II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 38 bis (nouveau)

Pour 2012, le plafond des autorisations d'emplois des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale et des autorités administratives indépendantes dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État, exprimé en équivalents temps plein travaillé, est fixé à 2 225 emplois. Ce plafond est réparti comme suit :

Autorité

Plafond
exprimé en équivalents temps plein travaillés

Agence française de lutte contre le dopage

65

Autorité de contrôle prudentiel

1 121

Autorité des marchés financiers

469

Haute Autorité de santé

409

Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet

71

Haut Conseil du commissariat aux comptes

43

Médiateur national de l'énergie

47

Total

2 225

III. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, instaure, pour 2012, un plafond des autorisations d'emplois des autorités publiques indépendantes.

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. UN PLAFOND DES AUTORISATIONS D'EMPLOIS POUR SEPT AUTORITÉS

Le présent article résulte d'un amendement de nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général du budget, Michel Bouvard et Louis Giscard d'Estaing.

Le dispositif proposé fixe, pour 2012, un plafond des autorisations d'emplois des autorités publiques indépendantes (API) dotées de la personnalité morale et des autorités administratives indépendantes (AAI) dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat 1 ( * ) .

Le Gouvernement a donné un avis favorable à l'amendement de nos collègues députés, tout en présentant un sous-amendement actualisant les plafonds d'emplois des API et de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) 2 ( * ) au regard des effectifs prévus en 2012 3 ( * ) . La commission des finances a donné un avis favorable à ce sous-amendement, qui était nécessaire pour des raisons de procédure. En effet, pour ne pas créer de charges nouvelles et donc ne pas être frappé d'irrecevabilité financière au regard de l'article 40 de la Constitution, l'amendement de nos collègues députés ne pouvait que reprendre les effectifs en 2011 des autorités concernées, en laissant au Gouvernement le soin d'actualiser ces données pour 2012 dans un sous-amendement.

Le tableau ci-après détaille les plafonds d'emplois pour 2012 de sept API, tels qu'ils résultent de l'amendement de nos collègues députés et du sous-amendement du Gouvernement, ainsi que l'origine de leurs ressources.

Plafonds d'emplois pour 2012 de sept API et AAI

(en ETPT)

Autorité (et année de création)

Plafond d'emplois

Ressources

Agence française de lutte contre le dopage (AFLD, 2006)

65

Principalement, dotation budgétaire (à hauteur de 86 % des ressources
en 2009)

Autorité de contrôle prudentiel (ACP, 2010)

1 121

Contribution pour frais de contrôle : 162 millions d'euros prévus en 2011 (soit l'essentiel des ressources)

Autorité des marchés financiers (AMF, 2003)

469

Droits et contributions pour frais de contrôle : 50 millions d'euros prévus en 2011 (soit l'essentiel des ressources)

Haute autorité de santé (HAS, 2004)

409

Ressources propres 6 %, subventions 94 %

Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI, 2009)


71

Ressources issues de dotations budgétaires

Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C, 2003)

43

Droits et contributions (soit l'essentiel des ressources)

Médiateur national de l'énergie (MNE, 2006)

47

Principalement, dotation budgétaire

Total

2 225

Sources :

- pour les plafonds d'emplois, projet de loi de finances pour 2012 transmis au Sénat ;

- pour les ressources, Assemblée nationale, rapport d'information n° 2 925, Treizième législature (2007-2012) et sites Internet des autorités.

Dans le dispositif proposé par le présent article, une autorité a été oubliée , alors qu'elle répond aux critères retenus : l'Autorité de régulation des activités ferroviaires ( ARAF ).

Lors de son audition par nos collègues de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, le 29 mars 2011, notre ancien collègue député Pierre Cardo, président de l'ARAF, avait indiqué que les effectifs de ses personnels s'élevaient alors à 30 ETPT, et qu'ils devaient être prochainement portés à 60 ETPT.

B. UN DISPOSITIF S'INSCRIVANT DANS LA CONTINUITÉ DES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET PRENANT EN COMPTE UNE PRÉCÉDENTE CENSURE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

1. Une mise sous plafond d'emplois encore hors plafond

Ce dispositif s'inscrit dans la continuité des travaux engagés par nos collègues René Dosière et Christian Vanneste, dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale, et qui ont donné lieu à la publication d'un rapport d'information en octobre 2010 sur les autorités administratives indépendantes (AAI) 4 ( * ) . La fixation d'un plafond d'emplois des API, dans chaque projet de loi de finances, était l'une des recommandations de ce rapport.

Selon notre collègue député Michel Bouvard lors de la présentation de l'amendement en séance publique, les autorités indépendantes devaient également être concernées par l'effort de maîtrise des dépenses de personnel et donc être soumises à un plafond d'emplois, à l'instar des ministères et, depuis le 1 er janvier 2009, des opérateurs de l'Etat 5 ( * ) . Il est toutefois tenu compte de l'évolution de leurs missions, comme l'a également observé notre collègue député Michel Bouvard : « le plafond s'applique dès lors qu'il n'y a pas de mission nouvelle ».

