IV. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU SAMEDI 3 DÉCEMBRE 2011)

M. le président. L'amendement n° II-352, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L'article 150-0 D bis est abrogé ;

2° Le I bis de l'article 150-0 A est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du 1, les mots : « et sous réserve du respect des conditions prévues au 1° et au c du 2° du II de l'article 150-0 D bis » sont remplacés par les mots : « , sous réserve que la durée et le caractère continu de la détention des titres ou droits cédés puissent être justifiés par le contribuable et que la société, dont les actions, parts ou droits sont cédés, a son siège social dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale » ;

b) Le 5 est ainsi rédigé :

« 5. Pour l'appréciation de la durée de détention prévue au 1, la durée de détention est décomptée à partir du 1 er janvier de l'année d'acquisition ou de souscription des titres ou droits, et :

« 1° En cas de cession de titres ou droits effectuée par une personne interposée, à partir du 1 er janvier 2006 ou, si elle est postérieure, à partir du 1 er janvier de l'année d'acquisition ou de souscription des titres ou droits par la personne interposée ;

« 2° En cas de vente ultérieure de titres ou droits reçus à l'occasion d'opérations mentionnées à l'article 150-0 B ou au II de l'article 150 UB, à partir du 1 er janvier 2006 ou, si elle est postérieure, à partir du 1 er janvier de l'année d'acquisition des titres ou droits remis à l'échange ;

« 3° En cas de cession à titre onéreux de titres ou droits reçus en rémunération d'un apport réalisé sous le régime prévu au I ter de l'article 93 quater , au a du I de l'article 151 octies ou aux I et II de l'article 151 octies A, à partir du 1 er janvier 2006 ou, si elle est postérieure, à partir du 1 er janvier de l'année au cours de laquelle l'apporteur a commencé son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;

« 4° Pour les titres ou droits acquis ou souscrits avant le 1 er janvier 2006, à partir du 1 er janvier 2006. » ;

3° Au premier alinéa des I et II de l'article 150-0 D ter , après la référence : « l'article 150-0 D bis », sont insérés les mots : « , dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n°          du                   de finances pour 2012, » ;

4° Au d du II de l'article 1391 B ter , la référence : « , à l'article 150-0 D bis » est supprimée ;

5° Au a bis du 1° du IV de l'article 1417, les mots : « et du montant de l'abattement mentionné à l'article 150-0 D bis » sont supprimés.

II. - Au neuvième alinéa du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, les mots : « , à l'article 150-0 D bis » sont supprimés.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement vise à aller au bout de la démarche engagée par l'Assemblée nationale.

Constatant que l'application, à compter de 2012, d'abattements sur le montant des plus-values de cession de valeurs mobilières allait engendrer une perte de recettes de l'ordre de 1 milliard d'euros à compter de 2014, les députés ont souhaité empêcher que pareil phénomène se produise.

Madame la ministre, vous vous en souvenez sans doute, la commission des finances du Sénat, partant de la même analyse, avait adopté, sur la première partie, un amendement tendant à abroger de tels abattements. Cet amendement a été par la suite retiré, de façon à concentrer le débat sur le dispositif introduit, dans la deuxième partie cette fois, par les députés au travers de l'article 42 bis .

L'Assemblée nationale a cependant tenté de sauvegarder une partie de l'esprit du mécanisme actuel en transformant les abattements en reports d'imposition dans le cas où un contribuable détenant plus de 10 % des titres d'une société les vendrait et réinvestirait plus de 80 % de sa plus-value nette dans le capital d'une autre société, ce qui lui permettrait de bénéficier ainsi d'une exonération au bout d'un certain nombre d'années.

Le gain net attendu des dispositions de l'article 42 bis serait de 850 millions d'euros : d'un côté, l'abrogation desdits abattements éviterait une perte de recettes de 1 milliard d'euros ; de l'autre, le remploi des plus-values représenterait un coût de 150 millions d'euros.

La condition de remploi des plus-values de cession paraît séduisante au premier abord, car elle constitue une incitation à investir en fonds propres dans des entreprises.

Cependant, le dispositif proposé est complexe et pourrait donner lieu à de multiples contournements et optimisations.

Dans ces conditions, mieux vaut supprimer intégralement le régime d'abattements sur les plus-values de cession de valeurs mobilières et éviter une perte de recettes pour l'État de 1 milliard d'euros, ce qui ne nous interdit pas d'imaginer des modalités plus simples pour utiliser l'enveloppe de 150 millions d'euros en faveur du financement des entreprises.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, le nouveau dispositif que vous critiquez résulte d'une étroite collaboration entre le Gouvernement et la commission des finances de l'Assemblée nationale. Son coût s'élève, non pas à 1 milliard d'euros, mais à une centaine de millions d'euros.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oui, 150 millions d'euros !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est vous qui avez évoqué un coût de un milliard d'euros !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce sont les députés qui s'en sont aperçus, grâce au débat engagé par la commission des finances du Sénat !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cela fait déjà un moment que les députés ont compris que le dispositif antérieurement prévu ne fonctionnerait pas.

