Mercredi 30 octobre 2019

- Présidence de M. Alain Milon, président -

La réunion est ouverte à 8 h 35.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 - Audition de Mme Anne Thiebeauld, directrice par intérim des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM)

M. Alain Milon, président. - Nous entamons ce matin notre dernière matinée d'auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 avant l'examen de ce texte en commission la semaine prochaine.

Je souhaite la bienvenue à M. Nicolas Revel, directeur général, et à Mme Anne Thiebeauld, directrice par intérim des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM). Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site Internet du Sénat et consultable à la demande.

La branche accidents de travail et maladies professionnelles (AT-MP) se distingue des autres branches à plusieurs égards : elle reste financée très majoritairement - à plus de 96 % - par des cotisations ; elle conserve une gestion marquée par le paritarisme ; et elle dégage des excédents depuis 2013 à hauteur de 1,115 milliard d'euros en 2020. Ces excédents devraient se maintenir sur la période couverte par le PLFSS pour 2020 et contribuer ainsi à la trésorerie des autres branches.

La branche est marquée cette année par la création du fonds d'indemnisation des victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides qui lui est intégré financièrement, selon un dispositif qui se distingue sur plusieurs points de la proposition de loi déposée par notre collègue Nicole Bonnefoy, que le Sénat a adoptée le 1er février 2018 sur le rapport de Bernard Jomier. La question de la réparation forfaitaire, au coeur des principes de la branche AT-MP est notamment interrogée à cette occasion. D'autres sujets, comme la prévention ou la gouvernance de la santé au travail font également partie de son actualité.

M. Nicolas Revel, directeur général de la CNAM. - Mme Anne Thiebeauld assure l'intérim de la direction des risques professionnels depuis le départ de Mme Marine Jeantet qui en avait été la directrice pendant cinq ans et qui a été nommée haut-commissaire à la prévention et à la lutte contre la pauvreté auprès du préfet de région d'Île-de-France.

Les dépenses de la branche AT-MP attendues pour 2020 s'établissent à 13,6 milliards d'euros, dont 12,2 milliards d'euros pour le régime général, soit une hausse de 100 millions d'euros par rapport à 2019. Cette augmentation est liée à la seule dynamique des indemnités journalières, sans mesure nouvelle. La branche AT-MP reste excédentaire et contribuera à nouveau, et à la même hauteur que les années précédentes -1 milliard d'euros-, à l'équilibre de la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP. La contribution de la branche au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante diminuera en 2020 de 532 à 414 millions d'euros en raison, malheureusement, de la diminution du nombre de bénéficiaires.

Au-delà de ces grands chiffres, je voudrais souligner quatre dispositions marquantes du PLFSS s'agissant de la branche AT-MP.

En premier lieu, un fonds d'indemnisation des victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides sera créé sous la forme d'un guichet unique géré par la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA). Les règles de calcul des prestations resteront toutefois calées sur les règles de droit commun s'agissant du régime général.

En deuxième lieu, le dispositif de rachat des rentes AT-MP sera supprimé. Actuellement, entre 11 et 12 % des bénéficiaires demandent à recevoir leurs rentes sous forme d'un capital. Il s'agit d'une modalité dérogatoire de versement dans notre régime de protection sociale, car la rente a vocation à accompagner le bénéficiaire dans la durée. Or, nous avons constaté que le recours à la capitalisation pouvait se révéler désavantageux pour l'assuré qui fait parfois un calcul de court terme : sa suppression sera donc plus protectrice. Cette mesure générera donc des économies à court terme, mais des dépenses plus importantes à long terme.

En troisième lieu, la dématérialisation des procédures pour les entreprises sera synonyme de simplification pour elles et de diminution des coûts de gestion pour nous. Nous avons toutefois conscience que les très petites entreprises auront besoin d'un temps d'appropriation de cette nouvelle modalité.

En dernier lieu, nous assouplissons les conditions d'accès au dispositif de « travail léger » prévu en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle afin de favoriser le maintien ou le retour rapide en emploi.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour les accidents du travail et maladies professionnelles. - Merci de nous avoir présenté ces mesures intéressantes.

La branche AT-MP est excédentaire depuis plusieurs années : pourquoi ne pas envisager une diminution des cotisations payées par les entreprises ? Certes, nous avons plus l'habitude d'augmenter les cotisations, ou d'attendre et de capitaliser que de les baisser...

Je salue l'élargissement du champ du fonds d'indemnisation des victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides notamment aux enfants nés d'une mère qui aurait été exposée. Quelles seront les modalités précises de ce fonds ?

La reconduction, même un peu à la baisse, du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) et du Fonds commun des accidents du travail agricole (FCATA) devrait permettre de faire face aux difficultés rencontrées par les victimes, notamment celles de l'amiante.

En dépit de la baisse générale de la sinistralité au cours des dix dernières années, deux secteurs connaissent néanmoins un regain des risques professionnels : celui des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et celui du transport et de la logistique. Quel accompagnement particulier prévoyez-vous pour ces deux secteurs ?

La nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) va doubler le montant des aides financières simplifiées et des contrats de prévention. Mais comment mobiliser efficacement les très petites entreprises autour de ces dispositifs ?

Quels efforts avez-vous entrepris pour limiter le phénomène de la sous-déclaration de maladies professionnelles ? Le maintien du transfert de 1 milliard d'euros en direction de la branche maladie signifie-t-il qu'aucun progrès n'a été accompli au cours des dix dernières années ? La CNAM est grande productrice de statistiques, or elle ne semble pas capable de fournir un chiffre sur le nombre de sous-déclarations. Certes, une commission se réunit pour donner une fourchette estimative entre 0,8 et 1,5 milliard d'euros, mais tout cela n'est pas sérieux !

Mme Anne Thiebeauld, directrice par intérim des risques professionnels de la CNAM. - La diminution de la sinistralité est notable depuis les vingt dernières années, notamment dans les secteurs de la métallurgie et du bâtiment qui restent cependant des secteurs majeurs en termes de risques professionnels et de dépenses.

Dans le secteur des soins à la personne, l'indice de fréquence des AT-MP est trois fois plus élevé que l'indice moyen. La COG 2018-2022 prévoit un programme national d'actions coordonnées entre la CNAM et les départements. Pour une très large majorité, les maladies professionnelles observées dans ce secteur sont des troubles musculo-squelettiques. Des programmes de prévention sont élaborés, des actions d'information et de formation du personnel sont menées. Les aides financières de la CNAM permettent de financer jusqu'à 50 % du coût des formations ou des équipements de sécurité. La taille des entreprises du secteur est très variable et la CNAM réalise un accompagnement de type « grands comptes » au profit des deux plus grands groupes. La question de l'absentéisme - particulièrement élevé dans ce secteur - a aussi été évoquée avec les entreprises et des campagnes d'information menées. Nous avons engagé des démarches similaires dans le secteur des transports et de la logistique.

La ligne budgétaire des incitations financières de la CNAM aux entreprises est en augmentation. Ces subventions s'adressent particulièrement aux très petites entreprises de moins de 50 salariés et sont diversifiées en fonction des secteurs ; c'est ainsi que l'on compte 17 subventions de prévention en 2019. Nous proposons aussi aux entreprises de signer des contrats de prévention sur plusieurs années. Les toutes petites entreprises, de moins de 5 ou 10 salariés, sont moins sensibilisées aux risques et sont donc plus difficiles à mobiliser. Nous tâchons néanmoins d'adapter nos dispositifs au plus près des besoins en travaillant avec les branches professionnelles, par exemple sur les équipements individuels de sécurité. Pour 2019, 80 millions d'euros d'aides seront mobilisés.

M. Nicolas Revel. - S'agissant de la question de la sous-déclaration des maladies professionnelles, nous allons amplifier notre dispositif en 2020. Nous faisons tout d'abord un effort d'information au long cours auprès des assurés, des entreprises et des professionnels de santé. Nous avons simplifié la déclaration dématérialisée d'AT-MP et allons également simplifier à compter du 1er janvier prochain le processus d'instruction de la reconnaissance de maladie professionnelle pour mieux accompagner les assurés. Enfin, nous avons mis en place, à titre expérimental, un dispositif de détection d'entrées en affections de longue durée (ALD) potentiellement liées à un facteur de risque professionnel : nous l'avons expérimenté en 2015 sur le cancer de la vessie, avec pour effet une multiplication par six des requalifications en maladie professionnelle ; ce même dispositif sera déployé en 2020 pour quatre autres pathologies potentiellement liées à un risque professionnel : l'asthme, la surdité, la hernie discale et le cancer naso-sinusien. Il ne nous sera pas possible d'aller beaucoup plus loin en raison des interdictions pesant sur le croisement des bases. Nous ne sommes absolument pas résignés, mais le phénomène reste difficile à évaluer. Une commission se réunit tous les cinq ans pour proposer une fourchette d'évaluation. N'oublions pas qu'il existe aussi des arrêts de travail qui s'imputent sur la branche maladie alors qu'ils sont dus à des troubles anxio-dépressifs liés à l'environnement professionnel ...

M. Gérard Dériot, rapporteur. - Les dispositions permettant un retour dans le monde du travail à temps partiel sont intéressantes, mais elles risquent d'être compliquées à appliquer dans les petites entreprises et les petites collectivités où il faudra aménager un poste supplémentaire. Comment accompagner le chef d'entreprise dans ces situations-là ?

Mme Frédérique Puissat. - Mme Myriam El Khomri vient de remettre à la ministre de la santé un rapport consacré aux métiers du grand âge dans lequel elle formule 59 propositions. Avez-vous été associés à ces réflexions ? Les 100 millions d'euros demandés sont-ils des crédits supplémentaires ? Des amendements en PLFSS seraient-ils bienvenus pour accélérer le calendrier de mise en oeuvre de ces propositions ?