2. La prise en compte d'une décision du Conseil constitutionnel

L'article 72 de la première loi de finances rectificative pour 2011 6 ( * ) avait déjà retenu le principe selon lequel, chaque année, la loi de finances fixe le plafond des autorisations d'emplois des API dotées de la personnalité morale et des AAI dont les effectifs ne sont pas inclus dans le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat. Ces dispositions avaient été supprimées par le Sénat à l'initiative de la commission des finances, avec l'avis favorable du Gouvernement, avant d'être rétablies en commission mixte paritaire.

Puis elles avaient été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011, en considérant que « seule une loi organique peut fixer le contenu des lois de finances » en général, mais qu' « il est loisible au législateur de prévoir, dans chaque loi de finances , des dispositifs permettant de contenir l'évolution des dépenses des organismes relevant de l'Etat » 7 ( * ) .

Par conséquent, le dispositif adopté au présent article fixe le plafond d'emplois, pour la seule année 2012 , de plusieurs organismes limitativement énumérés. Mais, selon les auteurs de l'amendement, cette disposition a vocation à devenir permanente, en figurant à l'avenir dans chaque projet de loi de finances initiale.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN OBJECTIF COMPRÉHENSIBLE : LA MISE SOUS PLAFOND D'EMPLOIS PUBLICS QUI AUJOURD'HUI NE LE SONT PAS

Les députés à l'origine de ce dispositif observent que les emplois de l'Etat sont soumis à un plafond ministériel (qui comprend d'ailleurs les effectifs des autorités indépendantes dépourvues de la personnalité morale) tandis que les emplois des opérateurs font, depuis 2009, également l'objet d'un plafond voté annuellement en loi de finances.

Pour des raisons de principe, ils proposent d'étendre le dispositif du plafond aux autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale, qui échappent aujourd'hui à ce type de contrôle.

Pour des raisons pratiques, ils constatent que les « effectifs des API ne représentent pas un fort enjeu global, mais qu'ils croissent fortement » et qu'il « n'y a pas lieu de les exonérer (...) , des règles de discipline budgétaire qui s'appliquent aux services de l'État, à ses établissements publics et autres opérateurs, ainsi qu'aux autres autorités administratives indépendantes non dotées de la personnalité morale ».

Par réalisme, ils concèdent que ce plafonnement doit s'entendre « sauf missions nouvelles ».

Les effectifs concernés représentent environ un millième de ceux de l'Etat, mais progresseraient de 221 ETPT en 2012 (en hausse de 19,7 % en deux ans, sur la période 2010-2012), soit un enjeu financier de l'ordre de 10 millions d'euros 8 ( * ) . En valeurs absolues, l'évolution des effectifs la plus importante concernerait l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) (de 904 ETPT en 2010 à 1 121 ETPT en 2012, soit une hausse de 24 % en deux ans), le plafond d'emplois voté par l'Assemblée nationale prenant en compte l'extension des missions de l'ACP en 2012. En données relatives, ce sont les effectifs de HADOPI qui progressent le plus fortement au cours de la période 2010-2012, de 20 à 70 ETPT (soit une hausse de 250 %).

B. UN DISPOSITIF PARADOXALEMENT PLUS DUR POUR LES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES QUE POUR LES OPÉRATEURS

La situation des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale (API) doit être appréciée au regard de celle des autorités administratives indépendantes non dotées de cette personnalité (AAI), avec lesquelles elles partagent la caractéristique d'être des autorités indépendantes.

La situation des API doit aussi être appréciée au regard de celle des opérateurs de l'Etat, avec lesquels elles partagent le fait d'être dotées de la personnalité morale. L'une des conséquences de ce statut est que les décisions en matière budgétaire, et donc de personnel (recrutements, politique salariale, etc.), ne sont pas prises par l'Etat mais par les organes dirigeants 9 ( * ) .

Schématiquement, le statut d'API n'a pas été inventé pour faire en sorte que ces autorités soient plus indépendantes que les AAI - car l'indépendance est la même quel que soit le statut juridique - mais pour les placer dans une situation fonctionnelle plus souple, permettant d'éloigner les doutes sur la possibilité pour l'Etat de faire pression sur elles en mettant en cause leurs moyens matériels. Ce statut leur permet en outre de bénéficier de ressources affectées, elles aussi de nature à améliorer la présomption d'indépendance, qui est la condition essentielle de la crédibilité - internationale en particulier - d'un régulateur.

