. Elles nous imposent de prendre avec circonspection les statistiques relatives à la durée moyenne d'hospitalisation, mais surtout nous conduisent à nous interroger sur le sens qu'il y a à mettre en prison, plutôt que directement à l'hôpital, quelqu'un qui a besoin à l'évidence de soins lourds.

À l'UHSA de l'hôpital Paul Guiraud, on nous a particulièrement signalé le cas de jeunes pour lesquels le passage à l'acte est le premier signe de leur pathologie mentale, et ceux incarcérés pour un acte délictuel et dont on découvre à cette occasion qu'ils souffrent d'une pathologie mentale lourde.

Ce phénomène est parfois amplifié pour les jeunes migrants. Pour eux se pose la question de l'articulation des soins dans et hors prison.

Parmi les patients atteints de pathologies mentales, plusieurs supportent mal l'incarcération en milieu ordinaire où ils sont victimes de violences du fait de leur inadaptation. La tentation peut donc être de garder ces malades en hospitalisation pour les protéger. Ici encore, la question de l'adaptation des moyens aux fins doit être posée.

Un dernier type de patients doit également être mentionné, ceux dont la pathologie, notamment dépressive, se chronicise du fait de la prison.

Or les magistrats ont tendance à prévoir une incarcération en UHSA pour s'assurer qu'une personne sera soignée. De même, l'administration pénitentiaire a parfois tendance à psychiatriser tous les comportements difficiles. Les équipes du Vinatier nous ont ainsi indiqué qu'après avoir tenté d'orienter vers l'UHSA les délinquants sexuels, on avait tenté de leur faire prendre en charge la radicalisation, ce pourquoi ils ne sont pas formés.

Par ailleurs, le nombre de détenus pour lesquels des consultations doivent être organisées dans les centres hospitaliers spécialisés en psychiatrie reste très élevé, ce qui indique que les UHSA ne suffisent pas à répondre aux besoins. L'UHSA de l'Hôpital Paul Guiraud est ainsi notoirement insuffisante avec ses soixante places pour répondre aux besoins des 13 000 détenus d'Ile-de-France.

Le manque de places entraine des difficultés dans l'organisation des soins. La contrôleure générale des lieux de privation de liberté a ainsi dénoncé lors de son audition le fait que des mineurs soient pris en charge avec des majeurs au sein des unités, d'autant qu'elles ne disposent pas de personnels spécialisés pour les prendre en charge.

La première vague de construction des UHSA s'est avérée particulièrement lente et la deuxième vague n'a pas été engagée. En effet, le programme aurait du^ s'étaler entre 2008 et 2011, mais sur les neuf unités de la première tranche, qui comporte 440 lits, trois unités ont ouvert entre 2010 et 2012, quatre seulement en 2013 et une en 2015. Celle de Marseille vient tout juste d'ouvrir.

La deuxième vague devrait apporter 300 places supplémentaires et voir notamment la création de trois établissements dans les outre-mer.

Faut-il l'engager ? Oui, nous le pensons toutes les trois, mais sous certaines conditions : poursuivre le travail de coordination entre les UHSA pour permettre d'identifier leurs problèmes communs et de définir les meilleures pratiques, prévoir de présenter les missions et le fonctionnement des UHSA aux magistrats dès leur formation et organiser des contacts plus fréquents entre eux et les équipes des UHSA afin qu'ils connaissent leur rôle exact.

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - En conclusion, ce dispositif récent que sont les UHSA est important et intéressant à condition de l'utiliser pour les fins qui sont les siennes : offrir une prise en charge hospitalière à temps complet pour les troubles mentaux des personnes détenues pour la durée qui est nécessaire à l'amélioration de leur état. Si on parvient à l'utiliser conformément à sa vocation, il est important de le préserver et de mener son développement à son terme.

M. Alain Milon, président. - Merci.

Il semblerait -et c'est intéressant- que les UHSA permettent parfois d'établir un diagnostic psychiatrique. Ce n'est déjà pas si mal, surtout quand on sait qu'en France, il intervient souvent plusieurs années après que les troubles se déclarent.

La parole est à M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Antoine Lefèvre. - Je tiens tout d'abord à saluer le travail des rapporteurs et à remercier la commission des affaires sociales de me recevoir.

Au-delà du rapport sur les dépenses de santé des détenus, que je présenterai fin juillet, je rejoins l'analyse qui a été faite. J'ai pu constater, au cours de mes propres visites, l'engagement incroyable et la grande détermination des personnels, souvent constitués de jeunes femmes. Leur dévouement et la passion pour leur mission sont remarquables, surtout compte tenu des conditions matérielles et structurelles, qui ne sont pas toujours faciles.

Vous avez évoqué le délai nécessaire à la mise en oeuvre de la seconde vague de construction des UHSA. Il faut bien reconnaître que les choses tardent un peu. On ne peut que constater les différents manques.

Je n'oublie pas que ces unités sont extrêmement coûteuses, tant en investissement qu'en fonctionnement. Peut-être faut-il affiner les choses, toutes les personnes n'étant pas à leur place dans ces unités compte tenu de leur pathologie. Doivent-elles ou non demeurer en détention ?

Il est également important de prévoir un maillage territorial cohérent. L'Île-de-France concentre un grand nombre d'établissements, mais il faudra également tenir compte des autres besoins. Le Premier ministre a évoqué la construction de nouvelles places. Il conviendra de veiller à mettre tout ceci en adéquation.

M. Alain Milon, président. - La parole est aux commissaires.

M. Philippe Mouiller. - Tout comme mon collègue, je voudrais remercier les trois rapporteurs pour la qualité de ce travail, qui a dû être humainement difficile. Je les félicite pour la clarté de leurs propos.

Mes questions portent sur les aspects quantitatifs.

D'une façon générale, dispose-t-on d'une estimation des besoins en matière de places au niveau national en regard de la population carcérale, afin de la rapprocher des engagements pris par le Premier ministre ?

N'existe-t-il pas une obligation d'accompagnement ainsi qu'un minimum d'investissement ?

Ceci soulève la question de savoir quel budget supportera ces dépenses. Celui des prisons ou celui de la santé ? Comment cette répartition budgétaire s'articule-t-elle au regard des objectifs ?

Par ailleurs, quel est le coût moyen d'une UHSA ?

On a évoqué la qualité des personnels. Des formations spécifiques sont-elles dispensées pour s'occuper de ce type de population ?

Vous avez également évoqué la tentative d'accompagnement des personnes en phase de déradicalisation. N'existe-t-il pas un lien entre les deux sujets, puisque cette problématique se caractérise par des atteintes psychologiques ?

Enfin, n'est-il pas plus intéressant d'accompagner les personnes bientôt appelées à sortir de prison plutôt que les autres ?

Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Il est vrai que les choses ont été humainement difficiles, mais également enrichissantes. Colette Giudicelli l'a souligné : nous restons sur notre faim, monsieur le président, et nous aurions envie de poursuivre. On a commencé par des auditions avant de nous rendre sur place, ce qui a généré de nombreuses questions.

Quant au financement, qui constitue le nerf de la guerre, il est à la fois assuré par l'administration pénitentiaire et par le ministère de la santé pour tout ce qui concerne leurs domaines respectifs. Ceci est tangible sur le plan spatial lorsqu'on visite ces unités. À l'arrivée, on est sous l'autorité du système pénitentiaire, à qui on fournit les pièces d'identité, avant de passer sous les portiques de détection. Lorsqu'on pénètre ensuite dans l'enceinte hospitalière, c'est au tour du personnel de santé de prendre le visiteur en charge.

Les choses avancent, et c'est ainsi que l'UHSA de Marseille va pouvoir recevoir des patients.

S'agissant de la radicalisation, il nous semble que celle-ci ne correspond pas à la philosophie des UHSA, qui sont réservées aux troubles mentaux. On est donc là sur une autre problématique.

Vous demandez si l'on ne peut prendre en charge les patients qui vont sortir de manière privilégiée afin de s'assurer le plus possible de leur adaptation. Les UHSA agissent sur saisine, généralement après une crise de ces patients, qu'il faut vraiment prendre en charge après qu'ils aient « disjoncté ». Ils peuvent être dangereux pour eux-mêmes et pas simplement pour les autres. Ils ont donc besoin d'une prise en charge rapide.

Enfin, nous avons été toutes les trois convaincues par les UHSA pratiquant par « séquencement ». Cela permet au patient, après son arrivée, de passer de zone en zone en fonction de l'amélioration de son état de santé. Son traitement chimique va en outre être allégé afin qu'il puisse sortir de l'unité psychiatrique et retrouver la prison.

Lors de notre première visite, nous avons été bouleversées par certains patients sous camisole chimique et inquiètes sur les conditions de leur retour en prison.

Mme Brigitte Micouleau, rapporteure. - Nous avons effectivement été troublées, lors de notre visite au Vinatier, à Lyon, par le fait que certains patients se comportaient comme de véritables robots. Nous nous sommes posé la question : comment allaient-ils pouvoir retourner en prison, au milieu d'autres détenus ? Comment allaient-ils se défendre ? Allaient-ils continuer à prendre leurs médicaments ou passer à nouveau à l'acte dès leur sortie d'incarcération ? C'est un réel problème.

Pour ce qui est de la déradicalisation, je rejoins Laurence Cohen. Il ne s'agit pas de troubles mentaux. Il est donc difficile de les incorporer dans les UHSA, d'autant qu'on estime aujourd'hui qu'il faut 900 places au niveau national. 440 sont aujourd'hui construites, avec l'UHSA de Marseille qui va bientôt être mise en service.