Pour éviter toute ambiguïté, je répète que le nouveau mécanisme coûtera, non pas 1 milliard, mais 150 millions d'euros.

En proposant de ne plus exonérer les plus-values lors de cessions mobilières, sauf lorsque les sommes en cause sont réinvesties dans des PME, l'objectif est de maintenir, voire de favoriser l'investissement dans ce type d'entreprises.

Nous le savons bien, les Français investissent peu en actions, surtout lorsqu'il s'agit de PME, et notre pays ne compte pas suffisamment de business angels . Nous voulons tout faire pour soutenir ceux qui prennent le risque d'investir leur épargne dans des petites et moyennes entreprises.

Nous le savons bien, de tels mécanismes de réinvestissement dans les PME doivent bénéficier d'une incitation fiscale, faute de quoi ils ne sont pas suffisamment attractifs au regard de la rentabilité offerte par des investissements beaucoup plus sûrs, comme l'assurance vie ou le PEA.

Nous souhaitons maintenir l'article 42 bis dans sa rédaction actuelle, qui répond à un objectif véritablement vertueux, en permettant aux épargnants de réinvestir le fruit de leur épargne dans les PME.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, vous ne cessez de faire référence aux PME. Mais rien, dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, ne permet d'affirmer que le dispositif joue spécifiquement en leur faveur ! Or je l'ai lu et relu : toutes les entreprises sont concernées.

Le montage mis en place conjointement par les députés de la majorité à l'Assemblée nationale et vos services est très complexe : c'est une véritable usine à gaz, qui va encourager des montages ayant la défiscalisation pour unique objet.

Mieux vaut jouer la carte de la simplicité : il est plus honnête et plus juste de supprimer ce dispositif d'abattements. À quoi bon insister pour le maintenir s'il ne bénéficie, en définitive, qu'à une petite minorité aisée, capable de s'offrir les services de professionnels de la défiscalisation ? En tout cas, ne prétendez pas qu'il s'agit d'encourager l'investissement dans les PME !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, le texte de l'article 42 bis est très précis : les titres détenus dans une société doivent représenter au moins 5 % du total. Il est bien évident qu'il ne peut s'agir de 5 % de L'Oréal ! Sont donc clairement visés les investissements dans des PME, pas dans des grands groupes.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame la ministre, ce débat est intéressant et mérite qu'il soit mené jusqu'à son terme.

Le dispositif peut tout aussi bien s'adresser à un cabinet spécialisé qui crée des holdings - cela existe ! - et procède à des investissements diversifiés dans des sociétés cotées, éventuellement des sociétés du CAC 40. Ces holdings proposent ensuite à des contribuables de remployer leurs fonds, en veillant à ce que la taille de chacun de ces véhicules assure la détention d'au moins 5 % des droits de vote pour chaque porteur de parts. Pour les investissements à venir, de tels montages pourraient d'ailleurs s'envisager dès la première étape, les contribuables devant, cette fois, détenir 10 % du capital ou des droits de vote de la holding considérée.

L'article 42 bis constitue un encouragement à des pratiques d'optimisation. C'est comme cela que je le comprends !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. La rédaction de cet article a été particulièrement soignée. C'est le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale qui a tenu la plume d'une main experte, en liaison avec mes services.

L'objectif est de faire détenir des parts, non pas de sociétés d'intermédiation ou de holdings, mais bien de PME, d'entreprises de l'économie réelle.

M. Yann Gaillard. On n'a aucune garantie !

Mme Marie-France Beaufils. Même M. Gaillard est d'accord avec nous !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est dans cet esprit qu'a été rédigé l'article, même si les multiples références qu'il comporte nécessite, j'en conviens, de naviguer entre d'assez nombreux articles du code général des impôts pour en comprendre pleinement le sens.

Je le dis solennellement devant la représentation nationale, car les débats au Parlement font foi lorsqu'il s'agit d'interpréter une loi fiscale : cette disposition ne vise pas l'acquisition de parts de sociétés financières ; elle est destinée à encourager la détention de parts de PME de l'économie réelle.

Cela étant, la Haute Assemblée est évidemment souveraine dans ses votes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-352.

(L'amendement est adopté.)

M. le président . En conséquence, l'article 42 bis est ainsi rédigé.