M. Michel Amiel. - Quel sera le contenu du fonds d'indemnisation des victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides ? Quid du chlordécone utilisé aux Antilles ?

Nous évoquons la sous-déclaration des maladies professionnelles, mais sachez que, en tant qu'employeur, j'ai aussi connu des cas de surdéclaration ! En matière de troubles musculo-squelettiques et de risques psychosociaux, comme distinguer ce qui relève de l'environnement professionnel de ce qui relève de la vie quotidienne ?

Mme Élisabeth Doineau. - Les consultations en télémédecine sont encouragées, mais comment est rémunéré l'infirmier ou l'aide-soignant qui accompagne le patient, notamment en EHPAD ?

Nous avons organisé l'an dernier quatre tables rondes consacrées à la maladie de Lyme. Les patients et leurs familles sont souvent en errance thérapeutique et exposent des frais de transport, d'alimentation particulière, de médecine parallèle qui ne sont pas pris en charge par l'assurance maladie. Comment améliorer cette prise en charge ?

M. Stéphane Artano. - Sur les aides financières simplifiées, vous avez évoqué un point qui avait retenu mon attention et celle de ma collègue Pascale Gruny lors de la rédaction de notre rapport consacré à la santé au travail : comment toucher les plus petites entreprises ? Ne craignez-vous pas que le cofinancement exigé ne soit, pour elles, un frein à l'accès aux aides financières simplifiées ?

M. Nicolas Revel. - Nous avons été associés à la rédaction du rapport de Mme El Khomri : nous avons échangé sur ses pistes de travail et lui avons fourni des éléments statistiques. Nous partageons sa conviction qu'une action prioritaire sur ce secteur est indispensable.

Les 100 millions d'euros demandés par Mme El Khomri sont des crédits supplémentaires, mais sachez que nous avons déjà des moyens prévus pour ce secteur dans le cadre de la COG, même s'il ne s'agit pas de crédits fléchés ni d'enveloppes fermées, car nous disposons d'un budget global. Le Gouvernement décidera s'il y a lieu d'augmenter les moyens.

Je n'ai pas d'avis sur l'opportunité de déposer des amendements dans le cadre de l'examen du PLFSS pour 2020. Je pense néanmoins qu'un temps de réflexion et de travail sur les conclusions du rapport pourrait être utile.

Mme Anne Thiebeauld. - Le contenu et l'organisation du fonds d'indemnisation des victimes de maladies liées aux pesticides ne sont pas encore totalement arrêtés. Des principes sont néanmoins posés : les procédures et réglementations respectives du régime général et du régime agricole seront respectées ; la situation aux Antilles, avec le risque d'exposition du chlordécone, est bien incluse dans la trajectoire prévue pour ce fonds ; les tableaux de maladies professionnelles du régime général vont devoir évoluer.

Il est souvent délicat de distinguer ce qui relève du milieu professionnel de ce qui relève de la vie personnelle, tout particulièrement s'agissant des troubles musculo-squelettiques et des risques psychosociaux. C'est pourquoi il existe une procédure de reconnaissance qui fait intervenir un comité d'experts en pathologie professionnelle chargé de mettre en évidence, de manière scientifique, le lien direct et essentiel entre la pathologie de l'assuré avec l'environnement de travail.

M. Nicolas Revel. - Dans le cadre des consultations de télémédecine, au départ, seule la consultation du médecin était remboursée. Des négociations avec les infirmiers libéraux ont été menées afin d'envisager leur rémunération lorsqu'ils accompagnent l'assuré dans une téléconsultation. Un avenant, signé le 6 mars 2019, prévoit qu'à compter du 1er janvier prochain les infirmiers seront rémunérés à hauteur de 10 euros si l'infirmier est présent au domicile de l'assuré pour d'autres prestations, de 15 euros, en plus des indemnités de déplacement, si l'infirmier se déplace spécialement au domicile de l'assuré et de 12 euros si l'infirmier se trouve dans un lieu dédié. En revanche, les aides-soignants qui interviennent essentiellement dans le cadre d'établissements médico-sociaux de type EHPAD ne recevront pas de rémunération spécifique, car ils sont salariés et cet acte fait partie de leurs missions.

L'errance thérapeutique des patients atteints de la maladie de Lyme est un vrai sujet, notamment en amont du diagnostic. Malheureusement, nos remboursements répondent à des règles et pour accéder à une prise en charge il faut entrer dans un cadre précis. Sans diagnostic, la prise en charge est impossible.

S'agissant des aides financières simplifiées, je suis contre une prise en charge complète.

Mme Anne Thiebeauld. - Nos subventions permettent de prendre en charge au maximum 50 % du coût. C'est en effet l'employeur qui est responsable de la prévention dans son entreprise et il ne faudrait pas le déresponsabiliser. En outre, si nous devions financer à 100 %, nous ne serions pas en mesure d'aider autant d'entreprises qu'aujourd'hui.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 - Audition de M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM)

M. Alain Milon, président. - Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 avec l'audition de M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Je félicite M. Revel dont le mandat, commencé en 2014, a été renouvelé la semaine dernière par le conseil d'administration de la caisse, sur proposition du Gouvernement.

Permettez-moi de saisir cette occasion pour saluer, au nom de notre commission, la mémoire de M. William Gardey, président de la CNAM, décédé le 14 octobre dernier.

Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site Internet du Sénat et consultable à la demande.

La branche maladie reste « l'homme malade » de la sécurité sociale. Alors qu'elle devait renouer avec l'équilibre en 2020, son déficit serait de 3 milliards d'euros en 2020, comme en 2019. En l'absence de transfert à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), la branche aura accumulé près de 20 milliards d'euros de dette à la fin de l'année 2023, c'est-à-dire à la fin de la période couverte par le PLFSS.

Comme chaque année, la moitié des articles du PLFSS est consacrée à la branche maladie, avec, notamment, une réforme du financement de l'hôpital, sur fond de crise persistante des hôpitaux, sur laquelle nous aimerions avoir votre sentiment. S'agit-il d'une crise de notre modèle de financement solidaire devant l'alourdissement inéluctable des coûts liés au vieillissement et à l'innovation ? Ou de la crise d'une organisation dont la mue n'a pas été assez rapide ?

M. Nicolas Revel, directeur général de la CNAM. - Je vous remercie des mots aimables que vous avez eus en mémoire de M. William Gardey qui consacra ses trente dernières années à son engagement passionné dans la vie de notre institution.

Alors que le déficit de la branche maladie pour 2020 était attendu autour de 500 ou 600 millions d'euros, il sera finalement de 3 milliards d'euros en 2019 comme en 2020. Il ne résulte pas de la non-compensation des exonérations des heures supplémentaires, qui n'impacte pas la branche maladie, mais de la diminution du taux de contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités décidée par le Gouvernement et de l'évolution moins dynamique que prévu de la masse salariale.

Grâce à nos efforts de maîtrise de la dépense dans la durée, nous maintenons une évolution annuelle de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) comprise entre 2 et 2,5 %. Le retour à l'équilibre se décale certes, mais reste envisageable dans les prochaines années.

L'évolution de l'Ondam en 2020 est fixée à + 2,3 %. Le rythme spontané d'évolution des dépenses de santé, que nous appelons le tendanciel, serait de + 4,4 % en 2020, dont 0,3 % liés au nombre de jours ouvrés en 2020. Nous avons donc recherché des économies pour un montant de 4,185 milliards d'euros.

Les sous-Ondam s'établissent à + 2,1 % pour l'hôpital et à + 2,4 % pour la ville. Je vous invite à rester prudents à l'égard de ces notions d'hôpital et de ville qui sont très poreuses. On s'aperçoit en effet que de nombreuses dépenses prescrites par l'hôpital s'imputent sur les dépenses de ville : c'est le cas des médicaments en rétrocession hospitalière, des transports sanitaires et des honoraires des médecins libéraux qui opèrent dans un établissement privé.

L'écart de 0,3 % entre ces deux sous-Ondam n'est pas anormal. En effet, le tendanciel 2020 des dépenses-hôpital est de + 3,3 % alors que celui des dépenses de ville est de + 5,6 %. Le tendanciel hospitalier s'est d'ailleurs réduit entre 2019 et 2020.

Mme Laurence Cohen. - Évidemment ! Vous faites tout pour !

M. Nicolas Revel. - Face à ces tensions fortes dans le système de santé et la sphère hospitalière en particulier, le Gouvernement présentera des mesures courant novembre.

Le PLFSS prévoit plusieurs mesures relatives à l'évolution des modes de financement de la psychiatrie, des soins de suite et de réadaptation (SSR) et des services des urgences. Il prévoit également la rénovation de la nomenclature des actes des médecins libéraux ainsi que celle du dispositif d'intéressement des établissements au titre du contrat d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins (Caqes).

Quatre autres mesures me semblent dignes d'intérêt : le forfait post-traitement aigu du cancer, le bilan de santé de l'enfant entrant à l'aide sociale à l'enfance (ASE), la prise en charge des frais de déplacement et d'hébergement pour les femmes enceintes éloignées de la maternité et enfin une expérimentation d'une plateforme départementale sur la prévention de la désinsertion professionnelle.

Mme Catherine Deroche, rapporteure pour l'assurance maladie. - Le PLFSS pour 2020 prévoit de très importantes économies sur la biologie. Elles étaient de 120 millions d'euros en 2019, le rapport intitulé Charges et produits pour l'année 2020 de la CNAM de juillet dernier prévoyait de les fixer à 180 millions d'euros, et ce sont finalement 205 millions d'euros qui sont prévus au PLFSS ! Pourquoi êtes-vous allés au-delà des 180 millions d'euros ? Cela a déclenché une réaction forte de la profession avec la fermeture de laboratoires pendant trois jours. N'atteint-on pas ici les limites d'une régulation prix-volume ? Quelles sont les pistes explorées pour valoriser le rôle des biologistes dans le parcours de soins et préserver le maillage territorial des laboratoires ?