À Toulouse, les équipes nous ont expliqué qu'aller chercher des patients à Montpellier demande 2 heures 30. Il faut également les ramener. Il faudrait donc essayer de réaliser un maillage plus logique et avoir plus d'une UHSA par région, celles-ci étant devenues des mastodontes.

Les personnels n'ont pas de formation spécifique mais ils sont si soudés, les équipes travaillent tellement en osmose, qu'il existe très peu d'absentéisme.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Le coût total de construction de Toulouse s'élève à 13 millions pour les parties justice et santé. Il faut y ajouter le fonctionnement.

M. Alain Milon, président. - Ce sont là les chiffres pour une unité de 60 places.

Je voudrais rappeler que ce n'est pas parce qu'on est un malade psychiatrique qu'on est dangereux, ni parce qu'on a été dangereux qu'on est un malade psychiatrique. On peut être parfois dangereux sans être un malade psychiatrique. Il est extrêmement important de le répéter.

Parfois, l'acte dangereux n'est même pas dû à la maladie psychiatrique, qui n'est découverte qu'ensuite.

M. René-Paul Savary. - Pouvez-vous nous indiquer le montant du prix de journée ?

Par ailleurs, quelles sont les villes qui possèdent des UHSA ?

Les nouvelles pratiques addictives chez les jeunes vont entraîner de plus en plus de troubles schizophréniques.

La radicalisation touche par ailleurs aujourd'hui des personnes d'âge moyen. Les services sociaux sont confrontés à des problèmes de prise en charge redoutables, bien que le personnel commence à être formé. Il est donc intéressant de prendre en compte dans ces unités le dépistage et la prévention de la radicalisation, à laquelle nous allons être de plus en plus confrontés.

Existe-t-il des statistiques sur le type de patients pris en charge, par exemple des personnes âgées qui souffrent de troubles cognitifs, ce qui peut se traduire par de l'agressivité, voire des passages à l'acte ?

Enfin, ces unités sont-elles construites sur les lieux de la prison ou près des hôpitaux psychiatriques ?

Mme Brigitte Micouleau, rapporteure. - Dans les hôpitaux psychiatriques.

Mme Annie David. - À mon tour de remercier nos trois rapporteurs. Même si ce travail vous a beaucoup apporté, je pense que certaines situations ont dû être difficiles à vivre. Vous êtes parvenues à rendre les choses sensibles de ce point de vue.

Le secteur de la psychiatrie, que j'essaye de suivre dans mon département, est largement sinistré, tout comme le secteur pénitentiaire.

Je partage l'avis d'Alain Milon : ce n'est pas parce qu'on a des problèmes psychiatriques qu'on est forcément dangereux. Or j'ai le sentiment que les magistrats ne sont pas suffisamment formés pour faire la part des choses entre l'internement en hôpital psychiatrie et l'internement dans les UHSA.

Comment faire pour mieux former nos magistrats ou, à tout le moins, les aider à faire la part des choses entre la psychiatrie et l'incarcération ?

J'ai suivi un stage destiné aux parlementaires au tribunal de Toulouse. L'un des juges me disait qu'il se référait à l'avis du psychiatre sur les personnes qu'il devait auditionner. Peut-être faudrait-il une meilleure articulation entre justice et psychiatrie. Avez-vous pu en discuter ? Quelles pistes pourriez-vous indiquer ?

Je voudrais également insister sur la qualité du personnel médical -dont vous avez fait état- et sur les difficultés que celui-ci rencontre. Il est important de mettre ces qualités en valeur. Il faut souligner que le personnel des UHSA ne peut traiter toutes les personnes que l'on souhaite y envoyer. Je pense aux personnes radicalisées. Ce sont des publics différents des autres. Les UHSA ne peuvent recevoir tout le monde.

Mme Brigitte Micouleau, rapporteure. - Nous sommes d'accord !

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - En effet !

M. Daniel Chasseing. - Je veux à mon tour féliciter les rapporteurs et le personnel de ces unités, qui sont sûrement des passionnés.

Tous les malades psychiatriques ne sont en effet pas des délinquants, mais certains peuvent commettre des délits. On sait que l'hospitalisation d'office à la demande d'un tiers n'est pas facile, même si les gens souffrent de troubles du comportement. Certains ne prennent plus leurs médicaments, et on ne le sait pas...

Les UHSA sont très importantes selon moi pour formuler un diagnostic et pouvoir surveiller médicalement l'efficacité d'un traitement avant le retour de l'intéressé en prison. Les neuroleptiques ont certes des effets secondaires, mais ils sont malheureusement indispensables.

Il existe bien sûr un problème de financement. Ces unités sont sûrement ce qu'il convient de réaliser dans l'avenir. Compte-t-on d'autres projets que ceux que vous avez indiqués ? Quand vont-ils être réalisés ? Y a-t-il des projets similaires dans le cadre de la radicalisation ?

Mme Corinne Imbert. - Je remercie les trois rapporteurs pour leur travail.

Vous avez évoqué une population de détenus essentiellement masculine, mais comportant néanmoins des mineurs. Le principe de séparation entre les hommes et les femmes, les adultes et les mineurs, est-il respecté dans les UHSA ? (Les trois rapporteurs infirment.)

Enfin, avez-vous des éléments au sujet des détenus souffrant de pathologies mentales qui ne bénéficient pas de la prise en charge de SMPR lorsqu'il n'existe pas d'UHSA ?

M. Jean-Louis Tourenne. - Je veux tout d'abord louer la précision du travail qui a été réalisé, et surtout l'humanité qui en émane.

Vous n'avez pas évoqué le choix qui a été fait de construire des unités situées dans les hôpitaux psychiatriques et non dans les prisons. Or la construction d'une UHSA dans un hôpital psychiatrique doit démarrer de zéro. Les coûts sont donc bien plus élevés que pour une construction à l'intérieur d'une prison.

Ceci oblige à des transfèrements assez fréquents, avec les difficultés que vous avez relevées pour trouver des personnels susceptibles d'accompagner les prisonniers vers l'UHSA. Comment la question a-t-elle été tranchée ?

Mme Brigitte Micouleau, rapporteure. - Le prix d'hospitalisation à l'UHSA s'élève à 650 euros par jour, comme dans un hôpital psychiatrique.

Parmi les malades que nous avons rencontrés, plus de la moitié sont détenus pour des crimes de sang. Il ne s'agit pas de personnes radicalisées. C'est une population très particulière.

Mme Colette Giudicelli, rapporteur. - Les UHSA sont actuellement situées à Lyon, Villejuif, Toulouse, Nancy, Fleury-les-Aubrais, Lille, Marseille, Bordeaux et Rennes...

Mme Brigitte Micouleau, rapporteure. - Le choix des futures implantations n'est pas encore effectué mais on en prévoit éventuellement une par région. L'extension de la taille des régions complique la vie des familles, pour les visites aux détenus, et le travail du personnel pénitentiaire pour les transferts, par exemple lorsqu'il faut ramener à Montpellier un patient de l'UHSA de Toulouse.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Pourquoi ne pas implanter ces unités dans les prisons ? C'est une question de philosophie. Les détenus qui souffrent de troubles psychiatriques graves doivent bénéficier des mêmes soins qu'un patient ordinaire. Or les soins relèvent des structures de santé, donc de l'hôpital. Par ailleurs les hôpitaux psychiatriques ont généralement des terrains disponibles pour la construction.

Il s'agit de réfléchir en termes de territoire pour permettre un meilleur maillage.

Nous avons été interpellées - et nous pensons qu'il faut trouver une solution à cette question - au sujet des transports. En effet, le patient qui devrait quitter l'UHSA un jour donné ne sort souvent que le lendemain. Tous les UHSA soulignent que, de ce point de vue, le partenariat public-privé est extrêmement insatisfaisant - et c'est un euphémisme.

Quant aux éléments que souligne Annie David, ils sont justes et pertinents. Ceci pose le problème des moyens de deux secteurs en difficulté, la justice et la santé.

Mme Imbert évoquait les SMPR. Ceux-ci se retournent en effet vers les UHSA, où le manque de places est criant. On voit donc bien la nécessité de poursuivre ce qui a été prévu.

Le personnel se remet sans cesse en question, alors qu'il n'est pas évident de travailler dans une logique de santé et une logique pénitentiaire. Ce sont deux univers différents, mais cela fonctionne plutôt bien. Chacun respecte l'autre et tout le monde s'entraide. Ce n'était pourtant pas a priori évident.

Mme Brigitte Micouleau, rapporteure. - Le manque de places se fait surtout ressentir à Paris. On n'a pas eu ce sentiment à Toulouse ou à Lyon.

M. Alain Milon, président. - Qu'en est-il de la formation des magistrats ?

Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Plusieurs équipes nous ont signalé la méconnaissance des magistrats quant à la réalité de ces unités, vers lesquelles ils dirigent parfois un peu trop facilement certains détenus. Une formation est donc nécessaire.

Plusieurs équipes souhaiteraient que les magistrats puissent venir visiter chaque USHA, toutes ayant une histoire singulière. Cela permettrait d'avoir un échange et de comprendre comment ces unités prennent les patients en charge.

C'est une recommandation qui nous paraît extrêmement logique et qui pourrait être efficace.

M. Alain Milon, président. - Une observation à propos de la formation des magistrats : la loi santé prévoyait, en matière de salles de shoot, une formation des magistrats. J'ai assisté, en tant que président de la commission des affaires sociales, à une de ces formations : il n'y avait pas un seul magistrat ! Ils avaient été invités, mais aucun ne s'était inscrit. Cela soulève aussi un problème de ce point de vue.

Mes chers collègues, autorisez-vous la publication du rapport de nos trois collègues ? Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 10 h 45.

La réunion est ouverte à 14 h 30.

