II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 3805 (2011-2012)

Observations et décision de la Commission :

L'arrêt de la diffusion télévisuelle par voie analogique permet de libérer à compter du 1 er décembre 2011 des fréquences radioélectriques (celles dites de la bande 800 MHz, comprises entre 791 et 862 MHz), qui sont actuellement mises aux enchères et devraient pouvoir être utilisées par la quatrième génération de téléphonie mobile, permettant un accès plus rapide à l'internet mobile.

Les fréquences basses (inférieures à 1 GHz) sont dites « en or », car elles présentent des caractéristiques de propagation radioélectrique favorables, rendant plus aisé le déploiement de grands réseaux. Ces fréquences demeurent situées au voisinage de la bande dite UHF permettant la diffusion de la télévision numérique terrestre (TNT). Aussi, lorsqu'elles seront utilisées par des stations d'émission, la réception de la TNT devrait être brouillée pour certains utilisateurs.

Le présent article a pour objet d'assurer un meilleur traitement des réclamations qui seront suscitées par ces brouillages. À cette fin, il prévoit, d'une part, l'instauration d'une taxe destinée à financer le recueil et le traitement par l'Agence nationale des fréquences des réclamations liées au brouillage de la TNT par les futurs titulaires des autorisations d'utilisation des fréquences en or et, d'autre part, une obligation d'information sur la mise en service des stations radioélectriques utilisant ces fréquences en or.

A.- LE TRAITEMENT DES BROUILLAGES CAUSÉS PAR LES RÉSEAUX DE LA BANDE DE FRÉQUENCES 800 MHZ

1.- Le coût du traitement des réclamations relatives aux brouillages par l'Agence nationale des fréquences

L'Agence nationale des fréquences (ANFR) est chargée d'assurer, dans le cadre d'une convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), la protection de la réception de la télévision sur le territoire national. À ce titre, elle reçoit et instruit les réclamations des personnes subissant des perturbations.

Le traitement des perturbations de la réception des services de communication audiovisuelle

par l'Agence nationale des fréquences (ANFR)

Lorsqu'une personne constate une perturbation récurrente de la réception des services de communication audiovisuelle, elle peut formuler une demande d'enquête auprès de l'Agence nationale des fréquences. Cette demande, remplie sur un formulaire, doit être appuyée par le recours à un professionnel (installateur ou organisme de contrôle) qui fournit les informations techniques sur l'installation et certifie que la perturbation ne provient pas d'un dysfonctionnement de l'installation domestique. Cette intervention d'un professionnel n'est pas remboursée.

Après une première analyse, l'ANFR peut être conduite à effecteur un déplacement sur le site, au moyen de véhicules permettant de repérer l'origine de la perturbation.

Depuis 2007, le rythme annuel des réclamations a eu tendance à croître. Il est maintenant de l'ordre de 2 000 réclamations par an, les deux tiers d'entre elles étant valides et le quart d'entre elles appelant un déplacement sur site. Bien que les brouillages liés à d'autres émetteurs de radiodiffusions ne représentent que 20 % des réclamations, ils exigent un traitement plus lourd (près de la moitié de la charge de travail).

L'évaluation préalable jointe au présent projet de loi de finances explique que près de 500 000 foyers sont susceptibles de voir la réception de la télévision numérique terrestre perturbée par l'utilisation des fréquences radioélectriques de la bande 800 MHz. Il est donc prévisible que le nombre de demandes d'enquête transmises à l'ANFR augmentera considérablement à compter de la mise en service des stations des opérateurs.

2.- L'instauration d'une taxe sur les attributaires des fréquences de la bande 800 MHz

Pour assurer à l'ANFR les moyens financiers nécessaires à la gestion de ces plaintes en brouillage, le présent article propose, en insérant un I bis dans l'article L. 43 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), de mettre à la charge des titulaires des autorisations d'utilisation des fréquences de la bande 800 MHz, dans la limite de deux millions d'euros par an, l'ensemble des coûts exposés par l'ANFR pour le recueil et le traitement des réclamations des téléspectateurs liées au brouillage causé par la mise en service des stations de cette bande de fréquence.