L'an dernier, avec mes collègues Yves Daudigny et Véronique Guillotin, nous avons travaillé sur la question de l'accès précoce aux médicaments. Où en est-on de la refonte des nomenclatures ?

L'article 28 du PLFSS prévoit une réforme de la prise en charge des dispositifs médicaux. Cela induira-t-il une baisse durable des coûts des dispositifs ?

L'article 29 abroge la possibilité pour le pharmacien de substituer un médicament biosimilaire à un médicament de référence. Or, un rapport récent de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a rappelé que, bien qu'un médicament biosimilaire ne soit pas bioéquivalent au princeps, sa substituabilité n'entraînait pas de risque particulier et pouvait avoir d'importants bénéfices pour l'accès aux médicaments innovants. Avez-vous chiffré le coût pour l'assurance maladie de cette mesure de non-substituabilité ?

L'article 42 vise à adapter le Caqes aux spécificités de l'hôpital. Les seules données statistiques sur les variations de pratiques vous semblent-elles un critère adéquat de pertinence ? Quel sera le rôle du contrôle médical dans ce dispositif ?

M. Nicolas Revel. - S'agissant des économies attendues sur le poste de biologie, il faut distinguer ce qui est attendu de la biologie de ville et ce qui s'est ajouté pour passer de 180 à 205 millions d'euros et qui concerne la biologie hospitalière.

En raison notamment de la concentration croissante du secteur, nous nous sommes engagés depuis six ans dans une approche négociée. Un premier protocole triennal, signé en 2014, prévoyait une augmentation annuelle des dépenses de + 0,25 %. Ce protocole a été reconduit à l'identique en 2016. En 2019, nous avons à nouveau proposé la signature d'un protocole de régulation prix-volumes et cette proposition a été acceptée. L'objectif de 180 millions d'euros fixé dans le rapport de juillet 2019 correspondait à la projection en 2020 des règles du protocole en vigueur.

Pourquoi ce montant est-il supérieur à celui de 2019 ? En raison d'un tendanciel de 2020 plus élevé sur la biologie de ville - de l'ordre de 0,4 point supplémentaire ; d'un décalage de 26 millions d'euros des dépenses de 2019 par rapport au cadrage prévu ; et de la disparition en 2020 de 20 millions d'euros de dépenses qui avaient été autorisées en 2017, 2018 et 2019. Notre proposition de repartir sur les mêmes bases correspondait donc à ces 180 millions d'euros. La profession a refusé de maintenir son même niveau d'effort pour les trois prochaines années et a réagi fortement. Nous avons eu de nouvelles discussions il y a une dizaine de jours. J'ai alors proposé le relèvement de la trajectoire de 0,50 ainsi qu'un certain nombre de mesures permettant d'éviter les baisses de tarifs. Ces propositions ont été jugées insatisfaisantes par la profession, une nouvelle réunion aura donc lieu le 6 novembre prochain au cours de laquelle nous ferons de nouvelles propositions. Si nous trouvons un accord, tant mieux ; sinon, la vie continuera ... Mais je sais que nous souhaitons tous trouver un accord.

S'agissant du référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), la ministre nous a fixé comme objectif d'en diminuer le volume en inscrivant progressivement dans la nomenclature de droit commun ces actes innovants, réalisés en milieu hospitalier et financés par une dotation spécifique. Pour ce faire, nous avons défini avec la Haute Autorité de santé (HAS) un programme d'évaluation de ces actes. C'est un travail de longue haleine, qui nous prendra probablement plus de cinq ans.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Vous aviez annoncé trois ans l'an dernier...

M. Nicolas Revel. - Effectivement, le premier programme de trois ans est bien maintenu. Mais nous n'aurons pas terminé au bout de trois ans et d'autres actes vont rejoindre le RIHN.

La dépense annuelle de l'assurance maladie pour les fauteuils médicaux est de 154 millions d'euros, en augmentation de 9 % chaque année et, nous remboursons plus de 700 modèles. Comme d'autres pays l'ont fait avant nous, nous souhaitons, grâce au référencement et à la stimulation de la concurrence entre producteurs, aboutir à une diminution des tarifs sans porter atteinte ni à la qualité ni aux fonctionnalités des dispositifs médicaux proposés à nos assurés.

Sur la question des biosimilaires, nous supprimons une disposition qui autorisait les pharmaciens à opérer une substitution, mais pour laquelle aucun décret n'avait jamais été pris. Le risque de contentieux était en effet fort, notamment de la part des entreprises qui développent ces médicaments biosimilaires ; nous avons donc souhaité stabiliser la base juridique. En revanche, le sujet n'est pas écarté et nous allons continuer à y travailler avec l'ensemble des parties prenantes.

S'agissant de la pertinence des actes, l'approche par la statistique est toujours très intéressante, car elle permet de mettre en lumière les écarts de pratique entre professionnels. Bien entendu, elle ne suffit pas et ne dispense pas du regard médical sur le contexte clinique des patients.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Sur quels montants les relations poreuses que vous évoquez entre l'hôpital et la ville portent-elles ?

Nous savons tous que les hôpitaux sont en souffrance. Ils connaissent des problèmes d'organisation et des problèmes de financement qui limitent leurs possibilités de recrutement de personnels médicaux, infirmiers et d'aides-soignants. Le besoin a été chiffré par de nombreux rapports. Or cet effort particulier que nous devons accomplir pour l'hôpital ne se retrouve pas dans ce PLFSS. Disposez-vous de statistiques pour nous éclairer ? Au Sénat comme à l'Assemblée nationale, les parlementaires continueront à interpeller la ministre sur ce sujet.

L'article 15 du PLFSS prévoit de rendre redevables d'une contribution tous les exploitants de dispositifs médicaux dès lors que les dépenses d'assurance maladie au titre de la liste en sus dépassent un seuil de 3 %. Le produit de cette contribution serait constituée de la totalité de la dépense excédentaire. Cette mesure n'est-elle pas un peu brutale ? Nous aurions besoin de quelques éclaircissements de votre part.

M. Yves Daudigny. - Je vous remercie de la qualité de votre exposé.

Je voudrais commencer par aborder un sujet d'ordre général qui est un des problèmes de notre système de santé : la liaison entre médecine de ville et médecine hospitalière. Alors que les hôpitaux de proximité devraient être l'un des lieux de cette coordination, quel est votre regard sur l'engagement de la médecine de ville au niveau des hôpitaux de proximité ? Le maintien des hôpitaux de proximité au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT) constituera-t-il un obstacle à cette coopération ? L'exercice libéral des médecins hospitaliers est-il satisfaisant ?

Quel est votre avis sur la proposition du syndicat MG France d'élargir les horaires de la permanence des soins dès 18 heures dans le cadre de l'organisation territoriale de la régulation des appels et de la continuité des soins ?

Des dossiers médicaux partagés (DMP) ont été ouverts en grand nombre, notamment dans les pharmacies, mais beaucoup sont restés inactifs pendant de longs mois. Ils le resteront tant que les médecins et les biologistes ne s'impliqueront pas sur ce dossier. Or ils ont besoin de temps et de logiciels adaptés. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

Je souhaiterais enfin quelques précisions sur les plateformes de téléconsultation et les règles de remboursement des consultations, mais aussi des prescriptions réalisées par le biais de ces plateformes.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. - J'ai beau examiner ce projet de budget et essayer d'y trouver des points positifs, il m'apparaît comme un texte de renoncement et de déception.

Au début de l'été, vous supprimez le remboursement de l'homéopathie ; en octobre, nous apprenons que le dafalgan codéiné pourrait devenir un générique - sachez que j'habite à Agen où est située l'usine UPSA ; en octobre toujours, nous apprenons que l'efferalgan et le doliprane pourraient ne plus être en vente libre ; et dans le PLFSS, un plan de baisse de 920 millions d'euros est annoncé sur le prix des médicaments. Le déremboursement des médicaments est-il votre principale source d'économies ?

Mme Brigitte Micouleau. - Afin de développer les activités sportives, vous supprimez le certificat médical obligatoire de non-contre-indication à la pratique sportive pour les mineurs et le remplacez, y compris pour obtenir une licence, par une déclaration sur l'honneur du représentant légal. Que répondez-vous aux médecins qui estiment nécessaire d'examiner l'enfant au moins une fois par an afin, notamment, de mener des actions de prévention ?

Mme Laurence Cohen. - Vous trouvez normal que la diminution du taux de CSG acquittée par les retraités ne soit pas compensée par l'État, moi non ! Surtout qu'il faudrait aussi compenser les mesures urgentes décidées au moment de la crise des « gilets jaunes ». On assiste à une remise en cause du budget de la sécurité sociale auquel on demande toujours plus !

L'Ondam est totalement insuffisant au regard de l'évolution naturelle des dépenses de santé ; or, tous les acteurs et les actrices, syndicaux, associatifs ou autres, évaluent à 4,5 % son niveau minimal nécessaire.

Les sous-Ondam de 2,1 pour l'hôpital et de 2,4 pour la médecine de ville que vous évoquez sont très en deçà des réalités. De plus, vous estimez que la ville doit absorber les dépenses de l'hôpital, mais on pourrait également soutenir l'inverse.

Certaines mesures ne seront annoncées par le Gouvernement qu'en novembre, ce qui signifie que nous allons débattre, dans l'hémicycle, sur des éléments qui pourraient être détricotés par la suite, et voter un PLFSS à l'aveugle. C'est abracadabrantesque !