- Présidence de M. Alain Milon, président, et de Mme Michèle André, présidente de la commission des finances -

La réunion est ouverte à 14 h 35.

Audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, préalable au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) et sur l'audit des comptes publics demandé par le Premier ministre

Mme Michèle André, présidente. - Nous recevons cet après-midi Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Après l'avoir fait ce matin à l'Assemblée nationale, il va présenter à nos deux commissions son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, rapport présenté au Parlement chaque année avant le 30 juin, en application de l'article 58-3° de la loi organique relative aux lois de finances et dans lequel la Cour des comptes a, comme en 2012, choisi d'inscrire l'audit des finances publiques que lui a demandé le Premier ministre.

Ce rapport a été rendu public le 29 juin et, depuis, il anime la vie publique puisque la presse s'en est fait abondamment l'écho. De plus, il nourrit les travaux du Gouvernement puisque vous êtes, monsieur le Premier président, sollicité pour présenter ce document dans plusieurs évènements qu'il organise.

Je rappelle que le débat d'orientation des finances publiques se tiendra en séance publique le jeudi 20 juillet après-midi et notre rapporteur général présentera son rapport d'information préparatoire devant la commission des finances le mercredi 19 juillet.

M. Alain Milon, président. - Je veux rendre hommage au travail réalisé par la Cour des comptes qui permet d'objectiver la situation des comptes publics de notre pays. Nous n'avons pas été surpris par les résultats présentés. Au cours des examens des textes financiers, les commissions des finances et des affaires sociales ont eu l'occasion d'exposer les réserves que leur inspiraient les prévisions présentées par le Gouvernement. Pour notre part, nous avions contesté la consistance des économies prévues dans le champ de l'Ondam mais aussi l'affirmation de la ministre selon laquelle les régimes de retraites seraient à l'équilibre pour des décennies.

Nous ne sommes pas davantage surpris qu'une part importante des suggestions de la Cour porte sur le champ social. Les administrations de sécurité sociale représentent 46 % des dépenses publiques et 24 % du PIB en prélèvements obligatoires. Notre commission a souligné à plusieurs reprises la nécessité de reprendre le chantier des politiques de l'emploi et de revoir certains contrats aidés. Pour des raisons démographiques et économiques, la dynamique des dépenses sociales est forte. La révision des projections démographiques de l'Insee, favorable à l'assurance chômage, nous invite à nous pencher rapidement sur le dossier des retraites. La soutenabilité d'un modèle social auquel les Français sont très attachés est en jeu : nous devons imaginer une réforme en profondeur tout en évitant une politique de rabot qui peut porter ses fruits à court terme mais qui ne peut répondre aux défis à venir pour notre protection sociale.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Je suis heureux d'être devant vous cet après-midi pour vous présenter les principales conclusions du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui inclut cette année l'audit des finances publiques, conduit par la Cour des comptes à la demande du Premier ministre. Il avait pour objectifs d'évaluer la situation actuelle des comptes publics, d'identifier les perspectives et les risques qui s'y attachent pour les années 2017 à 2020 et de formuler des propositions. Pour cela, la Cour a cherché à répondre à une question précise : les pouvoirs publics seront-ils en mesure d'atteindre les objectifs de finances publiques définis dans la loi de finances pour 2017 et le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril ? Autrement dit, quelle est l'ampleur des risques qui pèsent sur la réalisation de la trajectoire prévue dans ces documents ?

Nos investigations nous ont conduits à formuler six constats. Tout d'abord, s'agissant de 2016 et des années précédentes, même si des progrès ont été constatés, la lenteur des efforts de réduction du déficit depuis 2011 a placé la France dans une situation de net décalage par rapport à ses partenaires européens. Ainsi, la réduction du déficit depuis 2011, qui est réelle, a néanmoins été plus lente que pour la moyenne de nos partenaires européens ; de plus, la croissance de nos dépenses est restée supérieure à celle de nos partenaires si bien que le déficit public de la France pour 2016 est toujours l'un des plus élevés d'Europe. Enfin, notre dette publique continue de croître, soit 96,3 points de PIB fin 2016. Pour conclure cette photographie comparative, trois faits marquants : la France est désormais, avec l'Espagne, le seul pays de la zone euro dont le déficit est supérieur au seuil de 3 points de PIB. En second lieu, la France a passé douze des quinze dernières années en procédure de déficit excessif, ce qui constitue un record au sein de la zone euro, partagé cette fois avec le Portugal. Troisième fait marquant : alors que les dettes publiques allemande et française étaient d'un niveau très proche avant la crise de 2008, la dette française est aujourd'hui supérieure à la dette allemande de près de 30 points de PIB. En définitive, la situation des finances publiques française est loin d'être assainie, en dépit des progrès réalisés. Elle continue de présenter des facteurs de vulnérabilité importants. Et ceci d'autant plus que des risques forts pèsent sur la capacité de la France à tenir pour l'avenir ses engagements européens. C'est ce que révèle l'analyse des perspectives qui se dessinent pour 2017 et les années suivantes.

Avant d'entrer dans le détail des chiffres, le deuxième constat de l'audit concerne les nombreux biais de construction qui ont affecté la sincérité des prévisions sur lesquelles est bâtie la trajectoire financière 2017-2020. Comme lors de l'audit de 2012, notre juridiction constate un risque de dérapage du déficit par rapport aux objectifs retenus. Mais si les écarts sont comparables, leurs origines diffèrent. En 2012, l'écart provenait d'une surestimation des recettes et d'une révision à la baisse de la croissance. En 2017, il résulte quasi-exclusivement de sous-estimations des dépenses de l'État, qui se sont traduites par des sous-budgétisations importantes dès 1'adoption de la loi de finances initiale. Au sein des comptes des administrations publiques, ces dépenses sont celles dont l'État a le plus directement la maîtrise. L'écart provient également, mais dans une bien moindre mesure, de reports de charges de l'année 2016 vers l'année 2017, d'aléas intervenus début 2017 et de mesures nouvelles annoncées depuis le vote de la loi de finances. Pour 2018, force est de constater que le programme de stabilité sous-estime, lui aussi, l'effort en dépenses nécessaire pour atteindre l'objectif prévu d'une réduction de 0,5 point du PIB du déficit.

Dans ce contexte, la sincérité des prévisions de finances publiques et des documents budgétaires est impérative. En particulier, la préparation des prochaines lois de finances doit être l'occasion de marquer une rupture avec les pratiques récurrentes de sous-budgétisation. Ce n'est pas, loin s'en faut, la première fois que la Cour des comptes observe des éléments d'insincérité dans la construction des prévisions de finances publiques. Elle l'a fait à plusieurs reprises, et depuis longtemps, notamment dans le cadre de ses rapports sur l'exécution du budget de l'État. Vous retrouverez la trace d'expressions très directes de mon prédécesseur sur ce point, il y a une dizaine d'années. Encore récemment, la Cour a soulevé « la question de la qualité et de la sincérité des prévisions de recettes fiscales » dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de 2014. Elle a parlé d'« une sincérité de la loi de finances initiale à améliorer » et de « débudgétisations importantes [...] qui ont altéré la sincérité de l'exécution de la dépense » dans son rapport sur le budget de l'État de 2015. Dans nos rapports, vous trouverez douze mentions du terme de « sincérité » en 2014, et huit en 2015. C'est pourquoi je reconnais avoir été surpris que certains s'étonnent et s'émeuvent. Si la Cour, constatant des écarts significatifs entre les prévisions et les réalisations, ou entre les prévisions annoncées et les prévisions raisonnables au regard des informations disponibles, n'en disait rien, ce serait anormal, car alors elle ne remplirait pas la mission que la Constitution et la loi organique lui confient. La Cour est dans son rôle, et il serait intéressant que les uns et les autres se penchent sur les solutions propres à renforcer la sincérité des prévisions de finances publiques. Car des solutions institutionnelles existent : l'exemple des prévisions macroéconomiques associées aux lois de finances et aux programmes de stabilité, dont la sincérité a incontestablement été renforcée par la création puis l'action du Haut conseil des finances publiques, le prouve. Toutefois, il n'existe encore aucun dispositif analogue pour s'assurer de la sincérité des prévisions de finances publiques, et en particulier celles des dépenses, en amont de leur approbation par le Parlement ou de leur examen par la Commission européenne.

S'agissant maintenant des perspectives pour 2017, la Cour observe un risque fort de voir la France sortir dès cette année de la trajectoire dont elle s'est dotée. C'est au niveau des dépenses de l'État que se situent les principaux risques pour 2017. Les dépassements potentiels sur les crédits des ministères sont évalués à 7,3 milliards d'euros par rapport au programme de stabilité. Ils sont concentrés principalement sur les missions « Agriculture », « Défense », « Solidarité » et « Travail et emploi ». Il faut y ajouter le coût de la recapitalisation d'Aréva, qui pèsera sur le déficit en comptabilité nationale à hauteur de 2,3 milliards d'euros.

Du côté des « bonnes surprises » potentielles, la Cour n'a en revanche identifié qu'une économie probable d'un milliard d'euros par rapport aux prévisions, répartie entre le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne et la charge de la dette.

Enfin, dernière donnée clé pour comprendre l'équation budgétaire de 2017 : à politiques inchangées et en excluant toute facilité consistant à reporter les dépenses sur les exercices suivants, nous évaluons les capacités réelles d'annulation de crédits au sein de la réserve de précaution du budget de l'État à un montant situé entre 2 et 3 milliards d'euros, qui correspond à celui constaté par la Cour dans son rapport sur l'exécution du budget de l'État en 2016. Le fait qu'il y ait une réserve de précaution n'avait bien évidemment pas échappé à la Cour des comptes.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les dépenses publiques seraient supérieures de 5,9 milliards d'euros aux prévisions du programme de stabilité, ce qui représente 0,3 point de PIB.