En prévoyant que ne devront être pris en considération que les brouillages correspondant à la réception de services de communication audiovisuelle diffusés par des stations d'émission ayant été autorisées avant la mise en service des stations utilisant les fréquences de la bande 800 MHz, il s'agit de garantir le respect du principe d'antériorité en matière de prise en charge du coût du brouillage. Ce principe est en effet déjà appliqué par l'ANFR lorsqu'elle demande à des émetteurs de remédier aux interférences qu'ils produisent. Il est nécessaire de le prévoir explicitement dans la loi, dans la mesure où son application est nécessaire afin de déterminer précisément l'assiette annuelle de la contribution qui est instaurée par le présent article.

Nulle imposition ne saurait être établie sans que soit fixée par le législateur l'assiette de cette imposition. En l'espèce, l'assiette est le coût annuel lié au traitement par l'ANFR des réclamations liées au brouillage des services de télévision par les stations installées dans la bande 800 MHz. Cette assiette est toutefois plafonnée à deux millions d'euros. Le choix de fixer à deux millions d'euros ce plafond se fonde sur une estimation haute des coûts de traitement des réclamations. Avec une hypothèse de coût unitaire de l'ordre de 10 euros, et un nombre total de plaintes de l'ordre de 500 000, le coût global pourrait s'élever à 5 millions d'euros, ces coûts étant répartis sur la durée de la période de déploiement des réseaux mobiles dans la bande 800 MHz, qui devrait être de l'ordre de 5 ans. En théorie, le coût annuel ne devrait donc pas être supérieur à un million d'euros. Le fait de prévoir un plafond deux fois plus élevé permet de se prémunir contre un pic de réclamations qui surviendrait lors des premières années de déploiement des réseaux mobiles dans cette bande de fréquences.

D'autre part, le fait que le montant annuel de la taxe soit plafonné ne devrait pas pour autant avoir des conséquences sur un éventuel dépassement de ce plafond pour une année donnée. Ainsi, dans l'hypothèse où le coût réel de traitement des réclamations s'élèverait à 2,1 millions d'euros la première année, puis à 1,7 million d'euros la deuxième année, la taxe recouvrée s'élèverait à 2 millions d'euros la première année, puis à 1,8 million d'euros la deuxième année (les 100 000 euros d'écart avec le coût de la deuxième année s'expliquant par la prise en charge du coût de l'année N non encore couvert par la taxe perçue au titre de la première année).

Une fois déterminé le montant de la contribution mise à la charge des attributaires des fréquences, ce montant sera réparti entre ces derniers en fonction de la part des brouillages susceptibles d'être causés par l'utilisation des blocs de fréquences qui leur seront attribuées. Cette règle de répartition devrait permettre de prendre en compte la plus ou moins grande probabilité des opérateurs de téléphonie mobile de participer au brouillage selon le bloc de fréquences attribué. En outre, cette règle de répartition ne prendra pas en compte les dates de mises en service effectives des différentes stations radioélectriques.

Le choix de renvoyer à un décret en Conseil d'État la fixation de cette clef de répartition est dicté par la nécessité de prévoir une possibilité de révision simple de cette clef, si des corrections devaient être apportées en ce qui concerne l'appréciation des probabilités de brouillage de chacune des bandes de fréquences attribuées.

En fait, une clef provisoire est d'ores et déjà connue des personnes participant à l'appel d'offres, afin que celui-ci puisse se dérouler en toute connaissance de cause, les offres devant être déposées avant le 15 décembre 2011.

L'ATTRIBUTION DES BLOCS DE FRÉQUENCES DE LA BANDE 800 MHZ

Blocs de fréquences
mis aux enchères

Prix de réserve

Clef de répartition provisoirement envisagée

791-801 MHz et 832-842 MHz

400 millions d'euros

57 %

801-806 MHz et 842-847 MHz

300 millions d'euros

12 %

806-811 MHz et 847-852 MHz

300 millions d'euros

12 %

811-821 MHz et 852-862 MHz

800 millions d'euros

19 %

Cette répartition de la taxe permettra d'éviter que l'ANFR recherche pour chaque brouillage la responsabilité des différents attributaires de blocs de fréquences, ce qui serait un travail fastidieux et difficile.