Enfin, l'article 51 du PLFSS élargit les possibilités de création de caisses communes de sécurité sociale. Que pensez-vous de cette perspective, qui entraînerait nécessairement des suppressions d'emplois ? L'objectif de l'Assurance maladie est-il de supprimer des caisses locales pour les fusionner dans des maisons France Service, comme dans mon département du Val-de-Marne ?

M. Nicolas Revel. - Madame Cohen, la notion de sous-Ondam doit être maniée avec précaution. Il est vrai, par exemple, que certaines dépenses hospitalières sont liées à la difficulté de la médecine de ville à prendre en charge certains patients souffrant de pathologies lourdes et complexes. Cela montre que ces sous-Ondam ne sont pas des entités claires et exhaustives. Je ne crois pas qu'il faille ajuster leur évolution sur les évolutions tendancielles de la dépense, car il existe des dépenses de santé évitables et à éviter. Tout système de santé présente des redondances, des surprescriptions, des hospitalisations évitables. C'est tout autant une question de qualité de la prise en charge que de finances.

Monsieur le rapporteur général, il est difficile de porter un diagnostic sur les tensions qui affectent l'hôpital public. Objectivement, la régulation des tarifs hospitaliers, notamment la limitation des tarifs de séjour a, au cours des dix dernières années, obligé les hôpitaux à des gains importants de productivité. Dans le même temps, l'évolution de l'offre de soins hospitalière n'a pas été suffisante. Cela s'est traduit par un retard d'investissement dans de nombreux établissements.

Vous avez également souligné, à juste titre, un manque d'attractivité de certains hôpitaux, métiers et territoires entraînant des vacances d'emplois chez les médecins et professions paramédicales. Cela nous renvoie à la question des niveaux de rémunération pour certains métiers et territoires, à laquelle la ministre a souligné que des réponses seraient apportées.

Je n'ai pas encore évoqué la clause de sauvegarde de 3 % pour les dispositifs médicaux. Certains d'entre eux voient leur prix augmenter chaque année de 4 à 5 %, et l'Assurance maladie a des difficultés à évaluer la pertinence des prescriptions et des volumes, car c'est un marché très atomisé où interviennent de nombreux acteurs. Nous avons essayé de mettre au point des mécanismes de prix-volumes qui répondent aux demandes des industriels, par exemple pour les machines à pression positive continue utilisées contre l'apnée du sommeil. Le ministère de la santé a souhaité étendre aux dispositifs médicaux la clause de sauvegarde existante pour les médicaments. Le niveau de 3 % me semble raisonnable.

Monsieur Daudigny, intégrer un hôpital de proximité dans un GHT favorisera l'investissement des professionnels libéraux dans son fonctionnement. Il est également important que la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) soit représentée au sein de la commission médicale d'établissement, pour ligamenter l'offre de soins dans les territoires et offrir des possibilités d'exercice libéral aux médecins hospitaliers, y compris en médecine de ville. Il existe déjà un cadre pour cela.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Il faut tenir compte du problème des établissements de santé privés d'intérêt collectif (Espic).

M. Nicolas Revel. - Faire commencer à 18 heures la permanence des soins ambulatoires (PDSA), comme le demande MG France, et ainsi appliquer une majoration à tout acte pratiqué après cette heure, aurait des conséquences financières lourdes. De plus, les cabinets médicaux de ville fonctionnent ouvrent déjà après 18 heures et le financement des maisons et pôles de santé est conditionné à une ouverture au-delà de cette heure. Je suis par conséquent très réservé sur cette demande.

Il est excessif de dire que les DMP sont vides. Nous y versons déjà l'historique des remboursements, notamment tous les médicaments délivrés par l'Assurance maladie. C'est une information de première importance dans la prise en charge d'un patient, mais non suffisante : il reste un long chemin à parcourir. Nous avons signé un accord avec les laboratoires de biologie pour qu'ils alimentent systématiquement ce dossier. Les discussions avancent avec les centres hospitaliers, que nous incitons à adapter leurs systèmes d'information en conséquence. Nous avons signé une convention avec 500 Ehpad reposant sur une aide de 2 000 euros à l'adaptation des systèmes d'information pour alimenter le dossier de liaison urgences, très important en cas d'hospitalisation. Enfin, avec les médecins et professionnels de ville, nous rencontrons un problème d'ergonomie des logiciels, qui n'ont pas été conçus pour simplifier l'alimentation du DMP. Il y a de grandes variations entre les logiciels, et même entre versions d'un même logiciel. Fin 2018, nous avons convoqué à la CNAM des représentants des éditeurs pour leur présenter les retours des médecins et élaborer une feuille de route. Ils ont désormais compris que le DMP allait structurer le paysage de l'information en santé et travaillent à l'amélioration de leurs produits.

Nous ne remboursons pas les consultations de télémédecine réalisées par des plateformes commerciales qui ne s'inscrivent pas dans une logique de parcours de soins. En revanche nous remboursons les prescriptions délivrées dans ce cadre, y compris les arrêts de travail, conformément au droit : tout médecin inscrit à l'Ordre peut faire une prescription, que son acte soit remboursé ou non par l'Assurance maladie. Je ne vois pas dans quel cadre juridique nous pourrions y faire exception.

Quant au doliprane, madame Bonfanti-Dossat, il n'est pas en vente libre et ne le sera pas davantage demain. Il est possible d'obtenir du paracétamol dans un autre médicament que le doliprane, avec un écart de prix modéré.

Sur l'homéopathie, le déremboursement n'est pas lié à des considérations financières ou de resserrement du panier de soins : il procède de l'action, absolument indispensable pour tout système de santé, d'une haute autorité indépendante qui juge du service médical rendu des produits de santé pris en charge par l'assurance maladie. Or il se trouve que l'homéopathie était la seule famille de produits qui n'avait jamais donné lieu à une évaluation scientifique. Elle a donc été soumise à une évaluation scientifique du service médical rendu, et la HAS a rendu son avis. Si nous nous dotons d'autorités administratives indépendantes, c'est pour respecter leurs décisions et en tirer des conséquences.

Le certificat médical annuel obligatoire pour la pratique sportive est une exigence liée à la couverture assurantielle des clubs sportifs. Les médecins ont des pratiques extrêmement différentes : certains reçoivent systématiquement les enfants ; d'autres, parce qu'ils connaissent bien leurs jeunes patients, remettent le certificat sans consultation... Compte tenu de la tension sur l'accès aux soins, de la difficulté de trouver un médecin généraliste traitant ou un praticien disponible dans un délai raisonnable en cas de pathologie aiguë, libérer ce temps médical « capté » par la production de certificats médicaux peut paraître de bonne méthode, d'autant que nous avons introduit, depuis 2016, la notion de médecin traitant de l'enfant. Ce dispositif monte en charge, et nous souhaitons que les enfants soient suivis au long cours par un médecin traitant comme n'importe quel adulte.

La loi Veil porte sur la compensation des exonérations de cotisations sociales, et non sur une modulation des contributions en fonction de l'évolution des taux. Au titre des mesures « gilets jaunes », il a été décidé d'avancer l'exonération des heures supplémentaires au 1er janvier 2019, d'exonérer de charges la prime de fin d'année, et de baisser le taux de CSG pour les retraités. C'est cette dernière mesure qui a un impact, cette année et en 2020, sur le solde de la branche maladie, lequel subit également le ralentissement de la masse salariale par rapport aux prévisions.

Porter le taux d'augmentation de l'Ondam à 4,4 % est doublement impossible. D'abord, parce que le taux d'accroissement de nos recettes n'atteindra jamais ce taux : elles augmentent spontanément de 2 à 2,5 %. Si l'on veut atteindre 4,4 %, il faut créer des recettes supplémentaires, en augmentant les prélèvements chaque année.

Mme Laurence Cohen. - Arrêtez les exonérations !

M. Nicolas Revel. - Certes, mais vous ne traitez pas la question de la dynamique des ressources et des dépenses.

Le déficit survient lorsque la progression des dépenses est supérieure à celle des recettes. Or il est fondamental que la branche soit à l'équilibre, car c'est ce qui permet de maintenir le niveau de remboursement et de protection. Les déficits que nous avons connus pendant des dizaines d'années ont conduit à des déremboursements. Si notre taux de prise en charge par la sécurité sociale est resté constant à 78 %, c'est parce que nous avons aujourd'hui deux fois plus de patients en affection de longue durée, donc pris en charge à 100 %, qu'il y a quinze ans. Pour maintenir l'équilibre, et préserver notre modèle de solidarité, il faut faire correspondre le taux de progression des dépenses et celui des ressources.

Ensuite, il faut se demander si le taux de 4,4 % correspond à un besoin légitime d'évolution des dépenses de santé. Je ne le crois pas. Une part significative de l'évolution spontanée de la dépense est liée à une série de facteurs sur lesquels nous devons agir : redondance des actes, actes non pertinents, surprescriptions... D'un autre côté, il faut aussi prendre en compte les actions pour lutter contre la sous-médicalisation : retard en matière de prévention, parcours de patients mal organisés et, par conséquent, trop coûteux. Nous avons donc un champ d'intervention pour essayer de tenir une progression des dépenses qui soit liée à l'équilibre de la branche et conciliable avec l'objectif de qualité et de pertinence des soins. Dans aucun pays occidental, la dépense n'augmente de 4,5 % par an.

On peut discuter de la part relative des leviers, entre ceux qui portent sur la régulation tarifaire et ceux qui concernent la pertinence de la dépense. Je suis convaincu qu'il faut être plus efficace demain sur les seconds que sur les premiers. Nous y travaillons, et nous avons de nombreuses actions en cours pour essayer de rééquilibrer les choses.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Est-ce que le montant de 1 milliard d'euros programmé pour la redondance des soins dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale vous paraît suffisant, compte tenu du taux de 30 % de soins inutiles et redondants annoncés par Mme la ministre ?