Au total, bien qu'il reste encore des incertitudes à cette période de l'année, nos analyses révèlent que la cible de solde public pour 2017 apparaît, à politiques constantes, hors d'atteinte. Sous réserve que des crédits d'un niveau équivalent à celui de l'exercice 2016 soient annulés d'ici la fin de l'année, le déficit s'élèverait à 3,2 points de PIB pour 2017, soit un dérapage de 0,4 point par rapport au programme de stabilité et de 0,5 point par rapport à la loi de finances initiale.

Face à cette situation, si la France souhaite tenir ses engagements, l'adoption de mesures de redressement est indispensable. Contenir le dérapage du déficit à 0,4 point d'écart par rapport à l'objectif du programme de stabilité, et donc atteindre 3,2 points de PIB, suppose déjà une action vigoureuse et rapide pour annuler des crédits s'élevant de 2 milliards à 3 milliards d'euros. Aller au-delà et passer de 3,2 à 3 points de PIB de déficit impliquerait d'importantes mesures d'économies supplémentaires à hauteur de 4 milliards à 5 milliards d'euros. Enfin, pour atteindre la cible de 2,8 points de PIB fixée par les pouvoirs publics, ce serait encore 4 à 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires qu'il faudrait trouver. Bref, le respect de notre engagement européen - fixé à 2,8 points de PIB de déficit - ne serait possible que grâce à des économies s'élevant de 8 à 9 milliards d'euros.

Le quatrième message de l'audit porte sur les perspectives financières pour les années 2018 à 2020. Je me limiterai aux observations relatives à l'année 2018, pour laquelle nous n'avons pas cherché à émettre de prévision de solde, puisque cela dépendra des résultats de 2017, mais à mettre en lumière la difficulté de l'équation budgétaire. Le programme de stabilité prévoit une réduction du déficit de 0,5 point de PIB par rapport à 2017. Cet objectif apparaît extrêmement ambitieux, d'autant plus que certaines mesures votées fin 2016 conduisent à une diminution des prélèvements obligatoires pour 2018, à hauteur de 0,3 point de PIB. Dès lors, pour tenir cet engagement, il serait nécessaire de parvenir à une croissance nulle des dépenses, en volume, c'est-à-dire hors inflation, ce qui marquerait une rupture nette avec le rythme constaté ces dernières années. En 2016, l'augmentation de la dépense se montait en effet à 0,9 %. Cette rupture serait d'ailleurs d'autant plus complexe à enclencher que plusieurs facteurs poussent les dépenses à la hausse en 2018. Ainsi en est-il de la masse salariale, dynamique du fait des créations d'emplois prévues dans les secteurs prioritaires et de la montée en charge de l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR). Ainsi en est-il également de la hausse des dépenses de défense et de sécurité, au coût croissant de plusieurs grands projets d'infrastructure, à l'atténuation des effets des réformes des retraites, ou encore à la reprise attendue de l'investissement local.

En définitive, la Cour estime que la trajectoire de réduction du déficit fixée par la loi de finances et le programme de stabilité de 2017 est particulièrement difficile à respecter et implique des mesures de corrections vigoureuses.

Ce constat ne doit cependant nourrir ni fatalisme, ni pessimisme. Car les efforts qui permettraient de maîtriser durablement les finances publiques de la France ne sont pas hors de portée. C'est d'abord dans les méthodes employées pour concevoir, mettre en oeuvre et suivre les efforts de maîtrise des finances publiques que résident des marges de progrès considérables.

La dépense publique française s'élève en 2016 à 56,2 % du PIB, pour une moyenne de 47,7 % dans la zone euro. Si certains écarts s'expliquent, en partie, par des choix d'organisation différents - comme par exemple en matière de retraite - il est indéniable que la France dépense plus que ses partenaires dans certains secteurs, comme l'éducation, l'emploi ou le logement, sans pour autant obtenir, loin s'en faut, de résultats supérieurs. Nos voisins ont réussi à mener des politiques de transformation qui leur permettent aujourd'hui de dépenser à la fois moins et mieux, en réunissant plusieurs conditions de succès. D'abord, une volonté politique forte et constante, exprimant des objectifs clairs et assumés et soutenant des gestionnaires publics responsabilisés, alors qu'aujourd'hui, dans notre pays, tout est fait pour les déresponsabiliser. Ce principe de responsabilisation était au coeur de l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances de 2001, et je ne peux que regretter qu'il ait été tant dévitalisé.

La deuxième condition de succès, c'est l'inclusion dans l'effort de toutes les administrations publiques, y compris les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales. Enfin, troisième condition : l'intégration pleine et entière des projets de réforme dans le processus budgétaire, avec la fixation d'objectifs globaux d'économies et leur déclinaison par catégorie d'administrations publiques. Trop souvent, en effet, les ambitions de réformes ont été déconnectées de la procédure budgétaire.

Au-delà de ces préalables indispensables, la Cour recommande plusieurs évolutions de la gouvernance des finances publiques : le renforcement de la cohérence et de la portée des différents textes financiers. Le programme de stabilité pourrait ainsi être soumis au Parlement. Le périmètre des lois financières pourrait être revu pour mieux couvrir l'ensemble des dépenses des administrations publiques (loi de finances et, à terme, loi de financement de la sécurité sociale étendue à la protection sociale obligatoire et loi de financement des collectivités locales). Les volets « recettes » des projets annuels de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pourraient très utilement faire l'objet d'une discussion conjointe au Parlement. Les normes et outils budgétaires existants pourraient être complétés par un objectif pluriannuel de dépenses lisible et compréhensible, couvrant toutes les administrations publiques. Il serait voté dans la loi de programmation et décliné dans les lois financières.

Deuxième axe : la réactivation d'une instance du type de la conférence des finances publiques, pour permettre une appropriation des objectifs par les différentes parties prenantes (État, sécurité sociale, collectivités territoriales). Je me réjouis donc qu'une initiative soit d'ores et déjà prise dans ce sens. Nous serons attentifs à sa mise en oeuvre.

Enfin, et c'est un point sur lequel je veux insister : la procédure budgétaire elle-même pourrait évoluer. Elle pourrait être rééquilibrée au profit de l'examen des résultats effectifs des politiques déployées, revenant ainsi à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances. Cela signifie deux choses : tout d'abord, moins de temps devrait être consacré à l'examen du projet de loi de finances initiale à l'automne. En revanche, il faudrait en consacrer beaucoup plus à la mesure des résultats lors de l'examen de la loi de règlement au printemps, qui deviendrait ainsi une véritable loi de résultat.

Corollaire de ce rééquilibrage, l'information fournie au Parlement, qui a été considérablement enrichie au cours des quinze dernières années, pourrait être davantage exploitée, même si le Sénat, plus que l'Assemblée nationale, le fait déjà. Je pense bien sûr aux documents budgétaires, mais aussi aux travaux d'évaluation des juridictions financières.

Si la gouvernance globale des finances publiques pourrait ainsi être rendue plus complète et plus efficace, c'est précisément pour donner un cadre de référence solide et stable aux gestionnaires publics pour maîtriser leurs dépenses et améliorer l'efficience de leur action. Des marges de manoeuvre importantes existent en effet, dont nombre ont été identifiées par la Cour dans le cadre de ses travaux. Je ne citerai que quelques axes qui figurent dans le rapport.

Les trois premiers axes sont communs à l'ensemble des administrations publiques - État, collectivités territoriales et sécurité sociale - les trois axes suivants concernent chacun des trois grands champs de dépenses.

La masse salariale des administrations publiques représentait 284 milliards d'euros en 2016. Des mesures récentes ont relancé sa progression, sans que cette occasion ait été saisie pour moderniser la gestion des parcours des fonctionnaires. La Cour a identifié différents leviers en matière d'effectifs, de temps de travail et de rémunérations, qui permettraient de ralentir voire d'inverser la progression de la masse salariale.

La maîtrise des autres dépenses de fonctionnement, qui représentaient 112 milliards d'euros en 2015, pourrait encore être renforcée par des actions de simplification comme le développement de l'administration numérique, l'adaptation des réseaux territoriaux et la restructuration de l'immobilier public - sur laquelle la commission des finances a récemment publié un rapport - ou encore par une mutualisation accrue des achats.

Troisième élément transversal à toutes les administrations publiques : les dépenses de transferts sociaux, les dépenses fiscales - qui se montent à 85 milliards d'euros - et les investissements, dont les effets devraient être mieux évalués a priori et dont le ciblage devrait être plus pertinent, par exemple dans des secteurs comme le logement ou l'emploi.

Après avoir été supérieur à celui des dépenses de l'État au cours des années récentes, le rythme de progression des dépenses des collectivités locales s'est infléchi en 2015 et en 2016, sous le double effet d'une contrainte plus forte exercée par l'État et d'un moment particulier du cycle électoral. Le poids de ces dépenses, de l'ordre de 225 milliards d'euros en 2016, en fait un levier majeur de l'amélioration du solde public national. La Cour ne peut donc qu'appeler à la poursuite des efforts de maîtrise des dépenses locales et à une clarification de leurs missions respectives et de leur articulation. Pour y parvenir, la poursuite d'une réduction à un rythme à définir des concours de l'État est souhaitable.