Si le plafond d'emplois proposé par le présent article devait être considéré comme limitatif, il s'appliquerait dans les conditions différentes de celui des AAI et de celui des opérateurs :

- les AAI sont soumises à des plafonds limitatifs car elles sont incluses dans les plafonds ministériels, prévus à l'article 9 de la loi organique relative aux lois de finances. Cependant, au sein de ce plafond, les AAI peuvent négocier l'évolution de leurs emplois avec les autres structures administratives abritées sous ce plafond. Le plafond proposé pour les API ne présente pas cette souplesse puisque le plafond s'applique autorité par autorité ;

- alors que le plafond applicable aux opérateurs est calculé en « équivalents temps plein » (ETP), le plafond proposé au présent article est plus strict puisque fondé sur des  « équivalents temps plein travaillés » ;

- les opérateurs sont soumis à des plafonds en pratique indicatifs, puisque le plafond s'applique globalement à l'ensemble des opérateurs relevant d'un même programme au sein d'une mission. Les décisions sont prises, in fine , par les organes délibérants. L'exposé des motifs de l'article du projet de loi de finances relatif au plafond des opérateurs de l'Etat précise que « la déclinaison par opérateur ou catégorie d'opérateurs du plafond des autorisations d'emplois par programme fixée par le présent article est présentée dans le volet opérateurs des projets annuels de performance ».

Cependant, comme le souligne notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général, dans son commentaire de l'article 37 du présent projet de loi de finances, « alors que les plafonds d'emplois rémunérés par l'État sont juridiquement limitatifs (article 9 alinéa 3 de la LOLF), les plafonds relatifs aux opérateurs n'ont que vocation à constituer, selon les termes de l'exposé des motifs du présent article, « le mandat des représentants de l'État lors du vote des budgets 2012 des opérateurs » ».

Dès lors, il résulterait du dispositif proposé que le plafond voté en loi de finances ne s'imposerait pas forcément à des opérateurs dotés de la personnalité morale - mais placés sous tutelle -, alors que, paradoxalement, il serait contraignant pour des autorités dotées de la personnalité morale, et par surcroît indépendantes.

En effet, dans le cas des opérateurs, ce plafond est présenté comme le mandat donné aux représentants de l'Etat siégeant dans les instances chargées de voter les budgets. Or, les API étant indépendantes, aucun représentant de l'Etat ne siège dans leurs collèges.

En tout état de cause, considérant que l'Assemblée nationale est déterminée à introduire dans la loi un dispositif de ce type, il est possible de s'y rallier dès lors que ce dispositif a vocation à s'appliquer à la seule année 2012. Il sera possible d'en dresser un bilan l'année prochaine, avant de se prononcer sur l'intérêt de le reconduire.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a décidé de réserver sa position sur cet article.


* 1 Il convient de rappeler que, lorsqu'une AAI est dépourvue de la personnalité morale, ses effectifs sont compris dans le plafond du programme auquel elle se rattache.

* 2 L'ACP est issue de la fusion de trois AAI, la Commission bancaire, le Comité de contrôle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), ainsi que du Comité des entreprises d'assurance (CEA). Adossée à la Banque de France, l'ACP n'est pas dotée de la personnalité morale, contrairement à l'ACAM à laquelle elle succède. Il résulte du statut de l'ACP qu'elle constitue une AAI sui generis , disposant de l'autonomie financière et dont les agents ont comme employeur la Banque de France.

* 3 Il faut noter que la position du Gouvernement a évolué, puisqu'il avait donné un avis favorable à un amendement du Sénat supprimant un dispositif de même inspiration, introduit par l'Assemblée nationale dans le premier projet de loi de finances rectificative pour 2011 ( cf . infra ).

* 4 Rapport d'information n° 2 925, Treizième législature (2007-2012).

* 5 L'article 64 de la loi (n° 2007-1822) du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 a prévu qu' « à compter du 1 er janvier 2009, le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'Etat est fixé chaque année par la loi de finances ».

* 6 Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

* 7 Les éléments soulignés le sont par votre rapporteure générale.

* 8 Dans le PLF 2012, le Gouvernement évalue à 31 800 euros l'économie moyenne résultant de la suppression d'un emploi. Sur cette base, la création de 221 ETPT représente une dépense de 7 millions d'euros, mais votre rapporteure générale a retenu une estimation plus élevée - par de l'ordre de 10 millions d'euros - au regard du profil des personnes embauchées par les API, en l'absence d'informations détaillées sur les coûts moyens de personnel de chacune de ces autorités. En cas d'adoption de l'article 47 quaterdecies du présent projet de loi de finances ces données seront, à l'avenir publiques, puisqu'elles figureront dans un « jaune » budgétaire annexé au projet de loi de finances.

* 9 A l'exception, au sein des API, du médiateur de l'énergie qui n'a pas de collège et dont le budget est fixé par arrêté des ministres chargés de l'économie, de l'énergie et de la consommation, après avis du ministre chargé du budget.