M. Nicolas Revel. - Ce taux est issu d'un rapport de l'OCDE : il correspond au gaspillage de la dépense de santé. Pour notre part, nous n'avons jamais produit d'estimation consolidée globale, car cela nous semble être un exercice relativement incertain.

Ce taux correspond à l'addition de différents phénomènes : médicaments non utilisés, mais délivrés et remboursés, retard en matière de prévention, fraude... Le potentiel de dépenses évitables est considérable, mais il n'est pas toujours facile à mobiliser, même si nous faisons des efforts pour y parvenir.

Je veux évoquer les caisses communes de sécurité sociale. Une disposition législative a permis de traiter le cas de la Lozère. La CPAM, la CAF et l'Urssaf de ce département avaient souhaité fusionner il y a dix ans, les acteurs locaux craignant que l'Urssaf ne quitte le département.

Plus largement, quelle est la réflexion des branches sur leur implantation territoriale ? Deux branches, le recouvrement et la retraite, ont été régionalisées ; les deux autres, la famille et la maladie, veulent rester présentes dans chaque département. Nous estimons que nos missions nous conduisent à être auprès des assurés et des professionnels de santé. Dans certains petits départements ruraux, les caisses primaires ou les CAF sont objectivement en dessous de la taille critique. Nous rencontrons quelquefois des difficultés à recruter des directeurs à la tête de ces organismes. Des expérimentations ont été faites, notamment dans le département des Hautes-Alpes, dans lequel un directeur commun CAF-CPAM a été nommé. Nous avons fait de même très récemment dans le Cantal.

Dans les Hautes-Alpes, les conseils des deux organismes ont manifesté leur souhait d'aller vers une caisse commune. C'est un choix intelligent, si la logique « ascendante » est respectée : maturation du projet, acteurs territoriaux engagés.... Nous avons « déverrouillé » la disposition qui n'autorisait cette évolution que pour la Lozère.

Pour être clair, je ne crois pas du tout à la grande fusion des CAF et des CPAM, car les métiers et les champs d'intervention sont différents. Faire des super-caisses dans des départements importants n'aurait aucun sens. Mais il peut être intéressant de travailler sur la mutualisation de fonctions supports dans les petits départements, ou sur l'accompagnement des publics fragiles dans tous les départements. Les modalités de ces coopérations, sur lesquelles nos deux réseaux ont travaillé au cours des derniers mois, doivent être diverses et plurielles.

M. Daniel Chasseing. - Certains CHR doivent être transformés en hôpitaux de proximité. Les services d'urgence seront-ils maintenus ? C'est important pour les territoires isolés.

L'Ondam médico-social est insuffisant, notamment en ce qui concerne les personnes âgées. Avec 300 000 euros, on ne peut pas créer plus d'un emploi par Ehpad. Vous dites que les conditions sont celles d'un retour à l'équilibre décalé. Mais, quand le remboursement de la Cades sera assuré, affecterez-vous des sommes pour créer des emplois dans les Ehpad ? Avez-vous prévu davantage de formations pour les infirmières ? Les pharmaciens d'officine jouent un rôle considérable en milieu rural, notamment pour préparer des piluliers et éviter l'iatrogénie médicamenteuse. Leur action sera-t-elle reconnue ?

Mme Corinne Féret. - Le président de la Cour des comptes a fait des recommandations sur l'évolution des dépenses de la branche AT-MP. Il a notamment proposé d'instaurer un premier jour de carence dans le public pour tous les salariés. Qu'en pensez-vous ?

M. Philippe Mouiller. - L'exercice est difficile, car vous devez parler de mesures que vous ne pouvez pas annoncer. Évitons le décalage entre les chiffres et la réalité sur le terrain, notamment en ce qui concerne la psychiatrie. Des mesures de restructuration sont annoncées. Quid des mesures d'urgence ? Le bateau prend l'eau ; il ne faudrait pas qu'il coule. Vous ne mentionnez aucune mesure particulière sur le grand âge, alors que le problème ne cesse de s'amplifier.

Le texte ouvre la possibilité du remboursement du matériel recyclé et remis en état pour les personnes atteintes de handicap. Le libre choix sera-t-il maintenu ? L'effet psychologique est important.

M. Michel Amiel. - Notre système de santé est à bout de souffle. Chaque année, le PLFSS met en place des mesures paramétriques qui grattent, pour ainsi dire, d'un côté comme de l'autre. L'Ondam tendanciel affiche des mesures d'économie d'un peu plus de 4 milliards d'euros chaque année. L'OCDE estime la part des actifs redondants à 20 %, ce qui n'est pas rien sur 208 milliards d'euros de budget. N'y aurait-il pas moyen de faire la chasse à ces actes redondants que l'on identifie parfaitement ? La société a beaucoup évolué depuis 1945, qu'il s'agisse du coût de l'innovation, de la prise en charge du grand âge, et surtout de l'évolution des professions de santé. Les jeunes médecins ne souhaitent plus exercer comme il y a trente-cinq ans. J'étais hier à l'hôpital Bichat, dans le cadre d'une audition sur la crise des urgences. Ce service ne donnait absolument pas l'image d'un service en crise, car il fonctionne avec une équipe soudée, comme il y a trente ans. Les évolutions sociétales sont-elles suffisamment prises en compte dans l'appréhension du système de sécurité sociale ? Vous êtes venu à Marseille, et vous êtes intervenu dans le cadre de la journée nationale des CPTS. Ce dispositif est destiné à gérer les situations de pénurie. Le Gouvernement a voulu s'en remettre aux professionnels de santé pour l'organiser. Sur le terrain, la situation est consternante. Les gens ne savent pas de quoi ils parlent. Peut-on leur en vouloir quand leur journée commence à 7 heures pour s'achever à 21 heures ? Dans ces conditions, les médecins n'ont pas forcément envie de monter des dispositifs dont ils ne sont même pas certains que l'ARS les validera.

Mme Nadine Grelet-Certenais. - L'article 42 dote les ARS d'un droit de dérogation aux tarifs nationaux pour mieux faire fonctionner les établissements en zones sous-dotées. Quelles sont les limites et les critères de ce droit ?

Pour garantir un meilleur accès aux soins, ne faudrait-il pas déconnecter de cette garantie le volume d'activité, toujours dans l'objectif de privilégier les territoires ruraux ?

Mme Corinne Imbert. - L'article 35 rend obligatoire le bilan de santé pour les mineurs entrant dans le dispositif de protection de l'enfance. Les services de l'ASE ne le réalisent effectivement pas toujours. Le texte mentionne un examen complexe, réalisé par un spécialiste. Pas moins de 30 de ces enfants sont déjà suivis. Les consultations seront prises en charge par l'Assurance Maladie. À combien en estimez-vous le coût ? Les services de la Protection maternelle infantile (PMI) seront-ils sollicités pour les enfants de moins de six ans ? Les conseils départementaux seront-ils indemnisés ? Je suis contente d'avoir entendu les propos de mon collègue Amiel sur les CPTS qui ne suffiront pas à régler les problèmes de prise en charge des patients. Nous l'avions dit lors des discussions sur la loi Santé.

Mme Martine Berthet. - L'Assemblée nationale a adopté un amendement qui dans le cas de la délivrance d'un princeps dont le prix a été aligné sur celui du générique, interdit au pharmacien de pratiquer le tiers payant. Cela pénalise les patients sans rien apporter en termes d'économies de santé. Qu'en pensez-vous ?

Avez-vous évalué les conséquences du déremboursement de l'homéopathie et des reports vers l'allopathie plus coûteuse, notamment pour ce qui est du remboursement par l'Assurance maladie et de son délai ?

M. Nicolas Revel. - Monsieur Chasseing, le ministère réfléchit à la labellisation des hôpitaux de proximité et travaille sur les critères à définir. Un CHR peut-il devenir hôpital de proximité ? Rien ne l'exclut. Cependant, la notion renvoie davantage à une structure proposant une offre de soins tournée vers la médecine interne, la gériatrie, les soins de suite et la psychiatrie, c'est-à-dire une offre spécialisée vers la prise en charge de premier recours.

L'Ondam médico-social a son évolution propre. Que se passera-t-il une fois que la dette sociale aura été « éteinte » ? Pour le coup, c'est une question qu'il vous appartiendra de traiter, parce qu'elle relève de la loi, et certainement pas de l'assurance maladie, les masses financières en jeu étant tout à fait considérables. Je ne m'autoriserai donc pas à répondre à cette question, qui, de surcroît, ne se pose pas immédiatement, puisque l'échéance est fixée à 2024.

S'agissant de la reconnaissance des interventions des pharmaciens, nous sommes précisément en train de discuter avec les syndicats de pharmaciens de la possibilité et de l'utilité de la création d'une sorte de bilan de médication adapté à la problématique des résidents en Ehpad. Il n'est absolument pas exclu que cette réflexion aboutisse.

Pour ce qui concerne les indemnités journalières, il y a beaucoup de choses dans le rapport de la Cour des comptes. Je n'ai pas d'avis sur la question du premier jour de carence d'ordre public, mesure qui relève, elle aussi, de la loi. Comme vous le savez, l'application de ce dispositif a été neutralisée par des accords sociaux dans la plupart des grandes entreprises. Son rétablissement dans celles-ci ne manquerait pas de les impacter.

Alors que le débat se focalise toujours sur les petits arrêts maladie itératifs, il est frappant de constater que ce sont les arrêts de longue durée qui font la dynamique du poste. Aujourd'hui, les arrêts de courte durée représentent 75 % du volume des arrêts et 18 % de la dépense. Les arrêts de très longue durée, supérieurs à six mois, représentent quant à eux 6 % du volume et 50 % de la dépense. Les chiffres sont encore plus significatifs pour les arrêts supérieurs à un mois.