Malgré des progrès récents, notre système de sécurité sociale demeure marqué par des déficits récurrents, qui menacent sa pérennité et nous isolent parmi nos voisins européens. La Cour estime que le déficit des comptes sociaux constitue une anomalie : nous sommes le seul pays à accepter un déficit aussi durable alors même qu'il s'agit de dépenses courantes. On peut s'interroger sur la pertinence de leur financement par l'emprunt, c'est-à-dire par les générations futures qui elles-mêmes devront financer leurs propres dépenses. Ce sont en particulier les déficits élevés de l'assurance maladie qui retardent le retour à l'équilibre de la sécurité sociale. Dans ses rapports récents, la Cour a avancé plusieurs pistes de réformes en profondeur, parmi lesquelles figurent une accélération de la recomposition de l'offre de soins, notamment à l'hôpital, une amélioration de la pertinence et de 1'efficience des prises en charge et une meilleure maîtrise des dépenses à fort enjeu. Nous avons ainsi estimé que tel était le cas pour les dépenses de soins infirmiers, de masso-kinésithérapie, de médicaments, de dispositifs médicaux, d'imagerie médicale, d'analyses de biologie, de transports sanitaires ou d'arrêts de travail.

Enfin, je voudrais évoquer le cas des services publics prioritaires assurés par l'État, notamment l'éducation nationale et la sécurité. Il revient bien entendu aux représentants du suffrage universel de décider quand des augmentations de moyens sont nécessaires et donc légitimes. Le rapport présenté aujourd'hui souligne simplement qu'avant d'augmenter les budgets, il est important d'évaluer la pertinence des organisations et des missions existantes et d'analyser la capacité à répondre aux nouveaux besoins par des redéploiements internes. Sans cela, les moyens nouveaux pourraient n'avoir pour effet que d'arroser du sable. Tout n'est pas qu'une question de crédits ou d'effectifs : il faut également revoir l'organisation, le fonctionnement et la répartition des moyens.

Derrière l'ensemble de ces leviers d'action, il devrait y avoir à chaque fois plus de contractualisation, moins de régulation infra annuelle, des managers publics responsabilisés et intéressés aux résultats de leur action, et donc capables de proposer des économies durables, et non à courte vue. C'est à ces conditions que l'action publique gagnera réellement en performance.

Notre audit indique qu'à politique inchangée, la trajectoire des finances publiques s'écarterait significativement de celle qui a été prévue par la loi de finances pour 2017 et par le programme de stabilité. L'atteinte des objectifs fixés pour 2017, 2018 et les années suivantes serait fortement compromise. L'audit montre aussi que cette situation impose des efforts importants, qui sont à la portée des pouvoirs publics, sous trois conditions : un effort de pédagogie collective sur la dépense publique, l'établissement de textes financiers sincères et à la portée renforcée et, enfin, une beaucoup plus grande responsabilisation de tous les acteurs.

Mme Michèle André, présidente. - La Cour a estimé que le projet de loi de finances pour 2017 était « manifestement entaché d'insincérité ». Si le Conseil constitutionnel avait partagé votre jugement, il aurait pu censurer le projet de loi de finances, ce qu'il n'a pas fait. En outre, les risques pesant sur ce budget ne semblent pas si différents de ceux mis en évidence au cours de la période récente. Vous chiffrez le dérapage pour cette année à 9 milliards d'euros alors qu'en 2015, à la même période de l'année, il était évalué à 7 milliards d'euros, ce qui n'avait pas empêché le Gouvernement de faire mieux en fin d'année que l'objectif initial de dépenses, notamment en mobilisant la réserve de précaution à hauteur de 4 milliards d'euros. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez employé ce terme très fort d'insincérité ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. - A la différence de la présidente, je n'ai pas été surpris ni offusqué par le rapport de la Cour des comptes puisqu'il confirme les critiques que la commission des finances avait formulées à l'automne dernier. C'est d'ailleurs pourquoi nous avions refusé d'examiner le budget en séance publique. À l'époque, nous avions été vivement critiqués, notamment par le secrétaire d'État au budget qui disait que le Sénat refusait de faire son travail. Bien au contraire, nous l'avions bien fait puisque notre rapport estimait que le déficit public pourrait atteindre 3,2 % du PIB, chiffre désormais avancé par la Cour des comptes. J'avais écrit que « ces estimations alternatives font apparaître la situation budgétaire dégradée que laissera à la prochaine majorité gouvernementale un projet de loi de finances pour 2017 à la sincérité contestable ». L'analyse de la Cour des comptes diffère quelque peu de celle de la commission des finances puisqu'elle considère que les évaluations de recettes apparaissent seulement un peu plus élevées mais elle estime que les sous-budgétisations sont plus importantes que notre propre estimation. Quoi qu'il en soit, nous avions identifié les risques de dérapages pour 2017 et 2018 et nous avions proposé des réformes structurelles.

D'après vos estimations, la recapitalisation d'Areva devrait alourdir de 2,3 milliards d'euros le déficit public. L'opération n'a toujours pas été réalisée, et nous sommes dans l'attente de la décision du comptable national sur son traitement comptable. Avez-vous une idée de la date à laquelle le verdict sera rendu ?

Les dépassements de crédits pourraient être limités par une action stricte sur les dépenses publiques. Vous avez cité des pistes d'économies. La réserve de précaution est importante : 13 milliards d'euros fin avril 2017. De simples annulations de crédit suffiront-elles ou bien faudra-t-il envisager un collectif budgétaire ou des décrets d'avance ?

J'ai récemment publié un rapport sur la dette publique. Le Premier ministre évoquait hier une remontée inéluctable des taux d'intérêt. Privilégiez-vous un scénario particulier et quel serait l'impact d'une hausse des taux sur nos finances publiques en 2017 et en 2018 ?

Le ministre de l'intérieur a lu lundi à la tribune le discours du Premier ministre et je me demande s'il n'a pas oublié quelques lignes sur les économies à réaliser. J'ai simplement entendu parler de maîtrise de la masse salariale, d'économies sur le logement, mais tout cela n'a été qu'esquissé. La commission des finances est allée plus loin, grâce à un important travail que nous avions commandé à la Cour des comptes sur la masse salariale : nous avions évoqué le temps de travail, les jours de carence, la masse salariale, les primes...

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Je ne reviendrai pas sur les considérations, que je partage, de notre président Alain Milon. Je fais mien votre diagnostic sur la situation des finances sociales avec un déficit qui ne s'est réduit que de 0,1 point de PIB. Malgré des efforts, le bilan du plan d'économies 2015-2017 n'est donc pas à la hauteur des ambitions initiales.

Vous avez évoqué plusieurs pistes d'économies sur l'emploi, l'assurance chômage, la formation professionnelle. Pour ce qui est des retraites, vous estimez que le rapprochement des régimes sera difficile à réaliser. Cela signifie-t-il que la fusion des régimes vous semble hors de portée ? Le Gouvernement et le Président de la République souhaitent une réforme systémique avec l'instauration d'un régime par points. Pensez-vous que cela soit envisageable ?

Les dépenses de santé représentent plus de 11 % du PIB. Vous indiquez quelles sont les économies possibles dans le champ de l'Ondam et vous avez publié, à notre demande, des rapports très documentés sur ce point. Nous avons essayé de les utiliser au mieux dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment en ce qui concerne la pertinence des actes, les offres de soin et les jours de carence. Compte tenu, notamment, de la démographie médicale et de l'évolution du coût des médicaments, l'équilibre de l'assurance maladie est-il à notre portée ?

M. Didier Migaud. - Nous n'avons pas dit que le projet de loi de finances était globalement insincère. Nous ne sommes d'ailleurs pas juge de la sincérité globale de la loi de finances. En revanche, nous avons dénoncé les biais de construction qui affectent la sincérité de la loi de finances et du programme de stabilité. Il appartient au seul Conseil constitutionnel de dire à partir de combien d'insincérités il décide d'annuler la loi de finances.

M. François Marc. - Il ne l'a pas fait !

M. Didier Migaud. - Certes, mais il statue en décembre alors que notre rapport d'audit est publié en juillet, après les six premiers mois d'exécution. Nous disposons donc d'éléments, recoupés avec les administrations du budget et du Trésor. Nous savons parfaitement que les sous-budgétisations étaient connues lors de la confection du programme de stabilité et même lors de la loi de finances initiale. Comment qualifier des sous-budgétisations, des économies improbables comme celles de l'Unedic ? Comment qualifier des annulations de crédits par décrets d'avance, immédiatement ré-ouverts en collectif et gelés la semaine suivante ? Cela s'appelle des éléments d'insincérité et nous ne ferions pas notre travail si nous n'attirions pas votre attention sur cela.

Le programme de stabilité avait fixé le déficit à 2,7 % du PIB, puis à 2,8 %. Le Haut Conseil des finances publiques avait estimé le 2,7 % improbable, ce qui avait entraîné de vives réactions et sa légitimité avait été mise en cause, comme si la suppression du thermomètre permettait de faire disparaître les symptômes. Dès la fin de l'année dernière, la Cour des comptes estimait que le déficit se monterait à 3,2 % du PIB, comme le faisait la commission des finances, mais aussi la Banque de France. La Commission européenne n'a jamais retenu le chiffre de 2,7 % du PIB. Quant au Conseil constitutionnel, il a évité de se prononcer sur ce chiffre, sa référence étant plutôt les 3 %, alors qu'elle ne figurait pas dans le projet de loi de finances initial. Voilà pourquoi nous estimons que la sincérité peut encore progresser dans les documents budgétaires.

Depuis 2013, la réduction des déficits des comptes publics oscille entre 0,1 et 0,2 point. La marche pour 2017 était beaucoup plus ambitieuse, puisqu'il s'agissait de 0,6 point, alors même que le projet de loi de finances contenait un certain nombre de dépenses supplémentaires et que la conjoncture économique ne montrait pas de signes de nette amélioration. Notre diagnostic ne peut donc pas surprendre.