Avec l'application d'une clef de répartition indépendante des dates respectives de mise en service des différents émetteurs, sera garantie dans le même temps une neutralité de l'imposition par rapport au rythme de déploiement des réseaux des différents opérateurs.

Répartie entre les opérateurs, la contribution sera recouvrée par l'agent comptable de l'ANFR, qui émettra des titres de recettes. Rien ne saurait en effet s'opposer à ce que cette nouvelle taxe soit recouvrée par l'émission de titres de recettes par l'Agence nationale des fréquences, les montants ainsi perçus devant être affectés au budget de cet établissement public.

Il est par ailleurs nécessaire d'établir précisément la date à laquelle la contribution devra être acquittée par les opérateurs. Compte tenu du fait que le montant précis de la contribution due ne sera connu qu'en début d'année, en fonction des coûts engagés par l'ANFR au cours de l'année précédente pour traiter les réclamations, le recouvrement ne saurait intervenir avant cette date.

Or, la rédaction proposée pour le deuxième alinéa du I bis de l'article L. 43 du CPCE ne précise pas à quel moment le recouvrement de la taxe devra être effectué. Il semble possible d'envisager un recouvrement en une seule fois, le montant de la contribution demeurant relativement modeste au regard des autres taxes que doivent acquitter les opérateurs. Il semble nécessaire que cette précision figure dans la disposition législative, pour que les modalités de recouvrement de l'imposition qui est créée soient définies de manière suffisamment précise par le législateur.

L'étude d'impact jointe au présent projet de loi explique que l'instauration de cette taxe supplémentaire est compatible avec la législation communautaire. La directive 2002/20/CE du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques prévoit la possibilité d'imposer aux attributaires des fréquences des taxes administratives couvrant les coûts administratifs globaux liés à ces autorisations (article 12) ainsi que des redevances pour les droits d'utilisation des radiofréquences, ou de mettre en place des ressources (article 13). La taxe qui est instituée relèverait de la première de ces deux catégories.

En l'état actuel du droit, les ressources de l'ANFR, énumérées au V de l'article L. 43 du CPCE, comprennent des subventions du budget de l'État, la rémunération des services rendus, les revenus du portefeuille ainsi que le produit des dons et legs. Par l'institution de cette taxe, les sources de financement de cet établissement public sont modifiées. S'y ajoutera désormais la taxe des opérateurs attributaires des blocs de fréquences 800 MHz pour le traitement des réclamations relatives aux brouillages des réceptions audiovisuelles, et il convient donc de compléter en ce sens le V de l'article L. 43 du CPCE (B du présent article).

B.- L'OBLIGATION D'INFORMATION SUR LA MISE EN SERVICE DES STATIONS RADIOÉLECTRIQUES DE LA BANDE DE FRÉQUENCES 800 MHZ

Une fois les autorisations d'utilisation de fréquences délivrées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), à l'issue de la procédure d'enchères, les titulaires de ces autorisations pourront mettre en service des stations radioélectriques correspondant à ces fréquences. Le cas échéant, l'implantation d'une station radioélectrique devra requérir l'accord de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), en vertu de l'article L. 43 du CPCE.

Néanmoins, ces différentes dispositions ne garantissent pas une information en temps réel sur la mise en service des stations radioélectriques affectées aux fréquences en or.

Il est donc proposé d'insérer un nouvel alinéa dans l'article L. 42-1 du CPCE, afin d'exiger des titulaires d'autorisations d'utilisation des fréquences 800 MHz d'informer l'ARCEP, le CSA et l'ANFR de la date effective de mise en service de chaque station radioélectrique affectée à ces fréquences.

Cette information permettra à l'ANFR de mieux analyser les réclamations relatives aux perturbations de la réception de la télévision numérique.

En outre, la transmission de cette information au CSA et à l'ARCEP peut s'expliquer par le fait que ces deux institutions sont les attributaires des fréquences concédées dans un cas aux opérateurs de communication audiovisuelle et dans l'autre aux opérateurs de téléphonie mobile. Il serait toutefois possible de simplifier la transmission de l'information par les opérateurs en prévoyant que l'ANFR, recevant l'information des opérateurs, devra la transmettre au CSA et à l'ARCEP.

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La Commission adopte l'article 47 sans modification .