Dès lors, nous nous concentrons prioritairement sur les arrêts longs, et donc sur l'accompagnement des malades. Il n'y a pas de doute sur la réalité des maladies : il ne s'agit pas de dénoncer des malades imaginaires ou des prescriptions de complaisance. Aujourd'hui, un peu plus de la moitié des arrêts de plus de six mois ne sont pas liés à des affections de longue durée : les pathologies peuvent être liées à des troubles anxio-dépressifs ne relevant pas d'une reconnaissance d'une affection de longue durée (ALD), à des lombalgies, des TMS... Notre vraie marge de progrès réside dans l'accompagnement des salariés concernés vers une reprise d'emploi, qui, à mesure que la mesure que la durée de l'arrêt s'allonge, devient plus difficile, à plusieurs titres.

Nous considérons que, pour être plus efficace dans cet accompagnement individuel, qui prend un peu de temps, il est de notre responsabilité de nouer des relations avec les patients, les médecins traitants prescripteurs et les services de santé au travail. Il s'agit de travailler de manière partenariale, dès lors que le médecin traitant, le médecin-conseil de l'assurance maladie et le médecin du travail conviennent qu'une reprise d'activité est non seulement envisageable, mais souhaitable pour le patient.

Je veux vous rassurer, cette priorité n'exclut évidemment pas que nous continuions à convoquer les patients arrêtés pour une courte durée, pour vérifier que leur arrêt est bien justifié. Chaque année, nous convoquons physiquement au service médical 1 million des quelque 4,5 millions de personnes arrêtées, 200 000 étant arrêtées pour une durée inférieure à 15 jours et 800 000 pour une longue durée.

Nous accompagnons les médecins. L'idée de la Cour des comptes est en quelque sorte de rendre opposables les durées indicatives que nous avons définies dans des fiches repères, qui figurent dans l'arrêt de travail en ligne, y compris en sanctionnant financièrement les médecins qui ne les respecteraient pas. Bien évidemment, ces durées indicatives doivent être nuancées, pour une même pathologie, en fonction de la situation de l'assuré, de son environnement professionnel, de la pénibilité de son travail... Cela dit, il me paraît très compliqué de sanctionner financièrement un médecin qui a été amené à déroger - à la hausse ou à la baisse, d'ailleurs - à la durée fixée dans la fiche repère, compte tenu de la situation globale du patient. Je pense qu'il faut être très précautionneux sur ce plan.

Par ailleurs, nous travaillons sur le profil des médecins extrêmement prescripteurs. Les médecins-conseils de l'assurance maladie rendent visite à de nombreux médecins pour échanger sur le cas de patients. Ces échanges se passent très bien, parce qu'il ne s'agit pas de reprocher aux médecins d'avoir prescrit un arrêt : l'objectif est de rechercher, ensemble, des évolutions possibles, notamment en étudiant l'éventualité d'une reprise d'activité.

Monsieur Mouiller, vous m'avez posé une question très importante sur la combinaison des stratégies de moyen et de long termes avec la difficulté, pour les professionnels, d'attendre que les mesures produisent leurs effets, ce qui peut prendre plusieurs années.

Objectivement, la stratégie de transformation du système de santé annoncée en septembre 2019 a été très bien accueillie par l'ensemble des parties. Je pense que la vision stratégique que nous avons définie n'a été contestée par personne. Or sa mise en oeuvre prend évidemment du temps. À cet égard, nous sommes confrontés, aujourd'hui, à une difficulté quand les mesures que décidons n'ont aucune réalité dans le quotidien des soignants : alors que ceux-ci exercent leur métier dans des conditions extrêmement pénibles, il leur est très difficile d'entendre que les choses ne s'arrangeront que d'ici trois ou quatre ans !

Si j'ai bien compris ce qu'ont dit les plus hautes autorités de l'État, la prise en compte de cette difficulté conduira le Gouvernement à annoncer prochainement un certain nombre de mesures. J'ignore si celles-ci devront être traduites dans le PLFSS, mais il y a effectivement un risque de télescopage en termes de calendrier. Quoi qu'il en soit, si ces réponses ont une portée législative, elles devront, par définition, passer entre vos mains.

Pour ce qui concerne la question de la dépendance, j'estime que la création d'un congé pour le proche aidant constitue un début de réponse. C'est une mesure importante.

Le libre choix du matériel est une préoccupation tout à fait légitime. Elle doit toutefois être nuancée par la liberté de prescription médicale. En outre, si nous étions amenés à référencer un nombre plus réduit d'appareils que les 700 existant actuellement sur le marché, il faudrait évidemment veiller au maintien d'une pluralité d'offres pour chacune des gammes d'appareils ou chacun des éléments de la gamme.

Pour sauver un système à bout de souffle, il convient de mieux mobiliser les économies que l'on peut tirer de l'efficience médico-économique. Cela paraît plus pertinent que de jouer sur les tarifs. J'en suis tout à fait convaincu depuis que j'ai commencé à exercer mes responsabilités ! Au demeurant, je suis aussi très conscient qu'il est bien plus difficile et plus long de mettre en place des stratégies sur une multitude de sujets pour réaliser des gains possibles, d'identifier les actes redondants, de travailler sur la pertinence des prescriptions, d'améliorer la qualité des prises en charge, de renforcer la prévention primaire et secondaire que de réguler un tarif. Autant de chantiers absolument considérables sur lesquels nous essayons évidemment de progresser.

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ces différents sujets. Quoi qu'il en soit, s'il y a des marges de progrès à réaliser sur le plan organisationnel, c'est bien en matière d'organisation des soins dans les territoires.

En effet, ce qui constitue aujourd'hui, à mes yeux, un handicap lourd du système de santé français, c'est que nous n'avons pas réussi, jusqu'à présent, à apporter une réponse au double phénomène de cloisonnement et d'atomisation des acteurs. C'est d'autant plus préjudiciable que le choc épidémiologique et démographique que nous connaissons actuellement va se poursuivre et s'intensifier. La question de l'accès aux soins est d'autant plus difficile à régler quand on travaille seul, avec peu de moyens et pas d'équipe autour de soi, a fortiori quand on sait que les nouvelles générations ne s'inscrivent pas du tout dans le même schéma professionnel.

Quel que soit le bout par lequel on prenne le problème, on ne coupe pas à la nécessité qu'émerge, notamment au travers des CPTS, une capacité des professionnels de ville, mais aussi des hospitaliers et des acteurs du secteur médico-social, à travailler ensemble. Les CPTS ne doivent pas être des structures virtuelles, répondant à un schéma théorique. Elles doivent permettre de travailler ensemble sur des enjeux extrêmement concrets pour les médecins : comment prendre en charge, sur le territoire, un malade souffrant d'insuffisance cardiaque, de diabète ou de troubles psychiatriques ? Comment travailler ensemble ? Comment gérer une sortie d'hospitalisation compliquée ? Comment éviter une hospitalisation au profit d'une prise en charge à domicile ? Quand on les interroge, les acteurs demandent à ce qu'on les aide à travailler ensemble et à ce que l'on complète la palette de leurs outils, notamment en matière d'accompagnement social et par une meilleure collaboration entre médecine de ville et médecine hospitalière.

Nous n'avons pas souhaité plaquer les CPTS de manière autoritaire, parce que cela n'aurait pas marché. Nous avons voulu qu'elles partent de la ville. Si elles étaient parties des hôpitaux, tous les acteurs de la médecine de ville auraient refusé d'y participer...

Voilà le pari que nous faisons. Nous verrons ce qui en résultera au final, mais nous avons d'ores et déjà des retours positifs sur les 400 projets en cours.

Il y a encore six mois, j'entendais dire que la CPTS était un objet technocratique, qu'elle n'avait aucun sens, qu'elle n'intéressait personne et qu'elle ne servait à rien.

M. Michel Amiel. - Nous n'avons pas dit cela !

M. Nicolas Revel. - Certes, mais c'est quelque chose qu'il m'est arrivé d'entendre.

Six mois après, des professionnels de santé ont décidé de s'intéresser à ce sujet sur 400 territoires. Notre démarche est complètement ouverte, nous demandons en fait aux professionnels de traiter trois grands sujets, sans pour autant tout faire immédiatement : l'accès aux soins ; le parcours et la prise en charge des pathologies lourdes ; la prévention. Je ne vois pas d'autre chemin que celui-ci pour faire émerger une capacité d'action coordonnée à même de prendre en charge à l'échelle d'un territoire ces problèmes complexes. J'insiste, si une CPTS part bien de la médecine de ville, elle ne peut pas s'y cantonner : une CPTS qui n'intègrerait pas les établissements sanitaires et médico-sociaux ne sera jamais en capacité de traiter la question du parcours de santé et de la prise en charge globale des patients.

Il est évident que certains projets ne fonctionneront pas ou mal, mais nous ne voulons pas élaborer nous-mêmes le projet de santé - nous sommes dans une posture d'accompagnement, la demande devant émaner du territoire.

Je me suis rendu à Marseille. Il est normal que le projet mette du temps à émerger, mais je ne crois quand même pas qu'il faille passer trop de temps sur la première étape. Il faut surtout que les acteurs se mettent d'accord sur une première phase d'action et qu'il n'y ait pas plusieurs porteurs de projet.

Pour qu'une CPTS fonctionne, trois éléments sont nécessaires : la cohérence de son territoire ; la légitimité des porteurs du projet à fédérer les autres acteurs ; une vision claire du chemin à parcourir - il n'est pas nécessaire de tout faire tout de suite, je le disais tout à l'heure, mais il est important de savoir où l'on va.