Pour Areva, la décision finale sera prise par Eurostat en mars ou avril 2018, une fois que la France aura présenté ses comptes publics. Mais sa décision portera sur les comptes 2017, puisque la dépense pèsera sur cette année. La jurisprudence d'Eurostat est constante : une partie de la recapitalisation sera considérée comme une aide de l'État et donc comme une dépense. Les 2,3 milliards d'euros de recapitalisation seront vraisemblablement considérés comme maastrichtiens. La Commission européenne ne prend pas en compte ces estimations car elle estime que tant qu'une décision n'est pas constatée, elle n'a pas à l'intégrer dans ses estimations, mais le problème est bien évidemment connu.

La réserve de précaution change de nature depuis quelques années. Normalement, elle est censée permettre de faire face à des aléas imprévus. Depuis quelques années, elle sert à absorber des sous-budgétisations constatables dès le vote de la loi de finances initiale. En 2016, elle était de l'ordre de 11 milliards d'euros, elle est d'un peu plus de 13 milliards d'euros en 2017. Nous avons examiné la possibilité d'annulations effectives de crédits : en 2016, sur les 11 milliards d'euros mis en réserve, seuls 2,5 milliards d'euros ont pu être annulés. Sur la base de cet exemple, nous estimons qu'il faudra annuler environ 2,5 milliards d'euros de crédits en 2017 pour que le déficit soit limité à 3,2 points de PIB.

J'ai lu des déclarations d'anciens responsables expliquant qu'ils avaient procédé à des « surgels ». Quand le congélateur est plein, il est plein ! Le « surgel » autorise-t-il un dégel effectif ou, au contraire, une congélation définitive ? On peut aussi décider de geler l'ensemble du budget : si c'était la solution, ce serait simple.

Le respect d'un déficit limité à 3,2 points de PIB implique donc l'annulation de 2,5 milliards d'euros sur la réserve de précaution. Si vous voulez limiter le déficit à 3 points de PIB, il faut trouver 4,5 milliards d'euros d'économies supplémentaires. Si vous voulez être en ligne avec le programme de stabilité, il faut annuler encore 4,5 milliards d'euros de dépenses. Il nous paraît tout à fait possible de faire en 2017 ce qui a été fait en 2016 pour que le déficit reste à 3,2 points de PIB ; il serait plus difficile de passer à un déficit à 3 points de PIB, mais cela reste faisable.

La Cour des comptes n'a pas à se prononcer sur les moyens employés pour opérer le redressement des comptes. La loi organique relative aux lois de finances ouvre deux possibilités : les décrets d'avance ou le collectif budgétaire. Le choix de la voie retenue appartient au Gouvernement.

En ce qui concerne la dette, les prévisions du programme de stabilité paraissent plutôt raisonnables. Nous ne devrions pas connaître cette année une augmentation brutale des taux d'intérêt et le ministère de l'économie et des finances a toujours été relativement prudent dans ses estimations des charges de la dette et d'évolution des taux d'intérêt. En revanche, nous avons pu évaluer les conséquences d'une augmentation des taux de 100 points de base : à la page 92 du rapport, un graphique montre quelles seraient les conséquences d'une telle augmentation sur nos comptes publics.

Pour répondre aux questions du rapporteur général de la commission des affaires sociales, les pistes d'économies que nous avons évoquées nous semblent réalisables sans remettre en cause l'accès aux soins et la qualité des soins. Nous disposons de marge de manoeuvre sur un certain nombre de dépenses. L'équilibre de la sécurité sociale est à notre portée et il est pertinent de se fixer un tel objectif à court terme.

En ce qui concerne les retraites, de nouvelles évolutions sont nécessaires pour rapprocher l'ensemble des régimes dans un double objectif : un équilibre financier durable et une meilleure équité entre les régimes. Renforcer la convergence suppose d'ajuster les paramètres des différents régimes, en articulant mieux le régime de base et les régimes complémentaires, et de poursuivre le rapprochement entre secteur privé et public engagé en 2003 - un rapport récent de la Cour des comptes fait apparaître que les régimes privés et publics se sont sensiblement rapprochés. Faut-il aller jusqu'à la fusion de ces régimes ? Un autre de nos rapports met en évidence les avantages d'une telle évolution, mais aussi les risques financiers et les délais nécessaires à respecter. Nous ne nous sommes pas penchés sur les avantages respectifs du calcul par points ou par annuités. Cependant, une fusion trop rapide pourrait coûter cher à l'État, du fait de l'inclusion des primes dans le calcul des pensions : Raoul Briet, président de la première chambre, ou Christian Charpy, conseiller maître, pourront vous apporter des précisions sur ce point. Nous pourrions également venir vous présenter ce rapport.

M. Éric Doligé. - Nous travaillons actuellement sur un texte censé « rétablir la confiance dans l'action publique ». Le Gouvernement concourt à l'action publique ainsi que l'administration, les parlementaires ne sont donc pas les seuls concernés.

Un budget insincère ne va pas dans le sens de la confiance dans l'action publique. Renforcer la sincérité des comptes est important, vous l'avez dit. Le rapporteur général de la commission des finances a rappelé tout à l'heure que le Sénat avait refusé d'examiner le projet de loi de finances pour 2017 en raison de son insincérité. Il faut donc rapprocher les termes « insincérité », « responsabilité » et « confiance ». L'insincérité peut être volontaire, elle peut aussi résulter d'une incompétence - cela ne me paraît pas être le cas - ou de facteurs non prévisibles.

Pensez-vous que l'on puisse introduire dans notre droit une disposition permettant de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement lorsqu'il présente un budget insincère ?

Mme Michèle André, présidente. - En écoutant le Premier président de la Cour des comptes, je me disais que, si le Sénat avait examiné la dernière loi de finances, ce travail nous aurait servi aujourd'hui...

M. Jacques Chiron. - Eh oui !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Il aurait fallu que le Gouvernement accepte d'écouter le Sénat...

Mme Michèle André, présidente. - Si le Sénat avait mené son travail à terme, nous serions dans une meilleure position aujourd'hui.

M. Yves Daudigny. - Nous sommes tous convaincus du caractère insupportable de la dette sociale qui fait supporter à nos enfants et à nos petits-enfants le coût des soins dont nous bénéficions actuellement. Néanmoins, il me semble que les interventions que nous avons entendues jusqu'à présent ont peu mis en valeur l'effort considérable, et largement efficace, accompli ces dernières années pour atteindre l'objectif d'équilibre du régime général de la sécurité sociale.

Pour la branche maladie, le déficit prévu s'élève à 2,6 milliards d'euros, la branche AT-MP est en excédent de 0,7 milliard d'euros, la branche famille est à l'équilibre et la branche vieillesse enregistre un excédent de 1,6 milliard d'euros. Le déficit du régime général s'établit donc à 400 millions d'euros, mais je n'oublie pas le déficit de 3,8 milliards d'euros du Fonds de solidarité vieillesse, parce qu'il faut être honnête. Cet effort méritait d'être souligné.

Nous mesurons l'intérêt des propositions de la Cour des comptes concernant l'assurance maladie. Les facteurs de croissance de la dépense restent importants, qu'il s'agisse de l'allongement de la durée de la vie, du coût des nouvelles thérapies, alors que les mesures de réduction de la dépense ont souvent un effet différé, comme dans le cas du virage ambulatoire.

Je voulais vous interroger sur un point de détail : un décret publié le 10 mai 2017 confie la gestion de l'amortissement de la dette sociale à l'Agence France Trésor. La Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) est maintenue, avec son conseil d'administration et un nouveau président. Des transferts de personnel sont réalisés et l'Agence France Trésor, qui gère déjà une dette de plus de 1 600 milliards d'euros, va gérer la dette de la Cades, de l'ordre de 140 milliards d'euros. Quel regard portez-vous sur cette décision ? Annonce-t-elle une fusion à terme des finances sociales et des finances de l'État ?

M. François Marc. - Je suis heureux que les questions budgétaires reviennent à l'ordre du jour. Nous avons beaucoup entendu parler des costumes de tel candidat, des T-shirts de tel autre ou des hologrammes d'un troisième, mais on a entendu peu de considérations budgétaires dans cette campagne électorale, alors même que le déficit de l'État reste à 70 milliards d'euros par an, alourdissant régulièrement la dette.

Monsieur le Premier président de la Cour des comptes, vous nous avez présenté votre appréciation de l'état des comptes publics et exprimé un certain nombre de considérations de caractère politique, évoquant notamment l'insincérité des comptes, alors même que nous ne sommes qu'au milieu de l'année. L'an dernier, la prévision de déficit, à la même époque, était à 72,3 milliards d'euros et il s'est élevé à 69 milliards d'euros en fin d'année. Dans ces conditions, un Premier président de la Cour des comptes devrait être prudent lorsqu'il s'autorise à présenter des prévisions en milieu d'année, surtout si elles sont assorties de commentaires de caractère politique.

Pour ma part, je vous interrogerai sur les chiffres connus, puisque, pour 2017, on n'en est qu'aux conjectures, aux prévisions, aux simulations, aux hypothèses de travail. Si l'on compare la situation de 2010 à celle de 2016, pouvez-vous nous confirmer que le déficit de la sécurité sociale est passé de 23 milliards d'euros à 7 milliards d'euros et que le déficit de l'État a été réduit de 148,8 milliards d'euros à 69 milliards d'euros ? Pouvez-vous nous apporter une confirmation qui relève de votre compétence de vérificateur des comptes publics ?

M. Yannick Botrel. - Monsieur le Premier président de la Cour des comptes, je ne suis pas en accord avec les termes de votre rapport concernant le budget de l'agriculture, dont je suis rapporteur spécial avec mon collègue Alain Houpert.