Une question m'a été posée sur l'article du PLFSS relatif aux dérogations tarifaires. Nous constatons que certains établissements recourent plus que les autres à certains actes, sans qu'il y ait d'explication sanitaire particulière ; il existe déjà un dispositif contractuel permettant si besoin de moduler à la baisse les tarifs liés à ces actes et l'article du PLFSS pour 2020 constitue d'abord, pour moi, un aiguillon pour mieux dialoguer avec ces établissements.

L'Assemblée nationale a également adopté une disposition permettant la mise en place d'une trajectoire tarifaire pluriannuelle pour les hôpitaux à la fois en terme global et au niveau de chacun des actes. Cette disposition peut donner de la visibilité aux acteurs, ce qui constitue une très bonne approche. Cette visibilité est essentielle pour que les établissements puissent adapter correctement leur offre de soins.

En ce qui concerne les bilans de santé des enfants qui entrent dans le dispositif de l'aide sociale à l'enfance, les services de la protection maternelle et infantile pourront évidemment pratiquer de tels bilans, mais il me semble que la prise en charge de droit commun doit rester assurée par les médecins généralistes traitants habituels. Une telle consultation est de nature complexe, ce qui devra être traduit dans le champ conventionnel - je pense que nous pourrons le faire en 2020. Ce bilan permettra d'orienter les enfants pour la suite. Il restera alors la question de notre capacité collective à prendre en charge ces enfants, notamment en termes de suivi pédopsychiatrique. À ce stade, le coût de cette mesure me paraît raisonnable, puisqu'environ 30 000 enfants entrent dans le dispositif de l'ASE chaque année.

L'Assemblée nationale a adopté une disposition relative au tiers payant : celui-ci serait réservé aux produits génériques, même si les prix des produits princeps et génériques sont alignés. Cette mesure vise à maintenir une forme de prime pour les génériques. Il me semble que c'est un signal important envoyé aux patients. Ces médicaments doivent rester attractifs. Nous devons être conscients du fait que la situation deviendrait délicate, si les génériques ne présentaient plus d'intérêt particulier par rapport aux princeps.

Au sujet de l'homéopathie, il est évident qu'on nous demandera de regarder vers quels autres médicaments les patients se portent. Pour autant, l'existence éventuelle d'un tel report ne constitue pas en soi un motif pour annuler le déremboursement de l'homéopathie, car ce déremboursement est motivé par l'absence de service médical rendu de ces médicaments.

Mme Patricia Schillinger. - Quel bilan pouvez-vous tirer du congé de présence parentale ?

M. Nicolas Revel. - Je ne peux répondre à cette question, car ce point ne relève pas de la compétence de la Caisse nationale d'assurance maladie.

M. Alain Milon, président. - Nous vous remercions pour l'ensemble des informations que vous nous avez fournies. Elles nous seront particulièrement utiles pour l'examen prochain du PLFSS.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Proposition de loi visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Alain Milon, président. - L'ordre du jour appelle l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap.

M. Philippe Mouiller, rapporteur. - La proposition de loi déposée par le président Alain Milon vise à conforter un bel édifice : la prestation de compensation du handicap (PCH). Le rapport que je vous présente a été nourri par de nombreuses auditions, par les réflexions menées depuis le rapport d'information d'octobre 2018 intitulé Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive, ainsi que par les travaux de notre collègue député Philippe Berta, qui ont donné lieu à une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 17 mai 2018.

La PCH a été créée par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce texte important définit précisément le droit des personnes handicapées à la compensation des conséquences de leur handicap. La PCH est le principal dispositif visant à rendre ce droit effectif.

Bel édifice que la PCH, disais-je, car elle se présente sous une forme souple qui épouse les besoins des personnes. Elle peut couvrir en effet les charges résultant d'un besoin d'aide humaine ou technique, celles liées à l'aménagement du logement ou du véhicule, ainsi que les charges spécifiques ou exceptionnelles, comme celles liées à un besoin d'aide animalière.

Les besoins de la personne handicapée et l'aide qui lui est nécessaire sont préalablement évalués par une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, de psychologues, d'ergothérapeutes, etc. Les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, instances décisionnaires des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), se prononcent ensuite sur l'attribution de la PCH sur le fondement de cette évaluation.

Ce dispositif souple et ambitieux a rencontré un certain succès, puisqu'il bénéficie à présent à près de 284 000 personnes, mais il suscite de légitimes impatiences : l'accès à la PCH est souvent décrit comme complexe ; les modalités par lesquelles les départements contrôlent son utilisation sont parfois mal comprises par les bénéficiaires ; son articulation avec l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et son utilisation pour couvrir les surcoûts de transport posent aux familles de grandes difficultés ; le handicap psychique est mal pris en compte ; etc.

Le Gouvernement n'ignore pas ces dysfonctionnements, mais les réflexions engagées pour y remédier, depuis la conférence nationale du handicap, n'ont pas encore toutes abouti. Sur deux des points les plus essentiels que j'avais identifiés dans mon rapport d'information d'octobre 2018 - l'accès aux aides techniques et la couverture des frais de transport -, les choses, pour le dire crûment, traînent.

S'agissant des frais de transport en particulier, les dispositions législatives se sont succédé sans souci de la cohérence d'ensemble, de sorte que les familles font les frais d'une sorte de conflit de financeurs entre l'assurance maladie qui finance les trajets pris en charge par certains établissements spécialisés et les départements. Il est même des familles, pour lesquelles les enfants ne peuvent pas prendre le même moyen de transport le matin pour se rendre dans des établissements pourtant voisins, parce qu'ils ne sont pas pris en charge de la même façon...

J'envisageais initialement de compléter la proposition de loi par certaines clarifications qui sont nécessaires et par une expérimentation consistant à confier cette compétence au seul département, moyennant la récupération de la part de PCH du bénéficiaire servant à couvrir les frais de transport, mais le Gouvernement, là encore, m'a assuré que le sujet n'était pas mûr. Il est vrai qu'une telle réforme aurait un coût et que les relations financières entre l'État et les départements font encore l'objet d'un grand nombre de discussions.

Cette proposition de loi ne prétend pas tout reconstruire, mais elle fait deux choses immédiatement utiles : elle facilite l'accès à la prestation pour ceux qui en remplissent les critères et elle améliore ses modalités d'attribution, ce qui profitera autant aux personnes qui la touchent qu'aux départements qui la servent.

Son article 1er supprime une limite d'âge, dont la justification restait difficile à comprendre. La PCH n'est en effet accessible aujourd'hui qu'aux personnes de moins de 60 ans ou aux personnes de moins de 75 ans, dont le handicap s'est déclaré avant 60 ans. Il n'est même pas besoin de démontrer que la population des personnes handicapées vieillit pour convaincre qu'il faut supprimer ce seuil. Il suffit de dire qu'il pénalise ceux qui n'ont pas jugé utile de demander la PCH avant 75 ans, mais qui se retrouvent en difficulté, passé cet âge, en raison d'un changement survenu dans leur environnement, en raison par exemple du vieillissement ou du décès du conjoint qui apportait une aide humaine.

L'article 2 apporte une correction qui devrait faciliter la diminution du reste à charge des bénéficiaires de la PCH. Il s'agit de clarifier la base légale des fonds départementaux de compensation du handicap, créés en 2005 pour que le reste à charge des bénéficiaires n'excède pas 10 % de leurs ressources personnelles. L'actuel article du code de l'action sociale et des familles est en effet si ambigu que les gouvernements successifs n'ont pas su prendre le décret d'application qu'il exige. L'État a d'ailleurs été condamné pour ce motif par le Conseil d'État et paie depuis février 2016 une astreinte quotidienne de 100 euros comme sanction de son inaction.

Je voudrais insister sur ce point pour éviter tout malentendu : préciser que le reste à charge des bénéficiaires ne pourra excéder 10 % de ses ressources personnelles « dans la limite des financements des fonds » n'est pas un recul, mais bel et bien une clarification, car les financements complémentaires apportés par ces fonds ont toujours été contraints ; ils étaient en outre, faute de décret d'application, incertains et inéquitablement distribués. Avec cette nouvelle base légale, le rôle des fonds départementaux pour limiter le reste à charge des personnes handicapées est confirmé et le décret qui sera pris fixera des modalités d'intervention valables sur tout le territoire.

L'article 3 de la proposition de loi apporte plusieurs précisions utiles aux bénéficiaires comme aux départements. D'abord, il homogénéise les durées d'attribution des différents éléments de la prestation hors aides humaines. Les aides techniques sont en effet attribuées pour trois ans, comme les aides animalières, mais cette durée est de cinq ans pour les aides exceptionnelles ou les surcoûts liés au transport, et de dix ans pour l'aide à l'aménagement du logement. La direction générale de la cohésion sociale m'a indiqué que la durée qui serait retenue par voie réglementaire serait la plus avantageuse pour les bénéficiaires, à savoir dix ans. Cela évitera aux personnes de fastidieuses démarches de demandes de renouvellement.

L'article 3 précise, en outre, les modalités de contrôle du président du conseil départemental. D'une part, le contrôle porterait sur une période d'au moins six mois afin d'éviter que les bénéficiaires soient pénalisés par un contrôle strictement mensuel du seul fait, par exemple, qu'ils ont eu un moindre besoin d'aides humaines pendant le mois où ils étaient en vacances. D'autre part, le texte précise que le contrôle du président du conseil départemental ne pourrait porter que sur les sommes qui auront été effectivement utilisées afin d'éviter que les personnes qui n'auraient pas consommé entièrement leur plan d'aide, pour éviter un reste à charge, se voient réclamer des sommes qu'elles n'ont pas consommées.