Qualifier d'insincère le budget agricole, c'est refuser de reconnaître le caractère aléatoire, voire imprévisible, de certaines dépenses, imputables à des phénomènes météorologiques ou sanitaires. Il est paradoxal que votre rapport évoque ces aléas sans en tirer les conséquences pratiques. Faudra-t-il que les budgets à venir anticipent le coût des sécheresses ou des crises sanitaires éventuelles ? Si la Cour des comptes le pense, il serait également bon qu'elle nous indique quelle méthodologie appliquer pour y parvenir.

La problématique des refus d'apurement communautaires pour la période 2008-2012 explique l'essentiel de l'augmentation des dépenses du budget de l'agriculture. Le solde de ces apurements, d'un montant de 1,1 milliard d'euros, fut un héritage bien lourd à porter. La pratique de l'inscription de cette dépense dans les projets de loi de finances rectificative est ancienne et les refus d'apurement n'ont jamais figuré dans les lois de finances initiales dans le passé. Pour l'année en cours, nous étions encore en pourparlers avec Bruxelles pour certains ajustements au moment du vote du budget. Si l'on qualifie aujourd'hui ce budget d'insincère, il aurait fallu le dire depuis de nombreuses années, les précédentes lois de finances ayant toutes utilisé la même méthode. Voilà pourquoi je relativise les appréciations de la Cour des comptes, d'autant plus que, lors du dernier quinquennat, les crises agricoles de tous ordres se sont additionnées et que le Gouvernement y a fait face.

M. Francis Delattre. - Je remercie le Premier président de la Cour des comptes d'avoir tenu un discours sur la réalité du pays. Nous sommes sortis de la philosophie pour revenir à la réalité : c'est bientôt la fin des rêves !

Ma question porte sur l'ampleur des mesures fortes nécessaires pour respecter notre engagement d'un déficit à 3 points du PIB. On peut toujours effectuer certains ajustements grâce à des mesures très techniques, telles que celles qu'a évoquées notre rapporteur général, mais lorsque l'ordre de grandeur atteint plusieurs milliards d'euros, on en vient à se poser la question de la responsabilité du Parlement. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier président, à partir de quel niveau de dépassement il serait indispensable que le Gouvernement dépose un projet de loi de finances rectificative ?

Le fait que le nouveau Gouvernement n'ait pas déposé de projet de loi de finances rectificative signifie qu'il donne son agrément à la politique conduite par l'ancien secrétaire d'État au budget, Christian Eckert. Ce dernier s'est vanté d'avoir réduit le déficit de 70 milliards d'euros à 69 milliards d'euros, alors que nous savons tous qu'il sera plutôt de l'ordre de 75 milliards d'euros : ce n'était que de la communication ! Il est temps de prendre de vraies mesures et il serait souhaitable que le Parlement y soit associé. Dès lors qu'une orientation politique différente s'est manifestée, pourquoi ne conseillez-vous pas au Gouvernement de déposer un projet de loi de finances rectificative??

M. Richard Yung. - La question de l'insincérité du budget revient chaque année et elle nous met forcément mal à l'aise : soit il s'agit d'une erreur, soit il y a eu un « biais de construction », pour reprendre la belle expression de la Cour des comptes. Que peut-on faire pour sortir de cette situation ? Pour les prévisions, la réponse a consisté en la création du Haut Conseil des finances publiques. Faut-il aussi créer une Haute Autorité des dotations budgétaires ?

J'approuve tout à fait vos observations, Monsieur le Premier président, sur la nécessité de revoir les méthodes de travail mises en oeuvre lors de l'adoption des lois de finances. Nous passons un temps infini à discuter dans l'hémicycle sur des dépenses de quelques dizaines de milliers d'euros, alors que l'on ne s'occupe pas de mesurer l'efficacité de la dépense publique ou le respect des objectifs. Faut-il envisager une révision de la loi organique relative aux lois de finances ?

Un dernier mot sur les réserves de précaution : elles enlèvent toute signification à notre vote, puisque le Gouvernement fait ce qu'il veut ensuite, la réalité budgétaire finale étant sans rapport avec le document que le Parlement a discuté.

Mme Michèle André, présidente. - Nous examinerons dans quelques jours le projet de loi de règlement. J'espère que nous serons nombreux dans l'hémicycle pour discuter ce texte qui me paraît offrir l'occasion de vérifier si nous adhérons collectivement aux objectifs et aux grands principes.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Notre capacité d'amender est assez limitée dans le cadre d'une loi de règlement...

Mme Michèle André, présidente. - Mais la capacité de compréhension est bien là !

La commission des finances a à plusieurs reprises entendu les responsables de programme pour préparer l'examen du projet de loi de règlement. Or ceux-ci ne sont pas décideurs, mais exécutants de décisions qui leur échappent, et nous avons parfois pu mesurer leur malaise face à nos questions.

Une réflexion devrait être menée pour faire de la loi de règlement un outil d'appréciation plus qualitatif. Les vingt jours que nous consacrons à l'examen de la loi de finances initiale ne sont pas du temps perdu, mais nous pourrions essayer de rendre plus pertinentes les modalités d'examen des lois de règlement.

M. Marc Laménie. - Merci pour ce travail pédagogique. Page 59 du rapport, un tableau montre que les dépenses de l'État dans le périmètre de la norme de dépense s'élèvent à 390 milliards d'euros. Quelle serait la conséquence d'une éventuelle remontée des taux d'intérêt sur le poids de la charge de la dette, qui est de plus de 40 milliards d'euros ?

L'État est le premier financeur des collectivités territoriales, puisque les prélèvements sur recettes représentent 44 milliards d'euros. On évoque toujours la baisse des dotations de l'État. Or les collectivités territoriales sont des donneurs d'ordres importants, essentiels à l'investissement. Quel niveau de prélèvements pourrait être supporté par les collectivités territoriales ?

M. Maurice Vincent. - Monsieur le Premier président, vous avez utilisé le terme d'insincérité. Je souhaite insister sur sa charge communicationnelle, alors que la défiance vis-à-vis des responsables politiques est considérable. N'ignorons pas la perception extérieure de ce terme technique.

Page 15 de votre rapport, vous dites que le Haut Conseil des finances publiques est associé à la prévision des taux de croissance et vous souhaitez qu'il soit également associé, en amont, aux prévisions de dépenses et de recettes afin de s'assurer de leur validité. Ai-je bien compris ? Cette évolution poserait des questions importantes.

Je suis particulièrement les participations financières de l'État, notamment en ce qui concerne Areva. La facture d'Areva-EDF de 7,5 milliards d'euros, émise avant 2012, pèse aujourd'hui sur les équilibres à trouver. Dans votre rapport, vous soulignez que les 2,3 milliards d'euros de recapitalisation intégreraient le déficit maastrichtien. Toutefois, d'un point de vue budgétaire, ces 7,5 milliards d'euros ont toutes les chances d'être trouvés d'ici la fin de l'année, puisque l'État procède à des ventes de participations depuis le 1er janvier. L'interprétation maastrichtienne concernant les 2,3 milliards d'euros n'implique pas une absence de recettes d'ici la fin de l'année.

M. Thierry Carcenac. - Dans une vie antérieure, j'ai étudié les documents de la Cour des comptes. Si les formules pour qualifier la sous-budgétisation changent parfois, nous sommes trop habitués à ce genre de choses. Néanmoins, les budgets contraints conduisent à la déresponsabilisation des directeurs d'administration, ce qui pose problème.

J'ai relu des observations de 2013 et 2014 sur la dette, selon lesquelles les taux d'intérêt avaient vocation à remonter dans les années suivantes. Je note cependant que, grâce à l'Agence France Trésor, la charge de la dette, qui était de 52,2 milliards d'euros en 2012, est aujourd'hui de 41 milliards d'euros. Il convient de noter cet effort.

Les recettes de l'impôt sur les sociétés sont décevantes. Monsieur le Premier président, les avez-vous comparées avec les dépenses fiscales importantes à venir, notamment celles du CICE qui continuent à augmenter ?

Vous avez noté que les collectivités territoriales participaient au redressement budgétaire. Le fait que leurs ressources aient été largement diminuées empêche de voir la baisse des investissements, ce qui pose problème. Il serait intéressant d'en faire part dans un rapport.

Mme Fabienne Keller. - Je m'inquiète de l'insincérité des comptes publics, plus grave que les années précédentes.

Soulignons le travail mené sur les ressources humaines de l'État. On peut y trouver des sources d'économies, tout en préservant un management incitatif dans les grandes administrations de l'État.

Pouvez-vous clarifier la situation des crédits de la défense, alors que la lutte contre le terrorisme constitue une priorité absolue ? Un gel des dépenses, à hauteur de 2,3 milliards d'euros, a été décidé il y a quelques semaines. Quelle dotation assurerait la sécurité de la France sur notre territoire comme ailleurs dans le monde ?

M. Georges Patient. - Vous préconisez la suppression pure et simple des surrémunérations en outre-mer, en dénonçant des avantages salariaux injustifiés - je précise qu'elles sont versées non aux ultramarins, mais aux fonctionnaires d'État expatriés outre-mer. Comptez-vous évaluer l'impact de cette suppression sur des économies ultramarines déjà fragiles ?

Vous évoquez l'accord sur la Guyane - qui constitue un plan d'urgence - en signalant que sa mise en place sera plus tardive que prévu. Cette information provient-elle du Gouvernement ?