L'article 3 crée, enfin, un droit à vie à la PCH, lorsque le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement, comme c'est déjà le cas depuis presque un  an pour la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé - il s'agissait d'ailleurs d'une initiative du Sénat - ou l'allocation aux adultes handicapés pour ceux dont le taux d'incapacité permanente est de 80 %. Notez que ce droit à vie n'empêcherait nullement les MDPH de continuer à suivre et orienter ces personnes en fonction de leurs besoins ni celles-ci de demander à ce que leur situation soit réévaluée.

Enfin, l'article 4, faute de pouvoir apporter de lui-même une solution globale au problème des transports des personnes handicapées, propose un cadre institutionnel préalable à la réforme à venir. Il crée auprès du ministre chargé des personnes handicapées un comité stratégique chargé d'élaborer et de proposer des évolutions des modes de transport des personnes handicapées assurant une gestion logistique et financière intégrée. Je ne vois pas d'autre moyen, à ce stade, pour pousser à ce que l'on remette à plat le financement des transports et que l'on désigne un unique détenteur de cette compétence qui me semble devoir être le département, sous réserve qu'on lui donne le financement nécessaire.

Vous le voyez, mes chers collègues, cette proposition de loi a des ambitions modestes, mais réalistes : améliorer immédiatement notre principal outil de compensation du handicap et catalyser la réforme de la prise en charge des transports des personnes handicapées pour rendre notre société toujours plus inclusive.

Je vous proposerai par conséquent de l'adopter, sous la simple réserve d'une correction rédactionnelle à l'article 3.

M. Alain Milon, président. - Je précise que ce texte sera examiné en séance publique le mardi 5 novembre.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - La proposition de loi supprime une barrière d'âge, celle des 75 ans, au-delà de laquelle les personnes handicapées ne peuvent plus demander à bénéficier de la PCH. C'est une bonne mesure, mais pourquoi ne pas supprimer aussi la barrière d'âge des 60 ans, qui concerne le moment de l'apparition du handicap ?

En ce qui concerne les restes à charge, l'article 2 fixe un plafond : « dans la limite des financements du fonds départemental ». Ne pensez-vous pas que le véritable problème est celui de l'absence de revalorisation de la PCH ? Ne faudrait-il pas prévoir que la PCH permette d'accéder à toutes les aides liées à la compensation, sans qu'il subsiste de frais supplémentaires pour les personnes handicapées ?

Ne faudrait-il pas supprimer les contrôles d'effectivité pour éviter la stigmatisation des personnes handicapées ?

Nous déplorons également la lenteur des procédures et leur variabilité selon les départements - elles peuvent aller de trois à douze mois - ce qui crée des inégalités territoriales. Comment résoudre ces problèmes ?

Enfin, le groupe CRCE avait déposé une proposition de loi pour faire en sorte que les revenus du conjoint ne soient pas pris en compte dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapées (AAH). Lors de son examen en séance publique, le rejet de ce texte avait été justifié par le fait qu'il aurait été plus judicieux d'augmenter la PCH. Qu'en pensez-vous ?

M. Jean-Marie Morisset. - La PCH représente 2 milliards d'euros pour les départements et elle a progressé de 5,6  % entre 2017 et 2018. Les procédures sont différentes selon les territoires et méritent certainement d'être améliorées, mais à mon sens, un meilleur accès à la prestation doit répondre à un meilleur financement pour les départements. Dans ces conditions, quel est l'impact financier des mesures proposées dans ce texte ? L'Assemblée des départements de France (ADF) a-t-elle été consultée ? A-t-elle émis des réserves ?

Mme Pascale Gruny. - L'article 2 du texte évoque une limite de 10 % des ressources personnelles. Est-ce que les ressources du conjoint sont prises en compte ? Pour les personnes handicapées, leur handicap ne doit pas impacter les revenus de leur conjoint. Un reste à charge de 10 % est déjà conséquent. Je suis élue d'un département qui se situe parmi les cinq plus pauvres de France et nous avons les plus grandes difficultés pour répondre à toutes les demandes.

Mme Nadine Grelet-Certenais. - La PCH concerne la compensation du handicap, mais le statut des personnes pose parfois un problème. Je connais l'exemple d'une personne qui est devenue tétraplégique du jour au lendemain à peu près au moment où elle prenait sa retraite. Parce que cet accident est advenu après ses 60 ans, elle n'a pas pu être prise en charge par la PCH, alors que les procédures qu'elle a lancées pour réparer le préjudice qu'elle a subi prennent beaucoup de temps.

M. Michel Amiel. - Pour les personnes handicapées qui sont élues, l'indemnité d'élu est-elle comptabilisée dans le calcul des ressources ?

M. Philippe Mouiller, rapporteur. - Monsieur Amiel, cette question a trouvé une réponse lors de l'examen récent du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Sous la pression du Sénat, le Gouvernement a déposé un amendement qui constitue une avancée indéniable.

Avant de répondre aux questions qui m'ont été posées, je voudrais préciser que cette proposition de loi, sur laquelle l'ADF a été consultée, sera examinée durant une semaine réservée par priorité au Gouvernement. Seule la mesure relative à la barrière d'âge a un coût, estimé à environ 69 millions d'euros, l'article 2 du texte étant limité aux enveloppes fixées par les départements.

Madame Apourceau-Poly, la proposition de loi n'entend pas remettre en cause l'ensemble du dispositif de la prise en charge du handicap en France. C'est pourquoi nous ne supprimons que l'une des barrières d'âge.

Madame Grelet-Certenais, il est vrai que ce texte ne règle pas le cas particulier que vous évoquez.

Concernant la revalorisation de la PCH, je crois que nous devons distinguer l'AAH et la PCH. L'AAH est un minimum social et peut légitimement prendre en compte l'ensemble des revenus du foyer, ce qui ne doit pas nous empêcher de réfléchir à réévaluer le barème - je crois que nous aurons cette discussion dans le cadre de l'examen du prochain projet de loi de finances. De son côté, la PCH est une aide individuelle répondant au droit à la compensation et le revenu ne doit pas y être directement associé. En tout état de cause, le Gouvernement a lancé un grand chantier sur ces questions et des négociations globales sont en cours, notamment sur le financement. Il est évident que le niveau de la PCH n'est pas suffisant au regard des besoins. De la même façon, les prises en charge de l'assurance maladie, notamment pour les aides techniques, n'ont pas été revalorisées depuis plusieurs années et il y a besoin d'une mise à jour à ce sujet.

Sur le contrôle d'effectivité, la période de référence d'au moins six mois est une avancée pour les personnes concernées. Le fait de prévoir un remboursement uniquement sur les sommes effectivement utilisées constitue également une avancée, mais le président du département doit disposer en contrepartie de davantage de pouvoirs de contrôle. Il est important de conforter la relation de confiance entre les personnes handicapées et les départements.

Le financement des fonds départementaux reste une décision des conseils départementaux. Aujourd'hui, le système ne fonctionne pas ou mal en raison de l'absence de décret d'application. Cette proposition de loi apporte donc une précision indispensable à leur mise en oeuvre.

Enfin, la question des délais d'examen par les CDAPH constitue une véritable difficulté et nous attendons beaucoup des propositions qui seront faites par le Gouvernement à l'issue des négociations en cours.

Mme Annie Delmont-Koropoulis. - Je souhaite simplement remercier l'auteur de ce texte et son rapporteur. Je suis médecin médico-social dans plusieurs établissements et je peux vous dire que les simplifications prévues dans ce texte sont très attendues. Elles permettront d'éviter de la paperasse inutile !

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement COM-2 ouvre la possibilité d'un partage de l'allocation choisie, allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AAEH) ou PCH, en cas de demande conjointe des parents ou de désaccord. C'est une question importante, mais qui dépasse le champ de la présente proposition de loi et trouvera certainement sa réponse à l'issue des concertations menées par le Gouvernement sur la parentalité. C'est pour cette raison que j'y suis défavorable.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 1er

M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement COM-1 prévoit le partage de l'AAEH en cas de demande conjointe des parents ou de désaccord sur l'identité de l'allocataire. C'est un sujet qui dépasse le champ de cette proposition de loi.

L'amendement COM-1 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis, alinéa 3, du Règlement du Sénat.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement COM-4 permet de revêtir d'un caractère suspensif toute réclamation contre une décision de récupération d'indu. Cette mesure existe déjà en ce qui concerne le revenu de solidarité active (RSA) et permet de mieux protéger les bénéficiaires. Avis favorable.

L'amendement COM-4 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-5.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Philippe Mouiller, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à préciser les missions du comité stratégique créé à cet article. Je ne voudrais pas que les dispositions que nous allons adopter aillent à l'encontre des négociations en cours ; il faudra que nous vérifiions ce point auprès du Gouvernement lors du débat en séance publique. Pour autant, la précision proposée me paraît plutôt utile. Avis favorable.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er
Critère d'âge

M. BABARY

2

Possibilité d'un partage de l'allocation choisie (AEEH ou PCH) en cas de demande conjointe des parents ou de désaccord.

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 1er

M. BABARY

1

Partage de l'AEEH en cas de demande conjointe des parents ou de désaccord sur l'identité de l'allocataire.

Irrecevable art . 45

Article 3
Contrôle d'effectivité et modalités d'attribution

Mme SCHILLINGER

4

Octroi d'un caractère suspensif à toute réclamation contre une décision de récupération d'indu.

Adopté

M. MOUILLER

5

Amendement de précision rédactionnelle.

Adopté

Article 4
Comité stratégique chargé de la question des transports

Mme SCHILLINGER

3

Élargissement des missions du comité stratégique créé auprès du ministre.

Adopté

Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Jocelyne Guidez rapporteure de la proposition de loi n° 438 (2018-2019) tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote.

La réunion est close à 11 h 40.