Mme Michèle André, présidente. - Un équilibre entre les économies à réaliser et la croissance à ne pas casser doit être trouvé. Monsieur le Premier président, votre rapport d'audit n'évoque pas le risque sur la croissance. Page 122 du rapport, vous indiquez à propos de vos simulations que, par souci de simplicité, il est fait l'hypothèse que la diminution des dépenses publiques est sans effet sur la croissance du PIB. Je n'y crois pas beaucoup, d'autant que les baisses de dépenses publiques évoquées atteignent 150 milliards d'euros. Quel est l'impact des baisses de dépenses sur la croissance et avez-vous évalué l'impact sur la croissance des scénarios que vous proposez ?

M. Didier Migaud. - Oui, une réduction des dépenses peut entraîner un effet récessif. Tout dépend de son niveau - il faut trouver le bon compromis.

À mon tour de vous poser une question, Madame la présidente : existe-t-il un lien entre le niveau de dépenses publiques et la croissance ? Si tel était le cas, la France serait championne du monde de la croissance, puisqu'elle a l'un des niveaux de dépenses publiques parmi les plus élevés au monde ! Il n'existe pas de lien mécanique. Le plus important est que les dépenses soient efficientes. Le niveau des dépenses en France est plus élevé que dans bien d'autres pays pour des résultats plus passables. C'est pourquoi il faut s'intéresser aux lois de résultats et à l'efficience de l'investissement public. Tout investissement n'est pas vertueux en lui-même. Songez au tout-TGV. La pertinence d'un investissement peut s'amoindrir au fil du temps.

Monsieur Éric Doligé, il n'est pas certain que la question de la sincérité soit réglée par un régime de responsabilité des gouvernants. Il s'agit d'un sujet de nature politique : la relation entre le Gouvernement et le Parlement. La sanction peut être un vote de défiance ou une motion de censure, ou l'élimination par le suffrage universel à l'élection suivante. Le plus important est que les éléments soient connus de tout le monde, grâce à une juridiction indépendante telle que la Cour des comptes.

Pour répondre à Maurice Vincent, oui, des avis d'autorités doivent contribuer à une plus grande sincérité des documents présentés. C'est le cas des hypothèses macro-économiques, sans doute grâce au Haut Conseil des finances publiques. Cela n'existe pas sur les scénarios de finances publiques. Il pourrait être pertinent qu'une autorité indépendante puisse exprimer un avis, afin d'éclairer le Parlement. C'est ensuite au Parlement de décider librement. Il ne faut jamais se formaliser d'un avis - j'ai été surpris de recevoir une volée de bois vert après avoir évoqué l'avis du Haut Conseil des Finances publiques. Toute solution - Haut Conseil des finances publiques ou Cour des comptes - peut être étudiée. Le Parlement doit aussi pouvoir être saisi sur le programme de stabilité, puisqu'il engage le pays. Ce serait utile et intéressant.

Nous préférons contribuer à la sincérité de la présentation des documents budgétaires et financiers plutôt qu'intervenir dans le cadre d'une sanction qui arrive trop tard.

Je n'ai aucune difficulté à reconnaître auprès d'Yves Daudigny et François Marc que le déficit de la sécurité sociale et celui des comptes publics ont diminué. La commission des comptes de la sécurité sociale se réunira demain - nous recevrons plus d'informations sur le déficit de la sécurité sociale à cette occasion. Toutefois, nous observons que son budget n'est pas encore à l'équilibre. Quant aux comptes publics, la France est le seul pays européen, avec l'Espagne, à pâtir d'un déficit excessif. Si la France a réduit ses déficits, sa situation s'est plutôt dégradée par rapport à celle des pays comparables. Constater des écarts par rapport à une trajectoire n'est pas émettre un jugement politique - sinon, il faudrait aussi adresser ce reproche à la Commission européenne, à la direction du budget, à la direction générale du Trésor, à la Banque de France, à la Cour des comptes. Nous avons travaillé sur pièces pour affirmer qu'un certain nombre de sous-budgétisations étaient connues lors de la confection des documents budgétaires transmis au Parlement et à la Commission européenne. Nous n'inventons rien - et nous sommes dans notre rôle. La loi organique relative aux lois de finances demande à la Cour des comptes de rédiger un rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire, donc par définition non seulement sur le passé, mais aussi sur le présent et l'avenir. C'est en s'appuyant sur des pièces que nous avons dit qu'il y avait eu des annulations de crédits sur 2016 et que ce mécanisme était donc possible. Pour autant, il est impossible d'annuler tous les crédits gelés. Nous le disons à partir de pièces et nous sommes prêts à soutenir la contradiction. Demandez ces documents au ministère des finances ! Je rappelle que le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques a été prévu par la loi organique relative aux lois de finances - je crois la connaître un peu.

À Francis Delattre et Éric Doligé, je réponds que la Cour des comptes n'a pas compétence pour répondre à la question : à partir de quel niveau faut-il une loi de finances rectificative ? La loi organique relative aux lois de finances dispose qu'une annulation peut se faire par décret d'avance ou par une loi de finances rectificative. Cela regarde le Gouvernement.

Richard Yung, oui, quelques dispositions constitutionnelles, organiques, ou réglementaires peuvent être modifiées pour changer les conditions de présentation et d'examen des textes budgétaires. La Cour des comptes est prête à contribuer à votre réflexion. Il est aussi possible d'étudier le fonctionnement des pays étrangers. La procédure française est assez spécifique, en ce que l'examen de la loi de finances initiale est plus long que dans les pays comparables, qui se consacrent davantage au débat d'orientation.

Le problème de recapitalisation d'Areva n'est pas celui des recettes - les 7 milliards d'euros peuvent être trouvés - mais celui de l'inscription de la dépense dans la comptabilité maastrichtienne. Quel que soit le financement, cette dépense doit apparaître. Les 7 milliards d'euros ne seront pas comptabilisés dans le déficit. En revanche, 2,3 milliards d'euros le seront, selon la jurisprudence d'Eurostat.

Je partage totalement les propos de Thierry Carcenac sur la responsabilisation. Le ministère de l'économie et des finances doit changer ses pratiques. La façon dont les budgets sont arrêtés déresponsabilise trop les gestionnaires. Le principe selon lequel chaque ministre doit être son propre ministre des finances a complètement disparu. Les gestionnaires publics ne sont pas intéressés aux résultats, au contraire. Il faut revoir les méthodes. La responsabilisation est essentielle pour une action publique plus efficiente.

Bien évidemment, la dette fait courir un risque à la France. Même la Banque centrale européenne le dit aujourd'hui. Jusqu'à présent, la dette pouvait augmenter alors même que la charge de la dette diminuait. Il faut en sortir. Aux États-Unis, la situation change. La Banque centrale européenne assumait une politique jugée complaisante offrant des taux d'intérêt bas. Avec la reprise de l'inflation et le retour de la croissance, ceux-ci vont évoluer. Ce ne sera pas brutal, mais cela peut avoir des conséquences, compte tenu d'une dette qui continue de croître.

L'investissement des collectivités territoriales a baissé, nous l'avons constaté. Nous y reviendrons en octobre dans le rapport sur les finances locales.

Les dépenses fiscales progressent hors CICE. Elles dépassent le plafond fixé par la loi de programmation, sans que cela suscite de réaction.

Je disais à Fabienne Keller qu'un travail est en cours sur la loi de programmation militaire. Pour l'instant, nous constatons un recensement de besoins supplémentaires liés à la lutte contre le terrorisme et à la présence de la France sur plusieurs terrains extérieurs. Les dépenses contraintes, de défense, de sécurité, ainsi que de santé, peuvent continuer à augmenter. Il faut donc maîtriser les dépenses de fonctionnement et de personnel.

Georges Patient souhaite-t-il la disparition de la surrémunération outre-mer ?

M. Georges Patient. - Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'en demande une évaluation.

M. Didier Migaud. - Nous émettons des observations sur le montant de 1,4 milliard d'euros que représente cette surrémunération : ses critères de répartition ne correspondent plus à la réalité. Par exemple, la majoration de traitement liée au différentiel de coût de la vie par rapport à la métropole mérite d'être débattue à nouveau. On pourrait envisager une majoration appuyée sur des critères revisités, comprenant une prime d'installation outre-mer et des indemnités de sujétion et d'éloignement fusionnés. Nous ne proposons pas une économie nette mais une meilleure utilisation de cette somme.

Nous avons pris en compte une partie de la dépense destinée à la Guyane prévue pour 2018 et non la totalité. Il faudra qu'elle soit confirmée par l'actuel Gouvernement.

M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes. - La sous-budgétisation de la mission « Agriculture » est récurrente depuis 2014. L'une des raisons est liée aux apurements communautaires. À l'occasion de notre audit, nous avons réuni la secrétaire générale du ministère, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel ainsi que le directeur financier pour dresser un état des lieux concret. La secrétaire générale et le directeur financier ont poussé un cri du coeur commun quant à l'importance croissante des sous-budgétisations dues aux refus d'apurements communautaires. Cette donnée est avérée.

Je précise, concernant la réserve de précaution, que nous avons procédé comme en 2012. À l'époque, il s'agissait de 1,5 à 2 milliards d'euros de dépassements de crédits. Il était donc possible de compenser ces risques. Cette année, le montant s'élève à 6 milliards d'euros nets. L'ordre de grandeur n'est pas du tout le même. Nous apportons, dans notre rapport, une explication technique aux 2 à 3 milliards d'euros d'annulations utiles. Un exemple : l'économie sur l'Unedic, présentée comme une partie du bouclage de la loi de finances et du programme de stabilité, a été abandonnée au profit d'un gel de crédits supplémentaire de près de 2 milliards d'euros décidé en avril. Il n'y a pas de sens à ajouter du gel à du gel. Ce gel supplémentaire est donc resté virtuel.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 16 h 30.